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Commission des affaires économiques

Mercredi 11 mai 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 74

Présidence de Mme Frédérique Massat, Présidente

–  Audition de M. François Brottes, président du directoire de Réseau de transport d’électricité (RTE)

– Présentation du rapport d’information sur la mise en application de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (MM. François Pupponi et Michel Sordi, rapporteurs)

La commission a auditionné M. François Brottes, président du directoire de Réseau de transport d’électricité (RTE).

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous accueillons aujourd’hui M. François Brottes, le président du directoire de Réseau de transport d’électricité ; puis, dans un second temps, MM. François Pupponi et Michel Sordi nous présenterons leur rapport sur la mise en application de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

L’audition de M. François Brottes s’inscrit dans le cadre du cycle d’auditions que nous consacrons à EDF, et qui nous a déjà donné l’occasion d’entendre M. Emmanuel Macron, le ministre de l’économie, le 22 mars ; M. Jean-Bernard Lévy, le PDG d’EDF, le 5 avril ; les syndicats d’EDF, le 27 avril, et M. Thomas Piquemal, ex-directeur financier de l’entreprise, le 4 mai. Nous auditionnerons également, le 25 mai, M. Yannick d’Escatha, mais à huis clos.

Monsieur le président, la dernière audition de votre prédécesseur par la commission des affaires économiques remonte au 12 juillet 2012. Il était donc grand temps qu’au-delà de ce qui retient plus particulièrement notre attention aujourd’hui, à savoir la situation d’EDF, nous fassions un point sur RTE.

Je ne doute pas que vous aurez à cœur de nous présenter vos activités au plan national et international, et votre implantation sur nos territoires. Vos missions sont d’autant plus primordiales qu’elles s’inscrivent aujourd’hui dans la perspective d’une Union européenne de l’énergie. Elles sont étroitement liées à des problématiques qui concernent tout à la fois la construction du marché européen de l’électricité, le pilotage du système électrique, l’innovation et la R&D, mais également le prix du CO2, le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), le développement, enfin, des interconnexions et des smart grids ou réseaux intelligents.

L’actualité est aujourd’hui marquée par l’éventuelle cession des actifs de RTE par EDF, évoquée à la fois par MM. Emmanuel Macron et Jean-Bernard Lévy. Sur le sujet, vous avez fait un certain nombre de déclarations publiques, affirmant notamment que c’était le projet d’entreprise qui déterminerait la manière dont les choses pourraient évoluer. Nous partageons en effet cette idée que votre projet industriel – dont M. Emmanuel Macron a souligné qu’il devait être ambitieux – doit être au cœur de ce qui se décidera pour l’avenir de RTE.

M. François Brottes, président du directoire de Réseau de transport d’électricité (RTE).

Ce n’est pas sans émotion que je me trouve aujourd’hui devant les membres de cette commission, que je salue et devant qui j’ose affirmer que, lorsque j’ai pris mes fonctions de président du directoire de RTE, ce fut en toute conscience de la grande responsabilité qui était la mienne, puisqu’il s’agissait de prendre la tête d’une entreprise qui constitue le cœur du système électrique français et qui est le fruit d’une histoire très forte de plusieurs décennies.

RTE, ce sont aujourd’hui 4,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 215 millions d’euros de résultat en 2015, 1,4 milliard d’euros d’investissements sur nos territoires, 2,5 milliards d’achats, 8 600 emplois – presque 9 000 si l’on inclut certains prestataires permanents – et 74 000 emplois induits.

Le réseau de transport d’électricité tire son origine du parc hydraulique français, dans l’aventure de la « houille blanche » – en disant cela, je rends hommage à mes attaches alpines mais aussi, Madame la présidente, à Aristide Bergès, Ariégeois bien connu, qui a su faire chuter l’eau pour en faire de l’électricité.

À l’époque où les barrages – que nous ne pourrions sans doute plus construire aujourd’hui – entrent en fonctionnement, la production hydroélectrique est trop importante pour être écoulée localement, malgré l’arrivée des premiers électro-intensifs au pied des barrages. Les réseaux à haute tension vont permettre de relier la production aux grands centres de consommation – en effet, l’électricité est rarement produite là où on la consomme, même si le développement des territoires à énergie positive poursuit cet objectif –, en transportant les électrons sur de grandes distances, avec un minimum de pertes.

Le réseau de transport d’électricité est donc devenu progressivement l’incarnation de la solidarité électrique entre les territoires de notre pays. Sans lui, pas de péréquation tarifaire !

Il a su aussi répondre à la prouesse qu’a constituée la construction du parc nucléaire français historique. C’est suite au premier choc pétrolier qu’est véritablement lancé le programme nucléaire français. Le plan Messmer, en 1973, prévoit la construction de treize tranches nucléaires de 900 mégawatts ; au total, 58 réacteurs seront raccordés à notre réseau.

Depuis plus d’un siècle, le réseau de transport d’électricité s’inscrit dans le collectif d’une industrie électrique et gazière, qui constitue l’une des forces de notre pays. Compétence, expertise, exigence, innovation et sens du dévouement au service de l’intérêt général guident l’action des femmes et des hommes de l’électricité française. Chaque jour ces hommes et ces femmes assument la responsabilité de cet actif stratégique pour le pays qu’est notre réseau, classé par la loi de programmation militaire parmi les infrastructures d’importance vitale. À ce titre, ils gèrent, en temps réel, l’équilibre nécessaire entre l’offre et la demande.

Quels que soient l’ensoleillement, la vitesse du vent, la disponibilité des centrales nucléaires, les besoins ou les décisions politiques, RTE doit assumer sa mission stratégique, dans toutes ses dimensions. Acteur polymorphe, RTE doit être à la fois un acrobate, un architecte, un chercheur, un régulateur, un coordinateur, un prévisionniste et un optimisateur, toutes choses qui impliquent de savoir anticiper des événements sur lesquels nous n’avons pas directement prise.

Héritiers de cette histoire, nous sommes aussi à l’aube d’une nouvelle ère énergétique. Dans cette perspective, RTE doit faire face à trois grands défis qui nous conduisent à réinventer notre métier.

Le premier défi est celui de la transition énergétique, qui concerne le monde entier, comme l’a démontré le succès de la COP21 en décembre dernier à Paris. Partout, cette transition énergétique attend et exige beaucoup des opérateurs de réseaux comme RTE.

Pour user d’une métaphore éclairante, j’ai coutume de dire que, avant, le réseau était une famille traditionnelle, avec trois enfants : le nucléaire, l’hydraulique et le thermique – nés du même père et de la même mère, faciles à élever et très obéissants. Les temps ont changé, et aujourd’hui, le réseau s’assimile davantage à une famille d’accueil dans laquelle cohabitent : les intermittents, sortes de sales gosses qui ne sont pas toujours là où il faut et quand il faut, si l’on songe aux pics de consommation qu’il faut savoir gérer ; les abstinents, c’est-à-dire ceux qui s’effacent ; les autonomes, voués à être de plus en plus nombreux, qui produisent leur propre électricité, souvent grâce aux panneaux solaires, la stockent et la consomment en n’utilisant le réseau qu’avec parcimonie… et à bon escient, mais sans nécessairement nous prévenir ; les étrangers enfin, reliés à RTE par quarante-huit interconnexions transfrontalières, sachant que les volumes d’électricités échangés sur la bourse EPEX ont représenté l’an dernier 20 % de la consommation électrique française, contre 3 % l’année précédente.

Une autre comparaison achèvera de vous donner la mesure des changements à l’œuvre : si l’on parle en « équivalents réacteurs », notre « monnaie » de référence, la production éolienne représente l’équivalent de 9 réacteurs en capacité installée et de 3 réacteurs en production effective ; la production solaire équivaut à 5,5 réacteurs en capacité installée et à 1 réacteur en production effective ; les exportations équivalent à la production de 14,5 réacteurs et les importations à 11 réacteurs – chiffres qui confirment l’importance des échanges ; les effacements enfin correspondent au potentiel de 2 réacteurs.

Si je me permets de faire la différence entre la capacité installée et la production, c’est parce que, trop souvent, on croit que la puissance installée c’est la production effective. Or ce n’est pas le cas. La puissance installée correspond à la puissance maximale que pourrait atteindre la production si l’installation produisait au maximum de sa capacité en permanence. La production réelle dépend, elle, de plusieurs aléas que, bien souvent, personne ne maîtrise, sachant néanmoins qu’au fur et à mesure qu’évoluent les technologies, le taux de disponibilité des énergies intermittentes devrait s’améliorer et passer pour l’éolien de 20 à 30 % dans les cinq prochaines années.

En l’absence de vent, les éoliennes ne produisent pas d’électricité, alors même que les installations sont prêtes à fonctionner et que le réseau est prêt à accueillir l’éventuelle production, y compris la surproduction.

Dans le Grand Est ou les Hauts-de-France, respectivement premier et second producteurs d’énergie éolienne, nous sommes confrontés quotidiennement à ces phénomènes. Lorsque nous fournissons des chiffres, il s’agit donc de moyennes sur l’année, qui ne reflètent pas les aléas auxquels est confronté le réseau. Si ces ordres de grandeur laissent penser qu’il reste parfois de la marge, voire que nous sommes en situation de surproduction, il ne s’agit que d’une évaluation moyenne qui n’intègre ni les pics de consommation, ni le non-fonctionnement de certaines installations.

Bref, le paysage électrique change et, pour faire face à cette évolution très rapide du système électrique, le réseau est essentiel. C’est lui qui permet le foisonnement, et le foisonnement, c’est moins d’intermittence. En d’autres termes, plus nombreux sont les parcs d’énergie intermittente dispersés sur le territoire, moins l’intermittence est importante.

Dans un monde électrique qui bouge, le réseau de transport est une garantie de sérénité même si, dans le même temps, la transition énergétique bouscule, paradoxalement, notre modèle économique. En effet, même quand la consommation d’électricité croît légèrement, l’utilisation du réseau de transport, elle, est en baisse, ce qui s’explique par le développement d’une production consommée localement via les réseaux de distribution, qui diminue les soutirages sur le réseau de transport. Reste que, la production locale n’étant jamais totalement autonome, elle a parfois besoin d’être évacuée largement et a pour cela grandement besoin du réseau de transport.

Si vous me le permettez, j’aimerais ici prendre quelques secondes pour faire un peu de pédagogie du système électrique. Les lois de la physique imposent qu’il y ait autant d’électrons entrant sur le réseau que d’électrons en sortant, et ce à tout instant, ce qui implique une vigilance à la seconde. À cette nécessité s’ajoute la triple exigence, extrêmement complexe, qui consiste à gérer à la fois la tension – 230 volts en France –, la fréquence – 50 hertz en Europe – et la puissance.

Le TURPE étant calculé en fonction de l’électricité consommée qui transite par le réseau de transport, laquelle est en baisse constante, notre assiette de rémunération diminue, mais les besoins du réseau, eux, demeurent les mêmes. Nos coûts sont donc stables, voire en augmentation puisque de nouvelles contraintes vont s’exercer sur le réseau.

Le changement technologique doit donc s’accompagner d’une évolution des modèles économiques et tarifaires, problématique qui est au cœur de nos échanges avec notre régulateur, la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

Le deuxième défi que nous devons relever consiste à opérer la transition énergétique dans un cadre institutionnel qui évolue pour faire davantage de place aux territoires.

Sous votre impulsion, le découpage des territoires change : treize grandes régions remplacent les anciennes régions et des métropoles se consolident sur l’ensemble du territoire. Ce sont autant de collectivités territoriales qui ont des exigences de plus en plus importantes à l’égard du secteur de l’énergie et de plus en plus d’ambition pour prendre toute leur part dans cette grande mutation énergétique.

Ces acteurs des territoires ont longtemps été tenus à l’écart, alors qu’ils détiennent des solutions et que – je le rappelle – le réseau de distribution leur appartient. Les collectivités connaissent les ressources locales : gisements d’énergies renouvelables (ENR), filières industrielles ou compétences humaines. Elles agissent sur la consommation – qui mieux, en effet, que les collectivités peut mettre en œuvre des plans de performance énergétique et de rénovation thermique ? À travers leurs compétences étendues en matière d’urbanisme, de réseaux, de déchets, de transports, d’environnement, les collectivités territoriales sont les mieux placées pour rapprocher les énergies entre elles.

J’en donnerai deux exemples : celui du power to gas qui, à l’inverse du gas to power consistant à produire de l’électricité à partir de centrales thermiques, permettra bientôt de transformer l’excédent d’électricité en hydrogène pour l’injecter sur le réseau de gaz. Or, pour que cela fonctionne, il faut, au plan local, des connexions entre les réseaux de gaz et les réseaux électriques.

En matière de transport, les collectivités territoriales ont également la main sur l’implantation des bornes de recharge des véhicules électriques – actuellement au nombre de 13 000 sur l’ensemble du territoire, y compris en milieu rural et en milieu rurbain – dont le développement a un impact direct sur les modalités de gestion des réseaux de distribution et de transport.

La mise en œuvre de la transition énergétique se fait donc à l’échelon des territoires. Pour rappel, RTE, par ses lignes, est présent sur près d’une commune sur deux.

Nous ne devons donc pas être isolés, car l’autonomisation aurait des répercussions extrêmes : les coûts exploseraient et des frontières se dresseraient de nouveau au sein du système électrique, le privant des avantages du foisonnement.

