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Mission d’information sur les immigrés âgés

Jeudi 11 avril 2013

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 12

Présidence de M. Denis Jacquat

– Audition, ouverte à la presse, consacrée aux politiques menées par les communes à destination des immigrés âgés

– Audition, ouverte à la presse, sur le thème des politiques menées par les départements à destination des immigrés âgés

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Murielle Maffessoli, directrice de l’Observatoire régional de l’intégration et de la ville (ORIV), de Mme Évelyne Bouzzine, directrice du centre de ressources « Politique de la ville » en Essonne (CRPVE), et de Mme Olivia Maire, directrice adjointe du centre de ressources « Profession Banlieue »

– Présences en réunion

La séance est ouverte à neuf heures.

La mission d’information entend, sur le thème des politiques menées par les communes à destination des immigrés âgés, Mme Claudine Bouygues, adjointe au maire de Paris, chargée des droits de l’homme, de l’intégration, de la lutte contre les discriminations et des citoyens extracommunautaires, Mme Nathalie Olla, adjointe au maire de Roubaix, chargée de la politique de la jeunesse, de la politique des loisirs jeunes, de l’interculturalité et de la lutte contre les discriminations, M. Pierre Hémon, adjoint au maire de Lyon, délégué aux personnes âgées, représentant l’Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), Mme Édith Danielou, adjointe au maire de Massy, et Mme Sylvie Vivier, directrice territoriale à Massy, représentant l’Association des maires de France (AMF), Mme Halima Menhoudj, adjointe à la maire de Montreuil, déléguée aux personnes âgées, et Mme Muriel Casalaspro, adjointe à la maire de Montreuil, déléguée aux solidarités et aux affaires sociales, représentant l’Association des maires ville et banlieue de France (AMVBF).

M. le président Denis Jacquat. Nous recevons ce matin, pour nous parler des politiques menées par les communes à destination des immigrés âgés :

– Mme Claudine Bouygues, adjointe au maire de Paris, chargée des droits de l’homme, de l’intégration, de la lutte contre les discriminations et des citoyens extracommunautaires, que nous avons déjà eu le plaisir de rencontrer lors du déplacement de la Mission à Paris, le 29 mars dernier ; elle est accompagnée de M. Christophe Pichaud et de Mme Jeanne Bonnemay ;

– Mme Nathalie Olla, adjointe au maire de Roubaix, chargée de la politique de la jeunesse, de la politique des loisirs jeunes, de l’interculturalité et de la lutte contre les discriminations ;

– M. Pierre Hémon, adjoint au maire de Lyon, délégué aux personnes âgées, représentant l’Association des maires de grandes villes de France (AMGVF) ;

– Mme Édith Danielou, adjointe au maire de Massy, et Mme Sylvie Vivier, directrice territoriale, représentant l’Association des maires de France (AMF) ;

– Mme Halima Menhoudj, adjointe à la maire de Montreuil, déléguée aux personnes âgées, et Mme Muriel Casalaspro, adjointe à la maire de Montreuil, déléguée aux solidarités et aux affaires sociales, représentant l’Association des maires ville et banlieue de France.

Le logement et l’action sociale sont des compétences fondamentales des communes, et de leurs centres communaux d’action sociale (CCAS) : il nous a donc semblé nécessaire de vous entendre sur les politiques mises en place à l’échelon communal ou intercommunal à destination des migrants âgés. Par ailleurs, la commune est le cœur battant de notre démocratie et la participation à la vie locale, sous ses diverses formes, est l’un des premiers signes de l’insertion dans la société française.

Notre mission d’information s’intéresse à la situation des immigrés âgés de plus de cinquante-cinq ans originaires d’États tiers à l’Union européenne : on estime leur nombre à 800 000, les plus de soixante-cinq ans représentant 350 000 personnes. Nous abordons l’ensemble des questions les concernant : précarité du logement, insuffisance de l’accès aux soins et aux droits de façon générale, difficulté d’intégration, isolement et perte d’autonomie, etc.

Mme Claudine Bouygues, adjointe au maire de Paris, chargée des droits de l’homme, de l’intégration, de la lutte contre les discriminations et des citoyens extracommunautaires. La ville de Paris est particulièrement attentive à la question des immigrés âgés : différentes études, notamment celle de l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR) qui date de 2006, en ont signalé l’importance. À Paris, 20 % de la population immigrée est âgée, ce qui est beaucoup ; et cette proportion continue d’augmenter. La ville travaille donc pour accompagner et soutenir ces publics.

Les difficultés rencontrées par les migrants âgés ont déjà été signalées lors des auditions que vous avez réalisées : problèmes de santé et d’accès aux soins plus importants que pour l’ensemble de la population, précarité, problèmes de logement et d’accès aux droits… Notre but est donc d’accompagner ces migrants âgés vers le droit commun, afin de leur permettre de vieillir dignement.

Notre action porte d’abord sur l’information et l’orientation, notamment grâce aux centres locaux d’information et de coordination (CLIC) gérontologique, dits « CLIC Paris Émeraude » : ils permettent à tous les seniors, migrants ou non, de s’informer sur l’adaptation de leur logement, les aides à domicile, les aides financières auxquelles ils ont droit… Ils peuvent aussi contribuer à rompre l’isolement des personnes âgées. Nous essayons d’accompagner les migrants vers le droit commun, notamment en diffusant des fiches multilingues ; un nouveau guide intitulé Vivre à Paris, dont l’un des chapitres est consacré aux personnes âgées, est en cours d’impression. Il est traduit en sept langues.

En ces domaines, la ville de Paris ne peut pas agir seule : nous nous appuyons beaucoup sur des associations qui accompagnent les migrants âgés, telles que le Collectif des accidentés du travail, handicapés et retraités pour l’égalité des droits (CATRED) ou l’association « Chinois de France, Français de Chine ».

La mission d’information a pu découvrir sur place le dispositif des cafés sociaux, qui sont des espaces de solidarité et de convivialité. Il en existe aujourd’hui quatre à Paris à destination des migrants, et nous prévoyons d’en ouvrir un cinquième ; nous leur consacrons un budget de 160 000 euros.

Nous avons également beaucoup travaillé sur la question des foyers : 17 % de leurs résidents ont en effet plus de soixante ans et 46 % ont entre quarante-cinq et soixante ans. La mairie de Paris a lancé en 2005 un plan de rénovation très important, en transformant nombre de foyers de travailleurs migrants – souvent franchement insalubres – en résidences sociales ; environ 30 % des chambres sont maintenant accessibles aux personnes handicapées. Cette rénovation est allée de pair avec la mise en place d’un meilleur accompagnement social.

Nous réfléchissons aujourd’hui, avec les autres intervenants, aux actions à mener spécifiquement en faveur des personnes âgées immigrées : nous pensons par exemple à un diagnostic global individuel – santé, droits sociaux, habitat, loisirs – qui nous permettrait d’accompagner chacun vers les aides et réseaux déjà existants, tout en nous fournissant les éléments nécessaires à l’élaboration de notre action future.

Je voudrais enfin évoquer la situation particulière et tout à fait préoccupante des femmes immigrées qui, si elles disposent souvent d’une famille en France et sont donc peut-être moins souvent isolées que les hommes, n’en rencontrent pas moins des problèmes dramatiques, car elles ont peu travaillé et parlent beaucoup moins souvent français que les hommes. Il faut que les politiques publiques les prennent particulièrement en considération, pour leur permettre d’accéder à leurs droits ; il faut notamment leur faciliter l’apprentissage de la langue française, car elles ont, en la matière, un handicap très fort par rapport aux hommes, et améliorer leur formation, souvent très faible. La ville de Paris consacre chaque année 6 millions d’euros à l’apprentissage du français.

Mme Nathalie Olla, adjointe au maire de Roubaix, chargée de la politique de la jeunesse, de la politique des loisirs jeunes, de l’interculturalité et de la lutte contre les discriminations. La ville de Roubaix compte environ 14 000 habitants immigrés de plus de soixante ans, dont 5 500 sont âgés de plus de soixante-quinze ans. Depuis dix ans, le CCAS a mené, avec un fort soutien des élus, une réflexion spécifique sur la prise en charge des personnes âgées issues de l’immigration.

Ainsi, lors de la rénovation du quartier de l’Alma, nous nous sommes penchés sur le cas du foyer-logement Fontenoy, structure importante datant de 1981 qui accueille des personnes de plus de soixante ans, dont 82 % sont issues de l’immigration. En 2003, tous les résidents ont été interrogés individuellement afin de connaître leurs attentes et leurs besoins, mais la communication s’est révélée très difficile : ces personnes ne voulaient pas parler des difficultés qu’elles rencontraient et faisaient preuve de beaucoup de retenue et de pudeur. Il est néanmoins ressorti de ces entretiens le constat de leur usure physique précoce ainsi qu’une grande appréhension du vieillissement, de la maladie et de la mort.

Le personnel du foyer est fréquemment sollicité pour des démarches administratives, surtout par les femmes, qui maîtrisent très peu la langue française. L’Association pour le développement de l’éducation permanente (ADEP) intervient pour les aider et organiser des cours.

Lors de la rénovation, nous avons aussi fait le choix de travailler sur un pôle social et culturel. L’association Générations et cultures a mené, dès 2006, une action intergénérationnelle en organisant des échanges entre les résidents et les enfants des écoles. Cela nous a d’ailleurs beaucoup aidés, car la communication a été bien plus facile avec les enfants qu’elle ne l’avait été avec nous.

Un diagnostic a été réalisé en 2005 par le cabinet Amnyos sur le vieillissement des personnes issues de l’immigration à Lille, Roubaix et Tourcoing – trois communes qui concentrent les deux tiers de la population immigrée de la métropole lilloise. C’est à Roubaix que le poids de la population immigrée, notamment âgée, est le plus important. Les constats ne sont pas très différents de ceux qui sont faits par ailleurs, avec toutefois un fort accent mis sur la situation des femmes, souvent très éloignées des dispositifs de droit commun.

En 2007, un colloque régional sur ces questions a été organisé à Roubaix. Cela nous a permis de proposer des formations spécifiques aux personnels du CCAS.

Depuis 2008, une nouvelle démarche a été engagée : portée par l’association ARÉLI, elle réunit de nombreux acteurs du territoire – associations, collectivités territoriales, services sociaux… – et a permis d’imaginer un plan d’action intitulé « Vieillesses plurielles », qui sera mis en œuvre dans les prochaines semaines.

Une expérimentation a été mise en place, en lien avec le conseil général, pour faciliter l’accès à l’aide sociale et à l’hébergement.

Des actions portées conjointement par le foyer-résidence Alma-Fontenoy et la résidence ARÉLI sont organisées régulièrement : elles sont principalement festives, mais permettent aux personnes de la résidence sociale de s’habituer au fonctionnement du foyer, ce qui facilite leur arrivée par la suite.

La ville de Roubaix a mis en place une commission extra-municipale des populations immigrées (CEMPI) qui réalise un travail important en réunissant l’ensemble des communautés présentes dans notre ville ; elle organise par exemple la fête de l’amitié, qui est une journée de valorisation culturelle, gastronomique… dont la trente-sixième édition aura lieu au mois de juin prochain – cette fête rencontre toujours un grand succès auprès du public. Nous avons également créé le conseil roubaisien de l’interculturalité et de la citoyenneté (CRIC), qui rassemble maintenant plusieurs dizaines d’associations. Le maire et le conseil municipal ont souhaité confier au CRIC une mission sur l’accompagnement des personnes âgées issues de l’immigration – sujet d’ailleurs issu des réflexions du CRIC.

