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Mardi 15 mars 2016

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 32

Présidence de Mme Sophie Rohfritsch, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Nicolas Paulissen, délégué général de la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR), accompagné de de M. Benoit Daly, secrétaire général, et de Mme Élisabeth Charrier, déléguée régionale..

Mission d’information
sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

La séance est ouverte à onze heures quarante.

La mission d’information a entendu M. Nicolas Paulissen, délégué général de la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR), accompagné de M. Benoit Daly, secrétaire général, et de Mme Élisabeth Charrier, déléguée régionale.

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. Nous accueillons ce matin les représentants de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), en la personne de M. Nicolas Paulissen, délégué général, accompagné de M. Benoit Daly, secrétaire général, et de Mme Élisabeth Charrier, déléguée régionale.

La FNTR est la première organisation professionnelle représentative d’un secteur que l’on sait vital pour notre activité économique.

En France, le transport routier de marchandises reste dominant pour l’acheminement des biens et des matières premières. Il est indispensable à toute activité commerciale, y compris pour la problématique complexe des livraisons au sein des zones urbaines.

Le trafic routier est même en croissance sur certains grands axes, mais avec une présence toujours plus importante des transporteurs étrangers sur le réseau français. Dans le même temps, les transporteurs français ont enregistré une perte de compétitivité de leur activité à l’international, à l’exception de quelques grandes sociétés.

La FNTR est une organisation responsable qui veut être une force de proposition. Son positionnement sur la mise en œuvre de l’écotaxe témoignait de cet état d’esprit, jusqu’à l’abandon brutal de ce dispositif par le Gouvernement.

Sans relancer un débat sur ce thème, on notera qu’en Allemagne la mise en œuvre de la LKW-Maut, l’équivalent de l’écotaxe, a été l’occasion pour les pouvoirs publics de soutenir la modernisation du parc.

Des aides ont été accordées aux entreprises du transport routier pour acquérir des véhicules aux normes Euro 5+ ou Euro 6. L’Allemagne a ainsi favorisé le développement d’un parc plus performant et nettement moins polluant. Ce pays a donc consolidé la compétitivité de son secteur des transports.

Vous allez, bien évidemment, évoquer devant nous la problématique des émissions de polluants. D’abord, en nous faisant part des éléments en votre possession sur l’âge moyen et les autres traits d’évolution du parc « poids lourds » français.

Le diesel restera longtemps le mode de motorisation indispensable au trafic routier de marchandises sur les longues distances.

L’électricité, le gaz naturel pour véhicules (GNV) et, plus loin encore, l’hydrogène représentent des solutions spécifiques, mais susceptibles d’être mises en œuvre de façon progressive, et d’abord dans les transports urbains. Pour les camions, il existe toutefois certaines solutions de moteurs diesel hybrides, une voie qui ne semble pas aussi prometteuse pour les véhicules légers.

Nous allons d’abord vous écouter, au titre d’un bref exposé de présentation. Puis, Mme la rapporteure, Delphine Batho, vous posera un premier groupe de questions.

M. Nicolas Paulissen, délégué général de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR). Je souhaite évoquer, dans mon propos liminaire, la problématique du développement durable dans notre secteur. Je suis accompagné de Mme Élisabeth Charrier, qui est déléguée régionale de la FNTR, mais aussi secrétaire générale de la FNTR Île-de-France, et donc, au courant des problématiques du dernier kilomètre et de la livraison en ville, et de M. Benoit Daly, secrétaire général de la FNTR, également responsable, chez nous, de toutes les questions de développement durable.

Notre secteur, le transport routier de marchandises, joue un rôle d’intérêt général, notamment dans le B to C (Business to Consumers – « des entreprises aux particuliers »), mais également, ce qui est moins connu, dans le B to B (Business to Business – « des entreprises aux entreprises »). Quand on évoque notre secteur et le développement durable, il faut mesurer le rapport coût-bénéfice pour l’économie. Nous avons, certes, des externalités négatives, mais également des externalités positives, qu’il faut prendre en compte.

Les entreprises de transport routier de marchandises, que défend la FNTR, ne sont pas tout le transport routier. Nous représentons plus spécifiquement ce que nous appelons le « transport pour compte d’autrui » – nos entreprises travaillent pour d’autres –, qu’il faut distinguer du « transport pour compte propre », assuré par des entreprises qui possèdent en propre des flottes pour assurer leur distribution.

