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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Comment optimiser les aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins ?

Mercredi 3 juillet 2013

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 45

Présidence de M. Olivier Carré, Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement, sur le thème « Comment optimiser les aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins ? »

M. le président Olivier Carré. Nous poursuivons nos travaux sur l’optimisation des aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins. Nous accueillons aujourd’hui, pour la dernière audition de ce cycle, la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Nous souhaitons vous entendre, madame la ministre, sur plusieurs questions : l’évaluation des besoins ; l’optimisation des différents dispositifs publics afin d’améliorer la production de logements sociaux ; l’échelon de gouvernance le plus pertinent pour piloter cet aspect de la politique du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Vous avez souhaité que nous échangions au sujet des aides à la construction de logements sociaux. Après un an de travail en commun, il est en effet possible et opportun de dresser un premier bilan de nos actions et de nos engagements en faveur du logement social.

En un an, l’État a, d’une part, consenti un effort financier important et, d’autre part, renouvelé son partenariat avec le monde HLM, ce qui n’est pas négligeable : le pacte de confiance avait été rompu ; l’instauration du prélèvement sur le potentiel financier des organismes HLM avait suscité de fortes tensions. J’ai souhaité responsabiliser les acteurs du monde HLM, tout en leur donnant les moyens financiers d’exercer ces responsabilités. Le Gouvernement mène donc une politique à la fois ambitieuse et pragmatique, qui tient compte de nos difficultés budgétaires.

Nous nous sommes fixé un objectif ambitieux de construction de 150 000 logements sociaux par an, soit 25 % de plus que les années précédentes. De plus, nous avons donné la priorité à la construction de logements en faveur des plus défavorisés. La loi de finances initiale pour 2013 prévoit le financement de 150 000 logements sociaux : 33 000 par le prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) ; 69 000 par le prêt locatif à usage social (PLUS) ; 48 000 par le prêt locatif social (PLS). Ces objectifs sont en hausse, respectivement, de 50 %, de 25 % et de 13 % par rapport à 2012. Afin qu’ils ne demeurent pas purement incantatoires, le Gouvernement a mobilisé l’ensemble des moyens à sa disposition.

La loi du 18 janvier 2013, dont le décret d’application a été signé le 15 avril, rend désormais possible la cession du foncier public avec une forte décote pouvant aller jusqu’à la gratuité. Elle a également renforcé les obligations des communes en matière de production de logements sociaux et fortement accru les sanctions encourues – les pénalités ont été quintuplées – par celles qui ne les respecteraient pas.

Le Plan d’investissement pour le logement (PIL), dévoilé par le Président de la République le 21 mars 2013, a réaffirmé les objectifs et prévu vingt mesures qui permettront d’accélérer la construction et la rénovation des logements, notamment le raccourcissement des délais de traitement des recours contentieux contre les permis de construire, la possibilité de densifier le tissu urbain, le développement du logement intermédiaire, le lancement du plan de rénovation énergétique de l’habitat.

S’agissant du raccourcissement des délais de traitement des recours contentieux contre les permis de construire, je présenterai, comme je m’y suis engagée hier devant la commission des affaires économiques, un projet d’ordonnance au conseil des ministres du 17 juillet prochain.

Au total, le Gouvernement a mobilisé des moyens financiers à la hauteur des objectifs fixés : il nous fallait faire la démonstration qu’il existait des moyens disponibles pour financer la construction de 150 000 logements sociaux. Les aides à la pierre ont été augmentées de 11 %, passant d’un niveau d’engagement de 450 millions d’euros en 2012 à 500 millions en 2013. Le plafond du livret A a été relevé afin de répondre aux besoins de financement des opérations de construction et de rénovation de logements sociaux. Le prélèvement sur le potentiel financier des organismes HLM a été supprimé.

Parallèlement, l’État et Action logement ont conclu un accord qui permet une mobilisation exceptionnelle de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) en faveur du financement du logement locatif social pour les années 2013 à 2015. Son financement complémentaire, d’un montant annuel de 1,5 milliard d’euros correspondant à 950 millions d’euros en équivalent subvention, entraîne – compte tenu du lien avec les aides à la pierre versées par l’État – un quasi-doublement des aides disponibles pour les bailleurs sociaux, cohérent avec la hausse des objectifs fixés.

Le taux de TVA sera abaissé à 5 % pour toutes les constructions de logements sociaux livrés en 2014, y compris lorsqu’ils seront réalisés dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) ou financés par le prêt social de location-accession (PSLA).

