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Commission des affaires économiques

Mercredi 27 avril 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 71

Présidence de Mme Frédérique Massat, Présidente

–  Audition, ouverte à la presse, des syndicats d’EDF, sur la situation de cette entreprise, avec Mme Marie-Claire Cailletaud (CGT) et MM. Jacky Chorin (FO), Alexandre Grillat (CFE-CGC) et Vincent Rodet (CFDT) 2

La commission a auditionné des syndicats d’EDF, sur la situation de cette entreprise, avec Mme Marie-Claire Cailletaud (CGT) et MM. Jacky Chorin (FO), Alexandre Grillat (CFE-CGC) et Vincent Rodet (CFDT).

Mme la présidente Frédérique Massat. Notre commission a initié un cycle d’auditions sur un sujet d’actualité : la situation d’EDF.

Dans ce cadre, nous avons déjà auditionné le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, M. Emmanuel Macron, le 22 mars, et le président-directeur général d’EDF, M. Jean-Bernard Lévy, le 5 avril. Aujourd’hui, nous auditionnons les syndicats.

Nous poursuivrons nos travaux avec l’audition de représentants de Réseau de transport d’électricité (RTE). Nous préparons également d’autres auditions pour les semaines à venir. M. Emmanuel Macron reviendra devant nous pour faire le point sur ce dossier.

À l’initiative du Président de la République, une réunion a eu lieu à l’Élysée sur ce sujet. Un conseil d’administration s’est tenu dernièrement, que les représentants des syndicats évoqueront certainement. Une décision de recapitalisation d’EDF et des cessions d’actifs ont été annoncées, ainsi qu’un report au mois de septembre de la décision concernant le projet d’Hinkley Point C (HPC).

À travers ces auditions, les parlementaires entendent se faire leur propre opinion sur ces sujets d’une importance capitale et stratégique pour la France, puisqu’il s’agit d’énergie, de l’avenir de notre pays et de notre capacité industrielle. Nous sommes très attachés à l’entreprise EDF et nous souhaitons avoir tous les éléments nécessaires afin de l’accompagner, dans le cadre de nos compétences, dans sa trajectoire financière et industrielle. Nous ne nous substituons pas à l’État, mais c’est notre travail de parlementaires que de recueillir des informations. C’est dans ce cadre que nous avons souhaité cette audition, allant d’ailleurs au-devant de votre désir de venir vous exprimer devant la commission des affaires économiques, dont vous nous aviez fait part dans une lettre.

Mme Marie-Claire Cailletaud (CGT). Au nom de l’intersyndicale
CGT–CFE-CGC–FO, je tiens d’abord à remercier la commission des affaires économiques et sa présidente d’avoir répondu positivement à notre demande d’être entendus. C’est également au nom de cette intersyndicale que je vais m’exprimer dans cette déclaration liminaire.

La situation d’EDF, qui a permis à la France d’être à la pointe dans la lutte contre le réchauffement climatique, est plus que préoccupante.

Elle l’est d’abord à cause des exigences contradictoires de l’État, qui ont abouti aux difficultés que nous rencontrons aujourd’hui et qui risquent encore d’aggraver ces mêmes difficultés dans les prochaines années.

Sans être exhaustive, je ferai part de quelques interrogations majeures.

Comment concilier la nécessité pour EDF de réaliser 15 milliards d’euros par an d’investissements industriels en France, avec la distribution de dividendes extravagants – plus de 20 milliards d’euros depuis l’introduction en bourse de l’entreprise, majoritairement pour les caisses de l’État ? C’est au point, comme l’avait souligné le président d’EDF lors de sa nomination, que l’entreprise doit emprunter pour verser des dividendes. Certes, la position de l’État sur le sujet est en train d’évoluer, mais seulement pour l’avenir.

Dans l’augmentation de capital annoncée vendredi dernier, l’État participerait à hauteur de 3 milliards d’euros. Outre qu’on se demande d’où viendront ces milliards, il faut savoir que le projet d’Hinkley Point, s’il devait être lancé, alourdirait le bilan d’EDF de près de 24 milliards d’euros de dette supplémentaire.

Comment concilier, également, la fermeture de la centrale de Fessenheim, que nous condamnons et qui fait perdre à EDF près de 400 millions d’EBITDA (Earnings before interest, taxes, depreciation and amortization) par an, et plus généralement l’incertitude sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) à venir, avec l’incitation forte faite à EDF par l’État de reprendre Areva Nuclear Power (Areva NP) et de lancer immédiatement le projet nucléaire britannique d’Hinkley Point ? Fermeture du nucléaire en France et construction de centrales à l’étranger : est-ce bien là l’avenir d’Électricité de France, entreprise de service public de l’électricité, que l’on souhaite ?

Comment concilier, enfin, l’injonction faite à l’entreprise de développer des énergies renouvelables tout en la privant progressivement et arbitrairement de la première d’entre elles, l’énergie hydroélectrique, par une absurde ouverture à la concurrence des concessions hydrauliques, et plus largement des marchés, qui n’a pour conséquence que de fragiliser encore plus l’équilibre énergétique du pays ?

D’une façon plus générale, quand l’État aura-t-il enfin, vis-à-vis d’EDF, une politique cohérente, déconnectée de tout enjeu politicien de court terme ? Quand aura-t-il une politique industrielle et énergétique de long terme digne de ce nom ? Quand jouera-t-il son rôle d’État stratège ?

Outre ces injonctions paradoxales de l’État, EDF doit faire face, comme tous les énergéticiens européens, à une baisse de prix du marché de l’électricité.

En réalité, il s’agit d’un pseudo-marché qui dysfonctionne totalement et qui finira par menacer la sécurité des approvisionnements électriques du continent. Nous avions alerté, dès l’origine, sur l’absurdité de l’ouverture des marchés pour ce secteur stratégique pour la nation, en particulier parce que l’électricité ne se stocke pas. Les faits nous donnent malheureusement raison. Nous continuons à demander que l’on fasse enfin un bilan contradictoire de la déréglementation et de la désoptimisation qu’elle a engendrée au détriment de la collectivité nationale, mais aussi d’EDF et de ses outils industriels.

Depuis maintenant quinze ans, les directives européennes et les lois françaises ont asséné des coups de boutoir aux entreprises de service public, pour leur faire perdre des parts de marché à marche forcée. Nous arrivons aujourd’hui à un tournant qui pourrait déboucher sur des problèmes de sécurité d’approvisionnement et, à terme, à des blackouts, en France comme en Europe. Cela risque de coûter très cher à notre économie.

Dans le même temps, l’afflux massif sur le marché de capacités électriques d’origine renouvelable, subventionnées par des fonds publics, qui sont ainsi les seules, aujourd’hui, à pouvoir se développer dans ce contexte de marché déprimé et qui sont appelées à croître fortement en application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, va accroître les problèmes. En a-t-on seulement mesuré les conséquences ?

Enfin, le projet Hinkley Point, de construction de deux réacteurs EPR au Royaume-Uni, a déclenché au sein d’EDF une grave crise qui s’est manifestée de plusieurs façons : droit d’alerte unanime du comité central d’entreprise (CCE) – une première pour EDF – démission du directeur financier, opposition de la grande majorité du personnel jusqu’aux cadres dirigeants, et, plus largement, malaise généralisé dans l’entreprise. La situation est grave.

Dans ce contexte très tendu, l’annonce par le président d’EDF de faire suite à la demande du comité central d’entreprise d’être consulté était plus qu’attendue, car on ne peut pas, comme l’a reconnu le ministre de l’économie, réussir un tel projet contre le corps social de l’entreprise. Consulter, c’est bien. Écouter tous ceux qui, très nombreux, demandent un report du lancement de ce projet, c’est mieux !

Nos trois organisations syndicales ne sauraient se satisfaire d’un décalage de deux ou trois mois, comme le veulent et l’annoncent le ministre Emmanuel Macron et le président d’EDF.

Pourquoi, alors qu’elles ont défendu la place du nucléaire dans les débats sur la transition énergétique et qu’elles étaient, en 2013, favorables au lancement du projet Hinkley Point, ces organisations demandent-elles aujourd’hui un report ? Pourquoi mettent-elles en garde contre un lancement immédiat et précipité qui serait plus que destructeur pour l’entreprise et, au-delà, pour l’ensemble de la filière nucléaire, troisième filière industrielle française, qui emploie 220 000 salariés ? À prendre trop de risques, sommes-nous prêts à avoir un pays sans industrie ?

Parce que, tout simplement, les conditions ont changé !

Les conditions financières, d’abord.

À l’origine, EDF devait porter 40 % de l’investissement ; aujourd’hui, elle en porte les deux tiers, soit 16 milliards d’euros. S’y ajoute l’intégration dans ses comptes de 24 milliards d’euros de dette, ce qui, ajouté aux 37 milliards d’euros actuels, ferait exploser sa dette à 61 milliards d’euros.

Nos partenaires chinois de China General Nuclear Power Corporation (CGN) sont, eux, passés de 40 à 33 %. Areva n’a, de son côté, plus les moyens de participer au projet, et Centrica s’est retiré en 2012, car les coûts avaient déjà trop dérivé. Alors que le ministre et le président d’EDF ont affirmé devant la Représentation nationale que ce projet est rentable, force est de constater qu’aucun investisseur ne veut s’y engager.

Les conditions industrielles, ensuite.

La filière nucléaire a été fragilisée par les gouvernements successifs, qui n’ont pas joué leur rôle, tout comme les dirigeants des entreprises du secteur, ainsi que par le moratoire nucléaire qui a détruit le tissu industriel des PME-PMI et raréfié les compétences. Les politiques de sous-traitance et les nouveaux modes de management ont désorganisé le travail. Il faut redresser la situation, et cela va demander du temps.

