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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Mardi 8 juillet 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 24

Présidence de M. Pierre Morange, coprésident

– Auditions, ouvertes à la presse, sur « la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) » (Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure) :

– M. Denis Piveteau, conseiller d’État, ancien directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)

– M. Christophe Lannelongue, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne, M. Philippe Calmette, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) du Limousin, M. Jean-Yves Grall, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) du Nord-Pas-de-Calais, Mme Véronique Wallon, directrice générale, et Mme Marie-Hélène Lecenne, directrice Handicap et grand âge de l’agence régionale de santé (ARS) de Rhône-Alpes

– M. Alain Cordier, ancien président de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mardi 8 juillet 2014

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de M. Pierre Morange, coprésident de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition, ouverte à la presse, de M. Denis Piveteau, conseiller d’État, ancien directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

M. le coprésident Pierre Morange. Nous recevons M. Denis Piveteau, conseiller d’État, ancien directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). La mise en œuvre des missions de la Caisse pose des problèmes de périmètre, de gouvernance, d’articulation entre les volets sanitaire et médico-social et de définition des besoins notamment.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure. Monsieur Piveteau, vous avez été le premier directeur de la CNSA : votre expérience doit nous permettre d’aller un peu plus loin dans notre réflexion.

Cette Caisse a dix ans, ce qui est peu et beaucoup à la fois ; vous allez pouvoir nous dire où nous en sommes de son évolution. Pourriez-vous revenir sur les débats qui ont précédé sa mise en place et sur la façon dont elle a été perçue à l’origine par ses différents interlocuteurs ? Quel bilan faites-vous de son action et quels en sont les principaux apports ? Sa gestion vous semble-t-elle adaptée ? Quelles suggestions pouvez-vous faire pour conforter ses missions ?

M. Denis Piveteau, conseiller d’État, ancien directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Merci de votre accueil.

La prudence m’a conduit à envisager de décliner votre invitation : j’ai en effet quitté mes fonctions de directeur de la Caisse il y a six ans ; entre-temps, presque deux mandats complets de directeur se sont écoulés et je n’ai pas voulu me mêler des affaires de celle-ci, ce qui aurait été déplacé à l’égard de mes successeurs. Reste que certaines intuitions de départ me semblent toujours valables et que j’ai remis il y a une quinzaine de jours à la ministre des affaires sociales un rapport traitant des besoins des personnes handicapées.

La CNSA constitue à mon sens un quatrième pied complémentaire au service de l’administration centrale, qui définit les politiques, des autorités politiques locales – aujourd’hui, les conseils généraux, qui disposent d’une marge d’initiative encore insuffisamment exploitée selon moi – et des organismes de mise en œuvre comme les agences régionales de santé (ARS) et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Ces trois pôles de responsabilité ont en effet besoin de cette institution pour une assistance à la maîtrise d’ouvrage – aussi bien s’agissant de l’État que des conseils généraux – et un appui à la mise en œuvre – vis-à-vis des ARS comme des MDPH.

Dès le début, dans l’organisation administrative de la CNSA, il existait deux volets complémentaires : un premier portant sur l’aide directe à la personne, avec une direction de la compensation, et un second traitant du financement des structures, avec la direction des établissements et services médico-sociaux (ESMS). Cette distinction a d’ailleurs toujours prévalu dans la définition des politiques publiques. Dans un cas, il s’agit de répartir des concours nationaux entre des prestations individuelles et de conforter les outils d’évaluation des besoins, dans l’autre, de redistribuer des enveloppes relevant essentiellement de l’assurance maladie et, accessoirement, des crédits propres de formation ou issus d’une fraction de la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA).

Or ces deux volets doivent évoluer si l’on veut éviter des ruptures de parcours des personnes handicapées, notamment dans le champ de l’autisme. Mon rapport fait plusieurs propositions à cet égard.

S’agissant de l’aide à la personne, il faut aller vers des procédures de réponses accompagnées, autrement dit un processus d’orientation permanent pour accompagner au mieux les personnes compte tenu des moyens disponibles sur le terrain et de la lourdeur du handicap. Cela implique, pour les MDPH, à la fois une décision fixant ce qui est souhaitable et autant de plans d’accompagnement nécessaires pour établir ce qui est possible.

Cela suppose de modifier en profondeur le travail de ces instances, pour qu’elles sachent gérer, non pas des files d’attente dans les établissements, mais des situations d’attente, qui sont la mesure de l’écart entre le possible et le souhaitable. La CNSA a, à cet égard, un rôle très important à jouer d’appui à la mise en œuvre d’un mode de travail radicalement différent au sein du réseau des MDPH, dont elle est en quelque sorte l’animatrice.

S’agissant de l’organisation de l’offre, il faut passer d’une logique de places à une logique de réponse, ce qui suppose de s’interroger, non seulement sur la place en établissement, mais aussi sur la formation des personnels, l’analyse des pratiques, les outils de supervision, les modes de management ou les aides à l’investissement dans l’établissement. Cela implique d’examiner les procédures selon lesquelles l’accès à l’établissement est organisé : les protocoles de travail relatifs à un hébergement temporaire doivent ainsi être mis en place en même temps que celui-ci est ouvert. Face à des situations complexes, il est nécessaire de disposer d’appuis experts dans le champ médico-social comme dans le champ sanitaire. Il s’agit de pouvoir proposer une réponse multidimensionnelle, modulaire et évolutive et, là encore, la CNSA est bien placée pour accompagner les conseils généraux et les ARS dans la gestion de l’offre des établissements.

Il faut beaucoup plus de flexibilité dans l’offre d’établissements et de services, ce qui justifie une capacité de réaction d’une agence de ce type, en mesure d’appuyer la définition des stratégies et la mise en réseau des acteurs pour la maîtrise d’œuvre. L’assistance à maîtrise d’ouvrage peut porter sur l’appui à l’évolution des appels à projets, la recherche, les conventions globales de qualité de service avec les MDPH, et la maîtrise d’œuvre, sur la méthodologie d’indicateurs ou les fonds d’intervention notamment.

Dans une logique de construction de réponses accompagnées autour des personnes, une agence du type de la CNSA me paraît indispensable sur trois points : les systèmes d’information, les enjeux de formation de tout ordre et les outils d’évaluation. Il y a aujourd’hui, aussi bien en termes de qualité de service au sein des MDPH que de conditions de financement, un important travail à faire de réflexion et de mise en partage d’un bon tableau de bord d’indicateurs, qui puisse être représentatif de ce qui est attendu par les usagers et mobilisateur pour les équipes accompagnant les personnes handicapées.

Mme la rapporteure. Nous vous avons sollicité en effet aussi en tant qu’auteur de ce rapport, qui vous a été demandé à la suite du cas très médiatisé d’une jeune personne n’ayant pas pu être accueillie en établissement en France – ce cas n’est d’ailleurs pas unique : vous en citez d’autres exemples.

Vous faites 131 propositions, dont certaines sont de nature législative. Or la question des réponses accompagnées et des parcours concerne aussi les personnes âgées. Comment entendez-vous plus précisément transformer en profondeur le travail des MDPH ? Comment allons-nous aider et accompagner les équipes et ces organismes ? Comment, également, associer l’ensemble des acteurs sur un territoire donné ? Enfin, que préconisez-vous au sujet du décloisonnement entre le sanitaire et le médico-social ?

M. le coprésident Pierre Morange. Se pose également la question de l’évaluation, c’est-à-dire l’appréciation du besoin ainsi que la connaissance et le partage de l’information. La disharmonie des systèmes d’information et le caractère disparate des données laissent pantois, les acteurs étant éclatés et ne partageant pas un certain nombre de données non standardisées. Or la notion de parcours que vous évoquez suppose l’existence d’un dossier continu. Il serait utile d’avoir des référentiels communs pour définir des grilles d’analyse et des besoins qui s’inscrivent dans une planification.

M. Denis Piveteau. Sur les systèmes d’information, nous avons deux besoins principaux. Un premier, stratégique, consiste à préciser les ressources disponibles et manquantes pour nourrir le débat sur les priorités budgétaires – le nombre de places à ouvrir, les territoires choisis ou l’objectif en termes de soins et sur le plan social.

Cela suppose d’avoir une connaissance distincte du possible et du souhaitable. Si le travail administratif mélange les deux, les systèmes d’information ne pourront pas non plus faire cette distinction.

Nous avons également besoin de systèmes d’information opérationnels. Pour un enfant ayant idéalement besoin d’un internat complet qui n’a pu être trouvé, si on veut pouvoir gérer rapidement les tensions liées à cette impossibilité par un accueil complémentaire quelques week-ends par an ou pendant les vacances, les équipes des MDPH ne pourront le faire à la main. Répondre aux besoins de manière graduée en tenant compte des urgences exige un système d’information réactif et fin, permettant à la fois une gestion quotidienne des parcours et une gestion optimisée et modulaire des ressources dont nous disposons.