J’ai également proposé des instruments pour mener à bien l’indispensable rénovation thermique du parc. Des réponses concrètes ont été apportées par le Plan d’Investissement pour le Logement : un prêt « éco-PLS » à 1 % ; une TVA sur les travaux de rénovation de logements sociaux à 5 % à compter du 1er janvier 2014. Les organismes HLM ont donc les moyens d’atteindre l’objectif de 120 000 réhabilitations thermiques par an.

Afin de concrétiser ces multiples efforts et de s’assurer que, en contrepartie de l’effort consenti par la puissance publique, les objectifs seront effectivement réalisés, j’ai souhaité qu’un pacte soit conclu entre l’État et l’Union sociale pour l’habitat (USH). Il sera signé le 8 juillet prochain. Il scellera les engagements réciproques pris par l’État et le monde HLM afin de réaliser les objectifs de construction fixés par le Président de la République.

Il précisera, en particulier, les modalités selon lesquelles les bailleurs sociaux mutualiseront leurs fonds propres au bénéfice des zones où les besoins sont les plus importants. Les cotisations des organismes seront quasiment doublées et les fonds mutualisés s’élèveront, en année pleine, à 280 millions d’euros. Le processus a pris du temps, mais la démarche est historique : les bailleurs sociaux ont organisé et géreront eux-mêmes ce dispositif de mutualisation financière. Cette décision et la signature du pacte témoignent du renouvellement d’un partenariat authentique et exigeant entre l’État et le monde HLM.

Cependant, dans une période marquée par de fortes contraintes budgétaires, l’effort consenti par l’État doit s’accompagner d’un meilleur ciblage des aides. Nous devons privilégier les territoires les plus en difficulté et construire là où les besoins sont les plus importants, là où nos concitoyens attendent que la puissance publique se mobilise pour répondre à leurs problèmes les plus criants.

C’est pourquoi la territorialisation des aides à la construction doit consister avant tout à concentrer les moyens dans les zones où s’exprime l’essentiel des demandes et où, faute d’offre disponible, le droit au logement opposable ne parvient pas à se concrétiser pleinement, où les loyers sont trop élevés et la sur-occupation excessive. Il convient également de construire dans ces zones parce que c’est là qu’il est plus difficile de le faire : le foncier y est plus cher et les droits à construire plus rares ; il est souvent nécessaire de « refaire la ville sur la ville ».

Je refuserai cependant toujours de sacrifier l’efficience de notre action à une politique du chiffre, somme toute assez facile à réaliser. Si nous ne territorialisons pas notre action avec rigueur, si nous nous contentons de « construire pour construire », nous produirons sans doute davantage de logements sociaux, mais nous ne répondrons pas aux besoins, voire construirons là où les besoins ne sont pas avérés, ce qui sera source d’autres difficultés.

Nous avons tenu compte de ces exigences lors de la répartition de la dotation des aides à la pierre. J’ai ainsi décidé de donner la priorité aux régions qui éprouvent le plus de difficultés, en fonction de données objectives : faible taux de vacance du parc, forte croissance démographique, prix du foncier élevé, nombre important de demandeurs de logements sociaux et d’allocataires d’aides au logement dans le parc privé.

Sur la base de ce calcul qui prend en compte les besoins, il est assez naturel que près des deux tiers de la dotation globale soient affectés à l’Île-de-France, à la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et à la région Rhône-Alpes.

La répartition des crédits à l’échelle nationale s’appuie donc sur une méthode objective, garante de l’efficience de l’action de l’État au regard des besoins : il convient de cibler de manière efficace les territoires les plus tendus.

À l’intérieur des régions, la répartition des crédits relève de la compétence des préfets de région, après avis du comité régional de l’habitat (CRH). Il ne revient pas au ministère du logement de décider, depuis Paris, de leur affectation commune par commune. Il convient, au contraire, de privilégier une gestion locale et un dialogue entre acteurs de terrain, garants d’une bonne répartition des aides sur le territoire.

Les aides de l’État sont désormais distribuées en majorité par des collectivités territoriales délégataires, qui sont aujourd’hui au nombre de cent neuf : vingt-six départements et quatre-vingt-trois EPCI (établissements publics de coopération intercommunale). En 2012, plus de la moitié – 55 % – des logements sociaux ont été financés de cette manière. Nous allons continuer à appliquer cette méthode de travail efficace et l’étendre dans le cadre de la création de la métropole parisienne. Il convient de faire confiance aux collectivités territoriales, l’État demeurant le garant de la solidarité entre les territoires et du respect des objectifs fixés.

