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Commission des affaires sociales

Mardi 17 mars 2015

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 34

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition de Mme Marisol Touraine, Ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur le projet de loi relatif à la santé (n° 2302) (M. Olivier Véran, Mme Bernadette Laclais, M. Jean-Louis Touraine, Mme Hélène Geoffroy, M. Richard Ferrand, rapporteurs).

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 17 mars 2015

La séance est ouverte à dix-sept heures.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission procède à l’audition de Mme Marisol Touraine, Ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur le projet de loi relatif à la santé (n° 2302).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mes chers collègues, nous voici réunis pour l’examen d’un texte particulièrement attendu par tous et depuis longtemps : le projet de loi relatif à la santé. Déposé le 15 octobre dernier, ce texte de 57 articles, représentant 113 pages de dispositif, sera examiné en séance publique à partir du 31 mars prochain.

Mille sept cent soixante amendements ont été déposés, ce chiffre pouvant encore varier en fonction des retours des amendements que nous avons envoyés en recevabilité financière au titre de l’article 40. Il nous faudra donc, si nous voulons achever l’examen de ce texte dans des délais raisonnables, limiter nos interventions à ce qui est strictement nécessaire. Je me suis entretenue de ce sujet avec les responsables des différents groupes politiques et j’y reviendrai au moment où nous commencerons l’examen des articles : nous nous sommes entendus sur une méthode de travail. Pour l’heure, nous allons procéder à l’audition de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, que je remercie de sa présence et à qui je souhaite la bienvenue.

Après l’intervention de la ministre, interviendront les cinq rapporteurs pour cinq minutes chacun ; puis, les porte-parole des groupes pour sept minutes – le groupe UMP, qui a désigné deux orateurs, m’ayant demandé deux minutes supplémentaires, j’ai décidé d’accéder à cette demande et d’accorder le même temps à tous les groupes ; enfin, les autres orateurs auront droit à deux minutes chacun.

Je lèverai notre séance au plus tard à vingt heures et la ministre répondra à la reprise de nos travaux ce soir à vingt et une heures trente.

Une question d’actualité a été posée tout à l’heure, dénonçant le recours à la procédure accélérée.

Je rappelle que la loi HPST, qui est un parallèle de ce texte, avait été également examinée dans le cadre de la procédure accélérée. Il n’est pas non plus prévu de temps programmé pour ce texte : nous aurons donc le temps d’en débattre dans l’hémicycle.

Enfin, je tiens à dire quelque chose qui me tient vraiment à cœur. Nous vivons en démocratie et dans ce système, chacun a le droit d’avoir ses opinions et dispose de la liberté de les exprimer. Mais j’estime qu’il y a des limites à tout et je considère que toutes les insultes et injures à l’égard de la ministre sont scandaleuses. On peut avoir le droit de manifester ou d’être en désaccord, mais certains des propos tenus depuis des mois sur les réseaux sociaux ou affichés sur les banderoles des professionnels de santé sont inadmissibles. Madame la ministre, je crois pouvoir le dire au nom de la commission : personne ici ne les accepte. (Applaudissements.) Merci, mes chers collègues, d’être au moins d’accord là-dessus. Notre démocratie mérite autre chose, surtout lorsqu’il est aussi question de causes aussi nobles que la santé de nos concitoyens et le bien-être des patients.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la présidente, je vous remercie pour vos propos, et je remercie aussi tous ceux qui viennent de se manifester pour souhaiter que le débat, qui est légitime, nécessaire et toujours utile, se déroule de façon sereine.

Votre commission entame aujourd’hui l’examen d’un texte particulièrement attendu par nos concitoyens. Parce qu’ils sont attachés à notre système de santé et savent combien il est devenu nécessaire de le moderniser pour lui permettre de répondre aux nouveaux défis auxquels il est confronté. Les cinq rapporteurs que vous avez désignés – dont je veux saluer le travail remarquable et que je veux remercier pour la qualité du dialogue que nous avons eu ensemble – ont mené des centaines d’auditions et préparé de nombreux amendements qui vont permettre d’aller de l’avant et d’enrichir ce texte.

Cet enrichissement passe d’abord par la consolidation de nos objectifs ; il suppose aussi, évidemment, de la souplesse et de la clarification lorsque c’est nécessaire et partout où c’est possible. Des amendements ont donc été déposés par le Gouvernement à cette fin.

Certains ont regretté que ce texte ne prenne pas d’engagement financier. Mais cette loi de modernisation de notre système de santé n’est pas un projet de loi de financement de la sécurité sociale, seul habilité à prévoir des mesures de ce type. Je recommanderai à ceux qui s’inquiètent des dérives financières de regarder les résultats de leurs propres pratiques et ne pas être trop impatients, d’autant que, dans quelques jours, nous aurons l’occasion de rendre publics les chiffres sur les comptes de la sécurité sociale pour 2014, qui montreront une amélioration plus importante que prévu. C’est donc une bonne nouvelle dont je ne doute pas que chacune et chacun ici ne manquera pas de se réjouir.

Les défis auxquels nous devons faire face ne sont pas nouveaux pour vous. Les débats qui nous ont rassemblés depuis trois ans ont montré qu’ils donnaient lieu à un consensus. Le vieillissement de la population, le développement des maladies chroniques et l’accroissement des inégalités de santé appelaient de notre part des réponses résolues. Les Français vivent ces réalités au quotidien et attendent des réponses concrètes.

Face à cela, je veux dire ma conviction : notre système doit se transformer en profondeur pour continuer à répondre aux attentes de nos concitoyens. L’immobilisme n’est pas une solution. Parce que ce choix-là a déjà été fait pendant trop longtemps, conduisant à une politique d’ajustements à la marge et de rustines.

Je n’ignore rien du contexte dans lequel se déroule le débat qui va nous occuper. S’il y a eu encore dimanche dernier l’expression d’inquiétudes, de doutes ou de préoccupations, je crois que c’est aussi parce que les professionnels de santé, les médecins en particulier, doutent de leur place dans le système de soins et la société et ont pour beaucoup le sentiment que l’immobilisme ne peut être la réponse aux transformations qu’ils rencontrent. Et ceux qui imaginent que le statu quo serait la meilleure façon d’aller de l’avant non seulement se trompent, mais ils induisent nos concitoyens dans l’erreur.

Si ces inquiétudes dépassent largement le cadre de ce projet de loi, une réforme offre une occasion de revendication, ce que j’entends.

Je veux le dire à nouveau : le Gouvernement prend en compte les inquiétudes des professionnels de santé et des jeunes en formation. Qu’elles portent sur certains articles du projet de loi ou sur la question – infiniment plus large – de leur rôle et de leur formation.

Sur le projet de loi, d’abord, les inquiétudes des médecins se concentrent sur quatre points. Non seulement je les ai entendues, mais j’y réponds précisément. J’ai eu l’occasion de m’exprimer la semaine dernière sur le sens des évolutions apportées au texte. J’aurai l’occasion d’y revenir en répondant à vos questions, puis en vous présentant les amendements qui viennent matérialiser ces changements.

Mais, concrètement, il y avait d’abord la crainte d’une étatisation du système de santé, avec un pouvoir de décision unilatéral, descendant des agences régionales de santé (ARS). Cela n’a jamais été mon intention. Les amendements déposés à l’article 12 apporteront toutes clarifications à cet égard. Ainsi, l’amendement AS972 créera un nouveau chapitre au projet de loi, intitulé « Promouvoir les soins primaires et favoriser la structuration des parcours de santé ». Cela permettra de répondre à l’attente d’une meilleure identification, dans la loi, du rôle des médecins traitants, des équipes de soins primaires et des médecins spécialistes. L’amendement AS975 indiquera que l’organisation des parcours sur le territoire est pilotée par les équipes de soins primaires, constituées autour des médecins généralistes de premier recours. L’amendement AS976 matérialisera cette évolution en remplaçant le terme de « service territorial de santé au public » par celui de « communauté professionnelle territoriale de santé ».

Il y avait ensuite la crainte que le rétablissement du service public hospitalier ne vienne remettre en cause la règle, actuellement en vigueur, selon laquelle l’appartenance ou non au service public conditionne les autorisations de soins ou d’équipements. L’amendement AS977, déposé à l’article 26, inscrit clairement cette règle dans la loi. Au-delà, la nature des obligations du service public hospitalier, notamment l’absence de dépassement d’honoraires, est réaffirmée.

Des craintes ont également été émises autour du métier médical.

Sur la question des pratiques avancées, l’amendement AS1505 réaffirmera le rôle du médecin en qualité de coordonnateur de l’équipe au sein de laquelle exercera le professionnel paramédical en pratique avancée ; il clarifiera les champs d’activité et précisera que les mesures réglementaires d’application seront mises en œuvre après concertation des représentants des professionnels concernés.

Quant à la possibilité donnée aux pharmaciens de pratiquer la vaccination, elle a fait craindre un démantèlement du métier du médecin. J’ai déjà annoncé que cette mesure ferait l’objet d’une expérimentation dans le cadre des dispositions existantes du code de la santé publique relatives à la coopération entre professionnels de santé. La mission confiée à votre collègue Sandrine Hurel permettra par ailleurs d’élaborer des pistes innovantes pour renforcer la couverture vaccinale, qui est ma préoccupation majeure.

Il y a la crainte, enfin, que l’extension du tiers payant à tous les Français ne se traduise par une charge administrative et des frais supplémentaires pour les médecins, ainsi que par une mainmise des organismes complémentaires sur leurs pratiques.

L’amendement AS1725, déposé à l’article 18, indiquera clairement les garanties apportées. Le paiement au médecin ne pourra excéder sept jours et donnera lieu à des pénalités en cas de retard.

J’ai pris en outre des engagements fermes sur le dispositif technique : les médecins n’auront à faire qu’un seul geste pour déclencher le paiement. L’amendement précise par ailleurs que l’extension du tiers payant inclut nécessairement le déploiement d’une solution technique commune à l’assurance maladie et aux organismes complémentaires. Ce dispositif, j’y insiste, permettra d’adresser aux médecins un flux unique de paiement. Le Gouvernement s’est engagé à ce que ce soit simple, la loi y répond.

Enfin, je veux redire explicitement qu’il ne s’agit en aucun cas de donner des leviers aux organismes complémentaires pour encadrer la pratique des médecins d’une quelconque manière. Je rappelle que ces organismes remboursent d’ores et déjà une partie des actes et que leur part de remboursement n’a cessé d’augmenter entre 2007 et 2012 au détriment de l’assurance maladie. Depuis 2012, au contraire, cette part n’a cessé de diminuer au profit de celle-ci, ce qui marque bien une orientation et une volonté de ce Gouvernement. Je veux le dire à nouveau clairement : ni la liberté de prescription ni la liberté d’installation ne sont et ne seront remises en cause par ce Gouvernement.

Vous le voyez : les évolutions annoncées il y a une semaine font l’objet d’amendements que je vous présente aujourd’hui. J’ai pris des engagements et je les tiens. Il y aura un avant et un après-commission des affaires sociales, puisque ces garanties seront, si vous les adoptez, inscrites dans le texte dont nous débattrons.

Sur la question plus large de la place des médecins dans notre système de santé, notamment des jeunes, le projet de loi n’a jamais eu pour objet de définir une réforme des études médicales. Les représentants des différentes organisations de jeunes eux-mêmes en conviennent. Cela étant, ils ont fait part de leurs inquiétudes et de leurs attentes quant à la réforme du troisième cycle des études médicales, dernière étape de leur formation initiale, qu’ils souhaitent voir encadrée et définie. Avec Najat Vallaud-Belkacem, nous leur avons formellement répondu hier.

D’abord, nous leur avons confirmé que le projet de réforme du troisième cycle consacrerait les internes comme des praticiens en formation. Ensuite, que cette réforme serait prise en charge par une commission unique commune aux étudiants en médecine, en pharmacie, en odontologie et en maïeutique – c’était aussi l’une de leurs demandes. Enfin, que la réforme s’attacherait clairement à préciser les conditions de la formation pratique en stage, qui est une de leurs préoccupations.

Au-delà de la formation, les représentants des médecins, et particulièrement des plus jeunes, ont souhaité une réflexion plus large sur l’avenir du métier médical et du mode d’exercice. Le Premier ministre a donc annoncé la semaine dernière la tenue, avant la fin de l’année, d’une grande conférence de la santé, dont il précisera prochainement les modalités de préparation et de mise en œuvre. Les travaux préparatoires débuteront très prochainement, en associant l’ensemble des acteurs. L’agenda de la conférence et sa feuille de route seront élaborés main dans la main avec les représentants des médecins, en particulier des jeunes.

Ce projet de loi est une étape majeure pour la modernisation du système de santé, qui s’inscrit dans la politique d’ensemble menée depuis trois ans. Le fil rouge de l’action que je mène est de faire reculer par tous les moyens les inégalités sociales et territoriales en matière de santé et de permettre une prise en charge coordonnée des patients : permettre à chacun de pouvoir se soigner, quel que soit son âge, son milieu social ou son territoire, est une politique de progrès et de justice.

Cette politique s’est d’abord traduite dans le Pacte Territoire-Santé, avec un investissement considérable dans les soins de proximité et le travail en équipe, pour lequel je viens de mettre en place une rémunération spécifique. Les résultats sont là : nous devons les amplifier – le débat parlementaire permettra sans doute de le rappeler.

Cette politique s’est ensuite traduite par la mise en place d’un dispositif de tarification adapté aux établissements de proximité, pour sortir du « tout T2A » et ne pas en rester à une tarification à l’activité qui pénalise nombre de nos hôpitaux locaux. Plus de 300 établissements seront concernés en 2015 par cette réorientation.

Mais pour aller plus loin dans la réduction des inégalités et dans la prise en charge coordonnée des Français, il faut une nouvelle étape. C’est le sens du projet de loi de modernisation du système de santé. Sa cohérence est forte : il met l’accent sur la prévention, qui est la meilleure arme pour faire reculer les inégalités sociales de santé ; il met l’accent sur le renforcement du rôle du médecin traitant, pour garantir un accompagnement de qualité aux patients sur tout le territoire ; il met l’accent enfin sur de nouveaux droits pour les malades.

Cette cohérence, il nous faut la préserver. L’examen du texte permettra évidemment de l’enrichir. Mais j’ai déjà eu l’occasion de dire que toute disposition relative à la santé n’a pas vocation à y figurer, ce projet poursuivant des objectifs spécifiques.

Prévention, proximité du médecin traitant et des soins primaires, droits des patients : les débats de ces dernières semaines et les inquiétudes légitimes des professionnels ne peuvent occulter les enjeux qui sont devant nous. J’ai entendu une partie de l’opposition appeler au retrait du projet de loi. Outre le fait que cette position n’est pas responsable, elle ne répond pas aux besoins des Français. Ceux qui font vivre notre système de santé au quotidien savent qu’il y a dans ce texte des mesures concrètes et attendues, dont certaines depuis trop longtemps.

Premièrement, des mesures pour renforcer la prévention.

Nous devons en effet encourager les comportements favorables à la santé. Parce que nombre de maladies pourraient être évitées et que les inégalités sociales pèsent. Moins on est riche, plus on risque d’être frappé tôt et durement par la maladie. Et plus on est précaire, plus on est exposé au risque.

Au cours de nos débats, je vous proposerai donc d’adopter par amendements les mesures issues du programme national de réduction du tabagisme, entre autres la mise en place du paquet neutre de cigarettes ou l’interdiction de fumer en voiture en présence d’enfants. Cette stratégie coordonnée a été saluée unanimement par l’ensemble des associations antitabac.