L’intégration d’AREVA NP au sein du groupe EDF, voulue par l’État, n’est pas effective aujourd’hui, et elle ne le sera peut-être pas avant 2017, compte tenu des conditions suspensives prévues par EDF. Cela implique, en tout cas, que la création de la filiale commune entre EDF et Areva NP en matière d’ingénierie, censée être une des clés de la réorganisation du nucléaire, n’est toujours pas en place.

Rappelons au passage que la filière nucléaire, c’est également Alstom, fleuron industriel, dont la partie énergie a été scandaleusement bradée à General Electric. Les brevets sont aujourd’hui tous transférés aux États-Unis. Il ne doit pas y avoir de fatalité à enchaîner les fiascos industriels en France.

Enfin, nous n’avons toujours pas de retour d’expérience d’un EPR en fonctionnement pour sécuriser le lancement d’Hinkley Point, qu’il s’agisse de Flamanville ou de Taishan, dont les essais à chaud ne commenceront qu’en fin d’année. Nous savons pourtant que c’est une phase d’apprentissage précieuse pour le lancement d’une nouvelle machine. Construire aujourd’hui un nouvel EPR sans disposer de ce retour d’expérience, c’est donc construire un prototype, une nouvelle tête de série, avec tous les risques industriels que cela comporte.

Si l’on ajoute le fait que les moyens humains et les compétences de la filière nucléaire seront encore durablement mobilisés sur les projets en cours – Flamanville, OL3, Taishan, tout en lançant le grand carénage – et qu’il est aussi nécessaire de revoir l’organisation industrielle actuellement prévue avec l’interface anglaise, qui est un facteur de risque du fait de sa complexité, on mesure les difficultés et les risques liés au projet HPC.

C’est pourquoi nos trois organisations défendent un scénario alternatif, fondé sur un report au-delà de 2016, voire de trois ans, du lancement de cette opération. Il s’agit, pour nous, de la condition de la réussite de ce projet auquel nous continuons de croire, sur la base d’une vraie alliance industrielle franco-britannique, ce qui est nouveau.

Cela implique que le modèle actuel de l’EPR soit impérativement simplifié – des travaux en ce sens sont d’ailleurs en cours –, tout en maintenant le niveau de sécurité actuel, pour en améliorer la constructibilité et la performance tant industrielle qu’économique.

Cela implique également que ce modèle de réacteur soit compatible avec la perspective d’un vrai palier EPR, qui permettrait l’équipement en Angleterre, mais aussi le début du renouvellement du parc français au tournant de la décennie, dans une logique d’industrialisation et de standardisation indispensable à la réussite de tout programme nucléaire. Cela nécessite échanges et collaboration en amont entre les autorités de sûreté des deux pays.

Face à cela, nous avons entendu plusieurs objections. La sécurité d’approvisionnement britannique serait en cause, nous dit-on. Faux problème, comme l’a indiqué la secrétaire d’État chargée de l’énergie, le 12 avril 2016, dans un courrier au président de la commission énergie de la Chambre des Communes.

Quelqu’un d’autre pourrait prendre le contrat ? Cela supposerait que les projets nucléaires concurrents soient certifiés par l’Autorité de sûreté britannique, ce qui n’est pas le cas.

Enfin, il faut dire un mot des délais prévus dans le projet actuel si l’on veut comparer objectivement avec notre projet alternatif. Chacun peut constater que la date de 2025, prévue officiellement par EDF pour la mise en service d’HPC, suppose un délai de construction, après le premier béton, de soixante-dix-huit mois. Pour mémoire, le chantier le plus rapide, Taishan 1, en Chine, sera, vu d’aujourd’hui, à quatre-vingt-quatorze mois. C’est dire que beaucoup doutent de la crédibilité d’un planning qui tient plus de l’objectif commercial que d’un planning opérationnel !

Madame la présidente, mesdames et Messieurs les députés, nos trois organisations syndicales, qui représentent 80 % du personnel, sont unies devant vous dans une démarche d’autant plus inédite qu’elle est proche d’une période électorale. Nous avons choisi de faire passer avant tout l’intérêt d’une entreprise qui a pour mission principale d’assurer le service public de l’électricité de notre pays, dont nous estimons la pérennité en cause. Nous sommes venus devant vous dans un esprit résolument constructif de relance d’une filière nucléaire à laquelle nous croyons, mais aussi avec gravité et de détermination.

Nous sommes ici forts de l’expérience de tous les agents qui nous font confiance, forts aussi, en ce soixante-dixième anniversaire de la nationalisation d’EDF, de la réussite de cette entreprise au service de la nation, même si nous avons souvent contesté les choix des directions qui ont prévalu ces dernières années. C’est parce que nous sommes ancrés dans la réalité industrielle et sociale que nous vous mettons en garde contre la vision de notre secteur que vous présentent le ministre et le président d’EDF, vision essentiellement basée sur des considérations financières de court terme et éloignée des réalités industrielles et sociales de l’entreprise. Les salariés d’Areva ne le savent que trop bien, les ministres et les dirigeants d’entreprise passent ; les salariés, eux, restent pour assumer les conséquences de choix hasardeux ! Rappelons que le secteur électrique est sous le coup de 10 000 suppressions d’emplois, entre EDF, Areva et General Electric qui avait promis de créer des emplois lors du rachat d’Astom.

Nous sommes venus vous dire que cet investissement britannique de 24 milliards d’euros, dont 16 milliards d’euros à la charge de la seule EDF, regarde aussi les représentants de la collectivité nationale que vous êtes, et pas seulement le conseil d’administration d’EDF. Nous vous demandons de faire entendre votre voix sur ce projet et de mener toutes les analyses nécessaires. Il ne tient qu’à vous de ne pas être, vous aussi, mis devant le fait accompli, comme vous l’avez été en son temps pour Areva, avec les conséquences que l’on connaît aujourd’hui.

L’avenir d’EDF, cette belle entreprise emblématique de notre pays, regarde aussi bien les salariés, les usagers-consommateurs, que la nation tout entière dont vous êtes les représentants.

M. Vincent Rodet (CFDT). Je rappellerai trois faits marquants et incontestables.

D’abord, les dividendes cumulés perçus ces dix dernières années représentent plus de 23 milliards. Si l’État avait été moins vorace, nous ne serions pas aujourd’hui devant vous.

Ensuite, je mentionnerai une caractéristique qui, pour la CFDT reste trop discrète : la qualité extraordinaire, en termes d’empreinte CO2, du mix électrique d’EDF. Dans le monde, seuls deux pays, la Norvège et la Suède, ont un mix comparable.

Enfin, l’extraordinaire performance opérationnelle est toujours présente dans l’entreprise, malgré les soubresauts des années passées. Les années à venir seront tout aussi compliquées, les salariés le savent mais ils tiennent bon. Cet actif invisible n’apparaît nulle part dans les comptes du groupe, mais il est bien là.

En ce qui concerne les annonces de vendredi dernier, la CFDT ne peut que se satisfaire que la vapeur s’inverse et que l’État recapitalise EDF. Une augmentation de capital de 4 milliards d’euros, à laquelle l’État participera à hauteur de 3 milliards, c’est un pas important. L’est également la décision de l’État de renoncer pendant au moins deux ans à percevoir son dividende en cash. Cela étant, nous aurions souhaité que le montant du dividende soit clairement affiché à la baisse.

Une autre annonce concerne la fixation d’un prix plancher du carbone en France, sans attendre une décision européenne. Que la France soit fer de lance en la matière est une bonne chose. Nous tenons à souligner son exemplarité.

J’en viens aux points de vigilance qui restent à notre portée pour apporter des améliorations dans les semaines et les mois à venir.

L’élargissement de l’assiette de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) est prévu au 1er janvier 2017. Nous portions cette revendication depuis longtemps. Il était, selon nous, aberrant que seuls les consommateurs d’électricité contribuent à la CSPE, d’autant qu’elle représente une charge très importante. Elle va, en effet, bientôt atteindre 7 milliards d’euros par an.

Je souligne également l’intention politique de prolonger le parc nucléaire existant à cinquante ans, sous réserve d’une validation tranche par tranche par une Autorité de sûreté nucléaire (ASN) disposant de moyens suffisants pour bien faire son travail.

La mise en demeure concernant l’hydraulique a déjà été évoquée. Pour la CFDT, c’est une menace très importante. Nous comptons sur la Représentation nationale, et particulièrement sur les élus de grandes régions hydrauliques de France, pour défendre les opérateurs historiques, à savoir EDF, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et la Société hydro-électrique du Midi (SHEM), qui n’ont jamais démérité. Pour l’instant, la sortie infractionnelle du dossier semble s’éloigner, mais ce n’est qu’en suspens, et nous n’y voyons pas encore assez clair en ce qui concerne la nature de la solution négociée. Par conséquent, nous devons rester extrêmement attentifs.

S’agissant de la nécessaire collaboration contractuelle avec Areva NP, le closing aura lieu au mieux fin 2016 ou début 2017. Rien n’empêche d’intensifier la nécessaire collaboration opérationnelle à travers des relations contractuelles.

Il est une question qui ne dépend pas de la Représentation nationale, mais à laquelle nous sommes toutes et tous attentifs : les tarifs d’utilisation du réseau, tant pour ERDF, RTE, que pour les homologues gaziers, doivent permettre aux entreprises de moderniser les réseaux, de les adapter à la transition énergétique et de conduire une politique sociale adéquate.

En ce qui concerne Hinkley Point, la CFDT se satisfait qu’une fenêtre de concertation prolongée s’ouvre, avec le processus d’information-consultation du CCE. Nous souhaitons que les trois grandes options soient étudiées : lancement du projet en septembre, report de deux ou trois ans ou abandon définitif.

