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Mission d’information commune sur la banque publique d’investissement, Bpifrance

Jeudi 28 mai 2015

Séance de 12 heures

Compte rendu n° 28

Présidence
de Mme Véronique Louwagie,
Présidente

–  Table ronde, ouverte à la presse, réunissant M. Pierre Rémy, directeur général de Keensight, M. Olivier Guize, président d’Agro Invest, M. Jean-Baptiste Cuisinier, président de Capagro Innovation, et M. Jean-Marc Patouillaud, gérant associé de Partech International Venture.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Nous recevons à présent quatre représentants de différents fonds dans lesquels la Banque publique d’investissement (BPI) est partenaire.

M. Pierre Rémy, directeur général de Keensight. Le fonds Keensight Capital est un fonds de 250 millions d’euros qui a pour vocation d’investir des montants entre 10 et 50 millions dans des entreprises technologiques, sur deux thématiques essentiellement : les technologies appliquées à la santé et celles de l’information. Accompagnant les entreprises dans leur développement à l’international, nous sommes un fonds de capital-développement pour des entreprises d’une dizaine de millions d’euros de chiffre d’affaires, en vue de les transformer en entreprises de taille intermédiaire (ETI) de 50 à 100 millions de chiffre d’affaires.

La BPI est chez nous un investisseur très significatif. Ils sont extrêmement professionnels et, avant d’engager des fonds, mènent des diligences très approfondies. Ils passent plusieurs jours au sein de nos bureaux, passent en revue les dossiers, appellent systématiquement toutes les personnes avec qui nous travaillons, intermédiaires, avocats, entrepreneurs.

La BPI a des exigences très fortes en ce qui concerne le règlement régissant les relations entre un fonds et ses souscripteurs, et ce en faveur des investisseurs. La puissance qu’elle a en termes d’investissement, ainsi que son image, lui donnent ce pouvoir. De nombreux acteurs s’appuient sur le travail de la BPI pour décider d’investir ou non. Celle-ci a ainsi une responsabilité très forte vis-à-vis de l’écosystème français du capital-investissement.

Elle contribue à mes yeux à professionnaliser cet écosystème car elle exerce, dans un univers où les fonds manquent, un effet d’entraînement sur les autres investisseurs. Dans les opérations de LBO (leveraged buyout) classiques, les capitaux sont relativement abondants ; dans le capital-développement, le capital-risque, le financement d’entreprises technologiques de croissance, les capitaux sont en revanche difficiles à trouver parce que les temps d’investissement sont longs. L’effet d’entraînement de la BPI sur l’écosystème est donc extrêmement positif, et sans elle nous aurions de grandes difficultés à survivre.

M. Jean-Marc Patouillaud, gérant associé de Partech International Venture. Je ne peux que reprendre à mon compte les termes de Pierre Rémy sur l’attitude professionnelle de la BPI dans le domaine du capital-investissement et, en particulier, dans son activité de fonds de fonds. Elle joue un rôle de navire amiral vis-à-vis des investisseurs privés. L’effet d’entraînement qu’elle exerce, en France mais aussi, dans certains cas, à l’international, tient au grand professionnalisme des due diligences qu’elle mène sur les performances passées – en conduisant par exemple des interviews individuelles avec chacun des associés du fonds – ainsi que sur les stratégies d’investissement.

Les termes du contrat passé entre la BPI et les gérants de fonds correspondent strictement aux grands standards internationaux, que ce soit en termes de frais de gestion – extrêmement frugaux eu égard à ce que nous pouvons constater pour des produits plus exotiques voire franco-français – ou bien de performance des fonds. Sur ce dernier point, vous n’ignorez pas l’existence du carried interest, qui rémunère les équipes de gestion à la performance sur la base de minima à garantir, les hurdles, qui obligent les gérants à délivrer un certain rendement avant de pouvoir toucher le moindre bonus.

Les investissements de la BPI ont un caractère très vertueux pour le territoire français, sachant qu’il nous est dans la plupart des cas demandé, pour chaque euro apporté par la BPI, d’en investir entre deux et trois sur le territoire.

