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Commission des affaires économiques

Mardi 8 novembre 2016

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 19

Présidence de Mme Frédérique Massat, Présidente, puis de M. Jean Grellier, Vice-Président, de Mme Élisabeth Guigou, Présidente de la commission des affaires étrangères, puis de Mme Chantal Guittet, Vice-Présidente, et de Mme Danielle Auroi Présidente de la commission des affaires européennes

– Audition, conjointe avec la commission des affaires étrangères et la commission des affaires européennes, de M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français à l’étranger, sur les négociations commerciales internationales

La commission a procédé à l’audition, conjointe avec la commission des affaires étrangères et la commission des affaires européennes, de M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français à l’étranger, sur les négociations commerciales internationales.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Merci, Monsieur le secrétaire d’État, de venir à nouveau évoquer avec nous les négociations commerciales internationales. Nous nous concentrerons sur l’accord entre l’Union européenne et le Canada (CETA, pour Comprehensive Economic and Trade Agreement) dont la signature a été retardée de quelques jours du fait de l’opposition du Gouvernement de Wallonie. Cet obstacle a été surmonté grâce à une déclaration interprétative du Gouvernement belge. Il serait intéressant que vous nous en donniez le contenu et la portée.

D’autre part, il faut vraiment améliorer encore la transparence des négociations des accords commerciaux – vous-même avez pris des dispositions, et nous vous en remercions. Il faut faire comprendre aux institutions européennes que les parlements nationaux doivent être davantage associés : il ne suffit pas de vanter les bénéfices économiques attendus de ces accords, il faut répondre aux préoccupations des parlements.

Vous pourrez peut-être nous expliquer les décisions prises par le Conseil des ministres chargés du commerce, le 18 octobre dernier à Luxembourg, à propos de cet accord afin de protéger la compétence des parlements nationaux. Vous avez obtenu plusieurs avancées. La Commission a notamment reconnu que le CETA était un accord mixte dont la ratification était soumise aux parlements nationaux. De plus, le Conseil a défini très précisément le champ de l’application provisoire des dispositions de l’accord qui relèvent de la compétence exclusive de l’Europe ; les dispositions relatives à la Cour publique des investissements, notamment, en sont exclues. Enfin, le Conseil a adopté une déclaration qui prévoit que si un État ne peut ratifier l’accord, « de manière définitive et permanente », l’application provisoire cesse. Il serait bon que vous puissiez nous éclairer davantage sur ces éléments.

Peut-être nous parlerez-vous aussi des négociations relatives au Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP, pour Transatlantic Trade and Investment Partnership, ou TAFTA, pour Transatlantic Free Trade Area). Pouvez-vous notamment nous confirmer qu’aucun nouveau cycle de négociation n’est envisagé avant l’été 2017 ?

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. Merci, Monsieur le secrétaire d’État, de venir une nouvelle fois devant nos commissions réunies. Vous nous tenez informés depuis le début de ces négociations et, ainsi, c’est l’ensemble des citoyens qui sont informés.

Les négociations manquent cependant de transparence, elles ne sont pas assez démocratiques, et certains épisodes ne laissent pas d’interpeller nos concitoyens. Pourriez-vous notamment retracer le détail de ce qui s’est passé en Belgique et nous préciser ce que ce pays a obtenu ? Nous entendons également parler d’un possible référendum aux Pays-Bas. Pourriez-vous faire le point ? Les informations factuelles exactes manquent. Nous voudrions également connaître le périmètre du champ de l’application provisoire du CETA. Et qu’en est-il des négociations du TTIP, actuelles ou à venir ? Nos concitoyens sont intéressés par ces questions. Ils souhaitent même être étroitement associés.

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Je vous remercie à mon tour, Monsieur le secrétaire d’État, de votre disponibilité.

Les derniers développements concernant le CETA ont tourné au feuilleton haletant, notamment du fait du parlement wallon. Je rappelle cependant que notre commission des affaires européennes s’en est saisie dès 2011 et n’a, depuis lors, cessé de s’y intéresser. Nous avons notamment alerté sur tous les points qui, pour le parlement wallon, posaient des difficultés, à commencer par le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (Investor-state dispute settlement, ISDS).

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Même si l’Union européenne et le Canada ont finalement signé cet accord, il reste des zones d’ombre. Je suis d’accord avec mes collègues : une plus grande transparence est nécessaire.

Une question en particulier reste en suspens : celle de la simultanéité de la « mixité » et de l’application provisoire des accords commerciaux. Le traité entrerait en vigueur dès le vote du Parlement européen, avant même la ratification par l’ensemble des parlements nationaux et même subnationaux ; la ratification… ou le refus de ratifier, car il n’est pas exclu qu’au moins l’un d’entre eux rejette cet accord, comme le montre l’actualité de nos amis néerlandais. La déclaration annexée à la décision du Conseil du 18 octobre semble indiquer que, le cas échéant, l’application provisoire prendrait fin, ce qui signifierait la fin du CETA lui-même. Bref, la combinaison du caractère mixte des accords et de leur application provisoire paraît contradictoire, voire de nature à décrédibiliser définitivement la procédure.

Dans ces conditions, on peut craindre que l’une des réactions de la Commission européenne soit de ne plus qualifier les futurs accords de « mixtes ». Cela reviendrait à ne négocier que des accords relevant de la compétence exclusive de l’Union telle que définie, peut-être très largement d’ailleurs, par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Une telle décision enverrait un message de repli, d’éloignement supplémentaire vis-à-vis des citoyens, contraire à leurs nombreuses demandes d’être mieux associés aux décisions qui concernent leur quotidien. Nous en avons l’illustration aux Pays-Bas, où les opposants au traité sont sur le point de rassembler les 300 000 signatures nécessaires à l’organisation d’un référendum sur le CETA, ou en Allemagne, où 125 000 personnes ont déposé une plainte constitutionnelle contre le CETA. Du côté canadien aussi, de plus en plus de citoyens contestent certains aspects du traité.

Nous attendons toujours la décision de la CJUE sur la répartition des compétences concernant l’accord commercial conclu par l’Union européenne (UE) et Singapour, qui devrait être éclairante – elle devrait être rendue au début de l’année 2017. Mais, pour les prochains traités, quelle est la position du Gouvernement sur cette répartition des compétences et sur l’application provisoire dans le cadre des négociations ?

Je voudrais aussi vous interroger sur l’accord sur le commerce des services (TiSA, pour Trade in Services Agreement). Ce traité est actuellement négocié par vingt-trois parties membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dont l’Union européenne – représentant vingt-huit États –, les États-Unis et le Canada, mais sans aucun des « grands » pays émergents que sont la Chine, la Russie, le Brésil et l’Inde. Le vingt et unième round de négociation a lieu en ce moment même, quelques semaines à peine après le vingtième. Les négociations du TiSA semblent donc avancer bien plus rapidement que, par exemple, celles du TTIP – pour dire les choses gentiment.

Or ce TiSA, dont on parle hélas peu, pourrait représenter une menace bien plus grande pour nos préférences collectives que le TTIP ou le CETA, notamment parce que les services publics sont l’un des principaux sujets de ces négociations, ce qui n’est pas le cas de ces deux autres accords. Pouvez-vous nous dire, Monsieur le secrétaire d’État, où en sont ces négociations, quelle est la position de la France et de l’Union européenne et si toutes les mesures ont bien été prises afin que le TiSA soit un instrument de progrès et non de régression sociale ?