Madame la rapporteure, si la mobilisation de plusieurs moyens sanitaires, médico-sociaux et sociaux exige une nouvelle fonction d’assembleur de la part des MDPH, cela ne veut pas dire que cela ne fasse pas déjà partie de leurs missions, telles qu’elles ont été définies par le législateur en 2005. D’ailleurs, les responsables des MDPH sont majoritairement convaincus que c’est cette fonction que l’on attend d’elles : il ne s’agit donc pas d’un changement de cap. Cela étant, les MDPH ont atteint à cet égard un niveau de maturité très variable.

Mais il n’est pas sûr qu’elles disposent de tous les moyens nécessaires. Il ne suffit pas de vouloir disposer d’offres modulaires : il faut aussi que les gestionnaires de ces offres et les autorités de contrôle – les ARS et les conseils généraux – soient réactifs. Si la MDPH est responsable du projet relatif à une personne donnée, elle n’a pas autorité sur les services offreurs, que sont le directeur d’hôpital ou l’ARS, le directeur de foyer ou le conseil général, ou bien le chef d’établissement scolaire ou l’inspecteur d’académie ou le recteur. Cette clarification des responsabilités constitue un véritable changement : le rapport fait plusieurs propositions en ce sens.

Mme la rapporteure. Vous évoquez une mesure dérogatoire au sujet de la réactivité : pourriez-vous nous en dire davantage ?

Par ailleurs, si nous devions retenir quelques mesures prioritaires, lesquelles conseilleriez-vous ?

M. Denis Piveteau. Il ne faut surtout pas lire l’annexe avant le rapport en pensant que la liste des propositions permettra d’aller à l’essentiel. Nous avons rédigé une synthèse de trois pages, qui figure en fin de rapport, rappelant en une page les idées essentielles et sur les deux autres, vingt mesures principales. Enfin, le dernier chapitre du rapport explique comment et dans quel ordre mettre en œuvre les mesures proposées. Compte tenu de la multitude des conditions à remplir et des acteurs, la question du « premier pas », s’agissant des MDPH comme des autorités nationales et des gestionnaires de projet, est en effet fondamentale.

Il faut trouver un donnant-donnant entre un certain nombre de simplifications administratives et un niveau d’exigence plus important dans l’accompagnement des personnes. Il n’y a pas de raison d’imposer à une MDPH montrant sa capacité d’assurer le suivi des besoins des personnes un réexamen tous les deux ou trois ans d’une prestation qui devrait être automatiquement réexaminée dans le cadre de rééchelonnements réglementaires. Cela ne pourrait que perturber tout le travail qu’elle aura pu conduire. La latitude laissée aux MDPH de fixer les termes de réexamen d’un certain nombre de prestations va donc de pair avec une autre organisation du travail.

Cependant, je ne pense pas que toutes les MDPH de France soient en mesure de basculer à la même date dans ce nouvel équilibre.

Le législateur pourrait à cet égard concevoir un processus contractuel, par lequel une MDPH capable de donner les garanties nécessaires passerait à ce nouveau dispositif – la « bascule » sur la totalité du territoire s’effectuant dans un délai de trois ou cinq ans. Cela suppose un changement de logique au sein des équipes de ces organismes, ce qui pourrait être proposé assez rapidement.

Mme la rapporteure. Comment avancer sur l’articulation des âges charnières que vous évoquez dans le rapport ?

M. Denis Piveteau. Cette question – qui recouvre le dépistage précoce des handicaps, les âges charnières jalonnant la prime adolescence et le passage à l’âge adulte, ou le vieillissement des personnes handicapées – renvoie plus à un travail d’organisation de l’offre qu’à la construction d’une réponse individuelle.

Il faut prendre conscience qu’aucun acteur n’a dans sa main la totalité de ce qui permet de construire une réponse. L’anticipation du passage à l’âge adulte relève ainsi pour partie du conseil général, gestionnaire des foyers d’hébergement pour les adultes, et pour partie de l’autorité de l’État en charge du travail et de l’emploi, de l’ARS – pour l’accompagnement médico-social et sanitaire – ou du recteur, pour la poursuite d’études ou d’une formation.

Il est nécessaire que ces acteurs, entre lesquels il n’y a pas de préséance, définissent une stratégie commune au sein d’un tour de table, qui pourrait prendre appui sur les instances déjà créées au sein des ARS.

Enfin, il convient de proposer à des personnes en foyer ou en établissement et service d’aide par le travail (ESAT) des moyens d’orientation leur permettant de gagner en autonomie en leur proposant des prises en charge temporaires dans des environnements moins médicalisés ou entourés. Cela suppose une gestion active de la subsidiarité dans l’offre de places.

M. Gérard Bapt. Existe-t-il dans les interventions concernant les systèmes d’information l’expression d’une exigence en termes d’interopérabilité et d’homologation ?

Par ailleurs, la CNSA suit-elle particulièrement la transmission entre le médical et le médico-social ?

M. Denis Piveteau. Il s’agit de questions cruciales.

La netteté d’une maîtrise d’ouvrage nationale de la CNSA disposant d’outils juridiques et techniques permettant de garantir un cahier des charges suffisamment précis et des développements locaux renvoie au degré d’importance accordé à la maîtrise d’ouvrage globale des systèmes d’information. Une maîtrise d’ouvrage des systèmes entrant dans le champ de la CNSA ne servira à rien si elle n’est pas cohérente avec une maîtrise d’ouvrage sanitaire. On ne peut traiter la question de la CNSA indépendamment de celle, globale, de la force et des moyens donnés aux maîtrises d’ouvrage nationales des systèmes d’information.

Cela renvoie d’ailleurs à la capacité d’avoir sur l’ensemble des politiques des maîtrises d’ouvrage cohérentes.

Enfin, je rappelle que la CNSA dispose en quelque sorte d’une direction de tutelle claire et cohérente mais étroite : son donneur d’ordre, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), n’a aucune compétence sur le plan sanitaire.

M. Gérard Bapt. Le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales pourrait jouer un rôle.

M. Denis Piveteau. Il n’est pas le lieu de synthèse des politiques publiques. C’est plutôt le Conseil national de pilotage (CNP) qui est censé le faire. Reste qu’on ne peut demander à la CNSA d’être une assistante à la maîtrise d’ouvrage cohérente si les maîtrises d’ouvrage sont multiples et peu coordonnées, ce qui renvoie à la capacité pour l’administration centrale de définir une ligne claire.

M. le coprésident Pierre Morange. La MECSS fait à chaque mission toujours le même constat d’une absence de coordination et d’interopérabilité des différents systèmes collectant les données. Or la réponse apportée laisse perplexe quant à la capacité de l’État à mettre en place une règle commune, sans se livrer à des contorsions vis-à-vis des opérateurs sur le terrain.

M. Denis Piveteau. Je suis convaincu que l’organisation interne de l’administration centrale est un des freins à son efficacité et à celle de ceux qui, comme la CNSA, sont chargés d’apporter leur appui à différentes directions.

M. Gérard Bapt. Il faudrait peut-être faire remonter l’idée de la nécessité d’agir rapidement sur ce point et tester celle d’un rattachement de l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP) au secrétariat général.

M. le coprésident Pierre Morange. Je vous remercie.

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède ensuite à l’audition, ouverte à la presse, de M. Christophe Lannelongue, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne, de M. Philippe Calmette, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) du Limousin, de M. Jean-Yves Grall, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) du Nord-Pas-de-Calais, et de Mme Véronique Wallon, directrice générale, et Mme Marie-Hélène Lecenne, directrice Handicap et grand âge de l’agence régionale de santé (ARS) de Rhône-Alpes.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous accueillons pour cette audition sur la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), M. Christophe Lannelongue, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne, M. Jean-Yves Grall, directeur général de l’ARS du Nord-Pas-de-Calais, M. Philippe Calmette, directeur général de l’ARS du Limousin, Mme Véronique Wallon, directrice générale de l’ARS de Rhône-Alpes, accompagnée par Mme Marie-Hélène Lecenne, directrice du handicap et du grand âge.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure. La MECSS poursuit ses travaux sur les missions de la CNSA. Nos auditions, entamées il y a quelques semaines, se poursuivront jusqu’à la rentrée, puis nous rendrons notre rapport en novembre.

Créée en 2004, la CNSA est aujourd’hui une instance reconnue par tous dans le champ médico-social. Nous souhaiterions savoir, mesdames, messieurs, quel bilan vous dressez des relations entre la CNSA et les ARS et quel regard vous portez sur l’articulation des compétences et des financements entre la CNSA et ses autorités de tutelle.

Le rapport de 2010 de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) sur la consommation des crédits soumis à l’objectif global de dépense évoquait les « faiblesses du pilotage stratégique national » et l’« éclatement des responsabilités » entre l’administration centrale, la CNSA et la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Partagez-vous ce constat ?

J’aurais également d’autres questions portant sur les systèmes d’information utilisés par la CNSA, dont la Cour des comptes a souligné l’inadaptation. Quelles sont, d’après vous, les différentes pistes d’amélioration possibles ? Quelle est la participation des ARS au chantier d’« urbanisation » ?