M. Olivier Guize, président d’Agro Invest. Agro Invest est un fonds de capital-développement sectoriel intervenant dans le secteur de l’agro-industrie et de l’agro-alimentaire, un secteur économique extrêmement important en France et qui nécessite des investissements assez considérables en capitaux propres. Les pouvoirs publics, ainsi que de grands acteurs privés institutionnels, ont constaté que ce secteur perdait des positions concurrentielles et que sa balance commerciale commençait à se dégrader dans certaines filières.

Bpifrance est présente au capital d’Agro Invest depuis la création du fonds en 2007. Elle a joué un rôle important dans sa constitution, aux côtés d’autres acteurs institutionnels, et a exercé un effet d’entraînement à la fois sur la vision stratégique du fonds, sa gouvernance, et les exigences de performance et de maîtrise des frais de gestion. Le reporting est d’une très grande rigueur, parfois même un peu lourd, mais cela oblige les équipes de gestion à faire preuve de transparence.

Nous apprécions énormément le concours de Bpifrance. Elle apporte une vision de long terme tout en permettant aux autres acteurs institutionnels de s’inscrire dans cette vision, dans un secteur où les durées d’investissement doivent justement être assez longues.

M. Jean-Baptiste Cuisinier, président de Capagro Innovation. Capagro Innovation est un fonds de capital-risque existant depuis un an et spécialisé dans le financement des start-ups innovantes dans les domaines de l’agriculture et de l’alimentation. C’est un secteur où il existe très peu de fonds spécialisés, alors que beaucoup d’innovations commencent à y voir le jour et que les entreprises innovantes ont besoin de fonds propres et ont du mal à les trouver. Si Bpifrance n’avait pas été là, notre fonds n’existerait pas.

Le fonds a été créé par Bpifrance et des acteurs industriels, Sofiprotéol et Tereos, avec quelques autres acteurs financiers. Grâce au professionnalisme de ses équipes, Bpifrance a permis de sécuriser des groupes industriels qui n’ont pas l’habitude d’investir dans un fonds professionnel de capital-investissement. Bpifrance a largement mené cette négociation, avec beaucoup de rigueur.

Cela nous a permis d’obtenir, pour les fonds investis par Bpifrance, un multiple supérieur à quatre, qui sera probablement supérieur à six ou sept pour l’ensemble des souscripteurs du fonds, dans des activités réparties sur tout le territoire français. L’effet de levier est extrêmement important.

Je partage la remarque d’Olivier Guize sur la rigueur et la lourdeur du reporting qui nous est imposé, mais c’est la règle du jeu et nous nous y soumettons. C’est d’ailleurs conforme aux habitudes de la profession sur les marchés internationaux, ce qui permettra à d’autres souscripteurs, français ou étrangers, qui souscriront peut-être à notre fonds, de retrouver des dispositions dont ils sont familiers.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Vous avez tous les quatre souligné l’effet vertueux de la présence de la BPI, ainsi que la rigueur qu’elle imposait dans les règles du jeu.

Vous avez indiqué, monsieur Rémy, qu’il était difficile de trouver des investisseurs sur de longues durées. Quelles sont vos propositions pour surmonter cette difficulté ?

Bpifrance, monsieur Cuisinier, a joué un rôle déterminant dans la création de votre fonds. Est-ce vous qui avez pris contact avec elle, ou bien est-elle venue vers vous ? Comment cela s’est-il passé ?

Avez-vous, les uns et les autres, des propositions à formuler pour que la BPI permette à notre pays de disposer de davantage de fonds et réponde aux failles du marché ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur de la mission d’information commune. Il serait intéressant que nous puissions bénéficier de la transmission d’exemples de contrats passés avec la BPI, en complément des informations que nous avons déjà obtenues de celle-ci.

Connaissez-vous des fonds qui n’ont pas été retenus à l’issue de la procédure ? Vous-mêmes avez-vous porté des projets qui n’ont pas été retenus par Bpifrance ? Quelles sont les raisons qui font qu’un dossier n’aboutit pas ?

Quelles sont les exigences de rentabilité qui vous sont demandées ? Le niveau de ces exigences impacte-t-il votre prudence sur tel ou tel projet ?

Quels sont, par ailleurs, les profils de vos chargés d’investissement ? Sont-ils plutôt financiers ou industriels ?

Quelle est, selon vous, la bonne articulation entre fonds généralistes et sectoriels ?

