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Mercredi 16 mars 2016

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 33

Présidence de Mme Sophie Rohfritsch, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Yann Delabrière, président-directeur général de FAURECIA, et de M. Hervé Guyot, vice-président chargé de la stratégie...

Mission d’information
sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

La séance est ouverte à onze heures trente-cinq.

La mission d’information a entendu M. Yann Delabrière, président-directeur général de FAURECIA, et M. Hervé Guyot, vice-président chargé de la stratégie.

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. Nous recevons ce matin M. Yann Delabrière, président-directeur général de Faurecia, et M. Hervé Guyot, vice-président exécutif en charge de la stratégie. Faurecia est l’un des grands équipementiers européens et a pour premier actionnaire PSA, qui détient un peu moins de la moitié de son capital. Initialement connue pour son activité de sièges et de revêtements intérieurs de véhicules, l’entreprise a décidé de se développer dans quelques pôles spécialisés, dont l’un intéresse plus particulièrement notre mission : intitulé Emissions Control Technologies, ce pôle produit principalement des catalyseurs, des lignes d’échappement complètes et des systèmes de dépollution. Votre groupe a ainsi mis au point des dispositifs de réduction catalytique sélective (SRC), une technologie qui marque un progrès significatif en faveur de la réduction des oxydes d’azote (NOx). Au total, vos activités relatives aux émissions sont en pleine croissance. Elles représentent un peu plus de 3,4 milliards d’euros de ventes, sur un chiffre d’affaires mondial du groupe de plus de 20 milliards.

Quelles sont vos perspectives de progression en ce domaine, tant du point de vue technique que commercial ? Le positionnement industriel de Faurecia semble déterminant, alors que l’affaire Volkswagen a mis en lumière les enjeux de la réduction des émissions pour l’ensemble de la filière automobile.

Quelles sont vos réflexions et vos éventuelles interrogations quant à l’évolution des normes d’émissions définies par l’Union européenne et aux différentes étapes imposées par cette dernière aux constructeurs ?

Plus généralement, notre mission s’intéresse à la façon dont les grands équipementiers ont passé le cap de la crise de 2008-2009, que d’aucuns avaient crue fatale à leur activité. Tout au contraire, les grands équipementiers français en sont sortis renforcés. Comment expliquez-vous cette relance, parfois fulgurante, de leur activité ? Les pouvoirs publics ont-ils aidé à ce développement en favorisant l’innovation au bon moment ? L’internationalisation de vos activités, accompagnée de productions spécialisées au plus près des différents marchés, sur les continents américain ou asiatique, est-elle la clé du succès ?

Autre question complexe : il nous a été dit qu’un transfert de la valeur ajoutée s’opérait au bénéfice des équipementiers de premiers rang et donc plutôt aux dépens des constructeurs. Ce mouvement ne pourrait-il pas être contrebalancé par une activité de recherche et développement fortement coopérative encore entre équipementiers et constructeurs ? À cet égard, les efforts à accomplir en termes de réduction des émissions semblent constituer un champ d’activité à partager car des pans entiers restent à découvrir.

Votre présence au niveau mondial vous permet sans doute des comparaisons révélatrices. Diriez-vous qu’il existe toujours un « écosystème automobile français » au sein duquel les équipementiers auraient désormais un rôle déterminant ? Leur implication dans la Plateforme automobile ou auprès de certains pôles de compétitivité sert-elle de levier en faveur de leur développement à l’international ? En d’autres termes, reste-t-il indispensable de conserver et d’entretenir de solides bases nationales ?

M. Yann Delabrière, président-directeur général de Faurecia. Le groupe Faurecia a réalisé l’an dernier environ 21 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploie un peu plus de 100 000 personnes dans le monde.

L’entreprise est spécialisée dans quatre segments d’activité. Le premier, que nous appelons en interne Emissions Control Technologies, couvre effectivement le traitement acoustique et environnemental des émissions des voitures et des camions. Cette activité représente 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, mais on cite souvent plutôt le chiffre de 3,5 milliards d’euros, car il y a une part importante de métaux précieux dans les systèmes d’échappement, métaux dont nous ne sommes pas producteurs. Notre deuxième activité, qui représente à peu près 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, consiste à fabriquer des sièges d’automobile. Nous fabriquons également tout le reste de l’habitacle de la voiture – cockpits, panneaux de porte, revêtement acoustique, habillage du sol –, pour un total de quelque 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Nous avons aussi une activité consacrée à toutes les pièces en plastique de l’extérieur de la voiture – principalement des pare-chocs et des hayons arrière – pour environ 2 milliards d’euros.

Nous sommes le sixième équipementier mondial : se trouvent devant nous deux équipementiers allemands bien connus, Continental et Bosch ; deux japonais, Denso et Aisin ; enfin, l’entreprise nord-américaine Magna.

Nous opérons à l’échelle mondiale : nous réalisons environ 50 % de notre chiffre d’affaires en Europe, 30 % en Amérique du Nord et un peu moins de 20 % en Asie – le solde se répartissant entre l’Amérique du Sud et l’Afrique du Sud. Du fait de cette expansion mondiale, notre base de clients est également mondiale. Notre premier client est le groupe Volkswagen qui représente autour de 20 % de notre activité, nos trois clients allemands
– BMW, Daimler et Volkswagen – constituant entre 35 % et 40 % de celle-ci. Notre deuxième client est le groupe Ford qui occupe entre 16 % et 17 % de notre activité, nos trois clients Américains – Chrysler, Ford et General Motors – totalisant à peu près 30 % de celle-ci. Renault-Nissan est notre troisième client, avec environ 14 % de notre activité, et PSA, le quatrième, avec 13 %. Du fait de la répartition de notre clientèle, notre entreprise est à cheval entre la France et l’Allemagne, nos effectifs ayant un poids comparable dans chacun de ces deux pays : nous employons environ 14 000 personnes en France et de l’ordre de 12 000 en Allemagne. Mais, depuis peu, notre premier pays d’implantation est la Chine où nous employons environ 15 000 personnes. Naturellement, nous sommes très implantés aussi dans des pays à forte composante industrielle tels que la Pologne, l’Espagne, le Portugal, la République Tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et le Mexique.