En ce qui concerne la compensation collective de la perte d’autonomie, comment pensez-vous que l’on puisse améliorer la répartition de l’offre d’établissements et services médico-sociaux (ESMS) sur le territoire, la connaissance des besoins des personnes handicapées et des personnes âgées et celle des coûts des ESMS ?

J’aimerais enfin connaître votre opinion sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement : les dispositions qu’il comporte doivent permettre de renforcer le rôle de la CNSA et d’améliorer la connaissance des coûts et des besoins. Pensez-vous qu’elles doivent être complétées pour améliorer le dispositif actuel ?

M. Christophe Lannelongue, directeur général de l’ARS de Bourgogne. Coauteur du rapport rendu par l’IGAS et l’IGF en 2010, je confirme que nous avions rendu un verdict assez sévère sur un dispositif qui souffrait à l’époque, malgré une économie générale très satisfaisante, de défauts de jeunesse très préjudiciables à son efficacité. En poste à l’ARS de Bourgogne depuis un an et demi, j’ai pu constater avec plaisir de nettes améliorations, que ce soit dans les relations avec les ARS ou dans l’organisation et le fonctionnement du niveau central.

Les relations entre l’ARS de Bourgogne et la CNSA sont faciles et constructives. Nous disposons à la CNSA d’un correspondant bien identifié, avec lequel les contacts sont fréquents et qui n’hésite pas à se déplacer en région à la rencontre des équipes.

Un dialogue de gestion s’organise par ailleurs chaque année, qui permet de vrais échanges sur l’ensemble des sujets touchant aux personnes âgées ou handicapées. Ce dialogue de gestion s’opère en deux étapes : une étape technique d’abord, une étape stratégique ensuite. Si ce dialogue permet de vérifier que nous appliquons les orientations nationales et que nous mettons en œuvre les financements alloués à la région sous forme de dotations régionales limitatives, l’organisation et la répartition des financements, qui relèvent d’une sorte de pilotage automatique, interdisent en revanche un véritable échange sur l’adaptation régionale des politiques nationales et laissent peu de place à une approche stratégique et qualitative, qui consisterait à évaluer conjointement l’efficacité des grandes politiques publiques mises en œuvre, afin de mieux répartir, le cas échéant, les financements alloués à la région.

Au plan national, on constate également des évolutions positives, comme l’existence désormais d’une circulaire budgétaire et d’instructions communes, qui permettent une meilleure articulation du travail entre la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et la CNSA. Je serai plus réservé en revanche sur la qualité des relations entre la CNSA et la DGCS, d’un côté, et les autres directions sanitaires du ministère ou l’assurance maladie, de l’autre. Tandis que les ARS s’efforcent de promouvoir une forme de transversalité dans la gouvernance, l’administration centrale demeure très cloisonnée, et l’investissement de la CNAMTS reste modeste, malgré les programmes de gestion du risque, qui restent trop ponctuels.

M. Jean-Yves Grall, directeur général de l’ARS du Nord-Pas-de-Calais. L’ARS du Nord-Pas-de-Calais travaille également en réel partenariat avec la CNSA, ce qui nous permet, lorsque c’est nécessaire, de procéder, à la marge et dans le cadre contraint des enveloppes, à quelques aménagements.

Je partage l’idée que nous gagnerions à mettre en place au niveau national une organisation moins cloisonnée, qui favoriserait la fluidité et la fongibilité à la base. Je suis optimiste quant à cette évolution, car les expérimentations effectuées en matière de coordination entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social offrent des perspectives. C’est ainsi que, dans le Pas-de-Calais, nous avons adopté le dispositif pilote PAERPA (Parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie) et avons lancé un programme de parcours de soins pour les personnes en situation de handicap. À cela s’ajoutent les actions ponctuelles entreprises dans le cadre du fonds d’intervention régional (FIR).

M. Philippe Calmette, directeur général de l’ARS du Limousin. Pour répondre correctement à vos questions, il convient d’avoir une vision dynamique des politiques de santé sur les territoires. Les relations entre l’ARS du Limousin et la CNSA sont de très bonne qualité et permettent, par le dialogue, d’infléchir, même marginalement, l’allocation des ressources en fonction de certaines particularités régionales.

Il faut, cela étant, se projeter dans la mise en œuvre des parcours de soins, qu’ils concernent les personnes âgées ou handicapées. Parce qu’elle est la région de France dont la population est la plus âgée, le Limousin s’est depuis longtemps investi dans la prévention de la perte d’autonomie. Nos trois conseils généraux mènent des politiques actives de maintien à domicile, soutenus en cela par l’ensemble des acteurs de santé.

Se pose d’emblée la question du financement de ces parcours. Grâce au FIR et à la fongibilité des enveloppes, les ARS – là est leur valeur ajoutée – financent les politiques de prévention de la perte d’autonomie et permettent l’amorçage de ces parcours. Si toutefois nous ne réformons pas nos modes de financement actuels, en tuyaux d’orgue, il sera difficile aux ARS, qui n’en ont pas les moyens, de déployer ces parcours sur l’ensemble du territoire régional. J’ajoute qu’il est tout aussi important pour le financement de ces parcours de santé qu’aboutissent les négociations entre l’assurance maladie et les professionnels de santé sur les nouveaux modes de rémunération.

J’illustrerai mes propos par un exemple concret : celui de la prévention de la perte d’autonomie assurée par le pôle gériatrique du centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges. Les équipes de ce service interviennent à la demande des familles, des patients ou du médecin traitant sur les personnes de plus de soixante-quinze ans et les personnes de plus de soixante-cinq ans atteintes de polypathologies, pour élaborer des plans de prévention de la perte d’autonomie. Ces plans, qui mobilisent les intervenants sociaux, les infirmiers, les médecins traitants et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), donnent des résultats remarquables en termes d’autonomie, retardent sensiblement l’âge d’admission en EHPAD et font diminuer de manière significative le nombre d’hospitalisations ou le recours aux services d’urgence. Tout récemment encore, le financement de ces plans était exclusivement assuré par le CHU, lequel y perdait financièrement puisqu’ils se traduisaient, pour les populations concernées, par une baisse des hospitalisations de 19 % en traumatologie, de 30 % en pneumologie et de 38 % en cardiologie, et signifiaient donc une perte de recettes liée à la tarification à l’activité (T2A). En d’autres termes, le CHU, qui investit dans la prévention de la perte d’autonomie, est aujourd’hui économiquement pénalisé par un système de tarification inadapté à cette stratégie des parcours de soins. Il est donc urgent de le faire évoluer.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous insistez sur la nécessité de substituer à une approche verticale des questions de gouvernance et de coûts une approche horizontale, ce qui implique une bonne appréhension de ces derniers. Or, autant l’analyse des coûts est relativement fine pour le milieu hospitalier, autant elle me semble très parcellaire dans le domaine médico-social. J’aimerais donc savoir si vos expériences respectives sur le terrain vous permettent d’appréhender ces coûts avec plus de précision, en termes de flux comme en termes de stocks – ou de patrimoine. Cette question de l’évaluation patrimoniale est au cœur des préoccupations de la MECSS, qui s’était déjà penchée sur le patrimoine des hôpitaux français et a confié à M. Jean-Marc Germain une mission sur la dette hospitalière et les prêts toxiques qui s’y rapportent – respectivement de 24 milliards et 1,5 milliard d’euros.

M. Philippe Calmette. Nous avons beaucoup progressé sur l’évaluation des coûts de fonctionnement du système de soins aux personnes âgées dépendantes. Avec les coupes PATHOS, qui permettent de mesurer le décalage entre les moyens mobilisés et les besoins de médicalisation, puis d’affecter les crédits là où ce décalage est le plus important, la CNSA a mis en place un outil de pondération du coût à la place qui nous est extrêmement utile.

Nous n’en sommes pas encore là pour les personnes handicapées, dont le financement des soins n’a pas fondamentalement évolué depuis plusieurs années, ce qui explique les difficultés avec lesquelles sont appréhendées les situations de polyhandicap. Il n’est pas normal, par exemple, que la décision d’admission d’une personne handicapée dans un établissement ou un service relève du directeur de l’établissement ou du service en question, alors qu’elle devrait appartenir à la personne morale gestionnaire, qui définit la politique d’accueil et d’accompagnement.

M. le coprésident Pierre Morange. Pourriez-vous préciser ce dernier point et nous confirmer que, selon vous, ce n’est pas à l’exécutif de prononcer les admissions ?

M. Philippe Calmette. En effet. Cette question est au cœur des antagonismes qui peuvent surgir entre celui qui définit la politique d’un établissement – la personne morale qui s’incarne le plus souvent dans une association ou un établissement public – et celui qui est chargé de la mettre en œuvre et dispose pour cela, avec les décisions d’admission, d’un levier décisif.

Un temps directeur général de la Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées et fragiles (FEGAPEI), j’ai beaucoup insisté auprès des personnes morales gestionnaires sur l’obligation qu’elles avaient d’accueillir tous les publics, dans la mesure de leurs capacités. Force est de reconnaître cependant que cette obligation se heurte, sur le terrain, aux arbitrages des directeurs d’établissement qui, disposant de budgets tendus et peu évolutifs, s’efforcent de conserver dans leurs établissements des structures de population correspondant aux moyens qui leur sont alloués, ce qui les conduit à refuser les cas les plus lourds et donc les plus coûteux. C’est bien la preuve que notre système de tarification n’est pas adapté.

