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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Prévention et accompagnement par la puissance publique des plans de sauvegarde de l’emploi

Mercredi 15 mai 2013

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 28

Présidence de M. Olivier Carré, président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Jeanne-Marie Prost, Médiatrice nationale du crédit au ministère de l’économie et des finances

M. Olivier Carré, président. Madame, après René Ricol et Gérard Rameix, vous êtes la troisième personne à occuper le poste de Médiateur national du crédit. Je vous laisse présenter votre action et faire le point sur ce dispositif créé lors de la crise de 2008, et dont chacun constate aujourd’hui le succès sur nos territoires.

Mme Jeanne-Marie Prost, Médiatrice nationale du crédit au ministère de l’économie et des finances. La Médiation a été mise en place quand les entreprises, particulièrement les PME et les TPE, risquaient de se retrouver confrontées à un credit crunch, c’est-à-dire à un resserrement du crédit. Il fallait trouver une solution décentralisée et réactive pour éviter de les laisser seules face à des difficultés de financement. Le dispositif a été créé à titre provisoire, mais il vient d’être reconduit jusqu’au 31 décembre 2014 par l’accord de place du 1er mars 2013.

Son originalité tient d’abord à son caractère contractuel. En signant l’accord de place, le ministre des finances, le gouverneur de la Banque de France et les banques, représentées par la Fédération bancaire française (FBF) ont adopté un mode de travail qui est peu courant dans notre pays. Dès lors qu’un chef d’entreprise saisit le médiateur, les banques qui participent au dispositif acceptent la discussion et s’engagent à ne pas retirer leurs concours existants. On pare ainsi le risque de restrictions brutales du crédit, qui, en 2008-2009, pouvaient découler de la situation des banques elles-mêmes. L’accord conclu à l’origine de la Médiation a été reconduit dans les mêmes termes, puisque ce schéma très simple s’est avéré efficace.

Deuxième originalité : le dispositif, loin de créer des structures nouvelles, est adossé au réseau départemental de la Banque de France. De ce fait, nous assurons le traitement de proximité d’un grand nombre de dossiers. Notre population cible est constituée de PME et de TPE, qui se tournent vers des banquiers et des assureurs crédit locaux ou régionaux, éventuellement affiliés à de grandes structures nationales. Notre objectif est de trouver la solution au niveau le plus adapté, c’est-à-dire au niveau local. Sur l’ensemble des entreprises qui nous saisissent, 95 % emploient moins de cinquante salariés, et 80 % moins dix salariés. Dans 40 % des cas, le montant en jeu est inférieur à 50 000 euros. À ce jour, 30 000 dossiers ont été acceptés, avec un taux de succès de 60 %.

L’originalité du dispositif tient enfin à la dématérialisation de la saisine. Aussitôt que le chef d’entreprise saisit son dossier sur le site mediateurducrédit.fr, le dialogue s’engage, sous l’égide du directeur départemental de la Banque de France. Cette démarche nous permet d’être particulièrement réactifs.

Dès sa création, nous avons mis l’accent sur l’importance des partenaires locaux pour prévenir les difficultés des entreprises. Premier Médiateur du crédit, René Ricol était un socioprofessionnel et non un haut fonctionnaire. C’est pourquoi il a perçu d’entrée l’intérêt de mobiliser les réseaux locaux, pour en faire des auxiliaires de la Médiation ainsi que des appuis pour les chefs d’entreprise, même en amont de la saisine formelle. C’est ainsi que s’est constitué le réseau des tiers de confiance. Sur le terrain, collaborent efficacement des acteurs publics – préfets, directeurs des finances publiques, directeurs de la Banque de France, représentants de Pôle emploi – ou socioprofessionnels – chambres consulaires, banques, assureurs crédits. Au cours des déplacements en province attachés à ma mission, j’ai constaté que ce travail collectif était plus positif et plus étroit qu’on ne le pense généralement au niveau national. Des efforts importants sont faits au niveau local, y compris pour prévenir les difficultés des entreprises.

Dernière précision : nous n’avons pas d’argent et aucun pouvoir de police. Notre seule autorité tient à notre capacité à instruire un dossier et à négocier pour trouver la solution la plus adaptée. Le dispositif est « light ». Il s’appuie seulement sur les acteurs en présence. Si, fin 2008, les relations avec les banquiers étaient un peu râpeuses, parce qu’ils craignaient qu’on ne les oblige à prendre certaines décisions de crédit, ceux-ci sont désormais très à l’aise avec nous, comme l’a indiqué le président de la FBF lors du renouvellement de l’accord de place.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. À défaut de moyens financiers, de quels moyens humains disposez-vous ? Comment votre équipe est-elle déployée sur le territoire ?