Enfin, avez-vous des chiffres qui démontrent l’effet d’entraînement à long terme de Bpifrance sur d’autres investisseurs ? Quels sont les mérites comparés de l’intervention dans des fonds ou en direct ? C’est un débat qui existe dans d’autres pays européens : est-il préférable que l’intervenant prenne directement des participations ou bien passe par des fonds d’investissement ?

M. Jean-Marc Patouillaud. Ces dix dernières années, dans des opérations de capital-développement menées en France pour des sociétés déjà mûres, telles que Vente-Privée, Criteo, Neolane, qui souhaitaient lever des fonds de l’ordre de quelques dizaines de millions d’euros, 80 % des tours de table ont été menés par des fonds anglo-saxons. Les acteurs de la place, dont la BPI, sont entrés en discussion pour pallier cette situation et apporter à des fonds français des moyens pour peser sur ce marché stratégique.

Le constat a été dressé que l’argent public, en l’occurrence celui de la BPI, était trop saupoudré et qu’une certaine sélectivité des fonds était nécessaire. La meilleure manière d’investir l’argent public est de respecter une certaine exigence de performance. Si cela ne doit pas conduire à une concentration sur un petit nombre d’acteurs, il ne convient pas non plus de saupoudrer sur tout le territoire car cela empêche de constituer des équipes ayant une taille critique, capables de traiter tout le spectre de l’investissement – de la société en amorçage à la société avant une introduction en Bourse – et pouvant répondre à des investissements réalisés depuis le Royaume-Uni ou les États-Unis.

Des fonds ne sont pas retenus, et je pense que c’est tout à fait normal. Le métier attire beaucoup de monde : il faut faire le tri, certains candidats n’ont pas le profil requis. Cette sélectivité est naturelle et nécessaire.

S’agissant des exigences de performance, j’ai déjà évoqué les hurdles, ou « obstacles », avant de pouvoir toucher le carried interest. Cette rentabilité minimale est en général de 7 à 8 % par an, ce qui est important eu égard au coût de l’argent sur les marchés actuellement. Les exigences de la BPI conduisent à une véritable responsabilité de l’équipe de gestion, car il n’est pas possible de lever de l’argent auprès de la BPI sans que chacun des membres du fonds investisse de son propre argent dans le fonds, à titre individuel. Ces montants pouvant varier entre 1 et 5 % du montant du fonds. C’est extrêmement important, d’autant plus qu’il s’agit d’argent après impôt.

Les profils, dans nos métiers, sont très variés. Chez Partech, nous avons des profils d’entrepreneurs de start-up, de conseil en stratégie, de banque d’affaires, mais aussi des personnes issues de grands groupes industriels tels que Dassault Systèmes ou Casino. C’est une représentation large de l’économie française.

M. Jean-Baptiste Cuisinier. C’est moi qui ai pris l’initiative de contacter Bpifrance, afin de lui signaler un trou dans la raquette en matière de capital-risque français dans l’agro-alimentaire. La BPI a conduit sa propre analyse, qui a très vite rejoint la mienne concernant le deal flow futur et la pertinence d’investir dans le secteur. Le dialogue a été très simple et très rapide. La BPI, du fait de ses relations avec les pôles de compétitivité notamment, possède une très bonne visibilité sur ce qui se fait en matière d’innovation.

Notre équipe est à dominante scientifique. Si j’ai, pour ma part, une expérience opérationnelle, de direction de PME et de création d’entreprise, en plus d’une expérience dans l’administration, nous mettons l’accent sur la formation scientifique car elle nous paraît fondamentale pour comprendre les chercheurs, innovateurs et entrepreneurs qui viennent nous voir. Pour les questions juridiques, ainsi que pour les montages financiers, qui, dans le capital-risque, sont relativement simples, nous faisons appel à des partenaires extérieurs. De même, nous avons un réseau de chefs d’entreprise qui nous aident dans la gestion des participations. Le cœur du métier reste la capacité à comprendre le discours scientifique et l’innovation, qui est le fond du sujet, avant de nous intéresser aux chiffres et aux finances.

Il faut que les souscripteurs, qui prennent un risque relativement important – plus important chez nous que dans le capital-développement – reçoivent une rémunération également significative avant que l’équipe n’améliore son salaire fixe. L’engagement personnel des membres de l’équipe est élevé ; quand je fais un investissement, je commence par signer un chèque et j’appelle ensuite le fonds.