Mme Véronique Wallon, directrice générale de l’ARS de Rhône-Alpes. D’importants progrès ont été accomplis depuis une quinzaine d’années dans les secteurs sanitaire et médico-social. La CNSA est aujourd’hui un véritable interlocuteur pour les ARS. Elle leur a permis de régionaliser leurs politiques et de sécuriser les enveloppes. Nous souhaitons donc que la CNSA continue d’animer, avec plus de force encore qu’aujourd’hui, le réseau des agences.

Plusieurs pistes de progression sont possibles.

La création de la CNSA n’a pas résolu le problème du pilotage stratégique du secteur, ce qui interdit la mise en place d’une tarification adaptée. Remédier à ce défaut de pilotage implique de rompre avec la logique des tuyaux d’orgue pour lui substituer une vision horizontale, à partir des territoires et des parcours de soins. Cela implique aussi de disposer d’outils permettant d’améliorer notre connaissance du terrain et notre analyse des besoins, lesquels sont de plus en plus individualisés. Il s’agira ensuite de concevoir une tarification adaptée à ces nouveaux enjeux, sans se contenter d’améliorer le système actuel. Si cette recomposition de l’offre relève d’un travail conjoint de la DGCS, de la direction de la sécurité sociale (DSS) et de la CNSA, il est clair que, pour les ARS, c’est cette dernière qui devra être l’interlocuteur opérationnel.

Une fois le pilotage amorcé, la CNSA doit mettre en place des outils adaptés aux nouvelles orientations stratégiques, dans les trois domaines suivants : ressources humaines, systèmes d’information et animation. Pour atteindre nos objectifs, il est indispensable de décloisonner les systèmes d’information, qui ne doivent plus être uniquement conçus comme des systèmes ascendants de communication des données (reporting) et de collecte de l’information mais comme des instruments d’aide à la décision. Il y a là une petite révolution copernicienne à accomplir. Quant aux ressources humaines, elles sont un enjeu majeur pour les établissements, qui doivent préparer leurs équipes médico-sociales à affronter les évolutions que connaît le secteur le plus sereinement possible.

Le pilotage ne peut faire l’impasse sur la question patrimoniale, qui s’articule autour de deux volets : investissement et ressource. La modernisation, la mise aux normes et la sécurisation des EHPAD constituent pour le secteur un « mur d’investissement » évalué, pour la seule région Rhône-Alpes, à 2,5 milliards d’euros. Le ratio communément admis étant que la région représente 10 % des dépenses nationales, cela signifie 25 milliards d’euros à l’échelle du pays… La ressource, par ailleurs, est mal valorisée, les gestionnaires d’établissement – associations ou établissements publics – n’ayant guère de tradition en la matière, alors même qu’il s’agit d’un patrimoine considérable, constitué parfois de terrains et de propriétés de prestige, certes, mais peu fonctionnels et mal adaptés aux nouveaux usages.

La CNSA doit enfin avoir pour objectif de simplifier au maximum la vie de chacun, ce qui implique qu’elle se concentre sur la maîtrise des grandes articulations, laissant aux acteurs de terrain le soin de mettre en place des déclinaisons plus subtiles, adaptées aux situations particulières.

Mme Marie Hélène Lecenne, directrice du handicap et du grand âge à l’ARS de Rhône-Alpes. Cet exercice de simplification est d’autant plus indispensable que les processus à l’œuvre sont lourds et complexes. Pour les personnes âgées, nous disposons d’un outil d’estimation de la charge en soins, qui permet de définir la dotation budgétaire. En revanche, les outils de convergence budgétaire ou de modulation des droits de tirage en fonction de cette charge en soins restent d’un usage délicat en région, sans doute parce qu’ils n’ont pas été suffisamment consolidés au niveau national. C’est là une première difficulté.

Dans le domaine du handicap, si la maîtrise des enveloppes est garantie, ce n’est pas le cas pour les dépenses. Les différents modes de tarification – tantôt à la journée, tantôt par dotation globale – et la diversité des financeurs – conseils généraux et ARS – complexifient le système et n’ont aucun effet vertueux sur la régulation des dépenses.

M. le coprésident Pierre Morange. Les établissements pour personnes âgées ou handicapées disposent-ils, en règle générale, d’une comptabilité analytique ?

Mme Véronique Wallon. Nous en sommes encore à la préhistoire…

Mme la rapporteure. Pouvez-vous nous en dire plus sur les actions à mener dans le champ des ressources humaines, en matière notamment de formation et d’adaptation des personnels ?

M. le coprésident Pierre Morange. Qu’en est-il de l’assurance maladie, qui semble la grande absente de nos échanges ? A-t-elle, et de quelle manière, un rôle à jouer dans le renforcement de la coordination entre volet sanitaire et volet médico-social ?

M. Christophe Lannelongue. À l’absence de pilotage stratégique au niveau national répond, au plan régional, une logique de répartition des enveloppes également dépourvue de portée stratégique. La CNSA est, fondamentalement, une machine qui répartit l’argent dans des conditions de neutralité, de transparence et d’équité destinées à écarter tout soupçon de favoritisme politique ou géographique. Il a fallu pour cela privilégier une mécanique automatique de répartition des dotations à partir d’indicateurs simples, les taux d’équipement.

Les systèmes d’information dont nous disposons ont donc été conçus, de manière verticale, comme des outils de suivi de la répartition. Des progrès ont certes été accomplis, mais ils restent partiels et n’intègrent pas encore le suivi de la performance pour chaque établissement. Au-delà d’un indicateur de base comme le taux d’équipement, nous manquons d’outils de gestion offrant une connaissance fine de l’offre et des niveaux de service ainsi qu’une analyse individualisée des besoins.

En matière patrimoniale, il n’y a pas eu, dans le secteur médico-social, de réflexion sur les investissements comparable à celle qui a été menée dans le secteur hospitalier – avec, il est vrai, des fortunes diverses. Cela tient au fait que la question immobilière est étroitement liée aux questions de restructuration qui agitent le secteur, qu’il s’agisse de la coexistence entre établissements publics et privés ou de la capacité des associations à se fédérer et à mutualiser leurs moyens pour accroître les économies d’échelle et améliorer la qualité de service, grâce à une meilleure gestion des compétences.

Cela m’amène à la question des ressources humaines, domaine dans lequel les ARS ont assez peu de leviers d’action. Elles interviennent certes dans la régulation des instituts de formation et sont en relation avec le CHU et l’université, mais elles ont une vision parcellaire des besoins sur le terrain, ignorent encore la gestion prévisionnelle et n’ont guère in fine la capacité de peser sur la gestion des établissements et des services. C’est là l’un des gros points faibles du secteur, qui explique bon nombre des difficultés auxquelles sont confrontés les établissements et les patients.

M. Jean-Yves Grall. Je voudrais revenir sur l’affectation des enveloppes budgétaires. Pour affecter ces enveloppes, la CNSA a besoin d’un système d’information performant qui, sans être trop sophistiqué, permette de mettre en œuvre un véritable pilotage stratégique.

Pour appuyer le travail entrepris par la CNSA sur les critères de répartition des enveloppes entre les régions, je préconiserais, par exemple, de ne pas s’en tenir au nombre de places disponibles en établissement mais de prendre en compte des critères comme le taux d’attribution de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ou le taux d’enfants en situation de handicap. À titre d’exemple, ils sont respectivement, pour la région Nord-Pas-de-Calais, de 17,5 ‰ et de 5,2 ‰, contre 14,5 ‰ et 3,2 ‰ en moyenne nationale. Pourraient également être pris en compte d’autres éléments de santé publique, sans doute plus difficiles à manier, comme, par exemple, la mortalité précoce. Il faut ensuite opérer au sein même des régions une répartition aussi égalitaire que possible entre les différents territoires, ce qui nécessite, là encore, d’affiner nos systèmes d’information et de s’appuyer sur des appels à projets territorialisés.

En matière de ressources humaines, je ne peux que constater le décalage qui existe entre les personnels des établissements accueillant des personnes âgées ou handicapées et les personnels du secteur sanitaire. C’est flagrant en ce qui concerne le circuit du médicament, domaine dans lequel les personnels des établissements médico-sociaux font montre de graves lacunes. Bien que les ARS ne disposent d’aucun levier direct pour agir sur la formation de ces personnels, il est essentiel d’insister auprès des différents employeurs pour qu’ils s’emparent du sujet.

Je conclurai en rappelant que le secteur médico-social reste relativement morcelé par rapport au secteur sanitaire. Des dynamiques de regroupement et de mutualisation y sont à l’œuvre ; elles doivent se poursuivre.

