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Mercredi 28 octobre 2015

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 3

Présidence de Mme Sophie Rohfritsch, Présidente

– Audition de M. Cédric Musso, directeur de l’action politique de l’UFC-Que Choisir, et de M. Nicolas Mouchnino, chargé de mission énergie et environnement

Mission d’information
sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

La mission d’information a entendu M. Cédric Musso, directeur de l’action politique de l’UFC-Que Choisir, et M. Nicolas Mouchnino, chargé de mission énergie et environnement.

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. Nous poursuivons nos auditions de la journée en recevant MM. Cédric Musso et Nicolas Mouchnino, deux responsables de l’organisation de consommateurs UFC-Que Choisir.

L’automobile est un bien d’usage courant. Elle est pour les particuliers comme pour de nombreux professionnels un investissement important. Elle représente aussi une lourde dépense d’usage et des charges d’entretien.

Le récent scandale Volkswagen aux États-Unis concerne aussi les véhicules vendus en Europe, dont près de 950 000 en France. Cet événement a certainement érodé la confiance des consommateurs vis-à-vis des constructeurs, et la problématique qu’il fait émerger se décline à la fois en termes d’enjeux économiques et de santé publique.

Les tests de mesure des émissions de polluants sont-ils décrédibilisés ?

Quelle réforme faudrait-il conduire rapidement, à l’échelon européen, pour rétablir la confiance ?

À ces deux questions, vous pourrez, sans doute, messieurs, nous apporter quelques pistes de réponse. Nous avons souhaité vous entendre parce votre organisation s’est, à plusieurs reprises, penchée sur le coût d’usage de l’automobile. En septembre 2012, une enquête de l’UFC-Que Choisir montrait ainsi que le choix d’une voiture diesel n’était pas toujours justifié car plus coûteux qu’une motorisation essence, sans même prendre en compte les impacts environnementaux.

M. Cédric Musso, directeur de l’action politique de l’UFC-Que Choisir. Nous vous remercions de nous auditionner et de reconnaître ainsi le rôle de l’UFC-Que Choisir dans un domaine qui intéresse au premier chef les consommateurs puisque le budget automobile occupe une part prépondérante dans le budget des ménages, notamment pour ce qui concerne les postes liés à l’entretien et à la réparation automobiles. Je rappelle à ce propos que notre association, qui promeut une fiscalité dite « sociétale », c’est-à-dire qui obéisse à une logique consumériste et, plus largement, à une logique environnementale, a également, par le passé, pris position en faveur d’une harmonisation de la fiscalité sur les carburants.

Vous évoquiez à l’instant le scandale Volkswagen, qui a renforcé la méfiance des consommateurs vis-à-vis de l’industrie automobile. C’est un fait, même si l’UFC-Que Choisir s’est gardé de crier au loup, rappelant que l’affaire concernait avant tout les consommateurs américains. En effet, même si des véhicules équipés du logiciel incriminé ont été mis en circulation en Europe, jusqu’au 1er septembre dernier, la situation des consommateurs américains était assez différente de celle des consommateurs européens qui n’ont, à proprement parler, subi aucun préjudice. J’entends par là que, dans la mesure où les consommateurs américains étaient clairement informés des émissions de leur véhicule par rapport à la réglementation NOx (oxydes d’azote), ils ont effectivement été lésés par la tricherie et une information mensongère. En Europe, en revanche, avant le 1er septembre 2015, les fiches techniques des véhicules ne mentionnaient pas la norme NOx, et les consommateurs ne peuvent donc invoquer un quelconque préjudice du fait d’une information délibérément mensongère. Dès lors, et contrairement à ce que revendiquent certains collectifs, une action de groupe n’est pas possible en France, puisque la loi Hamon sur la consommation n’a autorisé les actions de groupe qu’en réponse à un préjudice économique mais en aucun cas à préjudice moral ou environnemental.