Ce système fonctionnant bien, j’ai décidé de renforcer la délégation de compétence en matière d’aides à la pierre et d’en enrichir le contenu dans le cadre du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), actuellement examiné par la commission des affaires économiques.

La territorialisation des aides à la pierre passe également par celle des interventions d’Action logement, dont le réseau se déploie sur tout le territoire. Je souhaite qu’Action logement développe ses partenariats avec les collectivités territoriales, afin de mieux cibler encore son action. Dans la lettre d’engagement mutuel signée entre l’État et l’Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL) le 12 novembre 2012, Action logement s’est ainsi engagée à renforcer ses liens avec les territoires en passant des conventions avec les agglomérations.

Beaucoup a donc déjà été fait. Cependant, les marchés locaux de l’habitat étant très divers, il est indispensable d’aller encore plus loin dans l’adaptation de la politique du logement aux besoins des territoires et de leurs habitants.

J’ai donc engagé trois chantiers en ce sens.

D’abord, j’ai lancé la création d’un réseau d’observatoires locaux des loyers, qui permettra d’affiner notre connaissance du parc et de ses caractéristiques, des montants des loyers, du profil des demandeurs de logement et des difficultés éventuelles. Dix-neuf sites pilotes ont été sélectionnés à la suite d’un premier appel à candidatures et ont bénéficié de financements de l’État pour développer leurs observatoires. Une évaluation de cette première phase sera réalisée à l’automne en vue du lancement d’un second appel à projets, plus large : l’objectif est de couvrir l’ensemble des agglomérations de plus de 50 000 habitants d’ici à la fin de l’année. Un comité scientifique s’assurera que les données seront parfaitement comparables d’une région à l’autre sur l’ensemble du territoire national.

Ensuite, j’ai lancé une refonte du zonage dit « A, B, C », sur lequel repose le dispositif d’incitation à l’investissement locatif. Un groupe de travail associant élus, professionnels du bâtiment, bailleurs et associations a été constitué en vue d’établir une méthode partagée d’actualisation. C’est un exercice complexe et politiquement très sensible. À terme, le zonage découlera de l’application de critères identifiés grâce au travail des observatoires des loyers. En attendant, une première proposition de zonage révisé a été formulée ; elle fait actuellement l’objet d’une concertation.

Enfin, dans le cadre de la modernisation de l’action publique (MAP), j’ai confié à M. Delarue la mission d’évaluer l’efficacité du système de financement actuel, qui repose en grande partie sur des zonages définis à l’échelle nationale, et de formuler des propositions en vue d’améliorer la territorialisation des politiques du logement, clé de leur efficacité et de leur rentabilité.

Effort financier accru, meilleur ciblage des aides afin de les rendre plus efficaces : telle est la feuille de route du Gouvernement en matière de logement social. Je veille à ce qu’elle soit respectée à la lettre, soyez-en assurés. À cette fin, j’installerai un comité de suivi des engagements pris dans le cadre de l’accord qui sera signé entre l’État et l’USH. Il sera placé sous mon autorité et se réunira mensuellement. Il fera le point sur les réalisations qui doivent découler de cette importante mobilisation de l’État.

M. Michel Piron, rapporteur. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir accepté notre invitation.

Vous avez dressé un bilan des actions et des engagements, qui montre que l’objectif de construction de 150 000 logements sociaux par an pourrait être atteint à terme, je ne le conteste pas. En revanche, la tendance est beaucoup moins positive en ce qui concerne l’objectif global de construction de 500 000 logements : alors que le parc de logements sociaux s’accroît, l’investissement privé dans la construction de logement s’effondre, malheureusement. Je sais combien l’exercice est difficile, compte tenu des contraintes budgétaires. Mais, si les objectifs ne sont pas tenables, peut-être conviendra-t-il de les revoir à la baisse ? Le Président de la République lui-même l’a suggéré, en février dernier, dans un autre domaine que le logement.

J’en viens à mes questions.

La problématique du logement social ne peut pas être dissociée de celle du logement intermédiaire. Certains ménages sont incapables de « sortir » du logement social et cela restera le cas même si les prix sur le marché classique sont davantage encadrés à l’avenir. Quel lien faites-vous entre le logement social et le logement intermédiaire ?

En matière d’accession sociale à la propriété, comment convient-il d’ajuster les conditions d’accès au prêt à taux zéro « plus » ? Ce dispositif semble fonctionner pour les ménages dont les revenus sont inférieurs au premier décile, mais guère pour ceux dont les revenus sont compris entre le premier et le troisième décile.