M. Matthias Fekl. Mesdames les présidentes, Mesdames et Messieurs les députés, merci de votre invitation à venir m’exprimer devant vous. Je me suis exprimé plus de vingt fois devant le Parlement, mais je reviendrai aussi souvent que vous le souhaitez. C’est bien normal car l’Assemblée nationale, comme le Sénat, travaillent effectivement depuis des années sur ces sujets. Vous avez fait des propositions très importantes, que ce soit sous la forme de résolutions adoptées au sein de vos commissions respectives, ou sous celle de travaux parlementaires individuels ; votre implication est extrêmement forte, et c’est indispensable. Les sujets commerciaux sont maintenant plus qu’hier au cœur des préoccupations des Français, au cœur des préoccupations des Européens, et pas seulement. Il est donc important que la démocratie puisse s’exercer, à la fois au moment de la ratification des accords, mais aussi tout au long du processus ; j’y reviendrai.

Je me concentrerai, comme vous m’y avez invité, sur l’accord avec le Canada, mais je répondrai évidemment aux autres questions.

Vous le savez, les discussions se sont conclues à l’été 2014. Lorsque j’ai eu l’honneur d’être nommé, elles étaient déjà terminées – c’était à peu près concomitant. Depuis lors, tout un travail de mise en forme, de traduction du texte, s’est engagé, pour qu’il puisse être soumis aux parlements. Beaucoup de débats ont eu lieu ensuite, même ces dernières semaines.

Vous avez rappelé, Mesdames les présidentes, ce qui s’est passé en Wallonie, en Belgique, qui a conduit à reporter de quelques jours le sommet UE-Canada. Plusieurs points étaient soulevés par le Parlement wallon. Pour être tout à fait honnête, rappelons qu’il avait déjà soulevé ces objections il y a environ un an. Au mois de septembre 2015, pour la première fois, il avait énuméré un certain nombre de critères importants pour lui, mais, précisons-le, l’importante de ces critères avait également été soulignée par vous-mêmes, Mesdames et Messieurs les députés. Contrairement à ce qui a été affirmé, le parlement wallon n’a pas été le seul à faire son travail : le Parlement français n’a cessé de faire le sien. Je trouve extrêmement surprenant que toutes vos heures de travaux, vos nombreuses propositions concrètes soient ainsi balayées d’un revers de main. Les Wallons ont donc émis des objections dont beaucoup rejoignent des préoccupations que nous avons partagées. Ils ont en particulier travaillé sur la question de la ratification : que se passe-t-il si un parlement national ou, dans le cas de la Belgique, régional s’oppose à l’accord ? Et comment l’arbitrage privé est-il remplacé par un nouveau mécanisme ? Et qu’est-ce qui peut être fait en matière de clause de sauvegarde agricole, notamment en cas de déséquilibre sur les marchés ? Quelle sera la place des services publics une fois l’accord avec le Canada finalisé ? Sur aucun de ces points, le Parlement n’a manqué de vigilance ni ne s’est dispensé de travailler – pas plus, d’ailleurs, que le Gouvernement. Je fais partie de ceux qui ont considéré que la Wallonie soulevait ces objections de manière tout à fait légitime. Je ne suis pas de ceux qui s’en indignaient et estimaient que ceux qui ne voulaient pas voter dans tel sens n’avaient rien compris – et je suggère à tous ceux qui aiment l’Europe de ne pas choisir cette voie.

La démocratie doit vraiment être au rendez-vous tout au long du process européen. La difficulté à laquelle nous nous sommes heurtés, c’est que la Wallonie n’a été prise en compte que tout à la fin dans le processus de décision. L’honnêteté force à dire que beaucoup de problèmes, qui avaient suscité des objections convergentes, notamment de la part des sociaux-démocrates européens, avaient déjà été réglés, mais vu qu’à aucun moment la Wallonie n’a pu faire officiellement valoir ses droits, elle a ainsi demandé à disposer, elle aussi, de ce temps-là.

Soyons tout à fait honnêtes : l’accord n’a pas été réécrit à la suite de cet épisode, pas une ligne n’en a été modifiée. Les discussions n’ont été rouvertes qu’une seule fois, à la suite de la proposition française et allemande, devenue ensuite l’objet d’un consensus européen, de remplacer l’arbitrage privé par la Cour de justice commerciale internationale. Les Canadiens l’ont acceptée et c’est la seule fois que l’accord a été modifié sur le fond – c’était le 29 février dernier.

Nous avons beaucoup échangé à ce propos, vous connaissez le dossier parfaitement. Le Gouvernement français fut le premier à s’attaquer au scandale démocratique que constitue l’arbitrage privé tel qu’il existe aujourd’hui et à proposer – dans un premier temps devant le Parlement français, d’ailleurs – son remplacement par un nouveau mécanisme de cour de justice publique, respectant les règles de déontologie, respectant le droit des États à mettre en œuvre des politiques publiques, des choix démocratiques, sans se voir traîné devant des tribunaux d’exception. La chronologie est parfaitement connue : débat devant le Parlement français au mois de décembre 2014 ; déclaration franco-allemande au mois de janvier suivant sur ce sujet ; déclaration commune des sociaux-démocrates européens au mois de février 2015 ; transmission de la proposition française au mois de juin 2015 ; acceptation, au mois de septembre suivant, de cette proposition par la Commission européenne, après qu’elle l’a légèrement retravaillée ; intégration de ce dispositif dans le CETA au mois de février dernier. J’y insiste un peu parce que vous m’avez invité à rappeler les faits.

Répétons-le : ce qui a été dit par le Parlement wallon rejoint parfaitement ce qui a été dit ici sur la nécessité absolue, dans l’avenir, de supprimer l’arbitrage privé et de le remplacer par ce nouveau mécanisme de cour. Nous souhaitons tous, à terme, une cour multilatérale de justice commerciale qui respecte la déontologie et le droit de la puissance publique et de la démocratie à mettre en œuvre des politiques publiques. C’est donc un tournant important dans les relations commerciales internationales, qu’il faut saluer comme tel et, maintenant, conforter avec la position française, qui est claire : nous ne signerons plus de traités qui comportent de l’arbitrage privé. S’il peut encore être renforcé et amélioré, le modèle de cour qui a été établi est maintenant le nouveau standard.

De même, nous devons être animés par cette préoccupation démocratique tout au long des processus de négociation. Vous m’avez interrogé sur les questions d’application provisoire et de ratification. La France s’est engagée tout au long du processus, avec de nombreux partenaires européens, pour que vous ayez le dernier mot sur cet accord. J’avais pris cet engagement devant la Représentation nationale et, jusqu’au bout, je me suis engagé pour qu’il soit tenu. Avant l’été, du côté de la Commission européenne, la tentation existait toujours de revenir sur la mixité, contrairement à ce qui avait toujours été dit par l’ensemble des États membres, mais nous avons obtenu gain de cause. Il est donc clair aujourd’hui que c’est vous qui serez amenés à voter, et à dire oui ou non à cet accord ; c’est vous qui serez amenés à vous prononcer sur l’ensemble du traité. C’est là un acquis du Conseil des ministres chargés du commerce qui s’est tenu il y a trois semaines à Luxembourg. Si un parlement national rejetait cet accord, l’ensemble de l’accord tomberait, y compris les dispositions entrant dans le champ de l’application provisoire.

En matière de processus de ratification, c’est là un acquis très important, qui répond à la demande française et qui satisfait aux conditions posées par la Cour suprême allemande. Tel est l’état du droit, maintenant acté au niveau européen. Cela me semble apporter des garanties fortes quant au caractère démocratique de la validation de l’accord. C’est donc vous qui déciderez à la fin, par votre vote, selon un calendrier qui n’est pas encore établi. La Commission européenne va d’abord présenter le texte au Parlement européen. Une fois qu’il se sera prononcé, nous pourrons procéder à la ratification parlementaire nationale. Et le Parlement européen doit voter pour que l’accord puisse entrer en vigueur de manière provisoire ; c’est là un autre combat dans lequel nous nous sommes beaucoup engagés. Ce n’est pas écrit dans les traités, mais nous avons souhaité qu’il y ait ce verrou démocratique au niveau européen avant l’application provisoire. Ensuite, je le répète, c’est à vous que l’accord sera soumis.