Celle-ci viendra compléter les grands axes de prévention prévus dans le texte. Je pense notamment à la lutte contre l’obésité, avec la mise en place d’un logo nutritionnel sur les aliments, ou à la santé des jeunes, avec la création d’un délit d’incitation à l’alcoolisation excessive et la mise en place d’un parcours éducatif en santé ; mais aussi à la lutte contre les infections sexuellement transmissibles, en favorisant le dépistage, ainsi qu’à la santé environnementale, dont nous savons qu’il s’agit d’un enjeu majeur – vital même – pour les générations à venir. Le texte prévoit déjà plusieurs mesures à cet égard, notamment en termes d’information sur l’impact sanitaire de la pollution. À l’occasion de la conférence environnementale, j’ai indiqué ma volonté d’aller plus loin. Un travail a été engagé avec un certain nombre d’entre vous – dont votre rapporteur Olivier Véran et Jean-Louis Roumegas. Il doit se matérialiser par des amendements en commission puis en séance publique.

Deuxièmement, des mesures pour garantir la proximité des soins autour du médecin traitant et des équipes de soins primaires.

C’est une transformation majeure : il s’agit de passer d’un système centré sur l’hôpital à une médecine de proximité coordonnée par le médecin traitant autour du patient. C’est ce qu’attendent les Français et, là aussi, le projet de loi prévoit des mesures concrètes. Je pense par exemple à l’instauration du médecin traitant, généraliste ou pédiatre, pour les enfants de moins de seize ans, à la création d’un numéro national d’appel de garde et d’un service public d’information en santé, ou à l’obligation d’une lettre de liaison adressée par l’hôpital au médecin traitant le jour même de la sortie d’hospitalisation.

Je rappelle en outre les dispositions de l’article 12 relatives à l’organisation territoriale des soins, qui permet de mieux coordonner le parcours des patients et évoluera dans le sens que j’ai indiqué tout à l’heure.

Troisièmement, des mesures pour faire progresser les droits des patients. Parce que moderniser notre système de santé consiste aussi à faire progresser les droits des usagers, sachant qu’on ne peut se contenter de renforcer les droits existants. Il nous faut aller plus loin et ouvrir des champs nouveaux.

Nous renforçons ainsi le rôle des associations de patients et valorisons leurs initiatives sur le terrain. Nous instaurons aussi l’action de groupe en santé, qui va permettre aux patients de se défendre collectivement en cas de dommages subis.

Je vous présenterai par ailleurs un amendement visant à instaurer un droit à l’oubli pour d’anciens malades. L’objectif est de faire évoluer la convention AERAS, qui définit les dispositions applicables aux patients confrontés à des risques de santé aggravés, sachant que si, dans les jours qui viennent, un avenant à la convention devait être signé, cet amendement n’aurait plus lieu d’être ; mais si tel n’était pas le cas, il serait maintenu et le droit à l’oubli inscrit dans la loi.

Enfin, nous permettons à notre pays de rejoindre le large mouvement de l’open data. Il est de notre responsabilité de valoriser les données de santé pour l’intérêt collectif, dans le strict respect de la vie privée.

Ce projet de loi représente donc un ensemble de mesures très concrètes pour nos concitoyens et les professionnels de santé. Il s’agit de ne pas céder à la facilité, celle de l’immobilisme ou du statu quo.

Notre système doit être modernisé pour faire face aux défis qui bouleversent les équilibres sur lesquels il a été construit.

Je souhaite qu’au cours des prochains jours, nous parvenions à travailler ensemble pour enrichir ce projet de loi, avec détermination, en tout cas pour les ambitions qui sont les miennes, et évidemment beaucoup de souplesse partout où c’est nécessaire et possible.

Ces objectifs de justice et de progrès, qui animent le Gouvernement, feront en tout cas de ma part l’objet d’une détermination sans faille.

M. Olivier Véran, rapporteur. Ce texte a en effet donné lieu à de nombreux échanges et réflexions depuis trois ans : nous sommes ravis de pouvoir enfin l’examiner.

La stratégie nationale de santé a proposé pour la première fois de construire une loi de santé, non en la sectorisant « en silos », mais en la faisant reposer sur des objectifs de santé publique, tendant à mieux soigner les malades et à organiser l’ensemble du système de santé à cette fin.

Le titre premier du texte, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur, porte sur la santé publique, la prévention, la promotion de la santé et l’éducation à la santé. Ce volet, très attendu par les Français et les professionnels de santé, est particulièrement dense en propositions.

Mais le Parlement sera aussi une force de proposition. J’en veux pour preuve notre souhait de prévoir, à l’article 2, l’instauration, à côté du parcours de santé scolaire, d’un parcours éducatif en santé à l’école, afin d’inscrire l’ensemble des actions de promotion de la santé à l’école dans un cheminement cohérent, défini dans chaque établissement, avec la participation de l’ensemble des acteurs locaux concernés, comme les collectivités territoriales, et en pleine coordination avec les services de santé préventive. Il s’agira de proposer des actions ciblées, au cas par cas, groupées pour des classes d’élèves, mais aussi de permettre aux élèves de développer au cours de leur parcours scolaire des appétences particulières pour les problématiques de santé, afin de les inciter à prendre davantage soin d’eux-mêmes et à ne pas s’inscrire dans des démarches addictives, notamment à l’égard de l’alcool ou du tabac.

Ce parcours éducatif devra être un levier déterminant de la lutte contre les inégalités sociales et territoriales de santé.

La loi permettra également de mieux prévenir les grossesses non désirées dans les établissements scolaires, en facilitant l’accès à la contraception d’urgence dans les établissements du secondaire.

Madame la ministre, vous avez également souhaité mettre en place des mesures pour lutter contre ce fléau qu’est l’alcoolisation massive, intensive, voire chronique, de nos jeunes, notamment les mineurs ou les jeunes adultes – je pense notamment au binge drinking ou à la propension plus élevée de développer des pathologies addictives à l’alcool.

On ne peut aussi que constater l’explosion du problème du surpoids dans les civilisations occidentales ; la France ne fait pas exception à la règle. L’affichage d’un score nutritionnel autorisé offrira à toutes les familles des repères simples, fondés sur des données scientifiques, solides, issues notamment des travaux du professeur Serge Hercberg, afin de pouvoir les orienter parmi les aliments ayant fait l’objet d’une transformation industrielle - c’est-à-dire plus de 80 % des achats alimentaires. Si cette démarche sera volontaire de la part des producteurs et des distributeurs, elle ne peut que répondre à une aspiration du plus grand nombre, à laquelle il me semble que les grandes enseignes seront logiquement amenées à se rallier.

La loi apportera également des réponses concrètes, au plus près du terrain, aux besoins des associations qui s’engagent sans relâche, quotidiennement, pour lutter contre les infections épidémiques – VIH ou hépatites virales notamment – auprès des publics les plus à risque et des usagers de drogue. Je souhaite que nous puissions faire d’un consensus scientifique un consensus politique concernant la politique de réduction des risques à l’égard de ces usagers. Cette politique, qui s’est mise en place progressivement au cours des années 1990 et 2000, souvent avec retard par rapport à nos voisins européens, résulte généralement de l’intervention très pragmatique d’associations de terrain. Nous avons aujourd’hui la possibilité d’expérimenter un nouveau mode de prise en charge des usagers de drogue, notamment par voie intraveineuse, avec des salles de consommation à moindre risque. Je suis convaincu qu’un débat parlementaire serein permettra de trouver la voie d’un consensus.

Des mesures proposeront en outre une extension de la réduction des risques aux lieux de privation de liberté notamment.

De plus, nous proposerons de sécuriser le cadre juridique des acteurs de la prévention et de la réduction des risques, même si cette question est des plus délicates.

Par ailleurs, on ne peut que se féliciter de présenter dans cette loi le plan le plus ambitieux en matière de lutte contre le tabac – en dehors de mesures budgétaires qui ne relèvent pas de ce texte. La mise en place du paquet anonyme ou neutre dérange, c’est certain, mais elle permettra d’enregistrer des résultats significatifs dans ce domaine. J’ai déposé d’ailleurs un amendement faisant suite à la proposition du plan tabac, tendant à lever une contribution pour financer des actions de prévention.

Enfin, la santé environnementale est un sujet d’ampleur qui, j’espère, nous mobilisera sur tous les bancs au cours des débats à venir.

Mme la présidente Catherine Lemorton. On vient de me signaler un tweet qui vient d’être envoyé de la commission par un des porte-parole des groupes d’opposition. Cela va à totalement à l’encontre de ce que j’ai dit tout à l’heure sur le respect que nous devons à la ministre et n’est pas à la hauteur de la fonction que les Français nous ont confiée. Je vous demande donc d’arrêter ce genre de pratique. Sinon, je ferai connaître le nom de son auteur ainsi que son contenu, car c’est un pur scandale.

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Le titre II du projet de loi, que j’ai l’honneur de rapporter, est consacré à des mesures tendant à simplifier le parcours de santé des patients.

Quatre des seize articles qu’il comporte ont mobilisé toutes les attentions. Ils se sont traduits par des évolutions qui ne remettent pas en question l’objectif principal : l’amélioration de l’accès aux soins.

À l’article 18, le tiers payant a suscité bien des débats ainsi que des oppositions. Certains ont évoqué le risque de la gratuité et d’un recours inflationniste aux soins inutiles. On sait pourtant que le tiers payant ne sera appliqué qu’en cas de respect du parcours de soins. Il vise à faire diminuer les renoncements aux soins et à permettre à un plus grand nombre de nos compatriotes d’être soignés « au bon moment ».

Les inquiétudes sur la mise en œuvre sont légitimes et doivent être prises en compte. Vous avez, madame la ministre, entendu la demande des professionnels qui ont le droit de bénéficier du tiers payant en un seul geste : un « clic » doit suffire à garantir au médecin qu’il sera payé en temps et en heure. Vous avez par ailleurs déposé un amendement qui institue des obligations de résultat pour l’assurance maladie. Mais je souhaiterais savoir quelle sera la situation du côté des organismes complémentaires. Le tiers payant n’est transparent que si le professionnel n’a pas à se soucier de la différence entre les deux. Les mêmes obligations doivent être appliquées à tous les payeurs : simplicité de l’utilisation, lisibilité des droits et garantie du paiement.

À l’article 12, l’instauration du service territorial de santé au public a également été beaucoup débattue. Si tous s’accordent sur la nécessité de décloisonner les pratiques et de mieux se coordonner, des inquiétudes ont été soulevées sur le rôle du médecin généraliste, la place de l’agence régionale de santé (ARS) au regard du principe de subsidiarité ou l’architecture trop administrative du service territorial. Les amendements déposés par le Gouvernement ont donc infléchi le dispositif. La place du médecin généraliste est mieux affirmée, avec l’instauration des équipes de soins primaires, et la coopération entre professionnels consacrée avec la mise en place des communautés professionnelles territoriales de santé. Le rôle de l’ARS est, quant à lui, mieux identifié : l’agence doit s’assurer de l’égalité et de la continuité de la prise en charge des patients, en liaison avec les acteurs du système de santé, dans le cadre du territoire démocratique sanitaire de l’article 38. Les améliorations que je souhaite apporter à l’article 12, notamment la question de la prise en compte des soins palliatifs sur le territoire, seront donc logiquement discutées au titre IV.

La réinstauration d’un bloc de service public hospitalier (SPH) à l’article 26 a aussi beaucoup été commentée. L’approche matérielle du service public répartie entre quatorze missions a vécu. Le service public, dont la quintessence relève des fameuses lois de Rolland, ne saurait se réduire à un choix à la carte. Je rappelle que le rapport Couty évaluait à 80 % l’activité de service public assurée par les hôpitaux et ne relevant pas des quatorze missions décrites par le code de la santé publique. Alors qu’elle fait l’objet d’exigences exorbitantes du droit commun, il ne m’apparaît pas anormal de considérer que la mission de SPH relève avant tout de l’hôpital public. Mais parce que notre tradition de service public autorise aussi l’association du secteur privé, il ne m’apparaît pas non plus anormal d’y associer ce dernier dans le respect des mêmes exigences. L’amendement déposé par le Gouvernement réaffirme ce principe et procède à des améliorations bienvenues. Je propose cependant d’aller plus loin afin que l’accès à des soins palliatifs puisse être amélioré par la mise en place de solutions sans hébergement via l’hospitalisation à domicile. La coopération des établissements de santé du SPH avec les centres de santé gagnerait aussi à être davantage soulignée.

Dernier enjeu, et non des moindres : la mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Le GHT constitue une nouvelle forme de coopération conventionnelle fondée sur une adhésion obligatoire des établissements publics de santé, un projet médical partagé et une mutualisation de fonctions. Or le dispositif proposé a nourri quelques craintes et s’est traduit par le dépôt d’un amendement gouvernemental de rédaction globale. Celui-ci précise l’architecture sur plusieurs points : gouvernance, place des centres hospitaliers universitaires (CHU) et des centres hospitaliers spécialisés, de l’hospitalisation à domicile, et clarification de la place des établissements privés. Pour ma part, je considère que le dispositif pourrait être amélioré en précisant notamment la place particulière des élus au sein de la gouvernance. J’ajoute qu’il aurait paru pertinent que la loi permette, par option, d’aller plus loin, c’est-à-dire, pour ceux qui le souhaitent, jusqu’à la fusion.

Les douze autres articles de ce titre du projet de loi ont été beaucoup moins commentés. Ils n’en sont pas moins importants, car ils visent à améliorer l’accessibilité aux soins.

Celle-ci passe par une meilleure organisation des soins. L’article 13 vise ainsi à définir la politique de santé mentale, dont la psychiatrie de secteur constitue un volet important. Tous les professionnels ont souligné la nécessité de concevoir une nouvelle organisation territoriale de proximité fondée sur les besoins des usagers. Je proposerai quelques améliorations à la commission, comme la prise en compte du caractère pluriprofessionnel de la prise en charge des patients ou la préservation des conseils locaux de santé mentale, dont l’apport est largement reconnu.

Enfin, l’article 25 constitue un virage majeur dans l’échange et le partage de l’information. Il introduit la notion d’équipe de soins, constituée des professionnels de santé et médico-sociaux, au sein de laquelle pourront circuler les données nécessaires à la prise en charge du patient, dont le consentement est présumé. La définition de l’équipe de soins pourrait être complétée afin d’inclure les professionnels de santé, très investis dans la prise en charge de la douleur. Cet article refonde par ailleurs le DMP, désormais intitulé « dossier médical partagé » et dont la mise en œuvre relèvera de l’assurance maladie. L’accès permanent au DMP est réaffirmé à côté du possible masquage des données par le patient et de son accès à la liste des professionnels autorisés à le consulter. Plusieurs points mériteraient d’être améliorés, parmi lesquels le contenu du DMP – dons d’organes et directives anticipées pourraient figurer dans ce dossier – ou le droit à l’oubli, dont je ne méconnais pas les difficultés que son instauration peut poser pour les professions médicales.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je vais vous présenter les dispositions du titre III « Innover pour garantir la pérennité de notre système de santé ». Il porte sur la modernisation des formations et des métiers, sur la qualité des pratiques et des soins, ainsi que sur le bon usage des médicaments, la recherche et l’innovation.

L’article 28 a pour objet de fixer les grandes lignes d’une réforme du développement professionnel continu (DPC) des professionnels de santé.