Avez-vous consacré plus d’énergie à coordonner les acteurs des réseaux et à créer une mobilisation collective qu’à résoudre des difficultés de financement, ce qui est pourtant votre mission première ?

Les tribunaux de commerce vous sollicitent-ils pour que vous préveniez les difficultés des entreprises ? Conseillent-ils à celles-ci de se tourner vers la médiation, notamment pendant les périodes de sauvegarde ?

Mme Jeanne-Marie Prost. L’équipe de la Médiation nationale se compose d’une douzaine de personnes redéployées du ministère des finances. Nous avons cherché des compétences là où elles se trouvaient. Plusieurs analystes viennent de la Direction générale des finances publiques (DGFIP), où se concentrent paradoxalement les meilleurs connaisseurs des entreprises. D’autres viennent du Trésor.

La Banque de France, qui n’a créé aucun emploi supplémentaire pour assurer les tâches de médiation, considère que celles-ci occupent actuellement une trentaine d’équivalents temps plein, ce qui est marginal par rapport à son effectif global. Si, en 2009 et en 2010, le nombre de dossiers traités était considérable, il se limite aujourd’hui à 4 000 par an. Cette activité est fluide. Certains départements n’ont traité l’an dernier qu’une dizaine de dossiers. Le temps qu’exige chacun d’eux est variable. Ce travail est généralement bien perçu par ceux qui l’exécutent. Les directeurs de la Banque de France apprécient le rôle qu’ils sont amenés à jouer localement vis-à-vis des banques et des autres acteurs économiques.

J’en viens à votre deuxième question. En sollicitant des tiers de confiance, la Médiation a été une des premières enceintes à formaliser le rôle de certains organismes, comme les chambres de commerce ou les chambres de métiers, ou de certains agents comme les experts comptables. En quatre ans, cette démarche s’est beaucoup développée. Désormais, il existe de nombreux centres d’information destinés à prévenir les difficultés des entreprises. Des tribunaux de commerce ont développé leur mission de prévention. Selon les territoires, l’acteur qui se montre le plus actif n’est pas toujours le même.

La Médiation n’a pas à s’imposer comme le coordinateur majeur. Elle figure seulement dans la panoplie des dispositifs. Sa vocation est de travailler en réseau. Nous sommes toujours disposés à parler aux tribunaux de commerce ou aux experts comptables, ou à demander aux entreprises de se rapprocher de la chambre de commerce si elles hésitent à nous saisir. C’est un ouvrage qu’il faut cent fois remettre sur le métier pour fournir aux directeurs de la Banque de France des interlocuteurs dans leur département.

Votre troisième question porte sur la prévention des difficultés. La Médiation n’a pas vocation à traiter des dossiers qui entrent ou vont entrer en procédure collective car, alors, il n’est plus temps d’intervenir. Il arrive aussi que le médiateur conseille au chef d’entreprise, après discussion, de se tourner vers le tribunal de commerce. Quand la procédure de sauvegarde est engagée, le cas est limite, car la négociation avec les banques est compromise.

En revanche, il arrive régulièrement que la médiation concerne une entreprise qui est également en procédure amiable. C’est particulièrement fréquent pour les dossiers en médiation nationale, c’est-à-dire les plus complexes, et les affaires spéciales des banques. Il est logique que celles-ci souhaitent un cadre juridique plus formalisé que le nôtre, comme le mandat ad hoc ou la conciliation. Elles cherchent à bénéficier du privilège du new money, que nous ne pouvons pas leur offrir. Mes anciennes fonctions m’ayant permis de connaître tous les mandataires et conciliateurs de la place, il ne m’est pas difficile d’effectuer un co-pilotage sur certains dossiers. C’est même une situation enrichissante, qu’apprécient les mandataires. Le co-pilotage concerne aussi certains dossiers traités en province.

