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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Comment optimiser les aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins ?

Mercredi 27 mars 2013

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 13

Présidence de M. Christophe Caresche, rapporteur

– Audition, ouverte à la presse, de M. Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières et de Mme Dominique Dujols, directrice des relations institutionnelles et du partenariat de l’Union sociale pour l’habitat.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Nous accueillons maintenant M. Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières, et Mme Dominique Dujols, directrice des relations institutionnelles et du partenariat de l’Union sociale pour l’habitat (USH). Je vous propose de prendre la parole pour un exposé liminaire, à la suite duquel nous vous poserons des questions.

Mme Dominique Dujols, directrice des relations institutionnelles et du partenariat de l’USH. Nous avons abordé le sujet de l’optimisation des aides au logement social en fonction des besoins de manière un peu plus large que sa dimension territoriale. Nous évoquerons également les cibles sociales.

M. Hoorens va présenter le modèle économique du logement social, dont le fonctionnement est un élément déterminant de toute problématique d’optimisation, puis la manière dont on peut articuler les dispositifs de financement. À mon tour, avant de traiter des problématiques de la maîtrise des coûts de production, de la gouvernance et de l’articulation des compétences nationales et territoriales, j’évoquerai le cas de l’accession sociale à la propriété, qui n’est peut-être pas développé par votre mission, mais qui représente tout de même un vrai enjeu.

M. Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières de l’Union sociale pour l’Habitat. Le modèle économique d’une opération de construction de logement social est fondé, pour l’essentiel, sur l’effet de levier de l’endettement. En arrondissant les chiffres, un logement social de 140 000 euros est financé – en moyenne car cela varie beaucoup d’un produit à l’autre et d’un lieu à un autre – par 100 000 euros d’emprunt, 20 000 euros de fonds propres et 20 000 euros de subventions. Ainsi, dès lors que nos organismes disposent des 40 000 euros d’apport, l’emprunt peut être souscrit auprès de la Caisse des dépôts, qui n’a jamais eu, jusqu’à présent, de problème de liquidité. Cet accès, quasi mécanique, aux liquidités de la Caisse des dépôts est une chance. Le modèle est, en effet, basé sur les prêts de la Caisse, lesquels s’appuient sur l’épargne des livrets A garantis par l’État. Tous les acteurs doivent s’assurer qu’il n’y a pas de risque dans l’utilisation de ces ressources ; l’effet de levier fonctionne grâce à un endettement sécurisé, qui doit lui-même être sécurisé.

Or, l’endettement des organismes n’est possible que parce que les ressources à venir sont anticipées, à savoir les loyers que paieront les futurs occupants du programme. En dernière analyse, ce sont donc les loyers bien plus que les aides qui financent le logement social, et qui autorisent l’effet de levier initial. Il est donc nécessaire de les sécuriser. Comment le modèle HLM les garantit-il ? Le plan de financement d’un programme de logements sociaux est construit sur des niveaux de loyers prédéfinis. Le modèle HLM ne prévoit donc pas un loyer en fonction des revenus des habitants. La fixation des loyers par types d’opérations sécurise le niveau des ressources ultérieures, alors que faire varier les loyers selon les revenus des locataires introduirait une grande incertitude.

Le logement social s’adressant bien évidemment à des populations modestes, pour qu’elles puissent supporter les niveaux de loyers attendus il doit y avoir une bonne connexion des programmes avec les aides à la personne. Le développement du logement social suppose donc de conjuguer aides à la pierre, emprunts et aides à la personne. Par ailleurs, les organismes HLM ne sont pas que des producteurs, mais aussi des exploitants sur le long terme des logements qu’ils ont produits. Les organismes savent ce que coûte un logement social en exploitation : ils connaissent le niveau de loyer qui est défini par la législation. C’est la différence entre ces loyers et les frais d’exploitation qui définit leur capacité à rembourser, donc leurs possibilités d’endettement.

À partir du moment où vous connaissez ce dont vous allez disposer chaque année pendant une vingtaine ou une quarantaine d’années, vous pouvez ensuite calculer mathématiquement l’emprunt (capital et intérêts) que vous pourrez réaliser. Le calcul est assez facile mais dépend de deux variables extrêmement importantes : la durée et le taux de l’emprunt.

Concernant la durée, la Caisse des dépôts et consignations prête aux organismes de logement social généralement sur quarante ans, voire sur cinquante ans pour le foncier. Existe-t-il une marge de manœuvre ? Peuvent-ils emprunter sur une plus longue durée – ce qui permet, à capacité d’endettement donnée, d’emprunter davantage. Emprunter plus longtemps est-il une solution ? Peut-être est-ce envisageable pour un certain nombre de programmes ; mais quarante ans, c’est déjà long. Je ne pense pas qu’il puisse y avoir là une marge de manœuvre systémique.

De même s’agissant de la deuxième variable, peut-on avoir un taux plus bas ? La Caisse des dépôts et consignations transforme la durée des ressources utilisées, mais non leur prix. Le coût des ressources dont elle dispose découle du taux du livret A (de 1,75 % actuellement), auquel s’ajoute la rémunération des banques (un peu plus de 0,5 %). À l’égard des organismes de logement social, sa marge est relativement faible, voire nulle sur le produit standard qu’est le PLUS (prêt locatif à usage social) puisque le taux demandé s’établit à 1,75 % plus 0,6 %, soit quasiment au coût de la ressource.