S’agissant du zonage, confirmez-vous la création d’une zone A ter ? Quoi qu’il en soit, il ne suffit pas de s’intéresser aux marchés tendus : le coût du foncier doit être mis en relation avec les revenus des ménages. En province, il arrive que les revenus des ménages soient tellement modestes qu’ils ne leur permettent pas d’accéder à la propriété, même si le coût du foncier est très bas. Nous sommes en réalité confrontés non pas à une crise du logement, mais à plusieurs crises du logement, de nature différente et parfois antinomiques.

À cet égard, convient-il plutôt de créer un observatoire des loyers à compétence nationale, qui risque de publier tardivement ses résultats, ou des observatoires régionaux, qui pourront sans doute fournir plus rapidement des données plus fines ?

En outre, quelle est la bonne gouvernance ? Il convient de faire des choix en matière de déconcentration ou de décentralisation. En effet, nous sommes au milieu du gué : la délégation des aides à la pierre constitue une forme de décentralisation, mais elle n’a pas toujours été pleinement assumée.

Pour ce qui est des organismes HLM, est-on allé assez loin dans la mutualisation de leurs moyens ? Je suis bien conscient que l’exercice est délicat, mais je doute que les 280 millions d’euros que vous avez évoqués suffisent au regard de l’objectif de construction de 150 000 logements sociaux, compte tenu des capacités limitées de certains organismes.

Enfin, les contraintes normatives sont-elles toutes justifiées ? Par exemple, il a été décidé que tous les nouveaux logements sociaux devaient désormais être « adaptés » aux personnes handicapées, alors qu’il pourrait suffire qu’ils soient tous « adaptables » et qu’une partie d’entre eux soit effectivement « adaptés ». De plus, seul le handicap moteur est pris en compte, alors qu’il existe bien d’autres formes de handicap. N’a-t-on pas adopté une approche à la fois excessive et réductrice en la matière ?

M. Christophe Caresche, rapporteur. Vous affichez clairement votre priorité : construire des logements, notamment des logements sociaux, dans les zones les plus tendues. Est-on capable de mesurer l’effort réalisé en matière de territorialisation des aides à la pierre ? Vous avez notamment indiqué que trois régions absorbaient désormais les deux tiers de la dotation globale pour le financement des aides à la pierre. Qu’en était-il antérieurement ? Comment la situation a-t-elle évolué ?

Dans le cadre de la Modernisation de l’action publique (MAP), quelles sont les prochaines échéances pour le domaine du logement ? À quelle date le rapport Delarue doit-il vous être remis ?

Tout en soulignant le bilan très positif de la délégation des aides à la pierre, le rapport de la Cour des comptes a montré qu’il était nécessaire non seulement de revoir le zonage « A, B, C », mais aussi de l’harmoniser avec les autres zonages. Vous avez engagé un travail à ce sujet. Quelles en sont les prochaines étapes ?

Mme la ministre. La construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, est un objectif noble, qu’il était nécessaire de fixer : il s’agit de répondre aux besoins et de s’attaquer aux racines de la crise du logement. Revenir sur l’objectif signifierait que l’on renonce à le faire. Cependant, je suis lucide sur les difficultés que nous aurons pour l’atteindre.

En matière de logement social, l’État et les opérateurs disposent des moyens financiers et de l’ingénierie nécessaires. Nous devons donc réaliser l’objectif ou, à défaut, identifier les raisons qui nous empêchent de le faire. Telle sera précisément la mission du comité de suivi du pacte signé entre l’État et l’USH. Nous connaissons déjà certaines de ces raisons : difficultés d’accès au foncier ; frilosité de certaines collectivités à la veille des élections municipales.

Quoi qu’il en soit, je refuse que l’on affirme d’emblée que nous ne pourrons pas faire face à la crise du logement. J’admets bien sûr que cela sera difficile. Mais les difficultés m’incitent à décupler mon énergie. Nous persévérerons donc dans cette voie.

Vous évoquez avec raison la question du parcours résidentiel, monsieur Piron. Dans le cadre de la loi habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction, je présenterai une ordonnance qui définira le statut du logement intermédiaire. Chacun comprend bien ce dont il s’agit : les loyers ou les prix d’achat de ces logements sont intermédiaires entre ceux des logements sociaux et ceux pratiqués sur le marché. Cependant, l’absence de statut empêche à ce jour de fixer des objectifs dans les plans locaux de l’habitat (PLH) en matière de construction de logements intermédiaires ou de prévoir des dispositions spécifiques pour l’encourager, telle que la baisse du taux de TVA à 10 % annoncée par le Président de la République. Ce taux réduit de TVA, qui s’ajoutera au dispositif d’aide à l’investissement locatif, devrait permettre de contenir les prix et de produire des logements accessibles aux ménages qui auraient les moyens de quitter leur logement social mais sont loin d’avoir ceux de louer ou d’acquérir un bien sur le marché classique. Ces mesures seront très utiles à la fluidification du parcours résidentiel.