M. Pierre Hémon, adjoint au maire de Lyon, délégué aux personnes âgées, représentant l’Association des maires de grandes villes de France (AMGVF). En tant qu’élu lyonnais, je mesure toute la difficulté du sujet que vous abordez ; de plus, Lyon fait partie du réseau francophone des « Villes amies des aînés », qui veut favoriser les échanges de bonnes pratiques entre les villes de France. Je remercie donc doublement la mission d’information de son travail fort utile.

Lyon compte un peu plus de 100 000 habitants âgés de plus de cinquante-cinq ans ; parmi eux, il y a plus de 7 000 Maghrébins, dont 60 % d’Algériens, et 60 % d’hommes, et 700 personnes venues d’autres pays d’Afrique.

La ville de Lyon et la communauté urbaine ont choisi de mener une politique volontariste en matière de logement. Les foyers de travailleurs migrants sont peu à peu rénovés et transformés en résidences sociales. La ville de Lyon accueille certaines réalisations sur son territoire et participe à ces investissements, lorsqu’elle est sollicitée, à hauteur de 1 000 euros par place ; entre 2001 et 2012, elle a investi plus de 660 000 euros pour 852 logements. Le Grand Lyon dispose par ailleurs d’un partenariat avec l’État : grâce à la délégation des aides à la pierre, il a participé à la rénovation à hauteur de 5 000 euros par place depuis 2007, contre 3 500 euros auparavant.

Le problème, c’est que les chambres de ces foyers étaient minuscules – il faut imaginer des pièces de quatre mètres carrés. La rénovation et la mise aux normes conduisent donc à diminuer le nombre de places offertes. L’objectif fixé en 1997 de maintenir le nombre global de places n’a pas été atteint : il reste 1 800 places à construire dans l’agglomération, dont 134 à Lyon. Je dois souligner que Lyon a construit 85 % des places nécessaires pour atteindre le but fixé, quand le reste de l’agglomération n’en a construit que 10 %.

Une partie des résidents qui ne trouvent plus de place dans les nouvelles résidences est donc contrainte de se loger chez des « marchands de sommeil », dans des chambres meublées, souvent bien chères, très petites et bien sales… Ma première suggestion serait de conditionner les subventions de la ville de Lyon ou du Grand Lyon à un véritable accompagnement des vieux résidents et à la mise en place d’une offre de logement adaptée.

Le deuxième axe de notre politique est le soutien aux associations. Je prendrai l’exemple de l’une d’entre elles, le « Patio des Aînés », qui fait partie du réseau national des cafés sociaux et accueille une population essentiellement masculine, dont une partie seulement réside en foyer. Son but est de permettre un meilleur accès aux droits et aux soins, tout en luttant contre l’isolement. Cette association a aussi ouvert une sorte d’épicerie sociale et solidaire. Elle fournit un très important travail en réseau, notamment pour ce qui relève du domaine médico-social. Agissant dans le quartier de La Guillotière, elle fait preuve de beaucoup de finesse, d’intelligence et de débrouillardise, et au total d’un impressionnant dynamisme.

Ces associations jouent un rôle très important de passerelle entre les travailleurs sociaux et les migrants, notamment pour permettre à chacun de faire valoir ses droits : le problème, en effet, c’est très fréquemment l’absence de recours aux droits. Cela passe par des choses simples : aider à prendre un rendez-vous ou à remplir un dossier administratif, aider à comprendre une ordonnance…

L’accès aux soins est un enjeu majeur, car ces migrants ont souvent exercé des métiers difficiles et leur corps est fatigué de façon précoce : un important travail d’information et de prévention est fourni.

La ville de Lyon soutient d’autres actions associatives. Ainsi, les associations d’aide alimentaire ne s’adressent pas spécifiquement aux immigrés âgés, mais les accueillent – il s’agit surtout de femmes – très souvent dans leurs permanences. Nous aidons enfin des projets culturels, par exemple par la mise à disposition de locaux.

Le troisième axe de notre action concerne la prise en compte des immigrés âgés par le CCAS et les services de la ville de Lyon. Créée en 2005, la mission Égalité regroupe les démarches transversales au sein des services de la ville, afin de garantir à tous le même traitement. Elle accompagne la mise en œuvre du volet « Lutte contre les discriminations » du contrat urbain de cohésion sociale. La ville de Lyon a obtenu le label « Diversité », et créé un programme spécifique intitulé « Égalycité ».

Les services du CCAS disposent d’une antenne – mais non d’un lieu spécifique – dans chacun des neuf arrondissements. Les immigrés accueillis, principalement des hommes et un petit nombre de femmes seules, sollicitent de l’aide pour effectuer des démarches administratives, souvent liées à l’obtention de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), de la couverture maladie universelle (CMU), de la complémentaire santé, d’une mutuelle ou de la retraite. D’autres démarches concernent le dépôt d’un dossier de surendettement ou une demande d’aide au logement. La plupart des antennes disposent d’agents arabophones.

On trouve à Lyon deux bains douches, où les populations immigrées aiment se retrouver, notamment le vendredi, ce qui en fait des lieux de sociabilité.

Les cimetières lyonnais comprennent des « carrés musulmans », et les pompes funèbres intercommunales peuvent assurer un service public, même si les populations concernées se tournent plutôt vers les pompes funèbres communautaires.

Je conclurai mon propos en signalant trois difficultés. Il est dommage que le schéma gérontologique du département du Rhône, contrairement à celui de l’Isère, n’intègre pas la problématique du vieillissement des immigrés. La situation des veuves, très isolées, n’est pas prise en compte. Enfin, sur 700 000 sans-papiers, certains, présents depuis plus de dix ans dans notre pays, y resteront. Il faut d’ores et déjà réfléchir au problème que posera, à terme, leur prise en charge.

Mme Édith Danielou, adjointe au maire de Massy, représentant l’Association des maires de France (AMF). Je ciblerai mon intervention sur les deux foyers de Massy qui accueillent des résidents vieillissants, puisque la situation des couples d’immigrés âgés intégrés à la population de la ville, où ils vivent parfois depuis plusieurs générations, ne pose pas de problème.

Prochainement, deux foyers Adoma – ex-SONACOTRA – ouverts entre 1971 et 1973 seront rénovés. L’un, relativement excentré, accueille 414 résidents, dont 47 % de plus de soixante ans, parmi lesquels 80 % ont plus de soixante-dix ans. Le second, situé au centre-ville, héberge 311 résidents, dont 40 % ont plus de soixante ans et 46 % ont entre soixante et onze et quatre-vingt-onze ans. Au total, ces foyers logent 126 personnes de plus de soixante-dix ans. En 2002, la SONACOTRA, ainsi que les partenaires de la ville, ont pris en compte le problème du vieillissement en réalisant, au rez-de-chaussée, une unité de vie de cinq chambres pour faciliter l’autonomie des résidents à mobilité réduite. De grandes chambres, avec sanitaires adaptés, ont été aménagées afin de permettre l’intervention des services de maintien à domicile, impossible dans des « cellules » de sept mètres carrés.

Deux nouvelles unités devant être créées en 2007, un projet de restructuration complète du foyer a été lancé. Une concertation entre la ville et le conseil général, les associations, des cabinets libéraux et la caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France (CRAMIF) a débouché sur la création, en 2012, d’une médiation destinée à favoriser l’accompagnement de proximité des résidents âgés confrontés à des problèmes de santé, à la difficulté d’effectuer des actes de la vie quotidienne ou des démarches administratives, à la précarité sociale et financière, ainsi qu’à l’isolement et à la solitude. Sachant que des freins nous empêchent de satisfaire leurs demandes, les résidents sont rarement demandeurs. Ils ne se présentent à la mairie que de manière irrégulière, pour résoudre un problème majeur. La plupart ne connaissent pas leurs droits en matière d’accessibilité, ni l’existence de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Par ailleurs, les professionnels n’aiment pas intervenir dans des lieux vétustes et peu sécurisés, les petites chambres ne se prêtant pas au maintien à domicile.

Parmi les actions menées en partenariat avec la ville, je citerai l’envoi des programmes d’animation à la médiatrice, afin de favoriser les sorties et la participation des résidents aux activités, les échanges réguliers avec le directeur de chaque foyer pour inscrire les résidents aux réceptions de fin d’année et leur faire parvenir des colis. Cependant, sur les 126 résidents âgés de plus de soixante-dix ans, un seul est venu au banquet de fin d’année et seulement dix-sept demandes de colis – contenant, comme il se doit, des produits halal – ont été formulées.

M. le président Denis Jacquat. Le taux de demande n’est, semble-t-il, pas plus élevé à l’échelle nationale.

Mme Édith Danielou. Les directeurs des foyers ont fait inscrire en tout 156 personnes dans le fichier des seniors de la ville. Nous organisons des réunions sur place afin de leur présenter les services d’animation, de loisirs, de maintien à domicile et de port des repas – deux personnes ont souhaité en bénéficier.

Deux autres, et cela nous semble intéressant, ont demandé à entrer dans une résidence dédiée aux personnes âgées, qui n’est pas un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). L’une d’elles sera accueillie en septembre prochain. Pour l’heure, le montant du loyer serait trop élevé, mais une procédure est en cours pour faire conventionner les résidences.

Un projet important vise à reconstruire le foyer de travailleurs du centre-ville pour en faire une résidence sociale. Une tour de treize étages, qui comprend 310 chambres de 7,5 mètres carrés, sera démolie pour laisser place à une résidence sociale de 300 logements, dont 220 pour le public actuel et 80 pour un nouveau public – 75 places de stationnement sont prévues en sous-sol.

Les résidents resteront au cœur de la ville, face aux nouveaux quartiers, ce qui leur permettra de garder un lien avec les commerces, l’hôtel de ville, la poste et les transports. Lors des réunions préparatoires, je me suis battue contre le projet d’Adoma qui consistait à installer les travailleurs vieillissants dans le second foyer, qui est excentré. Ces personnes ont en effet toutes leurs habitudes au centre-ville. C’est là qu’elles achètent leur pain et se retrouvent entre elles, pour jouer au PMU notamment. Les postières du centre-ville les aident à gérer leur livret d’épargne.

La première phase du projet, qui comprend la reconstruction de 250 logements, s’étendra de juin à décembre ; la seconde se déroulera en 2015, et la troisième, portant sur la construction de 50 studios, en 2016. Le chantier coûtera 22,5 millions, ce qui représente un engagement important pour la ville. Celle-ci garantit les emprunts, ce qui lui permet de réserver 20 % des logements, soit 60 logements. La réhabilitation des locaux facilitera les échanges entre la ville et les résidents qui n’auront plus honte d’accueillir chez eux les aides à domicile.

Mme Halima Menhoudj, adjointe à la maire de Montreuil, déléguée aux personnes âgées, représentant l’Association des maires ville et banlieue de France (AMVBF). La ville de Montreuil, en Seine-Saint-Denis, est confrontée quotidiennement aux problèmes des immigrés âgés, puisqu’elle compte dix foyers de travailleurs immigrés et sa population comprend 25 % d’immigrés. Les foyers offrent une capacité administrative totale de 2 000 places, chiffre qu’il faut multiplier par deux pour obtenir le nombre de résidents réels, compte tenu de la suroccupation des lieux.

Plusieurs centaines de travailleurs venus du Maghreb et d’Afrique subsaharienne vieillissent dans ces foyers ou en habitat diffus. Dans le foyer Bara, le plus grand et le plus « édifiant », des chambres abritent jusqu’à six lits. Constatant le caractère alarmant de cette situation, des cas d’isolement dramatiques et des pratiques vexatoires, voire stigmatisantes de la part des institutions, la ville de Montreuil a lancé un appel contre les discriminations subies par les immigrés âgés. Celui-ci a recueilli de nombreuses signatures d’élus locaux, convaincus que la situation doit changer et qu’en dépit de leurs convictions et des outils dont ils disposent, ils ne peuvent plus offrir aux migrants âgés la sérénité ni la stabilité auxquelles ces derniers ont droit.

