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Mardi 26 avril 2016

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 41

Présidence de Mme Sophie Rohfritsch, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Bénédicte Barbry, directrice des relations extérieures et affaires publiques et de M. Christophe Delannoy, responsable services atelier Norauto, du Groupe Mobivia sur les protocoles d’écoentretien des véhicules.

Mission d’information
sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

La mission d’information a entendu Mme Bénédicte Barbry, directrice des relations extérieures et affaires publiques et M. Christophe Delannoy, responsable services atelier Norauto, du Groupe Mobivia sur les protocoles d’écoentretien des véhicules.

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. Nous recevons aujourd’hui les représentants de Mobivia, groupe spécialisé dans l’entretien et l’équipement de véhicules multimarques, qui rassemble treize enseignes dont les plus connues sont Norauto et Midas.

Vous avez sollicité notre mission d’information pour être entendus sur le protocole « Éco Entretien » et le dispositif « Éco Performance » à mettre en œuvre dans certains de vos centres. Dans un courrier, vous soulignez que ce type d’intervention a notamment pour objectif d’« assurer un retour à un niveau d’émission proche de son état d’origine, quel que soit l’âge du véhicule ». Selon vos indications, cette intervention permet le contrôle le plus complet à ce jour, car portant non seulement sur les émissions de dioxyde de carbone (CO2), mais aussi sur les oxydes d’azote (NOx) ainsi que sur les particules. Votre courrier précise également qu’il s’agit d’une analyse dite « cinq gaz » dont on peut penser qu’elle anticipe ce que pourrait être le futur contrôle technique obligatoire pour les véhicules légers.

L’article 65 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit effectivement un renforcement du contrôle des émissions, selon des modalités à préciser avant le 1er janvier 2017. Nous rappelons que le contrôle technique se limite, en l’état actuel, à une vérification de l’opacité des fumées à l’échappement s’agissant des véhicules diesel, ce qui est vraiment peu de chose…

Vous allez nous dire ce que vous pensez de l’évolution de la réglementation sur ce point, du moins telle que les pouvoirs publics semblent la concevoir. Votre groupe ou votre fédération professionnelle considèrent-ils que l’on va dans la bonne direction ? Ont-ils d’ailleurs été consultés par les ministères concernés sur la prochaine réglementation des émissions au titre du contrôle technique ?

La mission d’information souhaite savoir quel type d’instruments est employé pour réaliser vos contrôles « Éco Performance ». Sont-ils aisément accessibles sur le marché, et à quel coût unitaire ? Qui les fabrique, et sont-ils dorénavant fiables pour un contrôle « cinq gaz » ?

S’agissant justement de ce contrôle dit « cinq gaz », quelles mesures sont effectuées ? Le contrôle porte-t-il sur le dioxyde d’azote (NO2), qui est le polluant le plus dangereux pour la santé parmi les NOx ? Concernant les particules, le contrôle porte-t-il seulement sur les particules de type PM10, c’est-à-dire sur les plus grosses particules, qui affectent néanmoins les voies respiratoires supérieures ?

Nous allons, dans un premier temps, écouter votre exposé de présentation, puis Mme Delphine Batho, notre rapporteure, vous posera un premier groupe de questions.

Mme Bénédicte Barbry, directrice des relations extérieures et des affaires publiques du groupe Mobivia. Je présenterai les activités de Mobivia selon deux axes, en évoquant en premier lieu ses métiers et son positionnement particulier au sein de la filière automobile, ainsi que la mutation que connaît notre entreprise depuis quelques années. En second lieu, j’évoquerai une innovation particulière, développée par Norauto en collaboration avec la Fédération des syndicats de la distribution automobile (FEDA), et qui a trait au contrôle « cinq gaz » et au diagnostic « Éco Performance ».

Mobivia est un groupe familial né en 1970 dans le nord de la France, avec un premier centre sous enseigne Norauto. Il est devenu, en quarante-cinq ans, le leader européen de l’entretien et de l’équipement des véhicules. Il réalise 1,7 milliard d’euros de chiffre d’affaires et emploie un peu plus de 11 000 collaborateurs, sur des emplois dont la majorité, par nature, ne peuvent être délocalisés. Le capital est détenu à 5 % par les salariés, car le groupe a développé, depuis sa création, une politique d’intéressement. Nous sommes implantés dans seize pays, principalement en Europe, mais aussi en Argentine.

