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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Prévention et accompagnement par la puissance publique des plans de sauvegarde de l’emploi

Séance de 9 heures 45

Compte rendu n° 31

Présidence de M. Christophe Castaner et Mme Véronique Louwagie, corapporteurs

– Audition, ouverte à la presse, de M. Patrice Lombard, vice-président d’OPCALIA, et de M. Philippe Huguenin-Génie, directeur général adjoint d’OPCALIA, sur le thème « Prévention et accompagnement par la puissance publique des plans de sauvegarde de l’emploi »

Jeudi
16 mai 2013

M. Christophe Castaner, rapporteur. Nous accueillons ce matin MM. Patrice Lombard et Philippe Huguenin-Génie, respectivement vice-président et directeur général adjoint d’OPCALIA. Je vous remercie, Messieurs, d’avoir accepté notre invitation à participer à la réflexion que nous menons sur la prévention et l’accompagnement par la puissance publique des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) en France.

Nous souhaiterions vous interroger sur l’évolution du rôle d’OPCALIA et des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) en général à la suite de l’adoption, cette semaine, par le Sénat, de la loi sur la sécurisation sur l’emploi ? Les mutations profondes que connaissent aujourd’hui la plupart des filières de production en France impliquent de privilégier la formation, dans le cadre de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC). Comment peut-on aujourd’hui favoriser la reconversion des salariés licenciés, mais également anticiper les évolutions pour éviter les licenciements ?

M. Patrice Lombard, vice-président d’OPCALIA. Les OPCA étant des organismes paritaires, OPCALIA est actuellement présidé par Dominique Schott, syndicaliste à la centrale FO ; je suis pour ma part chef d’entreprise et président du MEDEF Lorraine. Depuis la réforme des OPCA, OPCALIA – désormais deuxième opérateur français dans le domaine de la formation continue – collecte et gère annuellement 650 millions d’euros de fonds de formation, destinés tant à l’alternance et à la professionnalisation qu’aux plans de formation des entreprises. Comptant 110 000 entreprises adhérentes, il s’adresse à 3 millions de salariés et intervient à parts égales dans le domaine interprofessionnel comme auprès d’entreprises de 29 – et bientôt 31 – branches très diversifiées : transport aérien, télécommunications, textile, cristallerie, banque, traitement des déchets, enseignement privé, énergie, environnement, eau, industrie du jouet, puériculture, etc.

Avec nos 120 implantations territoriales, nous sommes présents dans tous les départements français, y compris ceux d’outre-mer. Nos conseillers de formation – assistés par un personnel administratif en charge des dossiers – agissent sur le terrain, dans la proximité des chefs d’entreprises et des salariés, et en partenariat avec l’ensemble des opérateurs concernés – l’État en région, les conseillers régionaux, Pôle emploi et les missions locales. Nous travaillons également sur l’insertion des salariés les plus fragiles en favorisant l’intégration des salariés handicapés et en luttant contre l’illettrisme.

OPCALIA fait partie des OPCA qui, depuis 2009, aident au reclassement des salariés en cas de PSE. Nous intervenons dans les entreprises adhérentes ou non, à la demande de Pôle emploi, pour organiser la formation de récents demandeurs d’emploi et les aider à retrouver au plus vite un travail. Le dispositif du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) – qui remplace celui de la convention de reclassement personnalisé (CRP) et du contrat de transition professionnelle (CTP) – nous offre à cet égard un outil adapté. Depuis la création du système, OPCALIA a accompagné 45 000 salariés, dont 16 000 en 2012, engageant 48 millions d’euros au travers du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). Le coût de la formation s’élève à 180 heures – soit 3 000 à 3 500 euros – par bénéficiaire, et son impact est réel : 62 % des salariés formés prennent le chemin du retour vers l’emploi, décrochant un CDD de plus de 6 mois.

Nous intervenons également dans le domaine du chômage partiel – solution souvent choisie par les entreprises pour parer aux difficultés. Certaines entreprises ont signé des accords permettant de remplacer le chômage partiel par une période de formation. Entre avril 2009 et décembre 2012, OPCALIA a accompagné dans ce cadre 19 000 salariés – dont 70 % relèvent du premier niveau de qualification –, employés dans les branches en difficulté : industrie du verre mécanique, transport aérien, textile, cristallerie.