Nous nous félicitons donc de la création de la mission d’information qui, par son travail d’auditions, d’analyse et de propositions, permettra sans doute un changement radical dans les pratiques. Nous espérons qu’il sera dès lors possible d’élaborer un cadre législatif organisant la prise en charge des immigrés âgés. L’heure est en effet venue d’impulser une politique globale de solidarité pour garantir à chacun l’accès à ses droits.

Mme Muriel Casalaspro, adjointe à la maire de Montreuil, déléguée aux solidarités et aux affaires sociales, représentant l’AMVBF. Sur le terrain, on constate le manque d’anticipation d’une situation éminemment prévisible, et la dégradation progressive des conditions sanitaires et sociales propres aux immigrés âgés. Comment a-t-on pu croire qu’il serait possible de fermer les yeux sur le vieillissement de ces travailleurs qui ont cotisé toute leur vie, sur leur habitat, sur leur devenir de citoyens de nos villes et sur leur santé précaire ? Comment peut-on les laisser dans des situations administratives inextricables, leur dénier la possibilité d’aller et venir librement entre leurs deux pays sans crainte de perdre leurs droits sociaux ? Comment imaginer qu’ils puissent seuls reconstituer leur carrière et faire calculer leurs droits à la retraite, à partir des liasses de bulletins de salaires accumulés pendant des décennies ? Les élus locaux manquent de personnel pour les y aider.

Certes, les collectivités territoriales peuvent initier des actions et faire de la question des migrants âgés une cause locale, puisqu’elle n’est pas considérée comme une cause nationale. Montreuil a saisi l’appel à projets du Fonds européen d’intégration (FEI) pour prendre en compte leur situation, dans le cadre d’une relation de proximité.

Il faut d’abord opérer un changement radical de regard et passer d’une logique parcellaire, segmentée, à une approche globale des personnes, coordonnée par les acteurs présents sur le territoire.

Ensuite, la prise en compte de la personne doit irriguer l’ensemble des politiques sectorielles de la ville, notamment dans les centres de santé, où l’on doit trouver des permanences et des consultations adaptées. Montreuil a intégré dans son contrat local de santé un axe spécifique baptisé « Agir pour la santé des migrants ». La santé des immigrés vieillissants est précaire, car ils présentent des pathologies complexes.

La ville mène également des actions spécifiques dans les maisons de quartier, agréées centres sociaux, en instaurant des temps d’écoute et de convivialité. Telle est la mission du centre local d’information et de coordination gérontologique, guichet unique destiné à prendre en compte la situation des migrants vieillissants. Puisque ceux-ci font rarement valoir leurs droits, il faut aller à leur rencontre, ce qui n’est pas toujours simple.

Enfin, les services culturels des villes doivent valoriser l’expérience et la culture de ces publics en les amenant à participer à des activités. C’est ce que font, dans les antennes de quartier, les associations qui ouvrent des cafés sociaux.

Pour répondre à l’appel à projet du FEI, nous avons choisi de développer deux axes. Le premier concerne l’accès aux droits médicaux et sociaux, qui suppose la mobilisation de tous les acteurs de droit commun présents sur le territoire, ainsi qu’un effort pour former les personnels souvent démunis face au vieillissement des migrants et à la barrière de la langue. Le second axe est la participation à la vie de la cité. À cet égard, nous voulons multiplier les liens entre les migrants âgés et les associations, et inciter les premiers à aller vers des lieux de vie extérieurs. À ce titre, nous défendons vivement la participation des étrangers non communautaires aux élections locales. Nous agissons également en partenariat avec une organisation non gouvernementale (ONG), le Groupe de recherche et de réalisations pour le développement rural (GRDR).

Cette dynamique locale ne sera pas pérenne tant que le Gouvernement et le Parlement n’auront pas pris des mesures cruciales. Sur la question du logement, nous nous battons contre une réglementation tatillonne, inadaptée à la vie des migrants âgés, et nous soutenons les propositions du collectif pour l’avenir des foyers (COPAF), lesquelles visent à élargir les droits et à libérer la vie dans les foyers.

Nous déplorons les contrôles systématiques, notamment par la caisse d’allocations familiales (CAF), de la situation des migrants âgés, qui se soldent par l’arrêt brutal du versement de certaines prestations, comme l’ASPA ou l’aide personnalisée au logement (APL), motivé par les allées et venues des intéressés entre les deux pays d’attache. Un tel harcèlement est inconcevable. Nous regrettons aussi que les règles régissant les différentes caisses de retraite ne soient pas harmonisées : la durée du séjour conditionnant le maintien des droits varie de l’une à l’autre. Les conditions de renouvellement des titres de séjour doivent aussi être révisées. Il est ahurissant que des résidents de plus de quatre-vingts ans attendent des heures aux guichets ou restent des mois sans prestations. Des personnels formés doivent aussi être missionnés pour résoudre des situations que les gestionnaires de foyers ou de résidences sociales ne prennent plus en compte.

Je terminerai en citant deux réalisations dont nous sommes fiers.

Nous avons signé récemment avec la ministre du logement, le bailleur et le propriétaire du foyer Bara un protocole visant au desserrement et à la reconstruction de celui-ci. Si le nombre global de places risque de diminuer, les unités de vie seront multipliées, ce qui permettra de reloger les résidents dans leur quartier.

Par ailleurs, grâce à un partenariat avec l’Office public de l’habitat montreuillois (OPHM), le foyer historique du Centenaire, qui est autogéré, sera reconstruit. Le projet est socialement innovant, puisque ce foyer, qui abritera des migrants de tout âge, sera voisin d’un hôtel associatif qui accueillera des membres des ONG. Cette proximité créera du lien.

Mme Kheira Bouziane. Je remercie les intervenants d’avoir souligné la forte implication de leur commune dans la question du logement des immigrés âgés. Vous avez bien fait, madame Danielou, de plaider pour leur maintien en centre-ville, en dépit d’un marché immobilier très tendu.

Quelle que soit la manière dont se pose la question du logement à l’échelle nationale, il est choquant qu’on offre à des immigrés âgés des chambres de quatre mètres carrés qu’un bailleur privé n’aurait le droit ni de vendre ni de louer.

M. Hémon a signalé que des occupants n’avaient pas réapparu après la réhabilitation de leur foyer. N’ont-ils pas été relogés ? Cela est d’autant plus grave que les publics fragilisés, caractérisés par une grande précarité et une faible maîtrise de la langue, sont peu enclins, vous l’avez dit, à faire valoir leurs droits.

En vous écoutant, on a le sentiment que tous les immigrés âgés sont condamnés à vivre en foyer. Certains demandent-ils à en sortir ?

Enfin, tous les habitants des foyers sont-ils étrangers ?

M. le président Denis Jacquat. Je vous transmets, outre les miennes, certaines questions ou observations du rapporteur, qui ne peut, pour des raisons personnelles, être présent parmi nous aujourd’hui.

Les occupants d’un foyer réhabilité ne sont-ils pas relogés de manière prioritaire après les travaux ? Pour avoir présidé un office de HLM et suivi la rénovation lourde de certaines maisons de retraite, j’ai constaté que l’on réserve toujours une place aux personnes ayant résidé dans un établissement, même si, quand la rénovation s’éternise, elles adoptent souvent de façon définitive le logement qu’on leur a proposé ailleurs à titre provisoire.

Si les personnes âgées souhaitent occuper un logement plus grand ou s’installer dans une résidence sociale, rares sont celles qui acceptent d’acquitter un loyer plus important. Dans le cadre des grands projets de ville (GPV), il arrive qu’une rénovation ne se traduise pas par une augmentation des loyers. Cet exemple doit nourrir notre réflexion.

Certains foyers d’immigrés se sont spécialisés dans l’accueil des immigrés âgés, qui ont besoin de chambres un peu plus grandes, d’un cadre de vie adapté à certains soins, ainsi que de calme et de repos. D’autres abritent à la fois un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), un foyer de jeunes travailleurs et des populations en situation de précarité et de pauvreté, par exemple originaires de Roumanie ou de Bulgarie. Dans ces conditions, la cohabitation ne se passe pas toujours bien.

Dans certaines zones sensibles, les résidents, qui se retrouvaient dans un café de quartier, ne savent plus où aller quand celui-ci disparaît. Il leur manque un espace collectif au sein de la résidence. En préconisant l’ouverture, en fonction de certaines conventions, de lieux sociaux pouvant abriter les résidents comme leurs amis de même origine, on lutterait contre l’isolement, facteur de maladies neuro-dégénératives.

Pour les foyers, Paris a repris la compétence de l’État. Comment s’est passé le relais sur le plan technique ou financier ?

Les immigrés âgés se sont tus longtemps, pensant qu’ils rentreraient chez eux ; lorsqu’ils ont décidé de rester en France, leur décision n’a pas été prise en compte. Comment favoriser l’application du droit ? J’espère que cette mission d’information, la première officiellement chargée du sujet, marquera un tournant.

Vous avez posé le problème des femmes immigrées. À Paris comme à Lyon, certaines présidentes d’associations, que nous avons eu l’occasion de rencontrer lors de nos déplacements sur le terrain, sont très toniques, mais souvent les femmes immigrées ont peu de moyens, du fait qu’elles sont arrivées très tard en France. La situation des veuves est encore plus difficile.

Les immigrés refusent souvent la présence d’aides à domicile, considérant que seuls des membres de leur famille peuvent s’occuper d’eux. Cette assistance peut même être vécue par certains comme un drame psychologique. Peut-on résoudre le problème ?

Vous avez rappelé que des foyers sont suroccupés. C’est parce qu’ils sont squattés, comme certains foyers universitaires, où il est fréquent que des étudiants abritent, à l’insu du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), des amis sans logement. Dans la région parisienne, il n’est pas admissible que des lieux collectifs comme des escaliers puissent être squattés.

Il nous faut envisager un échange de bonnes pratiques. Les initiatives communales que vous avez présentées sont positives, mais le problème des immigrés âgés n’a jamais été abordé de manière transversale. Vous nous avez envoyé un message intéressant ; notre rôle sera de le relayer.

Je vous remercie d’avance de répondre par écrit aux questions que nous vous avons posées.

Puis, la mission d’information entend, sur le thème des politiques menées par les départements, M. Michel Coronas, directeur de cabinet du président du conseil général du Val-de-Marne, et Mme Martine Conin, directrice des affaires sociales, et Mme Liliane Capelle, adjointe au maire de Paris, conseillère chargée des seniors et du lien intergénérationnel.

M. le président Denis Jacquat. Nous accueillons à présent des représentants de l’Assemblée des départements de France (ADF), M. Michel Coronas, directeur de cabinet du président du conseil général du Val-de-Marne, et Mme Martine Conin, directrice des affaires sociales, ainsi que des représentants de la Ville de Paris, Mme Liliane Capelle, adjointe au maire de Paris, conseillère chargée des seniors et du lien intergénérationnel, accompagnée de Mme Alexandra Ouraeff, directrice de cabinet, et de Mme Sandrine Langlois.

Nous le savons, le département exerce des compétences élargies en matière d’aide sociale, parmi lesquelles la création et la gestion des maisons de retraite, l’amélioration des conditions de vie à domicile, le versement de l’APA, la gestion du revenu de solidarité active (RSA), notamment à la fin de la carrière professionnelle, etc.

Cette audition fournit à la Mission l’occasion de s’intéresser à la question de la prise en charge de la perte d’autonomie de ce public. Mesdames, monsieur, vous pourrez nous indiquer la façon dont vous prenez en compte les immigrés âgés dans le cadre des schémas gérontologiques, et nous donner des exemples de bonnes pratiques en la matière.