La loi HPST a unifié les divers dispositifs de formation continue préexistants et centralisé la gestion en une entité unique, l’Organisme gestionnaire du développement professionnel continu. Or, à l’occasion d’un contrôle récent de cet organisme, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a pointé de nombreux dysfonctionnements du DPC et de sa gestion : contenu imprécis de l’obligation de formation ; absence de sanction en cas de manquement à cette obligation ; financements insuffisants ; évaluation insatisfaisante des organismes formateurs et du contenu des formations.

L’article 28 prévoit donc de recentrer les objectifs du DPC sur le cœur de métier, d’associer les universités à la dimension pédagogique et de mettre en place un cadre plus adapté au contrôle de la qualité des formations.

Mais ces dispositions restent très générales, l’essentiel relevant du domaine réglementaire. Par ailleurs, depuis le dépôt du projet de loi, une vaste concertation a été organisée, afin de définir plus précisément le contenu de l’obligation du DPC, les moyens de le rendre contraignant et les outils d’évaluation adaptés. La ministre pourra sans doute nous informer des conclusions de cette concertation.

L’article 29 participe également à la rénovation des professions de santé en élargissant les cadres dans lesquels les étudiants infirmiers peuvent effectuer leurs stages : opérer le virage ambulatoire, c’est aussi favoriser la diffusion d’une culture commune, y compris pendant la période des études.

Surtout, l’article 30 comporte des dispositions très attendues : il permet de créer un exercice en pratique avancée pour les professions paramédicales. Annoncée par le Président de la République, la création de ce statut modernisera les pratiques et permettra d’adapter au mieux l’offre de prise en charge proposée aux patients. Il concernera 1 à 3 % de ces professionnels. Je proposerai un sous-amendement pour compléter le dispositif du Gouvernement afin de garantir la consultation des professionnels concernés avant la mise en place réglementaire de ce statut.

L’article 31 prévoit des délégations d’actes pour les sages-femmes en matière de pratique d’interruption volontaire de grossesse (IVG) et de vaccination.

L’article 32 a quant à lui suscité de nombreux débats : il prévoit la possibilité pour les pharmaciens d’officine de pratiquer la vaccination. Après un travail de concertation, le Gouvernement propose un cadre plus clair et limité, pendant les quatre prochaines années, avec une expérimentation dans certaines pharmacies. Je soutiens le retrait de cet article 32 afin de procéder à cette expérimentation par voie réglementaire.

L’article 33 me tient particulièrement à cœur : il porte sur la prescription de substituts nicotiniques, qui seront ouverts à la prescription des médecins, des sages-femmes et des infirmiers. Mais, avec de nombreux collègues, nous jugeons pertinent d’élargir cette faculté aux chirurgiens-dentistes : le Gouvernement pourrait-il appuyer cette proposition ? Nous pourrions alors proposer de l’introduire en séance publique.

En ce qui concerne les pharmaciens, il existe désormais un consensus pour que l’Académie nationale de pharmacie devienne une personne morale de droit public à statut particulier, à l’exemple de l’Académie nationale de médecine. Le soutien du Gouvernement est là encore nécessaire à cet égard.

S’agissant du tabac enfin, je sollicite également l’avis du Gouvernement sur le fait de proposer systématiquement à toute femme enceinte une consultation en tabacologie afin de lui proposer un accompagnement vers le sevrage.

Le titre III comporte d’autres mesures de modernisation des professions de santé, comme la publication par la Haute autorité de santé de fiches pratiques sur les stratégies thérapeutiques ainsi que sur le bon usage des médicaments. Il renforce et inscrit aussi dans la partie législative du code de la santé, à l’article 36, des dispositions ambitieuses de lutte contre les ruptures d’approvisionnement.

L’article 34 vise à lutter contre les dérives de l’intérim médical, domaine sur lequel notre collègue Olivier Véran avait largement travaillé et proposé des solutions. La mesure prévue vise à plafonner la rémunération des praticiens ainsi que les frais afférents à leur recrutement. Le système actuel est en effet caractérisé par des rémunérations exorbitantes, une concurrence acharnée et un dispositif réglementaire litigieux. L’article prévoit par ailleurs la constitution, sur la base du volontariat, d’un corps de médecins hospitaliers chargé d’effectuer des remplacements au sein d’une région.

Enfin, le texte prévoit à l’article 37 la mise en œuvre d’une recommandation du Conseil stratégique des industries de santé. Il vise à réduire les délais de mise en place des recherches cliniques industrielles au sein des établissements de santé, ce qui devrait renforcer l’attractivité et l’excellence de la recherche médicale française. Il fait également évoluer le dispositif des matériaux de thérapies innovantes préparées ponctuellement (MTIPP).

En dehors du titre III, je soutiendrai plusieurs amendements qui me tiennent à cœur.

Je vous présenterai d’abord une série d’amendements de lutte contre le tabagisme, visant à prévoir un message de prévention anti-tabac avant la diffusion de toute œuvre cinématographique contenant une séquence de promotion du tabac et à interdire la vente de tabac à proximité des établissements scolaires.

Surtout, je souhaite vous proposer de proscrire à partir du 1er janvier 2017 la distribution de tabac aux jeunes nés à compter du 1er janvier 2001. Il s’agit d’une disposition audacieuse permettant d’espérer des résultats significatifs contre ce fléau.

Enfin, je vous proposerai un amendement visant à simplifier le don d’organes afin de répondre à la crise que nous connaissons et qui requiert des mesures urgentes.

Mme Hélène Geoffroy, rapporteure. Le titre IV rassemble différentes mesures visant à renforcer l’efficacité des politiques publiques et la démocratie sanitaire. Progressivement, la participation des citoyens, qu’ils soient professionnels de santé, usagers ou patients, aux côtés des institutions devient une nécessité, afin d’élaborer, de partager ou d’évaluer les politiques publiques. C’est bien l’enjeu de ce titre IV : redonner à nos politiques publiques de santé toute leur crédibilité.

La législation a progressivement reconnu le droit du consentement au soin. À travers ce texte, il est donné une nouvelle portée au principe d’autonomie de la personne, d’affirmation de droits individuels, mais aussi collectifs, permettant aux représentants d’usagers de peser sur les politiques de santé, grâce à des dispositifs tels que l’accès à une information en santé ouverte et sécurisée, l’action de groupe et l’association des usagers à l’élaboration de la politique de santé.

Faire vivre la démocratie sanitaire, c’est promouvoir la concertation, mais aussi améliorer l’efficacité du système de santé. Il faut donc renforcer la démocratie locale à travers les conseils territoriaux de santé, qui réunissent les parties prenantes du territoire.

L’article 38 permet de réformer les outils de planification sanitaire et médico-sociale dans les régions, mais comporte également des mesures touchant à la démocratie locale ainsi qu’à l’organisation sanitaire dans des situations exceptionnelles. Compte tenu de la nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement afin d’enrichir la version initiale de l’article, je proposerai de sous-amender ce projet pour consolider notamment le fonctionnement des futurs conseils territoriaux de santé.

Faisant notamment suite au rapport de Jean-Yves Grall, l’article 39 renforce les dispositifs d’alerte sanitaire. Madame la ministre, pourriez-vous nous donner quelques précisions sur le portail de déclaration simplifiée que le Gouvernement entend mettre en place ?

Les articles 40 et 41 rénovent le cadre stratégique de la gestion de risque pour renforcer la cohérence des objectifs et des actions que partagent l’État et l’assurance maladie, tout en permettant à l’État de formuler ses attentes en amont des négociations conventionnelles.

L’article 42 vise quant à lui à réformer le système d’agences par voie d’ordonnances. Il prévoit notamment de créer un institut national de veille, de prévention et d’intervention en santé publique ainsi qu’une demande d’habilitation pour réformer la politique de collecte, de transformation et de distribution des produits sanguins. Compte tenu de la complexité de cette question ainsi que des évolutions récentes du secteur, je souhaiterais, madame la ministre, appeler votre attention sur le fait que ce projet de loi doit être l’occasion pour nous de réaffirmer notre attachement aux principes éthiques qui ont fait la force du système français.

Je souhaiterais aussi interroger le Gouvernement sur la possibilité de prendre des engagements pour mettre fin aux dispositions réglementaires malheureuses qui posent a priori une interdiction de don du sang à l’encontre des hommes déclarant une pratique homosexuelle.

S’agissant de la démocratie sanitaire, deux volets peuvent être soulignés : la place des usagers et l’amélioration du dialogue au sein des établissements de santé.

Les articles 43 et 44 procèdent à l’amélioration de la place des usagers et prévoient notamment une obligation légale de représentation dans les organes de gouvernance. La place de l’usager au sein du système de santé doit, à mon sens, être davantage reconnue, notamment en travaillant à l’instauration d’un statut lui permettant de mieux préparer son mandat et offrant un profil plus divers.

Il serait aussi opportun de s’interroger sur sa présence au sein du comité économique des produits de santé. Nous sommes à cet égard favorables à l’idée d’un droit d’alerte des usagers sur les réunions du collège de la Haute autorité de santé.

Les missions de la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (CRUQPC) des établissements de santé, qui sera dorénavant appelée commission des usagers (CDU), seront modifiées par ce texte. Or plusieurs points mériteraient toutefois d’être approfondis, comme l’instauration d’un véritable pouvoir d’auto-saisine sur tout sujet relatif à la politique de qualité et de sécurité de l’établissement ou la prise en compte de son rôle dans le suivi des événements indésirables graves.

L’article 45, quant à lui, propose une disposition nouvelle qui témoigne de l’ambition de ce texte : pouvoir permettre à des associations agréées d’introduire une action de groupe. Je vous proposerai plusieurs amendements afin de renforcer l’efficacité de la procédure prévue. L’un d’eux concerne le régime d’entrée en vigueur, puisque le texte prévoit que la procédure ne s’applique pas aux manquements ayant cessé avant cette entrée en vigueur – ce qui amoindrirait sensiblement l’intérêt du dispositif. Quel est votre avis à ce sujet ?

Par ailleurs, le titre IV traite, à l’article 47, de l’open data en santé. La réalisation de ce « système national des données de santé » est attendue par nos entreprises : je rappelle que l’accès aux données de l’assurance maladie est aujourd’hui interdit aux opérateurs privés et que la réforme que vous proposez supprime cette anomalie.

Madame la ministre, vos services ont engagé un dialogue nourri et constructif avec les membres de la commission « open data » afin de clarifier la rédaction de cet article, ce dont je me félicite. Mais il nous sera peut-être possible d’améliorer l’équilibre entre la protection des données à caractère personnel et un accès ouvert et effectif aux bases de données.

Enfin, les deux derniers articles du titre IV visent à améliorer la place du dialogue social au sein des établissements de santé et à rénover la gouvernance hospitalière.

Si les droits des malades et la qualité du système de santé ont été modifiés par la loi du 4 mars 2002, reconnaître des droits individuels et collectifs à l’usager, qui devient un véritable acteur du système de santé, est l’objectif vers lequel tend ce texte. Je pense que nous pourrions être ensemble au rendez-vous de l’an II de la démocratie sanitaire.

M. Richard Ferrand, rapporteur. Le titre V du projet de loi est consacré à des mesures de simplification et d’harmonisation de la législation sanitaire.

Sept des huit articles qu’il comporte proposent d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Et le seul article « en dur » devra être supprimé, car il a déjà été adopté dans le cadre d’un amendement au projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques : il s’agit de l’article 54, qui prévoit que les gens de mer puissent disposer à bord des navires d’un exemplaire de leur convention collective. Cet article n’avait du reste pas sa place dans un texte relatif à la santé.

Sur la base des autres articles du titre V, ce sont environ cinquante ordonnances qui pourraient être prises, même s’il est vraisemblable que plusieurs mesures seront rassemblées dans la même ordonnance.

Il est donc important que le Parlement, avant de se dessaisir de sa compétence, puisse prendre la bonne mesure de la portée des habilitations. Le Conseil constitutionnel vérifie d’ailleurs dans son contrôle que « les précisions requises […] ont été dûment fournies par le Gouvernement au soutien de sa demande d’habilitation ».

Les exigences en la matière ne sont d’ailleurs pas très élevées. Il suffit en effet au Gouvernement de présenter brièvement le droit existant, les problèmes qu’il pose, les modifications envisagées pour y remédier et les raisons pour lesquelles il est souhaitable de procéder par ordonnance.

Mais force est de constater que la lecture de l’exposé des motifs et de l’étude d’impact ne permet pas toujours de répondre parfaitement à ces questions simples. J’ai donc adressé une série de questionnaires au Gouvernement, auxquels j’ai obtenu des réponses, au moins partielles.

Par ailleurs, je vous proposerai de rédiger « en dur » dans le projet de loi un certain nombre de mesures qui, à mon sens, ne justifient pas le recours aux ordonnances.

Après ces questions de méthode, j’en viens à une brève présentation des articles.

Je commencerai par les deux derniers articles du texte, qui ne posent aucune difficulté. L’article 56 tend à habiliter le Gouvernement à adapter ou étendre par ordonnance les dispositions de la loi à l’outre-mer et l’article 57, à prendre les mesures législatives de coordination qui s’imposeront.

L’article 50 vise, quant à lui, à habiliter le Gouvernement à modifier la législation applicable aux groupements de coopération sanitaire (GCS). Il s’agit de mesures très générales – par exemple adapter les conditions de création, d’organisation et de fonctionnement des GCS –, mais aussi de mesures plus précises, destinées par exemple à faciliter la mise à disposition des fonctionnaires hospitaliers auprès de ces groupements.

L’article 51 est le plus composite de tous. Il est impossible de le présenter de manière synthétique ici. Il permet de simplifier et moderniser le régime des établissements de santé, le régime d’autorisation des pharmacies à usage intérieur, la gestion des ressources humaines du système de santé, la législation en matière de sécurité sanitaire, le traitement des données personnelles de santé, la législation sur les substances vénéneuses, les régimes de sanction en matière de toxicovigilance, la législation relative aux conditions d’implantation d’activités de soins et de matériels lourds et l’accès aux soins de premier recours.

L’article 52 est à l’inverse très circonscrit : il s’agit de mieux encadrer l’activité de thanatopraxie en la définissant de manière plus précise, en prévoyant qu’elle ne puisse être réalisée ailleurs que dans des lieux dédiés et en obligeant les praticiens à être vaccinés contre l’hépatite B. Cette dernière condition est un préalable à la levée de l’interdiction de soins sur les défunts de cette infection – et du VIH –, qui pourra donc être opérée par voie réglementaire. Les dispositions envisagées étant peu complexes sur le plan technique, je vous proposerai là encore de les inscrire « en dur » dans le texte.

L’article 53 habilite le Gouvernement à mettre notre droit en cohérence avec le droit international et européen.

Il s’agit d’abord de transposer quatre directives relatives respectivement à la protection contre l’exposition aux rayonnements ionisants, à la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac, à la reconnaissance des qualifications professionnelles et au niveau minimal de formation des gens de mer.

Il s’agit également d’adapter la législation nationale relative aux recherches biomédicales à un récent règlement européen. Cette demande d’habilitation n’est d’ailleurs pas justifiée de manière très précise.

Il est enfin prévu, entre autres mesures, d’adapter notre législation à certaines exigences du règlement sanitaire international.

L’article 55 concerne quant à lui des acteurs de santé fort anciens et relevant d’autres ministères : le service de santé des armées (SSA) et l’Institution nationale des Invalides (INI). Il y est proposé d’habiliter le Gouvernement à prendre des mesures législatives sur un champ très large, visant à modifier l’ensemble des codes concernés pour insérer ces organismes aux dispositifs du projet de loi qui les concernent.