Cela signifierait surtout renoncer à la péréquation. Des écarts de richesse se créeraient entre les régions, car, comme le montrent les bilans régionaux publiés chaque année par RTE, certaines se reposent encore sur d’autres pour leur approvisionnement, alors que d’autres sont très excédentaires. Ainsi, la région Centre-Val-de-Loire produit 4,8 fois plus que ce qu’elle consomme ; en Normandie, la production couvre 2,5 fois la consommation ; la région Grand Est et la région Auvergne-Rhône-Alpes produisent, quant à elles, deux fois leur consommation. Cela permet aux régions « déficitaires » de bénéficier d’énergie. En effet, l’Île-de-France ne produit que 5 % de ce qu’elle consomme, la Bourgogne-Franche-Comté 11 %, la Bretagne 15 % – il n’y a pas si longtemps, ce n’était que 7 % –, les pays de la Loire 22 %. Quant aux Hauts-de-France et à la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, elles couvrent leur consommation par leur production. Je ne mentionne pas ici la Corse, sur le territoire de laquelle RTE n’intervient pas.

Je voudrais à ce stade vous dire un mot de l’opposition très forte que nous rencontrons désormais sur certains de nos gros projets d’ouvrages.

Il y a les oppositions constructives, qui reposent sur des craintes légitimes et parfaitement fondées, et nos équipes sont là – je tiens ici à les remercier du travail conséquent qu’elles accomplissent, alors qu’il leur arrive d’être malmenées, y compris physiquement –, pour mener des concertations avec les acteurs locaux. Il n’en reste pas moins que, dans le domaine électrique, nous faisons face à un problème que ne rencontrent pas les constructeurs d’autoroutes ou de lignes de chemin de fer, à savoir que les utilisateurs ne font pas le lien direct entre l’infrastructure et le service qu’elle rend. Certains projets ne sont donc pas compris, et c’est notre rôle que de faire œuvre de pédagogie, car il ne suffit pas d’avoir raison pour être compris, et il faut toujours prendre le temps d’expliquer les choses.

Il y a ensuite les oppositions idéologiques, qui peuvent se traduire par des actions « coup de poing » parfois gratuites. Il s’agit d’un véritable problème de démocratie, et il est parfois difficile d’expliquer que nous œuvrons pour l’intérêt général et qu’un réseau de transport ne sert pas uniquement à transporter de l’énergie nucléaire mais permet également le foisonnement des énergies renouvelables.

Notre troisième défi, c’est l’Europe de l’énergie. Avec quarante et un opérateurs, RTE est en effet le premier gestionnaire de réseau de transport à l’échelle de l’Europe. Il est né des directives européennes et de leurs lois de transposition. L’entreprise a acquis son statut autonome au sein d’EDF le 1er juillet 2000, en réponse à la première directive de libéralisation du secteur de l’électricité ; elle devient filiale d’EDF à la suite de la deuxième directive de libéralisation, le 1er septembre 2005. À la suite de la troisième directive, la France opte pour le modèle ITO – Independent Transport Operator –, modèle dans lequel le gestionnaire de réseau de transport appartient pour tout ou partie au producteur historique, présent au conseil de surveillance, mais en est indépendant. Des barrières infranchissables sont ainsi érigées entre EDF et RTE. RTE a donc un actionnaire unique – EDF –, mais qui n’a pas le droit de se mêler de sa gestion – la CRE y veille.

M. André Chassaigne. On est plus tranquilles !

M. François Brottes. Nous devons en somme notre indépendance à l’Europe, et nous lui avons bien rendu, en étant un acteur européen particulièrement dynamique. J’ai déjà évoqué les quarante-huit liaisons transfrontalières, la dernière en date étant l’interconnexion France-Espagne, qui est une première mondiale sur le plan technologique. Elles placent physiquement la France au cœur de l’Europe de l’électricité. Dix-neuf pays, dont la France, sont aujourd’hui « couplés » – même si le terme est plutôt mal choisi lorsque l’on est dix-neuf partenaires… – par les prix du marché de l’électricité.

Il s’agit d’une véritable révolution silencieuse, qui s’accomplit grâce aux bourses de l’électricité et qui permet d’optimiser le mix électrique sur l’ensemble de la plaque européenne.

Les transactions sur le marché EPEX Spot ont augmenté de 57 % depuis l’année dernière, pour atteindre un volume historique de 100 térawattheures, car ce sont moins les phénomènes d’excédent ou de pénurie qui dictent la circulation des électrons sur le réseau que leur niveau de prix, qui varie d’un pays à l’autre. D’où le fait que, encouragé par la Commission européenne, RTE développe de nombreux projets d’interconnexions supplémentaires avec l’Italie, l’Angleterre, l’Espagne ou l’Irlande. Le maillage de l’Europe de l’électricité est donc en cours, pour mieux sécuriser l’ensemble des approvisionnements. Je veux d’ailleurs rappeler que RTE est le fondateur de référence avec l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique, d’EPEX Spot, la société qui gère les marchés français, allemand, autrichien et suisse. C’est une bourse d’échanges plus qu’un lieu de spéculation. Des joint-ventures ont également été créées pour gérer les interconnexions entre pays, ainsi qu’un centre de coordination régional à l’échelle européenne, le CORESO – COoRdination of Electricity System Operators –, qui permet d’anticiper les besoins de consommation en Europe de l’Ouest.

L’Europe nous a de fait émancipés, mais elle pourrait freiner cet élan, car la Commission européenne a préparé un grand chantier d’évolution des règles du jeu dans notre secteur pour l’année 2016, qui sera une année charnière. À travers ses propositions de nouvelles directives, des évolutions décisives se jouent et des transferts de compétences se dessinent sur des sujets majeurs. La Commission partage en effet avec tous les acteurs le constat d’une crise du système électrique, les prix de marché en baisse retenant notamment les investisseurs de s’engager sur le long terme. Elle a donc mis sur la table une série de propositions, sur lesquelles je pourrai revenir si vous le souhaitez.

Pour répondre à ces trois défis, RTE a lancé l’élaboration d’un nouveau projet d’entreprise. Il est porté par la nouvelle équipe dirigeante, dont deux représentants sont présents à mes côtés aujourd’hui : Mme Valérie Champagne, directrice générale « Finances et achats », et M. Olivier Grabette, directeur général adjoint « Prospective, expertise et solutions ».

Dans les grandes lignes, plusieurs principes nous guident. Le premier est que notre réseau électrique doit devenir un réseau numérique, sachant que ce sont avant tout les données numériques qui nous permettent d’anticiper et d’optimiser le fonctionnement du réseau. Par exemple, prévoir la force du vent permet de prévoir qu’un câble pourra transporter davantage d’électricité que la norme le lui permet, car le vent refroidit les câbles.

D’autres dispositifs nous permettent de créer des lignes virtuelles, sorte de systèmes tampons qui allient électronique et technologies issues du monde du stockage et servent de relais lorsqu’une ligne rencontre des difficultés.

Bref, nous allons compléter le béton et l’acier par le silicium, le plastique… et la matière grise : RTE est l’une des entreprises où la R&D est la plus importante. Sans arrogance, nous n’hésitons pas à faire appel à des startups, que nous aidons à grandir, grâce à un petit fonds d’investissement dédié.

Nous faisons le pari de l’open data. Plus les données sont nombreuses et organisées meilleures sont nos capacités de gestion, d’anticipation et, in fine, les économies réalisées, ce qui a une double vertu : diminuer la facture du consommateur et réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Le deuxième principe est que nous allons restaurer un lien direct avec les territoires. Je vous renvoie ici à notre application Eco2Mix, dont nous avons inauguré la première version métropolitaine pour le Grand Paris, et qui permet notamment aux collectivités de suivre en temps réel leur consommation. C’est avec ce type d’instruments pédagogiques que l’on incite chaque acteur à modifier son comportement.

Nous avons ainsi développé en Bretagne et en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) une application appelée EcoWatt, qui nous permet, en cas de difficultés sur le réseau, d’avertir la population par SMS, pour l’inviter à faire preuve de modération dans sa consommation. Les consommateurs jouent le jeu.

Concernant encore notre implication dans les territoires, RTE a payé 484 millions d’euros de taxes liées à son implantation territoriale.

Nous sommes également partenaires des projets de réseaux intelligents qui se développent en PACA, en Bretagne et dans les Pays de la Loire, où j’ai lancé, il y a trois semaines, avec Jean-Yves Le Drian et Bruno Retailleau le projet SMILE – SMart Ideas to Link Energies.

Nous mettons enfin en place dans les Hauts-de-France le poste électrique nouvelle génération. Ce poste, dit « poste intelligent », va permettre une exploitation beaucoup plus fine de l’ensemble du réseau électrique. Il s’agit d’une révolution technologique.

Quatrième et dernier principe : nous conserverons le même niveau d’exigence et de sécurité, qui ont fait la réputation de RTE.

Une partie des métiers que nous exerçons sont des métiers difficiles, exigeants, parfois dangereux et qui nécessitent prudence et vigilance. Mais travailler sous tension ne signifie pas nécessairement travailler en tension, et nous veillons à ce que nos équipes puissent travailler dans la sérénité, laquelle n’est pas toujours favorisée par les débats publics sur le sort de RTE.

J’ai donc été amené à rappeler que nous remplissions vingt-quatre heures sur vingt-quatre, seconde par seconde, une mission vitale, que nous exercions dans un cadre régi par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui impose qu’en sa double qualité de service public national et de monopole, RTE reste une entité publique, ce que précise la loi du 9 août 2004, relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, selon laquelle ses actionnaires ne peuvent être que des entités publiques. Ce cadre juridique préserve le caractère public du capital, détenu en totalité aujourd’hui par EDF, entreprise publique, bien que son capital ne soit pas public à 100 %.

Il ne vous aura pas échappé que les perspectives d’ouverture du capital inquiètent le corps social de RTE, qui n’est pas prêt à accepter n’importe quelle évolution pour une entreprise à laquelle il est fier d’appartenir, par attachement au service public. Ce sentiment est partagé par l’ensemble du directoire, et l’ampleur du mouvement social du 3 mai dernier montre que les inquiétudes des salariés justifient qu’on leur apporte une réponse satisfaisante. C’est la raison pour laquelle nous sommes associés aux discussions sur l’ouverture du capital, étant moi-même, en tant que président du directoire, garant du respect des principes que nous avons établis.

RTE est une entreprise forte et indispensable, et ce grâce aux femmes et aux hommes qui la composent – un accord sur l’égalité entre femmes et hommes a été signé avec l’ensemble des organisations syndicales.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Monsieur le président, je tiens d’abord à vous exprimer le plaisir que nous avons à vous accueillir devant cette commission que vous connaissez bien.

Dans un contexte particulièrement tendu, marqué par les difficultés financières que rencontre EDF, des prix de marchés historiquement bas et les débats autour de la cession d’actifs de RTE par EDF, mes questions porteront sur des aspects techniques.

Quelle sera la structure du prochain TURPE, dont le montant sera fixé par la CRE pour les cinq prochaines années ? Il s’agit d’un enjeu important, puisque ce tarif assure aujourd’hui l’essentiel des ressources de RTE. Une modification de l’assiette du tarif est-elle envisagée pour augmenter la part liée à la puissance souscrite ?

Vous l’avez dit, garantir la sécurité de l’approvisionnement est aujourd’hui l’une des missions principales des réseaux, tandis que le transit est en baisse, en raison du développement de l’autoconsommation des bâtiments à énergie positive mais aussi de l’effacement industriel et diffus, voué à jouer un rôle de plus en plus important. Comment dans ces conditions assurer le financement des réseaux ?

En ce qui concerne les électro-intensifs, que pensez-vous du récent décret pris pour l’application des articles 156 et 157 de la loi relative à la transition énergétique, qui entend favoriser l’effacement industriel en prenant en compte les effets positifs de leur profil de consommation sur les coûts de réseau et en réduisant à proportion leur tarif d’utilisation du réseau ?

Pensez-vous que les objectifs définis par l’arrêté PPI – programmation pluriannuelle des investissements – du 24 avril 2016 soient conformes au bilan annuel prévisionnel publié par RTE en 2015, selon lequel l’éolien terrestre devrait croître de 1 000 mégawatts par an jusqu’en 2020 et la filière photovoltaïque voir sa capacité de production croître de 3 500 mégawatts dans le même temps ?

Le système de garanties d’origine labélise la production d’électricité et permet de prouver au client final qu’une quantité déterminée de l’électricité qui lui est fournie est d’origine renouvelable ou produite par cogénération. Êtes-vous d’accord avec le projet d’ordonnance qui propose de supprimer la possibilité de transférer et d’utiliser les garanties d’origine dans le cadre des contrats d’achat subventionnés ou pensez-vous que ces garanties, qui bénéficient dans le cadre de ces contrats d’un tarif de soutien, doivent être transférables ?

Enfin, une liaison souterraine à courant continu de soixante-cinq kilomètres, reliant la France et l’Espagne a été inaugurée en 2015 ; une autre liaison est en construction depuis 2013 entre la France et l’Italie, et cinq autres liaisons à courant continu sont à l’étude avec l’Espagne, l’Irlande et la Grande-Bretagne. Il faut y ajouter le renforcement des interconnexions avec la Belgique, l’Allemagne et la Suisse, qui doivent permettre d’augmenter les capacités d’échange. Ces interconnexions offrent bien évidemment des avantages mais présentent peut-être également des dangers : selon vous, exigent-elles que l’on prenne des dispositions particulières ?

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le président, c’est avec plaisir que le groupe Les Républicains vous retrouve dans cette salle, devant notre commission.

Pourriez-vous, en premier lieu, nous faire un point sur la qualité ou la vétusté du réseau français ? Considérez-vous qu’il est en bon état de marche ou qu’il nécessite d’importants investissements ? Le cas échéant, de quelle manière ces investissements sont-ils anticipés et programmés ? Pouvez-vous nous dire quelques mots des difficultés que vous rencontrez notamment avec le projet de ligne à très haute tension (THT) Avelin-Gavrelle, dans le Nord, au sujet de laquelle vous avez rencontré M. Xavier Bertrand ?