En matière de zonage, nous réfléchissons en effet à la création d’une zone A ter, qui concernerait Paris et quelques autres communes où le marché est très tendu. Il est possible que cette mesure voie le jour. La question d’une division de la zone A bis est en tout cas posée.

S’agissant de la Modernisation de l’action publique, le premier rapport d’étape, remis hier, est présenté aujourd’hui même au comité de pilotage. Le rapport définitif sera remis à la mi-septembre. Nous aurons alors une vision très précise en matière de territorialisation.

À cet égard, nous territorialiserons d’autant mieux la politique du logement que nous connaîtrons les réalités du terrain. D’où l’importance des observatoires des loyers. Pour répondre à votre question, monsieur Piron, nous ne créons ni « un » ni « des » observatoires, mais un réseau d’observatoires autonomes et pilotés localement. Sous la responsabilité du comité scientifique composé de statisticiens que j’ai mentionné, les observatoires se doteront d’une méthodologie commune, ce qui permettra de comparer facilement et de manière pertinente les données d’un territoire à un autre. Nous nous appuyons sur les initiatives locales existantes, certaines étant plus avancées que d’autres. De ce point de vue, l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP), qui associe l’État, les collectivités territoriales, les professionnels, les propriétaires et les associations de locataires, constitue un modèle de gouvernance et un exemple de bonnes pratiques.

La question du regroupement, voire de la fusion des organismes HLM est un serpent de mer ! Si nous nous lancions aujourd’hui dans une opération de regroupement institutionnel, nous y consacrerions une grande partie de nos moyens et de notre énergie, que nous ne pourrions plus, dès lors, mettre au service de la construction de logements. S’il convient de ne pas transiger sur certains objectifs, il faut également savoir affecter les moyens en fonction des priorités. Or l’objectif prioritaire est bien la construction de logements.

Nous avons néanmoins prévu, dans le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), des dispositions qui faciliteront le regroupement des organismes et de leurs fonctions support, afin d’améliorer leur fonctionnement et de renforcer leur capacité d’intervention. Il convient d’être pragmatique et d’aller progressivement vers des regroupements, dans les territoires où de tels projets sont mûrs. Cependant, l’expérience montre que l’efficacité n’est pas toujours corrélée à la taille : certains petits organismes font preuve d’une grande réactivité et d’une réelle inventivité.

Quant à la mutualisation des fonds propres prévue par l’USH, c’est une excellente décision et une première étape dans la bonne direction. Elle permettra de dégager une aide supplémentaire pour chaque nouveau logement financé par le PLUS ou le PLAI, d’un montant de 3 300 euros en zones I bis et I, et de 1 300 euros en zones II et III. C’est donc une nouvelle forme de subvention, apportée par le mouvement HLM lui-même. Cela démontre que les opérateurs sont attachés, comme je le suis – je l’ai rappelé lorsque nous avons débattu de la faculté pour les organismes HLM de créer des filiales dédiées à la construction et à la gestion de logements intermédiaires –, à ce que les bénéfices tirés de la gestion du parc social soient réutilisés pour la construction de logements sociaux. Deux options sont envisageables à cette fin : mutualiser les fonds propres provenant principalement de la location des logements amortis – comme cela sera fait – ou céder une partie du parc social. Je n’ai pas de position doctrinaire concernant la vente du parc, mais je ne souhaite pas fixer d’objectifs en la matière, comme cela a été fait par le passé : c’était une manière autoritaire d’obliger les organismes HLM à reconstituer leurs fonds propres.

Mon prédécesseur m’avait prédit que nous ne parviendrions pas à réaliser une mutualisation des fonds propres. Or nous avons démontré que c’était possible. Cela étant, la fonction de ministre du logement force à la modestie : chaque ministre voit l’effet des mesures prises par son prédécesseur ; il en bénéficie ou doit au contraire les assumer.