En 2013, le compte d’autrui représentait à peu près 50 % du parc de poids lourds français.

Les poids lourds assurant le transport routier de marchandises représentent 4,8 % de la circulation, contre 71 % pour les voitures particulières immatriculées en France. Cela explique que nos poids lourds ne représentent que 6,7 % des émissions de CO2 en France. L’ensemble du transport routier représente à peu près 34 % des émissions, dont 19 % pour les véhicules particuliers. Nous ne représentons que 17 % de la consommation de diesel en France.

Ces distinctions ne nous exonèrent pas de nos responsabilités, mais nous sommes convaincus qu’il faut bien distinguer les secteurs pour bien traiter les problèmes et prendre les mesures adaptées à chacun des modes de transport routier.

Le transport routier de marchandises (TRM) s’inscrit pleinement dans le développement durable depuis vingt-cinq ans. Nous sommes convaincus que, en la matière, le transport routier de marchandises n’est pas le problème, mais la solution. Il faut donc accompagner notre secteur dans ses efforts de développement durable. C’est ce que nous souhaitons démontrer aujourd’hui devant vous.

En ce qui concerne la lutte contre les gaz polluants, par exemple, des progrès considérables ont été accomplis dans notre secteur au cours des vingt-cinq dernières années. Je fais référence à la démarche européenne visant à mettre en place les normes Euro, qui a commencé au début des années quatre-vingt-dix et a donné des résultats spectaculaires en ce qui concerne les quatre gaz polluants réglementés par l’Union européenne.

Les émissions ont diminué de 97 % pour les NOx, de 97 % pour les particules, de 94 % pour les hydrocarbures et de 86 % pour le monoxyde de carbone.

On n’a pas assez souligné les performances de la norme Euro 6, qui sont aujourd’hui reconnues par les autorités publiques, notamment par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), et qui sont particulièrement nettes dans la lutte contre les gaz polluants. Le ministère du développement durable reconnaît, dans l’un de ses documents, que la norme Euro 6 est la mesure la plus efficace pour réduire les gaz polluants dans le transport routier.

Bien entendu, les progrès que je vous ai signalés ne prennent pas en compte l’effet de renouvellement du parc. Ce renouvellement est assez rapide dans le secteur du transport routier de marchandises. Selon les chiffres de 2015, les deux dernières normes, Euro 5 et Euro 6, représentent déjà 57,5 % de l’ensemble du parc, en prenant en compte le transport pour compte d’autrui et le transport pour compte propre. Les normes antérieures à la norme Euro 3 ne représentent plus que 10,6 % du parc.

Si je me réfère aux chiffres du Comité national routier, qui travaille sur un échantillon de quelques centaines d’entreprises particulièrement représentatives de notre secteur, l’effet de renouvellement du parc est beaucoup plus accentué puisque les véhicules aux normes Euro 5 et Euro 6 représentent 77,6 % du parc de l’échantillon considéré, soit plus des trois quarts, contre 0,9 % pour les véhicules soumis à des normes antérieures à la norme Euro 3. Cela montre que le renouvellement du parc est plus rapide dans les entreprises pour compte d’autrui que dans les entreprises pour compte propre, ce qui est bien naturel puisque nos véhicules, roulant beaucoup plus que ceux des entreprises pour compte propre, sont soumis à un renouvellement plus important. Nos entreprises investissent 420 millions d’euros par an pour le renouvellement du parc, sachant qu’un véhicule soumis à une norme supérieure est évidemment plus cher.

J’en viens à une autre préoccupation des pouvoirs publics, la lutte contre le CO2. L’ensemble du transport routier représente 34,1 % des émissions de CO2 en France, les poids lourds ne représentant que 6,7 %, contre 19,1 % pour les véhicules particuliers. Pour être exact, si l’on rajoute aux poids lourds les véhicules utilitaires légers, on atteint, pour les émissions de CO2, le chiffre de 13,5 %.

Cela étant, nos émissions de CO2 n’ont augmenté que de 1,8 % entre 1990 et 2012, en dépit d’une l’augmentation de 27 % de l’activité de nos entreprises pendant la même période. On peut donc dire qu’il y a, depuis vingt ou vingt-cinq ans, une stabilité des émissions de CO2 dans le secteur du transport routier de marchandises, ce qui s’explique par une performance énergétique de nos véhicules plus importante qu’auparavant. Les émissions de CO2 par tonne de marchandises transportées ont diminué de 28 % par rapport à leur niveau de 1995. Cette performance énergétique est due aux évolutions technologiques des véhicules, mais aussi à une meilleure organisation des flux au sein de nos entreprises, à l’utilisation des outils informatiques et à la volonté qu’elles ont de s’inscrire dans le développement durable.

