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Mercredi 21 septembre 2016

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 43

Présidence de Mme Sophie Rohfritsch, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des Finances et des comptes publics, chargé du budget

Mission d’information
sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

La séance est ouverte à onze heures trente.

La mission d’information a entendu M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des Finances et des comptes publics, chargé du budget budget et des comptes publics.

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. Mes chers collègues, nous recevons ce matin M. Christian Eckert, secrétaire d’État au budget.

Il était impossible, monsieur le ministre, de conclure nos travaux sans vous avoir entendu sur un sujet clé : celui de la fiscalité des carburants, avec en premier lieu la question du rattrapage progressif des niveaux de taxation entre le diesel et l’essence.

Je rappelle que la fiscalité des carburants est composée de trois éléments majeurs : la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui a succédé à la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) ; la TVA dont la récupération sur le diesel ou le superéthanol E 85 est permise à 100 % pour les véhicules utilitaires et à 80 % pour les véhicules particuliers des sociétés et la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).

Depuis 2014, la TICPE intègre une composante carbone progressive et proportionnée aux émissions de CO2 des produits énergétiques.

À cet égard, on rappellera que les véhicules diesel sont moins émetteurs de CO2 que les véhicules essence, l’intégralité des auditions que nous avons conduites l’a confirmé, même si l’on doit mentionner qu’ils sont émetteurs d’autres polluants et notamment les oxydes d’azote (NOx).

Au moment où l’on peut penser que les arbitrages relatifs à la loi de finances pour 2017 ont tous été arrêtés, il paraît essentiel de connaître les termes du rééquilibrage à venir de la fiscalité entre l’essence et le diesel. Le principe de ce rééquilibrage est acté depuis la loi de finances rectificatives pour 2015.

Sur quel rythme, monsieur le ministre, ce rattrapage va-t-il être poursuivi ?

Il est juste de rappeler que sur la problématique générale de la fiscalité des carburants tous les gouvernements successifs ont en quelque sorte « navigué à vue ».

En 1998, le gouvernement de Lionel Jospin avait déjà laissé entrevoir un rééquilibrage de la taxation entre le diesel et l’essence, objectif qui avait d’ailleurs été abandonné.

On évoquera également un autre sujet sensible : celui de l’éventuelle ouverture du droit à une récupération, même partielle, de la TVA sur l’essence concernant les véhicules utilitaires ou professionnels.

Une tentative parlementaire en ce sens a été amorcée l’année dernière ; elle n’a pas reçu l’aval du Gouvernement.

La question reste pourtant entièrement posée. Car cette voie serait peut-être propice à l’accélération d’un renouvellement du parc : certains pensent qu’une telle mesure aurait pour effet de susciter des achats de véhicules essence de nouvelle génération donc moins polluants.

N’oublions pas que le marché français du véhicule neuf se caractérise désormais par un taux d’achats par des professionnels voisin de 50 %.

Il est évident que les considérations fiscales sont de puissants leviers pour rééquilibrer le parc automobile français que l’on présente, à tort ou à raison, comme « surdiésélisé ».

Monsieur le ministre, nous allons vous écouter attentivement au titre d’un exposé liminaire, puis les membres de la mission d’information, avec en premier lieu Delphine Batho, notre rapporteure, vous interrogeront à leur tour.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Je souhaiterais tout d’abord réagir à quelques-unes des allusions contenues dans votre propos liminaire.

En premier lieu, les arbitrages relatifs aux textes financiers devant être présentés en fin d’année sont assez largement arrêtés, bien qu’un certain nombre de sujets demeurent ouverts pour la loi de finances rectificative. J’imagine que le Parlement apportera sa pierre à l’édifice, notamment sur les sujets que vous avez évoqués.

En second lieu, et je réagis au terme quelque peu provocateur que vous avez utilisé : en patois lorrain, on dirait que vous avez « chtiplé » ; peut-être le dit-on aussi en alsacien, madame Zimmerman…

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. Cette expression n’existe pas en Alsace, on n’y « chtiple » jamais… (Sourires.)

M. le secrétaire d’État. Pardonnez-moi ce clin d’œil régional…

Vous avez évoqué une « navigation à vue » ; au cours des dernières années, nous avons donné beaucoup plus de visibilité, notamment à la trajectoire de la contribution climat-énergie (CCE), communément appelée « taxe carbone », mais aussi à la question du rapprochement diesel-essence. Certes, il est toujours possible d’aller plus loin dans la visibilité, il n’empêche que nous avons posé des jalons importants sur lesquels je reviendrai.