Les griefs persistants de la CFDT concernent la fermeture de Fessenheim ; l’objectif intenable de réduire de 50 % l’électricité d’origine nucléaire d’ici à 2025 ; la part durable du thermique à flamme dans le mix EDF, qui n’est pas assez confortée alors qu’elle est nécessaire ; la TVA sur l’électricité trop élevée pour les consommateurs domestiques ; la cession de RTE qui ne doit pas être réduite à une variable d’ajustement financière pour la dette ; la norme RT 2012, qui est aberrante puisqu’elle défavorise l’usage, pourtant simple et pertinent, de l’électricité pour le stockage et la production d’eau chaude par chauffe-eau thermodynamique.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je tiens à vous rassurer, les uns et les autres : nous avons bien la volonté de suivre ce dossier.

M. Jean-Luc Laurent. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen se félicite de cette audition, car la situation d’EDF est difficile. Elle appelle à un dialogue social poussé avec les salariés et à l’écoute de leurs représentants, s’agissant de décisions qui concernent leur entreprise et son avenir.

En ce qui concerne Hinkley Point, le report de la signature est une sage décision, qui va permettre d’engager le dialogue avec le CCE et l’ensemble des acteurs. Vous venez de proposer un report de trois ans pour ce projet industriel. En quoi ce projet vous inquiète-t-il ? Sur quels éléments industriels, économiques, financiers et sociaux vous fondez-vous pour faire cette demande de report ?

S’agissant de sa situation financière, EDF cumule une dette de 37 milliards, auxquels s’ajoutent 10 milliards d’emprunts hybrides. Quelles sont vos propositions concernant l’avenir économique et financier de l’entreprise, sans oublier les mesures en termes d’emploi ?

Les turbulences que traverse EDF ont-elles une incidence du point de vue du dialogue social et du projet social de l’entreprise ? Quelles mesures faudrait-il prendre pour un pilotage plus efficace ?

Depuis la libération des tarifs réglementés du thermique à flamme et du nucléaire sur le marché européen de l’énergie, EDF a perdu 30 % de ses clients. Les prix du marché de gros se sont effondrés. Le marché européen libéralisé de l’énergie subit-il, selon vous, une crise conjoncturelle ou structurelle ? Doit-on revenir sur sa création et envisager des modalités de mise en œuvre et d’encadrement ?

Enfin, le modèle intégré d’EDF connaît, depuis 2004, des modifications lourdes. Les décisions se sont succédé, et l’ouverture du capital de RTE est envisagée. La remise en cause du modèle intégré peut-elle aboutir à une plus grande efficacité économique ? Quel est, selon vous, l’avenir du modèle intégré d’EDF ?

M. Antoine Herth. Je voudrais avoir votre sentiment sur la cession d’actifs de RTE. J’ai bien entendu que cela ne devait pas être une poire pour la soif ou, en tout cas, une opération financière. Y a-t-il un réel intérêt stratégique pour EDF à être partie prenante dans le capital de RTE ? La question des réseaux est essentielle dans le cadre d’une production d’énergie renouvelable diffuse sur le territoire. EDF doit-elle rester à la manœuvre ou bien peut-elle se retirer ?

Dans les dossiers de la fermeture de Fessenheim et du projet Hinkley Point, la mise en service de Flamanville est un élément clé. Quelles sont, selon vous, les perspectives de lancement opérationnel de l’EPR de Flamanville ? On parle de 2017 ou de 2018. Quels sujets faut-il encore traiter pour que Flamanville devienne opérationnel, ce qui apporterait alors des réponses à vos questions concernant Hinkley Point ?

Vous avez dit que l’État était trop vorace. Lorsque nous l’avons auditionné, M. Emmanuel Macron avait plutôt tendance à dire que c’était le personnel d’EDF qui était trop vorace. Quelle est votre position sur les niveaux de rémunération et les rythmes de travail ?

Enfin, chez nos voisins européens, pour faire face à une situation critique, à un marché déprimé, à une concurrence acharnée, à l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence, des groupes nationaux se restructurent par métiers. Pouvez-vous imaginer qu’EDF suive le même chemin ?

M. Denis Baupin. Les syndicalistes d’EDF et moi-même nous connaissons bien. Si nous avons des positions divergentes sur la question du nucléaire, avec Hinkley Point nous avons trouvé, pour une fois, un point d’accord important : ce projet n’est pas pertinent, parce qu’il n’est pas rentable et ferait courir des risques importants à l’entreprise.

Nous ne partageons pas non plus le même point de vue sur la transition énergétique, mais il me semble nécessaire que nous réussissions à dialoguer sur l’intervention tôt ou tard de la diversification du mix électrique, à laquelle il faut être préparé. Il est tout à fait légitime que les syndicats défendent l’emploi et le statut des salariés. C’est leur rôle. Mais il faudrait réfléchir à la façon d’organiser la transition énergétique, sans que cela remette en question les intérêts des salariés.

Beaucoup disent que la transition énergétique sera probablement plus créatrice d’emplois que le maintien du système actuel. Néanmoins, les emplois nouveaux ne s’adresseront pas aux mêmes personnes que les emplois anciens, ce qui est anxiogène. Dès lors, il convient de réfléchir à la sécurisation des parcours professionnels des salariés pour accompagner ce mouvement de façon que cette transition se fasse dans les meilleures conditions pour les personnels.

J’en viens à un autre sujet, dont vous avez peu parlé : la charge de travail, aujourd’hui, dans les entreprises, notamment lors des arrêts de tranche. Cela nous préoccupe, parce que nous sommes au tout début du grand carénage. La chute d’un matériel à Paluel, il y a quelques semaines, ne peut qu’inquiéter. Je connais la position des syndicats sur le sujet, s’agissant notamment de la part de la sous-traitance dans l’entreprise sur ces grands chantiers. J’aimerais avoir votre avis sur la capacité de l’entreprise à faire face à ces grands chantiers et sur la part de sous-traitance. Je voudrais également connaître votre sentiment sur ce qui s’est passé à Paluel. Ce réacteur pourra-t-il redémarrer un jour ou les dégâts sont-ils trop importants ?

En ce qui concerne la centrale de Fessenheim, nous n’avons pas le même point de vue. Une procédure d’information des salariés devait être engagée par la direction. Pouvez-vous nous indiquer où en sont les discussions sur ce sujet ?

M. Patrice Carvalho. Je remercie les représentants syndicaux d’être venus nous donner leur éclairage sur la situation d’EDF. Cela tranche avec la vision que nous en donnent la direction du groupe et le Gouvernement, relayée ces derniers temps par les médias.

Le 5 avril dernier, la commission des affaires économiques a auditionné M. Jean-Bernard Lévy. J’ai été frappé par le tableau optimiste qu’il a dressé. Pour lui, s’il y a des difficultés, c’est essentiellement en raison de l’effondrement des prix du marché, qui ont été divisés par deux en deux ans. J’aimerais avoir vos points de vue sur cet aspect non négligeable de la situation d’EDF, qui s’explique aussi par les effets de la mondialisation libérale et de la concurrence.

Le PDG a affirmé que, de tous les grands énergéticiens européens, EDF était celui qui s’en sortait le mieux et le seul à être resté bénéficiaire chaque année. Cette vision idyllique me laisse rêveur considérant les éléments chiffrés de la situation d’EDF : 37 milliards d’euros d’endettement ; 55 milliards d’euros estimés pour les opérations de prolongement des centrales nucléaires existantes ; 10 milliards d’euros pour l’EPR de Flamanville contre un coût initial de 3 milliards d’euros ; 24 milliards d’euros, dont 16 milliards à la charge d’EDF, pour le projet de deux EPR au Royaume-Uni. Face à tous ces milliards, on est en droit de se demander comment EDF pourra faire face financièrement.

La recapitalisation de 4 milliards d’euros, dont 3 milliards seront apportés par l’État, ne semble pas de nature à régler quoi que ce soit sur le long terme. M. Jean-Bernard Lévy nous a expliqué qu’il prévoyait un programme de cessions d’actifs, notamment à hauteur de 50 % du capital de RTE, un plan d’économies avec une diminution de 2 milliards d’euros des investissements à l’horizon 2018 par rapport au niveau atteint en 2015, un ajustement des effectifs confirmant une baisse de 5 %. Ce qui frappe, c’est le décalage entre la situation d’EDF et les mesures annoncées pour y faire face, qui se veulent rassurantes. On a le sentiment d’une technique de trompe-l’œil, qui laisse présager des mesures à venir plus drastiques. Nous savons comment cela se traduit ailleurs : les salariés sont la variable d’ajustement.

Dans cette filière industrielle, nous savons aussi quels en sont les effets en termes de sécurité. Je pense, en termes de qualité et de service public, aux centrales nucléaires où l’on est amené à externaliser certaines tâches dans un souci d’économies.

Enfin, de ce point de vue, il y a un grand absent, l’usager, qui pourrait avoir à payer l’addition si celle-ci était répercutée sur les tarifs pratiqués. J’aimerais avoir votre sentiment sur cette question.

Je viens moi-même d’un grand groupe industriel qui a vécu, après les Trente Glorieuses, les grandes restructurations qui ont conduit à mettre en difficulté usines, production et sécurité. En l’occurrence, nous parlons d’EDF. Nous ne pouvons pas agir de la même façon au plan national, car ce serait très risqué.

M. Thierry Benoit. Madame Marie-Claire Cailletaud, Monsieur Vincent Rodet, vous avez mis en avant les atouts de votre entreprise. Je pense qu’ils sont réels. Nous parlons d’une grande entreprise, de l’un des fleurons de l’énergie en France et en Europe, qui emploie plus de 220 000 salariés. J’estime que la stratégie des gouvernants, au plus haut sommet de l’État, doit être claire.

Vous avez, Madame Marie-Claire Cailletaud, dénoncé une situation préoccupante résultant des déclarations et de la stratégie contradictoires du Gouvernement. Ce manque de clarté contribue certainement à déstabiliser le groupe. Il y a quelques jours, vous avez été contraints d’alerter le Président de la République de la gravité de la situation.