Il y a quelques semaines, je me suis rapprochée des enceintes nationales réunissant les présidents des tribunaux de commerce, pour leur rappeler l’intérêt, au niveau départemental, d’envoyer en médiation des dossiers qui ne relèvent pas encore de la procédure amiable. Sous l’entête de la Conférence générale, donc en parfaite intelligence avec les organismes pilotes des tribunaux de commerce, j’ai écrit à tous les présidents de ces tribunaux et suggéré aux directeurs départementaux de la Banque de France de se rapprocher d’eux, quand ce n’était pas déjà fait. À Dijon ou à Beauvais, j’ai constaté l’entente cordiale régnant entre le président du tribunal de commerce et le médiateur départemental. Ce n’est pas toujours le cas, mais, au niveau national, les relations sont bonnes. Quand je me déplace dans un département, j’essaie de rencontrer le président du tribunal de commerce. Dans bien des cas, par exemple quand les difficultés proviennent d’une querelle entre banques ou d’un manque de dialogue entre l’entreprise et son banquier, il n’y a pas lieu d’aller en procédure amiable. La médiation suffit amplement.

M. Christophe Castaner, rapporteur. Dans un premier temps, le placement sous sauvegarde n’était quasiment jamais utilisé. Si cette procédure monte en puissance, elle est toujours perçue comme le signe d’une situation très critique, ce qui génère de l’inquiétude, voire un jugement très négatif qui risque de condamner l’entreprise, alors que le but est au contraire de la faire redémarrer. Avez-vous l’impression que l’attitude des tribunaux de commerce évolue à cet égard ?

Les relations avec les institutions comme la BPI, qui vient de naître, OSÉO ou le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) sont-elles bonnes ? Comment travaillez-vous avec les commissaires au redressement productif (CRP) et les collectivités locales, puisque les régions sont censées être des chefs de file des questions économiques ? Comment intégrez-vous les dispositifs de garantie que certaines collectivités ont créés grâce aux fonds européens, comme JEREMIE (Joint European Resources for Micro to Medium Entreprises) ? Quelles améliorations suggérez-vous dans ce domaine ?

La Médiation a été lancée pour lutter contre le risque de credit crunch imputable à une crise des liquidités bancaires. Comment l’accès au crédit a-t-il évolué depuis les accords de Bâle III ? Comment peut-on orienter le financement de l’économie vers les entreprises, sachant que l’essentiel des besoins concerne les fonds de roulement ? Comment garantir le risque des banques pour les investissements lourds ou le financement de haut de bilan ?

Mme Jeanne-Marie Prost. Nous intervenons avant les procédures amiables et la sauvegarde, dont nous ne sommes pas spécialistes. Aux dires des mandataires, les procédures amiables suscitent peut-être moins de défiance de la part des entreprises. Cela dit, le sujet reste sensible, certains patrons de PME redoutant la réaction de leurs partenaires ou de leurs fournisseurs. Si la situation a évolué ces dernières années, on le doit aux efforts consacrés par les tribunaux de commerce à leur cellule de prévention, qui a amélioré la compréhension de part et d’autre.

Quand l’entreprise est sous le coup d’une procédure de sauvegarde, la situation devient plus compliquée : la dette est gelée, un plan est mis en place. En outre, ce type de procédure peut aussi bien réussir – si les objectifs sont bien compris et que les partenaires soient en phase – qu’échouer.

Je ne dispose pas d’informations assez complètes pour décrire l’attitude des tribunaux de commerce et son évolution à l’égard de ces procédures, mais il est certain que les partenaires financiers ne mettent pas sur le même plan un mandat et une sauvegarde.

Sur tous les dossiers que je vois, les banquiers jouent le jeu de la procédure amiable. Les tribunaux de commerce confirment qu’elle a prouvé son efficacité. C’est ce qui fait tout l’intérêt de notre métier : quand on réunit les gens met autour d’une table, il faut du temps pour qu’ils se mettent d’accord et qu’ils parviennent à la même vision, mais le jeu en vaut la chandelle.

Comme toujours, la situation des petites entreprises est plus difficile. Certaines risquent même de se retrouver en procédure collective, sans qu’on ait pu en percevoir de signes avant-coureurs. Les dispositifs de prévention n’ont alors pas fonctionné. Une de mes priorités est de rendre la médiation du crédit plus visible, notamment auprès des petits patrons de TPE ou de PME, qui ont tendance à ne nous appeler que lorsque la maison a brûlé. Je dois par conséquent faire œuvre de pédagogie.