Mme la rapporteure. Compte tenu de la médicalisation croissante des établissements médico-sociaux, ce que vous dites à propos du médicament nous intéresse tout particulièrement. Nous allons travailler sur la stratégie nationale de santé, et nous aimerions savoir quelles sont les pistes que vous préconisez pour repenser les métiers du secteur médico-social. Peut-on envisager un module de formation commun aux secteurs médico-social et sanitaire ? Comment pensez-vous qu’il soit possible de réformer les formations pour mieux les adapter, notamment dans le cas de situations critiques, à l’accompagnement des parcours de soins, sur lequel a travaillé M. Denis Piveteau ?

M. Jean-Yves Grall. Tous les personnels doivent bénéficier d’une formation sur le circuit du médicament ; ce n’est pas uniquement une question de coût mais également de sécurité sanitaire. En ce qui concerne la prévention des situations critiques, les établissements mettent de plus en plus souvent en place des protocoles permettant de garantir le suivi médicamenteux des patients, afin d’améliorer l’accompagnement des personnels qui interviennent tout au long du parcours de soins.

M. Philippe Calmette. L’éparpillement de la responsabilité en matière de gestion du risque est l’une des difficultés que doit résoudre la gouvernance. Encore faut-il s’entendre sur ce que l’on entend par gestion du risque et ne pas réduire cette notion au contrôle de la pratique des tarifications ou de la T2A dans les établissements sanitaires. La gestion du risque, c’est la technique qui doit nous permettre de prioriser nos investissements de santé et d’allouer nos ressources aujourd’hui pour améliorer, demain, la santé des Français et réaliser, après-demain, des économies. Aujourd’hui, l’absence de pilotage et le défaut de gouvernance déjà évoqués privent les directeurs d’ARS des informations leur permettant d’investir là où ce serait le plus efficient en termes de santé et de qualité de l’offre de soins.

J’ai pour ma part priorisé deux parcours en région Limousin : le premier lié à l’autisme, le second à la personne âgée dépendante. Sur ce dernier, je disposais d’éléments médico-économiques issus de l’expérience de prévention à domicile menée par le pôle gériatrie du CHU, dont je vous ai déjà parlé. Je savais donc qu’en investissant dans le déploiement de ce dispositif sur l’ensemble de la région, j’allais permettre le maintien à domicile des personnes âgées dans de bonnes conditions et réaliser ainsi, au bout du compte, d’importantes économies.

Pour l’autisme, je ne disposais que d’études canadiennes et américaines, recommandant le dépistage et le diagnostic précoce, pour un accompagnement intensif le plus tôt possible. En France, le diagnostic et l’accompagnement ne se font pas, en moyenne, avant l’âge de six ans, alors que nous disposons des moyens techniques pour le faire dès dix-huit mois. Cela se traduit, d’une part, par une perte de chances pour les malades, chez qui nous intervenons trop tard et, d’autre part, par un surcoût global, à l’âge de quarante ans, de 1,3 million de dollars selon les études parues outre-Atlantique. Compte tenu du taux de prévalence de l’autisme, évalué par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à 1 pour 140, cela représente pour notre pays six milliards d’euros, actuellement investis dans les hôpitaux psychiatriques et les maisons d’accueil spécialisées, où vivent des personnes lourdement accompagnées alors qu’elles pourraient l’être beaucoup moins.

M. le coprésident Pierre Morange. Sur cette question de l’autisme, on ne doit pas non plus méconnaître les résistances opposées par la Faculté de médecine aux thérapies comportementales, et l’on peut déplorer que l’État ne s’appuie pas davantage sur l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS), qui a admis à mots couverts l’inadaptation de l’approche psychanalytique.

M. Philippe Calmette. Je partage votre analyse de la situation. Les ARS disposent depuis de deux ou trois ans d’outils pour agir, au premier rang desquels les recommandations de la HAS, relativement récentes…

M. le coprésident Pierre Morange. Mais les études américaines ont près de trente ans !

M. Philippe Calmette. Pour en revenir à la gestion du risque, nous manquons d’études médico-économiques pour savoir quelles actions privilégier au sein d’un parcours de soins, dans une perspective d’investissements pluriannuels.

Mme la rapporteure. Je pense qu’il y a là un sujet dont la MECSS pourrait se saisir.

M. Philippe Calmette. Le FIR et la fongibilité des enveloppes nous permettent de mettre en place les premiers éléments des parcours de soins, mais nous ne disposons pas des outils d’ingénierie financière et de tarification pour les généraliser à l’ensemble de la région. Cela ne pourra se faire qu’à quatre conditions : approfondissement de la fongibilité, développement du FIR, multiplication des études médico-économiques et recentrage de la gestion du risque. Pour mettre en adéquation la politique des parcours et le financement de ces derniers, les ARS ont besoin de professionnels – trop peu nombreux – capables de réaliser des études d’efficience dans les établissements médico-sociaux, c’est-à-dire de mesurer la pertinence des mesures d’accompagnement et de soins en les mettant en rapport avec les dépenses et les investissements de la structure gestionnaire. Il faut, pour cela, savoir lire un haut de bilan, car les règles comptables ont longtemps permis de faire remonter les ressources des établissements vers les hauts de bilan des structures gestionnaires, permettant à ces dernières de constituer parfois d’importantes réserves. Or la contractualisation des ARS avec les opérateurs porte sur les comptes d’exploitation et très rarement sur ces hauts de bilan, pour lesquels nous ne disposons pas des compétences d’analyse nécessaires.

Mme Véronique Wallon. Un mot sur le médicament. En 2011, l’ARS de Rhône-Alpes a mis en ligne un guide du médicament à destination des EHPAD dépourvus de pharmacie intérieure. Il s’avère que c’est la partie du site la plus consultée, ce qui montre que cela répondait à une réelle demande.

J’insiste également, sans m’y attarder, sur le fait que, pour que les parcours de soins soient un succès, la réforme de la tarification doit s’accompagner de la mise en place d’une structure équivalant au FIR pour le secteur médico-social et d’une application plus ambitieuse du principe de fongibilité.

En matière de gestion du risque, les relations de l’ARS Rhône-Alpes avec l’assurance maladie sont bonnes. Les directeurs régionaux, qui siègent au sein de la commission régionale de gestion du risque, sont demandeurs d’informations sur les stratégies engagées en la matière, pour les faire remonter à leur hiérarchie. L’exercice va néanmoins rapidement rencontrer ses limites, d’abord parce que les actions engagées, si elles sont soutenues au niveau local par les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), ne rentreront pas forcément dans les cases de tarification de la CNAMTS ; peut-être même ne correspondront-elles pas aux objectifs de gestion du risque définis au niveau national. Par ailleurs, les services territoriaux de l’assurance maladie n’ont pas encore l’habitude d’appréhender les schémas de parcours de soins dans leur globalité. Confrontés, par exemple, à une demande concernant un transport sanitaire, ils ne rapportent pas nécessairement le coût induit aux économies réalisées par ailleurs puisque ce transport sanitaire s’inscrit dans un parcours où la médecine ambulatoire s’est substituée à l’hospitalisation.

M. le coprésident Pierre Morange. Le transport des patients représente 4,5 milliards d’euros, sur lesquels, selon la Cour des comptes, 1,5 milliard d’euros pourraient être économisés grâce à de simples mesures de rationalisation et à un renforcement des contrôles permettant d’éviter les surfacturations abusives.

Mme Véronique Wallon. L’ARS de Rhône-Alpes a défini trente filières gérontologiques, qui couvrent tout le territoire et permettent de calculer globalement le coût d’un parcours ; encore faut-il que ces calculs puissent ensuite se traduire en termes de paiement et de tarification.

Quelques remarques enfin sur les ressources humaines. Je milite d’abord pour la simplification administrative. On ne peut en effet continuer d’imposer aux directeurs d’établissement la sophistication croissante de nos dispositifs : leur métier n’est pas d’être comptable. J’attire ensuite votre attention sur un certain épuisement, perceptible chez les personnels du ministère et des agences, confrontés depuis plusieurs années à la mise en œuvre des réformes successives. Si une réforme de la tarification s’annonce, sans doute pourrait-elle s’accompagner d’un renforcement de la formation de ces personnels, leur permettant de donner du sens à leur travail. Enfin, il faut poursuivre l’effort de valorisation des métiers en établissement médico-social.

Mme la rapporteure. Nous sommes tous conscients en effet que la succession des réformes a pu déstabiliser les personnels qui travaillent dans les ARS ou les établissements. Il est primordial de donner du sens à l’action publique. Pour cela, il faut accompagner les personnels et leur proposer des formations adaptées.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous remercions, mesdames et messieurs, de nous avoir ainsi éclairés. La MECSS a le souci de formuler des recommandations qui dépassent le champ des généralités et aient une portée véritablement opérationnelle. N’hésitez donc pas, dans cette perspective, à nous transmettre toute préconisation sur la rationalisation des moyens ou la simplification des procédures, qu’il s’agisse de mesures s’inscrivant dans le champ réglementaire ou dans le domaine législatif.

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède enfin à l’audition, ouverte à la presse, de M. Alain Cordier, ancien président de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

M. le coprésident Pierre Morange. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Alain Cordier, ancien président de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Mme Martine Carrillon-Couvreur, notre rapporteure sur la mise en œuvre des missions de la CNSA, revisite actuellement ces missions, notamment à travers le prisme du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, qui doit encore être affiné d’ici la rentrée de septembre.