Concernant la stratégie industrielle, j’ai compris votre message : il faut conforter le parc existant en France avant de disperser son énergie et ses ressources à l’extérieur, en l’occurrence en Grande-Bretagne, avec la construction de deux EPR. Cette stratégie industrielle du groupe a-t-elle été partagée avec les gouvernants depuis 2012 ? Avez-vous eu, depuis 2012, la possibilité d’échanger avec le Président de la République, le ministre de l’économie et de l’industrie ou la ministre chargée de l’énergie, par exemple, avant l’examen de la loi relative à la transition énergétique, à propos de l’objectif de réduction de la part du nucléaire à 50 % ? M. Vincent Rodet a indiqué que cet objectif semblait difficilement atteignable.

Vous demandez un moratoire à l’ouverture des concessions hydrauliques à la concurrence parce que EDF ne serait pas prête. Je m’étonne que, s’agissant d’orientations européennes connues, une fois de plus, la France ne soit pas prête, alors qu’elle doit être l’un des éléments moteurs de l’Union européenne. Pour ma part, je vois dans les dispositions européennes des opportunités extraordinaires et historiques pour une entreprise comme EDF.

Comment la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) est-elle conduite chez EDF, en termes de plan de carrière pour les 220 000 salariés ?

Enfin, je m’étonne que l’on en arrive à une telle situation financière avec un État qui est partie prenante de la stratégie financière du groupe. Vos propos sur la voracité de ce même État m’interpellent, alors même que celui qui en est le chef avait déclaré avoir comme ennemi le monde de la finance.

Mme Delphine Batho. Je vous remercie d’abord d’être en quelque sorte des lanceurs d’alerte. Je vous remercie également pour les informations que vous nous transmettez, dans la mesure où nous avons nous-mêmes du mal à en obtenir. J’avais demandé, notamment, que nous puissions disposer, dans un cadre confidentiel, du rapport de M. Yannick d’Escatha.

La décision annoncée vendredi dernier par le Gouvernement apporte un certain soulagement, car un passage en force risquait de provoquer un conflit social majeur dans l’entreprise. Considérez-vous les 3 milliards de recapitalisation apportés par l’État comme d’ordre conjoncturel ou de nature à résoudre les problèmes structurels de l’entreprise ? Reste que nous n’avons pas d’information sur le financement de ces 3 milliards.

Parallèlement, un report de 2 milliards d’euros d’investissements sur la période 2016-2018 a été annoncé. Savez-vous quels investissements seront annulés ou reportés ?

J’aimerais que vous développiez votre position sur la cession d’actifs, s’agissant notamment du scénario de la vente des actifs de RTE et des différentes hypothèses évoquées
– Caisse des dépôts ou fonds privés.

En ce qui concerne Hinkley Point, j’ai appris hier que le conseil d’entreprise aurait lieu le 9 mai. Ce délai vous permet-il de faire les expertises nécessaires ? La décision de ce conseil d’entreprise aura-t-elle valeur consultative ou décisive ?

Quel est le niveau d’information des membres du conseil d’administration sur les pièces du dossier d’Hinkley Point, s’agissant notamment des accords avec la partie chinoise ? Estimez-vous qu’il est de bonne logique pour l’avenir de l’entreprise de vendre des actifs pour financer ce projet ?

Enfin, êtes-vous, les uns et les autres, favorables à un changement de statut d’EDF, c’est-à-dire à une sortie de bourse pour revenir à une entreprise, soit nationalisée, soit sous la forme d’une société coopérative, ce qui lui permettrait de faire face au mur d’investissements auquel elle est confrontée ?

M. Dino Cinieri. J’ai entendu le point de vue des syndicats, mais j’aimerais savoir ce que les 220 000 salariés pensent du projet d’Hinkley Point et de son coût de 24 milliards d’euros. Pensez-vous que ce projet profitera aux salariés français, alors que la presse française a annoncé que les cuves seraient coulées au Japon ? Savez-vous si des emplois seront réservés aux Français sur les 60 000 créés au Royaume-Uni ?

Le ministre Emmanuel Macron a évoqué devant nous une remise à plat des avantages des salariés d’EDF. Où en sont les négociations ?

Enfin, à quoi vont servir les 3 milliards d’euros versés par le Gouvernement ? Seront-ils consommés en fonctionnement ou en investissement ?

Mme Michèle Bonneton. La situation d’EDF est très préoccupante. En particulier, le report de toute décision concernant Hinkley Point, compte tenu des risques très importants que ce chantier induirait pour l’entreprise, est une nécessité absolue.

Les salariés sont-ils prêts à des changements importants – et jusqu’où ? – dans leurs conditions de travail et dans la nature même de leur métier, pour mettre en place le grand carénage, mais également pour commencer à anticiper le démantèlement de centrales nucléaires ? Certaines centrales de première génération, comme Saint-Laurent-des Eaux ou le surgénérateur de Creys-Malville, sont d’ores et déjà arrêtées sans être véritablement démantelées.

Enfin, quelle place voyez-vous pour EDF dans ce que l’on appelle « l’Europe de l’énergie » ?

M. Hervé Pellois. Dans une lettre ouverte que vous avez adressée au Président de la République, vos fédérations se sont associées aux syndicats européens, IndustriAll et EPSU. Ce rapprochement est original et intéressant. Cette lettre ouverte était-elle exceptionnelle ? Ou bien menez-vous des réflexions plus abouties pour vous regrouper au niveau européen avec d’autres syndicats afin de donner plus de poids à vos revendications ? Comment y parvenez-vous, alors même que le secteur de l’énergie est si différencié selon les pays, tant au niveau politique que des structures en place ?

M. Michel Sordi. Hier, nous entendions de nouveau, dans l’hémicycle, parler de l’objectif de 50 % d’électricité d’origine nucléaire en 2025. Tout le monde sait que cet objectif est intenable et qu’on continue à raconter des salades.

EDF traverse une période de turbulences, avec Areva et l’état des marchés. C’est la vie d’une entreprise. C’est pourquoi je continue de m’interroger sur la pertinence d’arrêter la centrale de Fessenheim par anticipation, alors que l’Autorité de sûreté nucléaire a donné le feu vert à la poursuite de son activité et que 350 millions d’euros d’argent public ont été dépensés pour cette installation.

L’excellent rapport de MM. Hervé Mariton et Marc Goua, évalue à 5 milliards d’euros cet arrêt anticipé, car il faudra bien indemniser nos partenaires suisses et allemands qui sont « actionnaires » de cette installation. Je préférerais que les 400 millions d’EBITDA dont parlait Mme Marie-Claire Cailletaud soient affectés à soutenir EDF et à financer du renouvelable plutôt qu’à détruire une installation en parfait état de fonctionnement.

M. Denis Baupin a dit dernièrement, dans une émission, qu’on pouvait arrêter Fessenheim du jour au lendemain. On voit que c’est très loin de chez lui. Pour notre part, nous sommes très préoccupés par la suppression, sans projet de remplacement, de 2 000 emplois directs et indirects qu’elle signifie, sans compter les fermetures de classes et de commerces qui éprouveraient fortement les collectivités. Je l’encourage à aller manifester à cinquante kilomètres de là, à Beznau, en Suisse, où se trouve une jolie centrale beaucoup plus ancienne, puisqu’elle est dans sa quarante-huitième année d’exploitation. Cela nous reposera un peu à Fessenheim !

M. Frédéric Barbier. Je salue mes anciens collègues, puisque j’ai appartenu – et j’appartiens encore – à cette belle entreprise qu’est EDF.

La façon dont une entreprise traverse les crises dépend souvent des choix stratégiques qu’elle fait. Je l’ai vu sur mon territoire avec Peugeot. Vous avez raison d’évoquer ces choix stratégiques, et la Représentation nationale doit s’y intéresser.

Je souhaiterais vous entendre sur l’ensemble de la chaîne de l’énergie, c’est-à-dire sur la production, le transport et la distribution. J’avais fait remarquer au ministre Emmanuel Macron qu’on s’apprêtait à ne pas renouveler 3 500 postes au sein de ces entreprises, soit 5 % des effectifs salariés. Dans d’autres pays, on observe certains développements dont je voudrais savoir si EDF pourrait les intégrer dans sa stratégie. Je pense, par exemple, à l’accumulation. Je ne me résous pas à l’idée que nous ne soyons pas à la pointe de la recherche et du développement en la matière, et que la Chine ou les États-Unis prennent de l’avance sur nous, comme cela a été le cas pour le photovoltaïque.

Dans le secteur de l’éclairage public, par exemple, pourrions-nous jouer un rôle ? Est-il possible de s’investir en la matière ?

En général, on demande à une entreprise d’entreprendre, de se développer et de donner du travail. Voir un grand groupe comme EDF ne pas renouveler 3 500 postes ne me convient pas. Je préférerais que l’entreprise ait un vrai projet de développement. Y a-t-il, à votre avis, des développements possibles autres que ceux que nous connaissons aujourd’hui ?

M. Franck Gilard. Quel pourcentage du chiffre d’affaires d’EDF le budget du comité d’entreprise représente-t-il ?

Quelles suites ont eu les affaires dont nous avons lu les prémices dans la presse ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. EDF est une entreprise industrielle de service public à laquelle les Français sont profondément attachés, qui assure un service 24 heures sur 24, sept jours sur sept, sur l’ensemble du territoire. Beaucoup de pays nous l’envient.

Mes questions concernent l’ouverture à la concurrence des ouvrages hydroélectriques français. Quelle est la stratégie de l’entreprise face à cette ouverture ?