Aujourd’hui, Mobivia fédère une quinzaine d’enseignes, dont les plus connues sont Norauto et Midas, mais il y a également des sociétés prestataires dans le domaine de l’entretien et de la réparation automobile. Nous nous mettons, progressivement, à travailler avec de nouvelles entreprises, notamment des start-up innovantes dans le domaine de la mobilité. Le réseau Mobivia compte 1 300 centres en Europe, dont environ 750 en France, où il est présent dans tous les départements. Il s’inscrit dans une dynamique de développement régulier avec environ trente nouveaux centres par an, soit une création nette de 500 emplois chaque année, pour un recrutement annuel de 1 600 salariés.

Notre métier historique est l’entretien et l’équipement automobile, principalement pour les centres Norauto et Midas ; il consiste à changer des pneus, faire des vidanges, des révisions, etc. Pour autant, il n’a pas cessé d’évoluer depuis quarante-cinq ans. Si l’on se rappelle ce qu’était une automobile à l’époque – quatre roues et un peu de tôle – les choses n’ont aujourd’hui plus rien à voir, et c’est plus vrai encore avec la perspective ouverte par le véhicule autonome. Nous accompagnons ces évolutions en permanence, faute de quoi, je ne serais pas devant vous. Nous investissons continuellement, en particulier dans la formation : si, il y a quarante-cinq ans, nos salariés mécaniciens disposaient de savoir-faire simples, les compétences sont désormais beaucoup plus pointues, orientées vers l’électronique et bientôt le numérique, qui constituent les enjeux de demain.

Nous ne sommes pas des constructeurs automobiles : notre « terrain de jeu » est le parc roulant, qui représente aujourd’hui 39 millions de véhicules en France, soit trois fois plus qu’il y a quarante-cinq ans. Nous considérons que notre mission est d’« upgrader » ce parc, et le diagnostic « Éco Perfomance » constitue notre principal outil : nous allons améliorer le parc en recourant à des innovations à même de le rendre moins polluant. Nous voulons aussi améliorer les véhicules dans les domaines de l’éco-conduite, avec des boîtiers, des véhicules connectés et une grande variété de nouveaux services sur lesquels nos équipes travaillent.

Nous considérons donc qu’il existe de considérables potentialités de développement liées à l’automobile ainsi qu’à la mobilité en général, et qui font intervenir des métiers situés au cœur des enjeux économiques, en termes de pouvoir d’achat comme de création d’emplois, mais aussi des enjeux environnementaux et sociaux. De fait, on parle beaucoup de renoncer à la voiture, mais 70 % des Français l’utilisent pour se rendre à leur travail, car il est très difficile de s’en passer à la campagne et en périphérie des grandes villes.

La deuxième partie de notre métier se rapporte aux mutations en cours, et c’est pourquoi nous nous présentons aujourd’hui comme Mobivia Groupe, et non plus comme Norauto Groupe qui était notre nom avant 2010. Il ne s’agit pas d’une simple question de communication ou d’affichage : depuis toujours, le groupe s’est engagé dans le domaine environnemental, notamment dans le retraitement des déchets automobiles. Sa direction a pris conscience que la pérennité de nos métiers dépendait de la capacité à inventer des solutions tenant compte de l’évolution de l’usage de la voiture, qui fait désormais partie d’un écosystème de possibilités de mobilité, et du fait que nos clients n’ont plus du tout le même rapport à l’automobile qu’il y a une vingtaine d’années.

Nous souhaitons accompagner ces nouveaux usages que sont la voiture partagée, le véhicule connecté et les mobilités douces : c’est ainsi que Norauto est devenu le premier vendeur de vélos à assistance électrique en France. Le groupe veut être un acteur innovant de cette évolution et élargir considérablement le périmètre de ses activités. Les perspectives ouvertes par le véhicule partagé et le véhicule connecté nous ont conduits à créer ce que nous nommons l’« accélérateur d’entreprises » Via-ID, qui a pour objet de soutenir des start-up dans le développement des innovations qui feront la mobilité de demain. Certaines de ces start-up ne vous sont pas inconnues : Drivy, le N°1 de la location de voitures entre particuliers ; Smoove, acteur du vélo en partage ; Wayz-Up, spécialiste du covoiturage de courte distance ; Eliocity qui développe le premier boîtier pour véhicule connecté, etc.