Parmi les exemples de nos interventions, celui de l’entreprise Lejaby a bénéficié d’une couverture médiatique importante. Ses salariées, âgées de 42 ans en moyenne, auraient eu du mal à retrouver un emploi dans la zone rurale très isolée où elles travaillaient, mais leur savoir-faire a séduit un grand repreneur, LVMH. Bénéficiant de l’expérience de notre branche textile, nous sommes intervenus pour les former aux métiers de la maroquinerie, leur permettant de conserver un emploi stable. L’opération fut si bien réussie qu’aujourd’hui, l’entreprise envisage à nouveau d’embaucher. Dans ce type de reconversions, OPCALIA joue le rôle d’organisme architecte, rassembleur d’énergies : connaissant tant le domaine de la formation que l’ensemble des acteurs concernés, nous représentons l’épine dorsale du système.

Le groupe Doux en Bretagne offre un autre exemple où nous essayons d’apporter notre aide, quoiqu’avec plus de difficultés. Il s’agit également de secteurs ruraux et difficiles, et de salariés d’un bon niveau de qualification. Les capacités de reclassement à l’intérieur de la branche faisant défaut, ils doivent s’orienter vers d’autres activités, mais leur manque de mobilité – certains n’ont même pas le permis de conduire – rend la reconversion délicate.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Vous représentez, dites-vous, l’épine dorsale en matière d’accompagnement des licenciements collectifs, Pôle emploi vous sollicitant souvent dans ce type de contexte. Mais êtes-vous associés à un stade suffisamment précoce aux discussions intervenant dans le cadre des PSE, ou bien n’intervenez-vous qu’à la fin du processus ? Avez-vous constaté des différences de pratiques d’une région à l’autre ? Certaines approches vous paraissent-elles plus pertinentes que d’autres ?

L’anticipation en matière de formation quotidienne vous semble-t-elle aujourd’hui satisfaisante ? Peut-on améliorer notre approche de la GPEC ?

Le monde de la formation comprend une multiplicité d’intervenants ; comment renforcer la coordination entre différents acteurs, afin de répondre plus efficacement aux besoins de formation qui varient d’un territoire à l’autre ?

M. Philippe Huguenin-Génie, directeur général adjoint d’OPCALIA. Il est difficile de pointer des règles, notre action relevant souvent du sur-mesure. Deux grands cas peuvent cependant être distingués : lorsqu’un nombre conséquent de salariés risque le licenciement, la mobilisation est généralement forte ; mais il n’en va pas de même lorsque les pertes d’emploi interviennent de façon diffuse, au sein de différentes petites entreprises.

M. Patrice Lombard. Un préfet de région me disait récemment son inquiétude à ce propos ; les mêmes échos nous parviennent des responsables des tribunaux de commerce et moi-même, en tant que chef d’entreprise, j’ai le même ressenti. Aujourd’hui, alors que beaucoup de TPE disparaissent, nous faisons face non à de grands collectifs de licenciés par une grosse entreprise, mais à une multitude de salariés qui perdent leur emploi sans que l’on s’en aperçoive, et qui se retrouvent particulièrement isolés. Lorsque ferme une grande entreprise, laissant 150 ou 300 salariés au chômage, la mobilisation générale qui s’ensuit facilite la réaction. Mais lorsqu’il s’agit d’un débit de boissons qui met la clé sous la porte ou d’un maçon ou d’un boulanger qui licencient une ou deux personnes, le caractère diffus des pertes d’emploi les rend difficiles à suivre.

M. Philippe Huguenin-Génie. Malheureusement, les chefs d’entreprise attendent souvent la dernière minute pour afficher leurs difficultés, mus par l’espoir de voir la situation s’améliorer ou par la crainte de l’aggraver. Il est donc très difficile de détecter les problèmes en amont, alors que l’anticipation permet de mieux gérer les transitions.

Le paritarisme constitue la force d’OPCALIA, et plus généralement des OPCA. Nouant des contacts avec les syndicats du personnel, ils ménagent le climat social, souvent tendu, et respectent une certaine déontologie. Par conséquent, ils sont considérés comme une entité neutre venant s’interposer entre l’entreprise et le salarié pour trouver une solution aux difficultés économiques. Ce statut nous permet de jouer efficacement le rôle d’intermédiaire entre différents acteurs en présence.

Les situations restent pourtant éminemment diverses et la spécificité irréductible de chaque dossier interdit de construire un dispositif bien cadré d’intervention. La mobilisation joue souvent un rôle positif, à condition que l’on sache qui la pilote : l’État, la région, le département ou une direction du travail. Ne pas pouvoir identifier le chef d’orchestre est au contraire facteur de ralentissements.