De ce point de vue, deux opérations ont donné des résultats tout à fait positifs dans notre secteur. La démarche des engagements volontaires de réduction de nos émissions de CO2, que l’on appelle la charte « Objectif CO2 », a permis à nos entreprises d’économiser un million de tonnes de CO2, selon les chiffres de l’ADEME.

Jeudi prochain aura lieu le lancement officiel du « label CO2 », en présence des ministres, Mme Royal et M. Vidalies. Ce label vise à reconnaître, non pas les progrès accomplis par nos entreprises, comme la démarche « Objectif CO2 », mais les performances environnementales en termes d’émissions de CO2 que nous avons pu atteindre.

La profession a travaillé à ce dispositif avec l’ADEME et le ministère du développement durable. Nous tenons beaucoup à ce label, dont les enjeux sont très forts en termes de développement durable et dont nous allons assurer la promotion auprès de nos entreprises, qui sont essentiellement des PME et des TPE.

Il s’agit là de démarches volontaires : nous avons été proactifs dans la lutte contre les gaz polluants et les émissions de CO2, et nous avons obtenu des résultats. Nous devons maintenant réussir la transition énergétique. Jusqu’à ce jour, il était difficile de recourir à des énergies alternatives. L’électrique et l’hybride étant réservés à la distribution urbaine, au dernier kilomètre, il s’agissait plutôt d’un marché de niche. Mais, depuis un an ou deux, se développe la possibilité de recourir au gaz naturel pour véhicules. Cela devrait faciliter la transition énergétique, mais nous devrons privilégier un mix énergétique et le diesel restera bien entendu un carburant largement utilisé par nos entreprises. Autrement dit, à chaque transport correspond son énergie, car une énergie donnée convient mieux à certains types de trafic, selon les distances parcourues ou la nature des trajets. Notre objectif est d’utiliser la meilleure énergie pour chaque usage, dans un contexte de développement durable.

C’est pourquoi nos entreprises s’intéressent au GNV, qui permet d’éliminer la problématique des particules liées au gazole, très prégnante en ville, ainsi qu’une diminution moyenne de 50 % des oxydes d’azote, les NOx. Le GNV marque également un avantage par rapport au diesel en matière de CO2. L’intérêt de cette énergie nouvelle est indéniable, d’autant plus quand on fait appel au biométhane, qui mérite d’être amplement développé.

J’en viens aux coûts externes. Permettez-moi d’abord d’insister sur la question des externalités, pour regretter l’absence d’études sérieuses et globales en la matière. Bien des chiffres sont cités, mais il est difficile de se faire une idée précise. En ce qui concerne les finances publiques, je rappelle que le mode routier rapporte beaucoup plus à l’État qu’il ne lui coûte. Selon les chiffres de 2011, les dépenses consacrées aux routes s’élèvent globalement à 16 milliards d’euros, alors que les recettes sont de 38 milliards.

En ce qui concerne l’écotaxe, notre profession a pris ses responsabilités en acceptant l’augmentation de 4 centimes sur le gazole au 1er janvier 2015, 2 centimes au titre de la taxe carbone et 2 centimes au titre de l’augmentation de la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Nous en avions été exonérés au titre de l’écotaxe ; l’écotaxe ayant été abandonnée, nous avons accepté cette augmentation de 4 centimes, pour solde de tout compte. Le secteur verse donc sa contribution à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), comme il s’y était engagé lors de la suspension sine die de l’écotaxe.

En conclusion, je voudrais rappeler brièvement ce que la FNTR demande aux pouvoirs publics. Nous souhaitons être accompagnés dans nos efforts en termes de développement durable. Nos entreprises ont besoin de stabilité et d’une visibilité fiscale pour développer, notamment, le GNV, car les véhicules utilisant cette énergie, plus chers que ceux roulant au gazole, entraînent un surcoût à l’investissement et à l’entretien. L’outil fiscal en matière de GNV est donc important dans notre secteur.