Dans notre comité exécutif siègent le directeur des activités fiduciaires et de place, le directeur du réseau de la Banque de France, et celui des réseaux d’OSÉO, devenu BPI France. La Médiation a toujours travaillé main dans la main avec OSÉO. C’était d’ailleurs indispensable en 2008, puisque le plan de relance confiait à cet organisme un rôle essentiel dans les mécanismes de garantie. Ses directeurs, qui sont des piliers dans les régions, sont aussi nos interlocuteurs quotidiens. OSÉO, très souvent représenté dans les réunions de médiation, parce que nous lui demandons d’intervenir en garantie ou en financement, peut aussi mettre en place des lignes « avance plus » de mobilisation de créance. La Médiation utilise toute la palette de ses outils, qui complètent en partie ceux des banques commerciales.

Elle est également liée au Fonds stratégique d’investissement (FSI) et plus spécifiquement au Fonds de consolidation et de développement des entreprises (FCDE), qu’elle considère en partie comme son œuvre, puisque l’idée en revient à René Ricol et à Jean-Claude Volot. Créé en 2009, ce fonds mi-public mi-privé – ses dotations viennent pour moitié de la Caisse des dépôts, pour moitié des banques et des compagnies d’assurances – aide aussi des entreprises qui ne passent pas en médiation, puisqu’il finance au sens large le rebond des PME. Toutefois, je peux citer l’exemple d’une entreprise située non loin d’Aix-en-Provence, que ses banquiers, l’an dernier, ont poussée à saisir la Médiation. Ceux-ci, qui lui reconnaissaient un vrai potentiel, étaient consternés par ses pertes. Ils ont fait comprendre au manager qu’il était essentiel d’investir. La Médiation a commencé par sécuriser le court terme, pour éviter tout problème de financement, puis elle a demandé l’aide du FCDE, qui, en accord avec les actionnaires dirigeants de l’entreprise, entrera bientôt au capital. En région comme à l’échelon national, il faut toujours du temps – au moins trois à six mois – pour investir en capital.

M. Olivier Carré, président. Six mois ? Il serait idéal qu’on puisse toujours répondre dans ces délais !

Mme Jeanne-Marie Prost. Le FCDE travaille assez vite : il lui faut entre six mois et un an pour traiter le cas d’entreprises confrontées à de réels besoins de financement. Il intervient juste après le retournement, quand il faut, pour redémarrer, assurer le haut de bilan. Ce fonds, qui dépend de la CDC, est géré par une équipe dédiée.

Dans le cas que j’évoquais, la méthode de travail a été pleinement satisfaisante : le partenariat noué avec des banquiers a permis l’arrivée d’un investisseur. C’est ainsi qu’il faut travailler pour trouver des fonds propres.

Depuis l’origine, un dossier ne peut être à la fois à la Médiation et au CIRI. Il est impensable qu’il en soit autrement. Le CIRI reçoit les dossiers lourds, de plus de 400 personnes, et ceux qui comportent des restructurations industrielles. La Médiation traite plutôt du financement bancaire et de l’assurance-crédit. Elle peut se voir confier des dossiers de 800, de 1 000 voire de 2 000 personnes, s’il s’agit non d’une opération de restructuration industrielle, mais d’une restructuration de la dette, et qu’il faille remettre les banquiers d’accord parce que l’un d’eux veut se retirer. J’ai d’excellentes relations avec Sébastien Raspiller, secrétaire général du CIRI. L’échange entre nous est d’autant plus fluide que notre métier n’est pas courant à Bercy. Le CIRI ou la Médiation sont les seuls endroits où l’on fasse de la microéconomie, et où l’on s’intéresse au financement des entreprises. Nous n’avons donc pas de mal à nous comprendre.

J’avais déjà apprécié, il y a longtemps, les services de la Banque de France tournés vers l’international. Pour travailler quotidiennement avec elle, je veux saluer la qualité de son réseau, qui est agréable, professionnel et compétent.

À la création de la Médiation, j’étais médiateur délégué. C’était une bonne école pour apprendre comment financer les entreprises en difficulté. Quel que soit le Gouvernement, nous travaillons avec le cabinet du ministre des finances et celui du ministre de l’industrie. Notre seule demande concerne le fait que le dossier soit saisi en médiation, car nous n’aimons pas travailler sans filet.