Des fonds généralistes viennent souvent en co-investissement, en s’appuyant sur notre expertise. Dans le capital-risque, on chasse volontiers en meute. Il existe un double effet de levier : Bpifrance met de l’argent dans un fonds sectoriel, ce qui permet à celui-ci de lever cinq, six ou sept fois ce qu’elle apporte, et, quand nous montons un dossier, des fonds généralistes qui hésiteraient beaucoup à investir parce qu’ils connaissent mal le secteur, faute de spécialistes dans leurs équipes, viennent avec nous pour la moitié, voire les deux tiers, du tour de table.

M. Olivier Guize. Je suis arrivé il y a deux ans à Agro Invest, dont l’équipe de gestion a été complètement renouvelée en 2014. Il y avait eu des accidents d’investissement, la performance du fonds n’était pas très bonne. Bpifrance a été l’un des acteurs demandant à poursuivre l’expérience. La durée de la société a été prolongée d’une dizaine d’années par l’ensemble des souscripteurs présents au tour de table, y compris ceux qui étaient hésitants. Bpifrance a joué un rôle très important d’entraînement.

Notre stratégie d’investissement est très précise et prévoit notamment une quasi-interdiction d’investir hors du territoire français, sauf exceptions à délibérer en conseil de surveillance. Le niveau d’exigence de rentabilité, qui peut paraître paradoxal s’agissant d’argent public, est au contraire un gage de performance et de réflexion sur la prise de risque.

Nous sommes une petite équipe de trois investisseurs, aux profils très complémentaires. Bpifrance exigeait une personne ayant une expérience suffisamment longue dans le métier d’investisseur. La deuxième personne vient de la banque d’affaires et connaît parfaitement le secteur dans lequel nous intervenons. Grâce à ce profil, nous parvenons à générer des dossiers non intermédiés, avec des prises de contact directes avec des entrepreneurs, ce qui nous permet de gagner un temps considérable dans la constitution du deal flow. Mon profil est beaucoup plus opérationnel et apporte également la dimension du conseil en stratégie. Ces profils complémentaires sont une garantie de succès.

L’articulation avec des fonds généralistes est pratiquement automatique dans notre cas, car nous n’intervenons qu’en participation minoritaire. Il est rare que nous intervenions seuls. Comme pour Capagro, nous sommes appréciés pour notre connaissance sectorielle, qui exerce un effet d’entraînement sur les fonds généralistes. Cela permet aux souscripteurs, dont Bpifrance, de davantage mutualiser le risque.

En matière de doctrine, je pencherais plutôt pour l’intervention via des fonds, sauf exceptions : de mon point de vue, Bpifrance pourrait intervenir en direct dans des situations de rebond, pour des entreprises fragilisées. Nous avons de tels dossiers dans notre portefeuille, mais très peu de fonds osent intervenir dans ces cas parce que la prise de risque est beaucoup plus importante.

M. Pierre Rémy. Je prendrai un exemple pour illustrer le rôle de Bpifrance. Nous avons été actionnaires d’une société, LDR Médical, basée à Troyes, qui fabrique des implants pour la colonne vertébrale. C’est une société qui est aujourd’hui cotée au NASDAQ, où elle capitalise plus d’un milliard. Au cours de cette aventure de dix ans, elle est passée de zéro à quatre cents salariés, dont les deux tiers sur le territoire français, tout en réalisant 90 % de ses ventes à l’international. Le marché français de la chirurgie du dos est relativement petit en volume, et c’est par ailleurs le pays où les prix sont sans doute les plus bas, ce qui est très bon pour la dépense publique mais n’aide pas au développement de l’écosystème.

Le dispositif médical est l’un des secteurs où la France possède un très grand savoir-faire. La chirurgie du dos a été inventée en France, portée par une société française, Sofamor, qui a été rachetée par l’Américain Medtronic, devenu le leader mondial de la chirurgie du dos, un marché de 7 ou 8 milliards de dollars dont il occupe la moitié grâce à l’acquisition il y a une vingtaine d’années de cette société française. L’essentiel du savoir-faire est passé aux États-Unis ; l’activité française de Medtronic a beaucoup diminué au fil du temps.