Nous avons déjà procédé à un certain nombre d’auditions. Nous avons souhaité vous entendre, monsieur Cordier, pour bénéficier de votre expérience, de votre regard rétrospectif sur cette Caisse qui fête son dixième anniversaire, et de votre réflexion sur les marges de manœuvre à exploiter pour répondre aux besoins dans le secteur médico-social.

De nombreux rapports ont déjà été publiés, notamment sur la gouvernance, les systèmes d’information, la méconnaissance des coûts et l’articulation entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure. Nous vous remercions d’avoir accepté cette invitation à dialoguer avec nous dans le cadre du rapport que nous présenterons en novembre sur la mise en œuvre des missions de la CNSA.

Vous avez vécu les débuts de la CNSA, qui fête aujourd’hui ses dix ans. Quel regard portez-vous sur le chemin parcouru par la Caisse, devenue une instance reconnue, que nous estimons néanmoins nécessaire de conforter encore dans ses missions ? Quel bilan dressez-vous de ce parcours ? Quelles seraient selon vous les améliorations à apporter pour les années à venir ?

La CNSA a fait l’objet de nombreux rapports. Les constats qui ont été dressés touchent en particulier aux systèmes d’information, dont la mise en place a pris beaucoup de retard et qui restent en retrait par rapport à ce qu’ils devraient être, même si la prise de conscience a été salutaire. Que pouvez-vous nous dire sur ce point ?

En ce qui concerne la compensation collective et individuelle de la perte d’autonomie, quelle est votre réflexion sur la répartition de l’offre, la connaissance des besoins des personnes âgées et des personnes handicapées et celle des coûts des établissements et services médico-sociaux (ESMS), l’accompagnement et les parcours des personnes, sachant que nous ne raisonnons plus en termes de places, mais de parcours accompagnés ? Je précise que nous avons reçu tout à l’heure M. Denis Piveteau, qui a vécu avec vous les débuts de la CNSA.

M. Alain Cordier, ancien président de la CNSA. Je vous remercie de m’offrir l’occasion de rajeunir (Sourires). J’avais été auditionné avec M. Denis Piveteau par M. Morange peu de temps après la création de la CNSA, il y a donc dix ans. J’ai hésité à accepter votre invitation, car il y a maintenant un certain temps que j’ai quitté la CNSA. Mes connaissances sont donc un peu trop obsolètes pour répondre à des questions très précises sur la CNSA. Mais, puisque vous m’avez invité à titre de « grand témoin », c’est avec plaisir que je m’exprimerai devant vous.

Avec le recul, cinq intuitions qui étaient à l’origine de la CNSA me paraissent avoir suivi leur chemin. En 2006, la Cour des comptes, sous la plume de son président de l’époque, M. Philippe Séguin, avait qualifié la Caisse, dans l’un de ses rapports, d’organisation sui generis – ce qui était assez perspicace. Nous avons eu la chance, Denis Piveteau et moi-même, de vivre ce moment où nous avons pu prouver le mouvement en marchant. Il n’est pas si fréquent de vivre la naissance d’une « start-up administrative »… Je le dis en souhaitant que le naturel ne revienne pas trop vite au galop et que nous gardions cet état d’esprit imaginatif et créatif.

La première intuition est fondamentale. C’était la première fois qu’une institution réunissait les personnes âgées dépendantes et les personnes en situation de handicap. J’observe d’ailleurs que, si les gouvernements se succèdent, on continue à nommer un ministre des personnes âgées d’un côté et un ministre des personnes handicapées de l’autre, ce qui ne laisse pas de me surprendre.

Cette intuition, qui s’est révélée juste, a eu très rapidement trois conséquences. A très vite été mise au jour l’aberration que constituait la barrière d’âge – je préciserai même : toute barrière d’âge. Ensuite, l’ensemble des acteurs membres du conseil de la CNSA se sont retrouvés autour d’une sémantique : la perte d’autonomie, quel qu’en soit le motif – naissance, accident de la route, grand âge, maladie… Cela a vite fait apparaître que nous étions face à une transition épidémiologique liée au vieillissement, qui se traduit par un fait majeur : la chronicité. Nous ne guérissons pas des maladies, mais nous n’en mourons plus – nous vivons avec. Cela a des conséquences sur l’autonomie. Au bout du raisonnement, nous arrivons à une notion très importante. Les Anglais ont deux verbes pour le soin, to cure et to care. Le soin et le prendre-soin sont deux éléments également importants. J’ai été, avec le professeur Didier Sicard, l’un des auteurs du rapport sur la fin de vie. La littérature sur le sujet nous montre qu’il est décisif pour la qualité de la prise en charge, y compris en ce qui concerne les cancers, d’introduire le plus tôt possible les soins palliatifs – non pas comme soins de fin de vie, mais comme soins de support. Il est sans doute devenu banal de le dire, mais l’accompagnement est aussi important que les soins les plus aigus.

L’idée a fait son chemin. Nous l’avons prolongée, avec Denis Piveteau, lorsque nous avons conduit les travaux du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), en faisant approuver à l’unanimité des acteurs la notion de médecine de parcours, ou de parcours de soins et de santé. J’ai moi-même prolongé cette intuition dans le rapport, remis au Gouvernement en juin 2013, du « Comité des sages », que je présidais et qui était chargé de « plancher » sur la stratégie nationale de santé, en montrant que les défis majeurs étaient désormais la chronicité et la polypathologie, qui expliquent plus des deux tiers de la croissance de la dépense. Or, qui dit chronicité dit interface entre différentes compétences professionnelles. Quel que soit le secteur d’activité, rendre les interfaces aussi fluides que possible permet de progresser en qualité de soins comme en matière de réduction des dépenses. Il n’y a donc pas d’alternative pour l’avenir que de raisonner en termes de parcours de soins et de santé si l’on veut à la fois mieux soigner et faire face au défi du financement.

Je suis membre du Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie. Je suis convaincu que faire passer de 2,5 % à 2 % la croissance de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) constitue un vrai changement de paradigme. On ne réussira pas à coups de rabot sur le panier de soins, même s’il faut continuer à le faire – mieux vaut rembourser des médicaments efficaces que des médicaments inefficaces –, mais la véritable voie d’avenir consiste à travailler sur la fluidité du parcours de soins et de santé, donc à franchir la frontière entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social, comme entre les établissements et le domicile. Je vous renvoie au rapport que j’ai rédigé pour le « Comité des sages ».

J’ajoute que les ruptures dans ce domaine sont éthiquement et humainement insupportables.

Cette première intuition, si importante, a continué de cheminer. Elle est portée par l’ensemble des acteurs. Hors du champ des caméras, chacun se reconnaît en effet dans ce diagnostic.

La deuxième intuition est la conciliation entre droit commun et réponse personnalisée. Nous sommes partis, tant avec les associations qu’avec les organisations syndicales, d’un principe classique en France : le primat de l’égalité. Chemin faisant, nous nous sommes aperçus que cela n’avait pas de sens de créer un droit spécifique pour les personnes en perte d’autonomie. En effet, plus nous serons capables de répondre à une situation complexe, et plus nous serons capables de répondre à toutes les situations. Pour prendre un exemple, la réalisation de plans inclinés pour les personnes en fauteuil roulant n’intéressera pas grand monde ; il en ira autrement si l’on précise que cette réalisation sera aussi utile à la personne âgée qui commence à avoir du mal à marcher et à tirer sa valise, à la maman avec une poussette, et au jeune qui s’est cassé la jambe et se déplace avec des béquilles. Cette idée d’un droit commun plutôt que de droits spécifiques pour chacun est extrêmement motivante. La découverte d’une transversalité concernant l’ensemble des situations a d’ailleurs été une étape très importante pour le conseil de la CNSA. L’une des principales difficultés auxquelles je me suis heurté comme président est la verticalité de chacun : pour un aveugle, un sourd n’est pas une personne en situation de handicap, puisqu’il n’est pas aveugle. Le risque est donc grand que chacun défende son intérêt, comme nous le voyons avec les associations de malades – ce qui est somme toute logique. Mais nous avons découvert progressivement un élément transversal à toutes les situations, qui intéresse tout le monde.

Nous sommes arrivés à une autre conclusion : le droit commun passe naturellement par des réponses d’équité, mais aussi par des réponses personnalisées. C’est une avancée décisive de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui parle de projet de vie de la personne. Le législateur de 2004 avait d’ailleurs déjà avancé cette notion avec l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Pour moi, c’est un défi majeur des services publics aujourd’hui : nous avons deux hémisphères, l’un qui demande l’égalité et l’autre qui demande une réponse personnalisée pour chacun d’entre nous.

Au fond, nous avons compris un phénomène important, le renversement de la pyramide – qui signifie qu’on part de la personne. La réponse ne passe plus par un formulaire administratif de la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP), mais par un dialogue avec la personne. Certes, c’est compliqué, et nous avons toujours été conscients qu’il faudrait des années pour aller au bout de l’intuition ; mais celle-ci a été confirmée par le législateur, tant en 2004 qu’en 2005.