Il s’agit surtout de permettre au Gouvernement de modifier le droit encadrant leur activité afin de mieux les insérer dans l’offre de soins civile. Il sera notamment prévu des évolutions de gouvernance et de statut pour l’INI, l’insertion de ces organismes dans les documents de planification sanitaire régionale, le changement de statut des hôpitaux d’instruction militaires et l’attribution aux services du ministère de la santé, notamment aux ARS concernées, d’une responsabilité dans le domaine sanitaire de défense.

Mme Catherine Coutelle, rapporteure pour la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Je remercie Mme la présidente d’avoir accepté que la Délégation aux droits des femmes se saisisse de ce texte. En effet, deux dispositions concernent directement les femmes et les jeunes filles, l’une sur la contraception, l’autre sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG), qui confortent les mesures que vous avez prises depuis 2012, madame la ministre, en particulier le remboursement à 100 % de l’IVG. La Délégation proposera plusieurs amendements visant à renforcer l’offre de l’IVG, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif, et à lever les freins qui obligent encore aujourd’hui des femmes à partir à l’étranger pour avoir accès à l’IVG. Le programme d’action que vous avez présenté le 15 janvier avec Mme Boistard prévoit la formalisation d’un plan pour l’accès à l’avortement dans chaque région, sur le modèle du projet FRIDA (Favoriser la Réduction des Inégalités D’accès à l’Avortement) de l’Ile-de-France ; je pense qu’il s’agit d’une bonne voie.

Mais au-delà de ces dispositions liées à la santé sexuelle et reproductive, la Délégation a souhaité adopter une approche globale sur la santé des femmes, comme l’y invite ce texte. La santé des femmes offre un portrait contrasté et des enjeux spécifiques : leur espérance de vie est supérieure à celle des hommes, mais elles perçoivent leur santé de manière plus négative que les hommes. L’obésité progresse chez les femmes, tout comme le tabagisme, si bien que la courbe descendante des cancers du sein va rejoindre, pour la première fois cette année, la courbe ascendante du cancer du poumon chez les femmes. Les femmes présentent une vulnérabilité plus grande face aux accidents du travail. Surtout, elles sont victimes d’inégalités sociales en matière santé, inégalités que vous souhaitez combattre, madame la ministre. En effet, la précarité concerne davantage les femmes, en particulier les familles monoparentales, qui sont surreprésentées parmi les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et plus nombreuses à renoncer aux soins. En outre, de fortes inégalités territoriales existent en termes de suivi de grossesse, d’obésité et de dépistage du cancer féminin. C’est pourquoi la Délégation soutient le tiers payant, qui devrait être mis en place le plus rapidement possible. Si les inégalités face à la santé reculent, les femmes en seront les premières bénéficiaires.

Par ailleurs, le projet de loi conforte des mesures qui n’apparaissent pas comme spécifiques aux femmes, mais qui auront un impact très positif, comme vous l’avez souligné lors de votre audition devant notre Délégation, madame la ministre.

Je vous renvoie donc, chers collègues, aux 21 recommandations du rapport de la Délégation aux droits des femmes, présenté par Catherine Quéré et moi-même, intitulé « L’égalité réelle passe aussi par la santé », en référence à la loi fondatrice du 4 août 2014 « pour l’égalité réelle entre les femmes et des hommes ».

La Délégation aux droits des femmes attend beaucoup de ce projet de loi important et de ses trois axes : prévenir avant d’avoir à guérir, faciliter la santé au quotidien, innover pour conforter l’excellence du système de santé.

Mme Monique Orphé, rapporteure pour la Délégation aux outre-mer. Madame la ministre, la santé est un problème majeur qui concerne aussi les territoires d’outre-mer où il se pose parfois de façon particulière. Malgré les efforts déployés, de graves et persistantes inégalités y demeurent par rapport à l’hexagone. Ce disant, je m’appuie sur un rapport de la Cour des comptes de juin 2014, qui met en avant les nombreuses disparités et les retards importants, mais également sur les indices de développement humain des territoires d’outre-mer, en particulier l’indice santé : on relève des écarts de douze à vingt-huit ans entre les territoires ultramarins et ceux de la Métropole.

Malgré quelques rattrapages, le chantier reste vaste. Quatre exemples sont particulièrement illustratifs du chemin qui reste à parcourir.

D’abord, les taux de mortalité infantile, de grossesses précoces et de recours à l’IVG dans les outre-mer sont deux fois plus élevés que dans la Métropole, et les causes restent non identifiées en raison d’un manque de données sur ces sujets.

Ensuite, certaines pathologies sont inconnues en métropole, donc spécifiques aux territoires ultramarins – dengue, chikungunya, paludisme… D’autres ont une prévalence particulière, telles que l’infection à VIH, les hépatites virales, le diabète ou encore l’obésité. Or ces pathologies méritent une prévention accrue ou un dépistage précoce pour une meilleure prise en charge.

Le troisième exemple est celui des conduites addictives spécifiques. En effet, le plan de lutte contre les drogues 2013-2017 a noté dans les DOM une précocité de consommation, notamment de l’alcool, chez les jeunes et une polyconsommation des différentes substances. Lors de la présentation de mon rapport sur la santé à la Délégation aux outre-mer, de nombreux députés ultramarins m’ont fait part de leurs inquiétudes sur ce sujet. Nous devons prévenir plus efficacement ces conduites addictives, qui sont souvent source de violences diverses. Madame la ministre, vous êtes engagée dans la lutte contre le tabac, mais l’alcool, qui tue beaucoup plus dans nos territoires, doit aussi être un combat que vous devez mener à nos côtés.

Enfin, le dernier exemple est celui de la faible densité médicale dans les DOM. Ce constat est valable pour les praticiens hospitaliers, mais aussi pour les médecins exerçant la médecine libérale.

Face à l’ensemble de ces fléaux, le projet de loi relatif à la santé apporte un certain nombre de réponses.

Il convient d’observer, tout d’abord, que la plupart des mesures contenues dans le projet de loi, même si elles ne visent pas expressément les DOM, ont vocation à s’y appliquer. Il s’agit des articles 3, 4, 7, 26, 37 et 56, ce dernier visant spécialement les outre-mer. Néanmoins, ces mesures peuvent paraître générales et insuffisamment ciblées sur les questions spécifiques qui se posent dans les collectivités ultramarines.

Plusieurs de mes amendements sont de nature à apporter des remèdes aux problèmes rencontrés dans les territoires. La plupart ont été repris par mon groupe, ce dont je me félicite.

Le premier amendement prévoit l’intégration, de manière expresse, des problèmes ultramarins dans la stratégie nationale de santé.

Le deuxième tend à créer des pôles d’excellence en matière de recherche et de médecine tropicale dans les territoires ultramarins. Je propose que le Gouvernement favorise l’émergence de pôles d’excellence en matière de recherche et de médecine tropicale dans une ou deux zones géographiques concernant tout particulièrement les outre-mer.

Troisièmement, je propose de favoriser l’essor de la télémédecine à Wallis-et-Futuna. Compte tenu de l’éloignement du territoire et de sa faible densité médicale, il s’agirait là d’un moyen très opérant pour améliorer tant la prévention que l’offre de soins. Avec mon collègue Napole Polutélé, je propose également que l’ARS de Wallis-et-Futuna, en cas d’évacuation sanitaire du patient, transmette un document à sa signature et à la personne accompagnante, les informant des modalités et des conséquences, notamment financière, de ce transfert.

Le cinquième amendement prévoit l’obligation de faire figurer des données chiffrées concernant les départements ou collectivités d’outre-mer dans toute statistique déclinée au niveau local.

Le sixième amendement propose la remise d’un rapport par le Gouvernement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, indiquant les modalités selon lesquelles il serait possible d’instaurer à Mayotte la CMU-C.

Enfin, un amendement prévoit la possibilité pour les centres hospitaliers de développer des actions de santé visant à améliorer l’accès et la continuité des soins, ainsi que des actions liées à des risques spécifiques, dans les territoires de santé isolés ultramarins.

Je souhaite par ailleurs, madame la ministre, insister sur trois amendements d’appel sur lesquels j’aimerais que nous débattions.

Le premier tend à limiter la taille des surfaces publicitaires en faveur de l’alcool.

Le deuxième vise à améliorer les études statistiques concernant la santé dans les DOM.

Le troisième concerne l’interdiction de l’affichage publicitaire en faveur des boissons alcoolisées à moins de deux cents mètres des établissements scolaires.

Je souhaiterais conclure mon propos en vous demandant, madame la ministre, de prendre un engagement solennel en promettant à la représentation nationale que le Gouvernement procédera bien prochainement par ordonnance pour mettre en place un plan de rattrapage décliné dans chaque territoire ultramarin.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vais maintenant donner la parole aux orateurs des groupes.

Mme Martine Pinville. Je tiens tout d’abord à souligner le travail important réalisé par nos collègues rapporteurs, mais aussi à saluer les propos de Mme la ministre, qui nous a permis de resituer l’objet de ce projet de loi avec la cohérence politique qui l’a porté, en se basant sur les conclusions de la stratégie nationale de santé.

Le travail parlementaire qui est désormais le nôtre est attendu. Il est attendu d’abord par tous les Français dont une des principales préoccupations est la santé. Ils attendent de nous des réponses capables de préserver l’avenir de notre système de santé, qui présentent des difficultés importantes. Il est très attendu aussi par les professionnels de santé, en particulier les médecins. Nous connaissons leurs inquiétudes concernant certaines dispositions prévues initialement dans ce projet de loi. Une large concertation a eu lieu, des groupes de travail ont été constitués, dont les conclusions ont été prises en compte par le Gouvernement, qui a déposé de nombreux amendements dont nous aurons à débattre.

Le malaise perçu ces derniers mois, je pense notamment aux médecins généralistes, va bien au-delà du texte abordé aujourd’hui. Sans doute une plus ample réflexion sur la définition des conditions d’exercice de leurs professions s’impose-t-elle. L’annonce d’une conférence sur la santé va dans ce sens ; cela nous permettra d’apporter des réponses complémentaires aux professions concernées.

Pour en venir plus précisément au fond du projet de loi, je tiens à souligner la volonté politique forte qui s’exprime pour mener à bien la réduction des inégalités sociales et territoriales que subissent de trop nombreux Français en matière de santé. Compte tenu de la nécessaire maîtrise des finances publiques, dont personne ici ne peut nier l’évidence et le bien-fondé, il nous a fallu imaginer de nouvelles formes d’organisation et d’intervention, toujours plus efficientes, pour mener à bien cet ambitieux projet. Je pense bien évidemment à la généralisation du tiers payant qui constituera, à terme, une avancée sociale pour tous les assurés sociaux, à commencer par les plus en difficulté. C’est tout à l’honneur du Gouvernement et de la majorité réunie de porter ce marqueur de gauche à son terme. Nous ne pouvons pas laisser de nombreuses familles renoncer aux soins pour des raisons financières : renoncer à une consultation de 23 euros pour son enfant, c’est tout à la fois inacceptable et intolérable.

Par ailleurs, nous allons, pour la première fois, mettre en avant et donner corps dans la loi à la mise en œuvre d’une véritable politique de prévention en santé publique. La prévention doit intervenir tout au long de la vie, et c’est le sens que nous allons lui donner dans ce projet de loi. Ainsi, tous les acteurs, que ce soit la protection maternelle et infantile, la médecine scolaire, la santé au travail, la médecine de ville, la médecine hospitalière, doivent être concernés. Nous le savons, les politiques de prévention – faire attention à soi, à sa santé, à celles des autres – évitent, dans la plupart des cas, le recours aux soins, à l’intervention, aux actes curatifs. Pour ne citer qu’un seul exemple, j’évoquerai la prévention contre le tabagisme, qui génère chaque année plusieurs milliers de décès et contre lequel une mobilisation générale est nécessaire.

Enfin, le développement des soins de proximité, en recentrant le système autour
du médecin traitant et en engageant le virage ambulatoire, la création de nouveaux droits pour les patients ou encore une meilleure prise en charge des maladies chroniques, sont également des axes forts de ce texte.

Ainsi, au nom des députés du groupe SRC, je tiens à saluer l’esprit dont a fait preuve le Gouvernement dans l’élaboration de ce projet de loi. Je forme le vœu que l’ensemble des députés travaillent à enrichir ce texte : c’est cet esprit constructif que les Français attendent de nous.

M. Jean-Pierre Door. Depuis des semaines, voire des mois, un conflit grave oppose, comme jamais auparavant, le Gouvernement à la quasi-totalité du monde médical. Madame la ministre, nous étions ensemble il y a une semaine face à un auditoire d’un millier d’étudiants et d’internes ; vous aviez annoncé des assouplissements sur les points les plus contestés du texte, ainsi que de nouvelles propositions issues des groupes de travail orchestrés dans votre ministère. Quel fut le résultat ? La surdité gouvernementale a déclenché la grande manifestation de dimanche dernier. Même le président du conseil de l’ordre est en colère, si bien qu’il vous a demandé de réécrire le texte, sinon de le reporter, ce que vous avez refusé.

Aujourd’hui, nous nous apprêtons à travailler sur un texte qui n’est plus d’actualité, puisque vous avez décidé d’y apporter nombre d’amendements, qui sont apparus ce week-end et dont vous venez de nous donner la primeur. Notre travail de député est bafoué, madame la ministre, ce qui ne s’est jamais vu – même certains collègues de votre majorité sont abasourdis, m’ont-ils confié. Et que dire du choix de la date d’examen de ce texte, à quelques jours d’un scrutin national ? Était-ce un choix délibéré, afin de faire passer en force ce projet de loi ? La question est posée. Quant à la procédure accélérée annoncée hier, il s’agit ni plus ni moins d’un déni de démocratie.

Madame la ministre, le groupe UMP s’opposera à la généralisation du tiers payant, par des amendements que nous défendrons à l’article 18.

Nous refuserons la création d’un service territorial de santé au public, centré sur un modèle étatisé, quelle que soit la réécriture de l’article 12.

Nous discuterons avec vous de l’accès aux données de santé – l’open data –, mal maîtrisé techniquement, tel qu’il est prévu à l’article 47.

Nous nous opposerons à votre réforme de la médecine de ville, à l’article 38, parce qu’elle néglige la crise profonde que traverse la médecine générale sur tout le territoire.

Enfin, nous nous opposerons évidemment à l’expérimentation des salles de shoot, prévue à l’article 9.

D’autres points seront abordés par mes collègues.

En définitive, non seulement ce projet de loi n’est pas crédible, mais il est, contrairement à ce que vous prétendez, totalement irresponsable. Beaucoup mieux que cet entêtement du Gouvernement, il aurait mérité de prendre la forme d’une réforme structurelle, élaborée en concertation avec tous les acteurs de la santé. Au surplus, il est pour le moins paradoxal que ce texte soit examiné avant la mise en place d’une « conférence de la santé » annoncée récemment. Voilà pourquoi de nombreux amendements seront soumis par mon groupe à la commission dès ce soir.

M. Arnaud Robinet. Madame la ministre, le groupe UMP souhaite soulever trois questions.

Où est le respect du Parlement ? Chacun le sait, le Parlement est le parent pauvre de la VRépublique. Dans le Parlement rationalisé, le Gouvernement détient les clés de la discussion des projets de loi. Ici, cette logique est malheureusement poussée à l’extrême, d’une part, parce que des amendements ont été déposés par le Gouvernement à la veille du week-end dernier sur les articles majeurs du texte, alors que les députés n’avaient plus la possibilité de proposer des modifications, et, d’autre part, parce que la procédure accélérée a été annoncée hier dans les médias, soit la veille de l’examen de ce texte en commission. Quelle leçon de démocratie pour un texte qui comporterait, aux dires du Gouvernement, une avancée citoyenne avec l’article 47 sur l’open data santé !