Ainsi, le périmètre des activités du groupe Mobivia excède largement le cadre de ses métiers historiques que sont la vidange et le pneumatique.

Nous mesurons le chemin parcouru depuis 2009 avec la FEDA pour rendre le parc automobile plus propre. À l’époque, on parlait beaucoup de prime à la casse et, s’il peut sembler vertueux de rajeunir le parc, nous avions toutefois conscience que les émissions polluantes résultant de la construction de voitures neuves ne manqueraient pas d’obérer le bilan environnemental global. Par ailleurs, la prime ne s’adressait qu’à ceux qui avaient les moyens de financer un véhicule neuf ; or nous constatons que bien peu, parmi ceux qui se rendent dans nos centres, sont en mesure d’acheter ces merveilleux véhicules neufs électriques ou hybrides.

Nous avons donc considéré qu’apporter des améliorations, même minimes, à une grande partie du parc roulant représenterait, en raison de l’effet de masse, un progrès considérable. En conséquence nous nous sommes associés aux travaux que la FEDA avait commencés avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS), et avons fourni un effort important de recherche et développement. Nous avons mis à leur disposition les ateliers et l’institut de formation, recherche et développement de Norauto afin de mettre au point les services « Éco Entretien » et « Éco Performance ».

À cet égard, nous nous réjouissons que l’article 65 de la loi relative à la transition énergétique mentionne le contrôle des émissions polluantes, car cela constitue à nos yeux un grand pas en avant : à ma connaissance, c’est la première fois que le levier de progression que constitue le parc roulant est pris en compte. Jusqu’à présent, la réglementation ignorait cette dimension : ainsi, dans le domaine de la pollution, le contrôle technique se résume aujourd’hui à 2 % de contre-visites, ce qui ne correspond absolument pas à la dégradation du parc roulant, encore moins à l’usage actuel du diesel. Nous surveillons donc l’entrée en vigueur de cet article 65, car il semble qu’elle soit reportée à 2019, alors que nous disposons d’une mesure efficace susceptible d’être mise en œuvre immédiatement.

M. Christophe Delannoy, responsable des services atelier de Norauto. Norauto France compte 375 centres répartis sur l’ensemble du territoire national, et 92 % des établissements sont certifiés ISO 14001 ; 14 millions de clients figurent dans notre base, nos ateliers reçoivent 2,5 millions de clients par an, et nous employons 5 500 salariés en France. Chaque atelier est capable de proposer 140 prestations, dont l’offre « Éco Performance ».

Cette offre « Éco Performance » est constituée d’un ensemble de prestations, au premier rang desquelles un éco-diagnostic du fonctionnement des moteurs – essence comme diesel – ainsi que leurs émissions polluantes, au titre des cinq gaz qui sont le monoxyde de carbone (CO), le CO2, les NOx, les hydrocarbures (HC) et le dioxyde d’azote (NO2). En fonction des résultats obtenus, nous proposons à nos clients une palette de services afin de mettre les véhicules en conformité.

Cette démarche procède d’une demande de nos clients, qui avaient constaté des dysfonctionnements des vannes EGR – acronyme d’Exhaust gas recirculation, c’est-à-dire la recirculation des gaz d’échappement – et des filtres à particules des moteurs diesel. Or, à l’époque, très peu d’outils de diagnostic étaient disponibles sur le marché. Il ne faut pas oublier qu’un moteur reste une machine thermique, certes pilotée par un certain nombre de calculateurs. Depuis 2004, nous disposons d’outils de diagnostic pour la partie électronique, mais pas pour la partie thermique, car la seule mesure possible, effectuée à l’occasion des contrôles techniques, était l’opacité des fumées. Ce dernier outil sert toutefois plus à la sanction qu’au diagnostic ; c’est pourquoi, avec la FEDA, nous avons développé l’analyse des gaz d’échappement, qui existait déjà pour les moteurs à essence.