J’ai plus de mal à vous répondre sur les CRP, car, d’une région à l’autre, leurs profils et leurs personnalités varient, tout comme leur manière de concevoir leur mission, mais, dans l’ensemble, les directeurs régionaux de la Banque de France m’assurent qu’ils ont de bonnes relations avec eux. Contrairement à nous, qui ne pouvons pas nous autosaisir, les CRP vont parfois d’eux-mêmes vers des structures en difficulté. Nous l’avons répété aux directeurs de la Banque de France : face à un sujet bancaire, le CRP doit envoyer le dossier à la Médiation. Nos réunions se tiennent à la Banque de France. Tels sont notre cadre et les règles auxquelles nous nous tenons. Le dispositif s’est peu à peu imbriqué dans le paysage et je dois intervenir prochainement devant les CRP à Bercy.

Quand un dossier traite de fonds propres ou de garantie, le directeur de la Banque de France, qui a l’habitude des dossiers de médiation, connaît les dispositifs locaux. C’est d’ailleurs le directeur régional de la Banque de France qui a appelé notre attention sur JEREMIE, même si nous travaillons plutôt sur le bas que sur le haut de bilan.

Notre rôle étant de faire que les banques continuent à financer les entreprises, nous jouons le rôle de vigies. Il nous arrive de faire appel à des dispositifs pertinents, par exemple de compléter une garantie OSÉO par celle d’un conseil régional. Cependant, il faut savoir que les attentes de certaines entreprises ne sont pas réalistes. Quand le chiffre d’affaires n’est pas au rendez-vous ou que les pertes demeurent, la messe est dite. D’ailleurs, la médiation ne doit pas introduire de distorsion de concurrence. Dans le secteur du BTP par exemple, où il est probable qu’interviendra une restructuration, on trouve malheureusement des entreprises qui ne sont pas viables, ou qui sont trop petites ou qui ont fait du dumping, ce qui a considérablement réduit leurs marges.

Le financement des entreprises m’intéresse particulièrement, puisque j’ai repris la fonction de président de l’Observatoire du financement des entreprises, créé en 2010 lors des états généraux de l’industrie. Depuis cette date, ceux-ci se sont réunis régulièrement. Ils ont publié plusieurs rapports sur le financement des PME. Un autre, qui date de la fin de 2011, porte sur le financement des TPE. L’Observatoire réunit des acteurs de la Banque de France, de l’INSEE, du Trésor, d’OSÉO et de la BPI, mais aussi des fédérations professionnelles – MEDEF, CGPME, UPA –, des chambres de métiers, de la chambre de commerce de Paris, des banques, de la FBF et certaines personnalités qualifiés en matière d’investissement. Nous travaillons sur les sujets d’actualité.

Ce matin, nous avons évoqué le risque d’une tension des financements. L’octroi de crédit s’est ralenti cette année. Si, au vu de différentes enquêtes, l’accès au crédit pour l’investissement reste satisfaisant, on observe plus de tension à l’égard des crédits de trésorerie, même si l’évolution reste légèrement positive, y compris pour les PME. Dans ce contexte, le Gouvernement a réactivé certains dispositifs, comme le fonds de garantie de la trésorerie d’OSÉO, qui permet de garantir 50 % d’un crédit à court terme transformé en crédit à moyen terme d’un à cinq ans. Il a également mis en œuvre le préfinancement du CICE, qui représente une véritable avance de trésorerie pour les entreprises. Celles-ci montrent aussi beaucoup d’appétit pour les lignes de mobilisation de créance publique, comme la ligne « avance plus » d’OSÉO.

Nous arrivons à un moment clé. J’ai réuni les banquiers pour les sonder, à l’heure de la publication des bilans, où les entreprises font renouveler leur ligne de trésorerie. Ils sont conscients qu’il ne faut pas assécher le crédit. Pourtant, on ne peut sous-estimer les risques : certaines entreprises sont dans une situation très fragile. L’INSEE a annoncé ce matin que nous étions en récession. Dans certains secteurs – BTP, distribution –, les performances ne sont pas bonnes.

M. Olivier Carré, président. On connaît le discours des banquiers : « Si le nombre de crédits accordés diminue, la faute en revient non à notre capacité de financement, mais à la qualité des dossiers. »

M. Christophe Castaner, rapporteur. L’argument est recevable pour les crédits à l’investissement mais pas pour les crédits de trésorerie.

M. Olivier Carré, président. La Médiation est un des seuls capteurs à faire le lien entre la perception macroéconomique des besoins de liquidités et la vision microéconomique.