En matière de territorialisation, je suis déterminée à avancer. Il serait pourtant plus facile d’être conservateur : pourquoi changer un système qui existe depuis des années, au risque de susciter des mécontentements ? Le ministre délégué chargé de la ville en fait actuellement l’expérience : tous convenaient qu’il était nécessaire de modifier le zonage daté sur lequel reposait la politique de la ville, mais il est très difficile de mettre tout le monde d’accord maintenant que ce travail est engagé. En matière de politique du logement, le travail des observatoires devrait permettre d’objectiver la situation des territoires, ce qui nous évitera d’avoir à classer, par décret, telle ou telle commune dans telle ou telle zone.

S’agissant des contraintes normatives, je n’ai pas, là non plus, de position arrêtée. Il est trop facile d’affirmer que les contraintes normatives sont la source des coûts de construction élevés. À l’inverse, il n’est pas plus justifié de refuser de revenir sur des normes, au motif que celles-ci auraient été décidées une fois pour toutes. Quoi qu’il en soit, comme l’a annoncé le Président de la République, nous avons instauré un moratoire de deux ans sur l’adoption de nouvelles normes techniques, pour permettre à tous de travailler dans un environnement stable.

Quant à la norme en matière de handicap à laquelle vous faites référence, monsieur Piron, elle résulte de la loi de 2005 votée à l’unanimité par les deux chambres. Il est donc difficile de demander à un ministre de prendre la responsabilité de ne pas l’appliquer ou de l’amender ! Certes, je ne sous-estime pas les difficultés qu’elle peut créer, mais c’est un sujet très sensible : lorsque j’ai abordé la question, avec tact, avec les principaux acteurs, je les ai sentis enclins à adopter la tactique du hérisson.

M. le président Olivier Carré. Madame la ministre, quel rôle jouent selon vous les prêts locatifs sociaux (PLS) dans le secteur du logement intermédiaire ?

Mme la ministre. Ils sont juridiquement rattachés aux logements locatifs sociaux. Ils sont pris en compte pour parvenir au seuil de 25 % de logements sociaux, prévu par la nouvelle version de la loi SRU. Certains considèrent toutefois que le plafond des loyers retenu pour certains territoires évoque moins le logement social que le logement intermédiaire. Ce dernier pose plutôt problème en zone tendue à loyers de marché très élevés qu’ailleurs – où le PLS ne constitue pas une réponse nécessairement pertinente.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Dans les orientations budgétaires, le chapitre consacré à la « MAP logement » montrerait que l’évaluation des aides au logement doit permettre de réaliser des économies.

Mme la ministre. La Modernisation de l’action publique sur les aides au logement concerne la territorialisation des aides. Certains auraient sans doute voulu tout bouleverser…

M. Christophe Caresche, rapporteur. Je préfère que les choses soient claires, car la solution préconisée ne me semblait pas particulièrement efficace.

Mme la ministre. Cela est d’autant plus vrai qu’il faut traiter deux sujets : les aides à la pierre et les aides personnelles au logement.

Le rapport extrêmement bien documenté qui m’a été remis l’année dernière par l’IGAS démontre de façon édifiante que les aides personnelles au logement constituent le dernier filet de sécurité qui évite le basculement dans l’extrême précarité. Cela se confirme aujourd’hui : alors que nous traversons une période économique particulièrement difficile, ces aides évitent à des familles qui jusqu’alors n’en avaient pas besoin de se retrouver dans des situations dramatiques. Contrairement à ce que l’on entend parfois répéter, les aides personnelles au logement, pour lesquels un loyer plafond est prévu, n’ont en aucun cas contribué à la hausse des loyers. Je rappelle qu’un rapport de l’INSEE vient de montrer qu’entre 2001 et 2012, le nombre de SDF a augmenté de 50 % : aujourd’hui, la France compte environ 146 000 personnes sans domicile fixe, dont au moins 30 000 enfants.

M. Christophe Caresche, rapporteur. La Cour des comptes évoque aussi la question de l’aide au logement pour les étudiants et celle de son plafonnement.

Mme la ministre. Pour les étudiants, la question de l’aide au logement ne peut pas être dissociée de celle de l’autonomie financière, car ces aides leur servent souvent en partie de moyens de subsistance. Ce sujet doit donc être abordé de manière globale si nous ne voulons pas faire d’erreur. Certaines situations marginales méritent toutefois d’être traitées, comme la question du loyer maximal ouvrant droit à une aide.

M. Michel Piron, rapporteur. Je me doute que les mesures prises sur la question foncière n’ont pas encore eu le temps de produire de tous leurs effets. Disposons-nous néanmoins d’informations sur la décote de terrains appartenant à l’État ou à des organismes publics ? Qu’en est-il du bail emphytéotique ? Pour ma part, j’ai défendu cette solution qui permettrait de convaincre en douceur certains établissements – je pense à Réseau ferré de France (RFF) ou à Voies navigables de France – de mettre leurs terrains à disposition sans dégrader le haut de leur bilan.