L’entreprise s’est développée très rapidement après la grande crise de 2008-2009 : notre chiffre d’affaires a doublé entre 2009 et 2013, passant de 9 à 18 milliards d’euros. Depuis, notre croissance est plus modérée. Cette croissance a été de 12 % l’an dernier, aidée en cela par la légère dépréciation de l’euro ; abstraction faite de cette évolution monétaire, elle a été de 6 %. Cette dynamique, qui devrait se poursuivre dans les années à venir, est soutenue par nos clients, d’une part, et par nos technologies, d’autre part.

Je conclurai cette présentation des principales caractéristiques de l’entreprise en indiquant que compte tenu de notre taille et des segments que nous couvrons, nous sommes parmi les premiers fournisseurs de la plupart de nos clients : le premier de PSA, et parmi les trois premiers de Volkswagen comme de Renault-Nissan. Nous avons donc avec ces clients des relations très étroites.

S’agissant de l’avenir, le monde automobile bénéficie depuis plusieurs années d’une dynamique de croissance relativement forte, de 3 à 4 % par an, qui va probablement se poursuivre dans les années à venir, même si les équilibres entre régions se modifient. En outre, ce secteur s’est engagé depuis plusieurs années dans des évolutions technologiques majeures, accélérées par rapport à celles des décennies précédentes. Ces évolutions sont marquées par deux grandes directions : la performance environnementale, d’une part, l’objectif étant de réduire les émissions de dioxyde de carbone et de polluants – dioxyde d’azote et particules – et la transformation de l’usage de la voiture, d’autre part, avec la voiture connectée et la voiture autonome.

Ces évolutions nécessitent des investissements très rapides et importants en recherche et développement et tendent à transférer une part significative de la valeur ajoutée aux équipementiers automobiles, car la plupart des solutions techniques des années récentes et à venir sont conçues et développées par ces derniers, même si les constructeurs restent maîtres de l’architecture et de la conception de leurs voitures et continueront à jouer un rôle déterminant dans les choix techniques, architecturaux et de produits des véhicules. Les constructeurs restent les concepteurs de l’ensemble du système tandis que les équipementiers sont les « proposeurs » des solutions qu’ils développent. On peut donc parler d’un jeu coopératif et d’interactions fortes entre ces deux types d’acteurs. Si la taille de ceux-ci n’est pas nécessairement identique, elle est néanmoins « adjacente » : PSA réalise un chiffre d’affaires d’une quarantaine de milliards d’euros dans le secteur automobile, nos collègues de Continental 45 milliards, et nous 21 milliards.

Vous avez évoqué la crise de 2008-2009 : elle a effectivement constitué un formidable accélérateur et transformateur de l’industrie des équipementiers – plus que de celle des constructeurs automobiles. Elle a en effet ravagé l’industrie de l’équipement automobile en Amérique du Nord, quand les constructeurs ont été très fortement soutenus par les pouvoirs publics américains. Nous avons donc quadruplé notre chiffre d’affaires outre-Atlantique entre 2009 et 2013. Autre raison qui explique cette évolution, entre 1995 et l’entrée en crise, les constructeurs automobiles ont en grande partie fondé leurs stratégies d’achats et de coûts sur un éparpillement des fournisseurs, de manière à les mettre en concurrence directe et, ainsi, à faire baisser les prix – un peu comme dans la distribution.

Pareille stratégie leur a coûté beaucoup d’argent pendant la crise, car ils ont dû faire face aux difficultés des petits équipementiers. Ils font donc désormais confiance à de grands équipementiers, capables de supporter leurs nouvelles stratégies de coûts et de fournir des plateformes mondiales en étant présents sur l’ensemble de la planète. Par ailleurs, ils ont besoin que les équipementiers puissent investir dans des moyens humains et financiers importants pour la recherche et le développement de nouvelles technologies. Tout cela a sensiblement changé le paradigme des relations entre les constructeurs et les équipementiers au tournant de la crise de 2008-2009. Aujourd’hui, tous les grands équipementiers automobiles mondiaux se développent rapidement. Nous en sommes un parfait exemple, mais nos collègues sont dans des situations relativement comparables, car les constructeurs ont besoin de partenaires à qui se fier pour gérer les plateformes mondiales et développer les technologies nécessaires. Ce phénomène a encore été renforcé par des problèmes techniques, tels que les airbags défectueux de Takata, qui ont montré que les équipementiers de petite taille ou trop spécialisés posaient problème aux constructeurs.

Quant à la recherche et développement, elle est aujourd’hui au cœur de l’évolution de l’industrie. L’ensemble du secteur est confronté à des enjeux technologiques importants qui, certes, dépendent en partie des normes choisies par les autorités des grandes régions automobiles mais dont nous connaissons les grandes orientations. Notre force de frappe en matière de recherche et développement est supérieure à un milliard d’euros par an et comprend 6 000 ingénieurs et techniciens : 3 000 en Europe, 1 500 en Amérique du Nord et plus de 1 500 en Asie dont 1 000 en Chine, 600 en Inde et une centaine en Corée. En Europe, nos forces sont réparties de manière à peu près identique entre la France et l’Allemagne, à hauteur de 1 500 ingénieurs et techniciens dans chaque pays.