Vous avez parfaitement raison, Madame la présidente de la commission des affaires européennes : le grand nombre de parlements devant se prononcer rend tout cela extrêmement aléatoire. Pour l’avenir, il nous semble extrêmement important de réfléchir aux processus de ratification. Comment impliquer les parlements nationaux bien plus en amont, comment associer les parlementaires aux négociations ? Je suis effectivement favorable à une association des parlements à la conduite même des négociations. C’est possible aux États-Unis : les membres du Congrès peuvent prendre part au processus de négociation. Bien sûr, il faut déterminer les modalités d’une telle association, car nous n’allons pas mettre 200 parlementaires représentant tous les pays de l’Union autour de la table – cela ne fonctionnerait pas –, mais, d’une manière ou d’une autre, les parlements, européen comme nationaux, doivent être présents aux négociations pour qu’en permanence un regard démocratique soit porté sur ces sujets qui concernent la vie de tous les jours des gens. Il faut donc progresser en cette matière comme sur la transparence. Vous connaissez la position française sur ce sujet, qui est de faire de l’open data. Le Président de la République a accepté d’intégrer cette idée dans les propositions pour l’open governement, grande initiative internationale sur la transparence de la puissance publique. Voilà donc où nous en sommes sur ces aspects-là.

Sur le fond, vous le savez, l’analyse du Gouvernement est que cet accord est positif. Tout d’abord, la réciprocité est au rendez-vous, et notre agriculture bénéficie d’une reconnaissance importante. Ensuite, c’est le premier accord qui prévoie une cour de justice commerciale internationale – ce n’est pas un accord qui repose sur l’arbitrage, contrairement à ce qu’on a pu lire. Le Gouvernement a salué ces résultats, mais c’est maintenant à vous qu’il revient d’apprécier si cet accord mérite d’entrer en vigueur.

Les négociations du TiSA réunissent pour leur part vingt-trois pays et entités – je pense notamment à l’Union européenne. C’est un enjeu important pour notre pays, compte tenu de l’expertise française et du fait que notre pays est excédentaire dans le secteur des services. Nous en attendons évidemment des règles claires et un accès amélioré à l’exportation. La vingt et unième session a débuté le 2 novembre dernier. Les négociations sont donc en cours. Souhaitant la transparence, nous avons salué la publication du mandat le 9 mars 2015, mais tout ce qui a été dit sur la transparence dans les négociations du TTIP, du CETA, etc., vaut pour l’ensemble des négociations commerciales, sauf exception dûment justifiée, liée à la sécurité nationale ou autre considération de ce type. Nous avons des intérêts offensifs très importants dans les transports maritimes et aériens, les services financiers, les services postaux, mais nous restons extrêmement exigeants car très vite, quand on discute de services, les choses peuvent déraper, des brèches peuvent être ouvertes, qui compromettent un certain nombre de principes qui nous sont extrêmement chers. Nous sommes donc particulièrement attentifs aux questions des services publics, des services audiovisuels, et des domaines y sont liés ; c’est là une constante de la diplomatie française, sur la plupart des points concernés, par-delà les alternances. Voilà où nous en sommes.

Évidemment, je suis à votre disposition pour apporter davantage de précisions si vous le souhaitez. Vous êtes nombreux à participer au conseil stratégique des politiques commerciales, que je réunis régulièrement au Quai d’Orsay, pour rendre des comptes aux parlementaires, aux syndicats, aux organisations non gouvernementales (ONG), aux fédérations professionnelles, précisément pour mener ce travail d’explication et d’appropriation tout au long des processus de négociation.

Il est effectivement possible que l’accord avec le Canada, comme d’autres textes internationaux, soit soumis à un référendum aux Pays-Bas. La décision appartient aux autorités néerlandaises, et nous n’avons pas à en juger. Il est cependant vrai que la diversité et le nombre des procédures de ratification font peser un risque sur tout texte soumis à une approbation parlementaire ou référendaire, d’où cette proposition française, que je vous présente aujourd’hui, d’une association très en amont des différents parlements, d’une association permanente des représentants démocratiques, des élus à l’ensemble de ces processus de négociation.

Je suis à votre disposition si vous souhaitez plus de précisions. Merci, en tout cas, d’être venus si nombreux m’écouter m’exprimer sur ces sujets ; votre implication atteste de leur importance.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Merci beaucoup, Monsieur le secrétaire d’État, pour la précision de vos réponses. Merci aussi pour nous avoir présenté, de manière anticipée, ces propositions de transparence plus grande et d’association du Parlement à ces négociations.

Mme Seybah Dagoma. En vertu de nos règles institutionnelles, la Commission européenne est compétente en matière commerciale. Ces dernières années, elle est sortie de l’ombre car elle négocie désormais des accords dits « de nouvelle génération », qui touchent des domaines fondamentaux de la vie des citoyens européens. TAFTA, CETA ou TiSA, ces acronymes très médiatisés inquiètent, illustrant la dégradation de la confiance des concitoyens et de nombreux élus d’États membres dans les institutions.

La dernière séquence politique, qui portait sur le CETA et que tout le monde a en tête, est emblématique de cette défiance. Cela ne peut ni ne doit être balayé d’un revers de main. La question d’une réforme plus ou moins importante de nos institutions en matière de politique commerciale ne peut être éludée. Elle doit concerner tous les stades depuis la décision d’entamer la décision des négociations avec nos partenaires jusqu’à l’évaluation des accords ratifiés. Tout d’abord, les critères présidant aux pré-négociations de l’Union européenne avec des États tiers ne me paraissent pas suffisamment clairs. En effet, avant même qu’un mandat soit donné à la Commission pour négocier, la Représentation nationale doit pouvoir comprendre ce qui motive l’ouverture d’une négociation bilatérale. Existe-t-il une cartographie à court, moyen et long termes ? Ensuite, au-delà du fait que le mandat de négociation donné à la Commission européenne doit être publié, il ne me paraît pas adapté, au regard de la nature de ces accords de nouvelle génération et de la durée des négociations, d’exiger l’unanimité pour le réviser ou le révoquer – nous l’avons appris à nos dépens, avec la position courageuse que vous avez prise sur le TAFTA.

En ce qui concerne la négociation proprement dite, la question de l’information ou, plutôt, du déficit d’information des parlements nationaux est fondamentale. La position du Parlement wallon, évoquée à plusieurs reprises, a montré à quel point l’absence d’information tout au long de la négociation pouvait in fine affaiblir les institutions européennes et nuire à la crédibilité de l’Europe vis-à-vis de ses partenaires extérieurs.

De nombreux autres sujets nécessitent une clarification. Je me bornerai à en citer deux.

En grande partie grâce à vous, Monsieur le secrétaire d’État, la Commission européenne a reconnu le caractère mixte du CETA. Pourtant, la formule figurant dans son communiqué me laisse perplexe. En effet, au mois de juillet dernier, elle a proposé que le CETA soit considéré comme un accord mixte… tout en précisant que cette décision ne remettait pas en cause son opinion juridique telle qu’exprimée dans le cadre d’une affaire actuellement examinée par la CJUE, qui concerne l’accord entre l’Union européenne et Singapour. Quelle serait donc la conséquence d’un avis de la CJUE qui donnerait à l’Union européenne une compétence exclusive pour la mise en œuvre d’un accord ? Selon nous, la détermination des matières qui relèvent de la compétence de l’Union et de celles qui relèvent de la compétence des États membres est une question politique et non juridique. Autre exemple, vous avez dit que le rejet d’un accord mixte par un parlement national ferait tomber tout l’accord, mais vous avez également dit que les parlements nationaux devraient se prononcer sur la totalité de l’accord. Je ne comprends pas. Pouvez-vous préciser ?