C’est en 2010, sous le ministère de M. Jean-Louis Borloo, que la mise en concurrence a été engagée. Début 2012, Mme Delphine Batho, alors ministre de l’écologie, s’était opposée à cette ouverture. Nous avions réfléchi à des solutions alternatives et essayé de faire comprendre à l’Europe que nous avions confié depuis longtemps un patrimoine national à des opérateurs historiques – EDF, la SHEM et la CNR. Nous sommes nombreux, ici, à combattre depuis pour faire prévaloir notre vision des choses. La Commission européenne a néanmoins mis en demeure l’État français, même si elle a fait un peu marche arrière en engageant une discussion avec le Gouvernement et les opérateurs.

Pensez-vous que les dirigeants de l’entreprise ont engagé une action volontariste sur la stratégie de renouvellement des concessions ?

M. Jean-Pierre Le Roch. La commission d’enquête sur les coûts de la filière nucléaire, conduite par MM. François Brottes et Denis Baupin, demandait, dans ses conclusions rendues en juin 2014, « une harmonisation de la protection des sous-traitants et des salariés EDF », notamment sur la santé.

Réalisant 80 % des tâches de maintenance, les salariés des prestataires reçoivent 80 % de la dose de rayons ionisants. Ils cumulent donc, selon le rapport, un risque sanitaire supérieur et une plus grande précarité sociale.

Le rapport avançait plusieurs pistes d’amélioration, telles que la robotisation des tâches les plus difficiles, le rattachement de chaque travailleur sous-traitant à un médecin du travail pour un suivi individuel ou encore la mise en place de comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de site.

Pourriez-vous nous éclairer sur le suivi de ces recommandations et sur les actions mises en place par EDF pour améliorer la situation et la santé de ses sous-traitants ?

Je suis moi-même concerné dans ma circonscription, en Bretagne, l’avenir de la concession d’un barrage hydroélectrique étant remis en cause par la Commission européenne. Avez-vous des informations sur l’évolution de ce dossier ?

M. Philippe Bies. À mon tour, je me félicite de cette audition qui nous permet de confronter les points de vue. Comme d’autres collègues, je me réjouis des annonces du Gouvernement, notamment sur la recapitalisation d’EDF, même si elle comporte encore des inconnues.

Vous avez évoqué la fragilisation de la filière nucléaire, ce que je considère comme partiellement inexact. En effet, la place du nucléaire n’est plus en cause dans la mesure où la loi relative à la transition énergétique en fixe la part dans le mix énergétique, ce qui nécessite pour EDF d’adapter sa stratégie industrielle.

Ensuite, vous avez condamné la fermeture de la centrale de Fessenheim. Je comprends cette position, même si cette fermeture est désormais actée, le Président de la République l’ayant rappelée dans son allocution lors de la quatrième conférence environnementale.

L’avenir de la planète concerne tous les citoyens, qu’ils soient parlementaires, syndicalistes ou salariés. Je souhaiterais donc connaître la position de l’intersyndicale sur le rôle de l’entreprise EDF en matière de transition énergétique, notamment au regard de la fermeture inévitable de certaines centrales nucléaires à court, moyen ou long terme, et sur la nécessité d’anticiper un certain nombre d’évolutions en diversifiant les activités de l’entreprise, comme EDF peut le faire déjà partiellement.

M. Philippe Kemel. Nous partageons vos inquiétudes sur l’impératif industriel auquel est confrontée l’entreprise EDF sur le long terme, dans le contexte délicat de la transition énergétique.

Le rôle de RTE est d’assurer la transition entre ce qui est produit et ce qui est consommé, afin de permettre aux producteurs de vendre leur production sans rupture pour les consommateurs. Il ne s’agit pas d’un modèle de rentabilité immédiate ; or l’ouverture du capital à des acteurs économiques susceptibles de réclamer une rentabilité de court terme pose problème. Comment résoudre cette contradiction ? Faut-il absolument ouvrir le capital de RTE ?

M. Yves Daniel. J’ai interrogé M. Emmanuel Macron et M. Jean-Bernard Lévy, lors de leur audition, sur la fermeture annoncée en 2018 de deux tranches au fioul de la centrale de Cordemais, en Loire-Atlantique. M. Emmanuel Macron m’a assuré que « les salariés concernés par ces fermetures seront redéployés au sein du groupe, et les prestataires accompagnés ». Avez-vous des assurances en la matière ? Estimez-vous que les salariés bénéficient d’un réel soutien dans cette période délicate ?

M. Alexandre Grillat (CFE-CGC). EDF signifie « Électricité de France » – et non « Nucléaire du Royaume-Uni ». Je tenais à le rappeler pour planter le décor, dont découleront toutes les réponses que je vais apporter.

Sur la transition énergétique, EDF est responsable du service public de l’électricité, quels que soient les modes de production et les maillons de la chaîne de valeur électrique. Or pour assurer le service public de l’électricité dans la durée, EDF doit en avoir les moyens.

Dans les années 1970 et 1980, grâce à son statut d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), sa situation de monopole et la garantie d’État, EDF a pu financer le parc électronucléaire français sans que personne ne se pose la question des fonds propres nécessaires à cette entreprise. En 2004, EDF est devenue société anonyme et a perdu sa situation de monopole ; en 2005, elle a été introduite en bourse moyennant une augmentation de capital de 6 milliards d’euros. Entre 2004 et 2015, EDF a versé plus de 20 milliards d’euros de dividendes aux actionnaires. Plus 6 moins 20 égalent moins 14 ; comment, avec une telle structure en fonds propres, EDF pourrait-elle financer à la fois des investissements nucléaires, au premier rang desquels Hinkley Point, le modèle de transition énergétique, le grand carénage et le renouvellement de tout ou partie du parc ? Les 3 milliards d’euros apportés par l’État pour secourir EDF ne sont clairement pas à la hauteur, même s’ils constituent un premier pas.

Alors qu’il était perçu comme insubmersible, à la fois par les salariés, les Français et les élus, le navire EDF a été lesté depuis dix ans d’une multitude de charges : la CSPE ; les investissements nécessités par le vieillissement de l’outil industriel non couverts par les tarifs, fixés depuis dix ans à l’aune de considérations politiques – défense du pouvoir d’achat, protection de l’économie ; les 20 milliards d’euros de dividendes. Et c’est au moment même où il est sous la ligne de flottaison que le bateau EDF entre dans la tempête des prix de marché européens, déprimés à 26 euros, par mégawattheure (MWh), et qu’on lui demande de charger le rocher HPC de 16 milliards d’euros sur le pont ! Vous comprendrez la crainte des matelots de voir le bateau couler, autrement dit l’angoisse des salariés que nous vous relayons aujourd’hui.

Pour assurer la flottabilité du bateau EDF, il faut d’abord le délester de toutes les charges. Les 3 milliards d’euros d’augmentation de capital constituent un premier pas, mais ils sont loin d’être suffisants. Il faut aussi revoir le volume des dividendes. Renoncer à verser en cash des dividendes en 2016 et 2017, c’est bien, mais mieux vaudrait décider de n’en verser aucun, comme l’a fait l’énergéticien allemand RWE pour 2015. D’ailleurs, si tous les énergéticiens européens sont allés au tapis les uns après les autres, EDF étant le dernier, c’est parce que, depuis dix ans, ils ont dû rémunérer grassement leurs actionnaires, en plus de mener des opérations d’acquisition partout en Europe à des prix surpayés, et ce dans un contexte de marché électrique européen totalement déséquilibré par la coexistence de moyens de production électrique classiques non subventionnés – nucléaire, hydraulique, thermique – et de moyens de production subventionnés dont l’essor a été massif et qui ont bénéficié d’un accès prioritaire au réseau. Au cœur d’une tempête durable des prix de marché à 26 euros par MWh, il faut donc régler le problème de la régulation du marché électrique européen par un prix du carbone, à la maille France d’abord, puis à la maille Europe demain, mais surtout revoir toute l’architecture du système électrique européen.

Pour nous, l’avenir de RTE doit reposer sur un projet industriel qui fait sens. La loi du 9 août 2004 reconnaît RTE comme une entreprise totalement publique. Conformément au préambule de la Constitution de 1946 qui énonce que « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité », RTE est une infrastructure de rang national et elle couvre tout le territoire national. Ce n’était pas le cas de GRTgaz, et argument en a été tiré pour privatiser Gaz de France. RTE étant, donc, un service public national essentiel à la souveraineté électrique du pays, il doit rester public à 100 %, de manière directe ou indirecte.

Du point de vue d’EDF, RTE est une activité régulée – comme pour le livret A, les revenus sont sécurisés sans être extraordinaires. Selon nous, la stratégie d’EDF doit reposer sur l’équilibre entre activités régulées et activités dérégulées : en cas de prix de marché très bas, comme aujourd’hui, les activités dérégulées de production ne sont pas rémunératrices, mais les activités régulées procurent un matelas qui s’avère utile pour passer la tempête. À la fin des années 1990, c’est la totale exposition de British Energy au prix de marché, de 10 livres à l’époque, qui l’a menée à la faillite. Dans le contexte actuel de prix de marché déprimés, il est urgent de se poser la question de la place centrale des activités régulées de RTE dans le business model d’EDF. L’avenir de RTE ne doit pas être la résultante d’une équation financière pour mettre en œuvre Hinkley Point ; il faut un vrai débat sur le projet industriel de cette entreprise et sur la place des activités régulées dans EDF. Ce n’est qu’après que l’on pourra en ouvrir un autre.

Dans la situation financière d’EDF telle que je viens de la décrire, nous regardons le rocher Hinkley Point à la loupe, et nous souhaitons obtenir des réponses convaincantes au regard des risques économiques et industriels.