Mme la ministre. Le ministère du budget, autorité de tutelle de France Domaine, et celui du logement mènent désormais une action concertée et cohérente ; c’est un fait nouveau…

M. Michel Piron, rapporteur. Ce n’était pas le cas auparavant ? (Sourires.)

Mme la ministre. En tout état de cause, je me félicite que ce soit le cas aujourd’hui !

Dans une période budgétairement délicate, les rentrées d’argent sont nécessaires mais, de fait, cette politique se substitue à une politique d’aide à la pierre – vendre un terrain à un prix très élevé pour accorder ensuite des subventions sur les charges foncières n’est pas particulièrement efficace. La décote permet d’aider à l’équilibre des opérations. Après la publication du décret d’application de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, mon collègue Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, et moi-même avons signé une circulaire commune pour que les préfets de région disposent de toutes les clefs leur permettant de la calculer. Il reste que le prix des terrains ne peut être fixé avant que les futurs acquéreurs, le plus souvent les collectivités locales, aient défini leur projet ; nous nous employons à résoudre ce problème.

La première cession à un prix bénéficiant d’une décote a été signée à Caen, en septembre dernier, en présence du Président de la République. Un suivi régulier est assuré nationalement, mais le pilotage s’opère au niveau des préfets de région et se fonde sur une itération entre les demandes des collectivités concernant des terrains cessibles ou non. Les administrations peuvent en effet disposer de bâtiments ou de terrains vacants depuis cinq ans sans les avoir inscrits sur la liste de France Domaine.

RFF et la SNCF anticipent la future réforme ferroviaire en assurant un pilotage unifié de leurs domaines fonciers. Nous disposerons donc d’une cartographie précise des terrains et des biens cessibles, et les choses pourront se faire d’autant plus rapidement que les deux établissements adoptent une attitude volontariste par rapport aux nouvelles dispositions en vigueur.

Des difficultés ponctuelles et localisées peuvent exister, mais le Gouvernement, qu’il s’agisse du ministère du logement ou de celui du budget, a la ferme intention de mettre en œuvre rapidement les dispositifs prévus par la loi. Aujourd’hui, vingt-neuf conventions de cession en sont à un stade très avancé.

M. Michel Piron, rapporteur. Et l’emphytéose ?

Mme la ministre. Le montant élevé de la décote constatée sur les premières opérations incite plutôt les collectivités locales à recourir à la cession. De plus, il semble que notre culture nationale soit peu propice au bail emphytéotique. D’autres pays comme la Grande-Bretagne n’y voient aucun problème, mais un frein de nature psychologique semble empêcher les Français de construire un bâtiment dont ils seraient propriétaires sur un terrain ne leur appartenant pas.

M. le président Olivier Carré. L’association Foncière logement est aujourd’hui l’un des seuls opérateurs qui ne soit pas engagé dans l’ensemble des programmes de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) qu’il devait produire. On ne peut pas le lui reprocher car elle a connu des difficultés, mais cela se traduit par le gel d’un domaine foncier destiné à la construction de logements qui ne verront pas le jour. L’objectif politique initial de diversification des secteurs ANRU par la construction d’un habitat intermédiaire a d’ailleurs perdu de sa pertinence pour la plupart des projets. Que faire de ce foncier obtenu en échange de la participation du « 1 % logement » au moment de l’accord initial – M. Claude Bartolone était alors ministre délégué à la ville ? Sa valeur est aujourd’hui assez théorique car les règles de calcul ont évolué. Il est nécessaire de donner aux maîtres d'ouvrage – l’État, les collectivités locales, les bailleurs de façon générale – la liberté de construire sur ces terrains. Madame la ministre, quelle est votre position sur le dossier ? Comment va-t-il évoluer ?

Mme la ministre. Il s’agit d’un des sujets les plus difficiles que nous ayons eu à traiter. J’ai conscience qu’un certain nombre d’élus ont dû faire face à des situations extrêmement complexes. C’est pourquoi nous avons permis que 50 % des engagements pris soient tenus. La situation a été débloquée grâce à la décision de l’État de recourir aux fonds d’épargne – l’augmentation du plafond du livret A ayant permis de dégager des ressources supplémentaires. Des solutions de substitution sont actuellement recherchées et négociées par les préfets, département par département. De façon plus générale, une convention entre l’État, l’UESL et l’association Foncière logement est en cours de préparation afin de résoudre les problèmes qui se posent encore. Nous sortons progressivement par le haut d’une situation très délicate. Le dernier conseil d’administration de la Foncière logement a validé la liste des terrains qu’elle utilisera, et nous savons en conséquence quels sont ceux qui ne seront pas mobilisés.