Où est le dialogue ? La rigidité gouvernementale s’explique par votre sens du dialogue très limité. On ne compte plus les interlocuteurs privés ou associatifs qui n’ont pas été reçus par votre cabinet uniquement par principe. Et il y aurait beaucoup à dire sur l’écoute du Gouvernement face aux travaux de la commission « open data santé » ou encore face aux professionnels. Si le Gouvernement était si ouvert au dialogue, pourquoi n’avez-vous pas décidé de convoquer une « conférence de la santé » pour relancer la concertation sur les professions médicales, après l’examen de cette loi censée traiter cette question ? Madame la ministre, votre idée du dialogue est malheureusement dépassée.

Où est la vision du Gouvernement ? Cette rigidité s’explique par l’absence de cap du Gouvernement sur sa politique de santé. Pas de réforme de fond, pas de réforme structurelle ; alors qu’elle était promise au tout début du quinquennat, le Gouvernement a d’abord reporté la loi de santé, avant de naviguer sur des sujets aussi majeurs que le tiers payant, l’open data, la réforme de l’hôpital, la démographie médicale, l’information nutritionnelle, les paquets neutres, etc. Ainsi, quelques jours avant les élections départementales, le Gouvernement a besoin de généraliser le tiers payant pour afficher un marqueur supposément de gauche. On peut se demander où sont les vraies convictions et la vraie stratégie du Gouvernement sur la santé. Avec des mesures démagogiques, coûteuses et relevant souvent du domaine réglementaire, ce projet de loi fourre-tout est en deçà des attentes des professionnels de santé. Cette improvisation est dangereuse. Nous avons besoin de réponses, notamment sur la notion de droit à la santé.

Concernant le tiers payant, sur lequel nous n’avons pas de position dogmatique, comment comptez-vous procéder pour mettre en place sa généralisation, madame la ministre ?

Au chapitre de l’offre de soins, que deviennent l’assurance maladie et les professionnels de santé, en particulier le médecin traitant, dans le cadre de la refonte du parcours de soins ou encore de la gestion de crise ? Quelle est votre vision de l’hôpital, alors que vous envisagez à la fois une reprise en main par les ARS et des suppressions de postes massives ?

Par ailleurs, à quel moment la punition prend-elle le relais de la prévention dans le domaine notamment de l’alimentation ?

Enfin, pouvez-vous nous éclairer sur la position du Gouvernement à propos de la législation sur le vin ?

Telles sont, parmi d’autres, les questions pour lesquelles nous attendrons des réponses au cours des débats de la commission.

M. Arnaud Richard. Madame la ministre, c’est avec stupéfaction que j’ai pris connaissance de ce projet de loi relatif à la santé et de ses évolutions.

Stupéfaction d’abord, parce que cette « grande loi de santé publique » ne répond que partiellement, pour parler en langage diplomatique, à nombre des enjeux cruciaux auquel le système de santé français est confronté, alors que nous nous sommes attachés depuis deux ans dans cette enceinte à formuler des propositions, en particulier sur le « virage » ambulatoire, la sécurité sanitaire ou encore la démographie médicale.

Stupéfaction ensuite, parce que vous parvenez à cette prouesse de déposer plus de cinquante amendements sur un texte que vous préparez depuis maintenant deux ans… Sans parler du titre V qui fera l’objet de cinquante ordonnances.

Comment une telle absence de méthode est-elle possible au sein d’un gouvernement ? Comment une réforme aussi majeure peut-elle faire l’objet d’une concertation improvisée, en urgence, et après le dépôt du projet de loi à l’Assemblée nationale ? Je tiens à vous décerner un satisfecit, madame la ministre : vous êtes le premier ministre de la santé, depuis bien longtemps, à avoir réussi à mobiliser l’ensemble des professionnels de santé contre un projet de loi, alors que celui-ci n’a pourtant rien de révolutionnaire…

Le groupe UDI attendait, pour sa part, une réforme ambitieuse, s’attaquant de front aux questions aussi essentielles que la désertification médicale, le rapprochement entre le secteur public et le secteur privé, la carte hospitalière, la répartition territoriale équitable des établissements de santé et leur nécessaire modernisation, la sécurité sanitaire, l’innovation et la recherche. Au surplus, nous venons d’apprendre que vous comptez mettre en œuvre, après l’examen de ce texte, une « grande conférence de la santé » ! Autrement dit, pardonnez-moi l’expression, on est cul par-dessus tête !

Avec ce projet de loi, vous faites du tiers payant l’étendard de votre combat en faveur de l’accès aux soins. Or la généralisation du tiers payant ne peut constituer la seule réponse à la question fondamentale de l’accès aux soins, car elle ne résoudra en rien le problème du reste à charge qui atteint parfois des niveaux insoutenables pour les familles de ce pays.

Néanmoins, je tiens à souligner – car qui aime bien châtie bien ! – les points positifs de ce projet de loi : le renforcement de la prévention, avec des actions en faveur de la jeunesse, le soutien au service de santé au travail, l’information et la protection du public face aux risques sanitaires liés à l’environnement. J’ajoute que le droit à l’oubli permettra aux anciens malades contractant un prêt immobilier ou un crédit à la consommation, de ne plus mentionner dans leurs antécédents médicaux le cancer dont ils ont souffert.

Nous vous ferons, madame la ministre, plusieurs propositions fortes pour dessiner les contours d’un système de santé organisé autour du patient et de son intérêt. Nous porterons notamment un amendement visant à défendre la convergence tarifaire entre le public et le privé – à l’encontre de votre décision de baisser les tarifs du privé de 2,5 %, ce qui aboutira à mettre 15 % des cliniques en déficit et menacera 10 000 emplois.

Nous proposerons également une véritable refonte de la carte hospitalière, plus ambitieuse que le hasardeux service public hospitalier que vous proposez de mettre en œuvre.

Enfin, je proposerai un amendement qui me tient particulièrement à cœur, visant à affirmer le principe – qui a fait l’objet d’un engagement du candidat François Hollande – selon lequel nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle.

M. Gérard Sebaoun. Très bien.

M. Arnaud Richard. En conclusion, les timides avancées de ce texte ne masquent pas le manque d’ambition du Gouvernement quant à la nécessaire réforme de notre système de santé. C’est pourquoi nous nous engageons sans réserve afin d’amplifier les quelques avancées qu’il contient et de répondre aux nombreuses carences qui le caractérisent.

M. Jean-Louis Roumegas. Madame la ministre, au terme de deux années de travail et de concertation avec les associations d’usagers, de professionnels ou de victimes, les écologistes sont plus que jamais attentifs aux questions de santé, qui constituent un droit fondamental en particulier en période de crise.

En nous appuyant, en particulier, sur le troisième plan national santé environnement (PNSE 3), pour lequel, au sein du groupe de travail santé environnement présidé par notre collègue Gérard Bapt, nous nous sommes mobilisés pour rétablir le socle de discussions santé environnement au sein de la conférence environnementale. Dans ce cadre, nous avons apprécié que la France soit à l’avant-garde dans l’interdiction du bisphénol A dans les contenants alimentaires et dans la définition d’une stratégie nationale en matière de perturbateurs endocriniens. Nous devons persévérer dans cette voie, et c’est d’ailleurs l’engagement qui a été pris lors de la conférence environnementale. Nous attendons des réponses concrètes à nos propositions.

La notion d’« exposome », c’est-à-dire ce qui ne relève non pas du patrimoine génétique, mais de l’exposition à un environnement dégradé et à la prolifération de substances chimiques, porte un nouveau modèle sanitaire. Il s’agit d’imposer une véritable mutation des politiques de santé, à l’heure où les maladies chroniques explosent. Le coût de l’inaction représente des chiffres astronomiques : pour les perturbateurs endocriniens en Europe, par exemple, il a été chiffré à 150 milliards d’euros par an.

Les inégalités d’accès aux soins s’amplifient, et le renoncement aux soins est patent. Le non-recours aux soins s’établit autour de 6 milliards par an. Certains pourraient y voir une économie, mais c’est un phénomène inquiétant, surtout s’il se conjugue avec des comportements de refus de soins : il y a là un risque majeur de voir des pans entiers de la population renoncer à se soigner et une dette sanitaire incompressible se profiler.

Nous sommes donc confrontés à un défi de société. Il s’agit de garantir les soins malgré des budgets contraints et simultanément de faire face à une crise sanitaire majeure.

Comment préserver le socle de solidarité issu du consensus hérité du Conseil national de la Résistance ? « Chacun contribue en fonction de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins. » À cet égard, nous saluons un certain nombre d’avancées de la loi.

La première est la généralisation du tiers payant, en commençant par les plus démunis, avec une application progressive à l’horizon de janvier 2017. Nous soutenons cette option en souhaitant son accélération. Nous veillerons à ce que le panier de soins, déjà très contraint – surtout pour l’optique et les soins dentaires – ne soit pas dégradé. Nous contestons en outre l’hypothétique report sur les mutuelles complémentaires. Cela mérite des arbitrages forts.

Les agences sanitaires sont en voie de réorganisation, leur mission est clarifiée et la maîtrise des conflits d’intérêts avance. Mais il convient d’aller aller plus loin, en irriguant l’ensemble des dispositifs d’expertise, de veille sanitaire, d’alerte et de qualification des professionnels de santé au regard des enjeux de la santé environnementale. Une avancée claire et ferme sur ces sujets serait un message fort.

Assainir les rentes des industries pharmaceutiques, sortir du tout-médicament, bonifier les conditions de production des bases alimentaires en réduisant la part de la chimie et donc de la mal-bouffe, appliquer le principe pollueur-payeur aux industries du tabac, autant de voies à explorer pour nous donner des marges et restaurer la démocratie sanitaire. Nous avons déposé de nombreux amendements dans ce sens.

L’ambition de fédérer les professionnels de la santé de nos territoires, au plus près des populations et de manière décentralisée via de nouvelles missions confiées aux ARS, en favorisant la multidisciplinarité, va dans le bon sens.

Nous souscrivons au développement de l’ambulatoire. Ce virage doit s’appuyer en amont sur une meilleure maîtrise des risques et une politique de santé primaire affirmée, en même temps que sur la prise en compte des aidants et accompagnateurs polyvalents et multidisciplinaires et sur leur juste reconnaissance. L’innovation thérapeutique et technologique ne peut se substituer à la force et au soutien de la relation humaine.

Nous prenons acte de l’institution d’une action de groupe. Nous avons été entendus dans la poursuite de nos arguments lors de l’examen de la loi Hamon, mais limiter cette action de groupe aux dommages corporels liés aux produits de santé, comme le prévoit l’article 45 du projet de loi, nous semble restrictif. Nous vous proposerons de l’étendre.

En effet, nous souhaitons sortir d’une société ou les contentieux se multiplient. Nous devons tirer les leçons des crises sanitaires. L’amiante doit devenir une grande cause nationale, tout comme la lutte contre les pesticides, les particules fines du diesel, et l’ensemble des expositions nocives qui dégradent, par leurs effets délétères, nos comptes publics tout autant que la santé de la population.

La loi sur la biodiversité, en débat actuellement, nous rappelle l’équilibre fragile qui existe entre l’état de nos écosystèmes et la santé de ceux qui y vivent. De nombreux citoyens se tournent vers des médecines complémentaires et préventives : il faut entendre ces choix comme le droit et le devoir de chacun à se ressaisir de son capital santé par des voies douces privilégiant la prévention.

Nous approuvons le choix de sécuriser les comportements addictifs, avec l’expérimentation de salles de consommation. Il s’agit de prendre en charge, de façon sanitaire et sociale, ce qu’il faut bien considérer comme des pathologies. D’autre part, le cannabis thérapeutique ne doit plus être un sujet tabou dans la mesure où il peut soulager des douleurs chroniques et que de nombreux pays l’ont adopté avec succès.

Enfin, le libre choix thérapeutique dans le domaine de la vaccination doit mieux prendre en compte la voix des victimes des adjuvants à base d’aluminium, face au déni des industriels en particulier.

En conclusion, la loi de santé proposée doit marcher sur deux jambes : le curatif, mais aussi un socle de prévention primaire fort. Ce choix fondera les marges d’économies de demain et nous amènera vers une société de plus grand bien-être, sans exclusive. Nous sommes prêts, madame la ministre, à enrichir le débat de manière constructive et pragmatique. Nous attendons vos réponses.

Mme Dominique Orliac. Madame la ministre, le texte que vous présentez à la représentation nationale était attendu depuis très longtemps. Nous avions nourri beaucoup d’espoir à son sujet, mais il suscite aujourd’hui de nombreuses craintes, alors que la santé devrait faire l’objet d’un consensus national.

La santé, telle qu’elle est définie aujourd’hui par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est un état général de bien-être mental et physique ; c’est probablement ce que nous avons de plus précieux.

Et pourtant, pour des raisons économiques, certains de nos concitoyens sont amenés à renoncer aux soins. D’autres, toxicomanes, pour des raisons liées au poids du regard, à la stigmatisation, y renoncent, faute de salles de consommation à moindres risques. D’autres encore, praticiens comme usagers ou associations de patients, comptent sur la mise en œuvre tant attendue d’expérimentations pour élaborer, dans les meilleures conditions, notamment de sécurité juridique, les bonnes pratiques de demain et des prises en charge spécifiques.

Il faut reconnaître que tant l’organisation que la complexité du système de soins - disons-le, sa « technocratisation » – transforment trop souvent le parcours de soins en parcours du combattant, excluent certains de ses acteurs, pourtant indispensables, et épuisent les professionnels de santé en faisant d’eux des agents administratifs alors que ce n’est ni leur métier ni leur vocation.

Madame la ministre, le système de santé doit être pensé autour de trois piliers : les usagers, les professionnels et les structures de soins et d’accueil. Pour cela, il faut une loi qui apporte un nouveau souffle, un souffle fort et ambitieux. Une loi pragmatique, résolument orientée vers le développement des soins primaires, le dépistage, la prévention et l’éducation à la santé.

Oui, la santé a besoin d’un souffle nouveau, mais pas d’un vent qui risque de tout déraciner et arracher ; il nous faut un vent porteur pour la prévention et la santé publique, sans tabou, sans préjugés, qui apportent enfin les outils de cohérence qui lui manquent tant. C’est tout le sens des amendements que j’ai déposés, notamment celui qui propose un grand plan de prise en charge de l’enfant et de l’adolescent, pour insuffler une stratégie de santé de l’enfant et de l’adolescent. C’est souvent à cet âge que se déterminent les addictions à l’alcool, au tabac, aux produits stupéfiants, ainsi que les « addictions sans substance » comme les jeux vidéo. Là aussi, il y a des enjeux de santé majeurs qu’il nous faut courageusement prendre en charge.

Les plus vulnérables doivent être aidés et soignés, car les virus, les bactéries, la souffrance ne connaissent pas les passeports. Ainsi, en fusionnant les régimes de l’AME et de la CMU, comme je vous le propose, c’est une meilleure protection des plus faibles au bénéfice de la santé de tous que nous réaliserons.

De même, et c’est tous le sens de certains de mes amendements que je porte pour le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, à l’heure où les médias relaient le rôle stratégique des conditions de détention dans la réinsertion des personnes détenues, condition nécessaire pour lutter contre la récidive et pour la paix publique, il est indispensable que les lieux de privation de libertés soient une cible prioritaire des campagnes de prévention, d’éducation à la santé et de réduction des risques. Les radicaux de gauche y tiennent.