Le contrat de différence (contract for difference – CFD), qualifié de « contrat du siècle », est une garantie de prix, mais nous considérons que les coûts eux-mêmes devraient être couverts, comme dans les activités régulées. Un prix de 92,50 livres par MWh a beau être garanti, si la centrale n’est pas appelée par le réseau, il n’y aura aucune recette et toute l’équation de rentabilité tombera par terre. Or les études des économistes montrent qu’en Grande-Bretagne, où, dans des conditions de vent très favorables, l’éolien offshore connaît un essor massif, celui-ci va fonctionner en base et déplacer le nucléaire de base dans le merit order britannique. Si bien que la centrale risque de ne pas être appelée lorsque l’éolien offshore britannique débitera fortement en base. N’ayant pas obtenu de réponse sur ce point, nous sommes très inquiets. Notre rôle de représentants des salariés est de nous assurer que tout projet d’investissement est bien maîtrisé et que les risques sont limités ; or la situation bilancielle d’EDF ne lui permet pas de porter cet investissement ni, surtout, d’en supporter les risques.

Autre question fondamentale, l’EPR proposé à Hinkley Point est-il un modèle qu’on arrivera à construire ? Ce modèle est similaire à Flamanville 3, mais avec des spécificités exigées par l’autorité de sûreté britannique. C’est donc, en réalité, une deuxième tête de série. Est-il possible de construire une nouvelle tête de série en soixante-dix-huit mois, sachant que la centrale de Taishan, avec les spécifiés du tissu industriel chinois, a nécessité
quatre-vingt-quatorze mois ?

Ainsi, nous avons des doutes sur le caractère réaliste des hypothèses, non seulement en matière de coûts et de volumes, mais aussi en matière de délai. D’où notre extrême vigilance sur ce projet.

Pour autant, nous croyons à l’avenir du nucléaire, nous croyons qu’EDF doit être le fer de lance de la relance du nucléaire britannique. D’ailleurs, nous bénéficions de très bonnes conditions pour construire la centrale nucléaire à Hinkley Point, grâce aux terrains et aux infrastructures existantes. Mais si EDF est en position de force, nous voulons que nous soit apportée la garantie de la maîtrise totale des risques financiers et industriels. Or ce n’est pas le cas actuellement.

S’agissant des concessions hydrauliques, si la France n’avait pas envisagé de les brader en 2008, en proposant à Bruxelles la mise en concurrence contre le respect des critères de Maastricht dans le cadre du programme national de réforme, la Commission européenne serait beaucoup plus conciliante aujourd’hui. Autrement dit, la situation actuelle est ce qu’elle est parce que Paris a proposé le scalp des concessions hydrauliques contre autre chose.

Je termine sur le sujet de la renationalisation de l’entreprise. EDF souffre d’un hiatus fondamental dans la mesure où, depuis sa cotation en bourse, l’entreprise est exposée aux exigences des marchés financiers, derrière lesquels se retranche l’Agence des participations de l’État (APE) pour exiger le versement de 50 % à 60 % des résultats sous forme de dividendes. La direction du budget ayant besoin d’équations budgétaires identiques d’une année sur l’autre, ces dividendes sont plutôt stables – ils représentent toujours 50 % du résultat, soit 3 à 4 milliards d’euros. Pour autant, si les activités d’EDF sont intensément capitalistiques, elles sont pour la plupart régulées : ce sont les activités de réseau, et le nucléaire avec l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH). Or comment une entreprise peut-elle, pendant dix ans, verser des dividendes déconnectés des réalités régulatoires de l’entreprise et des différents métiers de l’entreprise ? Tôt ou tard, ça ne passe plus, et c’est le cas aujourd’hui.

Dix ans après l’introduction en bourse d’EDF, il faut revenir au concept de 2004-2005 de l’alignement de la rémunération du capital sur la rémunération des activités de l’entreprise. En clair, la bourse n’est pas forcément le bon modèle pour une entreprise comme EDF. Renationaliser serait revenir au statut d’EPIC. Faut-il, dès lors, se tourner vers un modèle ni bourse, ni tout État, via un modèle coopératif et sociétaire ? C’est ce que la CFE-CGC avait proposé en 2005, mais la bourse était alors la seule option dans l’air du temps. Il ne faut jamais avoir raison trop tôt, et la question mérite d’être remise sur la table à l’aune de la situation actuelle d’EDF.

M. Jacky Chorin (FO). Nous souscrivons entièrement à ce qui vient d’être dit. Étant administrateur d’EDF, je suis tenu à une certaine réserve, mais je tiens à dire deux ou trois choses.

En 2004, d’entreprise quasi unique, EDF-GDF a été éclatée en neuf sociétés : la maison mère EDF, ENGIE, les deux entreprises de distribution ERDF et GRDF, les deux entreprises de réseau RTE et GRTgaz, et, s’agissant du gaz, Storengy pour le stockage, LNG pour les terminaux méthaniers et ENGIE exploration-production. Cette désoptimisation du système, pour un coût de plusieurs milliards d’euros, s’est faite sans que la France soit plongée dans le noir, je tiens à le souligner. Mais pour quel bénéfice ? Aujourd’hui, ENGIE abandonne le gaz, alors qu’elle avait été privatisée pour faire du gaz, EDF se trouve dans la situation qui vient d’être décrite. Le ministre Nicolas Sarkozy avait pourtant assuré que jamais EDF et Gaz de France ne seraient privatisées…

Je tenais à remettre les points sur les « i » à ceux qui font procès aux salariés de ne pas vouloir bouger. Les salariés ont vécu tout cela, ils ont défendu leurs entreprises, ils ont fait le maximum pour que ces entreprises fonctionnent dans un contexte d’ouverture de marché à laquelle ils ne croyaient pas. Malheureusement, ils ont eu raison : cela ne marche pas. La preuve en est qu’il y a des prix administrés partout, des subventions aux énergies renouvelables au marché de capacité, et autres. Quand se rendra-t-on compte que tout cela est un échec ?

Voyez le bilan : cette première phase devait permettre à EDF de faire du gaz ; EDF a fait peu de gaz et aujourd’hui ce n’est plus le sujet. Quant à ENGIE, ex-Gaz de France, elle fait maintenant de l’électricité.

Aujourd’hui, on entre dans une phase différente qui consiste à casser EDF en morceaux. C’est bien de cela qu’il s’agit avec la sortie de RTE du groupe EDF. Il en est de même des sociétés d’économie mixte (SEM) hydrauliques : même avec des capitaux publics, les accords les concernant ont toujours été lus comme une sortie d’EDF. Et au niveau du nucléaire, M. Alexandre Grillat a posé la bonne question : parlera-t-on, demain, de nucléaire de France ou de nucléaire anglais ? Ajoutons à cela le changement de nom d’ERDF, exigé par le président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui pèse 300 millions d’euros dans les comptes d’EDF. Là encore, où est le bénéfice ?

EDF perd des clients parce que la France a décidé, avec la loi NOME de 2010, l’abandon des tarifs réglementés pour les industriels et les commerçants au 31 décembre 2015. Une telle mesure n’est appliquée nulle part ailleurs, sauf au Danemark. Et je ne parle pas des mesures l’obligeant à aider ses concurrents. Ce qu’il y a de formidable avec les prix de marché, c’est que quand ils sont bas, les concurrents font ce qu’ils veulent, mais quand ils sont hauts, les mêmes concurrents viennent pleurer et obtiennent l’ARENH ou le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché (TaRTAM). Au final, un système dans lequel EDF est seule à prendre des risques aboutit à la situation que vous connaissez. À force de taper sur l’opérateur historique à coup de mesures exorbitantes, les effets commencent à se faire sentir !

Nous avons combattu l’introduction de l’entreprise en bourse, que même le ministre Emmanuel Macron considère comme une mauvaise idée – preuve que les conversions tardives peuvent être utiles.

Mme la présidente Frédérique Massat. Ce sont d’autres que lui qui l’ont décidée.

M. Jacky Chorin. Certes, mais le projet de M. Emmanuel Macron n’est pas orienté vers la nationalisation de l’économie. Il a dit aussi que s’il fallait nationaliser, seul le nucléaire serait concerné. Nous disons non, car cela n’aboutirait qu’à recasser l’entreprise. L’entreprise que nous aimons et défendons opère dans le nucléaire, le thermique classique, l’hydraulique, les énergies renouvelables, domaines dans lesquels EDF est en pointe avec des projets d’hydroliennes et des dispositifs de stockage novateurs à La Réunion. Ne tombons pas dans les pièges grossiers !

Enfin, s’agissant du projet Hinkley Point, alors que tous les gens de l’entreprise sont pour sur le fond, on n’a jamais connu autant de problèmes : démission du directeur financier, alerte du comité central d’entreprise, lettres anonymes envoyées aux administrateurs pour les alerter, contestation des petits porteurs et actionnaires salariés auprès de l’Autorité des marchés financiers pour signaler que l’État confond l’intérêt de la filière nucléaire et celui d’EDF société anonyme cotée en bourse. L’immense majorité des cadres dirigeants sont contre une décision précipitée. En définitive, seuls M. Emmanuel Macron, le président d’EDF et quelques autres sont pour. Notre désaccord ne porte pas sur le fond mais sur le moment où le projet doit être lancé. Le rôle du Parlement n’est certes pas de s’immiscer dans la vie des entreprises, mais si, demain, ce projet de 24 milliards d’euros, dont 16 à la seule charge d’EDF, ne marche pas, comme nous le craignons, la Représentation nationale sera saisie du problème.

Mme Marie-Claire Cailletaud (CGT). Le Venezuela organise actuellement des coupures de courant : j’espère qu’on n’en arrivera pas là.

La fragilisation du secteur énergétique européen, causée par la déréglementation et la libéralisation, a provoqué une prise de conscience, à tel point qu’un grand nombre de gouvernements, dont le nôtre, cherchent à présent des mécanismes pour re-réguler. Le moment n’est-il pas venu d’admettre collectivement, si l’on veut construire une véritable Union européenne, que le marché ne peut pas donner les bons signaux à long terme parce que le secteur énergétique a besoin d’investissements importants sur le très long terme ?