M. le président Olivier Carré. Il s’agit de foncier disponible !

Mme la ministre. C’est même généralement la meilleure partie du foncier des opérations ANRU : elle ne sera donc pas trop difficile à reconvertir.

M. le président Olivier Carré. Madame la ministre, vous l’avez dit, les ministres détenant le portefeuille qui est le vôtre se succèdent et s’approprient progressivement les dossiers et un sujet sur lesquels leur regard évolue. Quel est le vôtre aujourd’hui au-delà des questions techniques…

M. Michel Piron, rapporteur. C’est une question psychanalytique ! (Sourires.)

M. le président Olivier Carré. Ne voyez dans cette question aucune malice, je suis seulement intrigué !

Mme la ministre. Le logement est un sujet à la fois passionnant et très technique, ce qui crée une sorte de confraternité entre ceux qui s’y sont consacrés. Celle-ci peut être d’un grand intérêt, mais elle peut aussi avoir l’inconvénient de donner le sentiment aux acteurs qu’ils savent ce qu’ils doivent faire, qu’ils le font tous, et que rien ne peut être inventé de neuf.

Je comprends parfaitement que ceux qui ont travaillé trente ans sur la question du logement aient pu considérer que la garantie universelle des loyers (GUL) n’avait jamais été mise en œuvre parce qu’elle ne constituait pas une bonne solution. Pourtant un grand chantier est en cours, et ce dispositif permettra de résoudre de nombreuses difficultés. Dans dix ou quinze ans, il faudra que je regarde avec bienveillance mes successeurs, et que j’évite de croire que ma maîtrise des dossiers me permettrait d’écarter toute solution nouvelle que je n’aurais pas moi-même proposée.

Aujourd’hui, j’essaie de conserver une certaine « fraîcheur » pour inventer de nouveaux dispositifs, comme la garantie universelle des loyers ou l’encadrement des loyers. Cela dit, cette dernière mesure nous ramène plutôt à l’époque à laquelle il paraissait normal d’encadrer le prix de certains biens de première nécessité. Actuellement, le prix du livre est régulé sans que cela ne scandalise personne alors qu’il est choquant de parler de loyers excessifs. Qu’une montre soit vendue à 500 000 euros – et que certains l’achètent –, cela ne me pose aucun problème car on peut vivre sans montre, mais on ne peut pas vivre sans un toit sur sa tête !

Je tente aussi de rester modeste. On ne réinvente pas tous les jours la politique du logement : il faut tenir compte du passé, du temps nécessaire à sa mise en œuvre, et de l’ensemble des acteurs. Aujourd’hui, nous produisons dans notre pays des logements et des bâtiments qui sont plutôt de bonne qualité car nous avons tiré les leçons du passé.

Pour conclure sur la répartition des compétences, ce qui me permettra de répondre à une question de M. Michel Piron, j’estime qu’il faut aller vers une plus grande autonomie des territoires tout en conservant une cohésion nationale. Si la délégation permet de responsabiliser les acteurs locaux, il ne faut jamais oublier qu’une décentralisation totale des politiques du logement signifierait que le montant des aides à la personne, celui des plafonds de loyer et de ressources, ainsi que la fiscalité finançant le logement seraient fixés localement. Un tel transfert ne correspond guère à notre culture, comme le montre le cas du Fonds de solidarité pour le logement (FSL) dont les critères d’attribution font assez couramment l’objet de demandes d’harmonisation – nombreux sont ceux qui ne comprennent pas que la décentralisation entraîne une grande diversité de situation d’un endroit à l’autre.

S’agissant d’un bien de première nécessité qui met en jeu l’équilibre du territoire et la cohésion nationale, il faut donc trouver un juste milieu entre la conduite d’une politique nationale et une véritable délégation locale qui permette l’adaptation aux réalités territoriales – c’est d’ailleurs à ce titre que je souhaite le renforcement du rôle du comité régional de l’habitat (CRH) comme instance de pilotage régional.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Ce matin, en commission des lois, nous avons voté en ce sens s’agissant de la métropole de Paris !

M. le président Olivier Carré. Madame la ministre, je vous remercie infiniment pour la clarté et la franchise de vos propos. Nos collègues rapporteurs, qui doivent présenter leurs conclusions la semaine prochaine devant notre mission, en tireront le plus grand profit.