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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Mardi 1er juillet 2014

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 23

Présidence de M. Pierre Morange, rapporteur

– Audition, ouverte à la presse, sur le transport des patients (M. Pierre Morange, rapporteur) :

– M. Dominique Maigne, directeur de la Haute Autorité de santé (HAS)

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mardi 1er juillet 2014

La séance est ouverte à onze heures trente.

(Présidence de Pierre Morange, coprésident de la mission et rapporteur)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Dominique Maigne, directeur de la Haute Autorité de santé (HAS).

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. La Cour des comptes a mis en lumière que le poste de dépenses de transport de patients, en constante progression, augmente plus vite que les autres dépenses de santé. Elle a tracé quelques pistes pour améliorer le rapport coût-efficacité dans ce champ d’activité. Elle propose en particulier d’affiner la prescription de transport et de mieux contrôler son adéquation avec le référentiel de prescription des transports publié en 2006 par arrêté du ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

Nous savons que les prescriptions de transport relèvent principalement à quatre ou cinq grandes pathologies. La prescription de transport elle-même devrait être définie de manière plus précise dans le référentiel. La Haute Autorité de santé va-t-elle contribuer à la révision du référentiel de 2006 ?

M. Dominique Maigne, directeur de la Haute Autorité de santé (HAS). Les évaluations de la Haute Autorité de santé se limitent aux produits et aux actes médicaux. Or, le transport de patients n’est ni l’un ni l’autre, mais s’analyse plutôt comme une prestation de santé qui ne se situe pas dans le champ d’appréciation direct de la Haute Autorité. Elle peut, néanmoins, l’envisager soit au travers de ses recommandations de bonnes pratiques, telles que celle qu’elle a publiée en 2011 dans le cadre de la régulation médicale, soit à la demande de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM), dans les conditions prévues par l’article 53 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Selon cet article, la Haute Autorité de santé peut être consultée sur tout projet de référentiel visant à encadrer la prise en charge par l’assurance maladie d’un type particulier de soins. Elle en apprécie le contenu dans la perspective plus large du parcours suivi par les patients. Sur cette base, la Haute Autorité de santé s’est déjà prononcée une soixantaine de fois depuis 2009 sur des mémos ou sur des arbres décisionnels pour lesquels elle a délivré un nihil obstat, par exemple en matière d’arrêts maladie.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. La MECSS s’est précisément penchée l’an dernier sur les arrêts de travail et les indemnités journalières. Sur ce sujet, la Haute Autorité de santé avait validé des fiches repères très utiles. Les préconisations de la mission, qui s’appuyaient sur les recommandations de la Cour des comptes, n’ont pas encore rallié de majorité pour une transposition législative, mais nous reviendrons à la charge.

M. Dominique Maigne. La Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ne nous a pas encore saisis d’une demande concernant le transport de patients. Si nous étions saisis d’une évolution du référentiel de 2006, nous aurions peu à en dire, car il est très général. Des fiches repères ou des mémos peuvent être cependant soumis à la Haute Autorité de santé, par type de prise en charge. Elle trouve l’occasion d’y qualifier des recommandations de l’assurance maladie sur tel ou tel type de maladie, envisagé sous tous ses aspects.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Rappelons que 80 % des prescriptions de transport sont imputables à quatre ou cinq grandes pathologies, telles que les maladies psychiatriques, l’oncologie, les maladies cardiaques et l’insuffisance rénale chronique.

M. Dominique Maigne. La problématique du transport de patients est très large. Il faut apprécier la prescription dans son contexte. Pour être objectif, un mémo doit s’apprécier selon un état standardisé du patient. Il doit être ciblé sur une trajectoire de soins. Les données ensuite collectées auprès de l’assurance maladie pourraient s’apprécier sur cette base. Mais elles font souvent défaut, tandis que la littérature scientifique est peu développée sur le sujet.

Sur les arrêts maladie, nos avis étaient d’autant plus précis que l’information traitée provenait de la CNAMTS. Pour mieux éclairer la décision médicale à l’origine de la prescription de transport, une consultation sur la base de l’article 53 de la loi sur l’hôpital serait sans doute utile, si des données de la CNAMTS étaient en outre disponibles.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. En combien de temps rédigeriez-vous alors une fiche repère sur le sujet ?

M. Dominique Maigne. L’article 53 impose à la Haute Autorité de santé de rendre son avis dans le délai de deux mois, à défaut de quoi il est réputé favorable. Mais elle s’est jusqu’à présent toujours prononcée de manière expresse dans le cadre de ces consultations. Pour respecter le délai de deux mois, une collaboration avec la CNAMTS serait nécessaire en amont de la consultation. Elle serait centrée sur l’examen des données par lesquelles la CNAM a étayé en premier lieu ses recommandations. Je dirais donc qu’il nous faudrait quelques mois pour rendre un avis sur les modes opératoires du transport de patients, à partir du moment où le sujet aurait suffisamment mûri au sein de la CNAMTS pour que des données soient disponibles.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Est-ce qu’une durée de six mois vous paraît raisonnable, du moins pour les quatre ou cinq grandes pathologies donnant lieu le plus souvent aux prescriptions ?

M. Dominique Maigne. Oui. Mais, pour l’heure, nous ne travaillons pas avec la CNAMTS sur ce sujet. La Haute Autorité de santé ne s’est donc prononcée qu’à travers son avis sur la recommandation de 2011 relative à la régulation médicale. Cet avis est au demeurant contesté par les parties prenantes et je ne dispose pas d’information récente sur ce contentieux.