EDF, du fait de son statut et de son histoire, a été particulièrement ciblée par la Commission européenne. Dix lois ont tenté de casser ce qui avait été construit par la loi de 1946. Le mal est fait : GDF a disparu, le président de la CRE demande le changement de nom d’ERDF dont les usagers paieront la facture de 300 millions d’euros. On marche sur la tête, mais pour quel bénéfice ? Un modèle, certes imparfait – d’où nos propositions –, mais qui avait fait ses preuves, est à présent totalement désoptimisé.

EDF perd des parts de marché, mais c’est l’objectif : pour montrer à l’Union européenne que le marché est réel en France, il faut qu’EDF perde des parts de marché, quitte à ne pas répondre à des appels d’offres. La fin des tarifs réglementés le 1er janvier 2016 pour les gros consommateurs est bien faite pour cela. Une grande part des 3 500 à 4 200 emplois supprimés concernera la branche commerce, tout cela pour que la vente d’électricité en France ne soit plus assurée par EDF seulement, mais par Direct Énergie, avec des salariés sans statut. Voilà ce qu’on est en train de vivre.

Au sein d’EDF, la direction de la recherche est très touchée par les suppressions d’emplois. Pourtant, lors de la COP21 puis lors de ses vœux aux forces vives de la Nation au Conseil économique, social et environnemental, le Président de la République avait présenté la recherche comme un grand enjeu. L’Allemagne et la Corée, dont le taux de recherche est très important, l’ont bien compris : c’est la recherche qui crée les emplois de demain. Or la France est en passe de ne pas atteindre l’objectif de Lisbonne de porter l’effort de recherche des pays de l’UE à 3 % du PIB – notre pays est à 2,24 % seulement. Quand on en arrive à supprimer des emplois dans le domaine de la recherche au sein d’une entreprise dont l’actionnaire majoritaire à 85 % est l’État, on peut vraiment dire qu’on marche sur la tête !

Pour la CGT, l’énergie est un secteur stratégique. Qu’on reprenne la main sur EDF par une renationalisation, cela nous va bien. Nous prônons surtout la création, par voie législative, d’un pôle public de l’énergie en France, une structure compétente pour toutes les entreprises du secteur, assortie de droits nouveaux pour les salariés et les élus qui auraient ainsi voix au chapitre sur les choix stratégiques. Nous proposons également la création d’une agence européenne de l’énergie, car nombre de sujets doivent être discutés au niveau européen, en particulier les interconnexions. Mais reprendre la main sur le secteur ne suffit pas, ce qu’il faut c’est une véritable stratégie industrielle de long terme. Car la France est l’un des pays les plus désindustrialisés en Europe. Comment peut-on se gargariser d’être en pointe dans la lutte contre le réchauffement climatique en faisant produire ailleurs et en rapatriant par camions ou bateaux tout ce qu’on consomme ? Certes, cette pratique permet de diminuer les gaz à effet de serre sur le territoire national, mais elle augmente notre empreinte écologique !

Étant très attachés au modèle d’entreprise intégrée, nous considérons que la vente d’une partie de RTE est une ineptie. Les salariés de RTE seront d’ailleurs en grève le 3 mai à l’appel de la CGT. Les réseaux sont vraiment stratégiques : ils vont prendre de plus en plus d’importance et constitueront le nœud du système énergétique européen à l’avenir.

Nous sommes opposés à l’ouverture à la concurrence des concessions hydrauliques. Le modèle de SEM proposé dans la loi relative à la transition énergétique ne nous convient pas non plus : il est une autre façon de désoptimiser la production énergétique du pays et ne permettra pas d’avoir la bonne énergie au bon moment sur le réseau.

Sur le projet Hinkley Point, il faut prendre le temps, au regard des considérations financières, industrielles et sociales. Par exemple, la reprise de l’activité réacteurs d’Areva NP par EDF doit se faire sous la forme d’une filiale commune regroupant des milliers d’ingénieurs n’ayant ni les mêmes habitudes de travail, ni les mêmes systèmes d’information. Cela demande du temps pour stabiliser l’entreprise sur les plans industriel et social. Quant au délai, conformément à la loi Rebsamen, le CCE devrait donner son avis consultatif début juillet.

Nous nous interrogeons sur l’origine des 3 milliards d’euros de recapitalisation apportés par l’État. Nous avons cru comprendre qu’ils viendraient de la vente de parts dans les aéroports de Nice et de Lyon, ce qui ne nous paraît pas forcément une bonne stratégie. Au surplus, cette recapitalisation est plutôt un signal donné aux marchés financiers pour ne pas voir la note d’EDF dégradée par les agences de notation, ce que craignait l’ex-directeur financier d’EDF et lui a fait quitter l’entreprise.

Comme d’autres, la CGT adhère à l’EPSU, la fédération syndicale européenne des services publics, et à IndustriAll, la fédération syndicale industrielle européenne. Les organisations se rencontrent régulièrement. La semaine prochaine, nous allons rencontrer les syndicats anglais sur le projet Hinkley Point. Nous avons prévu de nous rendre en Norvège, qui n’a pas ouvert ses concessions hydrauliques à la concurrence, et au Portugal qui est dans le même cas que la France.

Du côté du personnel, les déclarations de M. Emmanuel Macron ont été vécues comme une véritable provocation. Le personnel, qui est la richesse de l’entreprise, représente 9 % des coûts – le problème n’est donc pas là.

En matière de dialogue social, la CGT a lancé une consultation auprès des agents sur le projet Hinkley Point : sur les 5 000 réponses reçues en quinze jours, 95 % demandaient le report du projet, preuve que nous sommes plutôt en phase avec les salariés.

Nous sommes le syndicat de tous les personnels, y compris des sous-traitants, en particulier dans le nucléaire. Nous nous battons depuis des années pour la réinternalisation des activités stratégiques et pour l’octroi aux sous-traitants des mêmes garanties collectives que celles des agents EDF. Cela est extrêmement important, non seulement pour le personnel, mais aussi pour la sûreté – la chute du générateur de vapeur à Paluel, première tranche passée au grand carénage, a beaucoup choqué les salariés. Sans mettre en cause qui que ce soit, nous pensons que la politique de sous-traitance dans l’entreprise commence à montrer ses limites avec la perte de la maîtrise sur une partie de l’appareil industriel, ce qui est extrêmement préoccupant.

Enfin, sur la fermeture de centrales thermiques, on est arrivé aux limites de la reconversion et de la mobilité des personnels dans la branche des industries électriques et gazières (IEG) – nous avions déjà eu beaucoup de mal à absorber les fermetures à la Société nationale d’électricité et de thermique (SNET). Il y aura certainement des licenciements, et c’est un vrai problème, car le développement des énergies renouvelables nécessite l’apport de centrales thermiques.

M. Vincent Rodet (CFDT). Je commence par le chapitre social. Le nombre de 220 000 salariés a été cité plusieurs fois : il correspond plutôt au nombre de salariés de la filière. EDF regroupe 150 000 salariés dans le monde, dont environ 70 000 à EDF SA. Il n’y a pas de comité d’entreprise (CE) EDF au sens activité sociale, il y a un CE pour les industries électriques et gazières.

Le dossier hydraulique est emblématique de l’exaspération des syndicats et des citoyens vis-à-vis d’approches trop technocratiques. Face à l’épuisement du modèle européen, nous espérons voir les lignes bouger. Notre travail collectif a marqué nos interlocuteurs : députés et commissaires européens nous ont dit voir un front uni sur le sujet pour la première fois. Nous espérons que le scénario de concessions hydrauliques reconduites par tacite reconduction avec EDF interdite de candidater pourra être évité. Ce scénario apocalyptique semble s’éloigner. Pour autant, l’atterrissage va être subtil. Les syndicats feront leur part du chemin ; les ministères devront faire preuve de pugnacité face à la Commission européenne.

EDF n’a pas annoncé de licenciements, mais elle a présenté en début d’année, en CCE, une réduction des effectifs. Face à la crainte de voir les effectifs constituer une variable d’ajustement dans le cadre du plan de performance d’EDF, qui prévoit de comprimer les coûts de 1 milliard au lieu de 700 millions prévus initialement, la direction vient de préciser qu’elle n’envisage pas d’aller au-delà de cette baisse d’effectifs. Pour autant, et nous l’avons dit en CCE, la CFDT militait pour une phase plateau en 2016, même si nous reconnaissons que les effectifs ont augmenté ces dernières années, avec plus de recrutements que de départs en retraite. En effet, nous déplorons la dimension stop-and-go, c’est-à-dire la gestion heurtée des effectifs, qui ne contribue pas à la performance globale d’EDF, alors que certains de nos métiers nécessitent des formations initiales de plus d’un an. Malheureusement, nous n’obtiendrons pas cette phase plateau, car l’année 2016 constitue un point d’inflexion entre une hausse et une baisse. Nous ferons néanmoins toujours valoir nos arguments en interne.

Nos collègues du thermique sont durement frappés, puisque le noyau résiduel du thermique dans le mix EDF se réduit très fortement, avec quelques centrales gaz et quelques centrales charbon. Un plan de départs anticipés est prévu, assorti d’un accompagnement, ainsi que des aides à la mobilité dans le cadre de la « mobilité prioritaire » – encore faut-il que les familles soient mobiles. On atteint donc la limite de l’exercice. Pour nous, EDF devrait garder une compétence pointue dans le thermique à flamme, au lieu de laisser la filière s’étioler.