Je rappelle que notre mission d’information s’intéresse à la situation des immigrés âgés de plus de cinquante-cinq ans originaires d’États tiers à l’Union européenne, qui représentent 800 000 personnes, les plus de soixante-cinq ans représentant 350 000 personnes.

M. Michel Coronas, directeur de cabinet du président du conseil général du Val-de-Marne. Le conseil général du Val-de-Marne traite la question des populations immigrées âgées au travers de deux dispositifs principaux.

Le premier s’inscrit dans le cadre de notre politique départementale en faveur du logement : il s’agit de la restructuration des foyers de travailleurs migrants. Le conseil général est déjà intervenu sur à peu près la moitié des trente-cinq établissements situés dans le département, ce qui traduit un effort très important. Nous avons accompagné la mutation de ces foyers, qui étaient constitués essentiellement de chambres, en des structures de type résidence sociale. S’est alors posée la question de leur adaptation au vieillissement, voire à la perte d’autonomie de leurs occupants. Cette problématique a été portée par les gestionnaires qui se sont déclarés démunis quant aux moyens d’accompagnement spécifiques à mettre en place : il apparaît en effet nécessaire d’orienter les personnes vers d’autres établissements, notamment si elles ont besoin d’un accueil médicalisé, lorsqu’il n’est plus possible de les héberger dans de bonnes conditions dans les résidences existantes.

Dans le cadre de cette politique d’aide à la transformation des foyers, nous disposons d’un quota réservataire à l’intention des populations immigrées, mais aussi d’autres catégories de publics, soit un contingent de 600 logements environ, sachant que 7 000 places ont été rénovées ces dernières années. Si cet effort pour l’adaptation des foyers a pu être poursuivi jusqu’en 2010-2011, nous avons dû le réduire en raison de la forte mobilisation de notre département sur des programmes portés par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) – le Val-de-Marne étant un des rares départements à avoir signé une convention départementale avec l’ANRU. Ainsi, à l’heure actuelle, nous ne sommes pas en capacité de répondre aux nouvelles demandes.

S’agissant du second dispositif, la prise en charge des publics, notamment dans le cadre du schéma départemental en faveur des personnes âgées, je laisse la parole à Mme Conin.

Mme Martine Conin, directrice des affaires sociales au conseil général du Val-de-Marne. Les populations immigrées connaissent des problèmes d’accès aux droits, comme l’ont souligné les experts que nous avons réunis dans le cadre de l’élaboration du schéma départemental en faveur des personnes âgées.

Ensuite, certaines femmes immigrées, qui n’ont pas vécu plusieurs décennies sur notre sol, se retrouvent totalement isolées après avoir rejoint la France à la demande de leur conjoint devenu dépendant ou au moment du décès de celui-ci. Ce problème doit être pris en considération.

Enfin, hormis les équipes spécialisées, les travailleurs sociaux et les différents services, y compris les services municipaux, ont une mauvaise connaissance de ces problématiques, car ces populations ne se dirigent pas naturellement vers les dispositifs.

Dans ce contexte, nous travaillons à la constitution d’un réseau de généralistes de l’action sociale et de personnes ayant développé une expertise sur ces problématiques. Pour ce faire, nous nous appuyons sur nos six CLIC. À l’heure actuelle, les réseaux sont encore assez inégaux sur l’ensemble du département, mais le schéma prévoit de corriger cette situation.

Nous avons aussi trouvé intéressant de rapprocher des personnes immigrées âgées et isolées de familles candidates à l’accueil familial, les deux tiers de ces dernières étant immigrées. Cette forme d’accueil, favorisée par une culture partagée, concerne essentiellement les personnes originaires du Maghreb. Pour les populations d’origine asiatique, nous travaillons sur le type de réponse à leur apporter.

Pour ce qui est des EHPAD, notre réflexion n’est pas aboutie – nous devrons sans doute nous engager dans une expérimentation. En tout cas, nous ne sommes pas favorables à la création d’EHPAD communautaires. Le regroupement de quelques personnes, qui pourraient ainsi se fondre dans l’ensemble de la communauté des résidents de l’établissement, nous semble beaucoup plus intéressant.

Mme Liliane Capelle, adjointe au maire de Paris, conseillère chargée des seniors et du lien intergénérationnel. Le schéma départemental en faveur des personnes âgées pour 2012-2016 de la ville de Paris, que nous venons de voter, comporte des fiches actions qui portent spécifiquement sur notre politique en faveur des immigrés âgés.

À Paris, les immigrés représentent un peu plus de 20 % de la population et, en dehors des ressortissants de l’Union européenne, ils sont majoritairement nés au Maghreb, en Asie et en Afrique subsaharienne. En outre, 19 % sont âgés de soixante ans et plus, ce qui représente environ 89 000 personnes ; 26 % sont issus de l’immigration maghrébine du travail des années soixante – ce type d’immigration étant tout à fait différent de l’immigration économique qui a eu cours par la suite – et 12 % sont d’origine asiatique.

Nous notons une féminisation de la population immigrée : en 2007, 52 % des personnes immigrées présentes à Paris étaient des femmes, contre 45 % en 1982. Les difficultés auxquelles sont confrontées ces femmes diffèrent selon les types d’immigration. Les femmes immigrées maghrébines âgées de soixante-cinq à soixante-dix ans sont le plus souvent veuves, divorcées ou séparées, et elles n’ont rien – elles ne parlent même pas notre langue. Il y a donc une vraie interrogation à leur égard, d’autant que la plupart d’entre elles ne retourneront pas au pays car leur vie – je dirai même leur malheur – est ici.

La population étrangère de Paris est essentiellement localisée dans le Nord et le Nord-Est. Les IIIe et IVe arrondissements accueillent la communauté chinoise ; le Xe arrondissement abrite une importante population turque ; dans le XIe arrondissement, les populations se sont mélangées au gré des vagues d’immigrations juives, maghrébines et chinoises ; enfin, dans les XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements, 20 % des résidents sont des immigrés de tous ces pays.

Le logement est un problème majeur pour ces populations qui ont une particularité : elles ont besoin d’indépendance, mais ne peuvent pas vivre seules. Il faut donc trouver des structures qui leur permettent non seulement d’être indépendantes, mais aussi d’être intégrées au droit commun : le moment est venu d’accorder cette reconnaissance à ces personnes qui ont apporté beaucoup à la France. La majorité d’entre elles ne sont en effet pas propriétaires de leur logement, et quand elles le sont, c’est d’un six mètres carrés sous les toits. La grande opération de réhabilitation des foyers que nous avons lancée nous a permis de constater que ces populations ont vieilli dans ces structures – sur 8 000 résidents en foyer de travailleurs migrants, 32 % étaient âgés de plus de soixante ans en 2010, contre 17 % en 2002.

Ainsi, nos principaux axes de travail sont la lutte contre l’isolement, l’accès aux droits et l’adaptation des logements. Je trouve en effet indécent que des personnes continuent à vivre à plusieurs dans une chambre, d’autant que le vieillissement précoce concerne particulièrement ces populations qui ont connu des conditions de travail précaires et n’ont pas bénéficié d’un suivi médical. Au surplus, les personnes immigrées vivant à Paris ont peu recours aux dispositifs dédiés, que ce soit les aides proprement dites, ou les loisirs, l’hébergement collectif, les actions de prévention et l’aide à domicile.

Nous avons réorganisé nos six CLIC, dont certains étaient déjà très en avance sur ces problématiques, comme dans le XIIIe arrondissement, où des groupes de travail dédiés avaient été mis en place. Ce travail a permis l’implantation de cafés sociaux, au nombre de quatre actuellement.

M. le président Denis Jacquat. Pouvez-vous nous parler des « biffins » ?

Mme Liliane Capelle. Nous avons accordé des « carrés » à ces personnes qui vivent de la revente de petits objets dans le Nord-Est parisien, et des travailleurs sociaux les accompagnent dans leurs droits afin de les aider à sortir de cette misère de la revente qui est un monde très dur.

Par ailleurs, nous allons travailler à la mise en place de cafés sociaux itinérants, en particulier dans le XIIIe arrondissement. Grâce au contact avec les populations immigrées qu’ils rendront possible, ces dispositifs permettront de lutter contre l’isolement de ces personnes, d’obtenir des informations sur leurs besoins en matière de logement et d’intégrer ces populations au droit commun – elles font partie de notre cité et ont droit à cette reconnaissance.

En matière de logement, nous réfléchissons à la création de petites unités de vie qui permettent à ces personnes de rester ensemble tout en bénéficiant des droits sociaux.

Enfin, la ville de Paris ne souhaite pas créer d’EHPAD communautaire – quelle que soit leur origine, les personnes dépendantes ont besoin des mêmes soins et du même respect. Je pense que l’on peut faire appel à des associations, comme les cafés sociaux, qui connaissent et suivent ces populations.

Mme Hélène Geoffroy. De quelle manière les personnes immigrées vieillissantes peuvent-elles être intégrées dans les EHPAD ou les structures traditionnelles ? Faut-il prévoir une formation spécifique à l’intention des personnels soignants ?

Comment les départements travaillent-ils pour aider les personnes vieillissantes les plus isolées ? Un réseau particulier d’accueil est-il prévu dans le cadre des schémas départementaux pour orienter ces personnes vers les dispositifs ?

M. le président Denis Jacquat. Participez-vous à l’élaboration de certains plans départementaux d’intégration (PDI) aux côtés des services de l’État ?

Quel regard portez-vous sur l’action des associations d’aide aux migrants âgés ? Quel relais constituent-elles ? Sont-elles solides ? Comment les évaluez-vous ? Les conditions actuelles de financement sur base contractuelle à deux ou trois ans leur permettent-elles de conduire une action adaptée sur la durée ?

Quelles sont les difficultés spécifiques des femmes ? La féminisation de l’immigration a régulièrement été évoquée au cours de nos auditions. Bien souvent, les épouses qui doivent rejoindre la France pour s’occuper de leur conjoint âgé ou malade sont désarmées car elles ne parlent pas la langue française, ou très peu, et elles se retrouvent très isolées quand leurs enfants ont quitté le foyer.

Aujourd’hui, les surfaces des logements ne sont plus adaptées à la vie des immigrés âgés qui, après avoir travaillé pendant trente ans dans notre pays, souhaitent y rester définitivement. À cet égard, la transformation des foyers de travailleurs migrants en résidences sociales vous semble-t-elle satisfaisante ? Les résidents doivent-ils, selon vous, supporter un « taux d’effort » ? Faut-il prévoir une aide spécifique ? À titre de comparaison, la politique de l’État dans les quartiers GPV a permis à Metz de mener des opérations de rénovation et de réhabilitation des HLM très lourdes sans augmentation des loyers. Pensez-vous qu’il serait opportun d’accélérer la réalisation du plan de traitement des foyers ? Certains d’entre eux comportent encore, en effet, des pièces avec plusieurs lits.

Les CLIC ont un rôle important. Malheureusement, depuis qu’ils dépendent des conseils généraux, l’accompagnement et la prise en charge des personnes âgées et de leur famille, qui était leur objectif initial, a fait place dans certains départements à un guichet d’accueil qui se contente de remettre les papiers aux personnes. Or, les immigrés âgés éprouvent de grandes difficultés pour accomplir toutes les formalités administratives, d’autant que la première génération ne lit pas le français.

Madame Conin, votre département comporte-t-il beaucoup de familles d’accueil ?

S’agissant des EHPAD communautaires, nous sommes d’accord avec vous.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Recevez-vous beaucoup de demandes pour des EHPAD communautaires ? Pour ma part, j’en recevais beaucoup il y a encore dix ans.

