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Mission d’information commune sur la banque publique d’investissement, Bpifrance

Jeudi 2 avril 2015

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 17

Présidence
de Mme Véronique Louwagie,
Présidente

–  Table ronde, ouverte à la presse, dédiée au soutien à l’exportation et à l’ouverture à l’international des entreprises, réunissant M. Jean-Paul Bacquet, député du Puy-de-Dôme et président du conseil d’administration d’UBIFRANCE, M. Alain Renck, directeur de Bpifrance Export, M. Henri Baïssas, directeur général adjoint de BUSINESS France, M. Christophe Viprey, directeur des garanties publiques de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (COFACE), M. Gilles Dabezies, directeur général adjoint chargé des actions internationales et européennes à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de la région Paris Île-de-France, M. Jean-Claude Karpelès, délégué du président en charge du développement international et des affaires européennes de la CCI de la région Paris Île-de-France, Mme Véronique Etienne-Martin, directrice des affaires publiques et de la valorisation de la CCI de la région Paris Île-de-France, Mme Sandrine Gaudin, chef du service des affaires bilatérales et de l’internationalisation des entreprises au ministère de l’économie et des finances, Mme Jocelyne de Montaignac, administratrice du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF), directrice commerciale et marketing d’Euler Hermes France.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Nous poursuivons ce matin les travaux de la mission d’information commune sur la banque publique d’investissement par une table ronde, dédiée au soutien apporté par Bpifrance à l’internationalisation des entreprises et à la question de la coordination des différents acteurs publics qui agissent en faveur de cet objectif. Comment les soutiens à l’exportation s’organisent-ils ? Quelle est la place, le rôle et l’efficacité de Bpifrance dans ce domaine ?

M. Jean-Paul Bacquet, député du Puy-de-Dôme et président du conseil d’administration d’UBIFRANCE. Rappelons pour commencer l’historique de l’action commune entre Bpifrance et BUSINESS France – organisme né de la fusion entre l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII) et UBIFRANCE. En janvier 2008, une convention est signée entre la Direction générale du Trésor, UBIFRANCE, l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI), l’Union des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger (UCCIFE), le Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF), l’Association des régions de France (ARF), la COFACE et OSEO, dans l’optique de trouver des complémentarités pour éviter à tous ces organismes de travailler chacun de son côté, gaspillant énergie et efficacité. En octobre 2008, les synergies sont renforcées par une convention entre UBIFRANCE et OSEO. En 2009, les deux organismes lancent des prêts pour l’export. En 2012, Bpifrance reçoit un soutien financier et opérationnel sous la forme de chargés d’affaires internationales (CAI). Le 6 novembre 2012, est signé le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi qui vise à instaurer un accompagnement personnalisé à l’international, dans la durée, à mille ETI et PME de croissance, par Bpifrance et BUSINESS France. À partir de 2013, les volontaires internationaux en entreprise (VIE) de Bpifrance sont hébergés au sein des bureaux d’UBIFRANCE. En mai 2013, le label Bpifrance Export qui rassemble les trois opérateurs publics : UBIFRANCE, Bpifrance et la COFACE est lancé. Fin 2013, 280 entreprises sont accompagnées dans la durée. En mars 2014, UBIFRANCE est inclus dans le programme de formation HEC destiné aux dirigeants du réseau Bpifrance Excellence. En septembre 2014, la deuxième vague des chargés d’affaires internationales, personnel détaché de BUSINESS France, arrive à Bpifrance.

Comme pour la fusion entre UBIFRANCE et l’AFII – dont la cohérence n’était pas immédiatement perceptible –, cette opération de coordination cherche à accroître l’efficacité des différents organismes. La mutualisation des investissements et du fonctionnement permet d’augmenter à la fois l’attractivité de la France pour les entreprises étrangères et celle des partenariats avec les entreprises étrangères installées dans notre pays pour leurs homologues françaises. Nous avons aujourd’hui la volonté de disposer d’un outil opérationnel susceptible d’intervenir dans les domaines de l’investissement, de l’internationalisation et de l’innovation.

M. Christophe Viprey, directeur des garanties publiques de la COFACE. Dans l’accompagnement à l’export, la COFACE joue le rôle de l’assureur : elle distribue et gère des produits d’assurance liés aux risques que l’exportation peut représenter pour les entreprises. Même si elle s’est fortement développée ces dernières années, la part du travail que la COFACE consacre aux PME et ETI n’est pas majoritaire : environ la moitié de nos trois cents collaborateurs qui s’occupent des garanties publiques à l’export gèrent les produits destinés à ces entreprises ; l’autre moitié travaillant sur les grands contrats des grandes entreprises – la mission historique de l’organisme. En revanche, plus de 90 % des 80 milliards d’euros que représente l’encours de risque garanti par la COFACE pour le compte de l’État sont concentrés sur moins de cent grandes entreprises et leurs grands contrats internationaux, les PME et les ETI totalisant moins de 5 milliards.

Comme M. Bacquet l’a rappelé, Bpifrance Export – un partenariat entre Bpifrance, la COFACE et UBIFRANCE – a été créé en mai 2013 afin d’homogénéiser le catalogue des aides, évitant ainsi les zones de frottement entre les produits des uns et des autres – question définitivement réglée –, d’améliorer les produits – domaine où l’on peut encore progresser – et d’organiser des transferts de personnel pour donner de la cohérence aux équipes. Ainsi, à côté des CAI d’UBIFRANCE, des personnes chargées du développement ou de la commercialisation des produits de la COFACE auprès des PME ont rejoint les directions régionales de Bpifrance. En effet, les grandes entreprises viennent à nous, mais nous devons aller vers les plus petites. S’il est encore trop tôt pour tirer un bilan définitif de ce partenariat, ses premiers résultats apparaissent positifs.