Mme Jeanne-Marie Prost. Les banquiers ont continué à prêter. Ils n’ont donc pas tort de dire qu’ils ont fait leur métier. Cela dit, ils sont tenus par leurs comptes de résultats. Quand les dossiers sont bons et que les entreprises sont solides, dans le contexte actuel, tout le monde se précipite. Il faut aussi noter que le crédit n’est pas cher, ce dont chacun se réjouit. La grande crainte des banquiers, y compris pour les crédits de trésorerie, c’est d’avoir à financer des pertes.

M. Olivier Carré, président. Ne serait-ce que parce que c’est illégal ! Il n’y a pas seulement une vérité comptable…

M. Christophe Castaner, rapporteur. …mais un risque pénal.

Mme Jeanne-Marie Prost. C’est l’obsession des banquiers. Voilà pourquoi, dans une situation de fort ralentissement, nous passons beaucoup de temps à instruire chaque dossier, pour comprendre la situation le plus précisément possible. Les petites entreprises ne disposent pas toujours d’un niveau d’analyse très sophistiqué. Il existe évidemment un plan de trésorerie, mais rien ne garantit qu’il soit complet. On y décèle parfois des oublis involontaires. Quand l’entreprise est sur le fil du rasoir, le banquier est vigilant. Dans ce cas, je le répète : elle ne doit pas hésiter à nous saisir, pour que nous jouions le rôle d’amortisseur.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Pensez-vous que les petites entreprises connaissent le mécanisme de médiation ? Comment améliorer leur niveau d’information ?

M. Olivier Carré, président. Les experts comptables peuvent jouer ce rôle.

Mme Jeanne-Marie Prost. Bonne réponse ! René Ricol s’est d’ailleurs appuyé sur eux. Pour nous, il est assez difficile de toucher un boulanger ou un petit artisan. C’est pourquoi, depuis trois mois, j’ai lancé plusieurs actions. J’ai rencontré toutes les fédérations professionnelles. J’ai utilisé leur site. J’ai effectué une démarche systématique auprès des chambres de commerce et d’industrie, et auprès des chambres de métiers, pour communiquer par tous les moyens. J’ai lancé une campagne d’affichage. Mon collègue de la direction générale des finances publiques a accepté de poser des affiches dans les 900 points de contact des DGFIP. Cette action a été relayée par la Banque de France. La presse quotidienne régionale joue aussi un rôle important. Demain, où je me rends à Charleville-Mézières, je rencontrerai la presse locale. Je demande aussi aux directeurs de la Banque de France d’utiliser tous les canaux locaux : l’Union professionnelle artisanale (UPA), les chambres de métiers doivent participer, comme les experts comptables, à la diffusion de l’information.

M. Christophe Castaner, rapporteur. L’État peut-il intervenir de manière plus directe et plus massive, par exemple en mobilisant la BPI, pour financer les BFR ?

Mme Jeanne-Marie Prost. La BPI intervient déjà par la branche OSÉO. Garantir les banques commerciales est un moyen d’apporter des financements. D’ailleurs, la ligne « avance plus » a augmenté.

La Médiation a été instaurée pour que les banques commerciales, qui sont relativement solides en France, financent les entreprises et l’outil de production. Je vois tous les jours fonctionner le partenariat entre les outils publics ciblés et l’énergie privée, à laquelle ils servent de catalyseurs. Ma mission de Médiatrice est d’aider nos banques commerciales à financer l’investissement et la trésorerie, bref à faire leur métier.

Si, entre 2010 et 2011, le nombre de dossiers en médiation a beaucoup baissé, c’est soit que la crise a pris fin et que la situation économique s’est améliorée, soit que l’existence de la Médiation a poussé les banques à remettre en cause leur mode de travail avec les PME. Certains réseaux bancaires l’ont reconnu. Ils ont essayé de mieux les traiter. On doit se réjouir de ce que les acteurs puissent travaillent mieux et parviennent à financer l’outil économique.

Avez-vous comparé la situation de la France à celle des autres pays européens ? Il y a quinze jours, la BCE a publié des enquêtes alarmantes, dont il ressort qu’en Italie et en Espagne, les banques restreignent l’offre de crédit aux PME. Il serait très grave que cela se produise en France. En cas d’ajustement, nous sommes là pour rappeler aux banques qu’elles n’ont peut-être pas fait tout ce qu’il fallait et qu’elles doivent aussi prendre des risques.

M. Olivier Carré, président. Je vous remercie.