Sur un PLAI (prêt locatif aidé d’intégration), la Caisse prête à un taux encore inférieur, soit en dessous de son coût de ressource.

Sur un PLS (prêt locatif social) enfin, elle prête un peu au-dessus de son coût de ressource.

Comment la Caisse des dépôts et consignations peut-elle faire varier à la baisse ces taux ? Soit on baisse le taux du livret A mais si le taux est trop bas, les gens n’y placeront plus leur argent ; soit on baisse le niveau de commissionnement des banques.

Structurellement, pour faire passer une capacité d’endettement donnée à un volume d’emprunts plus important, il faut diminuer les taux de prêt ; et pour ce faire, l’approche systémique consiste à baisser la commission de centralisation perçue par les banques. On peut trouver des arguments à cette baisse : avec le relèvement du plafond du livret A, la masse des épargnes collectées est plus importante, sans que le travail ne soit sans doute plus important pour les banques.

M. Michel Piron, rapporteur. Mais il y a aussi des exigences en fonds propres plus importantes.

M. Dominique Hoorens. Le débat pour les banques porte plus sur la possibilité de conserver davantage de liquidités dans leurs bilans, donc sur le taux de centralisation, que sur la commission – même si sa diminution leur ferait perdre des revenus.

En tout état de cause, une des pistes d’optimisation en cours de réflexion concerne le coût de l’emprunt, et donc le taux de commissionnement des banques.

Vient ensuite la problématique des coûts de construction – ou de production – que Mme Dujols développera. C’est la différence entre la capacité d’emprunt et le coût de production que les organismes doivent apporter sous forme de subventions et de fonds propres.

Le résultat est mécanique : si vos loyers sont plus bas, vous avez une moindre capacité d’emprunt et avez donc besoin de davantage de subventions et de fonds propres ; de même, à niveau de loyer donné, l’augmentation des coûts de production se reporte sur les besoins en fonds propres et en subventions. C’était le raisonnement que tenait le mouvement HLM face aux évolutions du taux de TVA : une hausse augmentait les coûts de construction et ne pouvait pas être prise en charge par l’emprunt car celui-ci est lié au niveau des loyers. Il est très important de comprendre que les loyers déterminent la capacité d’endettement et, par suite, l’ensemble du financement d’une opération de logements sociaux, même si la solution n’est sans doute pas de les augmenter.

Subventions et fonds propres complètent ce financement. Les premières viennent de l’État, des collectivités locales et d’Action logement. Concernant Action logement, il est question d’augmenter sa capacité d’aide de 500 millions supplémentaires dans les années qui viennent. C’est une perspective extrêmement importante pour accompagner une production supplémentaire de logements sociaux.

La contribution future des collectivités locales est une inconnue. Vont-elles pouvoir maintenir leur niveau d’aide actuel ? Avec une production en augmentation, cela signifierait que les dotations unitaires des collectivités locales baisseraient. Vont-elles pouvoir augmenter leurs aides au rythme de la production supplémentaire ? Cette inconnue est importante car les collectivités territoriales subventionnent, d’une manière différenciée d’un programme à l’autre, mais souvent pour des montants deux à trois fois supérieurs aux aides directes de l’État.

Quant aux capacités de fonds propres des organismes, elles évoluent en fonction de leurs résultats d’exploitation annuels, qui leur permettent d’autofinancer des investissements. Les fonds propres peuvent provenir de la vente de logements sociaux. Certains disent que l’une des solutions serait d’accroître ces ventes. Il est clair cependant, que le logement social ne pourra financer son développement par ses ventes en raison des ordres de grandeur : pour construire 150 000 logements, il faudrait en vendre 75 000 ; or, on en vend actuellement 7 000.

En outre, si ces cessions s’inscrivent dans la stratégie patrimoniale d’un certain nombre d’organismes, ils ne sont pas complètement maîtres du jeu, car ces stratégies doivent correspondre à la politique des collectivités locales concernées. Ainsi, dans les villes contraintes d’accroître leur parc social pour respecter le quota de la loi SRU relative à la solidarité et au renouvellement urbains, commencer par vendre s’avère délicat pour les élus.

M. Michel Piron, rapporteur. On peut peut-être nuancer votre propos : la vente n’est pas une condition suffisante, mais peut constituer, dans certains cas, une condition nécessaire et fort utile.

M. Dominique Hoorens. Actuellement, les organismes vendent de 7 000 à 8 000 logements. Ils sont confrontés à deux inconnues : leurs partenaires souhaitent-ils que cela fasse partie de leur stratégie ; et y a-t-il des personnes pour acheter ? L’année dernière, le nombre de ventes de logements HLM a peu augmenté parce qu’il n’y a pas forcément d’appétit pour ce patrimoine et que l’on s’adresse en priorité à nos locataires.

En conclusion je donnerai quelques chiffres pour mieux appréhender l’enjeu des discussions à venir autour du « Pacte avec le monde HLM » évoqué par le Président de la République pour soutenir une production annuelle de 150 000 nouveaux logements sociaux. À l’heure actuelle, selon nos projections, les organismes HLM (hors sociétés d’économie mixte) disposent des fonds propres nécessaires au financement de 80 000 logements par an, à raison d’un apport d’environ 20 000 euros par logement. C’est à peu près le rythme actuel. Si on leur demande de construire 120 000 logements (objectif assigné aux organismes que représentent l’USH), leurs fonds propres ne suffiront pas au lancement de 40 000 logements supplémentaires. Il faut donc obtenir des aides complémentaires. L’ordre de grandeur de la réflexion est de 40 000 multiplié par 40 000, soit 1,6 milliard d’euros. Action logement ainsi que la baisse annoncée de la TVA vont y contribuer, mais le fait est que l’enveloppe pour boucler ce programme est assez importante.