Nous sommes opposés à l’écotaxe, notamment sous sa forme régionale, car sa mise en œuvre entraînerait d’inacceptables distorsions de concurrence entre les entreprises en fonction de leur localisation régionale. Nous sommes conscients de la problématique du trafic de poids lourds étrangers, mais en Île-de-France, par exemple, ceux-ci représentent moins de 5 % du trafic des poids lourds. On peut donc se demander s’il est bien judicieux d’« écotaxer » toutes les entreprises de transport routier de marchandises, dont 95 % sont françaises, pour toucher 5 % de poids lourds étrangers.

Il doit y avoir une cohérence des politiques en matière de développement durable. Ainsi, la FNTR est opposée à la circulation alternée, mais favorable aux critères des normes Euro. Nous soutenons également les mesures d’identification des véhicules, qui permettront de moduler la circulation des véhicules en fonction des normes Euro qu’ils respectent, notamment dans les zones à circulation restreinte et en cas de pic de pollution. Nous déplorons simplement que le projet d’arrêté sur la classification des poids lourds ne reconnaisse pas à sa juste valeur la norme Euro 6, alors qu’elle est particulièrement performante en matière de gaz polluants et de gaz à effet de serre.

Toutes ces mesures liées aux modulations de circulation en fonction de la norme Euro ne seront acceptables économiquement pour nos entreprises que si elles s’inscrivent dans le cadre d’un calendrier réaliste, prenant en compte nos contraintes économiques et les efforts déjà consentis. C’est pourquoi je parle de cohérence des pouvoirs publics. Nous avons besoin de temps pour nous adapter et pour que le renouvellement du parc se fasse dans des conditions optimales.

Enfin, nous sommes particulièrement heureux du lancement officiel, jeudi prochain, du label CO2.

M. Xavier Breton. Vous avez bien montré les efforts souvent méconnus qu’a consentis la filière des véhicules industriels en matière de développement durable.

Ma première question concerne les affaires qui ont fait la une de l’actualité dans le domaine automobile. Le camion pourrait-il être concerné ? Les systèmes de contrôle antipollution et d’homologation sont-ils les mêmes que ceux qui existent pour les automobiles ?

Ma seconde question porte sur le renouvellement du parc. Y a-t-il, au niveau européen, des dispositifs d’accompagnement permettant d’améliorer les normes environnementales, dont nous pourrions nous inspirer ? Il reste encore des camions soumis aux normes Euro 3 ou Euro 4. Existe-t-il des dispositifs d’incitation qui permettraient d’accélérer le renouvellement du parc ?

M. Nicolas Paulissen. En ce qui concerne le dossier Volkswagen, les normes Euro ne sont pas les mêmes pour les poids lourds et pour les véhicules particuliers. Les normes poids lourds sont beaucoup plus strictes. Évidemment, aucun secteur n’est à l’abri des fraudes, mais, c’est une obligation pour les constructeurs, les seuils théoriques fixés par la norme Euro 6 doivent être effectifs en situation réelle pendant sept ans. Il n’est pas question que les émissions bondissent trois jours, voire un an après la mise en circulation du véhicule. C’est, en l’occurrence, une question de contrôle.

L’Europe n’interdit pas les dispositifs d’accompagnement pour le renouvellement du parc, sauf lorsque la norme est devenue obligatoire. Ainsi, il ne serait pas possible, aujourd’hui, d’aider les entreprises à passer à la norme Euro 6, qui est obligatoire depuis le 1er janvier 2014. Les États sont libres de mettre en place des dispositifs avant que les normes Euro ne deviennent obligatoires, ce qui fut le cas de la LKW-Maut en Allemagne.

En revanche, le vote par la représentation nationale, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, de l’extension de l’amortissement exceptionnel du plan Valls aux poids lourds roulant au GNV est un signal positif envoyé à nos entreprises.

Nous sommes aussi particulièrement attentifs au projet de l’ADEME, qui vise à créer un fonds pour aider les entreprises à acquérir des véhicules roulant au GNV – bien que l’offre des constructeurs, dont les investissements ont privilégié la norme Euro 6, soit peu importante en la matière –, en prenant en charge une partie du surcoût occasionné, mais aussi à mettre en place des stations d’avitaillement, trop peu nombreuses pour l’instant. Sachant qu’il faut à peu près quinze véhicules pour qu’une station d’avitaillement au GNV trouve son équilibre économique, ce fonds permettrait en effet de lutter contre l’absence de stations publiques : notre organisation est particulièrement favorable au développement de celles-ci, même si des stations privées peuvent également s’installer à l’initiative de certains grands chargeurs.