Cela étant, l’affaire Volkswagen a mis en lumière la manière dont les fabricants d’automobile optimisaient leurs tests d’émissions, pratique qui vaut également pour les tests de consommation, réalisés en général concomitamment. Or, concernant ces derniers, les tests conduits par l’UFC-Que Choisir ont souvent fait apparaître un écart très important entre les résultats affichés par l’industrie automobile et la consommation effectivement constatée dans des conditions réelles d’utilisation du véhicule.

Nous en appelons donc à un renforcement de la réglementation européenne en matière de tests, réclamant que ceux-ci soient effectués en conditions réelles d’utilisation et assortis de contrôles a posteriori, afin que les consommateurs puissent disposer d’une information crédible. En tout état de cause, si une action de groupe était envisageable, c’est davantage sur la question de la consommation que sur celle des émissions.

Mais le vrai scandale à mes yeux réside dans les coûts de réparation sur un véhicule compte tenu du monopole que sont parvenus à préserver les constructeurs sur les pièces détachées de carrosserie, alors que leur libéralisation permettrait au consommateur de faire des économies non seulement sur sa réparation mais aussi sur son assurance. L’argument opposé à la libéralisation est celui de la sécurité, mais dois-je rappeler que le marché des pièces détachées mécaniques a, lui, été libéralisé ? Qu’on m’explique en quoi la sécurité des consommateurs serait davantage menacée par la libéralisation des pièces de carrosserie que par celle des pièces détachées mécaniques… D’ailleurs, s’il existe encore un monopole légal en Allemagne, le marché a de facto été libéralisé.

J’en viens enfin à la publicité, bien souvent trompeuse pour le consommateur. C’est notamment le cas pour les offres de location avec option d’achat, pour lesquelles les mensualités affichées camouflent bien souvent le montant minimal à verser au départ, qu’il faut de très bons yeux pour arriver à dénicher ; de même, lorsque le prix affiché est un prix global, il est assorti de conditions de reprises qui peuvent substantiellement modifier le coût du véhicule pour le consommateur. Il conviendrait donc de mieux réglementer la publicité sur les automobiles, comme cela a été fait pour le crédit à la consommation, domaine dans lequel la loi encadre désormais la publicité, notamment en imposant des normes de taille de caractères pour l’affichage des taux promotionnels.

M. Nicolas Mouchnino, chargé de mission Énergie et Environnement à l’UFC-Que Choisir. L’automobile est non seulement un poste de consommation très important pour les ménages mais c’est aussi le premier instrument de mobilité des ménages, en particulier en zone rurale. Cela donne un poids tout particulier à la question de la fiscalité applicable aux carburants car, ainsi que nous l’avons montré dans une étude, le choix du type de motorisation que fait le consommateur est principalement déterminé par le prix du carburant.

C’est d’autant plus problématique que, le diesel étant moins cher que l’essence, les consommateurs ont été incités à se tourner vers la motorisation diesel, effectuant ainsi un choix technologique inadapté à l’usage qu’ils faisaient en général de leur véhicule. C’est l’une des raisons essentielles pour lesquelles nous militons en faveur d’une harmonisation de la fiscalité et d’une convergence entre le prix de l’essence et celui du diesel, afin d’assurer la neutralité des prix sur les choix des consommateurs.

Les annonces récentes vont certes dans le bon sens, mais nous attirons votre attention sur le fait que le parc de véhicules diesel étant beaucoup plus important que celui des véhicules essence, l’augmentation du prix du diesel va mathématiquement alourdir la pression fiscale globale sur les ménages. Selon nous, une solution plus équilibrée, qui préserve l’équilibre et maintienne les prélèvements fiscaux sur le carburant à leur niveau actuel aurait été préférable. Par ailleurs, une hausse de la fiscalité doit être programmée dans le temps, afin de permettre aux ménages de l’anticiper et de décider de leur achat de véhicule en conséquence.

En ce qui concerne à présent l’information des consommateurs, l’essentiel de l’information est fourni par l’étiquette environnementale, qui renseigne sur les émissions de CO2 et la consommation du véhicule, telle qu’elle a été mesurée lors des tests.