L’exemple allemand nous montre que la transition énergétique peut poser des problèmes en matière de transport de l’énergie. Il faut en effet étendre le réseau pour relier les lieux de production de l’électricité aux lieux de consommation et gérer des à-coups : comment anticipez-vous le développement de l’éolien et la gestion de ces à-coups, en France et en Europe ? En effet, avec l’interconnexion des réseaux européens et le développement de l’éolien en Europe du Nord, c’est la France qui, grâce à ses centrales nucléaires, joue les amortisseurs, ce qui n’est pas une bonne chose, car une centrale nucléaire n’est pas faite pour être sans cesse arrêtée puis remise en marche. Je m’inquiète donc de la multiplication de ces à-coups que risque d’engendrer demain notre propre transition énergétique.

En matière d’investissements pour l’avenir, qu’en est-il, au-delà des éoliennes et des éoliennes en mer, auxquelles je ne suis personnellement pas très favorable, des hydroliennes ? Où en sommes-nous par ailleurs en matière de stockage de l’électricité ?

Vous avez peu abordé la question des réseaux intelligents, mais les Français s’inquiètent aujourd’hui du développement des compteurs Linky. Sans doute n’est-ce pas directement de votre responsabilité, mais il s’agit d’une innovation qui aura des conséquences sur la gestion du réseau dans son ensemble. Pensez-vous que les craintes de nos concitoyens soient fondées ?

Enfin, l’ouverture éventuelle du capital de RTE suscite de nombreuses questions : dans quelles proportions ? vers qui ? à quel rythme et avec quelles conséquences sur vos activités ?

M. André Chassaigne. EDF annonce des suppressions de postes, ce qu’a confirmé le ministre de l’économie lorsque nous l’avons auditionné. RTE a-t-il élaboré un plan de suppressions d’emplois pour accompagner une « optimisation » des ressources, terme qui doit vous être devenu familier dans vos nouvelles fonctions ?

On parle d’une éventuelle ouverture du capital à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), destinée à permettre à EDF de récupérer une partie de son « grisbi », évalué à 10 milliards d’euros environ. Les organisations syndicales – la CGT, FO et la CGC – n’y sont pas très favorables, considérant cette ouverture à un organisme qui gère des fonds privés comme un premier pas vers la privatisation : qu’en pensez-vous ?

Enfin, avez-vous estimé le montant des investissements nécessaires à l’adaptation du réseau de transport au développement des énergies renouvelables – je pense en particulier aux éoliennes offshore ? Qu’est-ce qui relève de RTE et qu’est-ce qui relève d’ERDF, sachant qu’actuellement la moitié de la production électrique éolienne ne serait pas utilisée faute d’être transportée ?

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le président, c’est avec un grand plaisir, que nous recevons aujourd’hui devant cette commission pour vous entendre sur un sujet dont nous connaissons votre grande maîtrise. Nous sommes d’autant plus heureux que RTE est aujourd’hui à un moment important de son histoire, contraint de faire face aux conséquences des difficultés financières d’EDF, son actionnaire unique, qui a annoncé une évolution du capital de RTE d’ici la fin de l’année 2016.

M. Emmanuel Macron vous a chargé de préparer avec M. Jean-Bernard Lévy, d’ici fin juin, un schéma d’ouverture du capital, basé sur « un véritable projet industriel ». Les négociations ont-elles commencé ? Pouvez-vous nous préciser dans quelle mesure la propriété du capital évoluera ? Lors de son audition devant cette commission, M. Jean-Bernard Lévy avait évoqué une cession partielle pouvant aller jusqu’à 50 % du capital. M. Emmanuel Macron a pour sa part déclaré que le capital serait ouvert à d’autres acteurs publics, voire, pour une part minoritaire, à des acteurs privés. Or vous venez de nous rappeler que les statuts de RTE prévoient que son capital ne peut être ouvert qu’à un partenaire public. Un changement de vos statuts est-il, dans ce cas, envisagé ?

Plusieurs organisations syndicales, parmi lesquelles la CFDT, se sont opposées fermement à l’ouverture de ce capital et ont demandé qu’une expertise soit menée sur les conséquences économiques, financières et sociales qu’elle pourrait avoir. Où en sont vos échanges avec les partenaires sociaux ? Quels sont les risques que vous avez identifiés et les lignes rouges à ne pas dépasser ?

En ce qui concerne ensuite la mise en concurrence des concessions hydroélectriques, nous pensions avoir trouvé des solutions dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique, mais la Commission européenne ne l’a pas entendu de cette oreille. En tant que président de RTE, participez-vous aux discussions en cours, et quelles seraient pour RTE les conséquences de cette mise en concurrence ?

Enfin, vous avez décliné les bilans électriques des nouvelles régions. Le Languedoc-Roussillon est la deuxième région de France pour son parc d’électricité renouvelable, essentiellement assis sur l’hydroélectricité. Vous allez y réaliser des investissements qui dépassent le milliard d’euros entre 2016 et 2020, pour financer notamment un projet visant à renforcer l’alimentation électrique de l’agglomération tarbaise : pouvez-vous nous en dire plus ?

M. Thierry Benoit. Monsieur le président, comme mes collègues, je me rejouis de vous revoir ici.

Quelle est l’implication de RTE dans les débats sur le mix énergétique et les diverses sources d’approvisionnement et de production d’électricité en France, et quelle vision de ce mix défendez-vous ?

Vous avez beaucoup évoqué les territoires. En matière d’énergie, ils ne sont pas tous logés à la même enseigne. Dans ma circonscription, à dominante rurale, certains territoires sont connectés au très haut débit énergétique, tandis que, pour d’autres, se pose encore le problème de l’accès à des prix compétitifs au gaz ou à l’électricité. Disposez-vous d’une cartographie de l’accès des territoires à l’énergie ? RTE est-il en mesure de mettre en place des stratégies de développement permettant d’améliorer l’accès à l’électricité ?

Avec son réseau structuré, qui maille l’ensemble du territoire, RTE peut-il être partenaire du déploiement de la fibre et de l’accès à internet au très haut débit ?

Vous avez évoqué les oppositions que vous pouviez rencontrer sur le terrain pour déployer vos réseaux et vos pylônes. Qu’en est-il des nouvelles techniques d’enfouissement, qui rendraient le déploiement des lignes à haute tension plus acceptable par la population ?

Mme Delphine Batho. Monsieur le président, les occasions de vous voir étant rares, j’aurais une foule de questions à vous poser. Elles concernent l’effet de la digitalisation et de la mobilité électrique sur la consommation et sur les réseaux, les questions de santé liées aux lignes à haute tension, souvent à l’origine des contestations qui ont été évoquées, l’Europe et la nécessité d’une sorte de zone euro intégrée de l’énergie, composée d’un groupe de pays volontaires mettant en commun les réseaux, une taxe carbone et des contrats de long terme.

Mais j’en viens à la principale question politique : le statut de RTE. MM. Jean-Bernard Lévy et Emmanuel Macron, que nous avons auditionnés grâce au volontarisme de notre présidente, ont officialisé l’un et l’autre devant nous un projet de modification du statut de RTE. Le ministre de l’économie et des finances a même évoqué l’éventualité d’un appel à des capitaux privés ; je lui ai alors rappelé l’alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946 et la loi de 2004.

Ce projet inquiète le corps social de RTE ainsi que les parlementaires que nous sommes, d’autant que l’opération est mise sur la table au moment où il faut trouver un financement pour le chantier d’Hinkley Point ; autrement dit, on sacrifie un élément important du patrimoine de la nation au profit d’une opération de court terme, discutée et discutable. Or, les syndicats que nous avons auditionnés nous l’ont dit, il faut tenir compte des conséquences de l’effondrement des prix de marché de gros de l’électricité sur EDF, dont le modèle économique se caractérise par l’équilibre entre l’activité régulée et les activités de marché.

Votre intervention ayant été très claire sur ces points, je n’ai que deux questions précises à vous poser. Premièrement, sur le calendrier : puisqu’il n’est pas question selon vous de discuter de l’évolution du statut de RTE avant que le projet d’entreprise ne soit formalisé, à quelle date celui-ci le sera-t-il ? Deuxièmement, quelle est votre position concernant le scénario d’une privatisation indirecte – à laquelle je suis personnellement opposée – par l’intermédiaire de la Caisse des dépôts, laquelle prendrait la main pour créer un fonds de refinancement ouvert, lui, aux capitaux privés ?

M. Michel Sordi. Monsieur François Brottes, je suis moi aussi heureux de vous revoir parmi nous.

Puisque vous nous avez parlé des emplois que représente RTE sur le territoire national, permettez-moi, comme député de Fessenheim, de rappeler que, sur le site de la centrale, ce sont 2 000 emplois directs et indirects qui sont en jeu, sans perspective d’avenir.

Vous avez très justement distingué capacité installée et capacité injectée. La loi relative à la transition énergétique a plafonné à 63,2 gigawatts la capacité nucléaire installée ; c’est la capacité injectée qu’il aurait fallu considérer, puisque, sur les 58 réacteurs dont notre pays est équipé, il y en a toujours qui sont à l’arrêt pour entretien ou rechargement.

Quoi qu’il en soit, il y a deux ou trois ans, des cadres de RTE m’expliquaient que, dans la perspective d’une éventuelle fermeture de Fessenheim, il faudrait renforcer l’autoroute de transport d’énergie dans la plaine d’Alsace, du nord vers le sud. On me dit aujourd’hui que ce ne sera peut-être finalement pas fait, car d’autres solutions ont été trouvées ou sont en cours d’application. Pourrais-je avoir quelques précisions sur ce point ?

M. Hervé Pellois. Je suis moi aussi ravi de vous revoir, Monsieur le président.

Le projet SMILE, porté par la Bretagne et les Pays de la Loire, va bénéficier du soutien et de l’expertise de RTE. Pouvez-vous nous préciser quel est l’investissement de RTE dans ce type de projets et comment s’opère l’articulation entre les différents acteurs ?

Le principe de précaution est souvent mis en avant par les associations, voire par les administrations pour motiver l’interdiction de construire dans un périmètre inférieur à cent mètres autour des lignes à très haute tension. Cela complique considérablement la mise en œuvre de plans d’urbanisme cohérents par les communes traversées, souvent situées en périphérie des grandes villes, quand elles ne sont pas obligées de reporter leur extension dans des zones agricoles, à l’opposé des orientations politiques actuelles. Si les villes les plus denses et les plus riches n’ont guère de difficulté à trouver l’argent nécessaire à l’enfouissement des lignes afin de mener à bien des projets de construction dense, il n’en va pas de même de ces communes périphériques. RTE peut-il remédier à cette situation ? Vous attribuez certes des subventions, mais elles ne sont pas à la hauteur des investissements nécessaires. Un fonds mutualisé ne permettrait-il pas de venir en aide aux collectivités les plus touchées ? En outre, ne devrait-on pas distinguer, au sein des lignes à très haute tension (THT), celles de 220 000 volts et celles de 400 000 volts ?

M. Jean-Claude Mathis. En avril dernier, M. Jean-Bernard Lévy, président d’EDF, a déclaré qu’il envisageait de céder jusqu’à 50 % de sa filiale RTE dans le cadre de sa stratégie de cession d’actifs. Il y voit une opération logique, la CGT une étape de plus sur la voie du démantèlement de l’opérateur historique ; quant au ministre de l’économie, il annonce depuis des mois que l’opération se fera tôt ou tard. Elle semble s’inscrire dans le cadre du redressement de la trajectoire financière d’EDF, qui devrait pâtir, dans les prochaines années, de l’effondrement des prix de gros de l’électricité en Europe, et ce dans le cadre de la politique d’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité, qu’il s’agisse de la production ou de la fourniture.

Dans cette perspective, RTE a un rôle important à jouer. Malgré son lien avec EDF, il se doit d’assurer un service égal et non discriminatoire – vous y avez fait allusion, Monsieur le président. Il convient donc que RTE, sous la surveillance de la CRE, s’abstienne de favoriser sa maison mère au détriment des concurrents de cette dernière.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur le programme et le calendrier de cette ouverture au grand marché de l’énergie ?

Mme Marie-Hélène Fabre. Des investissements massifs dans les infrastructures et le réseau seront nécessaires pour réussir la transition énergétique, notamment pour accueillir davantage d’énergies renouvelables. De quels moyens RTE disposera-t-il pour cela, alors que les contraintes financières vont croissant pour l’entreprise mère ? Comment assumer l’investissement alors que RTE est déjà lourdement endetté ? On entend beaucoup parler d’une vente au moins partielle par EDF des actifs de RTE. Pouvez-vous nous indiquer l’état d’avancement des discussions à ce sujet ? Cette modification du capital pourra-t-elle fournir l’occasion d’une recapitalisation de RTE ? Quelle marge ces investissements vous laisseront-ils pour réagir à la consolidation des réseaux de transport électrique en Europe, afin que RTE ne soit pas marginalisé à moyen terme ?

Par ailleurs, où en est la réalisation de votre projet d’acheminement d’électrons sous-marins entre Fos-sur-Mer et le littoral audois ?

M. Antoine Herth. Dimanche soir, à 22 heures 53, la lumière s’est éteinte dans ma commune ; elle s’est rallumée à 23 heures 09. La coupure était trop brève pour que mon épouse et moi-même puissions dîner aux chandelles, mais trop longue pour ne pas s’interroger et attendre une réponse à ses questions. À qui dois-je m’adresser pour connaître la raison de cet effacement ? J’ai l’impression qu’avec les compteurs Linky tout le monde saura tout sur moi, mais moi, personne ne pense à m’informer quand on me coupe l’électricité !

Plusieurs lignes électriques traversent des paysages de grand intérêt touristique. Je songe par exemple au site du Haut-Koenigsbourg, à Sélestat, qui accueille 600 000 visiteurs par an et qu’il est impossible de photographier sans que des fils électriques ne soient présents dans le champ ! Il arrive aussi que les lignes traversent des forêts ; dans ce cas, la forêt est broyée mais le terrain reste soumis au régime forestier, ce qui empêche tout aménagement environnemental tel que l’installation d’une prairie, d’une mare, ou le développement de la biodiversité. Pourrait-on envisager une évolution à cet égard ?