Mme Dominique Dujols, directrice des relations institutionnelles et du partenariat de l’USH. Ce bouclage s’inscrit tout de même dans le projet de mutualisation des ressources des organismes HLM.

Je vais évoquer l’accession à la propriété, dont la vente de logements HLM, toujours sous l’angle de l’optimisation des aides. Nous offrons la possibilité d’accéder à la propriété à 15 000 ménages par an. Ce n’est pas une production gigantesque, mais elle reste intéressante pour des ménages modestes.

Nous sommes favorables à une politique de soutien aux ménages qui veulent accéder à la propriété car cette politique, car si elle est bien ciblée, est relativement peu coûteuse pour les finances publiques. Dans une logique d’optimisation, elle apparaît comme assez facilement rentable en termes de satisfaction de besoins. Elle contribue en outre à la mobilité dans le parc locatif social au bénéfice de ménages en attente (des jeunes ou des personnes qui ont des revenus moindres que celles qui sont sorties). D’ailleurs, chaque année, 25 % des sortants d’HLM partent vers l’accession. En revanche, l’accession des ménages à revenus modestes s’est littéralement effondrée ces dernières années.

Nous avons trois axes de propositions : d’abord, développer à moindre coût l’accession sociale dans le neuf, d’abord en encourageant les mesures de gouvernance urbaine. Cela signifie travailler dans les documents d’urbanisme sur les zones de mixité sociale et y intégrer l’accession sociale à la propriété. Il peut être intéressant de définir de tels objectifs sur un territoire donné, d’y prévoir, par exemple, la réalisation d’un tiers de locatif social et d’un tiers d’accession - en parlant d’accession « sociale », on évite la concurrence des plus riches. C’est aussi favoriser l’individuel groupé en zone périurbaine etc.

Deuxièmement, il importe de cibler les aides sur les ménages à revenus modestes. Nous souhaitons ainsi que la TVA à 5 % sur les quartiers ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) et sur le PSLA (prêt social location accession) soit confortée. Le PTZ+ (prêt à taux zéro) doit être également ciblé. Cependant, dans les zones les plus tendues, on ne peut avoir des plafonds de ressources trop bas si l’on veut vraiment aider les ménages à accéder à la propriété.

La vente de logements HLM favorise aussi l’accession. Or, l’accès au PTZ+ a été fortement réduit pour ce type de produits : en 2012, seules 250 ventes HLM sur 7 000 ont été réalisées avec ce prêt aidé. Les conditions imposées au maintien de cette aide, notamment en termes de décote, en ont fait un dispositif vide – ce qui est regrettable. Il serait pertinent de supprimer l’obligation d’une décote systématique de 35 % car il y a des endroits où elle ne se justifie pas.

Nous pensons aussi travailler avec les locataires HLM sur une bonification spécifique autour du PEL (plan épargne logement). Ceci aiderait les ventes et favoriserait la mobilité à l’intérieur du parc HLM.

Un autre axe de réflexion relève de tout ce qui permet une meilleure gestion des copropriétés, notamment quand il existe une mixité entre logements sociaux et propriétaires occupants. Nous assurons également la sécurisation des accédants grâce aux garanties de rachat à prix convenus. Les banques ne prennent donc aucun risque dans ces opérations. Pour autant, elles n’allègent pas leurs conditions d’assurance ; aussi estime-t-on qu’il devrait y avoir une négociation avec ces dernières.

Enfin, dernier point : il faut des opérateurs pour optimiser ces aides publiques. La disparition programmée du Crédit immobilier de France est une mauvaise chose et il faudra le réinventer dans peu de temps. Il serait dommage de se priver de l’alternative, à laquelle la commission européenne se montre parfaitement ouverte, de le restructurer en service économique d’intérêt général (SIEG), avec un recadrage sur les missions sociales,

L’autre chantier en matière d’optimisation est celui de la maîtrise des coûts fonciers et de construction. Leur dérive est telle depuis trente ans, qu’il y a forcément des marges de manœuvre. Certes, des mesures ont été prises, dans la loi ENL notamment (loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement) mais elles n’ont pas suffi. Les deux sujets doivent être distingués : le prix du foncier et les coûts de construction, mais les deux explosent : on est passé d’opérations coûtant 76 000 euros par logement en 2000 à 141 900 euros en 2011.

Pour nous, le goulet d’étranglement à traiter en priorité en France est le foncier. Notre pays présente une des densités les moins fortes d’Europe et connaît pourtant une crise endémique du foncier accessible en milieu urbain. La loi sur le foncier public constitue une véritable ouverture, mais son décret d’application nous inquiète : malgré des annonces envisageant jusqu’à 100 % de décote, nous savions que les personnes publiques, elles-mêmes soumises à des critères économiques, ne s’engageraient pas aisément. Le problème est que le décret restreint le champ des personnes publiques concernées et celui des terrains. Dès lors que la loi ne crée pas une obligation de cession à titre gratuit, ces limitations sont regrettables. Il est ainsi prévu qu’un terrain bâti ne pourra être cédé que si celui-ci n’a pas de valeur – ce qui exclut la reconversion en logements de casernes ou d’hôpitaux sans que nous en voyions la raison.