Il est essentiel pour les entreprises françaises désireuses d’exporter de bénéficier de la gamme des produits la plus large possible. En effet, ce n’est pas son manque de performance sur telle ou telle niche de financement que l’on a longtemps reproché au système français – qui s’est par exemple toujours montré efficace pour Airbus –, mais les « trous dans la raquette » qui doivent aujourd’hui être comblés. La gamme des services ne permet pas de répondre aux besoins de toutes les entreprises, des plus petites aux plus grandes. Tout l’objet des annonces récentes est d’y remédier. Ainsi, l’arrivée de Bpifrance sur les crédits export de montant limité – jusqu’à 25 millions d’euros – permettra de combler une lacune de marché dans l’offre bancaire. Désormais, si les banques se retirent, Bpifrance y suppléera. À l’autre extrémité, la création de la Société de financement local (SFIL) permet de pallier le manque de compétitivité dont souffraient les crédits de montant élevé. Cet organisme de refinancement de l’export – que le Président de la République a qualifié de banque de l’exportation – nous rapproche des modèles américain ou allemand qui offrent aux banques la possibilité soit de suppléer leurs lacunes, soit de se refinancer auprès d’un établissement public, comblant ainsi le défaut éventuel de compétitivité des très gros financements.

Il ne m’appartient pas de commenter l’annonce de l’étude sur le transfert des garanties publiques vers Bpifrance ; le travail est lancé, l’étude et les discussions suivent leur cours. Cependant, ce transfert seul – qui demandera un travail complexe et sans doute coûteux – n’apportera pas grand-chose, et il me semble essentiel d’en profiter pour perfectionner le système.

Pour commencer, il faudrait améliorer la garantie des financements. Dans le système français, unique au monde, l’État donne sa garantie à la COFACE – ou demain à Bpifrance –, qui garantit le contrat, le caractère indirect de la garantie lui faisant perdre en compétitivité par rapport aux garanties directes apportées aux contrats par l’État. Il faut ensuite développer la dimension commerciale de l’assureur. La COFACE n’a jamais eu pour mission d’aller vers les PME pour leur proposer ses produits, ni vers les clients étrangers des grandes entreprises pour leur montrer que l’équipe France appuie les banques, les exportateurs ou les groupements d’exportateurs pour rendre l’offre française performante. Cette tâche devrait être confiée à la nouvelle entité. Enfin, troisième amélioration possible, il faut assouplir et simplifier les processus de décision – grand combat que je mène parfois contre la direction dont je suis issu. Il est aberrant que les PME soient soumises, comme les grandes entreprises, à la décision de la Commission interministérielle des garanties et du crédit au commerce extérieur, créée en 1946 par ordonnance et reprise dans la loi de 1949. Cet organisme qui, ne visant à l’origine que les grands contrats, ne correspond pas aux besoins de souplesse et de réactivité des petites entreprises. Il serait dommage de ne pas profiter de ce travail de réflexion sur les garanties publiques pour revoir également les processus de décision.

M. Alain Renck, directeur de Bpifrance Export. Bpifrance est entrée dans le jeu du commerce extérieur pour aider les entreprises qui veulent exporter et s’internationaliser, sur la base d’un triple constat. D’abord, nos clients entrepreneurs évoquent systématiquement deux facteurs de croissance : l’innovation et l’international. Présents depuis longtemps dans le domaine de l’innovation que nous finançons notamment par le biais du crédit d’impôt recherche, nous avons donc décidé de nous lancer également dans ce deuxième domaine dont nous nous occupions peu il y a encore dix ans.

Ensuite et nous sommes nombreux à partager ce jugement –, notre pays manque d’exportateurs. Voyant tous les ans, en face-à-face, 70 000 à 75 000 chefs d’entreprise, Bpifrance peut profiter de ces moments privilégiés de discussion pour leur parler d’exportation.

Enfin, Christophe Viprey l’a rappelé, il existe dans le système de financement des failles de marché. En effet, organiser une activité d’export représente, pour une PME ou une ETI, un effort de très long terme qui s’assimile à un marathon ; or les durées longues impliquent des besoins d’argent importants. De plus, le financement de l’international – tout comme celui de l’innovation – renvoie pour l’essentiel à des dépenses immatérielles, que les banques n’aiment guère car elles ne sont en général assorties d’aucune garantie. Pour donner à l’entrepreneur le temps d’effectuer sa démarche sans se soucier de sa trésorerie au quotidien, nous avons décidé de créer les prêts export : prêts de durée longue, sans garantie, portant sur des volumes importants – jusqu’à 5 millions d’euros –, avec deux années de franchise.

Le point d’orgue de notre nouvelle action en faveur de l’exportation a été la création de Bpifrance Export en mai 2013. Cet organisme répond à un souci de simplification ; alors que le maquis des organismes d’aide à l’export apparaît particulièrement touffu, nous avons rassemblé l’ensemble des soutiens publics nationaux – en matière d’assurance, de financement et d’accompagnement – sous un même toit. Banque de démarchage et non de guichet, Bpifrance se rend auprès des clients et met toute la gamme des produits à leur disposition.

M. Henri Baïssas, directeur général adjoint de BUSINESS France. En matière d’exportation, la mission d’intérêt général de BUSINESS France se décline en trois grands volets. Nous faisons de la prospection sur les marchés étrangers afin d’aider les PME à identifier les partenaires commerciaux – importateurs et distributeurs – et à générer des courants d’affaires ; nous renseignons ainsi quelque 9 000 entreprises par an. Nous assurons ensuite le suivi dans la durée des entreprises de croissance, l’ambition fixée dans le pacte de compétitivité étant d’accompagner 1 000 champions de demain dans leur dynamique mondiale. Enfin, nous développons la formule du VIE qui correspond à la décision n° 16 du pacte de compétitivité, en cherchant à augmenter le nombre des entreprises utilisatrices. Actuellement, 8 500 VIE sont en poste, contre un peu moins de 7 000 il y a trois ans. Il s’agit d’un dispositif remarquable pour le développement des entreprises.