Une fois les accords en vigueur, il me semble qu’une procédure transparente d’évaluation et un débat devant le Parlement devraient être prévus au terme d’un délai déterminé. Monsieur le secrétaire d’État, les dysfonctionnements que je viens d’évoquer appellent une réponse urgente. Quelles initiatives le Gouvernement français entend-il prendre ?

M. Arnaud Richard. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’Union européenne vient de signer le CETA dans des conditions extrêmement difficiles. Je n’en tiens pas moins à décerner, à titre personnel, un satisfecit à M. Matthias Fekl qui exerce ses fonctions avec beaucoup d’intelligence et de finesse et se montre à l’écoute du Parlement.

De nombreuses étapes doivent encore être franchies avant l’entrée en vigueur complète et définitive du CETA, puisque trente-huit assemblées nationales ou régionales doivent encore se prononcer – la perspective d’un possible référendum aux Pays-Bas pourrait constituer un premier écueil majeur. En tout état de cause, il nous semble difficilement compréhensible et acceptable que les parlements nationaux et les peuples européens soient mis devant le fait accompli. Je sais que vous en êtes tout à fait conscient, Monsieur le secrétaire d’État, qui déclariez vous-même, dès le mois de novembre 2015, que cette manière de faire était insoutenable.

Je souhaiterais que vous alliez un peu plus loin que vous ne l’avez fait, dans votre propos introductif, sur les modalités de négociation d’accords de libre-échange avec nos partenaires économiques et commerciaux, qu’il nous semble urgent de faire évoluer. Vous avez évoqué une association en amont des parlements mais seriez-vous favorable à une consultation des parlements nationaux et des sociétés civiles pour que chaque parlement donne une feuille de route claire à la Commission européenne, qui constituerait la base de son mandat ? La France est-elle disposée à s’engager en ce sens dans la perspective de prochains traités avec le Japon ou avec nos partenaires du Mercosur. Cette approche différente, cette méthode beaucoup plus démocratique ne pourraient-elles être de nature à offrir ces bases nouvelles que vous avez évoquées, pour ces traités et pour de nouvelles négociations avec l’administration américaine qui sera mise en place à la suite de l’élection présidentielle d’aujourd’hui ?

Mme Chantal Guittet et M. Jean Grellier remplacent, respectivement, Mme Élisabeth Guigou et Mme Frédérique Massat à la présidence.

Mme Suzanne Tallard. Comme vous le savez, Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes plus d’une centaine de députés à avoir écrit une lettre à M. le Président de la République pour lui demander, d’une part, de maintenir la position de la France sur le caractère mixte de l’accord et, d’autre part, de s’opposer, selon les mêmes principes, à son application anticipée.

Vous nous avez rassurés à propos du caractère mixte de l’accord. Cependant, des questions se posent.

À la suite du refus initial du Parlement wallon d’autoriser le Gouvernement belge à signer le CETA, plusieurs dirigeants et élus européens, y compris au Parlement, ont évoqué la possibilité de contourner les éventuels blocages nationaux en revenant sur la déclaration initiale de mixité, présentée il y a quelques mois comme une victoire de la diplomatie française. Pouvez-vous nous dire si la France, dans ce cas, maintient fermement sa position ? En outre, la Commission européenne, par la voix de son président, a conditionné dès l’origine le maintien de cette déclaration de mixité à la décision de la CJUE sur un autre accord, a priori similaire, avec Singapour.

Deuxième question, la France continuera-t-elle de défendre le principe d’une ratification du CETA dans l’ensemble des États membres de l’Union ? Le cas échéant, le rapport de force au niveau européen pourrait-il être favorable au maintien de ce principe même si la CJUE décidait que la conclusion de l’accord avec Singapour relevait de la compétence exclusive de l’Union ?

Enfin, si le Parlement français rejetait le CETA, la France pourrait-elle, comme l’Allemagne, mettre fin unilatéralement à son application provisoire alors qu’elle n’a pas préalablement consigné cette possibilité dans le procès-verbal du Conseil, contrairement à nos voisins d’outre-Rhin ? Le cas échéant, l’application prendrait-elle fin en France ainsi que dans l’ensemble des États signataires ? Par ailleurs, peut-on être assuré que c’est bien l’intégralité des dispositions qui cesserait de s’appliquer ?

M. Thierry Mariani. Merci, Monsieur le secrétaire d’État, de venir régulièrement nous exposer les avancées de certains dossiers. Je ne suis pas un spécialiste, n’étant pas membre de la commission des affaires européennes, mais je vous interrogerai sur quatre questions.

Tout d’abord, j’ai bien compris qu’on nous présente comme un succès par rapport à la règle des traités européens le fait que l’application n’est que provisoire et serait suspendue en cas de vote négatif d’un parlement, mais permettez-moi cependant d’être choqué. Même si je n’ai pas signé certains appels, je suis de ceux qui estiment que le vote du Parlement devrait précéder l’application.

Par ailleurs, qu’en est-il du calendrier ? Vous connaissez les dates des échéances nationales. Dans ces conditions, le vote au Parlement européen est-il susceptible d’intervenir avant la fin du mois de février prochain ? La France devra-t-elle se prononcer au cours de cette législature ou au cours de la prochaine ? Dans ce deuxième cas, le CETA deviendra l’un des sujets de la campagne présidentielle.

Ensuite, je me méfie des référendums à l’issue desquels le « non » n’est pas respecté. Les Pays-Bas ont dit non, au mois d’avril dernier, à l’accord d’association avec l’Ukraine. Or nous sommes en train de passer outre grâce à une lettre d’interprétation. Les informations données par la presse sont-elles exactes ? En clair, les institutions européennes ne risquent-elles pas de passer outre un refus de ratifier le CETA ? Elles semblent ne même pas hésiter à passer outre un refus exprimé non dans le cadre d’une procédure parlementaire mais par voie de référendum ! Enfin, n’êtes-vous pas choqué que les négociations sur le TAFTA continuent, au mépris des positions exprimées par la France et l’Allemagne ?

M. Jean-Louis Roumégas. Monsieur le secrétaire d’État, en ce qui concerne l’application provisoire du CETA, qui sonne plutôt comme une application anticipée, vous ne nous rassurez pas. D’un côté, on dit au Parlement qu’il pourra se prononcer et qu’il faudra l’accord de tous les parlements nationaux ; d’un autre, les populations ont l’impression qu’il ne sera guère possible de revenir en arrière une fois l’application provisoire de 90 % du traité décidée. Nos populations ont même l’impression de découvrir des accords déjà signés.

Par ailleurs, nous sommes à la veille de la COP22, mais le CETA et l’accord de Paris sur le climat, qui entre en vigueur, ne sont-ils pas incompatibles ? Le Canada produit du gaz de schiste et du pétrole de schiste ou bitumineux, toutes productions qui vont pouvoir entrer librement sur le marché européen, en contradiction avec les objectifs de l’accord de Paris. Si un pays décidait d’interdire l’importation de ces pétroles ou gaz bitumineux, les tribunaux d’arbitrage ne pourraient-ils pas condamner les États au profit des entreprises désireuses d’importer ?