La R&D est essentielle : notre métier ne peut survivre aujourd’hui sans investissements importants dans ce secteur, si nous voulons faire face aux deux grands enjeux dont j’ai parlé tout à l’heure. En ce domaine, il est donc essentiel pour nous d’être, partout dans le monde, en lien direct et étroit avec nos clients, les constructeurs automobiles qui, in fine, font les grands choix d’architecture technique et technologique pour leurs voitures. Nous sommes aujourd’hui signataires d’un peu plus de soixante-dix contrats de recherche et développement avec l’ensemble de nos clients mondiaux. Parmi eux, Volkswagen vient de lancer un programme interne, FAST – acronyme de Future Automotive Supply Tracks –, qui consiste à désigner des équipementiers en mettant un fort accent sur la capacité technologique. Une cinquantaine de fournisseurs sont dans cette catégorie, et nous y sommes trois fois, notamment du fait d’Audi qui représente environ la moitié de notre chiffre d’affaires chez Volkswagen. Ce qui vaut pour Volkswagen vaut aussi pour Ford, Renault-Nissan, PSA et Hyundai. Faisant de la dépollution de camions, nous avons noué un partenariat très étroit avec Cummins, le premier fournisseur mondial de moteurs pour camions. Il est donc encore une fois important que Faurecia ne soit pas seulement en France, mais partout où sont nos clients, et que ces derniers nous perçoivent ainsi : nous sommes un fournisseur allemand en Allemagne, américain en Amérique du Nord, coréen en Corée, et ce sont effectivement des équipes de chacune de ces nationalités que nos clients ont face à eux.

D’autre part, il est particulièrement important pour nous de nous adosser de plus en plus à des partenariats académiques, c’est-à-dire à la partie amont de la recherche. Partout dans le monde, nous avons conclu des partenariats avec des universités, des laboratoires de recherche publique ou semi-publique. La progression de cette capacité de l’industrie à travailler avec ces laboratoires est à la fois l’un des aspects les plus remarquables de l’évolution française des dix ou quinze dernières années, et un élément déterminant qui change la donne de l’économie industrielle du pays. De ce point de vue, nous ne sommes pas loin de rattraper ce que font les Allemands depuis un certain temps par le biais des instituts Fraunhofer, qui sont à l’interface entre la recherche et les applications technologiques de l’industrie. En France, nous travaillons avec l’institut Jules-Verne de Nantes et avons une construction très spécifique – et très réussie – à Flers, dans l’Orne, combinant un énorme centre industriel et un centre de recherche et développement. Nous sommes également en train de nous associer à des laboratoires de recherche dans la région de Bordeaux. Les régions sont selon moi les points de contact privilégiés en ce domaine, car elles ont une bonne compréhension d’objectifs précis et une capacité de décision rapide. Compte tenu de leur rôle déterminant, la meilleure décision que l’on puisse prendre consisterait à renforcer encore leur rôle en la matière.

Les pôles de compétitivité, que vous avez évoqués, souffrent de ce point de vue d’une ambiguïté fondamentale. La manière dont ils interviennent n’est pas claire. Sont-ils des entités thématiques ou des entités régionales ? Qui décide exactement, et comment ? Nous travaillons donc peu avec eux et n’avons, à vrai dire, guère envie de le faire. La capacité à faire l’interface avec les organismes régionaux et à construire de véritables partenariats avec les milieux académiques et de recherche et développement au niveau régional est un élément essentiel.

Je vous ai déjà en partie répondu concernant la notion d’écosystème français : nous ne pouvons, dans nos relations avec les constructeurs, raisonner en ces termes. Nous devons travailler avec tout le monde. Je ne puis être plus proche de PSA que de Volkswagen, de Hyundai ou de Ford. Je dois traiter tous les constructeurs sur un pied d’égalité. En revanche, en amont, les capacités de notre arrière-cour jouent un rôle déterminant dans la production d’idées et la conception de produits et de technologies.

M. Hervé Guyot, vice-président chargé de la stratégie. S’agissant des normes, Faurecia joue un rôle important dans la réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2) puisque nous fournissons à peu près un quart de l’ensemble des équipements constituant le poids d’une voiture. Nous avons développé des solutions pour alléger ce poids, notamment en recourant à des matériaux composites.

Les nouvelles normes européennes qui entreront en vigueur en 2020, prévoyant des émissions maximales de 95 grammes de CO2 par kilomètre, seront certainement plus difficiles à respecter si l’équilibre entre les moteurs roulant à l’essence et les moteurs roulant au diesel se fait au détriment de ces derniers : les véhicules diesel sont critiqués pour nombre de raisons mais ils consomment moins que les véhicules essence. Il sera donc important d’assurer cet équilibre pour que les constructeurs puissent atteindre les objectifs qui leur sont fixés en matière d’émissions de CO2.

La réduction du poids des voitures risquant de prendre de l’importance, nous avons lancé le projet « Force » dans le cadre d’un consortium rassemblant des partenaires industriels pour concevoir une fibre de carbone à bas coût qui puisse être utilisée pour l’automobile et qui soit dotée de caractéristiques techniques moins importantes que dans l’aéronautique.

M. Yann Delabrière. La base technique de ce projet est à Bordeaux.

M. Hervé Guyot. Vous n’êtes pas sans savoir, compte tenu de vos nombreuses auditions, que de nouveaux cycles de mesures d’émissions vont être utilisés, que les véhicules seront de plus en plus testés en conditions réelles, et non plus seulement optimales. Dès lors, il est clair que le recours aux technologies de réduction catalytique sélective (SCR), dans la conception desquelles Faurecia est un des leaders sur le marché, va se généraliser dans les quelques mois qui viennent.