Enfin, vous avez utilisé le terme de « progressivité ». Je donnerai un point de vue plus personnel, bien qu’assez largement partagé au sein du Gouvernement : l’idée de progressivité est importante car, si les enjeux environnementaux et économiques ne connaissent pas nécessairement la même échelle de temps — sujet qui pourrait nourrir de longs débats —, ils n’en nécessitent pas moins de la prévisibilité, mais aussi de la progressivité.

Cependant, avant d’en venir directement à la question de la fiscalité qui s’applique spécifiquement à la construction automobile, je souhaiterais brosser un panorama rapide de la fiscalité environnementale, sur laquelle nous avons beaucoup progressé depuis 2012.

La grande avancée, vous le savez, a été la contribution climat-énergie.

Alors que le précédent gouvernement avait échoué à mettre en place une taxe carbone, nous sommes parvenus, avec le Parlement, à prendre en compte le coût du carbone dans la consommation des énergies. Cette réforme a introduit une évolution des tarifs des trois taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles : la TICPE, la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) et la taxe intérieure de consommation sur les houilles, lignites et cokes (TICC), en prenant en compte, pour chaque produit énergétique, ses émissions en carbone selon une trajectoire intégrant une valeur de la tonne de carbone. Cette trajectoire est connue, elle a été votée : 7 euros par tonne en 2014, 14,5 euros par tonne en 2015, 22 euros en 2016. Elle sera de 30,5 euros l’année prochaine.

À travers la valeur du carbone, c’est au réchauffement climatique plus directement qu’à la qualité de l’air que la CCE a donné un prix. C’est une trajectoire ambitieuse. Elle suppose d’accepter que les automobilistes supportent, chaque premier janvier, une hausse de fiscalité de 2 centimes d’euro le litre pour l’essence, et de 2,5 centimes d’euro le litre pour le gazole. Ce qui contribue au rapprochement de la fiscalité entre les deux types de carburants.

Comme vous le savez, les recettes de la contribution climat-énergie permettent de financer les dépenses de transition énergétique. Depuis le 1er janvier 2016, un compte d’affectation spéciale dédié au sein du budget de l’État finance, grâce aux produits de la fiscalité énergétique, les avantages de tarif pour l’achat d’énergie renouvelable, pour un total de dépenses de l’ordre de 5 milliards d’euros par an. Cette réforme très structurante a été adoptée l’an dernier dans nos textes financiers.

L’autre réforme est celle qui a été votée contre la pollution de l’air pour engager la convergence progressive entre l’essence et le diesel. En 2015 demeurait un écart de taxation de 15,59 centimes d’euro par litre en faveur du diesel, ayant contribué à la « diésélisation » du parc automobile français. Avec le mouvement de « +1/–1 » que nous avons fait adopter pour 2016 et pour 2017, nous amorçons un mouvement de convergence en six à sept ans. Ce qui s’intègre dans le cadre de la progressivité que j’ai précédemment évoquée. Nous avons estimé que ce signal était important pour nos industries dans la perspective d’une « dédiéselisation » du parc en France.

Se pose désormais, comme vous le savez, la question de la déductibilité de la TVA sur l’essence, qui sera certainement débattue au cours de l’automne. Le Gouvernement aura alors l’occasion d’indiquer dans quelle ampleur et à quel rythme il souhaite suivre les propositions qui ne manqueront pas de survenir à l’occasion de la discussion des textes budgétaires. En tout état de cause, il me semble que ce mouvement devra être pris en compte, et nous définirons le cadre de cette progressivité nécessaire pour laisser à chacun le temps de s’adapter. Ce sont bien les possesseurs d’anciens véhicules qui n’ont pas la possibilité d’en changer, ainsi que les industriels, qui sont les plus directement concernés ; c’est pourquoi il est essentiel de trouver le bon équilibre.

Dans le même temps, nous avons voulu encourager les biocarburants, en différenciant la fiscalité applicable au E 5 qui intègre moins de 5% de bioéthanol et le E l0 qui en intègre jusqu’à 10 %. Encourager les biocarburants, c’est réduire les émissions et utiliser une énergie renouvelable. C’était le deuxième « +1/–1 » – au sein des essences, cette fois –, qui a été adopté en loi de finances rectificative. Les émissions polluantes sont par ailleurs soumises à la taxe générale sur les activités polluantes. Dix-huit substances y sont assujetties aujourd’hui, dont douze depuis 2013. Il s’agit d’une véritable imposition incitative, internalisant dans le coût privé des entreprises le coût social de la pollution de l’air.