Mme Marie-Lou Marcel. Comme mes collègues, j’ai grand plaisir à vous retrouver, Monsieur le président.

Je m’associe aux questions de Mmes Marie-Noëlle Battistel et Jeanine Dubié sur les concessions hydrauliques et la mise en concurrence, qui suscite bien des inquiétudes chez le personnel de RTE comme chez les élus.

Quelles sont les priorités de RTE s’agissant des territoires, particulièrement ruraux ?

Enfin, élue de l’Aveyron, je ne peux m’abstenir d’évoquer le projet de poste transformateur dans le sud du département, plus communément appelé projet Saint-Victor, dont RTE est le maître d’ouvrage. Ce projet suscite lui aussi quelques interrogations, d’autant que le transformateur, dont la construction permettra de supprimer des lignes aériennes, s’étendra sur une grande surface. J’ai rencontré à ce sujet vos représentants sur le territoire. Où en est-on précisément ? Quelle est la date prévisionnelle de mise en service ? Quelles seront les retombées économiques pour le territoire ? Quel est le montant global des travaux ?

M. Laurent Furst. L’autoconsommation électrique reste très marginale en France. Elle pourrait concerner les ménages, mais aussi les entreprises ; des millions de mètres carrés de toiture sont disponibles pour une future production électrique autoconsommée. Son développement peut vous inquiéter, puisqu’elle consiste à consommer l’électricité sans passer par les réseaux. À vos yeux, est-ce une opportunité pour le pays ou un risque pour votre entreprise ?

L’interconnexion avec les autres réseaux européens est voulue par l’Europe. Pourtant, il y a quelques années, nous avons connu un black out qui a touché les réseaux les uns après les autres, en particulier les réseaux interconnectés. Le problème était apparu dans un pays voisin – l’Allemagne. Les réseaux sont-ils désormais sécurisés afin d’éviter pareille contagion si l’incident se reproduit ?

M. Philippe Kemel. Vous nous avez livré des explications très pédagogiques à propos de votre modèle économique, fondé sur la décentralisation et la diversification de la production d’électricité, parallèlement à un renforcement du rôle des infrastructures.

Or, s’agissant des lignes THT, que le paysage soit ou non remarquable, la population ne comprend pas que, pour transporter une électricité d’intensité moindre mais connaissant des pics, les pylônes soient aussi importants qu’auparavant, voire davantage. Le cas de ma région en témoigne. Quel effort de communication peut-on donc faire auprès des habitants, pour qu’ils comprennent au moins la raison de ces grands ouvrages ?

Vous avez indiqué qu’il était nécessaire de faire évoluer le prix afin de maintenir l’équilibre de votre modèle économique. Dans quelle mesure ?

L’ouverture éventuelle de votre capital suscite aussi l’inquiétude, car RTE se caractérise par un modèle d’équilibre dont on peut se demander ce qu’il deviendrait si vos futurs actionnaires exigeaient de vous la rentabilité. C’est une question que nous nous posons tous.

M. Lionel Tardy. RTE, avez-vous dit, se veut un « acteur neutre et central du système électrique ». Pourtant, lors de son audition en mars dernier, le ministre de l’économie a insisté sur le fait que vous travailliez sur un projet industriel en lien avec EDF. Ce projet intègre-t-il la possibilité d’ouvrir le capital de RTE à des partenaires privés ? Quel est votre avis à ce sujet et comment voyez-vous l’avenir ? Confirmez-vous, comme ancien président de notre commission, qu’une telle ouverture nécessiterait de modifier la loi ? Ne craignez-vous pas de tenir lieu de variable d’ajustement pour résorber au plus vite l’endettement d’EDF ?

Lors de la même audition, M. Emmanuel Macron a déclaré : « il n’y a plus de synergie entre EDF et RTE, en raison des barrières qui existent aujourd’hui entre les deux groupes sur le plan opérationnel, sur le plan des ressources humaines ou sur le plan des investissements ». Confirmez-vous ce constat inquiétant ?

M. Jean-Pierre Le Roch. Les entreprises industrielles automatisent de plus en plus leur process ; dès lors, la qualité du courant électrique devient essentielle à leur bon fonctionnement et à leur compétitivité. Or, dans les régions rurales, ces entreprises sont régulièrement confrontées à des micro-coupures qui entraînent des arrêts de la production, des redémarrages coûteux et des pertes. C’est le cas dans ma circonscription, où les petites et moyennes industries (PMI) sont nombreuses. Dans ces situations, les acteurs locaux ont du mal à trouver des interlocuteurs et des solutions à leurs problèmes. Pourtant, ces PMI sont créatrices d’emploi et très souvent exportatrices. Comment RTE aborde-t-il cet enjeu de la qualité du courant, dont peut dépendre le maintien du tissu industriel dans nos territoires ruraux ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Merci, Madame la présidente, de m’accueillir au sein de votre commission.

Je m’associe aux questions de mes collègues sur l’enfouissement des lignes et sur les micro-coupures – des difficultés que nous connaissons également dans la partie rurale de l’Île-de-France.

Notre communauté d’agglomération a entrepris de fournir l’ensemble des communes en bornes pour véhicules électriques. L’attractivité de ces nouveaux dispositifs dépend en grande partie de la rapidité de la recharge. Or les systèmes de recharge rapide supposent une grosse capacité d’alimentation des réseaux. En envisageriez-vous d’autres qui solliciteraient moins vos réseaux ? Pouvons-nous développer ces bornes de recharge rapide sans risquer de perturber ni la recharge, ni les réseaux de RTE ? Par ailleurs, existe-t-il des dispositifs d’expérimentation qui nous permettraient d’assurer plus rapidement la couverture de nos territoires en bénéficiant de l’accompagnement de votre entreprise ?

M. Jean-Luc Laurent. RTE est hélas le résultat de la dérégulation de l’énergie, fondée sur l’idée que ce secteur industriel majeur n’est rien d’autre qu’un marché qu’il fallait ouvrir à la concurrence. J’étais hostile à cette politique qui casse l’ensemblier EDF, et je le demeure – vous vous en doutez bien, Monsieur le président.

Je suis donc opposé par principe à l’ouverture du capital de RTE. EDF pourrait être contrainte de vendre des actifs de sa filiale à 100 % parce que les moyens qui lui sont apportés par l’État ne seraient pas suffisants. C’est en tout cas ce qui a été annoncé voici quelques jours. Il est regrettable de vendre l’argenterie pour financer EDF, notamment le projet Hinkley Point.

Certes, on cherche à rassurer en indiquant que le capital restera public grâce à l’intervention de la Caisse des dépôts et consignations – et peut-être d’autres acteurs publics. Toutefois, qu’en sera-t-il demain ? Vous dites que la loi ne permet pas d’aller plus loin ; mais la loi peut être modifiée… Ne rend-on pas possible une privatisation rampante ? Est-ce envisageable, selon vous ? Est-ce soutenable et durable, dans l’intérêt même d’EDF comme de RTE ?

M. François Brottes. S’agissant de l’ouverture du capital – un sujet que j’ai déjà effleuré –, il est légitime que notre actionnaire souhaite vendre une partie de ses actions et que l’État, actionnaire de notre actionnaire, ait son mot à dire dans cette affaire ; je n’ai pas à le commenter.

Monsieur Jean-Luc Laurent, le préambule de la Constitution de 1946 dispose qu’une entreprise qui exerce un monopole sur l’ensemble du territoire et une mission d’intérêt général, ce qui est notre cas, appartient à la collectivité. Tant que ce préambule existe, et je doute que qui que ce soit ait le projet de le modifier, une entreprise comme la nôtre doit rester publique. Il n’est d’ailleurs pas très difficile de comprendre que ceux qui pourraient venir nous concurrencer sur le terrain de la construction de lignes à très haute tension ne sont pas encore nés. Exercer ce métier pour le compte de la nation comporte une réelle difficulté. Bref, le préambule de 1946 est à mes yeux un fondement solide et durable du caractère public de l’entreprise que je préside. Voilà pour ce qui concerne la nature majoritairement publique du capital.

Un texte de loi dispose par ailleurs que 100 % des actionnaires de l’entreprise RTE doivent être publics. Cela ne signifie pas que chacun d’entre eux soit à 100 % public ; au demeurant, EDF ne l’est pas. C’est le législateur – ce que je ne suis pas – ou le Gouvernement qui a la main pour modifier la loi le cas échéant ; je n’ai pas entendu dire que c’était prévu. En tout état de cause, il existe aujourd’hui un cadre qui rend cette question indiscutable. En la matière, les faits sont têtus ; les textes aussi.

Au passage, quelque évolution que puisse connaître le capital, elle n’affectera nullement le statut des industries électriques et gazières, auquel sont attachés l’ensemble de nos agents.

En ce qui me concerne, je peux avoir sur la question un avis personnel, que je n’ai pas à exprimer ici. Je préside aux destinées d’une entreprise qui a un actionnaire unique ; mon actionnaire a fait publiquement savoir il y a quelque temps qu’il souhaitait vendre une partie du capital ; j’ai pris acte de cette annonce, en précisant que RTE ne pouvait être une variable d’ajustement et que, lorsque l’on nous compte au nombre des « actifs non stratégiques », j’en éprouve, au nom de l’entreprise que je préside, une certaine irritation. En effet, RTE a distribué à EDF 1,3 milliard d’euros de dividendes à EDF au cours des cinq dernières années : on ne peut donc pas prétendre que RTE pompe les actifs d’EDF au profit de sa propre activité. À cet égard, il n’y a pas lieu de s’inquiéter : RTE assume en maturité son trend d’investissement. Par ailleurs, RTE héberge à hauteur de 50 % de son capital, comme la loi l’autorise, les actifs dédiés au démantèlement des centrales, qui font partie des plus beaux actifs d’EDF, si je puis m’exprimer ainsi. En somme, l’expression d’« actifs non stratégiques » – employée par M. Thomas Piquemal, je crois – ne m’a pas semblé opportune.

Le ministre a indiqué qu’il souhaitait que le président du directoire de RTE et le président d’EDF se rapprochent pour étudier la mise en œuvre d’un schéma d’ouverture du capital. J’appelle votre attention sur le fait qu’il est assez rare que le dirigeant d’une entreprise qui a un actionnaire à 100 % aille voir celui-ci pour lui dire comment il voudrait que les choses se passent. Cela s’explique par le fait que les directives nous préservent, Monsieur Jean-Luc Laurent, d’initiatives de notre actionnaire qui pourraient mettre en cause notre indépendance à l’égard de tous les acteurs de l’énergie. Pour préserver cette indépendance, ne peuvent être transmises à EDF des informations qui ne pourraient l’être également à d’autres acteurs du secteur de la production électrique.

Nous avons donc à nous parler, surtout dans le contexte de l’élaboration du projet d’entreprise dont je vous ai parlé. Lancé avant l’annonce de l’ouverture du capital, il n’a – croyez-le ou non – rien à voir avec elle : comme je l’ai dit, il s’explique par le fait que la transition énergétique nous oblige à changer assez radicalement et rapidement de métier, que les dispositifs que l’Europe de l’énergie est en train de construire vont exiger de nous une grande réactivité au cours du semestre à venir et que nous devons répondre aux exigences nouvelles des territoires qui se « musclent » en matière énergétique. Si RTE en restait à son schéma antérieur, nous ne pourrions relever ces nouveaux défis. Ce projet d’entreprise, nous y travaillons avec l’ensemble de nos salariés. Il se trouve que c’est au moment où nous l’élaborons qu’est formulée la demande d’ouverture du capital. Dès lors, la position du président du directoire est la suivante : cette initiative doit être une opportunité pour le projet d’entreprise, et non une contrainte. En ce sens, on ne peut dissocier l’une de l’autre, même si la première n’était pas associée au second lorsque celui-ci a été lancé.

Plusieurs hypothèses sont envisageables pour l’évolution du capital. La première est celle d’un désarrimage de l’actionnaire principal – c’est-à-dire que celui-ci passerait significativement en dessous de 50 % du capital. Cela ne me semble pas être d’actualité. Dans cette hypothèse, RTE pourrait sortir du modèle ITO, ce qui lui donnerait la possibilité de faire mouvement en Europe. Tant qu’il reste un opérateur intégré, RTE ne peut pas faire mouvement avec d’autres opérateurs en Europe. Je ne suis pas sûr qu’il y ait urgence à faire mouvement en Europe.

Deuxième hypothèse, que j’ai entendu évoquer par le président Jean-Bernard Lévy notamment, RTE conserve un actionnaire majoritaire, s’appelant EDF, les autres actionnaires devant être des actionnaires publics – vous en avez cité quelques-uns, ils se sont exprimés dans la presse, il peut y en avoir d’autres. Nous en sommes là.

Nous avons examiné la question d’une augmentation de capital. Même si l’endettement de 8 milliards d’euros paraît significatif, il est largement couvert et notre notation est tout à fait satisfaisante. RTE ne sonne pas l’hallali au regard de ses comptes. C’est une entreprise très saine sur le plan financier, capable d’assumer les 2 milliards d’euros de dépenses qu’elle fait chaque année – 1,4 milliard d’investissement, dont 800 000 millions pour l’entretien du réseau ; le réseau, parfois vieux d’une centaine d’années, demande une attention permanente. Nous ne sommes pas dans une situation de tension financière qui justifierait une anxiété particulière. Je ne peux pas, au-delà des propos que je viens de tenir, porter un jugement sur telle ou telle initiative ou commenter telle ou telle expression d’un de nos ministres de tutelle – Mme Ségolène Royal étant la ministre de tutelle de référence. Je ne peux pas vous en dire plus sur des éléments dont je n’ai pas plus connaissance que ça. En tout état de cause, ce qui doit primer – c’est ce que j’ai dit au ministre et au président Jean-Bernard Lévy –, c’est le projet industriel de RTE. Ce qui doit primer, c’est de pouvoir faire notre métier difficile dans la sérénité et avec l’efficacité qu’on nous connaît – notre expertise et nos compétences sont jalousées en Europe, nous sommes reconnus, disons-le sans flagornerie, parmi les meilleurs exploitants de réseaux de transport. Cela justifie qu’on nous regarde avec le maximum de considération, ce que je crois avoir réussi à obtenir alors que cela n’a pas toujours été le cas. Je le dis avec les mots qui sont les miens. Je ne peux pas aller au-delà aujourd’hui.