Contrairement à une époque où l’absence de dispositifs efficaces d’intervention nous laissait démunis face aux suppressions d’emplois massifs, comme à Roissy en 2007, nous avons aujourd’hui, avec le CSP, tout l’outillage nécessaire pour remplir notre mission. En matière de grosses opérations, il ne reste qu’à améliorer la réactivité. Lorsqu’il existe un repreneur, il s’agit d’une sortie par le haut, comme dans le cas de Lejaby : rebaptisée Les Ateliers du Meygal, l’entreprise parvient même à embaucher. À côté de cette success story, nous avons accompagné des reconversions moins heureuses, comme celle de Thomson où le repreneur a souhaité passer du tube cathodique au pare-brise de voitures, avant que la crise du secteur automobile ne le mette lui-même en difficulté. Mais la situation la plus fréquente reste l’absence de repreneur, avec son cortège de reclassements individuels ; l’accompagnement est alors plus laborieux, l’illettrisme et les problèmes de mobilité rendant la réinsertion professionnelle délicate.

S’agissant des petites opérations, Pôle emploi les prend généralement en charge et nous les suivons dans le cadre des dossiers individuels de CSP. Mais le caractère diffus de ces reconversions freine la mobilisation.

M. Patrice Lombard. Nous répondons aux demandes de Pôle emploi, y compris pour organiser et financer des formations dans des entreprises qui ne dépendent pas de nos secteurs habituels.

Les partenaires du processus ne sont pas si nombreux : par exemple, lors d’une formation dans le cadre d’un CSP, un seul OPCA agit. Quant aux organismes de formation, ils interviennent à la demande. L’amélioration consisterait plutôt à trouver la bonne formation pour chaque salarié en difficulté, sans que ce dernier doive s’en occuper lui-même.

Il faudrait également diminuer les délais de mise en place de la formation. Actuellement, certains salariés pris en charge dans le cadre d’un CSP passent plusieurs mois avant de démarrer leur formation, et la terminent donc alors que leur contrat avec Pôle emploi a depuis longtemps expiré. Même si la volonté de chaque salarié joue également un rôle – certains recherchent plus ou moins activement un nouvel emploi –, accélérer la mise en place des formations ne peut qu’améliorer l’efficacité du système.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Comment expliquer ce délai ? Relève-t-il d’un retard dans le choix de la formation par le salarié ou bien d’une difficulté à trouver un organisme de formation proposant le cursus souhaité ?

M. Patrice Lombard. Aucune cause unique ne peut être pointée ; aux deux cas que vous avez évoqués s’ajoutent les délais de mise en place d’une formation, une fois qu’elle a été choisie.

M. Christophe Castaner, président. Il semblerait que la prise en charge dans le cadre d’un congé de reclassement ne motive pas toujours un retour immédiat à l’emploi. Une des suggestions consiste à en maintenir le bénéfice quand on entre en formation, voire que l’on trouve un emploi, afin de récompenser le salarié actif dans la recherche. Qu’en pensez-vous ?

Lejaby constitue la success story dont on parle à chacune de nos auditions ; mais comment multiplier ce type de reconversions ?

Vous avez évoqué la difficulté fréquente de déterminer qui pilote la mobilisation, le manque de coordination limitant l’efficacité des opérations ; à votre avis, à qui faut-il confier ce pilotage ?

M. Philippe Huguenin-Génie. Même si certains profitent du chômage pour réaliser un projet personnel, le plus souvent, le salarié qui apprend qu’il est licencié cherche un emploi et non une formation, puisque pour continuer à faire vivre son foyer, il lui faut avant tout retrouver une rémunération. À l’exception des cadres de haut niveau, prêts à changer de lieu de vie, le gros des salariés préfère changer de métier pour ne pas déménager ; or l’emploi manque souvent à proximité. Si l’on arrive à lui garantir un niveau de revenu minimum, le salarié se voit libéré de cette urgence et peut se diriger plus sereinement vers une formation.

L’attitude du salarié joue également un rôle dans le succès de sa reconversion. On pointe souvent le peu de formation destiné aux moins qualifiés ; mais ces personnes en sont en réalité peu demandeuses. Pour voir émerger un salarié acteur – figure mise en avant par les organisations syndicales – il faut mener un travail d’accompagnement long et d’autant plus laborieux que les personnes sont peu qualifiées. Parmi les outils dont nous disposons, il faut mentionner le compte personnel de formation (CPF), bientôt effectif, ainsi que la prestation de conseil en accompagnement, prévue dans le dernier accord national interprofessionnel (ANI). Mais remettre à niveau des personnes illettrées exige des moyens financiers importants, alors que les chefs d’entreprise préfèrent affecter leur budget à la formation de la main-d’œuvre qualifiée. L’un des enjeux du CPF sera donc d’en faire bénéficier cette population – et non seulement les cadres, aujourd’hui les plus nombreux à utiliser le droit individuel à la formation (DIF).