C’est donc sur ces critères que va se déterminer l’acheteur, sans prendre en compte les coûts « cachés » qui pourtant diffèrent grandement d’un carburant à l’autre : ni le coût de l’entretien ni le coût de l’assurance ne sont en effet identiques pour un véhicule diesel et un véhicule essence. Il est donc essentiel de réintégrer ses dépenses dans le calcul du coût du véhicule, de manière à pouvoir afficher un coût d’usage kilométrique de ce dernier. En fonction du nombre de kilomètres qu’il parcourt en moyenne, le consommateur aurait ainsi la possibilité de comparer différents produits technologiques et de choisir celui qui lui convient le mieux, en pouvant anticiper le coût d’usage global du véhicule.

En ce qui concerne enfin les tests et leur protocole, il faut tout faire pour limiter les possibilités d’optimisation. On n’a pas attendu le scandale Volkswagen en effet pour savoir qu’il s’agissait d’une pratique courante et que certains tests sont réalisés climatisation et veilleuses éteintes, certains équipements ayant été déconnectés, ce qui ne correspond pas aux conditions normales d’utilisation du véhicule

Un nouveau protocole est en cours d’élaboration et de validation. Soit il doit être très clairement encadré, soit les tests devront être réalisés sur des véhicules prélevés au hasard chez les concessionnaires afin de s’assurer que leurs performances correspondent bien à ce qui est vendu au consommateur.

Mme Delphine Batho, rapporteure. Pour ce qui concerne vos propres tests, dans quelles conditions sont-ils réalisés et comment vos protocoles sont-ils conçus ? Quels moyens avez-vous de garantir leur fiabilité ?

L’UFC-Que Choisir a-t-elle pris position sur la réforme de la procédure d’homologation qui est en cours au niveau européen ?

En matière de fiscalité, la convergence entre le diesel et l’essence va, selon vous et contrairement aux idées reçues, dans le sens de l’intérêt du consommateur. Vous recommandez qu’elle soit programmée dans le temps : sur combien d’années ?

Que pensez-vous de la récupération de TVA sur l’achat d’un véhicule diesel par les entreprises ?

Que pensez-vous enfin du bonus-malus mis en place par le Grenelle de l’environnement ?

Mme Marie-Jo Zimmermann. Il est normal que vous ayez un avis sur les protocoles de test mais quels échanges avez-vous sur le sujet avec les fabricants de moteurs diesel ?

Vous n’avez guère évoqué les véhicules électriques. Qu’avez-vous à en dire, notamment par comparaison aux véhicules diesel ? Avez-vous eu connaissance du rapport produit par l’Agence de l’environnement et la maîtrise de l’énergie ?

Faites-vous une différence entre les anciens moteurs diesel, réellement problématiques, et les nouveaux, dont la technologie s’est très nettement améliorée et qui émettent, selon les études, beaucoup moins de particules fines ? Avez-vous effectué des tests comparatifs qui nous assurent que vos propos en la matière sont parfaitement objectifs ?

M. Denis Baupin. Il faudra sans doute que notre commission auditionne également des médecins, car je pense qu’en matière de santé publique, ils ont des choses plus intéressantes à nous apprendre que les constructeurs automobiles ou les associations de consommateurs. Cela étant dit, je suis heureux que nous puissions entendre les porte-parole des consommateurs, dans la mesure où il apparaît que ces derniers peuvent être trompés, tant sur la question des émissions que sur celle de la consommation des véhicules. Il est donc crucial de trouver le moyen de leur garantir une information fiable.

L’UFC-Que Choisir a publié il y a quelques années une étude selon laquelle les trois quarts des acheteurs de véhicules diesel faisaient un mauvais calcul, car, à moins de vingt-cinq mille kilomètres effectués annuellement, la substitution du diesel à l’essence ne compense pas le prix plus élevé du véhicule à l’achat. Confirmez-vous ses données ?