Pour répondre à M. André Chassaigne, il n’y a pas de suppression d’emplois prévue à RTE. Je dirai même qu’entre l’année derrière et cette année, nous avons conservé la même matrice d’emplois. J’ajoute que nous réfléchissons à l’internalisation d’un certain nombre de métiers, notamment liés aux services informatiques. Le directoire considère que RTE fait appel à de trop nombreux prestataires extérieurs. Je démens formellement la rumeur faisant état d’une réduction de la voilure en matière d’emplois. M. André Chassaigne a d’ailleurs plutôt cité EDF que RTE.

Je n’ai pas de commentaire particulier à faire sur la Caisse des dépôts. J’ai bien connu le débat sur l’entrée de la Caisse des dépôts au capital de La Poste. Alors que cette dernière est actionnaire depuis longtemps maintenant, le lien de La Poste avec les territoires ne s’est pas distendu et les missions de service public continuent d’être bien assurées. Cet actionnaire n’a pas à rougir, me semble-t-il, du maintien de l’éthique portée par La Poste et de la rigueur de celle-ci, même si le métier de La Poste n’a rien à voir avec celui de transporteur d’électricité.

Dans les discussions sur le TURPE – nous sommes dans la saison 4 et nous négocions la saison 5 – et le changement de modèle tarifaire, la CRE est-elle à l’écoute ? La réponse est oui. Sommes-nous en passe de trouver les bonnes solutions pour accompagner l’évolution faisant que plus la consommation est forte, moins notre réseau est utilisé ? La réponse n’est pas tout à fait oui pour l’instant. Nous sommes entendus lorsque nous disons que les coûts de fonctionnement seront plus importants que les coûts d’investissement. En réponse à Mme Marie-Lou Marcel sur la liaison offshore, nous sommes en train de revoir un certain nombre de gros investissements pour examiner les possibilités de résoudre autrement, grâce aux nouvelles solutions technologiques désormais disponibles, les problèmes auxquels les projets initiaux répondaient. Nous le faisons sur l’ensemble de nos infrastructures. Dès lors que les technologies évoluent pour faire face aux défis de la transition énergétique – je vous ai expliqué que nous développons les nouveaux postes intelligents –, il est nécessaire de revisiter des gros projets d’infrastructure sur lesquels nous avions engagé des montants très élevés. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut plus investir du tout mais qu’il faut parfois investir autrement. La CRE nous a compris sur ce point. Je la remercie de son écoute. Elle a également intégré que nous devions faire ce travail ensemble puisqu’elle est tenue par un engagement à notre égard, celui de couvrir nos coûts. Je le rappelle, RTE ne maîtrise pas ses tarifs, c’est la CRE qui en décide, tout comme elle sélectionne les investissements que RTE propose. Notre marge de manœuvre, en dehors de ce que le régulateur nous autorise à faire, est quasiment nulle. Notre indépendance en est renforcée. La CRE doit garantir aux acteurs du marché que nous ne faisons pas n’importe quoi, et aux consommateurs, que nous n’engageons pas des dépenses inconsidérées qui conduiraient à une augmentation du tarif, pour les industriels et pour les particuliers, qui ne serait pas acceptable. Nous sommes complètement sous contrôle, et je ne m’en plains pas. Nous fournissons quotidiennement des pièces justificatives au régulateur. Deux audits menés par le régulateur sont en cours. C’est normal. L’écoute est assidue mais nous n’avons pas encore réussi à le convaincre que le changement de modèle que nous vivons était durable. En raisonnant sur un an, on peut penser que le changement est conjoncturel. Nous pensons qu’il est durable. Là aussi, nous devons avancer et faire de la pédagogie. Une consultation est lancée par la CRE sur le prochain TURPE, les débats sont dynamiques. Je ne doute pas qu’ils vont nourrir notre projet.

Vous m’avez posé une question sur la garantie d’origine que je n’avais pas complètement comprise. Je dois vous dire, Madame Mme Marie-Noëlle Battistel que c’est Powernext qui gère cette affaire. RTE n’est pas concerné.

Monsieur Daniel Fasquelle, RTE développe, sous la supervision de M. Olivier Grabette, ici présent, un système de gestion permanente de la qualité et de la vétusté de nos actifs, sur lequel nous travaillons avec une startup. Nous avons besoin de savoir quel est l’état du réseau, des pylônes, des câbles, partout et à tout moment. L’ensemble du réseau n’est pas couvert par ce système. Nous ne disposions pas de cet outil de surveillance et d'anticipation jusqu’à présent. Le contrôle se faisait, non pas au doigt mouillé, mais au cas par cas. Cette nouvelle approche, fondée sur des algorithmes et des statistiques, permet d’être beaucoup plus performants. Certains réseaux sont très anciens, certains pylônes trop rouillés et certains câbles chutent ; le territoire compte 105 000 kilomètres de lignes sur le territoire, ce n’est pas rien. Je ne peux pas vous dire que le réseau est au « top niveau » partout. En revanche, je vous garantis que les 800 millions ou le milliard d’euros dépensés chaque année pour l’entretien et le maintien en compétence du réseau n’entament pas les nouveaux projets.

Dans le cas d’Avelin-Gavrelle, on ne parle pas de désert électrique, une ligne existe déjà. Il s’agit bien aujourd’hui de la renforcer, afin d’offrir à l’agglomération de Lille, qui vit une renaissance industrielle, une alimentation en double circuit et non plus en simple circuit. J’en profite pour répondre à la question qui m’a été posée sur notre écoute à l’égard des PME et des entreprises en matière de desserte et de qualité d’électricité. RTE se doit de servir : chaque fois qu’une demande de fourniture d’électricité nous est adressée, nous n’avons pas à tergiverser, nous devons fournir la quantité, la puissance et la qualité. C’est notre boulot de service public.

J’explique aux élus des Hauts-de-France, avec enthousiasme et passion, que nous devons copartager la responsabilité. Ils savent que s’ils me demandaient un jour de prendre la responsabilité de ne pas sécuriser l’alimentation de Lille, peut-être dirai-je à la ministre qu’il faut renoncer au projet. Mais je n’ai pas entendu une telle demande de leur part jusqu’à présent. Il faut absolument apporter la sécurisation nécessaire sur la ligne 400 000 volts. C’est ce que nous nous employons à faire avec le renouvellement de la ligne Avelin-Gavrelle. En la matière, j’assume la continuité des actions de l’État puisque le projet a été lancé, de mémoire, en 2010. Pourquoi la ligne ne se fait-elle pas en souterrain ? Nos voisins belges ont enterré une ligne. Nous sommes allés vérifier sur place puisque je m’étais engagé auprès des élus du secteur à leur apporter tous les éléments de comparaison afin que la réflexion de chacun puisse s’appuyer sur des éléments aussi rationnels que possible. Il apparaît que cette ligne est du 300 000, et non du 400 000 volts. En outre, la mise en souterrain représente un impact au sol de cinquante mètres de large. J’en tire deux conclusions : premièrement, ce n’est pas le même sujet ; deuxièmement, l’impact est assez fort sur le plan géographique et paysager.

Nous ne faisons jamais des investissements pour faire du fric parce que notre job n’est pas de faire du fric, mais de servir l’intérêt général, la continuité et la qualité de service. Nous ne faisons jamais des investissements pour nous faire plaisir, mais parce qu’ils sont nécessaires. Aujourd’hui, je vous l’ai dit, nous passons notre temps à revisiter les investissements pour les grandes infrastructures – chacun connaît les réticences sociétales sur ces sujets – pour trouver des alternatives grâce au numérique et au digital. J’en ai donné des exemples.

S’agissant du stockage, je l’avoue, je suis un passionné de cette question car je pense qu’une fois qu’on a résolu le problème du stockage de l’électricité, on a résolu celui de l’intermittence. Chacun l’a bien compris. Je note ainsi que le groupe Total vient de racheter une entreprise qui fabrique des batteries, que l’activité du groupe Bolloré explose et que le groupe américain Tesla va aussi pénétrer le marché européen dans des proportions significatives. Cette affaire est mûre sur le plan industriel mais elle cherche encore sa maturité sur le plan économique. Le développement du stockage va apporter une respiration et de la sérénité dans l’acrobatie permanente que constitue la gestion de l’équilibre des réseaux. Nous ne pouvons pas rester à l’écart. Nous nous engageons à fond. Si nous pouvons en interne développer des approches de gestion parcimonieuse, nous n’avons pas le droit de faire du gros stockage. Il appartient aux acteurs du stockage de se rallier à notre cause, et ils ne manqueront pas de le faire.

Je n’ai pas d’états d’âme à l’égard des autonomes qui sont voués à monter en puissance. C’est une bonne chose au regard de l’efficacité énergétique. Nous devons prendre acte du fait qu’il y aura de plus en plus d’acteurs consommateurs qui ne viendront que de temps en temps s’approvisionner sur le réseau – c’est une réalité objective –, mais ils viendront toujours. Pensez à l’exemple du puits : si vous en possédez un, lorsque les nappes sont asséchées, vous êtes bien contents de pouvoir compter sur le réseau de la ville. Il est normal de réfléchir à des modèles économiques dans lesquels chacun paie le prix du réseau, qui est aussi celui de la sécurité et de la sérénité. Il ne faut pas que les gros utilisateurs soient les seuls à être mis à contribution. Cette évolution ne me fait pas peur, ni ne m’inquiète. Demain, la plupart des gens auront chez eux une batterie ou un panneau solaire. Ikea, me semble-t-il, vend désormais des panneaux solaires domestiques. Ces équipements peuvent être un complément ou un accompagnement. C’est le sens de l’histoire énergétique que d’avoir chacun sa part de responsabilité et donc d’autonomie.

Madame Jeanine Dubié, vous m’avez interrogé sur l’agglomération tarbaise. J’ai une note de douze pages pour vous répondre sur ce sujet pour le moins technique. Nous allons effectivement renforcer la transformation de la ligne avec le renouvellement du système de commande de poste à Bastillac. RTE a décidé de remplacer les trois transformateurs actuels par deux transformateurs de puissance supérieure. Je note au passage que la réduction du nombre de transformateurs entraînera une baisse de l’imposition forfaitaire pour les entreprises de réseaux (IFER). On se plaint toujours de l’impact des équipements mais lorsque l’un d’eux disparaît, effaçant ainsi son impact, on oublie parfois que la ressource qui lui est associée disparaît également. Je me tiens à votre disposition à l’issue de cette audition pour vous apporter les éléments de réponse précis.

Monsieur Thierry Benoit, s’agissant des modalités de notre intervention sur le territoire, notre filiale Arteria propose des liaisons par fibre optique. Celle-ci est déployée sur 20 % du réseau. Il se trouve que nos pylônes, qui servent à desservir les grandes villes, passent souvent par des endroits assez peu peuplés. Il n’y a pas de raison que ces territoires ne puissent pas bénéficier d’un accès très haut débit grâce à nos pylônes. Cela ne se sait pas assez. Je le dis, sans forcément faire un appel au peuple, cette filiale est tout à fait autorisée, hors secteur régulé, à faire le travail d’acheminement du haut débit.

Nous sommes bien sûr impliqués dans les schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR). Il nous revient de les élaborer avec l’ensemble des acteurs qui sont porteurs de projet.

Le raccordement des parcs éoliens offshore est financé par les projets – 2 milliards d’euros sont prévus, le financement étant apporté par la contribution au service public de l’électricité (CSPE).

La quote-part de RTE dans le financement des S3REnR s’élève à 100 millions d’euros. Ce n’est pas beaucoup. Nous contribuons davantage au travers de l’activité d’élaboration avec les partenaires. La tâche n’est pas simple car, avec le redécoupage des régions, il faut reprendre un certain nombre de schémas. Le législateur a prévu des transitions mais elles ne sont pas toujours faciles à mettre en œuvre sur le terrain, d’où l’intérêt de faire – je sais que vous le faites – le contrôle de l’application de la loi.

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous le faisons en permanence.

M. François Brottes. Madame Delphine Batho, le projet d’entreprise sera présenté à la fin du mois de juin ou mi-juillet. Je ne vois pas comment un schéma d’ouverture du capital pourrait être élaboré avant. On m’a indiqué qu’il fallait trouver un accord avant la fin du mois de juin. Mais il s’agit selon moi d’une période, pas forcément d’une date butoir.

Monsieur Michel Sordi, sur Fessenheim, je tiens également à votre disposition une fiche de douze pages. Ce que je peux vous dire – et qui vous a déjà été dit –, c’est qu’avec 50 millions d’euros de travaux, presque achevés, RTE a pris des dispositions pour que, comme les pouvoirs publics l’ont indiqué, si Fessenheim s’arrête, l’Alsace puisse bénéficier d’une qualité de courant et d’une puissance disponible confortable et conforme à ce qu’elle a toujours connu. Je peux vous donner le détail des investissements à l’issue de cette audition.