Troisième intuition : ce renversement de logique s’entend également du point de vue budgétaire. On vous a certainement parlé des programmes interdépartementaux d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie (PRIAC). Il s’agit de partir du besoin pour aller vers le budget. Cela suppose une connaissance claire des besoins – et nous avons mesuré combien nous étions en retard sur ce terrain. Je voudrais néanmoins rendre hommage à Denis Piveteau et à ses services pour la qualité des dossiers remis au conseil : ils allaient chercher toute l’information disponible, y compris avec des variables « proxy », comme disent les statisticiens, pour essayer d’approcher la réalité. Venant moi-même du secteur sanitaire, je pensais que nous étions très en retard ; j’ai découvert que le secteur médico-social l’était encore plus… Mais la logique était là, et la vision claire des situations est un point très important.

Cela n’empêche pas qu’il faille un peu d’intelligence. À notre arrivée à la CNSA, l’administration de l’État avait pour habitude de raisonner à partir du pourcentage de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans dans un département Nous avons ajouté un deuxième critère : ce même pourcentage dans dix ans. La combinaison des deux critères donne une vision un peu différente de celle que l’on obtient en se bornant au premier.

Certes, il y a beaucoup de progrès à faire dans les systèmes d’information et la captation de l’information, mais un vrai travail d’intelligence à partir des chiffres n’en est pas moins nécessaire. N’attendons pas pieusement d’avoir un système d’information parfait – nous ne l’aurons jamais. Essayons d’y travailler, mais développons en même temps une intelligence des chiffres et une habileté statistique.

Une fois les besoins identifiés, il faut faire des choix de priorités. Sortons du jeu qui consiste à nier le besoin pour pouvoir dire que le budget est identique à ce besoin. Reconnaissons que les besoins existent, que le budget ne peut répondre immédiatement à tous, et que la situation budgétaire nous impose de faire un choix de priorités. Cette clarté a été précieuse vis-à-vis des acteurs du conseil de la CNSA. Je rends ici hommage aux associations de personnes en situation de handicap, qui ont accepté – sans doute un peu plus que les associations de personnes âgées – d’entrer dans ce raisonnement. Il est primordial d’être reconnu dans son besoin pour pouvoir comprendre la logique d’arbitrage budgétaire et de choix de priorités.

La quatrième intuition est, hélas, toujours d’actualité. Nous avons cherché à faire du conseil de la CNSA un espace public. On pourrait parler de contre-démocratie, au sens non d’opposition, mais de contrefort. Nous avons essayé de découvrir ensemble qu’il était possible d’aller très loin dans la recherche des convergences comme dans l’identification précise des divergences. Il ne s’agit pas seulement d’être pour ou contre, mais aussi de dire pourquoi et à quelles conditions cette position pourrait évoluer. Nous avons vécu là des moments très émouvants. Je pense au rapport d’octobre 2007, que nous avions mis quatre mois à écrire mais qui a fait l’objet d’un vote unanime du conseil – ce fut un moment magique, où nous nous sommes surpris à découvrir que nous étions capables d’élaborer un travail commun. Certes, ce n’était pas de la grande littérature, et il faisait la part belle au compromis ; mais enfin, nous l’avions fait. Je pense aussi à la convention d’appui à la qualité de service des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Comme vous le savez, la loi avait prévu que la CNSA signe un contrat avec chaque département. Lorsque Denis Piveteau a présenté la première convention-type devant le conseil, celui-ci s’est divisé entre les départements, qui me demandaient de leur donner l’argent et de les laisser s’occuper du reste, et les associations de personnes handicapées, qui refusaient de leur faire confiance et exigeaient une batterie d’indicateurs. Il nous a fallu un an de discussions ; mais en définitive, nous avons fait voter la convention-type à l’unanimité, lors de mon dernier conseil comme président. Trois ans après, lorsque le nouveau directeur de la Caisse, M. Laurent Vachey, a présenté l’évolution de cette convention, le vote a été acquis en quelques minutes. Certains diront que nous avons perdu un an, mais nous avions gagné beaucoup pour la suite.

Cette idée forte, qui est encore d’actualité, n’est rien d’autre que la découverte de la confrontation des points de vue au sens du point d’où je vois.

Mme la rapporteure. En quelle année cette convention-type a-t-elle été adoptée ?

M. Alain Cordier. De mémoire, en 2006 ou en 2007.

Il est important de découvrir que l’on progresse lorsque l’on reconnaît que la confrontation des points de vue est utile au sens du point d’où je vois. Un président de conseil général ne voit pas la même chose, et n’entre pas dans le sujet de la même façon qu’un représentant d’association. La question est de savoir si l’on souhaite progresser – ce qui ne veut pas dire tout régler, mais au moins identifier les divergences et repérer les convergences possibles. Cette intuition reste essentielle.

La place de l’État dans le conseil de la CNSA reste discutée. Le législateur a fait preuve d’une grande audace. Il existe deux systèmes classiques : celui où l’État est majoritaire au conseil et où son président est un représentant de l’État, et celui où le conseil ne compte aucun représentant de l’État, mais où celui-ci est néanmoins représenté par un commissaire du Gouvernement. Nous sommes ici dans un système hybride, dans lequel l’État n’a pas la majorité, bien qu’il pèse énormément puisqu’il détient environ 44 % des voix. Par ailleurs, le président du conseil n’est pas censé représenter l’État : c’est une personnalité qualifiée élue par ses pairs. Personnellement, j’ai toujours défendu l’idée que le président de la CNSA devait être à équidistance de l’État, des associations, des syndicats et des financeurs, pour essayer – lorsque je le sentais possible – de faire émerger une convergence ou d’identifier une divergence, et d’en faire une synthèse. Certains m’ont reproché de ne pas toujours être du côté de l’État ou des syndicats. Mais il me semblait que le service que je devais rendre, dans l’architecture voulue par le législateur, était d’essayer de faire émerger cette convergence, ce qui suppose de la part de l’État une intelligence particulière : lorsqu’il siège au conseil, il doit être plutôt partie prenante que tuteur.

Le législateur n’a doté ce conseil d’aucun pouvoir. Il ne s’agit ni d’un conseil d’administration, ni d’un conseil de surveillance, ni d’un conseil d’orientation. En revanche, il lui a donné la compétence de voter le budget, mais un budget décidé pour l’essentiel par le Parlement – l’ONDAM. Sur le plan juridique, c’est un peu bancal. Néanmoins, nous arrivions à nous en débrouiller en faisant un travail d’analyse, d’observation et d’orientation. Ceci fait, les associations se retiraient du jeu et l’État arrêtait le budget. Au fond, le processus était assez mécanique.

J’insisterai plus particulièrement sur la dernière intuition, qui rejoint sans doute une part de vos questions. Tout cela nous conduit progressivement à un nouveau paradigme du pilotage des politiques publiques.

Le législateur a assigné à la CNSA l’objectif de rendre compte une fois par an à travers un rapport. C’est pour moi une idée forte dans la gouvernance des politiques publiques. Il s’agit de faire le point, une fois par an, sur ce qui a fonctionné et sur ce qui n’a pas fonctionné. Nous avons besoin de cette culture de l’erreur ou de cette learning curve – courbe d’apprentissage ou d’expérience. Cela nous a permis de découvrir que nous avions d’abord besoin d’une gestion de proximité. J’ignore quel sera l’avenir institutionnel du département, mais il est impératif de conserver la capacité d’une gestion de proximité : une réponse personnalisée implique de tenir compte de considérations « loco-régionales ». Or certains départements ont une densité de médecins suffisante, et d’autres non ; de même, il y a des secteurs plus dynamiques que d’autres.

Mais nous avons aussi besoin d’un État stratège et régulateur. En ce qui me concerne, j’ai beaucoup regretté que l’État ne soit pas assez stratège. Je reste ainsi fasciné par l’épaisseur des annexes à la première convention d’objectifs et de gestion (COG) que nous avions élaborée. Cela montre que tout n’avait pas été compris du côté de l’État.

Proximité d’un côté, État stratège de l’autre, donc. Entre les deux, nous avons un opérateur d’assistance à la maîtrise d’ouvrage nationale et d’appui à la maîtrise d’œuvre au plan local. Cet intermédiaire est subtil ; il faut en passer par des éléments de contractualisation. Il faut accepter cette complexité, car nous sommes face à un sujet complexe. Les réponses simples sont peut-être séduisantes, mais elles se révèlent vite simplistes par rapport à des situations complexes.

J’ai repris cette idée dans le rapport du « Comité des sages » que j’ai rendu au Gouvernement l’an dernier : il s’agit de réorganiser fondamentalement la gouvernance au niveau national, avec une seule direction nationale de la stratégie en santé – ce qui implique de franchir la frontière entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social.

Il y a pour moi deux points saillants dans cette aventure – qui s’est prolongée, puisque je siège au collège de la Haute Autorité de santé (HAS), où nous développons toutes ces idées.