L’âge moyen d’un acheteur de véhicule neuf en France est de cinquante-quatre ans et ne cesse même de croître ! Cela constitue un sérieux problème pour les constructeurs qui, en touchant une partie de plus en réduite de la population, risquent de voir baisser leurs ventes. Pouvez-vous nous confirmer ces chiffres et qu’en pensez-vous ?

Cette tendance ne doit-elle pas nous conduire à nous interroger sur le type de véhicules vers lesquels devraient se tourner en priorité les constructeurs de voiture, non seulement d’un point de vue environnemental mais également pour que l’offre corresponde aux besoins réels des consommateurs. Car, si le marché des voitures neuves se réduit, la mobilité est une réalité pour bon nombre de Français, qui ont donc besoin d’un véhicule. Dans cette optique, j’ai produit, avec Fabienne Keller, un rapport pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur la mobilité écologique, dans lequel nous suggérions que la généralisation de véhicules moins puissants, plus petits et moins consommateurs de carburants diminuerait non seulement la pollution mais préserverait également le pouvoir d’achat des ménages. Interrogés sur cette perspective, les constructeurs nous avaient confirmé qu’ils étaient techniquement capables de concevoir ce type de véhicules mais qu’ils ne le faisaient pas, ignorant s’ils trouveraient une clientèle. Existe-t-il des enquêtes qui nous permettent de déterminer si les consommateurs préfèrent payer plus cher pour en avoir plus sous la pédale ou s’ils sont prêts à renoncer à une partie de la puissance de leur véhicule – puissance qui, par ailleurs et pour leur plus grande frustration, ne leur est bien souvent d’aucun usage –pour gagner en pouvoir d’achat ?

M. Yves Albarello. Je possède pour ma part une voiture diesel et, parcourant plus de vingt-cinq mille kilomètres par an, j’ai donc atteint mon retour sur investissement. Cela étant, il me paraît compliqué d’intégrer, comme vous le préconisez, le coût d’entretien du véhicule dans son coût d’achat, ce coût dépendant du mode de conduite de son propriétaire qui peut, le cas échéant, entraîner une usure anormale du véhicule.

Par ailleurs, depuis le 1er septembre 2015, la nouvelle norme européenne d’émissions Euro 6 a succédé à la norme Euro 5, limitant les émissions d’oxydes d’azote à quatre-vingts milligrammes par kilomètres.

Sans vouloir à tout prix défendre le diesel, je rappelle néanmoins que notre pays est leader dans la construction de moteurs diesel et souhaiterais savoir si ces progrès en termes d’émission de particules fines sont de nature à modifier votre opinion sur l’usage de ce carburant ?

M. Jean-Yves Caullet. Je suis sensible à la notion de véhicule pertinent développée par Denis Baupin et je pense que les concessionnaires devraient informer leurs clients sur le fait que, pour de petits déplacements, un moteur à essence est préférable, tant d’un point de vue financier que parce que, sous-utilisé, un moteur diesel ne remplit pas son office. Il faut se souvenir qu’historiquement le moteur diesel – solide mais bruyant – était réservé aux véhicules à usage professionnel et qu’ils n’ont été améliorés, notamment rendu moins bruyant, que pour faire bénéficier les particuliers de l’avantage financier que présentait à l’origine le diesel moins taxé que l’essence, pour aider les gros utilisateurs professionnels.

Aujourd’hui sont proposées aux pompes différentes sortes de diesel. La qualité de ces carburants a-t-elle une incidence sur la performance des moteurs, notamment en termes de pollution, ou n’est-ce que de la poudre aux yeux ?

Les véhicules diesel semblent consommer moins au kilomètre que les véhicules essence : dans quelle mesure cela joue-t-il dans le choix du carburant ?

Que ce soit pour passer à des véhicules essence ou à des véhicules diesel d’une autre génération, il va falloir renouveler le parc automobile. Quelles seraient, selon vous, les incitations les plus pertinentes pour accompagner les consommateurs ?