Monsieur Antoine Herth, je ne sais pas qui est à l’origine de la coupure dont vous avez été victime – je ne sais pas si votre voisin l’a été également. Les interruptions de service auxquelles nous sommes confrontés chaque semaine font partie des difficultés de ce métier. Elles sont parfois le fait du transporteur, parfois du distributeur ou encore d’un équipement qui va rendre l’âme – nous avons eu avec les transformateurs de mesure un incident générique ; nous sommes en train de tous les remplacer. Les interruptions peuvent aussi être liées à des dégradations – cela a été le cas en Rhône-Alpes récemment – consécutives à des vols de cuivre. Il y a dans ce pays des gens assez fous, il faut le reconnaître, pour aller à mains nues récupérer du cuivre alors que les postes sont sous tension. J’en suis arrivé à me dire qu’il serait préférable de les intercepter avant et de leur donner trois francs six sous. Cela reviendrait 150 000 fois moins cher, je n’exagère pas, que ce que ce coûtent la réparation, l’interruption de service et le danger de remise en état – il y a eu des électrocutions. Ce problème dramatique génère dans tout le pays beaucoup d’incidents, ce qui m’a amené à instaurer de la télésurveillance sur l’ensemble des postes, après en avoir discuté avec les organisations syndicales. On ne peut pas prendre de risques sur ce sujet. Depuis que l’on peut pister ceux qui commettent ces actes, les dégradations sont moins nombreuses. Monsieur Antoine Herth, je ferai une analyse détaillée et je vous informerai de la raison de la coupure. Si nous en sommes responsables, je vous présente mes excuses. Si ce n’est pas le cas, je suis solidaire de la difficulté qui a été la vôtre et désolé que le repas aux chandelles n’ait pas pu se tenir.

Madame Marie-Lou Marcel, vous soulignez que le projet de nouveau poste Saint-Victor ne suscite pas une adhésion totale. Pourtant, la nouvelle ligne de desserte et de sécurisation du territoire a été pensée afin que l’impact sur le paysage soit minimal. Un très gros effort en ce sens a été fait par nos équipes. Ce poste va aussi servir à accepter sur le réseau de transport des productions éoliennes qui vont être installées au bénéfice de l’économie de l’Aveyron. Chaque initiative de ce genre suscite des « pour » et des « contre ». Nous sommes très soutenus par les acteurs économiques, nous le sommes moins par certains riverains. De mémoire, il me semble qu’il n’y a personne à proximité des équipements. L’impact est très limité mais il n’est pas nul, j’en conviens. Je tiens à votre disposition la fiche qui m’a été préparée.

Monsieur Lionel Tardy, RTE est neutre et indépendant. Chaque fois qu’EDF nous pose des questions sur les aspects internes de la gestion, je leur oppose que je ne peux pas leur répondre. L’un des métiers de RTE, je l’ai dit, est d’être l’architecte des mécanismes de marché : l’effacement, les mécanismes de capacité ou les réserves utiles pour mettre en équilibre le réseau. Nous ouvrons la possibilité à tout acteur, producteur d’effacement ou producteur d’énergie, de venir sur le marché. Nous devons le faire dans des appels d’offres transparents, selon des modalités qui sont les mêmes pour tous les acteurs – ils sont plus d’une cinquantaine. Nous nous devons à cette neutralité et cette transparence, sous la surveillance du régulateur. Je crois que ce fonctionnement a permis à nombre de nouveaux acteurs d’émerger.

Quant aux synergies, elles existent forcément. Mais il ne peut pas y avoir plus de synergie avec EDF qu’il n’y en a avec un autre acteur de la production d’énergie. Ma réponse est fondée sur l’application stricte des textes issus de la transposition de directives européennes en matière d’énergie.

Monsieur Jean-Frédéric Poisson, la question des bornes électriques relève du réseau ERDF.

Concernant l’interconnexion, nous avons tenu hier une réunion à huis clos avec M. Klaus-Dieter Borchardt, directeur en charge du marché européen de l’énergie à la Commission européenne, en présence du président de la CRE. RTE est tiraillé : d’un côté, la Commission européenne demande avec force plus d’interconnexions, avec l’Espagne par exemple, au hasard – cette demande n’est pas étrangère au sommet de Madrid au cours duquel les États se sont mis d’accord pour réaliser une palanquée d’interconnexions. De l’autre, le régulateur fait valoir que ce genre de projets n’est pas nécessairement fondé ou judicieux et que le rapport coûts-bénéfices n’est pas toujours favorable. J’essaie, avec pragmatisme, de proposer de procéder étape par étape. Le Portugal, dans la péninsule, connaît aussi des problèmes d’approvisionnement. Une interconnexion de plus dans un délai proche me semble pertinente au regard du rapport coûts-bénéfices, mais cela me paraît plus compliqué avec trois. Nous sommes des exécutants. Les États et la Commission nous incitent à réaliser ces projets tandis que le régulateur nous met en garde contre leur caractère un peu extravagant. Encore une fois, je peux avoir des avis mais j’ai surtout des devoirs. J’essaie de rendre des comptes à ceux à qui j’en dois. En raison de la multiplicité de ces derniers, cet exercice est parfois un peu brouillé.

Monsieur Hervé Pellois, je sais que, dans votre commune, des maisons se sont rapprochées des pylônes, selon l’expression consacrée. Le dispositif de mise en souterrain d’initiative locale (MESIL), qui est encadré par le code de l’énergie, permet à RTE de contribuer au financement de la mise en souterrain d’un certain nombre de lignes – je ne parle pas des lignes de 400 000 volts – selon un barème qui varie en fonction de la vétusté de la ligne : plus la ligne est ancienne, plus la contribution est importante. Nous sommes donc ouverts à tout montage de ce type. Nous n’avons pas à faire de ségrégation dans ce domaine. Je crois savoir que, dans votre commune, plusieurs lignes sont concernées sur un périmètre restreint. Vous dites que les subventions ne sont pas suffisantes. Il n’est pas interdit de faire preuve d’imagination. C’est ce que nous allons essayer de faire. Ce dispositif a le mérite d’éviter de raisonner à la tête du client. Il est complètement transparent.

Mme la présidente Frédérique Massat. Monsieur le président, je vous remercie. Nous n’aurons pas l’occasion de nous revoir pour la présentation du projet d’entreprise mais nous le suivrons avec beaucoup d’attention. Je vous informe que j’ai demandé à la ministre de l’énergie de venir devant notre commission pour évoquer également ces sujets.

*

Puis la commission a examiné le rapport d’information de MM. François Pupponi et Michel Sordi sur la mise en application de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je remercie les rapporteurs de leurs travaux et je leur laisse immédiatement la parole.

M. Michel Sordi, rapporteur. Nous effectuerons une présentation à deux voix de ce rapport d’application de la loi dite « Lamy », réalisé dans le cadre défini par l’article 145-7 du Règlement de l’Assemblée nationale. Le rapport intervenant un peu plus de deux ans après la promulgation de la loi, nous avons décidé d’aller au-delà du simple contrôle de la publication des décrets d’application pour procéder à une première évaluation des effets de l’application du texte dans les territoires.

Après seize auditions à l’Assemblée nationale et deux déplacements dans le Rhône et en Seine-Saint-Denis, nous pouvons affirmer que les services de l’État et des collectivités territoriales se sont fortement mobilisés pour appliquer la loi, même si beaucoup reste à faire.

Les sept décrets d’application prévus par la loi ont tous été publiés dans un délai raisonnable – le dernier l’a été le 3 septembre 2015, soit à peine plus de dix-huit mois après la promulgation de la loi.

L’un des objectifs principaux du texte était de réformer la géographie prioritaire de la politique de la ville. Dans un rapport public thématique de juillet 2012, la Cour des comptes avait en effet fustigé la complexité et le « saupoudrage » des aides publiques qui résultaient des différents zonages prioritaires instaurés depuis 1996. Aux zones urbaines sensibles (ZUS), contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) et zones de redynamisation urbaine (ZRU) devait succéder un zonage unique fondé sur le revenu des habitants. Ce nouveau zonage, défini par deux décrets du 30 décembre 2014, est en vigueur depuis le 1er janvier 2015. Conformément à l’intention du législateur, cette nouvelle géographie se concentre sur les quartiers les plus en difficulté. Elle compte 1 514 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) contre plus de 2 500 ZUS et quartiers CUCS, soit 40 % de quartiers en moins par rapport à la géographie précédente. Le nombre de communes « sorties » de la politique de la ville est de 327, tandis que 117 communes y sont entrées.

Cette nouvelle géographie prioritaire fait consensus auprès des acteurs de la politique de la ville que nous avons interrogés. Une phase de concertation constructive qui a eu lieu entre les préfets et les élus locaux à l’automne 2014 a permis d’ajuster les périmètres de certains quartiers. Certains élus locaux ont cependant regretté l’effet de seuil créé par le nombre minimal de 1 000 habitants, défini par le décret du 3 juillet 2014, qui a exclu certaines poches de pauvreté et des quartiers pavillonnaires moins denses, pourtant en voie de paupérisation. Des exemples nous ont été cités dans le Rhône, dans le Nord et en Seine-Saint-Denis.

Généralement, ces nouveaux quartiers prioritaires ciblent toutefois mieux les concentrations urbaines de pauvreté. D’après l’INSEE, la proportion de ménages à faibles revenus y est de 31,4 %, contre 21,9 % dans l’ancienne géographie. La proportion de jeunes y est également plus élevée, de même que la part de ménages locataires en HLM. Des territoires plus ruraux comme l’Ariège, la Creuse et le Gers sont entrés pour la première fois dans la politique de la ville. L’ancienne région Languedoc-Roussillon est celle qui a accueilli le plus de nouveaux quartiers prioritaires.

Le deuxième grand objectif de la loi était de renforcer le pilotage intercommunal de la politique de la ville. Les contrats de ville, chargés de définir localement la politique de la ville, devaient obligatoirement être signés à l’échelle intercommunale afin de mieux intégrer les quartiers dans l’agglomération et de mieux mobiliser les différentes politiques publiques locales – des transports, du logement ou de l’emploi. Les métropoles, les communautés urbaines et les communautés d’agglomération ont reçu pour cela une compétence obligatoire de coordination des contrats de ville.

Depuis le début de l’année 2016, tous les contrats de ville ont été signés, soit 435 au total. Le renforcement du rôle de l’intercommunalité est a priori un succès : d’après le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), 63 % des contrats de ville ont été pilotés par un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Dans les départements de la petite couronne parisienne, qui concentrent une part importante de la population habitant en QPV, les contrats de ville ont toutefois été signés dans les périmètres qui précédaient la création de la métropole du Grand Paris au 1er janvier 2016. Un travail important reste donc à y accomplir afin de compiler et de synthétiser les contrats de ville dans le cadre des nouvelles intercommunalités.

D’après les acteurs interrogés, la répartition des rôles entre l’EPCI compétent en matière de politique de la ville et les communes, qui fit d’ailleurs l’objet d’un long débat parlementaire, s’est généralement bien passée. La qualité du pilotage intercommunal fut toutefois très inégale en fonction du degré d’intégration préalable des EPCI. Par ailleurs, conformément à l’intention du législateur, le nombre moyen de signataires des contrats de ville est beaucoup plus élevé que dans le cadre des anciens CUCS. Ainsi, toutes les régions ont signé les contrats de ville de leur territoire et 97 % des départements ont fait de même. Les bailleurs sociaux, la Caisse des dépôts et consignations, Pôle emploi et les caisses d’allocations familiales (CAF) se sont également beaucoup mobilisés.

Toutefois, de nombreux acteurs locaux ont estimé que le calendrier de signature des contrats de ville avait été très contraint et que cette rapidité a pu nuire à la qualité de certains d’entre eux. De nombreux contrats de ville signés en 2015 ne sont ainsi en réalité que des contrats-cadres qui se contentent de fixer des grandes orientations. En outre, certains signataires comme les régions, les départements, l’éducation nationale ou les agences régionales de santé (ARS) ont eu des difficultés à proposer des actions innovantes. Enfin, certains principes de la loi, comme l’obligation de désigner une structure locale d’évaluation, ont pour l’instant été ignorés.

M. François Pupponi, rapporteur. En somme, en ce qui concerne l’élaboration des contrats de ville, la loi a globalement été bien appliquée et efficacement mise en œuvre par tous les acteurs. Je me concentrerai pour ma part sur ce qui, malheureusement, n’a pas toujours bien fonctionné et sur les aspects de la loi que les opérateurs concernés n’ont pas ou ont peu appliqué.

Il s’agit d’abord des moyens financiers dévolus à la politique de la ville. Aux termes de la loi, quatre documents devaient permettre de déterminer, dans le cadre des contrats de ville, qui finance quoi.

Premièrement, le contrat de ville devait définir les moyens engagés par les acteurs et les signataires, en particulier, pour les services de l’État, le droit commun mis en œuvre pour favoriser l’action publique dans les quartiers, d’une part, et les moyens spécifiquement dédiés à la politique de la ville, d’autre part. La loi indiquait que tous ces éléments devaient figurer dans le contrat de ville ; une circulaire a précisé qu’ils devaient apparaître dans une annexe à celui-ci. Or, aujourd’hui, à deux ou trois exceptions près – dont Nantes et le Grand Auch –, aucun contrat de ville ne dispose d’une annexe financière. Autrement dit, le contrat de ville décrit les actions à mettre en œuvre, mais le volet financier manque.

Deuxièmement, le Gouvernement devait remettre au Parlement, avant le 1er septembre 2014, un rapport sur la mise en œuvre de la dotation de la politique de la ville (DPV), dotation d’État affectée aux territoires qui devait remplacer la dotation de développement urbain (DDU). Ce rapport, nous l’attendons toujours. Certes la DDU est bien devenue DPV, mais les conditions d’attribution de la dotation restent les mêmes : ce sont les préfets qui déterminent les enveloppes accordées aux territoires.

Troisièmement, un pacte financier et fiscal devait être conclu entre les communes et les intercommunalités. C’était une grande nouveauté de la loi Lamy : les intercommunalités devaient prendre davantage en considération les enjeux de la politique de la ville et des contrats de ville. Or il ressort de nos travaux et de nos auditions qu’aucun pacte financier et fiscal n’a été établi.