Mme Delphine Batho, rapporteure. Avant de vous interroger, je tiens à souligner qu’il était essentiel que nous vous auditionnions dans le cadre de nos travaux, étant donné l’importance de Faurecia dans le paysage automobile mondial.

Redoutez-vous que l’affaire Volkswagen ait un impact sur votre entreprise, sachant que Volkswagen est votre premier client et que vous avez conclu avec lui un partenariat stratégique ? Je ne suis pas sans savoir qu’en septembre dernier, lorsque l’affaire a éclaté, une réaction boursière vous a affectés, mais que vous avez immédiatement mis les choses au clair en indiquant que vous ne fournissiez aucun logiciel dans le cadre des systèmes de traitement des émissions.

Sachant que vous êtes le numéro un mondial du contrôle des émissions, pourriez-vous passer en revue une par une les différentes technologies de limitation de ces émissions ? Le SCR est-il en train de devenir la solution de référence mondiale de l’industrie automobile pour le traitement des oxydes d’azote ? Je crois savoir que vous fournissez aussi des systèmes de stockage et de diffusion d’urée, des filtres à particules destinés aux nouveaux moteurs essence à injection et des systèmes de récupération de chaleur et d’énergie à l’échappement. Vous avez évoqué l’allègement du poids des véhicules grâce aux matériaux composites : pourriez-vous développer ce point ? On a en effet entendu deux discours sur celui-ci, l’un selon lequel ces matériaux sont adaptés à l’aéronautique mais trop chers pour l’automobile, l’autre les présentant comme la solution d’avenir. Ces matériaux ne demeurent-ils pas en phase préindustrielle ? À quel horizon de temps pénétreront-ils vraiment le secteur automobile ?

Toutes les technologies dont je viens de rappeler l’existence permettent-elles de satisfaire aux normes du nouveau protocole d’homologation en conditions réelles ? Les constructeurs se heurtent-ils à une difficulté technologique ou d’équation financière par rapport au coût final du véhicule ?

Quelles sont vos perspectives de développement technologique et de profit dans le domaine du contrôle des émissions polluantes ? La cession à Plastic Omnium de votre activité de fabrication de pare-chocs signifie-t-elle que vous vous inscrivez aujourd’hui dans une logique de spécialisation ?

Par ailleurs, quel impact la convergence des fiscalités de l’essence et du diesel a-t-elle sur Faurecia ?

Enfin, nous avons entendu dire en audition que depuis la crise de 2008-2009, beaucoup avait été fait pour améliorer les relations commerciales entre équipementiers et constructeurs et aussi entre équipementiers de premier et second rangs. Sur le terrain, nous avons cependant entendu un autre son de cloche : des tensions referaient actuellement surface. Qu’en est-il selon vous ?

M. Charles de Courson. Combien le crédit impôt recherche (CIR) rapporte-t-il à votre groupe et pour quel montant total de recherche en France ? Avez-vous réussi à inclure dans l’assiette de ce crédit d’impôt des recherches effectuées dans vos établissements étrangers ?

Quel différentiel de coût y a-t-il entre vos unités françaises et vos unités allemandes, américaines et chinoises ? Comment ce différentiel évolue-t-il dans le temps ?

Quelles seront les conséquences, sur votre entreprise, de la fixation à parité des fiscalités sur le gasoil et sur l’essence, d’ici à quatre ou cinq ans ?

Quel avenir la voiture autonome a-t-elle selon vous ?

Enfin, quelles sont les perspectives de la voiture électrique ? Quelles en sont les conséquences sur votre groupe ?

M. Yves Albarello. Quels sont vos axes de développement en matière de recherche et développement, mis à part la voiture autonome ?

Sur quels dispositifs travaillez-vous pour parvenir à respecter les normes – très strictes – applicables aux véhicules diesel aux États-Unis ?

Le carbone est-il le principal matériau composite permettant d’alléger le poids des véhicules ?

M. Marcel Bonnot. Vous avez indiqué qu’il existait une interaction forte entre constructeurs et équipementiers. Ma question n’est pas désintéressée puisque l’implantation de Faurecia dans l’espace socio-économique qui est le mien est importante. Quelle demeure la place de Faurecia chez PSA, compte tenu de l’actuelle stratégie de restructuration de M. Tavares ?

Depuis l’affaire Volkswagen, le diesel devient de plus en plus la bête noire. C’est néanmoins un élément compétitif pour certains de nos constructeurs, tels que PSA. Nos systèmes d’homologation européens demeurent-ils véritablement fiables ?

En 2009, lors de la crise économique, a été créé le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA) pour les équipementiers de premier rang, auquel ont été dédiés 600 millions d’euros. Ce fonds a-t-il permis aux équipementiers que vous êtes de passer la rampe comme nous l’espérions ?

M. Jean-Michel Villaumé. Vous venez d’équiper en première mondiale une voiture Hyundai hybride d’un système de récupération de chaleur à l’échappement. Quels sont les intérêts, d’un point de vue environnemental et économique, de cette nouvelle technologie ?

M. Philippe Duron. Je vous félicite, monsieur le président, pour vos propos sur les régions et l’excellente collaboration que l’industriel que vous êtes a su établir avec le milieu universitaire. Je souscris à votre analyse de la gouvernance des pôles de compétitivité et à l’affirmation selon laquelle la marginalisation des régions au sein de ces pôles a probablement gêné leur développement et leur lisibilité.