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. L’étude de l’ADEME à laquelle faisait référence Marie-Jo Zimmermann indique que, pour rentabiliser l’utilisation d’un véhicule électrique, il faut parcourir entre cinquante mille et cent mille kilomètres par an. Ce type d’argument ne doit donc pas être limité au seul diesel.

Par ailleurs, ne pensez-vous pas que les nouveaux protocoles de test doivent impérativement être élaborés au niveau européen pour ne pas exposer les constructeurs nationaux à une concurrence déloyale ?

M. Cédric Musso. J’indique d’emblée que nous ne serons pas en mesure de répondre à toutes vos questions et que, n’étant pas le CREDOC mais une association de consommateurs, nous ne pourrons pas non plus vous renseigner sur tel ou tel point concernant l’opinion ou les pratiques des Français.

Je puis en revanche vous indiquer que nos protocoles de test sont les mêmes que ceux des autres associations de consommateurs partout dans le monde, leurs résultats étant ensuite mutualisés. Ils sont effectués sur des véhicules que nous achetons. Nous dévions cependant du protocole officiel afin de nous rapprocher le plus possible des conditions réelles de circulation ; plus précisément, nous simulons un parcours autoroutier d’une vingtaine de kilomètres, avec plusieurs phases de changement de vitesse. Le véhicule est mis en conditions réelles d’utilisation avec ses accessoires et équipements allumés – feux de jour ou feux de croisement, air conditionné, ventilation et autoradio. Je précise que ces tests sont effectués sur des véhicules d’occasion, notre budget ne nous permettant pas de les effectuer sur des véhicules neufs.

Nous sommes conscients néanmoins que les conditions réelles d’utilisation sont différentes d’un consommateur à l’autre et qu’en fonction du type de conduite, la consommation d’un véhicule peut varier jusqu’à 30 %. Il n’en reste pas moins qu’entre un test réalisé en laboratoire, dans des conditions d’optimisation, et un test réalisé sur route, les résultats obtenus n’ont pas la même crédibilité.

Il est indéniable que notre discours sur le diesel va à l’encontre d’un certain nombre d’idées reçues partagées par la majorité des consommateurs. C’est ce qu’il ressortait du sondage que nous avions réalisé en octobre 2012 avec l’institut CSA, qui révélait que 84 % des Français estimaient que le diesel offrait un avantage tarifaire et que 71 % d’entre eux parcouraient moins de vingt mille kilomètres chaque année, seuil qui permet un retour sur investissement.

En ce qui concerne le bonus-malus, l’UFC-Que Choisir y a toujours été favorable, au point de réclamer son instauration sur les équipements électroménagers.

M. Denis Baupin. Très bien !

M. Cédric Musso. Madame Zimmermann, nous ne refusons pas le dialogue avec les fabricants de moteurs diesel, mais je ne vous cache pas que nos positions sur la libéralisation des pièces détachées ont quelque peu terni les relations que nous avions avec les constructeurs automobiles. Nous n’avons actuellement pas d’échanges sur la question spécifique du diesel mais ce n’est pas exclu pour l’avenir car en aucun cas l’UFC-Que Choisir ne crie haro sur le diesel. Nous ne lui sommes pas hostiles par principe mais réclamons, d’une part, que les informations données au consommateur reposent sur des données objectives et, d’autre part, que les différentes mesures politiques qui peuvent être prises respectent le principe de neutralité technologique.

Je ne saurais vous répondre précisément sur ce que devrait être le véhicule de demain mais ce qui est sûr, c’est que nous sommes en train d’évoluer d’une économie de la possession à une économie de l’usage, ce qui se traduit, dans le domaine de l’automobile, par un fort développement de l’auto-partage.

Nous n’avons pas encore testé la qualité des différents types de carburant, mais pourquoi, en effet, ne pas le suggérer à nos ingénieurs ?