La création de Bpifrance Export répond à un besoin des entreprises : celui d’efficacité et de simplicité. Cet outil opérationnel puissant réunit les solutions de financement avec Bpifrance, d’assurance avec la COFACE et d’accompagnement des entreprises avec BUSINESS France. Le pacte de compétitivité cible précisément les ETI et les PME de croissance, l’enjeu étant d’aider les entreprises capables de devenir les champions de demain à se développer pleinement, l’ambition étant de doubler leur chiffre d’affaires à l’international en captant la croissance sur les marchés étrangers. Cette démarche est complémentaire du travail de prospection que nous menons avec les chambres de commerce.

Le dispositif a été pensé pour les entreprises et même s’il est encore tôt pour en dresser un bilan définitif, il apparaît indéniablement plébiscité. Comme le montrent les résultats d’une enquête, les deux tiers des 1 200 entreprises visitées par nos trente-huit CAI installés dans les directions régionales de Bpifrance Export souhaitent intégrer la démarche. Autre résultat marquant : 98 % des entreprises qui en ont bénéficié sont satisfaites par le dispositif. Plus intéressant encore, à la question : « Dans quelle mesure le dispositif Bpifrance Export peut-il contribuer à votre développement international ? », 99 % des entreprises répondent : « de manière importante ». Les attentes sont donc fortes et l’on s’attachera à mesurer la valeur générée pour le compte des entreprises qui bénéficient du dispositif.

Pour terminer, je citerai quelques mots des entreprises, les grandes absentes de cette table ronde : « dispositif d’appui export simplifié et plus visible » ; « qualité des interlocuteurs permettant une compréhension rapide des problématiques des entités du groupe, avec innovation, financement et international » ; « de façon générale, malgré un a priori négatif sur les organismes publics, très satisfait car disponible et efficace ; interlocuteur dédié fondamental, évite de se perdre et de perdre du temps ; bonne connaissance de l’offre ».

Mme la présidente Véronique Louwagie. D’autres tables rondes ainsi que des auditions nous permettent de rencontrer les entreprises ou leur représentant.

M. Jean-Claude Karpelès, délégué du président en charge du développement international et des affaires européennes de la CCI de la région Paris Île-de-France. Le premier rôle des chambres de commerce et d’industrie est la proximité : implanté dans tous les départements, notre réseau nous assure un contact permanent avec les entreprises. C’est à ce niveau que nous agissons, en complémentarité avec nos partenaires et avec lesquels nous devons aujourd’hui construire une nouvelle forme de collaboration plus régionale. Nous détectons, informons, formons, préparons et orientons les entreprises, l’objectif étant de les suivre dans la durée pour en permettre le développement à l’international.

Nous devons offrir aux entreprises de toutes les tailles un véritable complément d’action cohérente dans le temps. Pour cela, nous devons éviter la concurrence, privilégiant la complémentarité des offres, et procéder à quelques aménagements afin d’éviter les doublons. Alain Renck et moi-même nous rencontrerons bientôt pour trouver une solution intelligente et pragmatique à notre façon de travailler.

Les chambres de commerce sont en contact permanent avec près de 2 000 entreprises par an ; l’accord que nous venons de signer doit nous amener à en contacter plus encore. C’est en matière de complémentarité des compétences qu’il nous faut avancer, afin d’apparaître aux yeux des entreprises comme un partenaire global dénué de tout conflit interne. Sur ce point essentiel, nous pouvons encore progresser.

M. Gilles Dabezies, directeur général adjoint chargé des actions internationales et européennes à la CCI de la région Paris Île-de-France. Jean-Claude Karpelès fait référence à l’accord signé le 11 mars entre BUSINESS France et l’ensemble des chambres de commerce de France et des chambres françaises à l’étranger. En plus de vérifier que nous ne faisons pas deux fois la même chose, ce document fixe l’objectif d’un travail commun sur 3 000 entreprises. Si l’accord entre Bpifrance et BUSINESS France portait sur 1 000 ETI et PME de croissance, l’accord du 11 mars ajoute à notre « tableau de chasse » 3 000 PME à moins forte croissance, mais susceptibles d’exporter. Pour arriver à ce chiffre, il nous faut en détecter 4 000 ou 5 000 sur le terrain, car le taux de déperdition est important. Il serait dommage de réserver les produits financiers de Bpifrance aux 1 000 ETI et PME de croissance, et nous devrons travailler région par région pour en faire bénéficier ces 3 000 entreprises supplémentaires que le Gouvernement nous a demandé de traiter.

Mme Sandrine Gaudin, chef du service des affaires bilatérales et de l’internationalisation des entreprises au ministère de l’économie et des finances. Un mot sur la direction générale du Trésor et son rôle en matière de commerce extérieur et de soutien financier à l’exportation. La direction travaille pour les deux ministres de Bercy et s’occupe de la définition et de la mise en œuvre de la politique économique. À ce titre, elle est chargée de promouvoir la compétitivité des entreprises – vaste concept qui recouvre une série de mesures permettant de créer les meilleures conditions pour que les entreprises, grandes et petites, puissent évoluer, notamment à l’international.

Le commerce extérieur est porté par une pluralité d’acteurs et la politique qui y correspond, elle aussi plurielle, constitue une « soft policy » reposant sur l’interaction des différents acteurs du secteur privé ou public – l’État ou les opérateurs de l’État – qui accompagnent le développement à l’international des entreprises aux besoins diversifiés. C’est d’ailleurs ce qui explique la complémentarité, déjà soulignée, des intervenants réunis autour de cette table. En effet, une PME peut avoir besoin de formation ou de ressources humaines supplémentaires pour prospecter un marché, mais également d’une assurance financière ou d’un accompagnement pour contacter un partenaire à l’étranger. Selon le besoin, chacun des acteurs ici présents de l’écosystème de l’export peut intervenir à un moment ou à un autre.