Tout d’abord, il importe d’accepter la complexité et d’avoir une approche systémique – ce qui n’est pas facile pour une administration, qui a en général une approche très verticale. Il faut donc se doter de lieux, c’est-à-dire à la fois d’espaces et d’organigrammes, permettant de mettre en œuvre cette approche systémique. Je sais que ce point est débattu ; certains estiment que cela revient à l’échelon politique, c’est-à-dire au ministre et à son cabinet. Certes, c’est la vocation de l’échelon politique ; mais il y répondra d’autant mieux qu’il disposera d’une administration capable de faire ce travail d’élaboration d’une vision systémique et de synthèse.

Ensuite, mon obsession est désormais le mode opératoire. Je l’ai dit, nous sommes globalement tous d’accord sur le diagnostic : c’est vers la fluidité des parcours qu’il nous faut aller. Soyons donc pragmatiques. J’ai eu la chance de diriger une entreprise privée pendant huit ans, et de la développer aux États-Unis. Je raconte souvent cette anecdote, qui m’a beaucoup marqué. La première fois que je me suis retrouvé devant des salariés américains, je leur ai fait un grand discours sur la stratégie. « Demain matin, m’ont-ils demandé au bout d’un moment, que faisons-nous ? » Encore aujourd’hui, je pense – et je le dis dans mes rapports – que le plus important est d’enclencher des décisions concrètes capables de faire basculer le paradigme. C’est ce que j’ai essayé de faire dans le rapport du « Comité des sages » l’an dernier. On peut rejeter ces propositions, mais à condition d’en réinventer d’autres.

Permettez-moi de vous donner un exemple de pragmatisme. Avant de faire une grande révolution institutionnelle, pourquoi ne pas examiner de plus près les deux propositions formulées dans l’un de nos rapports ? La première consistait à envisager une partie commune dans la composition des conseils de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de la CNSA, afin que ces personnes vivent elles-mêmes la transversalité entre le sanitaire et le médico-social. La seconde, qui a été très débattue, au point que nous l’avons formulée sous forme d’interrogation, concernait les MDPH : au lieu de les maintenir dans un statut de groupement d’intérêt public (GIP), pourquoi ne pas reconnaître clairement un management sous l’autorité du conseil général, à condition d’avoir un conseil des acteurs et des parties prenantes suffisamment puissant pour se faire entendre ? Nous n’avions pas tranché, mais nous avions posé la question.

Dans les politiques publiques, la question clé est celle du management, de l’organisation ou des process. Comment avancer chaque jour ? Telle est en tout cas l’exigence que je retire de mon expérience.

Mme la rapporteure. Il eût été dommage que vous ne veniez pas ! Vous l’avez très bien dit, vous avez avancé en marchant – et c’est ce que nous retenons nous aussi de la construction de la CNSA. En même temps, nous avons conscience de cette nécessité de rester pragmatiques et d’inventer les réponses au fur et à mesure, tout en maintenant des espaces construits où chacun puisse trouver sa place.

Pouvez-vous revenir sur ce que vous avez appelé cette « partie commune » dans la composition des conseils de la CNAMTS et de la CNSA ? C’est en effet un point sensible depuis l’origine. J’avoue que je n’avais pas vu cette proposition ; je vous remercie donc de l’avoir évoquée.

De même, nous avions peu parlé à l’origine de la construction des budgets de la CNSA. J’ai participé au débat dans l’Hémicycle en 2004. À l’époque, nous avions pensé que la CNSA permettrait de sanctuariser les budgets dédiés aux champs du handicap et des personnes âgées. Nous avons constaté que c’était compliqué, et que l’État a tendance à rechercher ces financements dans les crédits non consommés. Que pouvez-vous nous dire sur le sujet ?

M. Alain Cordier. Le mot de « sanctuarisation » traduit l’inquiétude profonde – et très vive – du monde médico-social : celle de se faire « manger » par le monde sanitaire. Je terminais mon mandat au moment de la discussion de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Il s’agissait notamment de savoir si les compétences des agences régionales de santé (ARS) devaient s’étendre au médico-social. Ce débat a été très vif, du fait de cette peur. Reconnaissons qu’elle n’est pas totalement irraisonnée : la tendance naturelle est bien de privilégier la « grande première » médicale plutôt que de renforcer la présence d’infirmières la nuit dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Il n’empêche que le législateur a fait le choix d’inclure le médico-social dans les ARS. Il faut donc aller au bout de ce choix : on ne peut rester au milieu du gué. Le pragmatisme peut consister à avancer ou à reculer – ce qui peut être tout aussi légitime.

Il s’agit aujourd’hui, et les travaux sur le vieillissement que nous avons conduits avec Denis Piveteau dans le cadre du HCAAM démontrent clairement cette nécessité, de mettre un peu plus de moyens dans le secteur médico-social et un peu moins dans le secteur sanitaire, et en particulier dans le domaine hospitalier. Cela étant, tout se tient. Aujourd’hui, il est de bon ton de dire qu’il faut développer la chirurgie ambulatoire. Mais si nous le faisons sans nous préoccuper de l’aval, de l’accueil à domicile ou de l’accompagnement des patients, il y a peu de chances qu’elle se développe vraiment. Ce qui est important, c’est donc d’aller au bout de la logique. C’est ce que nous avons fait dans le rapport du « Comité des sages », en proposant d’un côté une vraie autorité administrative, la direction générale de la stratégie nationale de santé, capable de piloter à la fois la CNAMTS, la CNSA, la direction générale de l’offre de soins (DGOS) et la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), et de l’autre une vraie capacité d’autorité au niveau régional, avec une réelle fongibilité. L’objectif doit être celui des équipes de soins de santé primaires, du médico-social et de l’organisation des process hospitaliers de telle manière qu’ils ne soient que la réponse technique dont nous avons besoin à un moment donné. Cela suppose à la fois une capacité de gestion et une transversalité dans les organigrammes des ARS. Force est en effet de constater qu’il y a une grande verticalité dans leur organisation. Il faut la repenser pour faire vivre la transversalité et franchir la frontière entre le médico-social et le sanitaire. Je le répète, c’est une question de confiance, car la méfiance est grande du côté du secteur médico-social. Mais, à l’évidence, renforcer la présence soignante un peu qualifiée la nuit dans les EHPAD évitera bien des recours aux urgences hospitalières, de même que renforcer celle d’auxiliaires de vie à domicile évitera un certain nombre de chutes et de fractures du col de fémur – avec tout ce qui s’ensuit. Nous avons intégré des éléments chiffrés à notre réflexion. Pour aller au bout de la logique, il faut accepter de lever un tabou, c’est-à-dire de s’interroger sur les modes de rémunération et de tarification, qui incitent à la verticalité et non à la transversalité. J’avais préconisé dans le rapport du « Comité des sages » de réunir, comme cela s’est fait dans beaucoup d’États américains, l’ensemble des acteurs pendant plusieurs mois pour réfléchir à la façon d’inclure des incitations à la transversalité dans nos modes de rémunération et de tarification. C’est au moins aussi crucial que les systèmes d’information. On ne peut en vouloir aux acteurs, qui vont être jugés – y compris financièrement – dans leur verticalité, de ne pas travailler dans la transversalité.

J’en viens aux fameux excédents de la CNSA. Fort heureusement, nous avons bénéficié ici du soutien des pouvoirs publics. Nous avions compris que ces excédents étaient de faux excédents. À l’époque, il s’agissait surtout de créer des places. Cela ne se fait pas d’un seul coup, d’où un décalage entre l’octroi des crédits et la réalisation. Nous avions alors obtenu des ministères concernés de pouvoir réutiliser ces excédents dans des dépenses d’investissement. Cela a été un levier important, d’autant que comme pour les PRIAC, que j’ai évoqués tout à l’heure, nous avions fait approuver par le conseil des critères de choix sur l’investissement. Il nous semblait en effet nécessaire, pour la clarté et la transparence, de nous donner ces critères de choix en termes d’investissement, permettant à l’administration de prendre les bonnes décisions à la fois au plan local et au plan national. Denis Piveteau revenait ensuite devant le conseil pour rendre compte, c’est-à-dire pour expliquer comment le budget avait été réparti au regard de ces critères. Non seulement c’était très astucieux, mais cela a permis d’améliorer des situations concrètes et de faire progresser la culture collective. Il faut cesser de penser que, parce que l’on met un budget, on répond à tous les besoins. Il y a des besoins ; il faut les identifier, se donner des critères de choix et assumer ces critères.

Mme la rapporteure. Je vous remercie de votre contribution, qui nous éclaire sur un moment de la vie de la CNSA et nous permettra de faire des propositions pour les années à venir. Peut-être aurons-nous l’occasion d’échanger à nouveau sur tous ces sujets. En tout cas, nous ne manquerons pas de reprendre certains points de votre contribution dans notre rapport.

M. Alain Cordier. Je me tiens à votre entière disposition. La perte d’autonomie, comme la souffrance et la maladie, remet en cause tout ordre établi et nous impose de penser autrement – avec enthousiasme. C’est cet esprit très fort qui nous a guidés au moment de la création de la CNSA.

M. le coprésident Pierre Morange. Monsieur le président, nous vous remercions.

La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.