En matière de tests, il faut indéniablement une harmonisation européenne et une réglementation qui mette fin aux pratiques d’optimisations. Celles-ci existaient bien avant le scandale Volkswagen, et cela fait des années que l’UFC-Que Choisir – membre du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), lequel rassemble quarante organisations européennes – s’est aperçu en procédant à ses propres tests qu’il existait un décalage entre la consommation et les émissions alléguées par les constructeurs d’une part et ses propres résultats d’autre part. Nous avons donc demandé un renforcement des normes, mais la Commission ne nous a que partiellement entendus. C’est la raison pour laquelle, à la suite de l’affaire Volkswagen, nous venons de la saisir à nouveau.

M. Nicolas Mouchnino. Nous n’avons pas étudié avec précision le temps nécessaire à la convergence de la fiscalité et au renouvellement du parc. En tout état de cause, il faudrait en aligner les délais sur la durée moyenne de conservation d’un véhicule par ses différents propriétaires.

La question des véhicules électriques m’amène également à évoquer celle du gaz naturel pour véhicules (GNV), largement promu à une époque, ce qui a entraîné un certain nombre de consommateurs à se lancer dans l’aventure… avant de se retrouver abandonnés en rase campagne. En effet, alors qu’on leur avait promis des centaines de stations, il n’y en a à ce jour qu’une trentaine en France, ce qui complique les déplacements pour des véhicules ayant une autonomie d’une centaine de kilomètres, sachant que les propriétaires ne sont plus autorisés à avoir de compresseurs chez eux pour pouvoir les recharger. Il est donc important, lorsque l’on fait la promotion de nouvelles technologies – que ce soit l’électricité ou, dans un avenir plus lointain, l’hydrogène – de veiller à assurer leur accessibilité.

Nous ne prônons pas un type de véhicule plutôt qu’un autre mais voulons que soit garantie la neutralité technologique. En d’autres termes, nous considérons qu’aucun élément extérieur, comme la fiscalité, ne doit venir parasiter le choix des ménages entre deux technologies, dont ils doivent pouvoir retenir la plus conforme à leur usage et aux objectifs environnementaux fixés par les pouvoirs publics.

C’est la raison pour laquelle la fiscalité sur les carburants ne nous paraît pas adaptée, car elle ne sert aucun objectif ni environnemental ni énergétique. La réglementation européenne en revanche peut aider à la convergence, car la norme Euro 6 contraint les conducteurs à concevoir des citadines à motorisation à essence dans la mesure où il devient trop coûteux d’équiper ces véhicules de filtres à particules. On observe ainsi ces derniers temps une légère augmentation de l’achat de véhicules essence.

Monsieur Albarello, vous m’avez objecté que le coût d’entretien d’un véhicule était difficile à déterminer a priori. Il faut en fait différencier l’entretien – normé par les constructeurs – de la réparation. Les coûts de révision d’un véhicule sont donc prévisibles et peuvent être intégrés dans le coût kilométrique, ce qui permet d’obtenir un coût d’usage moyen.

Mme la rapporteure. On ne peut mettre sur le même plan les pratiques d’optimisation courantes chez les constructeurs qui n’effectuent pas leurs tests dans les conditions réelles d’utilisation et le trucage délibéré dont s’est rendue coupable la firme Volkswagen. Je m’étonne d’ailleurs que vous considériez qu’il n’y a pas eu, en l’occurrence, de préjudice économique pour les consommateurs français. Vous fondez-vous pour affirmer cela sur les bases légales que la loi Hamon a définies pour l’action de groupe ? Par ailleurs, avez-vous, suite à ce scandale, été sollicités par des propriétaires français de véhicules Volkswagen ?

Pourriez-vous également nous en dire davantage sur les différences qui existent entre les normes en vigueur en Europe et aux États-Unis ?

En ce qui concerne la convergence de la fiscalité sur le diesel et l’essence, certains s’y opposent au motif que cela conduirait à une dépréciation de la valeur des véhicules diesel sur le marché de l’occasion. Qu’en pensez-vous ?