Le personnel EDF est-il trop vorace ? Le salaire moyen à EDF est comparable à celui pratiqué dans les grands groupes industriels. J’ajoute que ce salaire est contenu, n’ayant pas augmenté ces dernières années ; ce sont les charges sociales qui ont fait dériver la masse salariale. La négociation collective existe dans cette entreprise. J’attire votre attention sur le fait que tous les accords salariaux ne sont pas signés : s’ils étaient aussi exorbitants, ils auraient obtenu le paraphe de toutes les organisations syndicales. Autrement dit, en dehors de mesures unilatérales de la direction, aucun accord collectif sur les salaires n’a été signé ces dernières années.

J’en viens au dossier Hinkley Point. D’abord, la CFDT tient fermement à ce que toutes les options – abandon définitif, prolongation de deux ou trois ans ou lancement rapide en septembre –, soient instruites à l’aune d’une appréciation risques/opportunités. La représentation du personnel en CCE doit donc être éclairée sur ces trois axes. Je précise que le contract de différence est extrêmement intéressant au regard de l’avenir énergétique européen, et sa transposabilité en France devrait être étudiée. Qualifier une centrale nucléaire d’infrastructure et juger nécessaire la présence du nucléaire dans un mix électrique durable et sécurisé en base, il fallait le faire politiquement.

HPC est certes un dossier lourd, mais même sans cela, la situation d’EDF était en train de partir dans le décor. Ce projet ne fait que surajouter une incertitude du fait des 16 milliards d’euros d’investissement pour EDF. L’un d’entre vous a empilé les coûts du grand carénage, d’HPC ou encore de Linky, mais tous ces investissements vont se déployer sur dix ans. Ce qu’il faut vérifier, c’est que la trajectoire d’EDF dans les dix ans sera soutenable chaque année tous investissements cumulés, sachant qu’HPC représenterait environ 15 % de l’investissement total. Il importe également de ne pas prioriser un investissement stratégique par rapport à d’autres.

Enfin, nous avons participé à un séminaire organisé par la direction d’EDF vendredi matin. Il s’est tenu en présence du président, du directeur des ressources humaines du groupe, du directeur financier du groupe, du directeur du Royaume-Uni et de M. Yannick d’Escatha. Au cours d’un échange très ouvert de trois heures, nous avons obtenu des éléments de réponse à une partie de nos questions, aucune n’ayant été considérée comme taboue. Nous n’avons pas de support écrit, mais il semble – et nous l’espérons – que ces éléments d’un niveau de précision inédit vont être versés aux débats pour le CCE. Nous comprenons que le président a accepté le schéma que nous souhaitions d’une information puis d’une consultation, soit deux CCE. Au CCE-info de début mai, nous devrions lancer une expertise, et nous espérons que les experts mandatés disposeront d’éléments à la hauteur de ceux présentés lors du séminaire de vendredi matin. Cela nous conforte dans notre intuition que toutes les pistes doivent être ouvertes, car un abandon définitif serait extrêmement lourd pour EDF : HPC est dans les radars depuis 2009 ; plus de 2 milliards d’euros ont déjà été dépensés, dont 1 milliard en ingénierie, avant même la signature des contrats. Des précontrats sont probablement signés, qui prévoient peut-être des pénalités en cas d’abandon. C’est à vérifier.

Le 3 mai, nous rencontrerons nos collègues syndicalistes britanniques : nous sommes attentifs à l’avenir de la filiale britannique, qui est la plus grosse filiale étrangère du groupe EDF. Sur ce projet, 600 agents travaillent directement à EDF SA, 400 travaillent en sous-traitance, pilotés par EDF SA, et un peu plus de 3 000 emplois sont concernés chez Alstom, Bouygues et Areva. En conclusion, nous sommes satisfaits : il y aura une respiration pour le dialogue social et nous espérons que tous ceux qui doivent être informés des finesses du projet le seront, car la décision de septembre, quelle qu’elle soit, sera lourde.

Concernant RTE, nous avons compris que le patron de cette entreprise disposera du temps nécessaire pour affiner son projet industriel. Nous espérons que les syndicalistes de RTE auront l’occasion, comme à EDF SA, d’affiner cette perspective dans un échange ouvert avec la direction.

Mme Delphine Batho. Pas de précipitation, donc.

M. Vincent Rodet. Tout à fait. D’ailleurs, cela fait plus d’un an que nous entendons parler de la revue stratégique des actifs qui peuvent être cédés par EDF. Selon nous, vendre des actifs quand on est réputé être sous pression est loin d’être la meilleure position. À l’instant t, EDF dispose d’une trésorerie importante grâce à des levées de capitaux pertinentes en 2015, alors que sa notation était encore robuste. Néanmoins, tous les scenarii prévoient que la situation se tendra fortement en 2018, à cause de remboursements d’emprunts obligataires à raison de plus de 3 milliards d’euros sur trois années successives et du remboursement des 10 milliards d’euros de dette hybride, soit 600 millions d’euros chaque année en dehors du prêt lui-même.

En conclusion, l’approche raisonnable nous paraît être de vérifier la soutenabilité des investissements cumulés – Linky, HPC, grand carénage, rénovation du parc.

M. Alexandre Grillat (CFE-CGC). Il faut prendre le temps de « dérisquer » au maximum le projet Hinkley Point, ne faut pas se précipiter au regard des nombreuses questions qui se posent encore.

Une première question fondamentale est de savoir si c’est à EDF de porter le financement du développement nucléaire de la filière à l’international. Avec ce projet, on demande à EDF de porter ce financement dans son bilan, alors que les Chinois et les Russes passent par des banques publiques d’investissement. Je rappelle qu’en 2008, EDF a surpayé British Energy et a détruit de la valeur en surpayant Constellation pour maintenir l’illusion de vendre des EPR en Grande-Bretagne et aux États-Unis. On a déjà demandé à EDF d’acheter les clients d’Areva pour près de 10 milliards d’euros ; à cela s’ajoutent les 20 milliards d’euros de dividendes. Quelle entreprise peut supporter 30 milliards d’euros de sorties de valeur en dix ans ?

Deuxième question fondamentale : quel est le modèle de réacteur dont la filière française doit disposer pour renouveler le parc nucléaire français ? Est-ce l’EPR d’aujourd’hui, un EPR optimisé ou un réacteur de moindre puissance ? Ce débat fondamental ne doit pas être préempté par la décision d’investissement d’HPC.

Troisième question fondamentale : quel est le modèle de réacteur dont la filière a besoin pour réussir à l’export ? Il faut que le modèle de réacteur soit achetable, c’est-à-dire adapté aux attentes du marché. L’EPR prototype de Flamanville ou l’EPR HPC correspond-il à cette exigence ?

La quatrième question fondamentale a trait aux choix stratégiques d’EDF – Électricité de France. Céder les activités régulées de RTE, racheter l’équipementier Areva NP, prendre une décision précipitée sur HPC, revient à mobiliser toutes ses ressources financières. Or le système électrique est en train de se digitaliser, de se décentraliser, avec des ruptures technologiques sur les modes de production. Dans ce contexte de mutation du système électrique, nous pensons indispensable de préserver la manœuvrabilité d’EDF et donc de ne pas mettre tous ses œufs financiers dans le même panier.

Comment, enfin, financer la stratégie internationale d’EDF ? En achetant des opérateurs comme ces quinze dernières années ? En portant soi-même la majorité de l’investissement réalisé dans un autre pays ? Dit autrement, en mobilisant 16 milliards d’euros sur HPC, il ne restera plus rien pour d’autres projets à l’international. La stratégie internationale d’EDF passe-t-elle par le financement majoritaire ou intégral de ces investissements à l’international ? Ne faut-il pas s’inspirer du secteur pétrolier où le partage des investissements, donc le partage des risques, entre opérateurs financiers est de mise ? Si EDF était moins exposée dans le financement de tel ou tel projet, elle pourrait en mener un plus grand nombre.

Je termine en répondant à une question de M. Denis Baupin. Même si nous ne sommes pas d’accord sur son rythme, il faut considérer la transition énergétique comme une évolution. Pour que les salariés des IEG puissent espérer un avenir professionnel, il faut assurer une transition, qui passe par l’élaboration d’un socle social et des conventions collectives. Si j’étais provocateur, je dirais qu’il faudrait élargir le statut des IEG à tous les acteurs de la transition énergétique. En tout cas, la transition professionnelle liée à la transition énergétique ne peut pas se faire sans un vrai projet social.

Mme Marie-Claire Cailletaud (CGT). Pour finir, je voudrais répondre à la question de M. Franck Gilard sur le budget des activités sociales des électriciens et gaziers. Ce budget représente un peu moins de 500 millions d’euros pour 650 000 bénéficiaires. La caisse, premier opérateur de spectacles vivants, permet chaque année à 422 000 personnes de partir en vacances et à 33 600 enfants de partir en colonie de vacances, ainsi que de servir 6 millions de repas en restauration méridienne. C’est aussi 27 millions d’euros au titre de la couverture mutualiste retraités, 38 millions pour l’action sanitaire et sociale, et 45 000 contrats d’assurance.

Mme la présidente Frédérique Massat. Merci, madame, messieurs.

Je vais demander l’audition à huis clos de M. Yannick d’Escatha sur son rapport relatif à Hinkley Point, pour que la Représentation nationale puisse jouer tout son rôle en étant parfaitement éclairée.

Mme Delphine Batho. Bravo, Madame la présidente !

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 27 avril 2016 à 9 h 30

Présents. - Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. Thierry Benoit, M. Philippe Bies, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Marcel Bonnot, M. Jean-Claude Bouchet, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, M. Yves Daniel, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Laurent Furst, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Thierry Lazaro, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Jacqueline Maquet, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Philippe Naillet, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Jean-Marie Tétart, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Damien Abad, M. Bruno Nestor Azerot, M. André Chassaigne, M. Serge Letchimy, Mme Audrey Linkenheld, Mme Marie-Lou Marcel, M. Bernard Reynès, M. Thierry Robert, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Troallic, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. - M. Patrice Carvalho, M. Paul Molac, M. Christophe Premat