Nous sommes favorables, en revanche, au développement d’autres modalités de mise à disposition, tel que le bail emphytéotique et nous savons qu’il serait indispensable d’apporter des contreparties aux propriétaires publics pour qu’ils modifient leurs raisonnements économiques. Nous comprenons que les hôpitaux, contraints aujourd’hui d’être gérés comme des entreprises rentables, ne veuillent pas céder leurs terrains à titre gratuit mais ils peuvent avoir intérêt à aider des programmes qui permettent de loger leurs infirmières. La plupart des personnes publiques connaissent des difficultés pour loger leurs salariés.

Le fait est, enfin, que de nombreux terrains publics sont pollués : 300 sites seraient ainsi gelés en Île-de-France – l’Observatoire régional du foncier est en train d’examiner les possibilités. Nous suggérons que les reliquats du « grand emprunt » préfinancent les actions de dépollution, ce qui accroîtrait rapidement le nombre des terrains disponibles, en dehors de ceux qui, mal situés, sont inadaptés au logement social.

Toutefois, la mobilisation du foncier public ne peut suffire.

Or, même si plusieurs mesures techniques vont dans le bon sens, la future loi sur l’urbanisme et le logement, telle qu’elle est aujourd’hui en concertation, va manquer d’ambition. Toutes légitimes qu’elles soient, plusieurs mesures visant à limiter l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, sans que l’on force l’offre de terrains en centre-ville, vont faire flamber les prix de ces derniers. Les dispositifs de densification prévus en parallèle ne sont pas à la hauteur des enjeux. Le principal obstacle à une action efficace sur le foncier en France est que l’on y considère que le droit de propriété s’oppose à tout. Or, si ce droit a valeur constitutionnelle et qu’il est protégé par les traités européens, la France a pourtant su agir, en son temps, sur le foncier agricole. Les propriétaires ont été forcés de les mettre en exploitation sans pour autant avoir été spoliés.

Nous travaillons avec des constitutionnalistes à la rédaction d’une proposition d’amendement par laquelle nous suggérons la définition, dans les zones les plus tendues, de périmètres où les propriétaires seraient tenus d’occuper au moins 50 % du COS (coefficient d’occupation des sols) - ou du dispositif qui lui succédera. Nous proposons, s’ils ne le font pas dans les trois ans, qu’ils payent, en sus de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, la taxe foncière sur les propriétés bâties qu’ils paieraient s’ils avaient totalement construit leur terrain. Ce surcoût les fera réfléchir. Le dispositif créé dans la dernière loi de finances reste encore très supportable.

M. Michel Piron, rapporteur. On peut même dire inopérant.

Mme Dominique Dujols. Il faut aujourd’hui une vraie sanction.

Les servitudes non aedificandi (art. L. 322-4 du code de l’urbanisme) constituent déjà des atteintes au droit de propriété. La France a fait preuve d’audace avec le foncier rural : l’obligation d’exploiter les terres agricoles, le remembrement rural ont été des contraintes fortes pour les propriétaires, sans qu’ils subissent de perte de valeur. Nous suggérons donc une obligation de construire, ainsi que le développement de ZAD (zones d’aménagement différé) à prix gelés en cas de lancement de grands équipements car il n’est pas normal que le passage d’un tramway permette aux propriétaires environnants de s’approprier les valeurs futures. Aujourd’hui, les dispositifs fiscaux visent à récupérer les valeurs spéculatives alors que l’essentiel serait que le prix du terrain n’augmente pas pour produire du logement.

Nous proposons également de rétablir l’exonération de la taxation sur les plus-values en faveur des propriétaires qui cèdent leur bien pour la production de logement social. Dans son analyse des niches fiscales (en 2011), l’Inspection générale des finances avait considéré que le coût du dispositif était peu significatif et ne soulevait pas de critique. La perspective de cet avantage fiscal permettait de négocier le prix de vente à la baisse. Il peut trouver une nouvelle actualité dans le projet, annoncé par le Président de la République, de transformer un certain nombre de bureaux en logements. Les propriétaires, personnes morales et entreprises, trouveront un intérêt à vendre peu cher pour trouver des acquéreurs eu égard au coût de la transformation.

S’agissant des coûts de construction, nous travaillons à l’amélioration de l’ensemble des métiers de maîtrise d’ouvrage dans la filière du bâtiment. Il faut insister sur la question des normes, analysée par le récent rapport Lambert et Goulard. De fait, leurs effets économiques n’ont pas été bien pris en compte : un travail mené en commun avec la FPI (Fédération des promoteurs immobiliers) et l’UMF (Union des maisons françaises) montre qu’en peu d’années, les nouvelles normes auraient induit une hausse de 38 % des coûts de construction.

Au demeurant, la proposition de loi sur la transition énergétique alourdira cette facture en prévoyant la mise en place obligatoire de compteurs individuels de consommation dans les logements, y compris dans ceux qui sont isolés à 100 %.

M. Michel Piron, rapporteur. Je souhaite revenir sur les questions financières. Vous avez évoqué un coût moyen par logement de 140 000 euros, couvert à raison de 20 000 euros par subventions et 20 000 par des fonds propres. Quelle est la valeur médiane
– beaucoup plus signifiante ?