Il faut ensuite de l’air pour les professionnels de santé, surtout les médecins. Ils en ont besoin. La loi doit avant tout simplifier leur exercice, leur permettre de dégager du temps médical, du temps de soins, du temps de formation continue, et non les noyer dans des démarches administratives. Cet air nouveau doit leur permettre de retrouver une confiance dans ce système dont ils sont la cheville ouvrière. Ce système doit être élaboré et gouverné avec eux, et non contre eux. Cet air nouveau doit aussi éclaircir l’avenir des étudiants et internes qui, aujourd’hui, sont plus que pessimistes.

Il faut réconforter les médecins généralistes, qui sont la porte d’entrée dans le parcours de soins, le socle de notre médecine, les artisans des soins primaires et du dépistage. Ils se sentent mal-aimés, peu entendus, quelquefois même méprisés. Quand on sait leur temps de travail hebdomadaire, leur implication pour la santé de leurs patients, le niveau de leur qualification, madame la ministre, leur rôle pour la qualité de notre médecine doit être consacré.

La généralisation du tiers payant, qui fait tant parler, si elle est un des leviers d’accès aux soins, ne doit pas détruire le temps médical. Pourquoi ne pas proposer un serveur unique de paiement, qui rémunère le professionnel en une fois, lui garantit le règlement immédiat, et assure ensuite le recouvrement des sommes avancées auprès du régime obligatoire et du régime complémentaire ? En tout état de cause, il faudra veiller à ce que le nouveau dispositif ne se traduise pas par une augmentation des cotisations des patients, notamment auprès des organismes complémentaires.

Je pense aussi aux pharmacies d’officine. Elles sont souvent, surtout dans les territoires ruraux ou à faible densité médicale, une étape déterminante de la prise en charge. Ainsi, je vous propose d’encadrer et de développer la médication officinale de premier recours. Celle-ci permettra de reconnaître la place stratégique de ces acteurs de santé, de simplifier la vie du patient et de sécuriser la dispensation des médicaments sans prescription, car rien ne saurait remplacer le conseil du professionnel de santé.

Le service public hospitalier, qui repose sur des établissements tant publics que privés, ne doit exclure aucun de ses acteurs. Il n’en a pas les moyens. Plus encore, exclure certains de ces établissements en raison de leur caractère privé ou public, voire de leur politique de tarification, c’est remettre en cause le libre choix du médecin par le patient. Or ce choix, les Françaises et les Français y sont viscéralement attachés.

Il faut, en outre, un espoir pour l’organisation de la santé à l’échelon territorial, laquelle a tendance à ne plus bouger, souffrant de son obésité administrative. Ainsi, pour les ARS et les super-ARS à venir, notre système doit être effectivement piloté sur un territoire, et le pilote disposer des pouvoirs qui lui permettent de mener à bien sa mission. Mais dans une démocratie comme la nôtre, il n’existe pas de pouvoir sans contre-pouvoir.

Cette loi devra donc aménager un véritable contre-pouvoir au sein des territoires. Je vous propose donc de mettre en place une représentation effective de tous les acteurs de la démocratie sanitaire : les patients, les médecins libéraux comme hospitaliers, les pharmaciens, les autres professionnels de santé, les structures de soins. Ce système ne doit pas privilégier un tel ou un tel. Il ne doit pas opposer, mais réunir, fédérer. Ce système ne doit pas organiser des féodalités tenues par les directeurs généraux des ARS. Il ne s’agit pas de créer un contre-pouvoir simplement pour un contre-pouvoir ; il s’agit de mettre en place une représentation de tous, dotée de pouvoirs effectifs, pour accompagner les directeurs généraux d’ARS avec un seul objectif : une meilleure gouvernance de la santé dans les territoires.

Oui, madame la ministre, nous ne pouvons pas faire l’économie du savoir empirique de ceux qui vivent la santé au quotidien, et laisser son pilotage à quelques hauts fonctionnaires, entourés de quelques directeurs de CHU. Les ARS, si elles impulsent la stratégie de santé dans nos territoires, doivent avant tout accompagner les acteurs de soins, être un véritable soutien logistique.

Cette loi devra aussi, et il s’agit du respect des libertés fondamentales, s’assurer que l’exercice indispensable de la santé mentale puisse reposer sur des textes clairs, et c’est l’objet de certains des amendements que je porte au nom de mon groupe.

Plus encore, dans une démocratie moderne comme la République française, on ne peut plus tolérer l’existence de vestiges de structures honteuses, comme l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris. Cette zone de quasi-non-droit est insoutenable, et c’est malheureusement en vain que les associations de patients et des associations de défense des droits de l’Homme demandent sa suppression. C’est l’objet d’un amendement que j’ai déposé, pour que soient détaillées rapidement les conditions de son retour dans le régime du droit commun. Madame la ministre, une ministre de gauche, défenseure des droits de l’Homme, doit s’engager avec conviction dans cette nécessaire transformation et elle a, à cet égard, une obligation de résultat.

Madame la ministre, les Radicaux de gauche seront vigilants et exigeants. Au nom des valeurs d’humanisme et de liberté qui fondent leur engagement politique, ils font des points que j’ai soulevés les conditions de leur vote. Comme je vous l’ai dit, il faut tenir compte des trois piliers, les usagers, les professionnels et les structures de soins, qui sont intimement liés. Cette grande loi de santé publique, faisons-la ensemble, faisons-la avec tous et pour tous.

En conclusion, je citerai Nelson Mandela qui disait : « Tout ce qui est fait pour moi, sans moi, est fait contre moi ».

Mme Jacqueline Fraysse. Le groupe GDR partage l’ambition déclarée de ce projet de loi : moderniser notre système de santé pour en garder l’excellence et affronter les nouveaux enjeux. Pas d’immobilisme, pas de statu quo, avez-vous dit, madame la ministre ; nous partageons cette volonté. Mais force est de constater que le contenu de ce texte est loin de répondre aux objectifs affichés. Ce n’est pas vraiment une surprise dans la mesure où ce projet de loi s’inscrit dans un contexte de réduction du budget de la santé, de 10 milliards d’euros d’ici à deux ans, dont 3 milliards pour les hôpitaux. Ce qui, bien sûr, interdit une « grande loi de santé », audacieuse, c’est-à-dire à la mesure des enjeux de notre pays et de notre temps. C’est donc un texte qui aménage à la marge ce qui existe déjà, et cela est fort dommage.

Certaines mesures sont indiscutablement positives, comme le renforcement de la prévention, la généralisation du tiers payant ou encore la possibilité d’initier des actions de groupe. Mais au-delà du manque d’ambition, ce qui nous frappe et nous préoccupe, c’est l’accentuation de l’autoritarisme des agences régionales de santé, véritables instruments de réduction drastique des moyens.

Dans le domaine de la prévention, on peut s’étonner que le texte ne dise pas un mot sur la protection maternelle et infantile, surtout au moment où s’accentue la précarité de tant de familles et de femmes seules avec des enfants. Quant à la santé scolaire, si elle est abordée, rien n’est proposé pour la revaloriser, la renforcer et la moderniser, alors que chaque médecin a en charge plus de 10 000 élèves.

La démocratie sanitaire est le point qui nous préoccupe le plus. Certes, à l’article 1er, une consultation publique est prévue préalablement à l’adoption ou à la révision de la stratégie nationale de santé. Nous souhaiterions d’ailleurs savoir qui sera consulté et sous quelle forme. Mais ce qui frappe tout au long de ce texte, c’est le rôle considérable, sinon démesuré, qu’il attribue aux agences régionales de santé. Cela est tellement flagrant que, pour rassurer, vous avez décidé de remplacer « service territorial de santé au public » par « communautés professionnelles territoriales de santé ». Certes, la terminologie est meilleure. Mais cela change-t-il les choses sur le fond, sachant que, aux termes la loi HPST, à laquelle vous vous étiez opposée mais que désormais vous confortez, ce sont les ARS qui in fine disposent de tous les pouvoirs ?

Si le texte prévoit, à l’article 12, que le projet territorial de santé sera élaboré sur la base d’un diagnostic partagé, ce qui est très bien, je note cependant que – comme d’habitude – c’est l’ARS qui arrête le diagnostic et le projet de santé – certes, après avis, mais seulement avis, d’un conseil territorial dont on ignore la composition. Plus encore, le texte précise que diagnostic et projet pourront être, à tout moment, modifiés par le seul directeur de l’ARS. C’est donc bien l’ARS qui, comme d’habitude, décidera seule quelle activité sera pratiquée ou refusée et par quel établissement.

C’est la même chose à l’article 27, à propos duquel on peut s’interroger sur les critères qui régiront la création des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Intérêt des patients ou économies financières à tout prix ? Qui participera à ces choix ? Qui rédigera les conventions portant création des GHT : les directeurs d’établissement, les présidents de commission médicale d’établissement (CME) ? Quelle place auront les usagers et les représentants des collectivités territoriales ? Jusqu’où l’ARS sera-t-elle légitime pour imposer un GHT ? Qui autorisera les dérogations ? De quelle nature et de quels critères s’agira-t-il ? Autant de questions auxquelles le texte ne répond pas et qui, de toute évidence, seront tranchées autoritairement, on peut le craindre, par les ARS.

Par ailleurs, concernant l’article 42, madame la ministre, pouvez-vous clarifier ce que vous entendez par la décision, je cite, de « fluidifier le fonctionnement de l’établissement français du sang au regard des exigences de l’Union européenne » ?

À l’article 47, concernant la création d’un système national des données de santé (SNDS), s’il est utile que les données anonymes puissent servir à la recherche, nous nous interrogeons sur les modalités d’accès offertes au privé, notamment aux entreprises pharmaceutiques, au prétexte ou par le biais de recherches menées par les laboratoires.

Enfin, concernant le tiers payant, je note qu’aucune obligation n’est mentionnée dans le texte à l’égard des médecins. Pourront-ils refuser de l’appliquer ? Dans ce cas, on pourrait s’interroger sur le terme de « généralisation ».

En conclusion, nous défendrons des amendements avec la volonté d’améliorer le projet de loi sur toutes ces questions.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vais maintenant donner la parole aux orateurs inscrits, pour deux minutes chacun.

M. Philip Cordery. Cette grande loi de santé publique se fixe un triple objectif : améliorer la prévention, réorganiser le système de soins pour le rendre plus accessible, garantir de nouveaux droits aux malades grâce à l’innovation. À mon tour, je tiens à saluer le travail réalisé par Mme la ministre et les rapporteurs.

L’une des avancées majeures de ce texte est la généralisation du tiers payant, qui sera effective dès 2017. Cette mesure est un immense soulagement pour nombre de nos concitoyens, qui n’ont pas les moyens d’attendre les remboursements. Le tiers payant ne s’appliquera pas au détriment des médecins, puisqu’il sera mis en place progressivement. S’il suscite des craintes, il suffit pour se rassurer de constater que vingt-quatre des vingt-huit pays de l’Union européenne le pratiquent déjà.

Je souhaite évoquer la problématique des zones transfrontalières, au sujet de laquelle j’ai déposé des amendements. Le projet de loi a pour but d’améliorer l’accès aux soins de proximité, de répondre au problème de la démographie médicale et d’élever le niveau de qualité des soins par la mise en place d’un projet régional de santé décliné au niveau des territoires et des groupements hospitaliers de territoire. Afin que ces avancées bénéficient de manière optimale aux habitants des bassins de vie transfrontaliers, ces derniers doivent être en mesure d’accéder à l’offre de soins la plus proche, même si celle-ci se situe de l’autre côté de la frontière. C’est pourquoi les nouveaux outils mis en place par la loi devraient comporter cette dimension transfrontalière, en prenant en compte l’offre et la demande de soins disponibles de l’autre côté de la frontière, ainsi que les coopérations existantes. Il existe de nombreuses coopérations hospitalières qui fonctionnent très bien, comme celle entre Tourcoing et Mouscron, à la frontière franco-belge. Ces coopérations répondent à une demande de la population, et le projet de loi devrait par conséquent les accompagner et les favoriser.

M. Bernard Perrut. Prévu en janvier, repoussé jusqu’à ce jour, et non achevé - puisque les amendements du Gouvernement vont encore le modifier –, ce texte suscite les inquiétudes, le désaccord et la colère. Après la manifestation de dimanche, le Syndicat national des jeunes médecins généralistes vient d’annoncer que les jeunes généralistes feront grève jeudi prochain.

La généralisation du tiers payant n’est pas acceptable pour les médecins car, malgré vos engagements, Madame la ministre, sa mise en œuvre, avec plus de 500 complémentaires, est impossible. Le paiement au médecin ne pourra excéder sept jours, les médecins n’auront qu’un seul geste à faire pour déclencher le paiement, promettez-vous. Mais quel dispositif efficace permettra réellement de respecter votre vœu ? Et nous ne pouvons ignorer l’inflation des soins et des coûts qui découlera de cette mesure.

L’inquiétude porte aussi sur l’organisation des soins dans les territoires. On peut voir dans l’article 12, qui crée un service territorial de santé au public, une étatisation de la médecine libérale, en donnant des pouvoirs accrus aux ARS. Une bureaucratisation et une suradministration de notre système de santé sont à craindre, l’article 41 renforçant ce sentiment.

Au titre de la prévention, on peut s’interroger sur l’étiquetage nutritionnel prévu à l’article 5. Nous y reviendrons.

Enfin, prenons garde de ne pas accepter des amendements qui remettraient en cause l’équilibre trouvé entre la protection des consommateurs et des publics à risque, d’un côté, et le développement économique et la promotion de nos territoires viticoles, de l’autre. Car si nous sommes favorables à la consommation responsable, à l’éducation et à la prévention, nous nous opposerons aux atteintes qui seraient portées à la communication sur internet, à la publicité, à l’information journalistique. Nous préférons la responsabilité, l’éducation et la prévention à toute prohibition.

Mme Michèle Delaunay. La loi de santé est très attendue des Français. Si la maladie relève d’abord des soignants, la santé est avant tout politique. Nous devons savoir politiser la santé pour ne pas avoir, demain, à privatiser la maladie.

La prévention constitue désormais la clé du système de santé. L’impact financier, sanitaire et social des addictions sous toutes leurs formes, du tabac aux drogues, est très lourd. Nous risquons, si nous ne prévenons pas fortement les cancers évitables, de ne pas pouvoir demain payer les molécules et les techniques innovantes qui guérissent de plus en plus de cancers.

C’est pourquoi nous soutenons l’application du principe pollueur-payeur à l’écologie de l’homme aux fabricants et consommateurs de produits de mort, tels que le tabac.

Nous vous accompagnerons, madame la ministre, dans l’ensemble de ces actions.

M. Élie Aboud. Madame la présidente, nous ne proférerons pas d’insultes. Nous souhaitons un débat apaisé, même si mon groupe est opposé à ce projet de loi.

Nous allons adopter une opposition pragmatique. Mes collègues ont parlé de la prévention, de la santé durable, du droit à l’oubli, autant d’avancées sur lesquelles nous pourrons vous accompagner. Mais pour ce qui est de l’esprit du texte, nous y sommes opposés pour trois raisons.

Pour commencer, les vrais sujets – formation, installation, démographie médicale, consolidation de l’hospitalisation à domicile et de la télésanté, etc. – ne sont pas traités.

Ensuite, alors que nous étions parvenus à apaiser le climat entre l’hospitalisation privée et l’hospitalisation publique en mettant en place une organisation et même des passerelles, on sent revenir, que vous le vouliez ou non, un clivage et une stigmatisation d’une partie des acteurs de santé.