Nous avons bien compris que la France proposait des améliorations en passant de tribunaux privés à une véritable cour d’arbitrage, mais cela répond-il à toutes les questions ? Le droit commercial international ne primera-t-il pas de toute façon sur le droit commun ? Et pourquoi faire une différence entre les investisseurs étrangers, qui auront d’emblée accès à cette cour d’arbitrage internationale, et les investisseurs nationaux, qui, eux, ne seront soumis qu’aux tribunaux nationaux ou européens ? Votre proposition ne dissipe pas toutes les craintes.

Mme Marietta Karamanli. Monsieur le secrétaire d’État, si le règlement des différends entre États et entreprises est confié à une cour publique, cela va dans la bonne direction. Qu’en est-il, en revanche, de l’impact de ce traité sur l’environnement ? Dans sa première version au moins, il visait à dynamiser l’agriculture industrielle, avec tout ce que cela peut impliquer pour le climat et la biodiversité. Une étude de l’impact de l’accroissement des échanges consécutif au CETA sur le climat et la biodiversité a-t-elle été ou serait-elle envisagée ? D’autre part, des mesures d’accompagnement ou de suivi sont-elles envisagées ?

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le secrétaire d’État, à mon tour, et au nom du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP), je tiens à vous remercier de venir nous présenter l’état d’avancement des négociations commerciales internationales. Vous le savez, nous sommes extrêmement sollicités par nos concitoyens, inquiets de la tournure que prennent ces négociations. Nous apprécions votre action en faveur de plus de transparence car nous vous rejoignons sur ce point. L’absence de transparence pendant ces négociations a été responsable de nombreux problèmes et rumeurs qui auraient certainement pu être évités.

Je fais partie des députés qui se sont exprimés en faveur de la reconnaissance du caractère mixte du CETA, et donc d’une ratification par le Parlement français avant sa mise en application. Vous avez, au final, obtenu de la Commission européenne la confirmation du caractère mixte de cet accord, et c’est tant mieux ; encore une fois, merci de votre engagement. Toutefois, son application provisoire immédiatement après le vote du Parlement européen est prévue. Concrètement, quelle part du traité relève réellement des compétences commerciales déjà transférées à l’Union européenne ? Quelles dispositions seront exclues de cette application provisoire ? L’Allemagne, l’Autriche et la Pologne ont fait préciser dans l’accord qu’elles pourraient mettre fin unilatéralement à cette application provisoire. Pourquoi la France n’a-t-elle pas fait de même ? Et pourquoi ne demande-t-on pas au Conseil constitutionnel de contrôler la compatibilité du CETA avec la Constitution française ?

Le CETA ouvre largement le marché canadien à nos produits agricoles et agroalimentaires. Avez-vous évalué l’impact pour notre commerce extérieur de cette suppression des droits de douane pour 92 % des produits ? Je songe notamment aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) exportatrices dans le domaine agricole ? En ce qui concerne les indications géographiques protégées (IGP), vous avez expliqué que l’accord prévoit la possibilité d’en ajouter de nouvelles, mais dans quelles conditions ?

Je veux saluer la position courageuse que vous avez exprimée au sommet de Bratislava : vous avez officiellement demandé l’arrêt des négociations sur le Partenariat transatlantique. Vous aviez cependant indiqué que cette position de la France n’était pas majoritaire au sein du Conseil. Les choses ont-elles évolué ? Avez-vous convaincu de nouveaux États membres de demander l’arrêt des négociations ?

Enfin, lors de votre audition au Sénat au début du mois d’octobre dernier, vous aviez indiqué que le préalable indispensable à une éventuelle reprise des négociations avec les États-Unis était la fin de l’extraterritoritalité du droit américain. Où en sommes-nous ?

Mme Chantal Guittet, présidente. Je me joins aux remerciements déjà exprimés, Monsieur le secrétaire d’État. Vous êtes venu maintes fois essayer de nous expliquer ce traité on ne peut plus compliqué. Plus j’essaie de comprendre, plus je me pose de questions. Cela ne me rassure pas. Déjà, ne pourrait-on distribuer à tous les parlementaires le texte français du traité ? Nous en parlons depuis longtemps, mais je ne suis pas sûre qu’un seul d’entre nous en ait un exemplaire. Si nous devons nous prononcer, encore faudrait-il savoir sur quoi !

Sur le fond, le traité est encensé sur le site internet de l’Union européenne. Il profiterait à tout le monde : consommateurs, entreprises, etc. Pour ma part, j’ai vraiment des doutes en ce qui concerne les PME et les très petites entreprises. Une étude mesure-t-elle précisément les retombées du CETA pour ces entreprises ? Il ne suffit pas d’annoncer que tout sera merveilleux pour tout le monde ! En fait de merveilles, nombreux sont les accords internationaux qui ne tiennent pas leurs promesses. Et qu’en est-il de l’impact du traité sur les agriculteurs ?

J’ai bien compris que le CETA avait pour objectif non pas d’harmoniser les normes – c’est compliqué – mais de les concilier et que des procédures seraient mises en place pour faciliter la convergence, mais qu’est-ce donc que ce forum de coopération réglementaire dont il est question ? Quels en seront les membres ? Quelles seront ses règles de fonctionnement ? Quel statut ses décisions auront-elles ? N’est-ce pas un moyen détourné d’imposer de nouvelles normes sans qu’on le sache ? Comment ce travail de coopération sera-t-il contrôlé ?

Je reviens aux agriculteurs. Les quotas de viande suscitent quelque inquiétude. Vous nous avez promis qu’il n’y aurait ni bœuf aux hormones, ni poulet à l’eau de javel, mais qui nous dit que ne seront pas importées des viandes d’animaux nourris aux organismes génétiquement modifiés (OGM) ?

Mme Michèle Bonneton. Monsieur le secrétaire d’État, le CETA prévoit l’existence d’un organe de coopération réglementaire qui donnerait son point de vue sur les lois et les directives avant même qu’elles ne soient votées. Comment serait composé cet organe ? Qui le contrôlerait ? En cas d’application anticipée du CETA, ce mécanisme serait-il opérationnel ? Quelle est la position de la France sur ce sujet ?

Quelles seraient les exigences de la France si le CETA était appliqué de manière anticipée et provisoire ? Une telle application porterait-elle uniquement sur les compétences exclusives de l’Union européenne – qui composent la très grande majorité du CETA ?

La négociation très secrète du TiSA pourrait profondément modifier nos services, notamment publics. Où peut-on consulter le texte discuté ? Je me rends à Bercy dans le cadre du comité de suivi stratégique des sujets de politique commerciale, mais on ne nous donne que des informations partielles et peu objectives. Où en est véritablement la négociation du TiSA ?

L’UE pourrait conférer à la Chine le statut d’économie de marché dès le mois de décembre 2016, ce qui diminuerait les taxes qu’applique l’UE aux produits chinois et pourrait conduire à la suppression de toutes les barrières antidumping. Un think tank américain, Economic Policy Institute, estime qu’entre 1,7 et 3,5 millions d’emplois pourraient être supprimés en Europe. La France soutient-elle la reconnaissance du statut d’économie de marché à la Chine ? Quelles garanties demanderait-elle pour préserver ses entreprises et ses emplois ?  

Mme Annick Le Loch. Monsieur le secrétaire d’État, le CETA pourra-t-il s’appliquer provisoirement avant le vote des parlements nationaux ? Quelles dispositions sont concernées par l’application provisoire du traité ?

L’Allemagne, l’Autriche et la Pologne ont fait préciser lors du Conseil européen qu’un État membre de l’UE pouvait mettre fin à l’application provisoire du traité, mais la France n’a pas formulé cette demande. Quelle en est la raison ?

Vous avez évoqué dans votre propos l’existence de clauses de sauvegarde agricoles en cas de crise : pourriez-vous nous en préciser la nature ?