Je ne reviens pas sur la vente de logements HLM qui, si elle ne permet pas tout et n’est sans doute pas réalisable partout, peut représenter jusqu’à 50 % des fonds propres de certains opérateurs disposant d’un important patrimoine.

Vous avez souligné que la soutenabilité des emprunts est liée à la masse des loyers dans le cadre d’un équilibre à très long terme. Vous n’avez pas évoqué la question des surloyers. Les surloyers peuvent être un important élément de péréquation dans le cadre d’une gestion plus dynamique et fongible et une source de recettes supplémentaires. Quelle est votre analyse ?

Que pouvez-vous dire par ailleurs de l’objectif de mutualisation des ressources des organismes HLM ? Une cotisation identique pour tous ne semble ni légitime, ni efficace mais dans le système actuel, les organismes qui ont besoin de construire ne bénéficient pas des fonds propres inutilisés de ceux qui n’ont plus besoin de produire.

En matière de fiscalité sur le foncier privé, j’observerai que le fait d’avoir augmenté de 15 à 30 ans la durée d’abattement pour détention en matière de taxation des plus-values immobilières a probablement aggravé les phénomènes de rétention. Avec les aménageurs, j’étais plutôt convaincu qu’il aurait fallu une fiscalité progressive en fonction de la détention jusqu’à devenir dissuasive. Qu’en pensez-vous ?

M. Dominique Hoorens. À ce stade, nous n’avons pas d’informations sur les valeurs médianes. Elles sont vraisemblablement meilleures, mais ne sont pas forcément plus significatives car les disparités sont très fortes entre les coûts (entre la production neuve et les acquisitions) et les structures de financement qui diffèrent d’un territoire à l’autre.

À propos du surloyer, moins d’1 % des ménages sont concernés par la disposition qui les oblige à quitter leur logement en raison de leur niveau de revenus ; et seulement 4 % des ménages locataires sont concernés par le dispositif des surloyers. Ils sont appliqués en général, mais peuvent faire l’objet d’adaptations locales – à juste titre selon moi – en fonction notamment de la situation du marché local.

Le comité exécutif de l’USH a déjà arrêté les grandes lignes de la mutualisation. Le principe est donc acté et des simulations sont en cours. Il y a bien volonté d’accompagner les deux axes de la politique gouvernementale : ouvrir des aides unitaires pour la production, mais également pour la réhabilitation du logement social qui constitue un enjeu tout aussi important - et permettre une différenciation en fonction des degrés de tension sur les territoires ou des situations particulières. Le principe du ciblage des aides est clairement intégré.

Le financement passera par une cotisation. Pour qu’elle soit acceptée par tous, la cotisation doit sembler à peu près « juste » à tous. La première cotisation à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), basée sur les loyers et qui intègre des abattements prenant en compte le pourcentage de locataires bénéficiant de l’APL, l’existence d’un patrimoine en zone urbaine sensible et la production récente, paraît plutôt bien calibrée à l’ensemble des organismes HLM. Peut-être exigera-t-elle des pondérations un peu différentes mais ce sera globalement le mécanisme retenu. Il reste à déterminer si on donnera 1 000, 2 000 ou 2 500 euros par logement mais le cadre est déjà validé par le comité exécutif de l’Union.

M. Michel Piron, rapporteur. La prise en compte de la production récente est un élément très positif. De même le fait de ne pas décider a priori que la cotisation sera plus élevée pour les organismes qui n’ont pas de réels besoins ou n’ont pas produit depuis longtemps.

M. Dominique Hoorens. La première cotisation à la CGLLS en tient compte en défalquant de l’assiette la production récente.

Parfois la fiscalité qui importe est celle que l’on annonce : elle permet de « dégeler » les mécanismes avant même leur mise en œuvre.

Mme Dominique Dujols. L’USH était, au départ, attachée à l’idée d’une taxation progressive des plus-values immobilières en fonction de la durée de détention. Cependant, les cessions de foncier par les entreprises sont, de fait, déjà soumises à une tarification progressive parce que la plus-value est calculée à partir de la valeur nette comptable du bien vendu. Or, cette imposition peut atteindre un tel niveau que les entreprises ne veulent plus vendre leur foncier excédentaire. C’est la raison pour laquelle nous proposons une exemption d’imposition pendant 18 mois, pour susciter une sorte de choc d’offre. En tout état de cause, s’il faut absolument renforcer la fiscalité sur la rétention, la progressivité fiscale, elle, présente des inconvénients.

Pour revenir à la question de l’évaluation des besoins, notre réflexion s’est inscrite dans le cadre du futur projet de loi Acte III de la décentralisation. Nous travaillons sur un dispositif d’évaluation qui, tout en confortant les objectifs de la politique nationale en termes de besoins consolidés, s’adapte à la diversité des marchés locaux. Car, même en 2013, la programmation annuelle fait apparaître des écarts avec les besoins réels des territoires, sur les plans à la fois qualitatif et quantitatif. Nous sommes favorables à des dispositifs permettant des allers et retours et un meilleur ajustement de la programmation entre l’État et les futures instances régionales qui assureront la gouvernance des politiques locales.