Alors que l’Union européenne envisageait un temps la préparation d’un nouveau « paquet routier », il semble, au vu des dernières discussions ayant eu lieu à Bruxelles, qu’elle s’oriente plutôt vers une démarche volontariste de décarbonation. Comment analysez-vous cette évolution ? Pensez-vous qu’on puisse s’orienter vers une rupture technologique à moyen terme ? Quelles en seraient les conséquences pour les constructeurs et les équipementiers ?

M. Frédéric Barbier. Mon collègue Marcel Bonnot et moi-même étions hier sous le charme, dans un véhicule autonome C4 Picasso qui roulait, sans personne pour tenir le volant, à 110 kilomètres par heure sur autoroute dans le secteur de Montbéliard. On ressent une concurrence très vive dans la mise au point de ce véhicule. Je suppose qu’en tant qu’équipementier vous êtes partie prenante à ce combat entre les différents fabricants à travers le monde. Certains pays nouent des partenariats très forts avec les universités pour accélérer la mise au point de ce véhicule autonome. Qu’en pensez-vous ?

Quelles seront pour vous les incidences, en termes de recherche et développement, de la restructuration en cours depuis la cession de votre activité de fabrication de pare-chocs à Plastic Omnium ? Cette restructuration est-elle susceptible de vous apporter de la rapidité et ainsi vous permettre de garder la place de numéro un mondial que vous occupez ?

M. Yann Delabrière. L’affaire Volkswagen a essentiellement trois conséquences.

En Amérique du Nord, elle met en cause la responsabilité civile du constructeur, ce qui coûtera certainement beaucoup d’argent à ce dernier. Mais, compte tenu de la surface financière de Volkswagen, l’existence même de l’entreprise n’est pas en cause. Cette affaire ne contribuera assurément pas à l’essor du diesel en Amérique du Nord, mais, comme ce carburant n’y a jamais été développé de manière significative, elle n’aura pas de portée fondamentale de ce point de vue.

Bien qu’ayant eu lieu aux États-Unis, l’affaire entraînera en outre des modifications très profondes des normes européennes : le changement du cycle de tests, avec l’apparition de tests sur route et de tests de Real drive emissions, suppose des évolutions technologiques importantes, compte tenu des nouvelles contraintes imposées aux constructeurs automobiles.

Enfin, l’affaire pourrait entacher l’image de Volkswagen partout dans le monde. Mais ce n’est pas la première ni probablement la dernière grande affaire technique à affecter un constructeur automobile.

Par le passé, aucune affaire n’a jamais amoindri les performances économiques et commerciales des constructeurs. Pourtant, il y a eu des affaires bien pires. Aucun d’entre vous ne se rappelle sans doute les Ford équipées de pneus Firestone qui faisaient des tonneaux au début des années 2000 et qui ont causé plusieurs dizaines de morts aux États-Unis : cela n’a jamais affecté les performances de Ford. Plus récemment, l’affaire des démarreurs de General Motors, qui a fait des morts en quantité non négligeable en Amérique du Nord, n’a perturbé en aucun cas les performances du constructeur. Je ne crois donc pas que l’affaire en cours aura des conséquences significatives et durables sur Volkswagen.

Bref, la principale retombée est une modification profonde des normes européennes aux conséquences technologiques positives pour nous puisque nous allons devoir équiper plus de voitures de technologies plus évoluées et plus sophistiquées.

J’en viens à présent à la question technologique. Il y a en ce domaine trois grands enjeux : les émissions de dioxyde de carbone consécutives à la consommation de carburant, les émissions de dioxyde d’azote et les émissions de particules – les autres rejets étant désormais définitivement traités.

S’agissant des émissions de dioxyde d’azote, il existe trois grandes technologies. La plus simple, dite Exhaust Gas Recirculation (EGR), consiste à faire re-circuler les gaz d’échappement à l’entrée d’air de la voiture de manière à obtenir des mélanges plus pauvres en oxygène pour minimiser les chances de formation de dioxyde d’azote. Cette technologie donne néanmoins des résultats insuffisants pour permettre la dépollution des voitures, compte tenu du renforcement des réglementations qui interviendra à partir de la fin de l’année 2017. Cette technologie continuera donc à exister mais pas seule. La deuxième technologie, appelée NOx trap, consiste en un filtre permettant de piéger les particules de dioxyde d’azote pour ensuite les brûler. Enfin, la technologie SCR permet de réduire, au sens chimique du terme, les oxydes d’azote. Le réducteur le plus utilisé est l’ammoniac (NH3) qui n’est pas facilement stockable à l’état naturel. On utilise donc de l’urée, liquide qu’il suffit de chauffer et de pulvériser pour qu’il libère de l’ammoniac. Ce dernier se combine alors avec l’oxyde d’azote pour former de l’azote et de l’eau.

La technologie la plus efficace en termes de réduction des oxydes d’azote étant le SCR, c’est elle qui va se généraliser. Elle présente néanmoins l’inconvénient de ne fonctionner qu’à partir d’une certaine température, car il faut chauffer l’urée pour qu’elle libère de l’ammoniac. Les technologies NOx trap n’ayant pas cet inconvénient, il est probable qu’au fur et à mesure du renforcement des normes, la technologie finale soit une combinaison de SCR et de NOx trap. Cela dépendra beaucoup du cycle : plus il comprendra de tests à basse vitesse, plus cela créera de problèmes de température du moteur. Faurecia a développé une technologie de stockage de l’ammoniac à l’état gazeux, différant de la technologie SCR, qui ne nécessite pas de chauffage particulier puisqu’elle libère directement de l’azote à l’état pur. Cette technologie, que nous continuons à développer, est relativement coûteuse si bien que nous ne l’avons pas encore commercialisée. Nous avons une chance raisonnable de la commercialiser en Corée sur des camions ou des bus.