En somme, allouer des droits ne suffit pas : pour que les salariés se dirigent vers la formation, il faut sécuriser leurs revenus tout en travaillant sur la figure du salarié acteur.

Lejaby représente l’exception qui confirme la règle ; le succès de cette reconversion a clairement été favorisé par la forte mobilisation médiatique, encore amplifiée par les effets de la campagne électorale. Le rôle des médias dans la mobilisation des repreneurs potentiels se révèle donc considérable. Mais cette reprise a également joué sur l’image de LVMH, arrivé en sauveur et présenté comme l’entreprise en bonne santé qui choisit de produire en France.

M. Patrice Lombard. La capacité de réaction de ce secteur d’activité s’explique par sa longue expérience de la crise économique. Il bataille depuis de longues décennies pour sauver des emplois en France.

M. Philippe Huguenin-Génie. Les opérations de reprise dépendent toutefois de l’implication d’une pluralité d’acteurs économiques – conseils régionaux, chambres consulaires, comités de développement – qui dépasse le cadre des OPCA. Dans les cas les plus réussis, les salariés ne connaissent même pas de cessation d’activité, changeant de métier sans subir de licenciement. Avec la période de professionnalisation – possibilité, pour les personnes en CDI, de bénéficier d’une formation de longue durée –, la réforme de 2004 nous a apporté un formidable outil. Elle permet d’envisager une ingénierie sereine, en y impliquant les partenaires sociaux.

Enfin, il serait difficile de fixer a priori un pilote pour toutes les mobilisations. Les 20 ans d’expérience d’OPCALIA montrent que les acteurs dynamiques d’un territoire sont très variés, et le succès d’une opération tient souvent au tissu relationnel d’une personne qui arrive à fédérer les autres intervenants et à les faire travailler ensemble. Qu’elle parte ou qu’elle soit remplacée, et le dispositif se reconfigure autrement. L’essentiel reste de désigner clairement le chef d’orchestre qui coordonne l’opération ; mais entre l’État, les régions et les acteurs locaux, il faut choisir au cas par cas.

M. Patrice Lombard. Il est très difficile d’anticiper les difficultés d’une entreprise. D’après mon expérience, les lois de sauvegarde des entreprises ne fonctionnent pas vraiment : le chef d’entreprise doit d’abord comprendre qu’il est au bord d’une difficulté importante – or, les petites entreprises ne disposent pas toujours d’outils de gestion adéquats – et ensuite accepter d’avouer ses problèmes à ses clients, fournisseurs et banquiers. Je doute que la présence dans les régions des commissaires au redressement productif ait apporté une solution à ce problème. L’action, dans ce domaine, relève du cousu main, et non de l’institutionnel ; elle n’est pas forcément reproductible. C’est l’organisation des bonnes volontés et des dynamismes et la qualité du terreau régional qui assurent le succès à un endroit et le rendent plus incertain ailleurs.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Il ne me semble pas que les OPCA aient eu des relations sur le terrain avec le commissaire au redressement productif.

M. Patrice Lombard. Je suis allé le rencontrer en tant que responsable patronal.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Avec quels acteurs les OPCA travaillent-ils sur le terrain ?

M. Patrice Lombard. La région bien sûr, l’État en région – en particulier les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) –, Pôle emploi, les missions locales, les comités de développement lorsqu’ils existent – interlocuteurs qui connaissent bien les entreprises et permettent de trouver des possibilités de reclassement –, les chambres de commerce, les pôles de compétitivité.

M. Christophe Castaner, rapporteur. Comment, dans le choix des formations, tenir compte à la fois des besoins des filières sur les territoires et des évolutions structurelles, de façon stratégique et anticipée ?

D’après votre présentation, le CSP représente l’outil idéal ; mais sa dimension collective est-elle suffisamment forte ? À trop privilégier l’accompagnement individuel, on laisse souvent de côté la revitalisation territoriale.

Que pensez-vous du FNE Formation comme outil public d’urgence, et des dispositifs que certaines régions ont mis en place, tels que le fonds de formation Intervention régionale pour l’investissement social (IRIS) en région PACA ?