Nous demandons par ailleurs l’abandon de l’application du zonage A, B, C pour la répartition des aides à la pierre. Son application, non imposée par la loi, a d’ailleurs été dénoncée par la Cour des comptes. Un zonage qui écarte certains territoires du soutien aux investissements locatifs privés ne permet pas d’apprécier les besoins en logement des ménages les plus modestes. Il est aberrant de conclure à l’inutilité de PLAI dans certains territoires parce qu’il n’y aurait pas de clientèle pour des logements nettement plus chers.

Quant aux zonages HLM 1, 2 et 3, il faudrait pouvoir les moduler plus finement sur un territoire autour de valeurs pivot. Les zonages par très grands aplats n’ont pas de sens par rapport à la réalité fine des marchés locaux.

Il faut aussi expérimenter des adaptations locales des règles nationales en matière de logement social.

Nous pensons enfin que les politiques de l’habitat ont besoin d’un chef de file au niveau territorial – sans que cela soit incompatible avec le maintien d’une compétence d’État. Un chef de file qui prépare et qui coordonne, sans décider de tout, car aujourd’hui, tous les niveaux de collectivités contribuent à la politique du logement : on ne construit plus de logements sociaux sans l’intervention d’au moins deux niveaux de collectivités. Il ne faut pas les décourager, mais organiser des conférences de financeurs et réfléchir à une harmonisation des critères. En matière d’éco-conditionnalité par exemple, les exigences légitimement posées par chaque collectivité en contrepartie de son financement se cumulent et les multiples labels (comme QUALITEL et BBC) se contredisent parfois.

Il faut donc un mode de régulation au niveau territorial avec une réaffirmation du rôle de l’État comme stratège. Cela suppose des services déconcentrés avec des moyens humains et des marges de négociation pour peser sur un territoire. A contrario, l’État devrait abandonner certaines prérogatives aux acteurs locaux et accepter de ne pas tout gérer sur le terrain. Cela suppose donc aussi une politique contractuelle effective – non ce qui s’est passé à l’Acte II de la décentralisation : la circulaire de programmation relative à la délégation des aides à la personne est passée de 30 à 76 pages.

Il faut également une mise en cohérence entre territoires, qui ne peut s’opérer uniquement au niveau des agglomérations. Nous souhaiterions la mise en place d’une conférence régionale du logement qui remplace le CRH (comité régional de l’habitat) sans se résumer à une grand-messe où l’on recueille une fois par an la parole préfectorale, sans prise de décisions.

Je voudrais maintenant évoquer la question de l’optimisation de la gestion du parc, laquelle recouvre la mobilité interne au sein du parc HLM, les sorties vers la cession et les politiques d’attribution. Nous avons formulé un certain nombre de propositions pour améliorer cette gestion – notamment dans le cadre de la réforme des attributions initiée par Mme Duflot –, sachant que l’objectif reste d’accueillir, dans la mixité, toutes les populations qui en ont besoin, sans entrer dans une logique de « résidualisation » où seuls les ménages les plus démunis seraient logés. Certes, on ne peut pas écarter l’impératif DALO (droit au logement opposable) mais il faut aussi apporter des réponses à des catégories comme les salariés en mobilité ou les jeunes.

L’USH travaille beaucoup, notamment avec les associations d’élus, sur les outils de connaissance ; des progrès ont été faits. Nous travaillons également sur l’évaluation de la valeur collective créée par un logement social sur un territoire que ce soit en termes de pouvoir d’achat induit, de consommation ou d’attractivité économique du territoire. Dans des enquêtes menées pour le MEDEF, le CREDOC a montré que nombre d’entreprises ne pouvaient se développer en raison d’une offre insuffisante de logements. On s’efforce de mesurer ces phénomènes et d’outiller les territoires pour mieux ajuster les politiques du logement.

M. Christophe Caresche, rapporteur. La Cour des comptes a dénoncé, en juin dernier, le fait qu’une partie des fonds d’épargne n’était pas utilisée. On a, depuis, fortement relevé le plafond du livret A. La Caisse des dépôts devrait ainsi disposer de plusieurs milliards supplémentaires. Mobiliser encore plus fortement ces fonds ne serait-il pas envisageable ? Vous avez exclu la possibilité d’augmenter la durée du prêt mais ne pourrait-on pas augmenter les quotités, comme l’a suggéré la Caisse des dépôts ? Ne peut-on pas mieux utiliser les fonds d’épargne ?

M. Dominique Hoorens. Actuellement, le plan de financement d’un logement social est constitué à 70 % par les fonds d’emprunt. La quotité totale de l’emprunt (capital et intérêts) dépend du niveau des loyers futurs. Pour parvenir à un plan de financement constitué à 100 % de prêts vous pourriez jouer un peu sur la durée d’emprunt mais le plus simple serait d’augmenter les loyers. On ne se situe plus, alors, dans le cadre d’un logement social.

Sinon, il faut jouer sur le taux. Pour une proportion de 75, 80 ou 90 % de prêts – ce qui diminue les besoins en subventions ou en fonds propres –, le taux doit être plus bas.

Mme Dominique Dujols. Pour augmenter la proportion de prêts, il faudrait donc que la Caisse bonifie davantage ses prêts, sinon on fait exploser le niveau des loyers alors que ceux-ci sont déjà trop élevés : les ménages bénéficiant d’une APL ne peuvent plus accéder à un logement neuf.