En ce qui concerne l’amortissement exceptionnel, ce type de dispositif existe déjà en France. Nous attendons le lancement officiel du fonds prévu par l’ADEME et espérons que le feu vert sera donné par les politiques. Ce dispositif se fonde sur l’expérimentation « GNVolontaire » qui s’est déroulée en Rhône-Alpes, qui a donné des résultats positifs et que l’ADEME souhaite pouvoir reproduire sur l’ensemble du territoire national. Nous y sommes tout à fait favorables et sommes même partie prenante du projet.

Mme Delphine Batho, rapporteure. Vous connaissez sans doute les débats sur l’homologation, dont vous dites qu’elle est plus stricte pour les poids lourds. L’écart entre les cycles d’homologation et la réalité est en effet moins important pour les camions que pour les véhicules particuliers. Avez-vous des remarques à nous communiquer sur ce processus d’homologation, les règles qui y président et sur les structures chargées du processus ? Vous connaissez probablement les doutes qui existent sur l’indépendance de ces structures et le débat sur la révision des règles européennes en la matière.

Estimez-vous que le rétrofit soit une solution d’attente moins onéreuse pour faire baisser les émissions polluantes des poids lourds les plus anciens ? Ou bien pensez-vous que ce n’est pas une solution pertinente ?

Vous avez évoqué le besoin de stabilité fiscale, mais les exemples que vous avez cités à ce propos n’étaient pas très clairs. Pourriez-vous développer davantage la question de l’écart entre le diesel et l’essence ?

En ce qui concerne le GNV, nous avons procédé à des auditions qui montrent l’intérêt de cette énergie. Pensez-vous qu’elle deviendra la solution de référence en Europe pour le transport de marchandises ? Faut-il tout miser sur le GNV ou laisser la porte ouverte à d’autres solutions ? Et si oui, lesquelles ? D’autres pays sont-ils plus avancés que la France, s’agissant notamment des infrastructures en matière de GNV ? Je précise que j’ai bien entendu ce que vous avez dit sur l’offre des constructeurs.

M. Benoit Daly, secrétaire général de la FNTR. Concernant l’homologation des véhicules de transport routier de marchandises et les écarts entre cycles réels et cycles théoriques, les procédures prévoient des vérifications régulières des véhicules. Ces écarts sont nettement moins importants que ceux constatés pour les véhicules particuliers et nous permettent de confirmer les allégations des constructeurs. Nous avons lancé en Rhône-Alpes, dans le cadre du déploiement d’une solution GNV, une expérimentation intitulée « Équilibre », encadrée par des scientifiques, notamment par l’ADEME, et qui vise à vérifier si les consommations et les émissions alléguées par les constructeurs sont réelles, y compris pour les émissions de CO2, de NOx et de particules.

L’intérêt technique du rétrofit, qui permet d’atteindre des normes supérieures, est évident, mais, dans notre secteur, dont la marge bénéficiaire annuelle, extrêmement faible, est de l’ordre de 1 %, la question principale reste celle du coût de revient des opérations. Pour un poids lourd ancien, déjà passablement amorti et ayant plusieurs centaines de milliers de kilomètres au compteur, l’utilisation d’un dispositif de rétrofit, notamment dans le traitement des post-carburations, revient extrêmement cher, représentant quasiment 50 % de la valeur résiduelle du véhicule, ce qui rend le procédé inopérant du point de vue économique.

M. Nicolas Paulissen. Si nous souhaitons que nos entreprises recourent au GNV, énergie plus performante du point de vue environnemental, nous devons avoir de la visibilité sur la fiscalité. Notre secteur, qui n’utilise pas l’essence, ne demande pas de modification de l’écart de fiscalité entre le diesel et l’essence, mais les pouvoirs publics pourraient inciter nos entreprises à développer le GNV et à adopter des solutions plus respectueuses de l’environnement.

Si l’on replace la question du GNV dans un contexte plus européen, on voit que certains pays sont plus avancés que le nôtre en la matière. C’est notamment le cas en Italie où le GNV ne concerne pas seulement les poids lourds, mais aussi les véhicules particuliers : cela explique d’ailleurs la légère avance que peut avoir le constructeur IVECO, d’origine italienne, dans l’offre de véhicules roulant au GNV. Mais les autres constructeurs se lancent et vont proposer de nouveaux types de véhicules. Si le GNV se développe dans notre secteur, l’offre des constructeurs suivra donc.