Quelle est enfin votre opinion sur la prime à la conversion instaurée pour inciter les consommateurs à remplacer leurs vieux véhicules diesel par des véhicules propres ?

M. Cédric Musso. Nous avons en effet été massivement sollicités par les consommateurs suite à l’affaire Volkswagen, parce que les médias ont assimilé la situation européenne à la situation américaine et que de nombreux collectifs se sont formés pour inciter nos concitoyens à engager une action de groupe, via notamment le site internet Class Action VW. Si nous avons émis une voix dissonante, c’est que, je le répète, telle qu’elle a été définie par la loi relative à la consommation, l’action de groupe est limitée au seul préjudice matériel et économique et ne peut en aucun cas concerner un préjudice moral ou environnemental.

Or le consommateur européen n’a pas été exposé à la même information que le consommateur américain, puisque la norme NOx ne figure pas sur les fiches techniques des véhicules commercialisés en Europe. Il ne s’agit pas pour autant de rester les bras croisés ; des plaintes ont été déposées et nous nous constituerons le cas échéant partie civile le moment venu.

Quant à la question du préjudice économique subi en cas de dépréciation du véhicule sur le marché de l’occasion, tout le problème est, d’une part, de démontrer le lien de causalité entre la tricherie et la dépréciation, et, d’autre part de quantifier très précisément le préjudice individuel. La forfaitisation d’un tel préjudice faciliterait évidemment le lancement d’une action de groupe, mais ce n’est pas dans notre tradition juridictionnelle. D’où la difficulté, voire l’impossibilité, de mettre en place ce type d’action.

Nous n’avons pas de position arrêtée sur la prime à la conversion mais restons méfiants sur les effets d’aubaine qu’elle pourrait entraîner, ce type d’aides incitant le plus souvent les professionnels à renchérir leur prix.

Mme la rapporteure. Avez-vous constaté ce type de phénomène lors de la mise en place des « jupette », « balladurette » ou autres primes à la casse ?

M. Cédric Musso. Ce n’est qu’un sentiment a priori, mais je pourrai vous répondre plus précisément après plus ample vérification.

M. Nicolas Mouchnino. Globalement, il est difficile d’évaluer la dépréciation d’un véhicule diesel du fait d’une baisse de la fiscalité sur le carburant Cela dépendra essentiellement du temps sur lequel s’effectuera la convergence. Plus il sera court, plus le risque de dépréciation est en effet élevé, ce qui est d’autant plus préjudiciable pour le consommateur que la perspective de mieux revendre un véhicule diesel qu’un véhicule essence pèse également dans la décision d’achat.

M. Denis Baupin. Vous ne vous êtes pas prononcé sur la déductibilité de la TVA dont bénéficient les entreprises pour leurs véhicules diesel, mais que pensez-vous d’étendre cette même déductibilité aux véhicules essence, ce qui améliorerait la convergence entre les deux types de motorisation ? J’ai déposé des amendements en ce sens sur le projet de loi de finances pour 2016, sachant que, le parc professionnel étant composé à 96 % de véhicules diesel, il s’agit d’une mesure qui ne coûterait pas grand-chose à l’État et inciterait en particulier de nombreux chauffeurs de taxi à opter pour les technologies hybrides.

D’autre part, que pensez-vous des futures pastilles écologiques ? Ces pastilles doivent-elles être accordées pour toute la durée de vie du véhicule ou faudrait-il reconsidérer leur attribution à chaque contrôle technique ?

Enfin, la prime à la conversion instaurée par la loi sur la transition énergétique doit-elle s’appliquer au rachat d’un véhicule d’occasion ? Cela aurait deux avantages : d’une part, cela éviterait que cette prime soit réservée à ceux qui ont les moyens d’acheter un véhicule neuf, ce qui la rendrait socialement plus juste ; d’autre part, cela contribuerait à développer un marché de l’occasion pour les véhicules propres.