Dans cet écosystème – qui peut faire penser à un maquis sans en être un –, la direction générale du Trésor promeut des réformes qui visent à rationaliser et à faire mieux connaître la palette des outils disponibles. C’est elle qui contrôle l’activité de gestion des garanties publiques à l’exportation, la COFACE agissant pour le compte de l’État. Une plaquette que je mets à votre disposition résume les différents produits financiers à l’export. Un dispositif de prêts concessionnels permet également à la direction générale d’aider des clients étatiques étrangers à financer de grands projets d’infrastructures.

Au-delà de la mise en œuvre de ces dispositifs de soutien, la direction générale du Trésor a en charge le suivi et la tutelle des opérateurs de l’État, à commencer par BUSINESS France. Elle a notamment œuvré pour le rapprochement entre Ubifrance et BUSINESS France pour en faire un opérateur qui, en faisant jouer toutes les synergies, peut agir à la fois sur l’export, l’attractivité et la promotion de l’image de la France. En effet, le Gouvernement considère la politique de l’attractivité comme une priorité, d’où ce nouveau chapitre ajouté aujourd’hui au spectre des compétences de BUSINESS France.

Un écosystème aussi riche – au point de ressembler à un maquis – peut apparaître complexe et insuffisamment lisible, et mérite un effort de simplification. Pour justifier les grandes politiques publiques comme celle prônée par l’étude en cours sur le rapprochement entre la COFACE et Bpifrance, on invoque régulièrement la nécessité d’un guichet unique. Cependant ce dernier constitue un mythe car l’entreprise unique elle-même n’existe pas. Tout en s’efforçant d’apporter une plus grande lisibilité au système, il faut garder une certaine spécialisation dans les guichets. Il en va de même en matière de procédures douanières où l’idée d’un guichet unique – a priori un bon objectif – se révèle en pratique difficile, les différentes réglementations ne pouvant être abritées sous un seul pavillon. Aussi, tout en continuant à tendre vers le guichet unique, il ne faut pas sacraliser cet objectif, sous peine de nier la grande diversité des besoins des entreprises – PME, ETI et grands groupes. L’assurance-crédit pour le contrat de vente des Rafales – que la COFACE vient de réaliser – n’équivaut pas à celle dont a besoin une petite PME qui se heurte à des obstacles bien identifiés dans l’accès à un marché de niche d’un pays émergent. Certes, le dispositif peut parfois paraître émietté et l’on s’efforce de le rationaliser en complétant la palette des produits de Bpifrance, des petits montants aux mécanismes de refinancement importants. Mais il ne faut pas se leurrer : malgré tous les efforts, chartes et dispositifs, malgré les préoccupations de nos autorités politiques et de nos Gouvernements successifs, malgré la rationalisation et la simplification des procédures, le commerce extérieur, sa promotion et son soutien financier resteront des politiques délicates, difficiles à faire entrer sous un même chapitre. En revanche, évitons l’écueil de multiplier des dispositifs ou des structures inutiles ; n’oublions pas non plus que nous – opérateurs et acteurs publics – agissons en subsidiarité du secteur privé, les banques restant le premier financeur de l’export. En réfléchissant à la meilleure manière d’appréhender la promotion et le soutien à l’exportation, il ne faut jamais perdre de vue ces éléments de complexité.

Mme Jocelyne de Montaignac, administratrice du CNCCEF. Les entreprises ne sont pas exclues de cette table ronde puisque j’en représente plus de 4 000 ! Volontaires déployés dans ces entreprises présentes dans 146 pays, les conseillers du commerce extérieur (CCE) forment un réseau puissant qu’un changement de gouvernance rend aujourd’hui plus moderne et plus dynamique. Issus du monde de l’entreprise, experts et praticiens passionnés du commerce extérieur qu’ils connaissent tous parfaitement et qu’ils pratiquent tous les jours, les CCE remplissent plusieurs missions.

Pour commencer, ils assurent une mission de conseil, à l’international et en France, qui concerne essentiellement des PME et des ETI membres de notre réseau ou rencontrées en régions ou à l’étranger. La première fois que je suis allée en Lybie, en 1988, j’ai été accueillie par un CCE ; en arrivant dans un pays difficile dont on ne connaît ni les coutumes, ni les difficultés politiques, ni les problèmes de sécurité, on apprécie que quelqu’un vous décrypte le contexte. C’est le rôle de chacun d’entre nous au quotidien à l’étranger. En France, nous dirigeons les PME et les ETI vers Bpifrance et les autres acteurs ici présents, et les aidons à s’orienter dans ce maquis en cours de simplification, à prospecter les marchés et à structurer leurs actions internationales.

Nous avons également une mission d’accompagnement par le parrainage d’entreprises. Nous soutenons le développement du VIE – institution éminemment utile qui permet aux jeunes de découvrir l’étranger et de devenir progressivement eux-mêmes des acteurs. Nous menons enfin des actions de formation auprès des BTS et des écoles de commerce en matière de commerce international.