Mme Sophie Rohfritsch, présidente. Les brevets sont-ils déposés par votre entreprise ou en commun ?

M. Yann Delabrière. Les deux cas existent. Faurecia dépose environ 500 brevets par an. Lorsque nous concevons des équipements en collaboration avec des constructeurs, les contrats prévoient généralement une copropriété du brevet.

Le changement des cycles est né d’un problème d’émissions de dioxyde d’azote mais aura un impact sur les autres types d’émissions.

Le problème des émissions de particules va donc à nouveau se poser. Par ailleurs, comme l’a évoqué la rapporteure, plus les moteurs à essence sont efficaces, plus ils ont tendance à émettre de particules, car plus l’on se rapproche de mélanges pauvres en oxygène, moins les particules sont brûlées par l’oxygène résiduel. Nous avons effectivement introduit un premier filtre à particules sur les moteurs à essence il y a dix-huit mois sur un véhicule de très haut de gamme, mais nous pensons que cette technologie se généralisera dans les dix ans à venir grâce à la combinaison d’une généralisation des moteurs à injection directe en mélanges pauvres et des changements de cycles de tests. C’est pour nous un marché relativement important, susceptible selon nous de se développer.

Vous avez évoqué la récupération d’énergie à l’échappement. Cette technologie est effectivement importante pour nous, car 40 % de l’énergie brute produite par un moteur est perdue en énergie thermique, les gaz d’échappement ayant une température de 800 à 1 000 degrés à la sortie du moteur, mais d’une centaine de degrés seulement à la sortie du pot d’échappement, soit un gradient de 900 degrés qui se perd entre les deux. Il serait donc intéressant de récupérer ne serait-ce qu’une faible quantité de cette énergie. Pour ce faire, nous développons deux techniques. La première consiste à récupérer et à recycler de la chaleur pour chauffer les organes mécaniques de la voiture. Car lorsque ces organes sont à froid, il y a des frictions importantes qui sont autant de déperditions d’énergie. Chauffer le moteur et la boîte de vitesses permet de faire baisser la consommation de la voiture lorsqu’elle démarre à froid. Nous avons lancé ce premier équipement sur la Hyundai ionique qui vient d’être présentée à Genève, qui est un concurrent direct de la Prius et qui a été qualifiée comme émettant 79 grammes de CO2 lors du cycle de tests. Nous contribuons pour deux à trois grammes à la performance de la voiture grâce au système dont je viens de parler, et nous estimons qu’à terme ce système pourra représenter entre 3 et 7 % d’économies de consommation sur une voiture hybride. Il fonctionne en effet mieux sur ce type de véhicule qui émet moins de chaleur et qui a donc encore plus besoin de chaleur complémentaire pour réchauffer ses organes mécaniques, notamment lorsqu’il est en mode électrique. Or, les moteurs hybrides vont se développer de manière importante : nous envisageons qu’à l’horizon de 2025-2030, ils représenteront à peu près 40 % du total des motorisations. La seconde technique consiste à recycler l’énergie sous forme électrique grâce à un convertisseur d’énergie. Nous travaillons sur ces deux familles de solutions techniques, probablement en vue de les appliquer au camion au début des années 2020, à la voiture à un horizon plus lointain.

Quant aux composites, ils associent en général une résine plastique et des fibres. Il en existe des quantités considérables, car il existe à la fois une grande variété de résines plastiques et un grand nombre de fibres différentes. Ces dernières se répartissent en trois grandes catégories : les fibres naturelles telles que le lin et le chanvre, les fibres de verre et les fibres de carbone. Il ne faut donc pas réduire les composites à ceux qui contiennent des fibres de carbone. Nous utilisons déjà d’autres familles de fibres dans l’industrie automobile, proposant notamment, y compris sur des voitures françaises telles que la 308 de Peugeot, des panneaux de porte en propylène et fibres de chanvre, permettant des gains de poids de l’ordre de 20 %. Le choix des matériaux à associer est dicté par les qualités mécaniques souhaitées – les fibres de carbone étant beaucoup plus résistantes mécaniquement que les fibres de verre ou les fibres naturelles –, par les conditions de formabilité et de recyclabilité, et enfin par les considérations de coût.

Dans la voiture, certains composants sont relativement passifs sur le plan mécanique, d’autres sont actifs, notamment en termes de résistance aux chocs. Plus la dimension mécanique des composants structurels est forte, plus il faudra de renforcements. Plus les composants sont passifs, moins on en aura besoin.

Nous fabriquons notamment aujourd’hui pour Renault un support de roue de secours, plancher du coffre arrière, qui ne nécessite pas beaucoup de résistance mécanique. En revanche, de nombreuses parties de la voiture ont grand besoin de qualités mécaniques fortes, ce qui explique que nous nous intéressions très activement aux composites comprenant des fibres de carbone. Mais nous butons sur un problème du coût. Là est la différence entre les industries aéronautique et automobile. La fibre de carbone coûte aujourd’hui à peu près seize euros le kilogramme, ce qui ne pose aucun problème aux constructeurs aéronautiques, mais qui n’est pas rentable dans l’industrie automobile. Il faudrait abaisser ce coût de 50 % pour que la fibre de carbone soit rentable au regard des normes futures. L’objectif du projet « Force », évoqué il y a un instant par Hervé Guyot, est précisément de créer un procédé de fabrication de fibre de carbone à moins de huit euros le kilogramme. Leaders de ce projet, nous espérons aboutir à une solution technique d’ici à deux ans et à une solution industrielle d’ici à quatre ou cinq ans. C’est un enjeu important nécessitant des ruptures technologiques significatives. Et encore une fois, ce n’est pas le seul enjeu des matériaux composites.