M. Philippe Huguenin-Génie. Le FNE fut longtemps délaissé, avant de retrouver ses lettres de noblesse. Il a financé 60 à 70 % de la formation des salariées de Lejaby ; son rôle n’est donc pas à négliger. Depuis 2009, la plupart des conseils régionaux dégagent également des moyens, en proportions variables.

Le CSP a le mérite d’exister et de répondre à un véritable besoin. Son utilité se mesure au fait que les deux tiers des personnes qui en bénéficient parviennent à rebondir. Certes, il serait idéal d’arriver à orienter les gens vers une logique collective ; il serait alors plus facile de bâtir une offre de formation adaptée. Pourtant, dans ces situations de crise, il est difficile de garder le collectif des salariés, a fortiori lorsqu’on ne sait pas quel sera leur avenir. Les gens qui n’ont plus de lieu de travail rentrent chez eux, puis s’adressent chacun à l’agence de Pôle emploi la plus proche de leur domicile ; c’est alors d’un accompagnement individuel qu’ils bénéficient. Tenter de conserver, pour ceux qui le souhaitent, une forme de collectif peut cependant constituer une piste intéressante.

M. Patrice Lombard. La GPEC – obligatoire pour les entreprises de plus de 300 salariés – représente un sujet tabou dans les entreprises : l’annonce d’une action de ce type est en effet interprétée par les syndicats comme la préparation d’un plan de licenciement. Quant aux TPE, elles ont du mal à évaluer leurs besoins à long terme.

OPCALIA a développé un outil de conseil en ressources humaines – « Capital compétences » – qui aide les chefs d’entreprise à déterminer l’évolution à venir de leurs métiers et donc des compétences qu’il faudrait obtenir. Cet outil – que nous sommes en train de généraliser à l’ensemble de nos implantations sur nos territoires – aura une double utilité : il rendra service aux chefs d’entreprise, mais permettra également d’accumuler des renseignements pour connaître les besoins en compétences par branche ou par région, et donc de travailler en amont des difficultés. Il s’agit du cœur même de la GPEC.

Mme Dominique Lassus-Minvielle, magistrate à la Cour des comptes. Vous avez évoqué le congé de reclassement et le congé de mobilité, destinés aux grandes entreprises. L’usage du FNE Formation – doté d’une visée générale – a quasiment décuplé entre 2008 et 2010, avant de retomber. S’agit-il d’un bon outil de crise ? Faudrait-il disposer d’un dispositif ciblé pour les PME ?

De façon générale, en période de crise, les dispositifs d’accompagnement des salariés ayant des besoins en formation doivent-ils faire l’objet d’un ciblage supplémentaire ou bien les outils de droit commun, s’adressant à toute la palette des entreprises, vous paraissent-ils suffisants ?

M. Philippe Huguenin-Génie. Dans l’ensemble, nous disposons de l’outillage et des financements nécessaires, le retour du FNE intervenant très à propos ; le succès des opérations dépend dès lors de la mobilisation des acteurs. En matière d’accompagnement individuel, Pôle emploi joue un rôle essentiel ; à cet égard, il faut saluer son choix de se tourner vers le conseil en formation, et non plus seulement en recherche d’emploi. Ses agents doivent désormais se repérer dans la multitude d’organismes à l’offre de qualité très variable et très peu lisible. Cette difficulté vaut d’ailleurs également pour les entreprises, les individus et les acheteurs collectifs comme OPCALIA, d’autant que les formations les plus récentes sont très peu organisées, contrairement aux cursus sur l’année que les conseils régionaux avaient historiquement l’habitude d’acheter. L’apparition des demandes urgentes et individuelles rend la gestion des formations plus complexe. Ainsi, s’il est difficile de mettre en place une formation dans le cadre d’un CSP, c’est qu’il faut trouver le bon organisme, à proximité du bénéficiaire, qui démarre une formation rapidement, et avec un coût maîtrisé.

M. Patrice Lombard. Attention à ne pas multiplier inutilement les outils ; mieux vaut bien utiliser ceux qui existent déjà qu’en créer des supplémentaires. Afin de conférer au système un minimum de stabilité, il faut éviter de tout changer en permanence. Faisons connaître les dispositifs disponibles pour que chacun puisse en comprendre le fonctionnement et réussir à les mettre en œuvre.

M. Christophe Castaner, rapporteur. Nous vous remercions, Messieurs, d’avoir répondu à nos questions.