Or, la Caisse des dépôts ne peut plus aujourd’hui faire des placements qui lui rapportent et en affecter les bénéfices au logement social car les marchés n’offrent pas des rémunérations suffisantes. Quant à ses autres prêts, on constate que dans le secteur des transports publics, la Caisse propose des prêts dégageant des marges bénéficiaires qu’elle peut ensuite réaffecter au logement social. Elle ne peut, à l’évidence, le faire sur les prêts auxquels ont recours les collectivités territoriales depuis la fin de Dexia.

On pourrait allonger les prêts, mais ils sont déjà fort longs. Les organismes construisent souvent à la limite, parfois au-delà, de leurs plafonds de ressources. La Caisse des dépôts doit certes trouver le moyen de recycler ses fonds excédentaires mais c’est le Trésor qui décide de leur affectation. Il faut que la Caisse des dépôts puisse faire des placements – en sus des placements prévus réglementairement et sécurisés –, ou que l’État renonce à une partie de sa rémunération annuelle.

M. Christophe Caresche, rapporteur Le relèvement de 50 % du plafond du livret A était tout de même très lié à la question du logement social ?

M. Dominique Hoorens. Dans les années qui viennent, l’augmentation de la production de logements sociaux va mobiliser plus d’emprunts et donc consommer davantage de fonds d’épargne.

Quand on parle du financement du logement social, on s’en tient souvent au plan de financement initial mais, il est également très important de considérer la vie de l’investissement sur 40 ans. Actuellement, les plans de financement de bon nombre d’organismes sont déjà un peu sous-équilibrés. De fait, ils acceptent de parvenir plus tard à l’équilibre d’exploitation ; dans une certaine mesure, cela pourrait signifier qu’ils ont eu un peu trop recours à l’emprunt. Une durée encore plus longue mettrait davantage sous tension leur section d’exploitation, c’est-à-dire leurs capacités à entretenir leurs parcs et à maintenir les niveaux de loyers.

Certaines opérations peuvent sans doute justifier des prêts plus longs. De même, compte tenu de leur patrimoine et de leur niveau de loyers, quelques organismes ont des sections d’exploitation très solides leur permettant un déficit, et donc des emprunts plus conséquents. Mais ce ne peut être une réponse globale et systémique.

Mme Dominique Dujols. Les prêts de la Caisse sont soumis à des taux variables puisqu’ils sont définis par référence au taux révisable du livret A. Cependant, la réforme de 2008 a créé une certaine déconnexion : la baisse du taux de livret A n’entraîne plus systématiquement le recalcul de l’encours de prêts. Des organismes en arrivent donc à supporter une dette importante, même si les taux initiaux des nouveaux emprunts sont plus faibles. Des renégociations peuvent aussi intervenir ultérieurement. Ainsi, des rééchelonnements ont été acceptés par certains organismes en échange d’un effort sur les loyers : des prêts initialement prévus sur 40 ans ont été transformés en prêts sur 50 ou 60 ans. Des prêts beaucoup plus longs exigeront un renforcement des garanties. Elle était jusqu’à présent facilement accordée par les collectivités mais des difficultés commencent à apparaître. Il faut alors se reporter sur la garantie de la CGLLS qui est coûteuse.

Aussi, si certaines situations permettent d’envisager l’augmentation des quotités des prêts, le système est généralement contraint d’autant plus que la ressource, l’épargne, est garantie pour les déposants.

M. Dominique Hoorens. La prise en compte de la vie du parc dans la durée est fondamentale. Je rappellerai que les opérations de réhabilitation thermique, dont personne ne conteste l’intérêt, sont chères ; elles nécessitent un recours à l’emprunt, et seront donc très coûteuses en termes de résultats d’exploitation dans les prochaines années. En effet, les ressources nouvelles ne seront pas à la hauteur de l’endettement supplémentaire créé : les loyers ne peuvent être augmentés qu’à la marge, éventuellement avec la création d’une troisième ligne de loyer.

M. Éric Alauzet. Peut-être serait-il possible d’accroître la répercussion sur les loyers du coût des travaux dès lors qu’ils entraînent des économies de charges ? Les discussions peuvent être approfondies.

Vous n’avez pas évoqué, parmi les dépenses, les travaux de rénovation et de démolition. Ceci me semble un élément de fragilité dans votre modèle économique s’il ne les anticipe pas. Il m’avait été indiqué que l’investissement initial ne représentait que 18 % du coût total d’un bâtiment. Même si les efforts d’investissements productifs s’alourdissent (avec les exigences d’isolation thermique par exemple), ils restent globalement de cet ordre de grandeur par rapport aux autres coûts.

M. Dominique Hoorens. Notre modèle intègre tous les éléments que vous citez sur la quarantaine d’années d’existence (prise comme référence). On raisonne en coût total d’un programme.

Lorsqu’une opération de rénovation thermique génère des économies de charges, leur bénéfice peut être partagé entre une diminution des charges payées par le locataire et une « troisième ligne de loyer ». Mais, même au maximum de ce qui est autorisé, cette hausse du loyer ne couvre pas le coût de l’investissement effectué par l’organisme.

M. Éric Alauzet. Il reste que les coûts autres que les coûts d’investissement représentent plus de 80 % du total et incluent notamment les charges d’énergie. Eu égard à l’évolution future du coût de l’énergie, les travaux d’amélioration thermique sont indispensables. L’enjeu est donc celui de l’accompagnement des organismes pendant la période du déséquilibre d’exploitation induit par ces travaux.