Si notre rôle est important, c’est que nous arrivons réellement à toucher les PME. Comme l’a souligné M. Viprey, c’est le soutien de ces entreprises – et non celui d’EADS ou d’Alstom, fort bien accompagnés – qui pose problème en matière de commerce extérieur. À cet égard, l’action de Bpifrance est très intéressante. Il y a une vingtaine d’années, la Banque française du commerce extérieur (BFCE) comme les banques ordinaires soutenaient les exportateurs ; disposant désormais de moins de moyens et de temps, les banques ont quelque peu abandonné ce rôle de conseil et de soutien, et il faut que d’autres acteurs y suppléent. C’est ainsi que nous tenons la main des primo-exportateurs ou des exportateurs de petite taille pour leur expliquer comment procéder pour ne pas se perdre dans un pays, pour structurer leur organisation et se faire payer, beaucoup de PME n’ayant pas conscience des risques dans ce domaine. Les crédits fournisseurs et les crédits acheteurs de petite taille, actuellement redéveloppés par Bpifrance, représentent à cet égard des outils très utiles. Nous nous félicitons de la multiplication des pistes intéressantes et de la dynamique que l’on sent se créer. L’organisation actuelle de Bpifrance nous satisfait, mais il faut continuer à avancer Il faut repenser complètement l’organisation de la COFACE dont l’action ne doit pas être réservée à une dizaine, une vingtaine ou une centaine d’entreprises. Pour arriver à porter le commerce extérieur, essayons de copier nos amis allemands ou italiens qui arrivent beaucoup mieux à faire bouger les choses en profondeur. Nous sommes sur la bonne voie et le CNCCEF tient à soutenir la réflexion et à s’en faire le relais sur le terrain auprès des entreprises.

Mme la présidente Véronique Louwagie. De fait, les entreprises que vous représentez ont déjà une activité d’exportation.

Mme Jocelyne de Montaignac. Certes, mais nous aidons de plus en plus d’entreprises qui souhaitent se tourner vers l’exportation en raison de la situation de l’économie française.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Dans un rapport de 2013 intitulé L’efficacité des aides publiques aux entreprises, le cabinet Ernst & Young souligne qu’une majorité des entreprises jugent le montage des dossiers d’aide à l’exportation trop complexe et souhaiteraient un dossier unique. Des évolutions sont intervenues dans ce domaine, mais elles font l’objet d’appréciations différentes.

Par ailleurs, vous avez indiqué, monsieur Viprey, que les aides de la COFACE se concentraient sur une centaine d’entreprises. Qu’en est-il des autres ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Force est de constater qu’en matière de simplification et de rationalisation des modalités du soutien à l’export et à l’internationalisation de nos entreprises, un choc de simplification ne suffirait pas, tant il y a à faire.

Monsieur Renk, la gamme proposée aux TPE et PME est-elle complète ou comporte-t-elle encore des lacunes ? Existe-t-il des trous dans la raquette, pour reprendre l’expression de M. Viprey ?

Madame Gaudin, comment appréciez-vous les failles de marché ? Pouvez-vous préciser les modalités du crédit acheteur et fournisseur récemment mis en place et nous indiquer le nombre des entreprises qui y ont eu recours ?

Toutes les petites entreprises innovantes sont-elles encouragées à exporter ? Sont-elles suffisamment armées pour résister à de grands groupes étrangers ? L’intelligence économique n’est-elle pas un enjeu, comme nous avons pu le voir lors de notre déplacement en Basse-Normandie ? Enfin, si BUSINESS France et Bpifrance accompagnent les entreprises à l’export, comment les deux organismes se répartissent-ils les tâches ?

M. Alain Renck. Il reste probablement, ici ou là, quelques trous dans la raquette. Je pense notamment aux cautions sur marché. Les banques ayant parfois des difficultés à délivrer des cautions supplémentaires, on nous demande, dans le cadre du lancement des crédits export, crédit acheteur et crédit fournisseur, d’intervenir dans ce domaine. Mais je ne peux vous répondre que pour la partie financement, assurance et accompagnement. S’agissant du financement, je crois que la palette est complète. Pour le dire trivialement, de l’argent, il y en a ! Le principal problème de notre commerce extérieur réside plutôt dans la motivation des entreprises à se tourner vers l’export. C’est pourquoi il faut leur parler franchement, et c’est ce que nous faisons. À celles qui disposent de la structure financière et des produits adaptés à l’exportation, nous leur disons de se lancer, faute de quoi elles auront disparu dans cinq ans. Au moment où nous parlons, des Américains, des Chinois, des Japonais prennent des parts de marché aux entreprises françaises en France.

Les chefs d’entreprise ont tout d’abord besoin d’être rassurés, car ils jugent la plupart du temps l’export compliqué et craignent d’y perdre de l’argent. À cet égard, les dispositifs de Bpifrance, qu’il s’agisse du prêt export de longue durée ou de l’assurance prospection, un produit très ancien mais très performant qui permet de partager le risque d’une prospection qui échouerait, sont de nature à les rassurer.

Mais nous devons aller plus loin et aider les entrepreneurs à se préparer. Ils n’ont souvent pas pris la peine d’analyser le marché qu’ils convoitent. Il est important pour ceux qui dirigent des entreprises de petite taille de bien s’entourer. Si c’est bien évidemment au dirigeant de faire la démarche export, quelqu’un doit s’occuper de l’entreprise lorsqu’il est à l’étranger. Les entrepreneurs doivent également arrêter de financer sur leur trésorerie les dépenses qu’ils engagent pour traduire leur site internet ou adapter leur produit au marché chinois ou américain, par exemple. La trésorerie, est le pouvoir d’achat des entreprises.

M. Christophe Viprey. La concentration est liée à la gamme de produits. Celle-ci comprend, à une extrémité, l’assurance prospection, un produit assez subventionnel qui intéresse les PME, et, à l’autre extrémité, l’assurance-crédit, qui se perfectionne pour offrir aux très grandes entreprises les financements les plus compétitifs possibles. Entre ces deux extrémités, on trouve des produits de couverture de risque de change, de couverture de risque exportateur sur les cautions et les préfinancements, ainsi qu’une assurance investissement qui rencontre un succès assez mitigé.