Nous disposons donc aujourd’hui d’un dispositif d’analyse « cinq gaz », fonctionnant sur les moteurs à essence comme sur les moteurs diesel, piloté par un logiciel. Le diagnostic est réalisé en deux minutes et demie et comporte différentes phases allant du ralenti à l’accéléré. Le logiciel analyse ces séquences seconde par seconde, délivre un bilan compréhensible par le client et fournit des informations sur l’origine des dysfonctionnements. Nous sommes alors en mesure de proposer diverses prestations, allant du nettoiement des injecteurs au remplacement des pièces usées – nous proposons alors à nos clients des pièces de réemploi ou des pièces adaptables afin de réduire les coûts d’entretien du véhicule.

Nous sommes partis du principe que les moteurs, propres à l’origine, s’encrassent au fil du temps, particulièrement en ville, et nous avons voulu apporter à nos clients une solution à bas coût. Le nettoyage d’un injecteur, par exemple, coûte 80 euros, alors que le remplacement de quatre injecteurs revient à 1 600 euros environ. Nous avons commencé à proposer ces prestations en mai 2013, et avons réalisé, depuis, quelque 340 000 éco-diagnostics. Nous avons intégré l’éco-diagnostic dans le programme d’entretien courant des véhicules, ce qui participe à nos yeux d’une politique de prévention ; nous avons réalisé 320 000 contrôles à ce titre, les 20 000 diagnostics restants relevant du traitement curatif, réalisé à la demande du client rencontrant un problème de carburation ou de performance énergétique.

Dans le cadre de la réalisation des diagnostics préventifs, nous avons constaté que 24 % des véhicules connaissaient un mauvais fonctionnement du système de dépollution ; pour les diagnostics curatifs, la proportion s’élève à 57 %. Le taux de transformation réalisé sur la base du volontariat par nos ateliers est de 15 %.

Mme Delphine Batho, rapporteure. Vous avez ainsi constaté un mauvais fonctionnement du système de dépollution sur 24 % des véhicules ?

M. Christophe Delannoy. Parmi ces 15 %, nous n’avons pas distingué entre le préventif et le curatif, mais ils portent bien sur les 24 % que j’ai mentionnés.

Le diagnostic « Eco Perfomance » permet un gain de consommation de 5 % en moyenne, ainsi qu’une réduction de 20 % des émissions polluantes. Toutefois, notre dispositif ne permet pas la détection des particules, que seul l’opacimètre peut faire, mais, comme je l’ai dit, celui-ci demeure un outil de sanction, et c’est pourquoi nous ne l’avons pas retenu.

Mme Bénédicte Barbry. En l’absence de normes réglementaires, ces interventions sur les véhicules sont réalisées sur la base du volontariat : c’est à l’occasion d’une visite d’entretien que l’éco-diagnostic est établi, et le client est libre de son choix, dans lequel interviennent notamment des motivations financières. Cela explique la différence constatée entre le nombre des dysfonctionnements et les améliorations demandées par les clients.

L’article 65 de la loi relative à la transition énergétique aurait un impact très fort s’il imposait une remise à niveau, mais, à ce stade, nous n’avons pas de certitudes à ce sujet.

Mme Delphine Batho, rapporteure. Quel est le coût d’un éco-diagnostic pour vos clients ?

M. Christophe Delannoy. 29,90 euros.

Mme Delphine Batho, rapporteure. Tous vos centres sont-ils équipés de l’appareil permettant la mesure des cinq gaz ?

M. Christophe Delannoy. Sur les 375 centres du réseau, 315 en sont équipés, l’équipement des autres centres étant en cours.

Mme Delphine Batho, rapporteure. Vous avez dit que la discrimination par type de particules n’était pas possible aujourd’hui, sauf à recourir à l’opacimètre.

M. Christophe Delannoy. À ma connaissance, en effet, il n’existe que l’opacimètre, appareil conçu dans les années 1970 et qui pourrait être amélioré en fonction de l’évolution des moteurs, par exemple afin de mesurer les défapages.