Mme Dominique Dujols. En tant qu’investisseurs de très long terme, c’est bien notre raisonnement. Après le premier choc pétrolier, les HLM ont déjà réalisé un effort de rénovation considérable (avec notamment les grandes campagnes des PALULOS)… qui vaut aujourd’hui à leurs logements une performance thermique moyenne nettement supérieure à celle de l’ensemble du parc immobilier. Cet effort a permis de reconventionner et de reclasser les appartements ainsi rénovés à des niveaux de loyers supérieurs, tout en rassurant les locataires sur leurs gains concomitants en termes de charges. Mais on raisonnait à coût d’énergie donnée. Or, pour conserver l’équilibre de leur gestion malgré une moindre consommation, les fournisseurs d’énergie ont immédiatement accru le coût de l’abonnement !

M. Christophe Caresche, rapporteur. Pour revenir à la problématique territoriale, est-il plus difficile de construire en zone tendue qu’en zone non tendue ? Si oui, cela pousse-t-il à construire dans des zones où le besoin n’est pas le plus évident ? La construction en matière de logement intermédiaire défiscalisé a pu concerner des zones dans lesquels les besoins n’étaient pas les plus urgents ; des situations de ce type se retrouvent-elles en matière de logement social ?

Faire coïncider la construction avec les besoins n’implique-t-il pas de concentrer davantage les aides, y compris à travers une modulation des prêts de la Caisse des dépôts, sur les zones les plus prioritaires – même si nous avons compris que ces besoins ne sont pas toujours simples à définir et qu’il existe aussi des besoins dans les petits bourgs ?

Mme Dominique Dujols. La programmation est déclinée depuis l’échelon national. Nous construisons là où l’on nous dit de construire ! Certes, il est clair que, pour des raisons de coût, on nous demande de planifier des constructions en PLS là où il faudrait construire en PLAI. Mais plus généralement, à la différence des constructions sous le régime des lois Robien ou Scellier, lorsqu’erreur il y a, elle est collective.

Il est effectivement plus difficile de construire en zone tendue : non seulement le foncier y est plus cher mais, dans un souci de limiter l’étalement urbain, on va nous demander de construire en centre-ville où l’accès aux parcelles est plus compliqué et donc plus coûteux.

Il faut d’abord raisonner en termes non pas de construction nouvelle, mais de production, éventuellement qualitative : il peut y avoir besoin de logements adaptés, de rénovation urbaine... Dans certaines zones en déprise industrielle, les besoins d’accompagnement en logements sociaux sont considérables. Les ignorer parce que ces territoires sont en déclin accentuerait le processus. Cela ne signifie pas non plus qu’il faille construire partout. Aujourd’hui, les aides sont déjà plus fortes en zones tendues. Mais si l’obstacle foncier n’est pas levé, leur accentuation créera de l’inflation. Les aides ne sont pas inflationnistes tant que les prix sont contrôlés. Or, ils ne le sont pas. Des mesures drastiques sont nécessaires pour éviter leur transformation en source d’inflation.

Nous comprenons l’intérêt d’un plus grand ciblage, mais en adaptant la notion de tension à la réalité. Il faudrait raisonner en termes dynamiques : nombre de territoires où la population augmente ne sont pas pris en compte dans l’actuel zonage A, B ou C.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Comment lier le court terme et le long terme ? Quelle stratégie l’État pourrait-il développer pour répondre à un certain nombre de besoins, au moins, dans les zones où la tension est la plus forte, sans oublier ceux pouvant exister dans des secteurs non tendus ?

M. Dominique Hoorens. Ce n’est pas parce que la situation est tendue en Île-de-France, par exemple, que les organismes vont aller construire en Limousin. Ils travaillent par zones et en outre, craignent la vacance.

Les aides forment déjà un instrument de discrimination : l’État fournit en Île-de-France une aide pour surcharge foncière ; les interventions des collectivités territoriales varient selon les territoires. Les structures de financement sont différenciées de façon à prendre en compte les difficultés de réalisation des programmes. Cette différenciation s’opère plutôt par les subventions.

Est-elle aussi envisageable par les prêts ?

J’aurais tendance à penser que l’adaptation par les aides est plus opérationnelle qu’une adaptation par les prêts. Les acteurs peuvent au moins choisir alors que le banquier n’est en mesure d’apprécier clairement que le niveau des loyers futurs.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Cependant, vous nous avez fait part d’incertitudes très fortes sur les financements venant des collectivités territoriales. Malgré des éléments de progrès, il existe aussi des difficultés en matière de fonds propres. Dans ces conditions, les opérations dans les zones les plus tendues ne risquent-elles pas d’être de plus en plus difficiles à financer ?

M. Dominique Hoorens. Nous savons qu’un effort particulier est nécessaire pendant quelques années. Pour y faire face, nous avons travaillé avec la Caisse des dépôts sur la possibilité pour les collectivités d’emprunter, afin de subventionner une opération, auprès des Fonds d’épargne et aux conditions consenties par ceux-ci pour l’opération elle-même (selon le type de logement) – non aux taux ordinaires du marché. Ce montage aurait une logique. Voilà une solution d’aide temporaire aux collectivités locales qui pourrait les rassurer et débloquer certains programmes en étalant le poids de leurs subventions. Il ne s’agit évidemment pas de la seule réponse à toutes les questions qui se posent.

M. Christophe Caresche, président. Je vous remercie pour vos contributions.