Vous avez fait allusion à l’impact de l’évolution de la fiscalité du diesel sur Faurecia. L’ensemble de l’industrie automobile est désormais convaincu que la part du diesel va baisser en Europe, et ce pour des raisons essentiellement économiques, car si le diesel reste une solution très favorable en termes d’émissions de CO2, le renforcement des normes d’émissions de polluants aura un impact très fort sur les petits moteurs diesel. Le diesel se maintiendra donc essentiellement sur les moteurs les plus puissants tels que les deux litres par tour et les V6. Faurecia n’étant pas particulièrement spécialisée dans le diesel, l’évolution précitée n’aura pas d’impact fondamental sur notre activité, raison pour laquelle nous sommes tout à fait neutres dans ce dossier.

Nous ne pouvons nous prononcer quant à la capacité des constructeurs à respecter les normes de real drive emissions. Nous avons néanmoins le sentiment qu’ils sont tous en mesure de parvenir aux prochaines étapes de normalisation, qu’il s’agisse du changement de cycle en 2017 ou de l’introduction du corporate average fuel economy (CAFE) en Europe en 2020-2021. La question se posera véritablement aux étapes ultérieures. La Commission européenne a en effet lancé une discussion relative à une nouvelle étape en 2025-2030 ainsi qu’un débat portant sur une fourchette de 68 à 78 grammes de CO2 contre 95 grammes en 2020-2021. La fixation d’un tel objectif supposerait certainement des ruptures technologiques importantes, notamment liées à l’usage de composites comprenant des fibres de carbone, tous les moyens aujourd’hui disponibles ayant été mis dans la balance pour atteindre l’objectif de 95 grammes. Un composite comprenant des fibres de carbone représente une économie de poids de 50 % par rapport à l’acier, à qualité mécanique comparable. On peut donc grâce à cette fibre gagner 100 à 150 kilogrammes sur une voiture, sachant que 10 kilogrammes représentent environ un gramme de CO2.

La cession de nos pare-chocs à Plastic Omnium n’implique nullement une spécialisation de notre activité, bien au contraire. Les constructeurs automobiles sont aujourd’hui à la recherche d’équipementiers globaux – ce que nous sommes déjà – et couvrant une plage relativement large du spectre des technologies automobiles. On peut même presque parler de déspécialisation.

Nous avons déjà parlé tout à l’heure des relations entre les équipementiers et les constructeurs. Elles sont de l’ordre du « Je te tiens, tu me tiens par la barbichette » ou du « Je t’aime, moi non plus ». (Sourires.) Notre structure étant relativement intégrée sur le plan technologique, nous avons plus de sous-traitants que de relations avec des équipementiers de second rang. C’est d’ailleurs une des difficultés de la France : il y a quatre ou cinq grands équipementiers automobiles et quasiment personne derrière.

Il est, me semble-t-il, trop tard pour redresser cette situation, sauf à ce qu’un équipementier ait une capacité technologique extraordinairement forte.

Nous bénéficions d’environ 30 millions d’euros de crédit impôt recherche, versés en totalité au titre de la recherche que nous effectuons en France. Nous faisons dans ce pays environ un quart de notre recherche et développement, ce qui représente quelque 250 millions d’euros. Nous bénéficions donc de 12 à 13 % de crédit d’impôt. Hervé Guyot fera parvenir à Mme la rapporteure des chiffres plus précis.

Vous avez soulevé la question de la compétitivité de la France par rapport à celle de l’Allemagne, des États-Unis et de la Chine. Dans le secteur automobile, l’industrie et les marchés se structurent par grandes régions : l’Amérique du Nord, l’Europe et enfin, en Asie, la Chine, le Japon et la Corée. On ne compare donc jamais la compétitivité de la France à celle de la Chine. Nous n’exportons aucun produit de Chine vers l’Europe ni inversement : nous fabriquons de grosses pièces intransportables, tant pour des raisons de coût que pour des raisons logistiques. La compétitivité s’observe donc à l’échelle régionale. La France et l’Allemagne sont aujourd’hui assez proches à cet égard et sans doute la première est-elle un peu plus compétitive que la seconde. En Allemagne, les coûts se renchérissent significativement, tandis qu’en France les partenaires sociaux ont, depuis cinq ans, fait preuve d’un grand réalisme dans leur approche des coûts. C’est là une autre évolution remarquable de notre pays. Nous avons pour notre part signé quantité d’accords de compétitivité. Bien entendu, il ne faut pas demander d’efforts salariaux insupportables, mais les partenaires sociaux ont été très réalistes quant au temps de travail et à la flexibilité. Faurecia est une entreprise extrêmement décentralisée sur le plan social. Le dialogue social y est très actif à l’échelon local, est fondé sur un constat réaliste de la situation et la recherche de solutions tout aussi réalistes aux problèmes qui se posent – ce qui donne de vrais résultats. Même dans les pires difficultés, nous n’avons jamais calé dans nos relations sociales, quel que soit le site concerné.

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, la parité fiscale entre l’essence et le diesel n’est pas un enjeu pour nous.