Mme Delphine Batho, rapporteure. Pouvez-vous nous donner plus de détail sur les dysfonctionnements des vannes EGR et des filtres à particules ?

M. Christophe Delannoy. Nous constatons souvent que la vanne EGR n’est pas la cause du problème, le contrôle des cinq gaz montrant qu’à l’origine se trouve une pulvérisation déficiente des injecteurs, qui entraîne une mauvaise combustion, ce qui crée des particules et bouche les lignes d’échappement. Dès lors, la vanne EGR encrasse l’ensemble du système, au niveau du turbo comme de l’admission du moteur, qui se trouve réduite : un cercle vicieux s’enclenche alors. Dans ces conditions, remplacer la vanne ne suffit pas : il vaut aussi traiter soit le problème d’injection, soit le problème d’échappement.

Il n’existe pas aujourd’hui d’outil capable d’établir un diagnostic précis des filtres à particules ; nous proposons soit un traitement par additifs lorsque le filtre est légèrement colmaté, ce qui coûte 79 euros. Si l’état est trop avancé, nous proposons l’échange standard ou le remplacement par des pièces adaptables. Un filtre à particules peut coûter entre 500 et 4 000 euros selon les modèles.

Mme Delphine Batho, rapporteure. Constatez-vous des difficultés particulières avec les traitements à urée et les systèmes de réduction catalytique sélective (RCS) ?

M. Christophe Delannoy. Ces systèmes sont apparus récemment, avec la norme Euro 6. Or l’âge moyen des véhicules que nous sommes amenés à traiter est de huit ans : dans les premières années, le client va plutôt chez le concessionnaire, puisqu’il bénéficie encore de la garantie. Nous pratiquons des remises à niveau de systèmes SCR et ADBlue, mais pas encore la maintenance ; nous nous bornons à remplir les réservoirs d’urée.

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. Quelles seraient vos recommandations dans le domaine de l’évolution du contrôle technique ?

M. Christophe Delannoy. La technologie « cinq gaz » est adaptée à l’ensemble du parc automobile français, mais le délai est lointain, puisque la publication des décrets est annoncée pour janvier 2019. Pour notre part, nous avançons pas à pas, en mettant en place les éléments les plus simples, ce qui est le cas de l’abaissement du seuil de détection afin d’identifier les véhicules ayant fait l’objet d’un défapage. À l’occasion du contrôle technique, il pourrait être procédé à une contre-visite des mesures effectuées avec le dispositif de diagnostic embarqué (OBD), qui signale les dysfonctionnements des systèmes antipollution du véhicule lorsqu’il surconsomme et pollue à l’excès.

Pour les véhicules à essence, nous pourrions réduire la plage de tolérance, qui est plus large chez les constructeurs, ce qui permettrait de supprimer les voitures les plus polluantes.

Enfin, l’application de l’article 65 de la loi relative à la transition énergétique permettrait de rendre systématique le contrôle « cinq gaz » sur les véhicules thermodynamiques.

Mme la rapporteure. Vous avez évoqué, à l’occasion du contrôle technique, l’information de vos clients ainsi que la nécessité d’une contre-visite.

Mme Bénédicte Barbry. Au regard de l’ensemble du parc roulant, le simple diagnostic et l’information lors du contrôle technique n’apportent rien. Le taux de 15 % de clients volontaires pour modifier leur véhicule est très faible, alors qu’il serait possible d’aller bien au-delà. L’ambition de la loi relative à la transition énergétique, à travers son article 65, consiste, non pas à se borner à mesurer, mais à agir, en imposant une éventuelle contre-visite en fonction des résultats du contrôle technique.

Mme Delphine Batho, rapporteure. Au-delà des questions liées au contrôle technique, se pose celle de l’intérêt direct du conducteur à mieux maîtriser sa consommation, donc de l’éco-conduite. Quelle est la politique de formation continue de vos personnels au regard de la rapidité des évolutions technologiques, dans le domaine numérique notamment ?

Par ailleurs, quelles sont les perspectives de création d’emploi dans l’ensemble du secteur ?