La concentration est ce qu’elle est. En 2015, en deux contrats, nous avons pris six milliards de risque sur l’Égypte, de sorte que la part de notre flux consacré aux grandes entreprises sera probablement portée de 92 % à 95 % ou 96 %. Toutefois, l’encours COFACE évolue très clairement à l’avantage des PME et des ETI. En 2011, le Premier ministre nous avait fixé pour objectif de porter le nombre d’entreprises bénéficiant de l’assurance prospection de 6 000 à 10 000. Cet objectif nous paraissait difficile à atteindre ; nous l’avons finalement dépassé, puisque 12 500 entreprises en bénéficient aujourd’hui, nous pouvons faire davantage encore. Mais se pose alors la question budgétaire : le fait-on avec 50 millions ou avec 100 millions ? Le déficit de l’assurance prospection se gère au mois le mois. Il est tout à fait pilotable mais c’est une question d’objectif.

Par ailleurs, s’il existe des trous dans la raquette, ils sont moins liés à la gamme des produits qu’à la qualité de ceux-ci. Nombre d’entre eux sont en effet assortis de règles qui, si elles pouvaient se justifier dans le cadre de contrats de grandes entreprises, ne sont pas adaptées aux PME. Je pense tout d’abord à la question de la part française. Cette règle existe dans d’autres pays, mais sous un autre nom, celui d’intérêt national – ce qui est significatif : on s’intéresse, d’un côté, au contenu du contrat en produits français, de l’autre, à l’intérêt pour l’économie nationale. Les deux approches sont radicalement différentes. Tous les rapports consacrés au commerce extérieur – ceux de la Cour des comptes, de l’IGF, des missions parlementaires – ont préconisé une simplification dans ce domaine. Mais la décision est politique ; il faut savoir ce que l’on veut en matière de soutien à l’export des PME et des ETI. En tout état de cause, maintenir les règles actuelles, c’est leur compliquer la vie car, pour chaque demande, elles doivent adresser – même pour de très petits contrats – un tableau très complet des intrants à la direction générale des entreprises du ministère de l’industrie. On a proposé à de multiples reprises de privilégier une base annuelle ou de prendre en compte l’entreprise plutôt que les contrats, en vain.

Un second facteur de complexité est épargné à nos concurrents étrangers. Actuellement, lorsque nous soutenons des contrats export, il s’agit d’un « one shot », ce qui se conçoit pour de grandes entreprises ou de grands contrats. En revanche, lorsqu’on décide, dans le cadre du pacte de compétitivité, de soutenir 1 000 entreprises – 750 actuellement –, mieux vaut les accompagner pendant un an et dresser le bilan à la fin de l’année, plutôt que d’examiner chaque contrat, comme nous sommes obligés de le faire actuellement.

Telles sont les principales lacunes de notre dispositif, lacunes dont ne pâtissent pas les concurrentes étrangères de nos entreprises. Je pense ici surtout aux entreprises de taille moyenne, déjà actives à l’export, qui sont, me semble-t-il, bien plus aidées dans leur approche des marchés par l’agence de crédit export que par COFACE, beaucoup plus tatillonne en raison de cette approche contrat par contrat.

M. Henri Baïssas. La répartition des tâches se fait de manière assez simple : Bpifrance s’occupe du financement, COFACE de l’assurance et BUSINESS France de la prospection des marchés, sa vocation étant d’être le bras armé commercial du développement des entreprises françaises. Les trois organismes agissent donc de manière complémentaire. On peut avoir deux ambitions en matière d’export : faire en sorte que de nombreuses entreprises exportent – et il est nécessaire pour cela que la capillarité des chambres de commerce soit très étendue – et faire accéder, comme cela est prévu dans le pacte de compétitivité, des champions au niveau mondial dans le cadre de la construction de notre mittelstand. Dans l’un et l’autre cas, les besoins sont différents.

M. Jean-Paul Bacquet. Je m’exprimerai davantage en tant que parlementaire qu’en tant que président de BUSINESS France. Je sais, pour avoir été pendant treize années rapporteur du budget du commerce extérieur à l’Assemblée nationale, que c’est un sujet très complexe, auquel, du reste, très peu de parlementaires s’intéressent. Moi, il m’a rendu cyclothymique : je traverse des périodes d’euphorie et des périodes de grand pessimisme…

Lorsque M. Renk nous dit que l’entrepreneur sait à peine dans quel pays il atterrit et qu’il ne parle pas anglais, je déprime d’autant plus que c’était déjà vrai il y a trente ans. C’est affligeant ! En revanche, lorsque j’entends le représentant de COFACE nous expliquer la façon dont il se bat pour connaître les PME, je suis euphorique. Quelle révolution ! Il paraît loin, en effet, le temps où, interrogé sur l’action de COFACE en faveur des PME, son représentant me répondait que l’activité privée rapportait beaucoup d’argent et qu’il n’était pas intéressé par l’activité de garantie publique. L’action de M. Drouin à la tête d’Oséo m’a rendu également optimiste.

Il est vrai cependant que tout n’est pas réglé. Que veut l’entreprise ? Un accompagnement, une assurance, indispensables, et une aide. Elle doit en effet être aidée dans sa prospection des marchés. Interviennent dans ce domaine BUSINESS France et les CCI, qui connaissent bien les entreprises. Mais leurs actions respectives ne doivent pas être cloisonnées. Je dois me rendre à Moscou la semaine prochaine dans le cadre du dialogue franco-russe et, lorsque j’ai demandé à rencontrer certains chefs d’entreprise, la directrice d’Ubifrance m’a répondu que, selon la convention, cela relevait désormais de la chambre de commerce ! Plus que la convention, c’est la pratique qui compte, et elle suppose une véritable coordination. Nous savons tous que d’une région à l’autre les résultats sont différents : les uns ont choisi l’ouverture quand les autres préfèrent rester dans leur pré carré. Le rôle des régions, qui est du reste discuté dans le cadre du débat parlementaire sur la loi NOTRe, est important à cet égard.