M. Nicolas Mouchnino. L’UFC-Que Choisir n’a pas vocation à se positionner sur les questions concernant les entreprises – en l’occurrence, la déductibilité de la TVA, qui nous ramène, cela étant, à la manière dont se construit la fiscalité. La réforme de la fiscalité sur les carburants est un serpent de mer et fait l’objet de discussions à Bruxelles depuis plusieurs années dans le but d’envoyer un signal-prix correct aux consommateurs et d’intégrer dans son calcul les données énergétiques et environnementales.

Nous défendons la même logique en ce qui concerne la pastille écologique, qui doit garantir la neutralité technologique. Quant à la durée de son attribution, elle peut certes dépendre de l’évolution des technologies mais il nous semble que le plus important est que le dispositif de régulation de la circulation attaché à ces pastilles prenne également en compte des facteurs économiques et sociaux, comme le fait que la voiture reste indispensable à nombre de nos concitoyens pour se rendre sur leur lieu de travail ou faire leurs courses.

M. Cédric Musso. Nous n’avons pas de position officielle le fait d’étendre la prime de conversion à l’achat d’un véhicule d’occasion. Il faut toutefois faire attention, derrière un objectif louable, aux effets pervers : des véhicules qui, à défaut d’avoir été bien entretenus, auraient perdu de leurs performances énergétiques et environnementales ne doivent en aucun cas pouvoir en bénéficier. Cela implique que des contrôles soient mis en place.

Mme la rapporteure. Nous touchons là à la différence entre le prototype et ses déclinaisons. Ce qui nous ramène à la question des pastilles : doivent-elles être attribuées en fonction des caractéristiques techniques du modèle original ou après évaluation des performances de chaque exemplaire du véhicule ?

En définitive, pensez-vous que c’est grâce à une réforme des procédures de test, à une meilleure prise en compte du coût d’usage des véhicules et à une réglementation plus stricte de la publicité que l’on parviendra, en garantissant une meilleure transparence, à restaurer la confiance des consommateurs dans l’industrie automobile et, plus globalement, dans l’industrie manufacturière en général ?

M. Cédric Musso. Chaque scandale débouche invariablement sur l’idée qu’il faut fiabiliser l’information donnée aux consommateurs et renforcer les contrôles. En ce qui concerne la fiabilisation de l’information, cela commence par l’information précontractuelle, en particulier la publicité, domaine dans lequel il y a beaucoup à faire. Quant aux contrôles, nous estimons qu’ils doivent être récurrents. Mais, pour restaurer la confiance, il faudra aussi en finir avec certaines idées reçues, ce qui, dans le domaine automobile, concerne au premier chef la question de l’entretien des véhicules, qui ne doit plus être l’apanage du constructeur, au prétexte qu’il est le mieux placé pour le faire. Nos études soulignent au contraire que l’entretien est systématiquement plus cher lorsqu’il est réalisé par un opérateur du réseau plutôt que par la concurrence. La loi Hamon a renforcé les obligations d’information à ce sujet, ce qui n’empêche pas la publicité de se focaliser très largement sur les offres du constructeur en la matière, en le désignant comme le seul capable d’entretenir le véhicule. Nous demandons donc que l’information délivrée au consommateur dans le cadre des contrats d’entretien soit plus strictement contrôlée.

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. Messieurs, nous vous remercions pour vos interventions et les réponses que vous nous avez fournies.

La séance est levée à dix-sept heures cinquante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Réunion du mercredi 28 octobre 2015 à 16 h 30

Présents. - M. Yves Albarello, Mme Delphine Batho, M. Denis Baupin, M. Jean-Marie Beffara, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean Grellier, Mme Sophie Rohfritsch, M. Éric Straumann, Mme Marie-Jo Zimmermann

Excusés. - M. Frédéric Barbier, M. Jean-Pierre Maggi, M. Rémi Pauvros, M. Patrice Prat