Dans le domaine de la mobilité ensuite, outre le soutien au développement des infrastructures de transport collectif, qui contribue en longue période à la réduction des émissions de CO2, l’État intervient directement pour favoriser l’acquisition de véhicules propres au travers du dispositif de bonus-malus automobile, financé par un compte d’affectation spéciale dédié, pour un total d’environ 300 millions d’euros par an. Cet outil, initialement ciblé sur la pollution au CO2, a été complété en 2015 par un volet de lutte contre les particules fines, à travers une prime en faveur de la conversion des vieux véhicules diesel en véhicules propres. Cette prime, qui permet de bénéficier d’une aide totale de 10 000 euros pour l’acquisition d’un véhicule électrique, est reconduite pour toute l’année 2016 et le sera à nouveau en 2017 ; elle s’applique désormais aux vieux véhicules dès dix ans d’âge et non plus quinze ans.

À l’inverse, les véhicules polluants sont soumis au malus automobile, qui est une taxe assise sur le nombre de grammes de CO2 émis par kilomètre, ainsi qu’à la taxe additionnelle sur les certificats d’immatriculation reposant sur un barème par gramme de CO2 croissant selon les émissions du véhicule par kilomètre. Elle est due lors des renouvellements de certificats, donc lors des achats d’occasion. Le malus annuel ou à la taxe sur les véhicules de société tient également compte des émissions de polluants.

Ce dispositif de bonus-malus va évoluer en 2017 tout en conservant sa logique d’ensemble. Le bonus sera recentré sur les véhicules électriques qui en constituent le cœur de cible, ce qui signifie que le bonus pour les véhicules hybrides, qui avait progressivement diminué, sera éteint au 1er janvier 2017. Le bonus sera par ailleurs complété par un volet « deux-roues », dont les contours restent encore à affiner. Le barème du malus sera quant à lui revu, à la fois pour assurer l’équilibre financier du dispositif, qui est dans sa nature même, mais aussi pour aller plus loin dans l’objectif de mutation du parc automobile. Son rendement prévisionnel sera de l’ordre de 350 millions d’euros, soit le même que celui constaté en 2014 après la dernière réforme du malus. Le barème sera par ailleurs lissé pour plus de cohérence, en passant d’un malus par tranche de 5 grammes d’émission de CO2 à un malus par gramme d’émission de CO2. L’ensemble de ces éléments sera détaillé dans le projet de loi de finances qui sera présenté la semaine prochaine en conseil des ministres, puis, à midi, à votre commission des finances.

Enfin, je rappelle qu’il existe quatre taxes spécifiques, tenant compte des émissions de CO2 : le malus automobile, la taxe additionnelle sur les certificats d’immatriculation, le malus annuel, qui est une taxe annuelle sur la détention des véhicules les plus polluants, la taxe sur les véhicules de société, prévue à l’article 1010 du code général des impôts (CGI), qui comporte une part dépendant des émissions de CO2, et rapporte 750 millions d’euros.

Je vous propose maintenant de répondre à vos questions, dont certaines m’ont courtoisement été communiquées.

Mme Delphine Batho, rapporteure. Merci, monsieur le ministre, pour ces informations, particulièrement pour la communication d’un certain nombre d’arbitrages arrêtés par le Gouvernement au sujet du bonus-malus dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017.

S’agissant de la convergence entre l’essence et le diesel, vous avez rappelé qu’elle était engagée, et devait s’étaler sur six ou sept ans : ce comput commence-t-il à l’année 2015 ?

En termes de recettes fiscales, le rendement de cette convergence ne fait pas l’objet d’un compte d’affectation spécial : vers quoi a-t-il été orienté ? On se souvient que, la première année, il avait pour partie compensé l’abandon de la taxe carbone ?

Ainsi que vous l’avez implicitement souligné, nous sommes confrontés au fléau de la pollution urbaine. Toutefois, les usagers ayant le plus besoin de leur véhicule au quotidien résident dans les territoires ruraux ; il y a là une source d’inégalités sociales et territoriales. De ce fait, tous les Français ne sont pas également exposés à la hausse de cette fiscalité sur le diesel. Dès lors, considérez-vous que des contreparties devraient être apportées ?

Mon interrogation porte particulièrement sur la façon dont la suite de la convergence entre l’essence et le diesel se répercutera ou non sur le barème kilométrique.