Un professeur de droit constitutionnel a récemment affirmé dans la presse que de nombreuses dispositions du CETA étaient contraires à la Constitution, car elles portaient notamment atteinte à l’égal accès à un juge indépendant, aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté et au principe de précaution. Le CETA et la Constitution sont-ils incompatibles ? 

M. Philippe Le Ray. Les propos de mes collègues sont empreints d’un grand pessimisme. Le CETA représente avant tout une chance immense pour la France et pour l’Europe. Cependant, les dispositions concernant l’agriculture de masse font montre d’une improvisation complète. L’agriculture canadienne est capable de produire énormément, grâce à des ateliers porcins et bovins ; elle jouit par ailleurs d’un potentiel élevé de développement sur le marché des céréales. L’accord est favorable pour nos produits à haute valeur ajoutée – ceux bénéficiant d’appellations d’origine géographique, en particulier –, mais il suscite chez les professionnels de très fortes inquiétudes pour les productions laitière, porcine et bovine. Je ne crois pas à l’établissement d’un système de quotas, mais il faudra rester ferme sur les modes d’élevage et sur certains critères – le Canada peut fabriquer de nombreux produits à base d’OGM – touchant, entre autres, au domaine sanitaire.

Mme la présidente Danielle Auroi. Où en sommes-nous de la négociation du TiSA ? Quels sont les critères retenus ? Le principe de précaution ne se trouve pas dans le CETA, mais des dispositions de cet ordre sont-elles inscrites dans le TiSA ? Nous sommes dans le flou et avons besoin de précisions pour savoir si ce texte doit faire naître chez nous les mêmes interrogations que le TAFTA.

M. le secrétaire d’État. Madame Seybah Dagoma, il est exact de parler d’accords de nouvelle génération et de nourrir des inquiétudes à leur sujet ; cette situation est commune à tous les pays européens, notamment l’Allemagne, mais également aux États-Unis – les questions commerciales ayant été au cœur de la campagne présidentielle qui se termine aujourd’hui. Outre cette défiance politique forte, le commerce international progresse actuellement, et pour la première fois depuis longtemps, à un rythme plus lent que l’activité mondiale. Au sein de l’UE, une crise de légitimité démocratique touche la politique commerciale. Nous nous trouvons donc à un tournant où il s’avère nécessaire de refonder la politique commerciale de l’Union en y instaurant la démocratie tout au long du processus ; il s’agit d’un prérequis pour repartir sur de bonnes bases, son absence pouvant faire purement et simplement disparaître la politique commerciale de l’Union. De mon point de vue, et beaucoup d’entre vous partagent sûrement cette opinion, une telle disparition ne constituerait pas une bonne nouvelle, car la France aurait bien des difficultés à rester une grande puissance commerciale et à peser face aux États-Unis, à la Chine, aux grands pays émergents et à la réalité du monde d’aujourd’hui sans l’action d’une Union européenne moderne, forte et offensive. Œuvrer sciemment à la paralysie de la politique commerciale de l’UE ou créer de faux problèmes plutôt que de régler les vraies questions n’est pas la voie à suivre ! Je suis parfaitement d’accord pour pointer les lacunes démocratiques et pour arrêter des discussions commerciales s’il le faut, mais il y a aussi lieu de reconnaître les avancées contenues dans des accords globalement positifs.

Il convient de davantage évaluer les critères de négociation, et je propose que chaque ouverture de discussion soit précédée de trois études d’impact, réalisées par trois écoles de pensée économique distinctes, afin de disposer d’un débat contradictoire. Un courant plaide pour la concurrence dans tous les secteurs, qu’il l’accepte pour lui-même et qu’il soumette ses hypothèses au débat ! La France propose cet exercice, facile à mettre en place et utile, mais qui n’existe ni à l’échelle nationale, ni à celle de l’UE.

Nous voulons que tous les mandats de négociation soient transparents, et que l’évolution des discussions soit accessible aux citoyens et à leurs représentants grâce aux données ouvertes – ou open data. La France propose que nous puissions travailler sur une procédure de caducité des mandats de négociation et de nouvelle confirmation à période régulière. L’UE négocie avec le Mercosur sur la base d’un mandat qui date de 1999 ! À cette époque, les pays du Mercosur, qui pour certains sont aujourd’hui de grands émergents, étaient en développement ; les enjeux, notamment dans le domaine agricole, ont donc changé de nature depuis presque vingt ans. Le mandat doit être reconfirmé régulièrement et s’il ne l’est pas, il tombe.

La mixité signifie que l’accord comporte des dispositions de compétence européenne et d’autres de compétence nationale. Pour le CETA, la compétence nationale concernera la Cour de justice commerciale internationale ; il s’agit d’un sujet majeur, qui dépasse largement le domaine commercial, qui a trait à la puissance publique, au droit à réguler des États et au respect des décisions de la puissance publique et qui ne doit pas être absorbé par la politique commerciale de l’Union.

L’application provisoire ne vaut que pour les dispositions d’ordre européen, qui représentent, il est vrai, une part importante de l’accord. Mais il est également vrai que les États membres ont confié à l’Union la politique commerciale, et si vous estimez que la compétence de l’UE est trop vaste, il faut revoir les traités. La France a confié à l’UE des compétences que celle-ci exerce légitimement. Il faut faire preuve de cohérence intellectuelle.

Le Parlement européen doit autoriser par un vote l’application provisoire du CETA : cette obligation n’est pas prévue par les traités, mais la France a souhaité l’insérer dans le processus. La diplomatie économique française et celle d’autres États ont permis l’instauration de ce verrou.

Depuis la réunion du Conseil des ministres chargés du commerce, tenue à Luxembourg il y a trois semaines, tout vote négatif d’un parlement national sur le traité le fera tomber, y compris ses dispositions relevant de la compétence de l’UE. Cela n’était pas acquis, et les articles relevant de la compétence de l’Union auraient pu rester en vigueur. Ce Conseil des ministres a été l’occasion d’une reprise en main politique du processus et a débouché sur une décision européenne claire et incontestable, qui répond à ce que vous m’aviez demandé lors de précédentes auditions. La décision du Tribunal constitutionnel allemand a joué un rôle utile pour la formation d’une coalition avec l’Allemagne et d’autres États sur ce sujet. Comme en Allemagne, un vote négatif du Parlement français ferait tomber le traité, y compris son application provisoire ; en revanche, la Constitution française différant de celle de l’Allemagne, le Conseil constitutionnel ne se prononcera pas sur ce traité avant son examen par le Parlement. Le Conseil constitutionnel pourra être saisi, par soixante parlementaires ou par un citoyen posant une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), une fois adopté le projet de loi de ratification du traité.

La CJUE a été saisie d’une demande d’avis sur le caractère mixte ou non de l’accord signé avec Singapour ; sa décision, attendue initialement dans le courant de l’année 2016, serait plutôt rendue au début de l’année prochaine. Juridiquement, l’avis de la cour ne vaudra que pour l’accord avec Singapour, mais il fera évidemment jurisprudence ; il pourra donc s’appliquer pour d’autres accords commerciaux, mais pas pour le CETA, des déclarations du Conseil ayant clarifié ce point. La Commission européenne refusait de qualifier l’accord de mixte, mais elle a compris qu’elle n’avait pas le choix puisque tous les États défendaient l’idée opposée. Il y aura donc bien un processus de ratification nationale. Nous sommes favorables à la mixité pour cet accord avec Singapour comme pour d’autres ; si la cour disait le contraire, nous ferions face à un problème. En effet, les États ne peuvent pas accepter que la politique commerciale européenne absorbe la protection des investissements et la Cour de justice commerciale internationale ; une seule disposition de compétence européenne dans un accord commercial suffirait alors à le rendre totalement européen, si bien que les services publics ou les règles alimentaires pourraient échapper à la souveraineté des États. La France ne sera pas seule pour combattre cette perspective.