Quatrièmement, les signataires du contrat de ville et les bailleurs sociaux devaient signer une convention sur le fameux abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) dont bénéficient les bailleurs sociaux et qu’ils doivent réinvestir dans les quartiers. Or, même si des conventions ont été signées dans environ 50 % des cas – ce devrait être 75 % d’ici à la fin de l’année, d’après ce que l’on nous annonce –, nous avons découvert lors de nos auditions que la direction générale des finances publiques (DGFiP) est incapable de donner le montant des abattements avant la fin de l’année à venir. En d’autres termes, on signe des conventions portant sur un montant qui n’est pas consolidé. Ce n’est pas neutre, d’abord parce la convention peut de ce fait ne pas correspondre à la réalité, ensuite parce que la moins-value fiscale est estimée – sous-estimée, à mon avis – à environ 150 millions d’euros au niveau national. Or l’abattement, qui était compensé par l’État lorsqu’il s’appliquait dans le cadre des ZUS, ne l’est quasiment plus, malgré un amendement à la loi de finances qui a porté le taux de compensation à 40 % dans les quartiers concernés. En d’autres termes, les communes de la politique de la ville sont pénalisées financièrement, car elles perdent des recettes qui ne sont pas nécessairement réinvesties dans ces quartiers, ce qui est contre-péréquateur et contraire à la volonté du législateur.

Sur ces aspects financiers, un effort important reste donc à faire : il faut un second souffle, afin que les documents exigés par la loi soient élaborés et que l’on sache ainsi qui fait quoi et quels sont les financements que nous apportons à ces quartiers.

Un autre aspect essentiel de la loi Lamy était la participation des habitants dans le cadre des conseils citoyens. À ce jour, un peu plus de 50 % des territoires concernés se sont dotés de ces conseils. Cela a pris un peu de temps et n’a pas été sans quelques difficultés. De manière générale, les choses se déroulent maintenant de manière plutôt satisfaisante. Certes, la loi n’a pas été strictement respectée partout : elle prévoyait un conseil citoyen par QPV, par commune, autonome et doté, en particulier par l’État, de moyens de fonctionnement propres ; or, en Seine-Saint-Denis, par exemple, il a été décidé de constituer un conseil citoyen pour l’ensemble des QPV. Mais l’on peut dire que le dispositif a été installé de manière plutôt efficace, compte tenu des spécificités locales. Dans certains territoires, les conseils citoyens ne sont pas autonomes et restent pilotés par la municipalité ; dans d’autres, la loi est bien appliquée.

En revanche, aux termes de la loi, les conseils citoyens devaient participer à l’élaboration et à la signature des contrats de ville ; mais comme ils n’ont été constitués qu’après celle-ci, ils seront chargés de suivre l’évolution des contrats de ville et de participer à la préparation de la convention de rénovation urbaine qui sera ensuite signée.

Nous espérons que tous les territoires concernés auront bientôt leurs conseils citoyens.

La loi de finances pour 2016 a attribué des financements à ces conseils afin de permettre à leurs membres de se former et d’agir. À cet égard, les choses se mettent en place peu à peu, mais, dans ce domaine aussi, un effort important reste à faire. On aurait tort de croire, en effet, que les citoyens peuvent se doter du jour au lendemain des compétences nécessaires pour suivre l’élaboration et la mise en œuvre d’un contrat de ville et d’une convention de rénovation urbaine. Des moyens sont disponibles ; encore faut-il monter les formations. Précisons que certains conseillers citoyens ont toutefois déjà pu en bénéficier.

M. Michel Sordi, rapporteur. Le dernier grand axe de la loi du 21 février 2014 était le lancement d’un nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), géré par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Ce nouveau programme, qui prend la suite de celui dont M. Jean-Louis Borloo eut l’initiative en 2003, est encore en phase de construction, mais le cadre national nécessaire à son lancement est en place.

L’article 3 de la loi dispose que le NPNRU vise en priorité les quartiers « présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants » et que cette liste est arrêtée par le ministre chargé de la ville, sur proposition de l’ANRU. Lors des débats parlementaires, beaucoup s’étaient interrogés sur ce que recouvrait précisément cette notion de « dysfonctionnements urbains » et des doutes avaient été émis quant à la transparence du processus de désignation des quartiers par l’ANRU. En réalité, l’agence a procédé au cours de l’année 2014 à une analyse qualitative des QPV à partir d’une grille de critères objectifs prenant notamment en considération l’enclavement des quartiers, leur absence de mixité fonctionnelle ou la mauvaise qualité de l’habitat. Des visites ont ensuite eu lieu sur place et un dialogue avec les élus a permis d’ajuster le classement.

Le conseil d’administration de l’ANRU a finalement proposé une liste de 216 quartiers d’intérêt national qui a été définitivement validée par un arrêté du ministre chargé de la ville en date du 29 avril 2015. À ces 216 quartiers d’intérêt national s’ajoutent 200 quartiers d’intérêt régional qui ont été déterminés selon la même grille de critères par les préfets, en coopération avec les élus municipaux et régionaux. Le conseil d’administration de l’ANRU a ensuite adopté le règlement général du NPNRU, qui comporte plusieurs améliorations par rapport à celui du premier PNRU. Il prévoit notamment des aides à la minoration de loyer pour les locataires relogés et, conformément aux orientations arrêtées lors du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté du 6 mars 2015, indique clairement que la reconstitution de l’offre locative sociale consécutive à des démolitions devra être située par principe hors du quartier d’intervention, afin de favoriser la mixité sociale.

Je précise qu’il me semble indispensable d’associer les habitants à cette démarche ; or il ressort des discussions que j’ai pu avoir sur ce point avec ceux de ma commune que certains d’entre eux ne souhaitent pas quitter les quartiers où ils ont vieilli. Il convient de tenir compte de cet état de fait en reconstruisant sur site des logements beaucoup plus adaptés à la demande des personnes.

Le financement de ce nouveau programme semble aujourd’hui assuré grâce à la signature, le 2 octobre dernier, d’une convention tripartite entre l’État, l’ANRU et Action Logement. Grâce à cette convention, 5 milliards d’euros d’équivalents subventions seront bien consacrés au financement du NPNRU, comme le prévoit la loi.

Je le disais, le cadre national est donc en place, et des projets locaux sont en cours d’élaboration dans les territoires. Aujourd’hui, l’enjeu principal est l’amélioration de l’articulation entre les futurs projets ANRU et les volets économiques et sociaux de la politique de la ville. Pour y parvenir, il reste beaucoup à faire au niveau local, en s’appuyant sur la dynamique née de l’élaboration des contrats de ville.

M. François Pupponi, rapporteur. La loi Lamy prévoyait que les collectivités concernées signent avec les bailleurs et avec l’État des conventions d’équilibre territorial. Il s’agissait de résoudre le problème posé par la politique de peuplement, dont nous étions conscients dès l’examen du texte : la rénovation urbaine permet de rénover ou de reconstruire des logements dans les quartiers, mais, si l’on ne maîtrise pas les attributions de logements, on ne fait qu’aggraver la ghettoïsation. Les conventions devaient donc obliger les acteurs du logement à s’asseoir autour d’une table pour déterminer les conditions de la mixité sociale dans les quartiers concernés, dans le cadre de la rénovation urbaine et de l’action de la politique de la ville sur place.

Pour des raisons que nous avons du mal à comprendre, la convention d’équilibre territorial a télescopé la conférence intercommunale du logement prévue par la loi ALUR et une instruction conjointe des ministres chargés de la ville et du logement a indiqué que les conférences intercommunales du logement issues de la loi ALUR devaient précéder la rédaction de la convention d’équilibre territorial. Ce n’est pas normal : c’est la convention qui doit déterminer les conditions de la mixité et des attributions de logement, après quoi la conférence applique ces orientations. Pourtant, alors que la conférence n’est pas obligatoire, la convention, qui l’est, n’est pas mise en œuvre ! Il y a là une forme de court-circuitage de la loi que nous avons votée.

Globalement, la loi a été appliquée ; les services de l’État, les collectivités locales, tous ceux qui devaient signer les contrats de ville se sont fortement impliqués pour que ces contrats soient conclus. Il faut maintenant passer à une deuxième étape, pour traiter non seulement les aspects financiers mais aussi la question du logement. Sans doute serons-nous à nouveau saisis de la question du peuplement lors de l’examen du projet de loi « Égalité et citoyenneté », qui aura bientôt lieu à l’Assemblée. Peut-être cela permettra-t-il que la loi que nous avons votée soit appliquée, voire améliorée.

Quoi qu’il en soit, nous proposons de faire venir sans tarder le ministre chargé de la ville avec sa secrétaire d’État, mais aussi le secrétaire d’État chargé du budget, afin qu’ils nous expliquent comment et quand les textes relatifs aux aspects financiers seront enfin mis en œuvre. Que les contrats de ville soient signés, que leurs signataires affichent leur détermination, c’est très bien ; mais, sans les moyens nécessaires à la conduite des actions annoncées, nous en resterons à un document aussi intéressant qu’inefficace. Notre démarche est d’autant plus justifiée que le Gouvernement n’a pas rendu les rapports prévus et que, bien que nous ayons souvent interpellé M. Christian Eckert, dans le cadre de l’examen de la loi de finances, au sujet de la non-compensation aux communes les plus pauvres des abattements de TFPB, Bercy ne nous a jamais répondu. Si la publication de notre rapport est autorisée, il conviendra donc que nous rencontrions rapidement les ministres afin qu’ils répondent aux questions que nous y soulevons.

Mme la présidente Frédérique Massat. Votre demande est entendue ; afin de la concrétiser, nous pourrions relancer le Gouvernement au sujet des rapports qu’il devait remettre et, le cas échéant, lui demander de venir les présenter devant notre commission.

Élue de l’Ariège, un territoire rural et, pour partie, de montagne, nouvellement entré dans la politique de la ville et doté de trois contrats de ville, je confirme que nous rencontrons des difficultés du fait du manque d’ingénierie dans les structures des collectivités, qu’il s’agisse des communes ou des communautés de communes. Les choses se font, mais un peu plus lentement qu’ailleurs et à condition d’être davantage aidés. Quant au conseil citoyen, il a rencontré un grand succès, mais il suscite beaucoup d’attentes de la part des habitants et nécessite d’être animé de manière quasi professionnelle.

Je vous entends : ce dossier est à suivre, notamment grâce à l’activité parlementaire.

M. Daniel Goldberg. Je remercie nos collègues pour la qualité de leur travail, dont j’ai été témoin lors de leur déplacement dans mon département, en Seine-Saint-Denis, auprès des équipes locales qui ont mis en œuvre la nouvelle politique de la ville.

Ce nouveau zonage était nécessaire : il fallait reconnaître les difficultés des territoires en tenant compte de manière exacte du niveau de richesse de leurs habitants. En outre, parallèlement à l’examen du texte, un débat était en cours dans l’espace public, qui suggérait que les problèmes ne se situaient peut-être pas là où on le pensait ; or ce travail objectif de zonage a montré que, si de nouveaux territoires sont apparus, les autres zones de pauvreté – ou quartiers difficiles, ou quartiers populaires, selon le nom que l’on veut bien leur donner – n’en sont pas moins toujours en difficulté, malgré les efforts nombreux et variés dont ils ont déjà fait l’objet.

L’une des questions que soulève la politique de la ville depuis ses origines est la suivante : cette politique représente-t-elle l’intégralité de l’engagement de l’État dans les territoires concernés, ou faut-il solliciter les moyens de droit commun compte tenu de leurs difficultés spécifiques, auquel cas la politique de la ville ne serait qu’un élément supplémentaire et facilitateur ? Quoi qu’il en soit, à la lumière de ce qui nous a été exposé au sujet des annexes financières, on voit que le compte n’y est pas en ce qui concerne les différentes politiques publiques qui font la vie de ces villes.

Au-delà même des relations entre les villes concernées par des contrats de ville et les intercommunalités, j’aimerais prendre un point de vue plus global : j’ai toujours été surpris du fait que, quand on parle de politique de la ville, on n’englobe pas la ville au sens large, y compris ses quartiers « favorisés » ou « non sensibles ». Cela supposerait de se placer au niveau intercommunal, mais aussi à celui des métropoles nouvellement créées. Ces relations « gagnant-gagnant » permettraient une véritable péréquation.

Les conseils citoyens, qui s’installent doucement, sont parfois perçus comme des empêcheurs d’administrer en rond. Pourtant, dans les communes de même qu’à l’Assemblée nationale, il faut sans doute accorder davantage d’attention à ce qu’expriment les citoyens et à leur point de vue sur la conduite des politiques publiques. Les élus que nous sommes s’interrogent sur ce point, comme sans doute les élus municipaux ou intercommunaux. Ceux-ci ont leur propre plan de charges, leur propre fonctionnement ; or on sait que le temps des citoyens n’est pas toujours celui de nos services publics. Mais si nous avons créé ces conseils, à la suite du rapport Mechmache-Bacqué et après un débat parlementaire long et fructueux, c’était bien pour permettre aux citoyens de participer à l’élaboration des politiques publiques et d’interroger les élus sur leurs pratiques.

Il conviendrait d’interroger l’État et les différentes collectivités partenaires à propos des 200 quartiers d’intérêt régional, presque aussi nombreux que les quartiers d’intérêt national mais dont la situation est beaucoup moins claire aux yeux de leurs citoyens et de leurs élus.

Enfin, c’est aussi dans le cadre de la loi Lamy que nous avons fait du lieu de résidence le vingtième critère légal de discrimination. J’aurai le plaisir d’accueillir ce soir M. Jacques Toubon, Défenseur des droits, dans ma circonscription, à Bondy, pour dresser le bilan de l’application de ce critère.