Le point de départ des travaux de notre mission d’information a été le scandale Volkswagen, même si les NOx étaient plus concernés que le CO2, je souhaite vous poser une question de principe. Si, à l’avenir, des informations sur lesquelles l’État se serait fondé pour l’attribution de bonus à certaines catégories de véhicules se révélaient fausses, l’État est-il aujourd’hui juridiquement et techniquement en mesure d’exiger le remboursement de ces bonus ? Le sujet me paraît très important au regard de l’effort fourni par les pouvoirs publics en faveur du déploiement de véhicules plus propres.

Par ailleurs, je souhaiterais savoir sur quels critères de performance écologique se base l’extinction de l’attribution du bonus aux véhicules hybrides. Les travaux conduits par notre mission d’information ont mis en évidence la tendance de fond à la généralisation de diverses formes d’hybridation ; une étude d’impact a-t-elle été menée à ce sujet ?

Certes, le véhicule « zéro émissions » et le véhicule électrique doivent être encouragés, mais le fait que chaque année les règles du jeu du bonus-malus changent n’est-il pas déstabilisant au point de vue industriel ? L’importance des signaux — les drivers en anglais — donnés par les pouvoirs publics ne saurait être méconnue.

M. le secrétaire d’État. S’agissant de l’affectation des produits de mouvements de fiscalité, notamment le « +1/–1 », celui-ci est de l’ordre de 250 à 300 millions d’euros par an. Dans la mesure où les véhicules diesel sont plus nombreux que les véhicules à essence, augmenter la fiscalité pesant sur le diesel tout en diminuant celle qui pèse sur l’essence produit du rendement aussi longtemps que les premiers demeurent majoritaires.

À l’occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, et le Gouvernement l’avait clairement indiqué, nous avions adopté cette disposition — qui, certes n’a rien à voir, mais l’exercice budgétaire consiste en la présentation d’un équilibre global — qui finançait la mesure de retour à l’exonération d’impôts locaux d’un certain nombre de contribuables de condition modeste. Le public visé, que certains appellent les « petits vieux », représentait les contribuables exonérés jusqu’alors, et qui ne l’étaient plus du fait de l’augmentation du revenu fiscal de référence dû à l’inclusion dans l’assiette de prélèvement de la demi-part des veuves, les majorations de pensions notamment.

Encore une fois, il s’agissait de garantir l’équilibre du budget entre le moment de sa présentation et son état après le débat au Parlement.

Le Gouvernement entend conserver ce rythme de « +1/–1 » par an, sachant que la progression de la contribution climat-énergie représente un demi-centime de rapprochement.

L’inégalité existant entre le secteur urbain et le secteur rural a fait l’objet de bien des débats et a constitué, pour des raisons d’ordre constitutionnel, la principale source de difficulté pour les gouvernements précédents dans la mise en place de la taxe carbone.

Il me semble qu’il convient d’éviter les questions trop complexes ; certains de nos dispositifs fiscaux le sont déjà, d’aucuns disent qu’ils le sont trop. Aussi établir des distinctions entre secteur rural, secteur de montagne, secteur urbain, tout en voulant prendre en compte les situations locales des transports collectifs ne pourrait que nous conduire à des difficultés de mise en œuvre incommensurables. De fait, le secteur de montagne connaît une situation bien particulière, et ce type de dispositions ne manque jamais de connaître des zones intermédiaires. Le Parlement se déterminera, mais je ne souhaite pas m’engager dans des distinguos dont l’application comporterait trop de difficultés.

Notre administration étudie de près la question du barème kilométrique ; le barème usuel est fondé sur le type de véhicule concerné. Les contribuables n’optant pas pour ce barème kilométrique, des salariés ou certains professionnels, peuvent évaluer les frais de carburant d’après un barème « carburant » correspondant au prix réel.

Ce barème évolue chaque année en fonction de plusieurs paramètres, dont l’évolution de l’indice des prix à la consommation (IPC) et l’évolution des prix hors tabac. Pour mémoire, l’évolution du barème en fonction de l’évolution des prix hors tabac a été retenue au cours de la campagne précédente : faut-il faire évoluer ce dispositif ? Le Parlement en débattra.

La séance est levée à douze heures vingt-cinq.

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Membres présents ou excusés

Mission d’information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Réunion du mercredi 21 septembre 2016 à 11 h 30

Présents. – M. Frédéric Barbier, Mme Delphine Batho, M. Xavier Breton, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Jean Grellier, Mme Sophie Rohfritsch, Mme Marie-Jo Zimmermann

Excusés. – M. Yves Albarello, M. Jean-Marie Beffara