Monsieur Arnaud Richard, je vous remercie de vos propos à mon endroit auxquels je suis très sensible. Je suis d’accord sur la nécessité de revoir totalement les méthodes de négociation, et chacun doit y prendre sa part. Nous devons associer les parlements tout au long des étapes de la négociation. Je suis très ouvert aux consultations, et la Constitution de la cinquième République ne fait pas suffisamment de place au Parlement sur les sujets de commerce international. Rien n’oblige le Gouvernement à consulter le Parlement en amont, ce que je regrette, car je plaide pour l’associer bien davantage dans ce domaine ; le Parlement devrait pouvoir se prononcer par des votes, et on gagnerait à s’inspirer de l’exemple du Bundestag allemand – nous touchons là au débat sur la modernisation et la démocratisation de nos institutions, qui me tient à cœur. Tout ce qui permet d’impliquer davantage le Parlement et la société civile me convient, voilà pourquoi je reçois les syndicats, les ONG et les élus au Quai d’Orsay.

La France a demandé l’arrêt des négociations du TTIP. La commissaire européenne au commerce, Mme Cecilia Malmström, et l’ambassadeur américain, M. Michael Froman, se rencontreront à la fin du mois de novembre, mais la Commission affirme qu’il n’y aura plus de cycle de négociation avant l’été 2017. Le message de la France a donc porté ! En septembre dernier, lors du Conseil commerce de Bratislava, un nombre important d’États ont pointé pour la première fois les problèmes de cette négociation ; ils n’en demandaient pas l’arrêt, mais ont exprimé leur mécontentement sur la transparence, sur l’agriculture, sur la réciprocité et sur l’absence, contrairement au CETA, d’un remplacement de l’arbitrage privé par un nouveau système public, déontologique et démocratique. L’arrivée d’une nouvelle administration américaine sera l’occasion de repartir sur des bases différentes, faisant d’emblée leur place à la transparence, à l’environnement et à la démocratie ; il faudra également mettre en place la Cour de justice commerciale internationale et obtenir la réciprocité.

Madame Suzanne Tallard, je vous remercie d’avoir souligné les progrès obtenus par le Gouvernement de votre pays. Il est inenvisageable pour la France, comme pour l’ensemble des États membres, que l’accord avec le Canada ne soit pas considéré comme mixte – et ce, quelle que soit la décision de la CJUE sur l’accord avec Singapour ; le Parlement français aura donc à se prononcer sur l’ensemble du CETA et il pourra valider ou rejeter l’intégralité de l’accord – ce qui n’était pas garanti avant le Conseil des ministres chargés du commerce à Luxembourg.

Monsieur Thierry Mariani, la commission chargée du commerce du Parlement européen examinera le CETA le 5 décembre, puis le Parlement votera dans le courant du même mois. Ce n’est qu’après ce vote que nous pourrons engager le processus parlementaire national ; comme vous le savez, la session s’arrêtera fin février 2017 à l’Assemblée nationale, et la ratification parlementaire d’un accord prend du temps. Le Parlement français ne pourra pas se prononcer définitivement sur le CETA avant les prochaines élections présidentielle et législatives, mais, ce sera à lui, quelle que soit la majorité en place, d’accepter ou de refuser l’accord.

Il ne m’appartient pas d’apprécier le recours ou non d’un État au référendum pour ratifier le CETA, et même si cette procédure crée plus d’incertitudes, ces dernières ne pourront de toute façon pas disparaître du fait de la multiplicité des processus de ratification.

Les Néerlandais auront à choisir une voie de ratification de l’accord d’association avec l’Ukraine, et je n’ai pas à me prononcer sur ce point ; on peut simplement rappeler qu’il est difficile de faire évoluer un texte après un référendum.

La Commission européenne peut continuer les négociations sur le TAFTA, mais elle ne dispose plus du soutien politique de la France, et des doutes très importants se sont exprimés dans l’ensemble des pays de l’UE. Le débat sur ce dossier a changé en profondeur, grâce, notamment, à l’alerte lancée par la France dès septembre 2015, notre pays ayant formulé des exigences très claires pour cette négociation.

Monsieur Jean-Louis Roumégas, je comprends votre objection, mais la cohérence devrait vous pousser à refuser de confier des compétences à l’UE en la matière. Vous avez raison d’insister sur les préoccupations environnementales, mais le Canada a signé la COP21 en étant, avec l’arrivée au pouvoir de M. Justin Trudeau, l’un des acteurs clés du succès de cette conférence, qui doit beaucoup au travail de M. Laurent Fabius et de la diplomatie française, mais également à celui de très nombreux acteurs internationaux. Le Canada a pris des engagements précis sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et sur le réchauffement climatique. La France a demandé l’inscription d’une référence à l’accord de Paris dans la déclaration obligatoire ajoutée au CETA. Il est ainsi clair que l’accord de Paris engage l’ensemble des parties, même s’il n’était pas encore entré en vigueur au moment de la négociation du CETA.

Dans le CETA, nous nous attaquons pour la première fois à l’arbitrage privé. J’ai commencé à le faire dès la fin de l’année 2014, j’ai travaillé avec l’Allemagne et avec les sociaux-démocrates européens, puis auprès de la Commission européenne, avant que le Canada n’accepte, pour la première fois, ce nouveau mécanisme. Tout cela est effectif depuis le début de l’année 2016 et non depuis quelques semaines. Vous avez été exigeants sur ce point, et nous avons remporté une victoire très importante ; le but n’est pas de s’approprier les succès, mais de disposer d’un système qui fonctionne. Il s’agit d’une victoire de la diplomatie française et de l’action conduite avec l’Allemagne et beaucoup d’autres.

Dans un monde parfait, tous les litiges se régleraient devant les tribunaux de droit commun, mais – il faut le reconnaître – l’État de droit dans plusieurs pays membres de l’UE n’est pas satisfaisant. L’UE ne pourrait pas signer d’accord international si les acteurs étrangers devaient s’en remettre à la justice nationale de certains États membres. Voilà pourquoi on avait mis en place l’arbitrage, mais ce système a engendré de nombreux scandales ; il faut donc prévoir aujourd’hui le retour de la puissance publique et des règles internationales.

Madame Marietta Karamanli, le Canada s’est fixé une cible globale de réduction des gaz à effet de serre de 30 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2005 ; il a par ailleurs signé la COP21, et le CETA ne remet pas en cause l’interdiction de la fracturation hydraulique décidée par le Gouvernement français. En effet, le droit à réguler des États est clairement prévu par l’accord.

Nous avons pris soin de nous assurer que la coopération réglementaire préservait le droit à réguler, notamment dans le domaine de la protection environnementale, y compris dans son aspect relatif à la biodiversité.

Madame Jeanine Dubié, la seule différence concernant la fin de l’application provisoire du CETA entre la France et l’Allemagne touche à la possibilité pour la Cour suprême allemande de demander l’arrêt de l’application provisoire. Cette spécificité du droit constitutionnel allemand ne recouvre pas une différence d’approche entre les gouvernements français et allemand. Le Conseil constitutionnel pourra être saisi le moment venu.