M. le président Denis Jacquat. S’il existe des EHPAD regroupant des communautés juives et protestantes en Alsace-Moselle, la notion d’ « EHPAD communautaire » reste étrangère à la mentalité des immigrés âgés, comme en témoigne l’échec des deux expériences réalisées en France en la matière. Mieux vaut donc offrir à ces personnes un espace collectif où elles puissent se retrouver librement que de les regrouper de la sorte.

Si les plans gérontologiques d’autrefois préconisaient la construction de maisons de retraite dans les vallées sidérurgiques du nord de la Lorraine, il n’y eut cependant pas de demande à l’époque parce que les familles – essentiellement d’origine italienne – s’occupaient de leurs aînés à domicile. Trente ans plus tard, la situation a radicalement changé et les maisons de retraite commencent à se remplir. De même, d’ici vingt à trente ans, lorsque les familles d’immigrés âgés seront éclatées et que leurs enfants ne pourront plus prendre soin d’eux, ceux-ci finiront par aller d’eux-mêmes en EHPAD.

En attendant, leur proposer une offre à la carte demeure encore la meilleure solution, tout en sachant qu’ils restent réticents à l’idée de confier leur corps à une personne inconnue et par conséquent de recevoir une aide à domicile. Comme vous l’avez rappelé, ils souhaitent vivre de manière indépendante, mais ne peuvent vivre seuls. C’est précisément autour de ce nœud que doit se construire notre politique sociale en leur faveur – une politique qui doit être fondée sur la lutte contre l’isolement.

Quant aux « biffins », si leur présence reste un phénomène marginal – l’immigration subsaharienne étant beaucoup plus récente –, l’un de mes interlocuteurs m’a signalé le cas d’un foyer strasbourgeois dont ils occupent tous les espaces communs avec leur matériel, y créant des troubles de vie.

Mme Liliane Capelle. La formation constitue effectivement l’un des axes majeurs de notre action. Outre les personnes handicapées – qui atteignent la vieillesse dès soixante ans alors que l’âge moyen d’entrée en EHPAD est de quatre-vingt-sept ans à Paris – et les personnes d’origine étrangère, les EHPAD commencent à accueillir les premières personnes atteintes du VIH, et leur personnel continue à craindre la contamination. C’est pourquoi nous privilégions la formation à l’accueil différencié des publics.

Quant aux associations qui soutiennent les personnes âgées migrantes, j’ai souhaité qu’elles bénéficient de subventions pérennes et croisées, tant l’enjeu est transversal. Nous avons en effet la chance à Paris de pouvoir faire collaborer étroitement différents services de la ville tels que la direction de l’action sociale, de l’enfance et de la santé (DASES), la délégation à la politique de la ville et à l’intégration (DPVI), et la direction du logement. Et si j’insiste sur la nécessité de mener des politiques de droit commun, c’est afin que les immigrés âgés bénéficient des mêmes droits que tout un chacun.

Parallèlement aux cafés sociaux, certaines associations aident à l’accès aux droits. « Yvoir » est quant à elle une association de cœur qui offre aux femmes seules – soit que leur mari soit décédé, soit qu’il les ait quittées – ne parlant pas le français la possibilité de s’exprimer dans le cadre du théâtre. Au terme d’un mois de travail, certaines de ces femmes ont ainsi pu se produire devant 350 personnes au théâtre de l’Odéon – c’était un public non pas d’immigrés, mais de spectateurs réellement intéressés par la démarche. Je suis convaincue que le sport et la culture sont deux vecteurs d’intégration pour ces populations.

S’agissant des familles d’accueil, nous n’en trouvons à Paris ni pour les adultes ni pour les enfants. Nous envisageons en revanche de recourir à un système de partage de domicile et de colocation entre personnes âgées, suivi par des travailleurs sociaux.

Étant donné le contexte de vieillissement et de précarisation que nous connaissons dans la capitale – nous enregistrons le taux de personnes âgées vivant sous le seuil de pauvreté le plus élevé de France –, nous avons besoin de relais. C’est pourquoi nous avons recentré les CLIC sur leur métier d’origine.

Bien qu’encore inachevée, la réhabilitation des foyers parisiens est en bonne voie. Nous veillons tout particulièrement à ne pas pratiquer de loyers trop élevés dans ces logements qui ouvrent droit non seulement à l’APL mais aussi, depuis l’an dernier, à « Paris Logement ». Cette aide est accessible aux ménages qui consacrent à leur loyer plus de 30 % de leurs ressources – ces dernières ne devant pas excéder 1 100 euros. Ayant d’abord profité aux familles, l’aide a été étendue l’année dernière aux personnes âgées – y compris aux immigrés, qui ne font pas l’objet d’un traitement spécifique. Il s’agit donc d’une aide universelle, qui doit le rester.

Dans les EHPAD, nous coopérons avec les associations qui connaissent bien les particularités des différents publics concernés : ainsi, à la différence des Subsahariens qui ont des familles composées et pensent retourner dans leur pays d’origine, l’immense majorité des Maghrébins ne se sent plus de là-bas mais pas tout à fait d’ici non plus. Il est donc de notre responsabilité de leur dire qu’ils sont d’ici. Quant aux immigrés chinois, comme les immigrés juifs autrefois, ils viennent en famille et souhaitent rester.

L’accès à la langue étant la première des dignités, il nous faut apprendre le français aux femmes, quel que soit leur âge. Il n’y a en effet pas d’âge pour apprendre et c’est là leur seul moyen de survivre. Parallèlement, comme cet apprentissage ne pourra se faire du jour au lendemain, nous continuons à rédiger en plusieurs langues les dépliants que nous destinons au personnel car celui-ci doit être en mesure de comprendre le public accueilli.

M. le président Denis Jacquat. Je souhaiterais revenir sur une question récurrente : de nombreux immigrés âgés vivant en France depuis vingt à quarante ans ne parviennent pas à obtenir la nationalité française, contrairement aux immigrés des pays d’Europe de l’Est, pourtant arrivés dans notre pays beaucoup plus récemment. Ne devrions-nous pas accorder la nationalité française à ceux qui ont vécu plus longtemps ici que dans leur pays d’origine et qui comptent rester ? Cela nous permettrait de résoudre les problèmes de délais administratifs auxquels nous sommes confrontés ?

Mme Liliane Capelle. Nous sommes en train de consulter des associations comme « Ayyem Zamen » sur cette question, qui concerne non seulement les immigrés ayant acquis un fort sentiment d’appartenance au terme de longues années de travail en usine, mais aussi ceux – certes très minoritaires mais représentant un symbole – qui ont porté les armes pour la France. Il est plus important pour eux et leurs familles – avec lesquelles ils ont parfois dû rompre – de se voir accorder cette reconnaissance, même tardive, plutôt que d’être décoré de la légion d’honneur ! Nous devons aussi parvenir à leur faire comprendre qu’ils ne perdront pas pour autant leur nationalité d’origine, à laquelle ils sont légitimement attachés.

M. le président Denis Jacquat. La « décristallisation » des pensions a tout de même permis de résoudre le problème des immigrés ayant combattu pour la France.

Mme Liliane Capelle. Cette situation était un pur scandale !

M. le président Denis Jacquat. Si nous avons tant débattu à cette occasion, c’est que l’on raisonnait à partir des bases de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et sur le niveau de vie du pays d’origine des anciens combattants concernés. C’est pourquoi, tant les gouvernements de gauche que de droite craignaient que cette décristallisation n’entraîne l’apparition de nouveaux riches. De plus, comme vous l’avez rappelé, ce problème ne concerne plus que quelques milliers de personnes dans le monde. Leur reconnaissance était néanmoins nécessaire.

Quant à la question de la naturalisation, notre mission devrait permettre de faire mûrir la réflexion.

M. Michel Coronas. Il nous est assez difficile de connaître la situation des populations immigrées vieillissantes qui vivent pour la plupart en dehors de l’habitat groupé. Ainsi, dans le Val-de-Marne, sur les 26 000 immigrés de plus de soixante ans, 10 % seulement habitent ce type de logements, contre plus de 80 % en dehors. Je partage l’idée que ces personnes doivent accéder à un logement de droit commun. Il reste que la modicité de leurs ressources – comprises entre 600 et 1 200 euros par mois pour environ 50 % des personnes vivant en foyer – les en empêche le plus souvent.

Le maintien à domicile en secteur diffus des personnes en perte d’autonomie n’est pas chose aisée. Car si certains services tels que les soins infirmiers à domicile sont bien acceptés, d’autres, tels que l’aide familiale, le sont beaucoup moins, pour des raisons culturelles : ces personnes admettent difficilement que quelqu’un d’extérieur à la cellule familiale vienne effectuer chez elles des tâches qui incombent normalement à celle-ci.

Les gestionnaires de structures se sentent d’ailleurs démunis face à la perte d’autonomie progressive des immigrés âgés. Sur les trente-cinq commissions de vieillissement qui ont été créées dans le département, une seule fonctionne : localisée à Ivry, elle a été installée par le bailleur unique, Coallia. Les gestionnaires, qui souffrent également de la multiplicité des niveaux de collectivité auxquels ils doivent s’adresser, souhaiteraient la création de dispositifs spécifiques leur permettant de mener une action plus efficace.

Mme Martine Conin. En région parisienne, la dimension des logements est si réduite que l’accueil à domicile reste limité. Cependant, les difficultés sont moindres dans le Val-de-Marne qu’à Paris et le nombre de familles candidates pour accueillir des immigrés âgés augmente depuis trois ou quatre ans : les trois quarts d’entre elles sont d’origine maghrébine et vivent dans de grands logements que leurs enfants ont quittés. Elles disposent donc de l’espace nécessaire. L’accueil familial constitue pour elles une véritable tradition qui leur permet de surcroît de bénéficier d’un emploi et d’une rémunération comprise entre 1 300 et 1 500 euros par mois en fonction des sujétions dont elles doivent s’acquitter. Quant aux personnes accueillies, elles peuvent bénéficier de l’aide sociale à l’accueil familial et de l’APA. On pourrait imaginer que cette aide sociale fasse l’objet d’une récupération sur succession, mais c’est impossible car les biens des bénéficiaires se trouvent le plus souvent à l’étranger.

Dans les foyers, comme dans d’autres secteurs de l’action sociale et médico-sociale, les équipes, les institutions et les dispositifs demeurent trop cloisonnés pour que nous puissions exploiter les données dont disposent les associations gestionnaires, qui connaissent pourtant fort bien les problèmes rencontrés par les résidents. S’il est vrai que les CLIC favorisent les rencontres entre professionnels, ce cloisonnement institutionnel transforme néanmoins les démarches des migrants en un véritable parcours du combattant – d’autant plus que les associations qui y interviennent sont relativement fragiles. Et même les plus solides d’entre elles, telles que les associations gestionnaires, ne rencontrent pas suffisamment les services sociaux des CCAS. C’est pourquoi, dans le Val-de-Marne, nous avons souhaité que les CLIC concentrent leurs efforts sur l’animation de réseau et l’accompagnement.

Dans l’habitat diffus, nous organisons depuis quelques années des formations de gardien d’immeuble avec certains bailleurs sociaux à qui nous demandons de prêter une attention particulière à l’isolement des personnes âgées, handicapées et migrantes : ce système fonctionne bien dès lors que le bailleur social se montre volontariste. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un processus de longue haleine.