Mme Bénédicte Barbry. Les innovations techniques apportées au parc roulant contribuent à améliorer la qualité de l’air. Les constructeurs produisent des véhicules connectés sur lesquels des boîtiers peuvent être appairés ; à cet égard, j’évoquais notre partenaire Eliocity, qui propose notamment des modules d’éco-conduite. Ces dispositifs permettent au conducteur d’établir des statistiques relatives à son mode de conduite. Nous développons aussi des partenariats avec les assureurs, qui impliquent l’automobiliste dans une démarche vertueuse en modulant le montant des primes en fonction de son type de conduite.

Nous sommes donc très actifs dans ce domaine, car c’est la mission d’un groupe comme le nôtre que de suivre ce mouvement, mais aussi de pérenniser nos métiers et de créer des emplois. Ainsi, notre service « Éco Performance » a créé cinquante emplois supplémentaires au sein des centres Norauto, compte tenu des heures supplémentaires et du nombre de clients concernés.

M. Christophe Delannoy. Les perspectives de mise en œuvre des dispositions de l’article 65 de la loi relative à la transition énergétique laissent espérer la création de 4 500 emplois, compte tenu du volume du parc de véhicules de plus de quatre ans, soit 18 millions de véhicules, si l’on considère que 40 % d’entre eux nécessitent une intervention.

Mme Bénédicte Barbry. À ces horizons ouverts par les évolutions technologiques, il faut ajouter des pratiques en cours de développement, comme le partage des véhicules et l’optimisation de leur usage. Cela conduira le parc des véhicules à être plus vertueux et moins carboné, d’autant que les nouveaux modèles arrivant sur le marché sont moins polluants.

Il existe plusieurs registres sur lesquels il faut jouer, et le véhicule neuf n’est pas des moindres. C’est pourquoi nous estimons avoir un rôle à tenir dans le développement du véhicule électrique. Certains de nos clients sont propriétaires de véhicules de plus de huit ans et ces perspectives les intéressent ; aussi tous nos centres proposent-ils des véhicules de courtoisie électriques afin de mieux faire connaître cette technologie.

Mme Delphine Batho, rapporteure. S’agissant des nouveaux usages, particulièrement de la mobilité globale recourant à divers types de véhicules, dont les deux-roues, motorisés ou non, quelle place assignez-vous aux centres Norauto et qu’y trouve-t-on ? Je crois savoir que cela diffère grandement des pratiques « classiques » antérieures ?

Mme Bénédicte Barbry. Le développement des activités nouvelles, dont celles des start-up, appelle une mutation et un élargissement de notre offre de services. Le client qui vient changer ses pneus est le même que celui qui est confronté aux problèmes de congestion urbaine, dont les enfants ne passent plus le permis, et dont le budget est contraint – ce qui l’incite à pratiquer le covoiturage. De fait, le budget d’entretien d’une automobile est important, et la possibilité de louer son véhicule lorsqu’il n’en a pas l’usage permet à l’automobiliste de diminuer les coûts fixes : c’est ce qu’offrent des start-up comme Drivy.

Dans la mesure où notre « ADN » est l’automobiliste, nous devons être là pour lui proposer des solutions lorsqu’il souhaite se déplacer en ville avec un véhicule électrique à deux roues, en mobilisant nos enseignes historiques comme Norauto et Midas ; l’emblème de notre groupe est d’ailleurs l’homme mobile. Nous voulons accompagner nos clients en plaçant la mobilité au cœur de notre profession. Il y va de la pérennité de nos métiers, et nous devons évoluer en même temps que les pratiques liées à l’automobile et ses usages, faute de quoi nous n’existerons plus dans vingt ans.

Dans ce contexte, nous sommes très attentifs à la transversalité et la complémentarité des métiers ; il y a un an, nous avons rejoint le Conseil national des professions de l’automobile (CNPA) afin de créer une branche consacrée à nos professions, car nous souhaitons coopérer avec les activités proches des nôtres. Ainsi, Norauto a été en première ligne dans le domaine de l’éco-entretien, mais nous avons la conviction que la pleine efficacité ne sera atteinte que lorsque tous les acteurs du secteur s’en seront emparés.