Vous avez parfaitement raison de rappeler l’importance de la question de l’extraterritorialité. Vos collègues Mme Karine Berger et M. Pierre Lellouche ont rendu un rapport sur ce sujet ; cela n’a aucun sens de négocier de grands partenariats quand des entreprises européennes sont en permanence frappées par des lois extraterritoriales. L’UE doit cesser d’être naïve et doit développer des instruments de rétorsion extrêmement puissants. Tel est le sens de notre bataille pour l’antidumping et pour l’élaboration d’outils de défense commerciale, sujet sur lequel nous attendons demain des propositions de l’UE. Nous menons un combat permanent pour la réciprocité et la capacité de répondre à des comportements économiques déloyaux, inacceptables et contraires au droit international, comme le dumping ou l’extraterritorialité. Le rapport parlementaire précité constitue une base solide pour avancer, et nous devons fortement nous mobiliser.

Le texte du CETA se trouve sur le site de la Commission européenne dans toutes les langues officielles de l’Union, dont le français. La lecture des 1 500 pages peut être indigeste, mais l’accord est accessible.

Nous avons été attentifs à l’avenir des PME qui exportent beaucoup au Canada et qui doivent bénéficier de la simplification prévue par l’accord. Nous avons fait attention à ce que le comité de coopération réglementaire n’ait pas de pouvoir de décision ; il doit être un lieu de concertation et d’échange pour avis, mais ne doit pas avoir de pouvoir contraignant ; en effet, il s’agit d’un organe au fonctionnement opaque, obscur, technique et éloigné du contrôle démocratique auquel vous êtes attachés, Mesdames et Messieurs les députés.

Les quotas de viande s’avèrent élevés dans le CETA ; je suis l’élu du département du Lot-et-Garonne, qui compte plus de 70 productions agricoles, et suis extrêmement attentif à cette question. Les volumes globaux octroyés dans l’ensemble des négociations constituent le facteur de déstabilisation ou de stabilisation des marchés. Je comprends les préoccupations suscitées par le modèle agricole canadien et exprimées par les représentants des fédérations de viande, avec qui j’entretiens des relations étroites. Nous sommes attachés à ce que les volumes globaux de toutes les négociations restent raisonnables et nous veillons particulièrement à celle conduite avec le Mercosur ; lors de visites d’État dans les pays de cet ensemble au mois de mars dernier, le Président de la République a rappelé cette ligne rouge à chacun de ses entretiens. Nous aurons également à travailler de manière précise sur la question des quotas lors de la négociation du Brexit. Le départ du Royaume-Uni de l’UE doit avoir un impact sur les masses globales pouvant être importées dans l’UE. On importe déjà de la viande du Canada et des contrôles peuvent être effectués sur ces marchandises ; le CETA abaisse les tarifs douaniers, mais des importations ont déjà lieu.

Madame Michèle Bonneton, d’autres négociations commerciales manquent en effet de transparence, et je me battrai toujours pour que vous ayez accès aux documents. Nous avons remporté une victoire pour le TTIP, mais le combat reste à mener pour que ce principe s’impose à l’ensemble des négociations. Ce qui vaut pour le TTIP doit valoir pour toutes les négociations. La France est favorable aux données ouvertes : à l’ère des réseaux sociaux, tout le monde doit avoir accès à tout. Une puissance publique moderne doit être transparente et assumer ce qu’elle négocie.

Nous aurons des échanges sur le statut d’économie de marché de la Chine lors du Conseil européen chargé du commerce, qui se tiendra le 11 novembre à Bruxelles. Cette réunion aura pour ordre du jour les négociations transatlantiques, la revitalisation de l’OMC après la réunion ministérielle de décembre 2015 à Nairobi, la réforme de nos instruments de défense commerciale, l’état des négociations avec le Japon et le Mercosur, la revitalisation et la démocratisation de la politique commerciale européenne après la négociation avec le Canada – je ferai des propositions sur ce point. Au-delà des mots, notre objectif avec la Chine est de maintenir notre capacité à effectuer de l’antidumping et à se protéger de la concurrence déloyale. Ce n’est pas aux entreprises européennes d’apporter la preuve du dumping, car cette tâche s’avérerait souvent impossible.

Madame Annick Le Loch, un travail spécifique a été mené en Wallonie sur les clauses de sauvegarde agricoles, l’idée étant de pouvoir activer des mécanismes lorsque l’on constate le déséquilibre d’un marché – dû, par exemple, à des afflux excessifs. Ils existent déjà dans le droit européen et pourront être déployés dans le cadre du CETA. Vous avez fait allusion à un article de M. Dominique Rousseau, l’opinion de ce constitutionnaliste très sérieux étant à prendre en considération. Puisque le Parlement devra ratifier l’accord, la saisine du Conseil constitutionnel sera possible, et je n’ai pas de doute sur la volonté du Conseil de faire prévaloir le bloc de constitutionnalité français sur le CETA si des dispositions de celui-ci s’avéraient contraires à celui-là.

Monsieur Philippe Le Ray, je connais et comprends les inquiétudes des agriculteurs, mais nous avons également de puissants intérêts offensifs. La filière laitière rencontre, comme celle de la viande, des difficultés, mais la reconnaissance des fromages français constitue une nouvelle extrêmement importante ; l’abaissement des droits de douane appliqués aux fromages et aux vins permettra de stimuler les exportations. Les vins français ne sont actuellement pas en mesure de concurrencer ceux dits du Nouveau Monde au Canada, parce que les taxes sont très élevées. Dans la balance de la filière agroalimentaire globale avec le Canada, nos exportations sont cinq fois supérieures à nos importations.

La transparence doit porter sur les négociations du TiSA comme sur les autres discussions. Je ne cesserai d’insister sur ce point tant que nous n’obtiendrons pas gain de cause. Certains souhaitent conclure rapidement un accord, mais la France défend une position différente. En effet, nous n’accepterons qu’un accord bon, positif, évalué et totalement validé par des procédures démocratiques. Avec Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique et de l’innovation, nous sommes très attentifs à la question du free data flow et nous ne céderons pas à la pression américaine, si forte soit-elle. Je reconnais d’ailleurs que la Commission européenne reste ferme à ce stade, conformément à nos souhaits. Les données personnelles ne doivent en aucun cas être incluses dans cet accord, car tel n’est pas l’objet d’un traité commercial ; nous ne voulons pas vivre dans un monde où tout est commercial.

Mesdames et Messieurs les députés, je reste à votre disposition pour vous rendre compte du Conseil chargé du commerce du 11 novembre prochain et pour évoquer, à tout moment, l’état d’avancement des différents dossiers.

Mme la présidente Danielle Auroi. Nous vous remercions, Monsieur le secrétaire d’État, d’avoir répondu très précisément à toutes nos questions. Nous retenons notre volonté commune de la transparence et du travail en amont. Puisque nous échangeons régulièrement ensemble, notamment de manière informelle, nous vous demanderons un compte rendu du Conseil du 11 novembre ainsi que des points réguliers sur l’avancement des discussions. Nous vous remercions encore une fois de votre disponibilité. 

M. le secrétaire d’État. J’ai égrené devant vous des propositions de refonte de la politique commerciale européenne, que j’adresserai par écrit à la Commission européenne dans les prochains jours et que je vous transmettrai également.

Mme Chantal Guittet, présidente. Nous vous remercions de votre présence et de la clarté de vos explications, Monsieur le secrétaire d’État. Pourrions-nous parler un jour du traité liant l’UE et les États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ?

M. le secrétaire d’État. Je suis à votre disposition pour aborder tout sujet qu’il vous plaira.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 8 novembre 2016 à 18 h 30

Présents. – Mme Michèle Bonneton, Mme Jeanine Dubié, Mme Sophie Errante, M. Jean Grellier, M. Philippe Kemel, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, Mme Frédérique Massat, M. Lionel Tardy

Excusés. – M. Denis Baupin, M. Jean-Claude Bouchet, M. Bernard Reynès, Mme Catherine Troallic