Quant au placement en EHPAD, nous devons tenir compte du libre choix des immigrés âgés concernés car ils risquent de comprendre encore moins que les autres pourquoi on le leur propose. Si les pressions qu’ils ressentent ne sont pas toujours mal intentionnées, elles leur sont souvent difficiles à vivre. Et s’il est vrai que les EHPAD accueillent des personnes de plus en plus dépendantes, il reste qu’environ 30 % de leurs résidents ne comprennent pas bien ce qui se passe autour d’eux et revendiquent une certaine qualité de vie. Or, comme l’indiquait Liliane Capelle, les personnes migrantes, parce qu’elles n’ont souvent pas pu accéder aux soins, sont couramment atteintes de pathologies multiples – notamment d’hypertension et de diabète – et donc susceptibles d’entrer plus jeunes en établissement, alors qu’elles ne sont pas forcément désorientées psychologiquement. Leurs revendications étant par conséquent beaucoup plus fortes, elles risquent de se replier sur elles-mêmes si les EHPAD ne s’en préoccupent pas suffisamment. C’est pourquoi, nous leur portons une attention particulière. Pour ma part, je ne serais pas choquée qu’un EHPAD accueille quelques personnes de même origine. Cela étant, gardons-nous bien de créer des établissements communautaires. Il serait également important que des associations puissent venir soutenir les équipes de l’établissement en y apportant une dimension culturelle
– essentielle pour les populations migrantes.

En tout état de cause, il convient sans doute d’explorer différentes pistes dans la mesure où il n’existe pas de personne migrante âgée standard, chacune d’entre elle ayant une vie et une culture qui lui sont propres.

M. le président Denis Jacquat. Rien n’interdit aux associations d’intervenir en EHPAD : certaines le font d’ailleurs déjà et l’on peut tout à fait le prévoir par convention. Il est en revanche de notre devoir d’élus d’inciter les responsables d’établissement à recourir à ce type de pratiques, tout en les adaptant à la demande.

Mme Martine Conin. Il me paraît aussi extrêmement important de lever la barrière de la langue, tant la discrimination qu’elle introduit est considérable.

S’il est vrai que les associations organisent des ateliers dans les établissements, ces initiatives demeurent cependant encore trop liées à des opportunités ponctuelles ou à certaines personnes en particulier. Les résidences et les foyers accueillent également des écrivains publics – dont il faudrait étendre la présence à d’autres établissements. Une telle mesure suppose néanmoins que l’on dispose de moyens suffisants. Plus généralement, il serait bénéfique que les activités proposées dans les foyers soient étendues aux autres types d’établissements.

M. le président Denis Jacquat. Notre mission nous a permis de constater qu’en matière de lutte contre l’illettrisme et d’enseignement du français, notre pays a accompli des efforts beaucoup plus importants à l’égard des primo-arrivants qu’en direction des personnes ayant décidé de rester dans notre pays. Ces dernières doivent absolument avoir la possibilité d’apprendre le français, quel que soit leur âge, et l’on pourrait d’ailleurs le leur permettre en recourant aussi bien à des bénévoles qu’à des professionnels.

Nous vous remercions pour vos exposés et vos réponses. Nous nous efforcerons de retenir au mieux vos préconisations afin d’améliorer la situation des immigrés âgés dans notre pays.

Enfin, la mission d’information entend Mme Murielle Maffessoli, directrice de l’Observatoire régional de l’intégration et de la ville (ORIV), de Mme Évelyne Bouzzine, directrice du centre de ressources « Politique de la ville » en Essonne (CRPVE), et de Mme Olivia Maire, directrice adjointe du centre de ressources « Profession Banlieue ».

M. le président Denis Jacquat. Mes chers collègues, nous terminons cette matinée par une audition consacrée aux centres de ressources « Politique de la ville », qui nous permettra d’entendre Mme Murielle Maffessoli, directrice de l’Observatoire régional de l’intégration et de la ville (ORIV), co-directrice du centre de ressources « Politique de la ville » Lorraine (CRPVL) et déléguée du réseau Ressources pour l’égalité des chances et l’intégration (RECI), Mme Évelyne Bouzzine, directrice du centre de ressources « Politique de la ville » en Essonne (CRPVE), et Mme Olivia Maire, directrice adjointe du centre de ressources « Profession Banlieue », situé en Seine-Saint-Denis.

Créé en 1992, l’ORIV est un centre de ressources intervenant sur les questions relatives à l’intégration des populations immigrées, à la prévention des discriminations et à la cohésion sociale et territoriale. Il a pour objet de développer et de diffuser des connaissances sur ces trois thèmes. Depuis 2010, le centre de ressources « Politique de la ville » Lorraine exerce les mêmes missions dans la région voisine que je connais bien.

Association créée en 2001, le centre de ressources « Politique de la ville » en Essonne constitue un espace d’échange d’expériences et de qualification. Il s’adresse aux acteurs de la politique de la ville et aux professionnels relevant de services de droit commun qui exercent dans les quartiers concernés, notamment dans le département de l’Essonne.

Constituée en association depuis 1993, « Profession Banlieue » est un centre de ressources destiné aux professionnels de la politique de la ville de la Seine-Saint-Denis, qui a pour objet de soutenir, de faciliter et de qualifier l’action des professionnels par l’échange de savoir-faire et la capitalisation d’expériences innovantes, ainsi que par la mise en relation des scientifiques et des professionnels du développement social urbain.

Notre mission d’information s’intéresse à la situation des immigrés âgés de plus de cinquante-cinq ans originaires d’États tiers à l’Union européenne, qui représentent en France 800 000 personnes, dont 350 000 sont âgées de plus de soixante-cinq ans. Nous abordons l’ensemble des questions les concernant : précarité du logement, insuffisance de l’accès aux soins et aux droits de façon générale, difficulté d’intégration, isolement et dépendance.

Vos éclairages sur ces sujets – notamment à partir des interventions des travailleurs sociaux et des acteurs de la politique de la ville, dont le rôle est décisif pour améliorer la situation des immigrés âgés – constitueront un retour d’expérience très précieux.

Mme Murielle Maffessoli, directrice de l’Observatoire régional de l’intégration et de la ville (ORIV). Je vous remercie de votre invitation. Le fait d’intervenir à la fois en Alsace et en Lorraine permet à notre centre de comparer les problèmes qui se posent dans différents territoires. Mais même si chacune de ces deux régions présente une configuration sociodémographique spécifique, la première question à laquelle on est toujours confronté lorsqu’on entreprend de travailler sur le problème des personnes âgées immigrées, est la question de la nécessité de montrer que celles-ci existent et de mettre au jour leurs besoins. Ce public exprimant peu de demandes, il faut encourager les acteurs concernés à s’y intéresser. Au-delà des seules populations immigrées, le vieillissement constitue d’ailleurs, aujourd’hui encore, une zone d’ombre au sein de la politique de la ville, la rénovation urbaine n’en tenant pas compte.

Les immigrés âgés ne formulant pas de revendications, on considère souvent qu’il faut concevoir une action spécifique à leur intention, et non les inclure dans les dispositifs de droit commun – débat qui concerne l’ensemble des politiques publiques en France. Nous estimons que, si la singularité de ce public justifie une approche particulière, le droit commun et les politiques sectorielles doivent néanmoins être mobilisés. Reste à convaincre et à sensibiliser l’ensemble des acteurs publics à cette idée.

Depuis peu, on parle de personnes âgées immigrées et non plus de chibanis – terme très restrictif – ou de migrants ; ce dernier mot renvoie au mouvement permanent, alors qu’il faut précisément noter la sédentarisation de ces populations.

En Alsace, les immigrés représentent 10,3 % de la population, pourcentage supérieur à la moyenne nationale. Parmi eux, 70 % viennent de pays hors Union européenne – chiffre là encore supérieur à la moyenne. La part des personnes âgées y est toutefois assez faible, car l’immigration alsacienne – alimentée notamment par le flux migratoire turc – est relativement récente. Les immigrés âgés de plus de cinquante-cinq ans, originaires de pays tiers à l’Union européenne, représentent ainsi en Alsace 28,4 % du total ; leur nombre connaît en revanche une croissance de 4 % par an.

En France, c’est l’isolement des hommes résidant au sein des foyers de travailleurs migrants qui a surtout retenu l’attention. Mais le cas des foyers n’épuise pas la diversité des situations observées sur le territoire alsacien et interdit de penser la prise en charge des populations immigrées par le droit commun dans le cadre de l’aide à domicile. Ces interventions se révèlent complexes dans les zones d’habitat diffus – particulièrement lorsqu’il s’agit de territoires peu accessibles – et auprès des familles réunissant plusieurs générations. Il faut territorialiser notre réflexion en adaptant le travail aux caractéristiques du lieu, des publics et des acteurs concernés afin de mettre en place des solutions pérennes et non spécifiques.

Il y a cinq ans, l’Association meusienne d’accueil des travailleurs migrants (AMATRAMI) a souhaité travailler sur les femmes immigrées âgées – de plus en plus nombreuses depuis la récente vague de demandes d’asile – que le décès précoce du mari laisse souvent seules, isolées et sans ressources. Elle a développé une action en direction de tous les acteurs du territoire pour prendre ce public en charge à l’égal des autres personnes âgées.

La caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) de Lorraine a également lancé des actions spécifiques en direction du public âgé immigré. Le principal problème tient à l’inadaptation des relais de communication, les initiatives ne parvenant pas toujours à trouver leur cible. L’enjeu consiste donc à rapprocher les associations de ce public.

M. le président Denis Jacquat. La CARSAT Nord-Est compte moins d’immigrés sur son territoire que celle d’Alsace-Moselle ; elle est donc moins sensible à la question.

Mme Murielle Maffessoli. Paradoxalement, la CARSAT de Strasbourg n’a pas mis en œuvre d’actions spécifiques en direction de cette population, ce qui prouve à nouveau que c’est non pas le pourcentage d’immigrés sur un territoire, mais la préoccupation des acteurs concernés qui détermine l’intérêt pour la question. Il faut changer la donne ; une vigilance accrue des observatoires devrait permettre la prise en charge de ce public dans le cadre du droit commun. La réflexion que nous développons sur les moyens d’information et l’adaptation des politiques publiques profite d’ailleurs à tous.

Je terminerai mon propos par deux exemples. Dans le Haut-Rhin, l’association Aléos, gestionnaire de foyers, s’est saisie de cette question dès les années quatre-vingt-dix, transformant sa manière de travailler avec les résidents des foyers. Elle a associé à sa démarche le conseil général du Haut-Rhin, qui a interrogé les maisons de retraite sur leur capacité à prendre en charge ces publics et a créé, dans la ville de Mulhouse, un service de portage à domicile de repas halal. Les effets d’entraînement entre différents acteurs se révèlent donc déterminants.

Enfin, en Alsace, l’ORIV travaille depuis des années avec l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) sur le profil des primo-arrivants âgés. Depuis plus de six ans, quelque 3 % d’entre eux sont âgés de plus de soixante ans. Si ce chiffre paraît dérisoire, ces personnes arrivent particulièrement démunies ; n’étant pas concernées par le contrat d’accueil et d’intégration – qui impose l’apprentissage de la langue française –, elles se retrouvent complètement isolées. Leur cas montre les limites de l’approche française qui consiste à élaborer des politiques à l’intention de populations statistiquement nombreuses. En évitant d’interroger ces évolutions, on risque de passer à côté de questions qui touchent l’ensemble de nos politiques publiques.

Mme Évelyne Bouzzine, directrice du centre de ressources « Politique de la Ville » en Essonne (CRPVE). J’ai choisi de vous faire part des résultats d’une recherche-action sur les femmes âgées immigrées, que le CRPVE conduit depuis un an avec le sociologue Smaïn Laacher. Cette recherche s’inscrit dans le programme sur l’immigration et les dynamiques d’intégration que nous menons depuis plus de quatre ans et nourrit le travail de formation des professionnels en matière de conditions de vie des femmes.

Il y a un peu plus de trente ans, l’immigration de travail s’est transformée en immigration de peuplement, conduisant à la multiplication des familles composites – dans lesquelles mères et enfants sont nés dans des pays différents – en terre d’immigration. Pourtant, les femmes – jeunes, adultes ou âgées – sont longtemps restées à l’arrière-plan, tant dans le domaine de la recherche sociologique que dans celui des préoccupations des politiques publiques.