Au sein du CNPA, Christophe Delannoy pilote un groupe de professionnels afin que, le moment venu, tous soient prêts ; nous considérons qu’il relève de notre rôle de leader du secteur d’emmener l’ensemble de la filière, car les défis à relever sont nombreux.

Mme Delphine Batho, rapporteure. Que faudrait-il faire, selon vous, pour accroître le recours aux pièces de réemploi ? Cet usage est-il courant aujourd’hui ?

M. Christophe Delannoy. Notre politique commerciale consiste à proposer à nos clients des pièces d’origine et des pièces de réemploi, ce qui fait partie du label éco-entretien, pour lequel nous faisons l’objet d’audits, et nous sommes tenus de faire cette offre.

Désormais, les filières sont bien développées Il est possible de trouver, en réemploi, pratiquement toutes les pièces nécessaires à l’entretien des véhicules ; le système est donc au point.

Mme Bénédicte Barbry. Nous travaillons beaucoup avec des filières actives dans le secteur des produits automobiles issus des véhicules en fin de vie ; Mobivia est troisième dans le domaine du pneumatique. Notre culture, en tant que groupe, est celle du « faire durer », car nous sommes conscients de l’enjeu que représente la limitation des ressources et nous développons l’économie circulaire dans le champ des pièces automobiles. Les potentialités de ce secteur sont importantes, y compris dans le domaine de l’emploi.

Mme la rapporteure. Quels seraient, à vos yeux, les potentiels restant à conquérir dans l’économie circulaire au sein du secteur automobile ?

M. Christophe Delannoy. En tant que prestataire multimarques, nous ne parvenons pas encore à accéder à tous les systèmes électroniques des constructeurs…

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. Vous avez dit être implanté dans plusieurs pays d’Europe. L’approche est-elle la même partout ? Vos concurrents ont-ils une approche équivalente à la vôtre, ou cherchez-vous à vous démarquer ?

Mme Bénédicte Barbry. Notre démarche liée à la nouvelle mobilité concerne surtout la France, ou s’exerce 70 % de l’activité du groupe. Avec la FEDA, nous avons développé notre service « Eco Performance » en Belgique, en Espagne et au Portugal, pays qui ne disposent cependant pas encore d’une réglementation comparable à la nôtre. Nous souhaitons être en tête de ce mouvement en Europe.

En termes de périmètre d’activités, notre groupe n’a guère d’équivalent au sein de la filière automobile. Les plus proches de nous pourraient être les constructeurs, comme PSA qui est très impliqué dans le concept de mobilité et propose certains services à sa clientèle. Dans le secteur de nos métiers historiques, nous avons des concurrents, comme Speedy, Feu Vert etc., que nous rencontrons au sein du Conseil national des professionnels de l’automobile (CNPA), mais ils demeurent très centrés sur l’entretien des véhicules. Nous sommes toutefois la « courroie d’entrainement » et nos concurrents commencent à se mobiliser en proposant, par exemple, des véhicules deux-roues de courtoisie. En tout état de cause, notre groupe est le seul à valoriser pleinement la nouvelle mobilité, singulièrement dans la partie aval. Par ailleurs, le CNPA a lancé un Pacte de mobilité, ce qui montre que les perspectives sont de plus en plus partagées.

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. Quelles sont les raisons qui expliquent que votre groupe ne soit pas présent en Allemagne ?

Mme Bénédicte Barbry. Historiquement, notre groupe a étendu son champ d’action dans des pays où il était susceptible d’apporter une valeur ajoutée en proposant des services nouveaux. Le rapport à l’automobile est différent en Allemagne, où un réseau de centres d’entretien a toujours été présent, et très fréquenté par les conducteurs, et où nous avons un concurrent qui a grandi en même temps que nous : le réseau Auto-Teile-Unger (ATU). Il était donc moins intéressant, et beaucoup plus difficile, de nous implanter dans ce pays. La situation est comparable en Angleterre, où domine le réseau Halfords.

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. Nous vous remercions.

La séance est levée à dix-sept heures trente.

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Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Réunion du mardi 26 avril 2016 à 16 h 30

Présents. - Mme Delphine Batho, Mme Sophie Rohfritsch