L’inconvénient de la voiture autonome est le suivant : quels que soient les progrès réalisés sur la voiture, son fonctionnement nécessite, d’une part, que l’ensemble du parc soit équipé et, d’autre part, de fournir des investissements dans les infrastructures. Or, je ne vois pas par qui ces derniers vont être financés. Qui va payer 500 euros par feu rouge pour y installer une borne électronique ? Regardez également l’état des lignes blanches sur les routes françaises, même nationales : pour guider une voiture autonome sur une route, il faut au minimum que ces lignes blanches soient lisibles. Qui va payer pour qu’on les repeigne tous les deux ans et qu’elles soient détectables par une voiture autonome ? De tels investissements représentent des dizaines, voire des centaines de milliards d’euros. Je ne doute pas que Google soit capable de fabriquer une voiture qui sache jouer au go... Le problème n’est pas là. J’ai plutôt tendance à penser que la voiture autonome est un rêve.

Quant au débat sur la voiture électrique, il est presque clos. Malgré le déluge d’aides accordées, cette filière ne démarre pas, sauf là où les aides sont gigantesques. Cette voiture pose en outre des problèmes scientifiques – et non pas technologiques – qui ne sont pas près d’être résolus. On ne sait pas aujourd’hui fabriquer une batterie qui soit capable de stocker et de restituer de l’énergie de manière efficace et qui ait une durabilité suffisante. Cela étant, je ne suis pas un spécialiste de la question. Nos principaux axes de développement en matière de recherche et développement visent, d’une part, à la réduction des émissions d’oxydes de carbone – nous avons parlé tout à l’heure de la réduction du poids des véhicules et des systèmes de recyclage d’énergie à l’échappement – et, d’autre part, à la conception de la voiture connectée qui suppose une transformation du cockpit.

Vous avez évoqué l’interaction entre le constructeur PSA et l’équipementier que nous sommes : PSA étant pour nous un client comme les autres. Nous travaillons donc avec lui comme avec les autres. C’est un grand et un très bon client. Nous travaillons bien avec lui sans qu’il y ait de différence fondamentale avec la manière dont nous procédions auparavant.

Nous n’avons jamais bénéficié du FMEA. Nous en avons même été contributeurs, puisqu’une partie du fonds était destinée aux équipementiers de second rang.

Je crois avoir déjà répondu s’agissant des nouvelles étapes de normalisation prévues par l’Union européenne : elles impliqueront une rupture technologique à inventer. Nous n’avons pas conclu de partenariats de conception de véhicules autonomes. Le véhicule autonome nécessite essentiellement des capteurs – caméras, sensors, radars et nidars – et des logiciels, ce qui n’est pas du tout notre domaine. Nous sommes en revanche très impliqués dans la conception du véhicule connecté qui suppose la transformation du cockpit de la voiture.

Mme Delphine Batho, rapporteure. Comment voyez-vous l’avenir de la France dans l’industrie automobile, compte tenu de la potentielle contraction du marché automobile ?

D’autre part, vous avez été très critique à l’égard de la voiture électrique. Travaillez-vous sur d’autres technologies que les véhicules thermiques et hybrides, telles que les moteurs à hydrogène ou à gaz ?

M. Yann Delabrière. Il convient de distinguer l’industrie automobile française de l’industrie automobile en France. Je ne doute pas que les deux grands constructeurs français aient les capacités de se développer et de réussir dans l’industrie automobile. S’agissant de l’industrie automobile en France, il y a d’une part la recherche et développement et, d’autre part, la production. En matière de recherche et développement, notre pays a toutes les capacités nécessaires pour former de grands écosystèmes – la transformation enregistrée au cours de ces dernières années en ce domaine ayant été un grand succès. La France est même attractive aujourd’hui de ce point de vue. Dans le domaine de la production, beaucoup a été fait également. La compétitivité s’est améliorée au cours des vingt dernières années.

S’agissant des modes de motorisation, il est aujourd’hui consensuel d’envisager un développement important des moteurs hybrides, qu’ils soient complètement hybrides, ou full hybrid, comme la Prius, ou hybrides rechargeables, ou plug-in-hybrid – les véhicules étant alors des sortes de voitures électriques n’ayant pas les inconvénients de la voiture électrique. Il nous semble que la pile à combustible et la voiture à hydrogène sont une piste très sérieuse, pour plusieurs raisons. D’abord, on sait depuis toujours que stocker l’énergie sous forme liquide est ce qu’on sait faire de mieux. Ensuite, il existe déjà aujourd’hui des infrastructures de distribution d’hydrogène. Enfin, il y a une continuité technologique très forte entre une voiture hybride et une voiture à hydrogène. Cette piste pose certes des problèmes de sécurité importants, tant dans le réseau de distribution que dans la voiture, mais ceux-ci sont traitables. Il n’y a aucune barrière scientifique ni technologique majeure à l’usage de ces véhicules. C’est pourquoi l’industrie japonaise est en train de s’engager pleinement dans cette voie : Toyota puis Honda ont d’abord opté pour une stratégie hybride qu’ils combinent maintenant avec une stratégie fondée sur la pile à combustible, ou fuel cell.

Je vous prie de m’excuser si je me suis exprimé trop rapidement sur la voiture électrique. Nous n’avons guère le temps d’en débattre. Il peut y avoir des ruptures scientifiques et les décisions des États peuvent jouer un rôle significatif, mais l’on voit bien que, malgré des décisions déjà très lourdes de leur part, la voiture électrique ne progresse guère.

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. Nous vous remercions de toutes vos réponses.

La séance est levée à treize heures dix.

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Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Réunion du mercredi 16 mars 2016 à 11 h 30

Présents. - M. Yves Albarello, M. Frédéric Barbier, Mme Delphine Batho, M. Marcel Bonnot, M. Charles de Courson, M. Philippe Duron, M. Jean Grellier, M. Gérard Menuel, Mme Sophie Rohfritsch, M. Jean-Michel Villaumé, Mme Marie-Jo Zimmermann

Excusés. - M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Pierre Maggi, M. Rémi Pauvros