M. Alain Suguenot. Je remercie à mon tour les rapporteurs pour leur travail.

Les bonnes intentions du législateur ne suffisent pas toujours. Lorsqu’une règle est appliquée de manière uniforme sur le territoire, elle peut être pertinente en Seine-Saint-Denis, mais – je vais jouer le rôle du rat des champs – se heurter à des difficultés dans les zones rurales. J’apporte ici le témoignage d’un cumulard. J’ai découvert que ma ville comptait un quartier prioritaire, ce qui n’était pas le cas jusque-là. Toutefois, les critères qui ont présidé à ce classement ont conduit à retenir un quartier qui n’était pas le plus prioritaire. Un autre quartier aurait pu être éligible, mais faute d’avoir tenu compte d’un îlot d’immeubles, il n’a pas été choisi. L’effet est considérable sur les contreparties à l’abattement de la taxe foncière. En effet, le quartier qui aurait pu être sélectionné si le maire avait été consulté – mais la décision a été prise dans la précipitation – était en voie de reconversion : les bailleurs sociaux étaient en train de faire des travaux importants ; ils auraient pu bénéficier de l’avantage d’une exonération de TVA. La ville aurait ensuite parfaitement pu consentir à l’abattement de la taxe foncière – pour une ville comme la mienne, cela représente 350 000 euros par an. Dans le quartier qui a été choisi, les travaux venaient d’être terminés. En outre, ce n’était pas le quartier qui posait le plus de difficultés.

Nous avons essayé de revenir sur cette décision en expliquant qu’une erreur avait été commise. La préfecture n’a rien voulu entendre, l’État non plus, si bien que nous faisons partie des deux contrats de ville qui n’ont pas été signés alors que nous y avions cru. Nous avons compris que le loueur social n’avait aucun intérêt dans ces conditions à signer et que, par contre, nous perdions la recette de la taxe foncière. Cela représentait un coût pour une collectivité qui n’a pas attendu la loi pour mettre en place des politiques de quartier.

On a déshabillé la ville de Dijon pour rendre ce quartier de ma ville prioritaire. Je n'ai toujours pas compris la raison de l’absence de concertation en amont avec les élus pour essayer de définir ensemble une politique. Je considère cela comme un échec démocratique. Cela explique certainement les difficultés liées à la TFPB qu’évoquaient notre collègue François Pupponi. D’autres signataires de contrats de ville, j’ai des échos en ce sens, s’interrogent sur le bien-fondé de leur signature.

Ce n’est pas pour autant qu’il faut jeter le bébé avec l’eau du bain. Je pense qu’une nouvelle concertation, avec les nouveaux ministres, pourrait permettre d’être plus constructif. Je ne mets pas en cause le renouvellement urbain. Alors que cette loi devait supprimer les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), qui, pour certains, profitaient d’un effet d’aubaine, je ne voudrais pas que les mêmes causes produisent les mêmes effets et qu’une énième loi sur le logement aboutisse au résultat que nous connaissons, hélas, un constat d’échec.

Ma critique est un peu dure mais elle est nourrie de mon expérience personnelle et complète l’avis exprimé par les rapporteurs.

Mme Jeanine Dubié. Messieurs les rapporteurs, au nom du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP), je voudrais vous remercier pour votre travail sur l’application de la loi Lamy ainsi que pour votre présentation synthétique et pédagogique. Nous connaissons tous votre expertise sur ce sujet.

Conscient des imperfections du précédent dispositif, en particulier du gaspillage et de l’inefficacité liés au fameux saupoudrage des crédits, le groupe RRDP a soutenu les grands principes de la réforme de la politique de la ville.

Dans la réforme de la géographie prioritaire, le choix du carroyage, avec des critères de pauvreté objectifs, était probablement la moins mauvaise des solutions. Cette réforme a permis de substituer 1 514 quartiers prioritaires de la politique de la ville aux 2 500 quartiers dotés d’un CUCS et zones urbaines sensibles (ZUS).

Vous avez beaucoup évoqué les aspects financiers, je n’y reviens pas. Je partage votre appréciation et je soutiens votre demande d’entendre les ministres.

Vous soulignez dans votre rapport un manque d’harmonisation entre la réforme de la politique de la ville et celle de la géographie de l’éducation prioritaire.

En matière de santé, vous constatez également un défaut d’articulation entre le zonage des « territoires fragiles » et celui des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Vous faites état de fermetures de centres hospitaliers, ou de services, sans prendre en compte les particularismes des territoires.

Comment peut-on améliorer l’harmonisation des différents zonages afin de garantir une plus grande lisibilité et d’éviter que certaines décisions viennent annihiler les effets d’une autre politique ?

Vous connaissez bien les contrats de ville. Vous avez pu en mesurer les réussites et les insuffisances. Quel regard portez-vous sur les contrats de ruralité que certains envisagent de mettre en place ? Quelles seraient vos recommandations pour les rendre aussi utiles et efficaces que possible ?

M. Lionel Tardy. Votre rapport d’information met en lumière l’absence de coordination entre les différents zonages qui se multiplient. Comme vous le soulignez dans votre rapport, les quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui dépendent du ministère de la ville, s’ajoutent aux réseaux d’éducation prioritaire, qui relèvent du ministère de l’Éducation nationale et aux zones de sécurité prioritaire, sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur. Entre ces zonages, il semble n’y avoir aucune coordination, ni concertation même si, par la force des choses, de nombreuses zones se recoupent. Je vous cite : « La concomitance de la réforme de deux géographies prioritaires aurait pu permettre une plus grande harmonisation des zonages de la politique de la ville et de l’éducation prioritaire. Même si une certaine coordination a eu lieu entre les deux ministères, les acteurs locaux de la politique de la ville, dont les délégués du préfet, ont indiqué à vos rapporteurs n’avoir pas du tout été associés à l’identification des nouveaux réseaux d’éducation prioritaire (REP et REP+) ».

Ce problème avait déjà été signalé lors de l’examen de la loi. Malheureusement, la politique de la ville continue à être considérée comme une politique autonome alors que la sécurité et l’éducation mériteraient d’y être davantage prises en compte.

M. François Pupponi, rapporteur. La difficulté qui nous est apparue lors de nos auditions et qui est aussi la raison pour laquelle, depuis tant d’années, dans notre pays, la politique de la ville a du mal à être efficace est la suivante : la volonté politique du gouvernement existe, les ministres ont fait ce qu’il fallait, la volonté du Parlement est elle aussi affichée au travers de cette loi ; on sait ce que l’on veut et on sait à peu près ce qu’il faut faire ; mais ensuite, – je vous donne un avis personnel – on se heurte à la lourdeur des administrations. Je n’ai pas été surpris car je m’y attendais un peu, mais j’ai eu confirmation que la haute administration est dans l’incapacité de nous dire ce qu’elle fait vraiment pour ces quartiers prioritaires lorsqu’on lui demande quel est le droit commun dans ces quartiers, quel est le plus qu’elle apporte. On comprend pourquoi les annexes financières ne sont pas remplies. Les responsables sont en mesure de nous dire quels sont les instruments spécifiques mobilisés, mais pour les moyens de droit commun, ils n’ont pas les outils, y compris statistiques, pour répondre. Les choses toutefois s’améliorent et vont dans le bon sens, un observatoire va être mis en place. Je ne suis pas en train de dire que rien n’est fait mais l’administration souffre d’une incapacité à analyser ce qui est vraiment fait. Donc, elle reproduit ce qu’elle a déjà fait. La grande nouveauté de la loi Lamy tenait précisément à l’obligation de distinguer dans le contrat de ville les moyens de droit commun mobilisés. Les administrations ont du mal à le faire.

L’exemple le plus criant de cette incompréhension est évidemment que la géographie prioritaire de l’Éducation nationale a été reformée quelques mois avant la signature des contrats de ville. Or, la logique aurait voulu que l’administration se mette autour de la table avec les élus et les acteurs locaux, y compris les conseils citoyens, pour déterminer ensemble quels étaient les établissements prioritaires et les inscrire dans le contrat de ville. L’Éducation nationale a choisi seule, sans concertation, les établissements prioritaires, alors qu’un dialogue s’engageait avec les habitants et les élus sur la politique de la ville. C’est révélateur soit d’une volonté de ne pas faire et accessoirement de ne pas appliquer la loi, soit d’une incompréhension de ce que sont ces quartiers et de ce qu’il faut y faire. Le Commissariat général à l’égalité des territoires, rattaché directement au Premier ministre, doit, grâce à sa fonction interministérielle, peser de tout son poids auprès des ministres concernés pour leur demander d’appliquer la règle et vaincre les réticences de l’administration. Cela avance petit à petit.

Je reviens sur l’exemple des hôpitaux. Lorsque l’AP-HP à Paris doit décider de la fermeture d’hôpitaux, elle le fait en priorité dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, ce qui est la négation complète de la loi que nous avons votée. S’il y a des quartiers dans lesquels ne pas fermer l’hôpital, ce sont bien ceux-là puisqu’ils sont prioritaires. Malgré la volonté politique du Gouvernement, quel qu’il soit d’ailleurs, et la volonté du législateur, la lourdeur de la haute administration aboutit à de tels résultats.

Comment peut-on arriver à faire les choses ? C’est l’intérêt des fameuses annexes financières dans lesquelles les services déconcentrés de l’État doivent renseigner des chiffres. La loi les y oblige. Peut-être les ministres doivent-ils insister de nouveau auprès des préfets de département et des préfets à l’égalité des chances, lorsqu’il y en a, pour que ces annexes financières soient enfin publiées. Nous pourrons alors nous appuyer sur un état des lieux. C’est la priorité, l’urgence, sinon nous retomberons dans les travers du passé : nous aurons signé de magnifiques contrats de ville et voté une belle loi – je ne suis pas en train de dire que la politique de la ville ne sert à rien, il se passe des choses très importantes, les services déconcentrés font du travail dans ces quartiers, les élus sont impliqués. Il faut aller plus loin, c’est-à-dire disposer au moins d’un état des lieux afin de pouvoir mobiliser les moyens de droit commun pour ces quartiers.

Monsieur Daniel Goldberg l’a dit, la concertation avance, plutôt bien d’ailleurs ; les expériences sont plutôt enrichissantes, mais les conseils citoyens posent deux questions : la formation et, très vite, puisque de nombreuses réunions sont organisées dans la journée, les participants font valoir qu’ils travaillent, qu’ils n’ont pas d’autorisation d’absence auprès de leur employeur et qu’ils ne sont pas rémunérés ou défrayés. On ne peut pas demander aux gens de s’impliquer dans la vie citoyenne et de participer sans apporter de réponses aux problèmes matériels qui se posent.

S’agissant des contrats de ruralité, qui ne sont pas de notre domaine de compétence, je pense, à titre personnel, à l’instar des contrats de ville, que les contrats de ruralité ont du sens, qu’il y a un intérêt à mettre les acteurs autour d’une table pour déterminer quelles sont les politiques efficaces pour l’avenir d’un territoire. On l’a fait pour la ville, on peut le faire aussi pour la ruralité.

M. Michel Sordi, rapporteur. Je suis d’accord avec Monsieur Alain Suguenot, il n’est pas normal que des élus ne soient pas consultés. J’ai pu constater que l’implication dans les administrations est différente d’une région à l’autre.

Quant aux fermetures de classes ou de services hospitaliers, certaines imperfections doivent être corrigées.

Concernant la reconstruction de quartiers, je l’ai dit, il faut consulter la population et être prudent.

Un grand flou demeure sur le financement mais M. François Pupponi l’a dit, il serait bon d’inviter les ministres à s’exprimer sur ce sujet crucial.

Dans ma commune, la direction départementale des territoires demande une énième étude. Depuis quinze ans, nous avons réalisé toutes les études nécessaires. Aujourd’hui, il est temps d’entrer dans une phase active.

Je suis convaincu que la réussite de ces projets passe par la mise en place d’un comité de pilotage ou un comité de suivi, avec des réunions régulières, dans lequel les élus doivent s’impliquer. Les dysfonctionnements constatés par le passé sont souvent liés à un manque de suivi.

Je regrette aussi dans certains cas le manque d’implication de l’Éducation nationale ou de Pôle emploi.

M. François Pupponi, rapporteur. Faute d’annexes financières, on n’est pas capable de dire aujourd’hui qui va payer quoi, ce qui pose déjà question. Mais le problème le plus grave est celui de la TFPB. L’abattement, évalué à 150 millions d’euros environ, non sans difficultés par les directions départementales des finances publiques, n’est pas compensé par l’État ou à hauteur de 10 ou 15 % seulement. Cela signifie que, tous les ans, les quartiers prioritaires perdent entre 100 et 150 millions au profit de bailleurs sans garantie que ces sommes y soient réinvesties. Ce sont des pertes sèches pour les collectivités locales concernées. Alors qu’on se bat pour la péréquation, ce texte est « contre-péréquateur ». Plus on fait de la politique de la ville, plus on signe des contrats de ville et plus on perd de l’argent. Bercy ne veut rien entendre. Il y a vraiment urgence à sensibiliser tout le monde à ce problème.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je retiens que nous devons suivre particulièrement ce dossier.

La Commission autorise la publication du rapport d’information.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 11 mai 2016 à 9 h 30

Présents. – M. Damien Abad, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Philippe Bies, M. Yves Blein, M. Marcel Bonnot, M. Christophe Borgel, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Laurent Furst, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yannick Moreau, M. Philippe Naillet, M. Hervé Pellois, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Troallic, M. Fabrice Verdier

Excusés. – M. Bruno Nestor Azerot, M. Denis Baupin, Mme Michèle Bonneton, M. JeanClaude Bouchet, Mme Fanny Dombre Coste, M. Henri Jibrayel, Mme Laure de La Raudière, M. Thierry Lazaro, M. Serge Letchimy, M. Kléber Mesquida, M. Dominique Potier, M. Thierry Robert, M. Jean-Marie Tétart, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Frédéric Poisson, M. Christophe Premat, M. Michel Zumkeller