Il est un autre élément, fondamental, que personne n’a encore évoqué et sur lequel je veux insister : l’évaluation. Tous les gouvernements, qu’ils soient de gauche ou de droite, veulent améliorer la situation de notre commerce extérieur ; tous ont identifié nos points forts et nos points faibles dans ce domaine. Mais qu’en est-il de l’évaluation ? Ce qui compte pour une entreprise, c’est le bilan financier. Or, sur ce point, le mutisme est total. Il peut s’expliquer par le secret des affaires, mais le bilan du commerce extérieur se fonde sur des chiffres et non simplement sur des courants d’affaires.

L’évaluation peut-elle être fondée sur le nombre des entreprises exportatrices ? Cela n’a aucune signification : mieux vaut avoir 120 000 entreprises exportatrices qui gagnent que le double, dont 80 000 n’y réalisent pas de bénéfices. La préparation à l’export et l’accompagnement de celles qui réussissent sont donc une nécessité.

L’évaluation peut-elle être fondée sur le nombre de Volontariats internationaux en entreprise (VIE) ? Ce dispositif est extraordinaire s’il est bien utilisé : les VIE, qui parlent anglais ou espagnol et sont formés pour créer du relationnel et un partenariat avec les entreprises sur place, accompagnent les PME pour les faire réussir à l’export. Mais une diminution de leur nombre serait un bon signe, car cela signifierait que les entreprises accompagnées ont réussi.

Ce qui compte, c’est la qualité de l’évaluation. Or, dans ce domaine, nous sommes insuffisants. Pourriez-vous me dire aujourd’hui quelles sont les parts respectives de la baisse du prix du pétrole, de la baisse de l’euro et des gains des entreprises dans l’amélioration de notre commerce extérieur ? Je ne connais pas la réponse…

Mme Sandrine Gaudin. Je tiens à préciser que la plupart des 12 000 entreprises qui bénéficient de l’assurance prospection sont des PME. Il s’agit d’un outil nouveau développé par la COFACE, qui s’est en effet adaptée d’une manière assez impressionnante aux réalités et aux besoins du marché.

Quant à la part française, il s’agit d’un problème ancien et complexe. Il est vrai que ce critère est aujourd’hui un peu périmé au regard des stratégies des entreprises à l’international. C’est pourquoi, dans le cadre d’une réflexion menée avec la direction des entreprises de Bercy, nous avons proposé à M. Macron et à M. Sapin un allégement des formulaires et des procédures ainsi que la mise en place d’un dispositif incitatif qui, s’il était validé par les ministres, serait quelque peu révolutionnaire. Ce dispositif permettrait en effet de ne pas priver de soutien à l’export une entreprise dont la part française est très faible en prenant en compte d’autres éléments tels que la localisation en France de sa recherche et développement. Il permettrait aussi de soutenir davantage les entreprises qui s’efforcent de maintenir leur localisation en France – je pense notamment à Alstom.

M. Jean-Claude Karpelès. Je veux dire à M. Bacquet que je suis, quant à moi, optimiste. Lorsque nous avons créé Ubifrance, nous avons voulu que cet organisme soit au service du développement international des entreprises, ce qui inclut d’autres actions que l’aide à l’exportation. Les « co-contractances » sur des marchés à l’étranger, par exemple, qui se développent de plus en plus, sont une forme d’action à l’international pour les PME. Il nous arrive en effet de déconseiller à certaines entreprises qui n’en ont pas les moyens, de se développer à l’international en exportation pure. En revanche, elles peuvent chercher un partenaire à l’étranger en vue d’une implantation, et il nous faut alors trouver l’environnement financier et administratif qui leur permet de le faire. Ce volet n’est pas suffisamment mis en avant.

Pour le reste, chaque mois, la CCI Paris Ile-de-France organise, dans les départements, avec les conseillers du commerce extérieur, des réunions d’information auxquelles participe notamment Bpifrance, pour présenter aux entreprises les financements existants. Souvent, elles ne savent pas à quel type de dispositifs elles peuvent avoir accès. D’importants progrès ont été accomplis en matière de guichet, mais il faut encore faire un effort dans ce domaine.

M. Alain Renck. Je souhaiterais vous donner un exemple de ce que fait Bpifrance Export en matière d’innovation. Il existe deux types d’entreprises innovantes : les startups, qui sont internationales par nature, et des entreprises traditionnelles qui innovent en permanence. En ce qui concerne les startups, nous mettons en place, avec BUSINESS France, des programmes, ubi i/o et Mobility, qui consistent à immerger ces jeunes entrepreneurs français dans les milieux où l’investissement et l’innovation sont très prometteurs. Nous sélectionnons ainsi huit startups potentiellement mondiales et nous les installons pendant dix semaines dans la Silicon Valley, où elles rencontrent, lors de rendez-vous organisés par BUSINESS France à San Francisco, les acheteurs et les développeurs des plus grands groupes. Au terme de la première année de ce programme, on a pu constater que chacune de ces entreprises, partie avec une technologie de pointe, était revenue avec un produit. La France, est une nation d’ingénieurs où l’on sait développer une technologie mais sans toujours se demander si celle-ci est adaptée au client. Nous allons, par exemple, mettre en contact des entreprises françaises qui développent des technologies embarquées destinées aux voitures sans chauffeur avec les grands constructeurs américains et avec Google, qui sera sans doute l’un des principaux constructeurs automobiles demain.

Mme Jocelyne de Montaignac. Je crois, monsieur Bacquet, que le VIE est un outil extraordinaire. Certes, ces volontaires accompagnent les entreprises, mais ils se forment également, et lorsqu’ils reviennent en France, ils sont devenus de véritables exportateurs. Il faut donc conserver cet outil, mais aussi le développer, et non le réduire.