La recherche-action en cours vise à rendre intelligibles les conditions objectives et subjectives du vieillissement – à la fois social et biologique – des femmes immigrées, afin de relever les particularités de cette population spécifique et de saisir, sur le long terme, les transformations de la structure familiale immigrée et la place qu’y occupe la femme âgée.

Quatre questions essentielles fondent notre problématique. Quelles sont les conditions de vie de ces femmes âgées immigrées aujourd’hui ? Quels sont leurs besoins et projets à court et à moyen termes ? Comment se structurent les relations entre cette catégorie de la population et les institutions publiques et privées qui en ont la charge ? Comment contribuer à la production d’un savoir et d’une connaissance sur les processus de vieillissement et ses conséquences sociales et symboliques sur ces femmes et leurs familles ?

Sans nous étendre sur la rareté numérique et la relative indigence théorique de la littérature sur les femmes âgées immigrées, notons simplement que ce sont les hommes qui ont concentré jusqu’à très récemment les recherches sur le vécu de la vieillesse des immigrés. Ce n’est qu’au milieu des années deux mille que le vieillissement de la population immigrée
– hommes et femmes – est devenu une préoccupation nationale.

Contrairement à une idée reçue, dans les pays d’origine – notamment au Maghreb –, le vieillissement commence à être perçu comme un problème structurel et humain. En effet, ces sociétés ne sont pas statiques et la transition démographique y devient irréversible ; l’individualisme ne se cantonne plus au continent européen, et les personnes âgées pèsent sur les systèmes de protection sociale généralement peu développés de ces pays. Le retour chez soi au moment de la vieillesse ne garantit donc aucune prise en charge institutionnelle ; plus encore, cette absence de protection force les immigrés à finir leurs jours dans le pays d’accueil.

Dans notre travail, nous sommes partis d’une conviction : les femmes immigrées ne devaient pas être perçues comme passives, ayant été soumises toute leur vie aux aléas d’un destin naturel ou social. Au contraire, les premiers éléments de notre enquête montrent que leur émigration, leur installation et les conditions dans lesquelles elles vieillissent en terre d’immigration constituent autant d’éléments auxquels elles ont été confrontées et qu’elles ont tenté, avec plus ou moins de réussite, de maîtriser. Les entretiens que nous avons menés ont représenté pour elles des moments autoréflexifs ou des occasions de témoigner de leur parcours. À ce jour, nous avons interrogé soixante-quatre femmes sur trois territoires : à Athis-Mons, en Essonne ; au quartier du Luth, à Gennevilliers ; et à la cité Balzac, à Vitry-sur-Seine. Nous nous sommes également appuyés sur les interventions des professionnels qui ont participé à cette recherche-action.

Les femmes âgées que nous avons interrogées, majoritairement mariées à des hommes ayant d’importants problèmes de santé, ont entre cinquante-cinq et soixante-douze ans. Elles sont souvent veuves, parfois divorcées. La plupart d’entre elles ont été peu ou pas scolarisées et n’ont pas bénéficié de cours d’alphabétisation. Elles sont arrivées en France dans le cadre du regroupement familial à la fin des années soixante-dix ou au début des années quatre-vingt, âgées alors d’une trentaine d’années ; ce regroupement familial tardif relevait d’un désir collectif de vivre et de vieillir en famille en terre d’immigration. Le taux élevé de fécondité de ces femmes – quatre enfants et plus – n’est pas reproduit à la génération suivante.

Tant qu’il leur y reste de la famille, les immigrées âgées valides retournent une fois par an au pays d’origine – lieu exclusif de déplacement – aux frais des enfants. La relation au pays se complique, et les visites deviennent plus aléatoires, dès lors que le mari est malade ou a fortiori décédé ; les retours s’espacent progressivement, puis s’arrêtent.

Les fortes réticences à retourner dans son pays d’origine pour y terminer sa vie posent la question du lieu d’enterrement. La réponse la plus fréquente, indépendamment de l’âge et de la nationalité, consiste à dire que c’est aux enfants d’en décider, le souhait étant généralement d’être inhumée à proximité des enfants qui vivent en France.

Ces femmes font partie des dernières générations immigrées à avoir eu beaucoup d’enfants. Mais, loin du stéréotype de la famille maghrébine unie, les liens entre les parents et les enfants – en particulier lorsque la mère devient veuve – peuvent se distendre au fil du temps de l’immigration. La solidarité familiale est ébranlée lorsque les enfants traversent eux-mêmes des épreuves sociales telles que le chômage, la maladie ou la délinquance.

De façon générale, le lien social est à la fois faible et fragile. Ces femmes appartiennent à des générations dont la liberté de circulation, l’autonomie et les choix existentiels – du conjoint, du lieu de résidence, du nombre d’enfants – ont été très réduits. Confinées à l’espace privé, elles sont faiblement intégrées au quartier et tissent peu de liens avec les autres femmes.

Leurs activités quotidiennes sont fortement ritualisées et donc prévisibles : faire les courses, voir le médecin, rendre visite à une amie, parfois recevoir chez soi, visiter les enfants. La majorité des femmes âgées que nous avons interrogées sont de confession musulmane, et la religion devient de plus en plus importante avec l’âge. Pour certaines d’entre elles, les prières structurent le quotidien. Rares sont pourtant celles qui vont à la mosquée : elles prient seules chez elles. La télévision – à travers les chaînes du pays d’origine, mais également françaises – est systématiquement mentionnée parmi les activités pratiquées.

Ces femmes ressentent fortement la solitude. Celle-ci ne procède pas automatiquement du vieillissement, mais renvoie le plus souvent à l’isolement dû à la maladie. Elles déplorent également – probablement plus fortement que la moyenne des femmes – le processus de dégradation de leur corps et de leur sociabilité, lié à l’âge, et l’impuissance physique et sociale qui en découle.

La vieillesse est perçue et vécue différemment par les hommes et les femmes. Ayant une relation moins intime avec leurs enfants, les hommes de cette génération peuvent décider de les laisser en France pour finir leurs jours dans leur pays d’origine. Leurs épouses, très attachées à leurs enfants, envisagent bien plus difficilement l’éventualité d’un retour.

Quasiment aucune des femmes interrogées n’a eu d’activité salariée légale, ni dans le pays d’origine ni en France ; en revanche, certaines d’entre elles ont pratiqué des petits boulots. Leurs retraites sont donc faibles – autour de 600 euros par mois –, alors que les loyers restent relativement élevés. Elles ne bénéficient d’aucune aide de la part des mairies et n’osent pas en demander – non seulement parce qu’elles ne savent pas à qui s’adresser, mais aussi et peut-être surtout parce qu’elles ne veulent rien demander à personne. Leur cas gagnerait donc à être intégré dans la réflexion des professionnels qui n’y accordent pas suffisamment d’attention.

M. le président Denis Jacquat. Votre exposé éclaire de manière remarquable le problème du retour au pays des femmes immigrées. N’hésitez pas, mesdames, à nous transmettre des rapports plus complets ou des documents relatifs au thème de cette audition.

Mme Olivia Maire, directrice adjointe du centre de ressources « Profession Banlieue ». Mon propos s’appuie sur les travaux menés au sein du centre « Profession Banlieue » et dans le cadre du programme départemental d’insertion (PDI) de la Seine-Saint-Denis pour les années 2012-2014, ainsi que sur le rapport du Haut Conseil à l’intégration (HCI) de 2005. Je me réfère également aux recherches d’Abdellatif Chaouite, ethno-psychologue et rédacteur en chef de la revue Écarts d’identité, du démographe Férial Drosso, du sociologue Rémi Gallou – qui avait réalisé une enquête pour la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) –, de Florence Brunet, consultante chez FORS-Recherche sociale, et de Françoise Milewski, chercheure à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Selon le recensement de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) de 2006, la population immigrée en Seine-Saint-Denis compte près de 400 000 personnes et représente 26,5 % de la population totale du département, alors que la moyenne en Île-de-France s’élève à 17 %. Sur les huit départements franciliens, la Seine-Saint-Denis est celui qui accueille la proportion la plus importante d’immigrés, devant Paris et le Val-de-Marne. Les préfets estiment que 70 % de la population du département est issue d’une immigration récente, et selon les chiffres de la protection maternelle et infantile (PMI), les mères de près de 60 % des enfants nés en Seine-Saint-Denis en 2004 étaient nées à l’étranger.

Les populations immigrées en Seine-Saint-Denis sont à 36 % originaires du Maghreb ; 22,3 % sont d’origine africaine subsaharienne, 18 % d’origine asiatique ; 17 % sont des ressortissants de l’Union européenne. Sur l’ensemble de cette population, 15,2 % sont âgés de plus de soixante ans ; le département accueille 18 % des immigrés franciliens âgés de soixante ans et plus, Paris en accueillant 24 %. La population immigrée de la Seine-Saint-Denis, généralement pauvre ou très pauvre, compte enfin 52 % d’hommes et 48 % de femmes.

La situation des hommes est mieux connue que celle des femmes. En effet, contrairement à la population vivant dans le logement social ou diffus, les foyers de travailleurs migrants ont fait l’objet de plusieurs études. Ces hommes sont souvent isolés, célibataires ou veufs ; ils séjournent en France depuis de nombreuses années, doivent régulièrement renouveler leur carte de résident et disposent de ressources limitées – moins de 610 euros par mois en moyenne en 2005. Ils rencontrent des problèmes d’accès aux droits et à la retraite, tant il est difficile de réunir les pièces pour percevoir l’ASPA. Son bénéfice est conditionné par le respect d’une antériorité de résidence en France (fixée à dix ans), mais comme le décret n’a pas été publié, des différences d’interprétation existent entre les départements. Le versement de l’APL peut également poser problème : laisser le logement inoccupé durant un certain temps oblige, en effet, à refaire le dossier, ce qui entraîne un décalage dans le versement de la prestation et peut fragiliser la situation financière du bénéficiaire.

Les cinquante-deux foyers de la Seine-Saint-Denis accueillent officiellement 13 000 résidents – en réalité, sans doute trois fois plus, tant la suroccupation peut être importante. Ces établissements concentrent une population immigrée particulièrement importante, dont une grande majorité de retraités et 70 % de personnes vieillissantes. Bon nombre de ces foyers sont vétustes et font l’objet de transformation en résidences sociales ; huit sont actuellement en rénovation en Seine-Saint-Denis. L’augmentation du prix du foncier et la crise du logement en Île-de-France compliquent les opérations de réhabilitation, déjà confrontées à la question de la prise en charge du vieillissement. La présence dans les foyers de résidents âgés de plus de soixante ans – dont les trois principaux gestionnaire de foyers (Adoma, ADEF et Coallia), évaluent la part à 38 %, soit 5 000 personnes – nécessite de réfléchir à la prévention des pathologies inhérentes à la vieillesse et à l’isolement social, à l’accompagnement dans les foyers et à l’accès des résidents aux droits sanitaires et sociaux. Si l’on peut avoir recours aux EHPAD, il faut trouver d’autres solutions pour permettre aux résidents de vieillir dans la dignité, d’autant que les études – notamment celles de Férial Drosso – montrent que la grande majorité des personnes âgées souhaitent vieillir chez elles.

S’agissant de l’accès aux soins, la bonne couverture sociale dont bénéficient les immigrés motive leur maintien en France. Ces personnes souffrent de pathologies particulières liées non seulement à leurs conditions de travail passées – vieillissement physiologique précoce dû aux postes de travail peu ou non qualifiés, souvent exposés aux rigueurs climatiques –, mais également aux mauvaises conditions de logement, aux carences alimentaires, aux affections respiratoires ou aux problèmes bucco-dentaires. De façon générale, l’étendue et la vitalité du réseau social et familial ont une incidence sur l’état de santé et le recours aux soins des individus : plus ce réseau est actif, mieux les personnes se soignent. En revanche, les individus isolés – tels que les immigrés âgés – ne se dirigent pas spontanément vers les soins.