Enfin, vous n’avez de cesse de répéter aux médias que 55 % des Français sont pour le tiers payant généralisé ; je suis étonné qu’ils ne soient pas plus nombreux ! Qui serait opposé à la gratuité de l’eau ou de l’électricité ? S’ils ne sont pas à 100 % pour le tiers payant, c’est parce qu’ils savent que votre loi pose problème. Le tiers payant n’est que la partie émergée de l’iceberg : ce texte ne fait que complexifier les choses et renforcer le caractère administratif de la santé de ce pays.

M. Gérard Sebaoun. Madame la ministre, je soutiens la direction que vous proposez pour rénover notre système de santé et en réduire les inégalités.

Je dis oui à l’affirmation de la place primordiale de la prévention, au-delà des vœux pieux trop longtemps réitérés. Oui à la mise en place progressive du tiers payant d’ici à 2017, même si j’entends la nécessité pour les professionnels de disposer d’un outil simple et fiable.

Mais soyons clairs : l’instrumentalisation du texte par ceux qui hurlent pour dénoncer la fin de la liberté d’installation ou de prescription n’a qu’un seul but : jouer sur les peurs de nos concitoyens et, plus grave, jouer sur les peurs des jeunes professionnels en formation. J’y vois surtout un immobilisme extrêmement néfaste et un conservatisme dangereux.

Je dis oui encore à la définition de territoires de santé inclusifs.

Néanmoins, le dépôt d’un amendement gouvernemental à l’article 6 suscite mon inquiétude. Cet amendement vise à légiférer par ordonnance sur le vaste champ de la médecine du travail, avec dans le viseur les notions d’aptitude et d’inaptitude. Il reprend l’énoncé de l’article 90 du projet de loi Macron, article retiré avant la tenue de la commission spéciale. Dans le droit fil de l’excellent rapport d’information de Michèle Delaunay et Guy Lefrand sur la mise en œuvre de la loi du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail, et dans l’attente de la mission de Michel Issindou, je souhaite que nous laissions la loi prendre son essor. Comme l’ensemble des syndicalistes du champ médical, je ne suis pas favorable à ce que le Parlement soit dessaisi, du fait de la procédure des ordonnances, sous prétexte de simplification.

Celles et ceux qui suivent ces dossiers connaissent bien la genèse de la demande : elle vient de la volonté de l’organisme central qui regroupe les services de santé au travail interentreprises, le CISME (Centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise). Madame la ministre, j’en appelle à votre sagesse. Vous avez su proposer aux soignants la concertation dans le cadre de la loi santé ; j’espère que vous aurez la même attitude sur ce sujet.

M. Rémi Delatte. Madame la ministre, l’examen d’une loi de santé engendre toujours beaucoup d’intérêt. L’annonce et le dépôt, déjà ancien, de votre projet de loi attisent encore cette attente, d’autant que les défis liés à la santé publique sont nombreux.

Ainsi, compléter certaines dispositions de la loi HPHT, six ans plus tard, est fort utile.

Adapter notre système de soins aux évolutions technologiques et aux attentes des patients, personne ne conteste cette nécessité.

Lutter contre les déserts médicaux, contre les difficultés d’accès aux soins, relève du bon sens.

Amplifier l’effort de prévention et accroître la part des crédits de prévention dans le budget de santé est tout à fait indispensable.

En revanche, notre engouement disparaît au vu du contenu de votre projet de loi, tant il est à l’opposé de ce que nous pouvions en attendre. Personne ne s’y résout : la mobilisation exceptionnelle des professionnels de santé de dimanche dernier en est la preuve.

Au fond, l’idéologie domine une nouvelle fois : d’abord avec la généralisation du tiers payant, et son improbable gestion par les médecins et la déresponsabilisation des patients ; ensuite, avec l’opposition du public et du privé, alors qu’il faut au contraire développer leur convergence. Quant à l’expérimentation des salles de shoot, cela va à l’inverse des ambitions et des exigences éducatives d’une société moderne. Enfin, votre organisation territoriale a des relents d’étatisation d’un autre temps.

Bref, ce débat s’engage sous de curieux auspices, d’autant que le Premier ministre vient d’annoncer une « grande conférence de la santé » pour jeter les bases d’une véritable réforme de notre système de santé. Or vous nous dites qu’il ne faut pas retirer ce projet de loi. Tout cela n’est pas clair et sonne comme une défiance à notre endroit.

Mme Sylviane Bulteau. Madame la ministre, je me réjouis, comme mes collègues de la majorité, de ce projet de loi relatif à la santé.

Vous avez souligné que l’un des défis sera de faire reculer les inégalités, en particulier les inégalités territoriales dont on a le sentiment qu’elles ne cessent d’augmenter. Les élus ruraux mais aussi urbains, les usagers, les associations et les syndicats de médecins s’inquiètent de la désertification médicale qui touche 2 millions de Français. Certes, depuis votre arrivée, beaucoup de choses ont été mises en place, comme le Pacte territoire santé. Ce dispositif commence à porter ses fruits, mais il faudra les amplifier.

Quelles sont les grandes avancées de ce texte dans le domaine de la lutte contre les déserts médicaux ?

M. Gilles Lurton. Madame la ministre, vous avez dit dans tous les médias que le présent projet de loi a fait l’objet d’une large concertation ; or les principaux concernés soutiennent qu’il n’y en avait pas eu. Qui a tort, qui a raison ? M. Macron, à qui je faisais la même remarque sur le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, m’avait répondu que ce n’est pas parce que les intéressés n’ont pas obtenu satisfaction qu’il n’y a pas eu de concertation. J’imagine que vous me ferez la même réponse aujourd’hui… Cela devrait peut-être conduire le Gouvernement à revoir sa méthode de concertation.

Depuis maintenant deux ans et demi, nous avons vu se créer des groupes de travail sur les sages-femmes, les greffes d’organes, les personnes dialysées, les soins palliatifs, etc. Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, tant en commission qu’en séance publique, vous nous avez à chaque fois répondu que ces sujets seraient examinés dans le cadre du projet de loi relatif à la santé. Or nous ne retrouvons rien, hormis l’extension des compétences des sages-femmes en matière de vaccination.

Le sujet qui me semble provoquer le plus de débats – mais nous verrons au cours de la discussion qu’il y en a beaucoup d’autres – reste la généralisation du tiers payant dont les professionnels contestent fortement la mise en place prévue à l’article 18 du chapitre III. Vous venez de nous dire qu’un seul geste suffira pour déclencher le paiement ; le Gouvernement s’était engagé à mettre en place un dispositif simple et la loi devait répondre à cette nécessité. Permettez-moi une question très concrète : nous avons tous une carte Vitale que nous rechargeons régulièrement. Que se passera-t-il quand un patient ira consulter un médecin sans avoir mis à jour sa carte Vitale ? Comment le médecin sera-t-il remboursé ? Le fait de ne plus avoir à régler une somme d’argent au médecin déresponsabilisera les patients qui ne se sentiront plus obligés de mettre régulièrement à jour leur carte Vitale.

M. Michel Liebgott. Je me félicite que le Gouvernement recherche en permanence l’égalité des citoyens devant la mort. Je rappelle que nous venons de voter par 436 voix la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. L’égalité doit se faire également devant la maladie. Malheureusement, un tiers de la population n’a pas accès aux soins les plus élémentaires, en particulier aux spécialités tout simplement parce qu’elle ne peut pas faire l’avance de fonds. Aussi le débat autour de la généralisation du tiers payant est-il complètement tronqué et particulièrement injuste quand on sait la précarité de nos populations, dans certaines régions en particulier. Il est absolument nécessaire de tenir bon et de faire en sorte que le tiers payant soit étendu. Comme l’a dit M. Cordery, cela n’a rien d’exceptionnel. En Allemagne, par exemple, cela fonctionne très bien. Je crois d’ailleurs que cela rendra plus visibles certains dépassements d’honoraires, pas forcément justifiés. Il nous faut être au service de la santé pour le plus grand nombre.

En tant qu’élu d’une région industrielle, la Lorraine, je veux également relever les actions nécessaires en direction des maladies professionnelles comme la silicose, les cancers liés à l’amiante, etc. et saluer l’introduction des actions de groupe, qui seront tout à fait bienvenues.

Enfin, il me paraît indispensable que les ARS jouent tout leur rôle, comme cela a été fait dans le bassin sidérurgique où certains hôpitaux locaux qui étaient en déficit ont été rattachés à un centre hospitalier régional qui a rétabli la situation sur le plan financier et ouvert l’offre de santé.

Quelles mesures spécifiques proposez-vous au niveau transfrontalier ?

M. Dominique Dord. Madame la ministre, vous avez su nous dire ce que votre texte n’était pas : que ce n’était pas une loi de financement de la sécurité sociale. Mais il est plus difficile de dire ce qu’il est vraiment, d’autant que son titre est général et ambitieux. Notre commission des affaires sociales a toute une série de demandes plus ponctuelles qui ne figurent pas nécessairement dans le texte. Pour ma part, j’en ajouterai trois.

Premièrement, vous donnez des responsabilités supplémentaires aux sages-femmes, mais votre texte n’apporte rien de nouveau quant à leur statut.

Deuxièmement, nous venons d’avoir un débat très intéressant sur les soins palliatifs. On aurait pu penser trouver dans ce projet de loi un chapitre visant à garantir les orientations prises en matière de généralisation des soins palliatifs. Mais ce n’est pas le cas.

Ma dernière question sera un plaidoyer pro domo. Le titre premier concerne le renforcement de la prévention. Un chapitre est dédié aux actions en faveur de la jeunesse. Mais il ne faut pas oublier non plus un autre problème de santé publique important, celui du vieillissement de la population. Peut-être aurions-nous pu trouver dans ce titre premier une nouvelle orientation en matière de thermalisme…

Mme Fanélie Carrey-Conte. Madame la ministre, pour ma part, je reviendrai sur la lutte contre les inégalités sociales de santé par le développement de l’accès aux soins. Ce texte porte en effet plusieurs dispositions concrètes pour favoriser l’accès aux soins de nos concitoyens. J’insisterai plus particulièrement sur trois points.

La généralisation progressive du tiers payant tout d’abord. Les questions réelles de mise en œuvre technique ne sauraient servir de prétexte pour refuser l’application de ce nouveau droit. Les craintes d’inflation des soins ne sont pas fondées, comme l’ont démontré plusieurs études : il a ainsi été prouvé que l’élévation des plafonds des bénéficiaires de la CMU-C et de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS) n’a pas entraîné une surconsommation des soins des personnes qui entraient dans ces dispositifs.

L’appui aux centres de santé ensuite : ceux-ci jouent un rôle majeur dans les territoires en termes d’accès aux soins mais également de développement de la prévention et de l’éducation à la santé, en particulier en direction de nos concitoyens les plus fragiles. Le texte vise à renforcer leur place en permettant la transposition aux centres de santé des modes de rémunération prévus par les conventions des professionnels libéraux.

La lutte contre les refus de soins enfin. On sait que ceux-ci existent, notamment pour les patients bénéficiant de la CMU, CMU-C ou de l’Aide médicale d’État (AME). Il est temps de mettre en œuvre des dispositions permettant une objectivation et une lutte efficace contre ces pratiques. Il est très bien que l’article 19 s’empare du sujet, même si j’estime qu’il le fait de façon insuffisante et qu’il faudra très certainement aller plus loin. J’aurai l’occasion d’y revenir dans la suite de la discussion.

Mme Véronique Massonneau. Je partage, bien évidemment, les remarques de mon collègue Roumegas. Je présenterai plusieurs amendements afin d’enrichir le projet de loi, notamment en faveur des personnes en situation de handicap dont l’adaptation de nos parcours de soins ne tient pas toujours compte, en insistant notamment sur les spécificités qui sont les leurs.

Lutter contre les discriminations est un engagement des écologistes qui se traduira par des amendements pour mettre fin à certaines d’entre elles qui persistent envers les homosexuels et les personnes atteintes du sida – je pense aux dons du sang et aux soins funéraires.

Je défendrai aussi plusieurs propositions afin de renforcer la prise en charge de la lutte contre la douleur dans nos politiques de santé publique. J’espère ainsi renforcer la place des soins palliatifs qui doivent s’étendre à l’ensemble des professions médicales et mieux informer le public sur l’importance des directives anticipées en écho au texte qui vient d’être voté.

Je tiens enfin, madame la ministre, à vous faire part de ma satisfaction en apprenant l’initiative du Gouvernement de soutenir une modification de notre droit afin de reconnaître le droit à l’oubli, proposition qui figure parmi celles que nous défendons.

J’attends de ce débat un véritable dialogue et j’espère que nous saurons répondre aux attentes des personnels de santé, des usagers et de tous nos concitoyens et faire reculer, grâce à ce projet de loi, des inégalités qui sont d’autant plus insupportables qu’elles concernent la santé.

M. Fernand Siré. On ne fait pas la médecine sans les médecins. Sur le terrain, on s’aperçoit que les vieux médecins ne veulent plus exercer et qu’ils se dépêchent de cesser leur activité, que les jeunes médecins ne veulent plus s’installer, et que les étudiants en médecine sont très inquiets et peu motivés pour poursuivre leurs études. Qui plus est, à cause d’un numerus clausus totalement absurde, nos enfants qui ont vraiment la vocation sont obligés de partir faire leurs études en Roumanie, en Belgique ou en Espagne. Le système est complètement dépassé.

Si tout cela arrive, c’est à cause d’un manque total de confiance dans les politiques menées jusqu’à présent. Les conventions médicales n’ont été respectées par aucun gouvernement et le montant des honoraires est ridicule.

Cela fait très longtemps que le tiers payant est utilisé par les médecins pour les allocataires de la CMU, pour ceux qui bénéficient d’une prise en charge à 100 %, etc. Avant de préparer une loi sur la santé, il aurait fallu voir ce que les médecins proposaient. Mais cela n’a pas été le cas. Et vous essayez maintenant de négocier avec eux. Bref, vous avez fait les choses à l’envers. Vous ne ferez jamais un texte de loi sur la santé sans les médecins ni les autres professionnels de santé.

M. Denys Robiliard. Madame la ministre, lorsque j’ai vu arriver vos amendements, en bon Français qui se respecte, j’ai râlé. Mais quand on est dans l’opposition, je ne vois pas comment on peut à la fois mettre en avant les reproches que font les professionnels de santé à ce projet de loi et se plaindre que des amendements viennent concrétiser la reprise de la concertation dans le cadre des groupes de travail.

Le présent projet est intéressant en matière de prévention, de renforcement de la démocratie sanitaire et de lutte contre les inégalités.

S’agissant de la santé mentale, je me réjouis que l’article 13 réaffirme le secteur qui avait été contesté, notamment lors du vote de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) – quand on supprime deux tiers des occurrences du mot « secteur » dans le code de la santé publique, ce n’est pas un hasard… Le secteur reste nécessaire compte tenu de la chronicité de la maladie, de l’importance de ne pas déraciner le patient, de la nécessité de mobiliser des moyens médicaux mais aussi médico-sociaux et sociaux.

Au cours de la discussion, nous reviendrons sans doute sur la gouvernance du secteur, ou sur la question de la santé mentale dans le cadre du territoire de santé de façon plus générale, à travers la notion de Conseil local de santé mentale (CLSM) dans lequel sont représentés les usagers et présents les élus du territoire, ce qui est important pour mobiliser les moyens du droit commun et comme facteur de déstigmatisation en matière de santé mentale.