M. Jean-Paul Bacquet. J’ai simplement dit que le jour où le nombre de VIE diminuera, cela signifiera sans doute que nous aurons gagné la partie. Du reste, ce que vous dites est tellement vrai que 93 % des volontaires trouvent un emploi après leur VIE, dont 80 % dans l’entreprise où ils l’ont accompli.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Monsieur Karpelès, vous avez indiqué qu’une vision globale de l’accompagnement des entreprises était nécessaire pour pouvoir les orienter, le cas échéant, vers des solutions plus appropriées que l’exportation. Qui, de Bpifrance ou des CCI, joue ce rôle de conseil ?

M. Jean-Claude Karpelès. Nous intervenons très directement auprès des entrepreneurs en leur proposant un diagnostic. Nous leur présentons les formes d’implantation à l’étranger, les plus adaptées à leur situation : exportation mais aussi partenariat, cession de licence… Il faut être assez directif au niveau du diagnostic ; ensuite, c’est au chef d’entreprise de décider, bien entendu.

M. Gilles Dabezies. Je précise que la CCI établit ce diagnostic dans le cadre de ses autres missions, le développement international de l’entreprise n’étant qu’un des aspects de son développement. L’important n’est pas qu’un grand nombre d’entreprises partent à l’étranger mais que celles qui y partent soient prêtes. Or, ce n’est pas toujours le cas.

Le diagnostic est donc très approfondi. Il est du reste suivi d’une action de formation : si nous estimons qu’en l’état actuel de ses possibilités, une entreprise ne peut pas partir à l’étranger, nous lui proposerons de travailler avec elle pour qu’un jour elle puisse le faire. Une entreprise peut passer une, deux ou trois années de préparation. L’objectif final est qu’elle gagne de l’argent et se développe à l’étranger, sous des formes diverses : export, partenariat, investissement… Hélas, 30 % seulement des entreprises connaissent nos actions ; à nous de nous faire mieux connaître.

Par ailleurs, le financement comporte un volet macroéconomique dont sont en charge les grands organismes – et, dans ce domaine, les outils proposés par Bpifrance Export et d’autres représentent un progrès extraordinaire – et un volet microéconomique. Hier, par exemple, j’ai rencontré les représentants de trois chambres de commerce françaises aux États-Unis afin de discuter de la façon de présenter aux PME françaises intéressées par ce marché les financements proposés par le gouvernement américain aux entreprises étrangères qui souhaitent s’implanter sur son territoire. Nos PME ont droit à cette information et elles ont besoin d’être accompagnées pour bénéficier de ces aides.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Madame Gaudin, M. Viprey a évoqué les faiblesses et les améliorations possibles de la gestion des garanties à l’export. Pensez-vous que le transfert de l’activité de gestion des garanties publiques au groupe Bpifrance est de nature à apporter les améliorations attendues ?

Mme Sandrine Gaudin. Je précise que ce transfert est, pour l’instant, étudié sous ces différents aspects – financier, social, informatique – avec les acteurs concernés ; aucune décision n’a encore été prise en la matière.

L’annonce du lancement de cette étude a été motivée par le souci de poursuivre le rapprochement autour de Bpifrance de l’ensemble des dispositifs de soutien à l’export, en raison du lien très net et de plus en plus étroit qui existe entre innovation et exportation. Un tel rapprochement permettrait, de surcroît, de créer un guichet unique, en regroupant un certain nombre de dispositifs sous un même toit.

En ce qui concerne les procédures et le fonctionnement de la commission des garanties, dont les lourdeurs ont été décrites par Christophe Viprey, il faut rappeler que nos dispositifs datent de l’après-guerre. Si leur amélioration s’est faite par retouches successives, c’est notamment pour des raisons de compatibilité avec le droit européen. Ce régime d’aides d’État est en effet antérieur à l’entrée en vigueur du traité de Rome, et tout big bang dans ce domaine pourrait nous obliger à soumettre notre dispositif de soutien à l’export à l’examen de la Commission européenne. Ces dispositifs, qui datent d’un autre temps, ont donc été modernisés autant que possible dans ce cadre contraint – c’est du reste un élément qu’il faut prendre en compte dans l’étude du rapprochement de Bpifrance et de COFACE.

Nous nous efforçons cependant d’imprimer un réel mouvement à tous ces dispositifs. Certes, nous avons un temps de retard, car les entreprises évoluent très vite, mais la présentation, il y a quelques jours à Bercy, de la politique d’assurance-crédit et des nouveaux instruments financiers témoigne de cet effort permanent. La politique du commerce extérieure est difficile à appréhender car elle est en perpétuel mouvement.

Le lancement de l’étude du rapprochement entre Bpifrance et COFACE permettra-t-il d’alléger les procédures et d’améliorer l’efficacité de la commission de garantie ? Bien entendu, nous le souhaitons, mais, encore une fois, si nous sommes amenés à maintenir certains aspects de ces processus anciens, c’est aussi pour des raisons de légalité communautaire. Certains de nos outils sont irréprochables à cet égard, mais on peut avoir quelques doutes sur la conformité au droit européen de l’assurance prospection, par exemple. En tout état de cause, il faudrait notifier officiellement ce dispositif à la Commission, ce qui prendrait beaucoup de temps et aurait pour conséquence de suspendre son utilisation effective, alors qu’il remporte un véritable succès.

M. Alain Renck. Je souhaiterais préciser un point. Il est bien évident que les 3 000 entreprises concernées par le programme qu’a évoqué Gilles Dabezies peuvent bénéficier de tous les supports financiers de Bpifrance.

Mme la président Véronique Louwagie. Mesdames, messieurs, je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.