Avec LDR Médical, nous avons recréé un acteur mondial dans ce domaine. Créer un tel acteur demande beaucoup de capitaux. Un essai clinique coûte 50 millions de dollars. Les quelque 80 millions de dollars investis ne pouvaient être trouvés sur place. Bpifrance a apporté 5 millions d’euros, nous avons trouvé des capitaux extérieurs, et la société a levé des capitaux aux États-Unis. Nous avons ainsi créé beaucoup de valeur, de même que beaucoup d’emplois en France, avec des capitaux – ainsi que des payeurs, puisque les produits sont vendus aux États-Unis – essentiellement américains. L’effet de levier pour le pays est donc excellent.

Le problème, c’est que nous étions soumis au bon vouloir d’investisseurs américains. Si nous ne les avions pas trouvés, l’entreprise n’aurait pu exister. C’est un peu dommage de ne pas avoir les capacités d’accompagner de tels projets. Il faut trouver les moyens de combler le manque d’ETI dans le tissu industriel français.

Chez nos voisins, les fonds longs se trouvent dans les fonds de pension. Notre système d’assurance vie en est un peu l’équivalent. On pourrait donc prévoir des incitations pour que l’assurance vie investisse dans le private equity. Alors que les actifs non cotés représentent 10 % des actifs des fonds de pension, ils sont infimes dans l’assurance vie. Les contraintes réglementaires pesant sur les assureurs leur permettraient toutefois difficilement d’investir dans cette classe d’actifs.

Nous avons, en ce qui nous concerne, un profil très industriel. La plupart des gens de l’équipe ont passé une dizaine ou une quinzaine d’années dans l’industrie, notamment à l’étranger.

M. Olivier Guize. Les souscripteurs d’Agro Invest sont au nombre de six. Les trois principaux sont le groupe Crédit Agricole, Bpifrance et Avril-Sofiprotéol, un groupe industriel spécialiste de la filière des oléagineux-protéagineux. Les trois autres souscripteurs, plus minoritaires, sont le groupe Agrica, une mutuelle de prévoyance agricole, et deux banques, Natixis et Arkéa, qui est le crédit mutuel de Bretagne. Ce sont des profils assez variés.

M. Jean-Marc Patouillaud. Le crowdlending, qui permet à des individus, des acteurs institutionnels ou des fonds de prêter directement à des PME, se généralise. Il présente l’intérêt d’accélérer l’accès à l’argent, sur des taux tout à fait raisonnables et avec des systèmes de scoring performants. C’est très complémentaire de ce que peut offrir le système bancaire. En France, quatre sociétés sont actives dans le domaine. Est-il plus naturel que Bpifrance investisse en tant qu’acteur du marché en direct dans l’une d’entre elles, en compétition avec des professionnels de l’investissement qui feraient d’autres choix, ou bien qu’elle investisse dans les fonds qu’elle considère être les plus performants et les plus professionnels, en leur laissant le loisir d’assurer la sélection des meilleures sociétés sur des critères financiers, managériaux et stratégiques ?

M. Jean-Baptiste Cuisinier. L’appareil public français de subventions, d’avances remboursables et de prêts qui était largement géré par Oséo et a été intégré dans Bpifrance couvre assez bien les cas de figure qui intéressent les sociétés dans lesquelles nous investissons, qui sont souvent au stade préindustriel. Il faut que l’intégration des différentes équipes – CDC Entreprises, Oséo… – se poursuive, que ces dispositifs et leur articulation soient les plus simples possibles, et l’information facile à trouver.

M. Pierre Rémy. Bpifrance investit déjà directement dans des entreprises, mais j’aurais du mal à imaginer que ce soit le seul acteur, car cela nécessiterait un champ de compétences très large. Chaque segment est très spécialisé, et il faut avoir accumulé beaucoup d’expérience pour prendre les bonnes décisions. L’action de la Caisse des dépôts et consignations puis de Bpifrance a favorisé l’émergence d’un écosystème. Pour créer un écosystème de capital-risque technologique, il faut vingt-cinq ou trente ans. Cette action commence à porter ses fruits. Je ne vois pas comment la BPI pourrait totalement se substituer à cette expertise accumulée en dehors d’elle. Par ailleurs, certains entrepreneurs sont moins ouverts que d’autres à la logique d’investissement de Bpifrance ou de l’État actionnaire. Il faut conserver des sources de financement multiples, à la fois pour être plus intelligents et pour répondre aux attentes des différents entrepreneurs.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Merci aux uns et aux autres.