En matière d’énergies alternatives, il n’y a pas de solution qui s’imposera à l’échelle européenne. Pour l’instant, si l’on considère les débats bruxellois, l’Europe se tourne plutôt vers l’électrique, les Allemands, par exemple, vers l’hydrogène, et vers l’électrique pour les véhicules particuliers. Quant à nous, nous pensons que notre transition énergétique se fera par le biais du mix énergétique. Si l’on souhaite être pragmatique dans la lutte contre les gaz à effet de serre et contre les gaz polluants, il faut que nos entreprises puissent recourir à l’énergie qui leur semble la plus adaptée en fonction du trajet parcouru. On sait, par exemple, que le GNV, aujourd’hui, est plus performant sur les moyennes distances.

Benoit Daly va vous donner des chiffres concernant l’autonomie des véhicules.

M. Benoit Daly. En ce qui concerne le transport routier de marchandises sur porteur, la distance moyenne parcourue, avec un plein d’énergie, est de 125 kilomètres pour un véhicule électrique, 250 pour un véhicule hybride, 400 pour un véhicule roulant au gaz naturel comprimé (GNC) et 700 pour un véhicule roulant au gaz naturel liquéfié, contre 1 000 kilomètres pour un véhicule identique roulant au gazole. L’autonomie du véhicule électrique –125 kilomètres – est donc largement inférieure aux 650 kilomètres parcourus en moyenne quotidiennement par un véhicule.

Mme Delphine Batho, rapporteure. On voit se dessiner aujourd’hui un schéma de développement en faveur de l’électrique pour les livraisons au dernier kilomètre et les utilitaires. Mais, en l’occurrence, je parlais du transport de marchandises par route. Le gaz et les énergies apparentées, y compris le biométhane, seront-ils la solution de référence ? Ou faut-il aussi regarder du côté de l’hydrogène ?

M. Benoit Daly. En ce qui concerne la motorisation, les fournitures et la capacité à accéder à la molécule, le gaz est une technologie tout à fait au point et accessible à l’échelle européenne. L’hydrogène est une énergie pour laquelle les motorisations restent très expérimentales. C’est une énergie de stockage d’énergies renouvelables, mais elle est extrêmement consommatrice en termes de production. En outre, la création d’une infrastructure de distribution peut être beaucoup plus coûteuse, car, en l’espèce, on ne peut pas s’adosser à une infrastructure existante, comme c’est le cas pour le gaz.

M. Nicolas Paulissen. Nous pensons que c’est le GNV qui se développera dans les prochaines années. Si l’hydrogène devait se développer, ce serait l’étape suivante et certains chargeurs, pour anticiper le coup d’après, s’y intéressent déjà, mais, en attendant, le GNV peut être une option, toujours dans le cadre d’un mix énergétique, car il n’y a pas de solution miracle. Le diesel restera, dans notre secteur, un carburant important dans les années à venir, et c’est pourquoi la norme Euro 6, dont j’ai souligné les performances, est décisive.

Mme Élisabeth Charrier, déléguée régionale de la FNTR. D’autres solutions que le GNV et l’hydrogène sont expérimentées ou en cours de développement. Peut-être resteront-elles à la marge, mais chaque énergie aura sa part dans le mix énergétique. Ainsi, la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) vient d’autoriser la commercialisation du bioéthanol : sa production doit se plier à des règles assez strictes, pour qu’elle n’entre pas en conflit avec l’agriculture alimentaire, mais des producteurs commencent à s’y intéresser. Cela pourrait correspondre à une niche dans le marché des énergies. D’autres expérimentations sont menées avec le biodiesel B30, ou sont en attente de validation, car devant faire l’objet d’une dérogation à l’interdiction de réutilisation des huiles usagées, avec le B100.

Il faut travailler sur la diversité de l’offre des motorisations. Certains constructeurs s’y emploient. C’est à travers ces expérimentations que nous verrons peut-être émerger des niches de marché par destination, avec des utilisations énergétiques particulières.

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. Madame, messieurs, je vous remercie pour votre participation à nos travaux.

La séance est levée à douze heures vingt.

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Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Réunion du mardi 15 mars 2016 à 11 h 30

Présents. - Mme Delphine Batho, M. Xavier Breton, Mme Sophie Rohfritsch

Excusés. - M. Denis Baupin, M. Jean-Marie Beffara, M. Jean Grellier, M. Jean-Pierre Maggi, M. Rémi Pauvros, Mme Marie-Jo Zimmermann