La situation des femmes immigrées est plus grave encore. Selon les chiffres de l’INSEE datant de 2004, 25 % d’entre elles vieillissent seules, veuves ou divorcées, mais puisqu’elles sont venues en France dans le cadre du regroupement familial, elles sont a priori moins isolées. Leur confinement dans la sphère familiale a pour conséquence un niveau moins important d’alphabétisation, et la situation n’a fait qu’empirer depuis que l’ouverture de la formation linguistique aux marchés publics, en 2003, a fait disparaître les associations de proximité qui assuraient des cours et tissaient le lien social. Venues en France pour élever leurs enfants, ces femmes ont moins travaillé que les hommes et ont souvent occupé des emplois à temps partiel ; elles ne bénéficient par conséquent que de faibles pensions de retraite.

Nous estimons essentiel de soutenir les associations de proximité de la Seine-Saint-Denis. Il est également indispensable de réfléchir au problème de l’adaptation du logement.

M. le président Denis Jacquat. Je vous remercie pour vos exposés qui ont couvert un large éventail de sujets.

Disposez-vous d’éléments de cadrage sur les résidents immigrés âgés des quartiers relevant de la politique de la ville ? Quelle est plus généralement la place des personnes âgées dans cette politique ? Certaines collectivités territoriales ou conseils généraux avaient tenté d’intégrer l’immigration – notamment âgée – dans la politique de la ville, mais les CLIC ont souvent disparu avec le temps. Or, les personnes qui travaillaient dans ces antennes, elles-mêmes issues de l’immigration et appartenant aux quartiers, entretenaient une relation de confiance avec les immigrés âgés, facilitant leurs démarches en matière d’accès aux soins ou à l’aide à domicile. Qu’en pensez-vous ?

Participez-vous aux mesures animées par l’État dans le cadre des programmes régionaux d’intégration des populations immigrées (PRIPI) et des PDI ?

Mme Hélène Geoffroy, députée du Rhône, qui a dû nous quitter, m’a demandé de vous poser deux questions. Quel est le profil des personnes qui arrivent en France à l’âge de quatre-vingts ans ? Viennent-elles rejoindre leur famille ou bénéficier de soins ? Enfin, les associations arrivent-elles à créer du lien entre les femmes ?

Pour ma part, je souhaite connaître votre avis sur l’enseignement du français aux immigrés. La politique nationale s’est recentrée sur les primo-arrivants, délaissant les populations installées. J’y vois une erreur, car continuer à s’occuper de celles-ci permet d’entretenir le lien social.

Enfin, cet enseignement doit-il être assuré par des professionnels uniquement, ou bien les bénévoles ont-ils également un rôle à jouer ?

Mme Olivia Maire. Pratiquement toutes les communes de Seine-Saint-Denis possèdent au moins un quartier qui relève de la politique de la ville et, étant donné les spécificités de la population du département, la question de l’immigration y est très prégnante.

Les mesures prises ces dernières années ont fragilisé la situation des petites associations de proximité, étranglées par le manque de financement. Au-delà du cas de la formation linguistique, tout le tissu associatif qui accompagnait les personnes immigrées se délite, et les centres de ressources « Politique de la ville » sur notre territoire ont à plusieurs reprises tiré le signal d’alarme. « Profession Banlieue » soutient l’action des médiateurs socioculturels, qui maintiennent le lien avec ces populations ; s’ils commencent en tant que bénévoles, ils bénéficient d’une formation et leur efficacité est reconnue jusque dans les hôpitaux où ils servent de relais entre médecins et patients. Il faut préserver, épauler et dynamiser cette médiation, car dans les quartiers, où les services de l’État font souvent défaut, ce sont ces structures qui s’y substituent.

Quant à l’apprentissage du français, en effet, les immigrés non primo-arrivants ne bénéficient plus d’aucun dispositif, même si les associations implantées depuis longtemps sur le territoire essaient de ne pas les abandonner.

Mme Évelyne Bouzzine. Notre centre de ressources participe activement aux travaux de réflexion du PRIPI et du PDI ; dans le cadre de ce dernier, nous avons notamment créé et piloté, à la demande du préfet délégué à l’égalité des chances, le groupe de travail sur les femmes, ce qui nous a poussés à réaliser ensuite notre recherche-action sur les femmes âgées immigrées. Nous avons également participé à la réflexion sur l’apprentissage linguistique.

Actuellement, le centre de ressources mène un programme de formation des bénévoles des ateliers sociolinguistiques, qui ne possèdent pas toujours les compétences nécessaires pour enseigner la langue aux adultes étrangers. Le programme se décline en huit modules – assurés par des intervenants de haut niveau – et fournit aux bénévoles les outils pédagogiques adaptés aux spécificités de cet apprentissage. Le nombre important de demandes dont il a fait l’objet montre qu’il existe un véritable besoin de formation.

Confier l’encadrement et la coordination de ces ateliers aux linguistes professionnels constituerait un atout, mais les bénévoles possèdent une compétence sociale précieuse : leur proximité rend leur fonction d’enseignant moins intimidante, plus conviviale. De plus, les associations sont dans un tel état qu’elles ne peuvent pas se passer du travail bénévole dans les quartiers.

Je répondrai enfin à la question, qui nous tient à cœur, de la formation des travailleurs sociaux en matière d’accompagnement des immigrés âgés et de prise en charge du vieillissement en général. L’insuffisance des moyens – seuls trois centres de formation existent aujourd’hui sur le territoire national – ne permet pas d’aborder ce sujet, laissant les jeunes professionnels démunis, mal à l’aise, voire en souffrance professionnelle devant des situations sociales dramatiques qui les prennent au dépourvu. Si l’on ne remédie pas à cette lacune, les défections des travailleurs sociaux – dont le turn-over est déjà très important – se multiplieront, au détriment des habitants des quartiers.

M. le président Denis Jacquat. Le turn-over a toujours été important dans ce secteur. Pour avoir été, pendant dix-sept ans, président de l’Institut régional du travail social (IRTS) de Lorraine, j’ai constaté qu’en cette terre d’immigration, la question n’a jamais fait l’objet d’une réflexion spécifique de la part des travailleurs sociaux. Seul M. Roland Favaro
– élu communiste au conseil régional de Lorraine – s’y était intéressé, mais son décès l’a empêché d’agir pour en promouvoir la connaissance. Notre mission d’information peut relayer cette préoccupation.

Mme Murielle Maffessoli. Si les intervenants sociaux ne peuvent se transformer en spécialistes des questions d’immigration, le droit des étrangers étant extrêmement complexe, il faut leur fournir des outils pour faire face aux situations qu’ils rencontrent sur le terrain et des ressources pour y répondre. L’École supérieure en travail éducatif et social (ESTES) de Strasbourg a récemment engagé une action en ce sens, intitulée « L’accompagnement des personnes âgées immigrées », qui a fait l’objet de cinq journées de formation en 2012-2013. Entre 150 et 200 personnes y ont participé, dans le cadre d’une formation initiale ou continue ; l’initiative sera renouvelée et étendue à la Lorraine.

Pendant longtemps, en France, l’action sociale en direction des publics immigrés fut associée aux structures telles que l’Association service social familial migrants (ASSFAM) ou le Service social d’aide aux émigrants (SSAE), et pensée comme spécifique. Ce cloisonnement a empêché le travail social classique de s’interroger sur les besoins de ce public, et lorsque le SSAE a été intégré dans l’OFII, la prise de relais par le droit commun
– censée se produire naturellement – n’a pas eu lieu.

Il en va de même pour la formation linguistique : l’État concentrant les moyens sur les primo-arrivants, les populations déjà en place devaient être prises en charge par les collectivités. Or, seules certaines collectivités le font, ce qui crée des inégalités sur le territoire. Le travail que nous menons avec le réseau Ressources pour l’égalité des chances et l’intégration (RECI) montre d’ailleurs que l’ampleur de la présence immigrée ne détermine en rien l’action de la commune : certaines d’entre elles se saisissent ainsi de ce problème alors qu’elles ne comptent que 2 % d’immigrés.

La question des immigrés âgés est complètement oblitérée par la séparation des politiques publiques en deux catégories distinctes et étanches : la politique de la ville et celle d’intégration. Cette situation complique le travail sur le terrain : une commune peut ainsi solliciter notre aide pour travailler sur le problème de l’immigration et de l’intégration d’un côté et sur celui de la ville de l’autre, mais c’est nous qui devons faire le lien entre les deux.

Nous sommes plus qu’impliqués dans les PRIPI : nous avons contribué à l’élaboration de ceux de Lorraine et d’Alsace et assurons un accompagnement de ces programmes sur la durée.

M. le président Denis Jacquat. Le PRIPI de Lorraine qui s’est terminé en 2006 avait été prolongé de deux ans ; il y en a donc eu d’autres depuis ?

Mme Murielle Maffessoli. Un autre PRIPI a été mis en place sur la base d’un nouveau diagnostic et renouvelé en 2012. Alors que le premier programme s’adressait à tous les publics immigrés, le PRIPI actuel vise uniquement les populations originaires d’États tiers à l’Union européenne. La question des personnes âgées immigrées est explicitement formulée dans les deux PRIPI d’Alsace et de Lorraine actuels, et suivie en Lorraine par un « agent de développement local pour l’intégration » – poste créé au sein du groupe de travail sur les questions de santé.

En Alsace, c’est par le biais des ateliers sociolinguistiques que l’on essaie de remédier au manque de crédits. Une forte proportion des immigrés habitant l’Alsace vient, en effet, d’États non membres de l’Union européenne et non francophones ; leur maîtrise de la langue est donc extrêmement faible. Deux structures alsaciennes forment professionnels et bénévoles et la ville de Strasbourg a prévu des crédits spécifiques pour le financement des actions linguistiques en direction de tout public, et pas uniquement des primo-arrivants. Mulhouse – ville d’Alsace où le taux d’immigrés est le plus élevé – a également une plateforme linguistique particulière.

Quant aux femmes âgées arrivant en France, elles viennent dans le cadre du regroupement familial, voire d’un accompagnement de fin de vie de l’époux. Les travailleurs sociaux notent d’ailleurs qu’elles rencontrent d’importantes difficultés, y compris dans la sphère intime. Autre détail : le taux d’activité salariée des femmes immigrées de plus de soixante-cinq ans est largement supérieur à celui des femmes autochtones du même âge, alors que la relation est inverse pour les femmes plus jeunes.

Enfin, en matière d’apprentissage du français, pourquoi opposer professionnels et bénévoles ? Tous peuvent contribuer à la prise en charge des populations immigrées ; il est en revanche nécessaire de bien former et informer les acteurs associatifs dont l’ignorance peut parfois induire en erreur les personnes qu’ils conseillent. Certaines associations ayant encouragé les immigrés âgés à demander la carte de séjour portant la mention « retraité » sans bien maîtriser tous les aspects juridiques du dispositif, des personnes ont failli être expulsées dans le secteur de Mulhouse.

M. le président Denis Jacquat. Les cartes de séjour portant la mention « retraité » relèvent d’une fausse bonne idée ; il faudrait peut-être les supprimer et faciliter plutôt la naturalisation des personnes âgées.

Je vous remercie, mesdames, d’avoir répondu à nos questions.

La séance est levée à treize heures.

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Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 11 avril 2013 à 9 heures

Présents. - Mme Kheira Bouziane, Mme Hélène Geoffroy, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Denis Jacquat

Excusés. - M. Pouria Amirshahi, M. Alexis Bachelay, M. Philippe Bies, M. Matthias Fekl, M. Daniel Vaillant