En tout cas, si un matériau statistique était disponible au moins pour l’une des quatre ou cinq grandes pathologies que vous avez citées, la Haute Autorité de santé pourrait se prononcer sur cette base dans les six mois. Mais c’est là une des difficultés, peu d’informations sont disponibles et leur traçabilité est faible.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. La Cour des comptes soutient qu’un référentiel affiné permettrait de faire économiser entre 110 millions et 120 millions d’euros. Partagez-vous également cet avis ?

M. Dominique Maigne. Tous les avis de la Haute Autorité de santé sont rendus sur la base des délibérations entre les scientifiques qui composent son collège. En l’absence de travail sur le transport de patients, la Haute Autorité de santé n’a pas de position documentée. Mon avis personnel ne serait pas un avis qualifié.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Comment appréciez-vous, sur le plan médico-économique, la recommandation sur la régulation médicale ?

M. Dominique Maigne. L’avis publié en 2011 par la Haute Autorité de santé remonte lui-même à une saisine de 2009-2010, car la recommandation fut longue à produire. L’aspect économique de la régulation médicale n’y est pas envisagé.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Et quel jugement portez-vous sur la garde ambulancière ?

M. Dominique Maigne. C’est encore un sujet qui ne relève pas de la compétence de la Haute Autorité de santé. L’organisation d’une garde ambulancière dépend des choix en matière de régulation des agences régionales de santé. La Haute Autorité de santé ne dispose pas de levier d’action en ce domaine, mais peut, tout au plus, l’aborder de façon indirecte quand elle examine des recommandations sur les bonnes pratiques médicales ou sur la prise en charge des maladies envisagée dans une perspective plus large de la trajectoire des patients.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Dans une réflexion en cours sur l’organisation de la permanence de soins, la présidente de notre commission des affaires sociales, Mme Catherine Lemorton, ainsi que notre collègue Jean-Pierre Door ont souhaité prendre une distance, eux aussi, avec l’analyse en silos, et ont adopté, au contraire, une approche horizontale de ces problèmes. Ils étudient l’ensemble du parcours de soins et l’organisation générale des entrées et sorties de patients, mais aussi l’élaboration des contrats d’amélioration de la qualité et de l’organisation des soins. En élargissant la réflexion, ils définissent des trajectoires et des axes structurants qui permettent de trouver des pistes d’économies.

M. Dominique Maigne. Il y aurait en effet une réflexion à mener sur la préparation des malades à la sortie d’une hospitalisation, mais aussi sur le parcours des personnes en perte d’autonomie, en se penchant sur les liens entre les établissements de soin et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Depuis deux ans, des outils d’aide sont proposés aux établissements, où le transport des patients est naturellement apprécié comme un élément de fluidité dans le parcours de soins.

L’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) constitue le principal lieu de réflexion sur ce sujet. La Haute Autorité de santé ne peut se prononcer, en liaison avec les agences régionales de santé, qu’en surplomb de cette approche territoriale. Elle ne conduit cependant pas encore pleinement l’évaluation médico-économique que lui a confiée le législateur, mais observe la mise en œuvre des premiers projets. Des réunions sont prévues à l’automne avec les agences régionales de santé.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Avez-vous un échéancier ?

M. Dominique Maigne. Notre programme de travail pour 2015-2017 inclut une évaluation de la thématique « parcours de soins » où la question du transport sera abordée. Le collège de la Haute Autorité de santé peut au demeurant également s’autosaisir.

Nous nous intéresserons aussi à la télémédecine, en réfléchissant à la question du transport, bien que nous ne voulions pas réduire la télémédecine à cette seule dimension. Nous élaborons d’ores et déjà des référentiels d’où seront extraits les indicateurs qui permettent l’évaluation dont la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 nous a confié la responsabilité.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Quels problèmes ont conduit au dépôt d’un recours sur l’avis de la Haute Autorité de santé de 2011 relatif à la recommandation sur la régulation médicale ?

M. Dominique Maigne. De mémoire, le différend s’est cristallisé sur l’obligation d’exclusivité de la fonction de régulateur. Selon nous, lorsque le professionnel joue le rôle de régulateur, il doit s’abstenir d’être aussi effecteur. Les relations entre les acteurs de la médecine d’urgence sont parfois conflictuelles ; mieux vaut qu’ils n’exercent pas de façon mixte.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. C’est tout le problème d’être à la fois juge et partie. Qui serait chargé de la régulation médicale en matière de transport de patients ?

M. Dominique Maigne. La Haute Autorité de santé se borne à préciser les points fixes sur lesquels les acteurs doivent se retrouver. Cela vaut pour les médecins, mais également pour la garde ambulancière. L’aspect organisationnel relève des parties prenantes ; la Haute Autorité de santé se contente d’attirer l’attention sur le principe d’exclusivité.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Sachant que le coordinateur ambulancier est souvent financé par les entreprises de transport, comment appréciez-vous son rôle ?

M. Dominique Maigne. La Haute Autorité de santé propose aux professionnels des méthodes établies sur la base d’un consensus scientifique. Son analyse se place sur un plan général. Aussi suis-je incapable de vous dire si le principe d’exclusivité peut s’appliquer au coordonnateur ambulancier.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. À la lueur de votre analyse de 2011, la Haute Autorité de santé a-t-elle des propositions opérationnelles qui peuvent se décliner sous la forme de lois ou de règlements ?

M. Dominique Maigne. Le plus raisonnable serait d’affiner les référentiels qui servent aux caisses primaires et aux professionnels. Je souligne que ces outils doivent formaliser un consensus des acteurs ou parties prenantes. C’est à cette condition que les positions des uns et des autres aboutiront à un document utilisable par les pouvoirs publics.

En définissant un socle de bonnes pratiques, la Haute Autorité de santé fait progresser la pédagogie et la relation de confiance avec les professionnels. Telle est la valeur ajoutée de son travail.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Je vous remercie.

La séance est levée à douze heures dix.