Enfin, je veux insister sur l’importance en matière psychiatrique des pratiques avancées, bien évidemment pour les infirmiers, mais peut-être également pour d’autres personnels.

M. Gérard Bapt. Contrairement à M. Siré, j’estime qu’une loi est nécessaire car il faut adapter notre législation – il n’y a pas eu de loi de santé publique depuis 2004 –, prendre en compte notamment la dimension nouvelle très prégnante de la santé environnementale et adapter notre offre de soins au virage ambulatoire.

Je souhaiterais, madame la ministre, vous interroger sur l’article 47 relatif à l’accès aux données de santé, encore communément appelées open data. C’est un des articles sur lesquels vous avez rouvert la concertation. Les amendements que vous proposez répondent amplement aux préoccupations dont je m’étais fait parfois le messager auprès de vos collaborateurs.

Je poserai deux questions précises.

Premièrement, le comité des experts sera-t-il situé dans l’Institut national des données de santé ou au sein du ministère ?

Ma seconde question vise à relayer une préoccupation de l’Association des journalistes de l’information sociale. Ces journalistes bénéficieront-ils toujours d’un accès aisé aux données compte tenu du caractère d’intérêt public de leurs fonctions, bien entendu dans le respect du code de déontologie journalistique et des règles imposées par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ?

M. Jacques Krabal. Je ne reviendrai pas sur l’excellente intervention de Mme Orliac au nom du groupe RRDP.

Mon propos concernera plus particulièrement l’article 4 et la lutte contre l’alcoolisme. Vous formulez des propositions qui s’appuient sur un constat édifiant : la consommation de vin a baissé tandis que les ivresses sont en hausse. Vous reconnaissez que la législation n’est peut-être pas adaptée. Mieux réprimer, condamner les infractions, protéger la jeunesse contre les addictions à travers un parcours éducatif de santé, par l’intermédiaire du Programme national nutrition santé (PNNS), autant de propositions intéressantes.

Pour autant, vous n’abordez pas la question de la publicité en faveur de l’alcool qu’il nous apparaît nécessaire aujourd’hui de remettre sur le métier. Il n’y a pas de sujets tabous, il faut faire bouger les choses, dites-vous ; et lorsque l’on voit les condamnations des journalistes qui traitent de l’œnotourisme alors qu’il s’agit du vin en tant que produit culturel, cela paraît effectivement s’imposer… Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas lutter contre l’alcoolisme, mais il ne faut surtout pas tout mélanger. L’œnotourisme, comme le disent Matthias Fekl, Laurent Fabius et Stéphane le Foll, est une forme de tourisme qu’il faut promouvoir. Nous défendrons donc un amendement qui vise à définir précisément ce qu’est la publicité au regard de la filière viti-vinicole. En même temps, le groupe RRDP a par ailleurs déposé un amendement tendant à promouvoir les jus de fruit et les jus de légume afin de développer les circuits courts.

M. Bernard Accoyer. Ce texte est un saut dangereux vers l’étatisation de notre système de santé avec notamment le tiers payant généralisé pour les médecins, l’étranglement de l’hospitalisation privée, le monopole donné à grands frais à l’hôpital public et le pouvoir exorbitant confié aux ARS.

Vous conduisez, madame la ministre, un véritable coup de force contre la quasi-unanimité des professionnels de santé, avec une procédure qui est une insulte aux professionnels, aux malades et aux parlementaires : faux-semblant de concertation, calendrier d’examen calé au lendemain même d’une manifestation majeure, procédure accélérée, cinquante amendements du Gouvernement déposés à la dernière minute.

Contre 90 % des médecins, vous voulez imposer le tiers payant à marche forcée. Un sondage annonçant la gratuité en quoi que ce soit sera toujours positif ; cela n’a pas de sens. Le tiers payant est ingérable pour les médecins – d’ailleurs, ceux-ci sont au bord de la désespérance. Il est coûteux pour l’assurance maladie par l’inflation de la consommation, comme on l’a observé lors de l’instauration du tiers payant en pharmacie. Il interdit les franchises, l’utilisation d’un ticket modérateur, bref tout mécanisme responsabilisant et permettant de maîtriser les dépenses de santé. Vous n’avez prévu aucun financement de ce dispositif.

Les attaques contre l’hospitalisation privée et les professionnels qui y exercent sont insupportables. Elles correspondent à votre volonté de donner un monopole à l’hôpital public. Quand vous aurez tué l’hospitalisation privée, où sera la liberté de choix, où sera la qualité des soins et comment pourrez-vous vous étonner des files d’attente ?

Madame la ministre, on ne réforme pas un domaine tel que la santé contre ceux qui en sont au cœur. Or tel est bien le cas de ce texte auquel nous ne pourrons que nous opposer.

M. Jean-Louis Bricout. Madame la ministre, un comité interministériel auquel vous avez assisté, consacré aux ruralités s’est tenu vendredi dernier à Laon dans mon département, l’Aisne, tant prisé d’ailleurs par le Front national. D’importantes mesures y ont été mises en œuvre afin de lutter contre les déserts médicaux.

Je voudrais saluer les médecins qui s’engagent, aux côtés des collectivités, dans les maisons de santé pluridisciplinaires, outil indispensable à la ruralité, ce qui prouve une certaine conscience territoriale. Le travail s’y effectue en réseau, on mutualise les moyens, on met en place de vrais projets de santé et des actions de prévention.

Pourtant, comment peut-on attirer des médecins dans des maisons de santé lorsqu’on est à proximité d’une zone franche, avec tous les avantages fiscaux qui en découlent ?

Pour aller plus loin en matière de services, il est nécessaire d’organiser des consultations avancées de spécialistes et même d’y installer la télémédecine, à condition d’avoir accès au haut débit. Comment comptez-vous mettre en place ces contrats entre les hôpitaux de proximité et les maisons de santé pour permettre des consultations avancées ?

Malgré cet outil qui paraît indispensable pour nos territoires, on peut se heurter au problème de fond du manque d’attractivité. Faut-il songer à des méthodes plus coercitives ? Pour ma part, je n’y suis pas favorable. Que pensez-vous d’un dispositif sur le modèle des anciennes écoles normales qui viserait à créer un ascenseur social permettant aux enfants des familles modestes de ces territoires d’accéder aux professions médicales tout en s’engageant à exercer sur le territoire ?

Mme Annie Le Houerou. À mon tour, je tiens à vous féliciter, madame la ministre, pour le travail que vous avez réalisé depuis plusieurs mois avec votre ministère, mais également les parlementaires. Ce texte très attendu est riche et dense.

Ce travail a permis de rechercher les meilleures réponses aux objectifs que vous avez cités dans votre présentation, aux enjeux de la promotion de la santé mais aussi aux défis à relever de l’accessibilité aux soins et aux services de prévention pour tous. Tenez bon sur le tiers payant, les Français vous soutiennent ! Quand j’entends les députés de l’opposition parler de mesure qui déresponsabiliserait les patients, je ne comprends pas : ce sont les médecins qui prescrivent, et eux seuls sont les prescripteurs.

Je m’interroge toutefois – mais je ne demande qu’à être convaincue – sur la pertinence de vos propositions pour résoudre le problème du manque de médecins et plus largement de personnels de santé dans certains territoires. C’est une angoisse pour de nombreux habitants de ma circonscription qui n’ont plus de médecin traitant, et la moyenne d’âge des médecins est élevée.

S’agissant de l’exercice de la médecine en zone sous-dense, vous avez pris de bonnes mesures mais je crains que, sans politique plus volontariste de formation, d’obligation de stage en zone sous-dense, nous ayons du mal à bien répartir l’offre de soins en fonction des besoins et les maisons de santé resteront dépourvues de médecins.

Toujours sur cette question des zones géographiques dépourvues d’un nombre suffisant de professionnels de santé spécialisés, vous proposez de développer des coopérations entre les établissements de santé et les groupements hospitaliers de territoire. Ceux-ci sont incontournables. Cette coopération et importante, y compris avec les établissements médico-sociaux, mais je ne souhaite pas que cet objectif de mutualisation des équipes et des outils se traduise par une centralisation de tous les services autour d’un seul pôle de référence au détriment d’une bonne répartition de l’offre sur le territoire, accentuant encore les déserts médicaux. Le développement de l’ambulatoire va aussi de pair avec un bon maillage sur le territoire.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je tiens à saluer le travail qui a permis d’avancer sur ce texte très attendu et qui répond à de nombreuses et très fortes demandes.

J’aborderai deux sujets.

Le premier concerne les parcours de santé scolaire qui proposent des actions ciblées sur les problématiques de santé. C’est une première étape dans le parcours de santé qui permettra de lutter contre les inégalités dès le plus jeune âge. Je veux insister sur l’importance de mettre en place des dépistages le plus tôt possible, afin d’éviter des handicaps et des pathologies quelques années plus tard. Comment s’organiseront les concertations et les coopérations dans les territoires entre les différents acteurs, en particulier avec l’éducation nationale ?

Le second concerne l’amélioration de l’accès aux soins des personnes handicapées, suite au rapport de Pascal Jacob qui vous a été remis l’année dernière. Quelles missions seront confiées aux ARS pour que la logique de parcours soit privilégiée en associant secteur sanitaire et médico-social afin d’éviter les ruptures, les retards ou les renoncements aux soins ? Un certain nombre d’amendements reviendront sur ces sujets, mais aussi sur d’autres, qui compléteront ainsi les propositions de ce texte.

M. Dominique Tian. Les cinquante-sept articles de ce projet de loi sont rejetés par les professionnels de santé alors que c’est un système conventionnel. Les 40 000 personnes qui ont manifesté dimanche dernier ont bien montré que le monde médical ne voulait pas de votre texte.

La généralisation du tiers payant représenterait une mise sous tutelle des médecins libéraux. Cette décision est d’autant plus absurde que les populations fragiles, en l’occurrence les allocataires de la CMU et de l’ACS, bénéficient déjà du tiers payant. Les médecins ont raison de s’inquiéter d’une telle décision. On est parfaitement soigné en France, même quand on n’a pas de revenus.

Les hôpitaux vont voir leur prix de journée baisser de 1 % dans quelques jours et les cliniques de 2,5 %. Beaucoup d’hôpitaux vont donc voir leur situation s’aggraver et beaucoup de cliniques seront carrément en péril. Autrement dit, une grande casse va se produire dans le monde de la santé. Cette situation est vécue difficilement par les professionnels.

L’article 34 montre bien vos incohérences. Vous proposez l’introduction d’une plus grande transparence dans le recrutement des praticiens temporaires en plafonnant leur rémunération. Le but, dites-vous, est de limiter le coût de l’intérim médical à l’hôpital, ce qui veut dire que vous allez empêcher le recrutement des médecins. Pourquoi avoir pris cette décision absurde de renoncer au jour de carence qui avait permis, aux dires mêmes des directeurs d’hôpitaux publics, d’économiser 70 millions d’euros ? Cette maltraitance des établissements publics et privés de notre pays et les mesures absurdes que vous prenez laissent augurer une situation extrêmement difficile dans les mois qui viennent.

M. Christian Hutin. Mon intervention est empreinte d’un certain nombre de discussions que j’ai pu avoir avec mes confrères.

Un certain nombre de médecins pratiquent le refus de soins, et c’est dramatique. Je ne pense pas qu’ils fassent partie de la majorité du genre, comme eût dit Michel Audiard dans les films où l’on fumait beaucoup, mais ils existent.

Il y a aussi des médecins, et ils sont plus nombreux qu’on le croit, qui pratiquent les actes gratuits. Or on a tendance à les oublier totalement alors que c’est une pratique traditionnelle, et même un usage en médecine. Ces actes gratuits sont réalisés quand le patient n’a pas les moyens de payer ou lorsque le médecin considère que son acte ne mérite pas paiement – et c’est tout à son honneur – ou qu’il est pris d’un délire hippocratique, ce qui peut encore arriver.

Autrefois, ces actes étaient répertoriés par les caisses d’assurance maladie car le médecin écrivait sur la feuille de soins papier « acte gratuit ». Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Pourtant, il me paraît essentiel de répertorier ces actes gratuits, ne serait-ce que pour en avoir connaissance en matière de santé publique et pour la reconnaissance du travail d’un médecin et ses qualités professionnelles et humaines.

Aussi, j’ai déposé un amendement visant à ce que le relevé SNIR, système national inter-régimes, que reçoivent les médecins comptabilise les actes gratuits. Il ne s’agit pas de rechercher une récompense, mais une connaissance. Il faut savoir que toutes les études sont complètement faussées car 80 % des certificats médicaux sont délivrés sans acte médical. Un clic pour être payé, oui, mais un « clic hippocratique » pour les actes gratuits ce serait bien aussi.

Mme la ministre. Je vais commencer par répondre aux interpellations politiques, car la santé est bel et bien un sujet politique.

La question de l’organisation de notre système de soins, la manière dont nous prenons en charge la situation de nos concitoyens sont des enjeux éminemment politiques. C’est parce que notre système de santé a besoin d’être modernisé que ce projet de loi vous est proposé. D’ailleurs, un amendement vous sera présenté afin d’en modifier le titre qui deviendrait « projet de loi de modernisation de notre système de santé » : ainsi les enjeux apparaîtront clairement et de manière identifiée.

Je comprends qu’il y ait des discussions car nous pouvons avoir des appréciations différentes. Au sein même d’une famille politique, la manière de hiérarchiser les priorités peut varier. Mais il est une chose que je comprends mal : le ton sur lequel certaines contestations sont formulées. Je veux bien que des excuses me soient faites ici. Mais quand on a une responsabilité en tant que parlementaire ou, en tant que professionnel de santé, à l’égard de ses patients, il y a des formulations, des slogans, des banderoles à éviter. Je reçois les professionnels de santé. Ceux avec lesquels j’échange, je parle sont des femmes et des hommes qui défendent des idées, des perspectives. À l’exception de quelques-uns, leur discours est mesuré. Je ne vois pas ce que nous avons à gagner à employer des formulations dont la violence qui me sidère. Si un responsable gouvernemental se permettait le dixième, le centième de la virulence des propos qui sont tenus à mon égard, on dirait qu’il perd le nord, qu’il perd le sens des responsabilités, que la responsabilité d’un ministre impose de ne pas insulter, de ne pas ajouter de la violence à l’inquiétude, de ne pas ajouter des reproches ou des formulations inadaptées au débat de fond. Et l’on aurait raison.

Pour ma part, je me suis toujours obligée à la plus grande retenue. Par moments, je me suis demandé comment il était possible d’employer certaines formulations. Certains courriels qui ont été adressés étaient d’une virulence qui renvoie à des époques que l’on croyait révolues ou à des démarches partisanes que l’on ne voudrait plus jamais revoir.

Jusqu’à présent, je ne me suis pas exprimée sur ce point. Si je le fais maintenant, c’est que, parfois, la coupe est pleine. Je tourne la page. Je me suis exprimée avec de la colère. Par moments, j’ai aussi ressenti une forme d’émotion. Car, au fond, qui sont ceux qui se permettent de parler de moi de cette manière ? J’ai droit, en tant que personne, en tant que femme, en tant que ministre, au respect, comme toute personne y a droit dans ce pays. (Applaudissements.)

J’ai beau être décrite comme froide et glaciale, imperméable à tout ce qui se dit, à tout ce qui s’écrit, je ne suis ni imperméable, ni sourde, ni aveugle sur ce qui circule, se dit et se fait dans les manifestations. Lorsque cela gagne le Parlement, j’en suis estomaquée, même si je prends acte des excuses qui me sont adressées.

Revenons maintenant au fond du débat.

Certains s’interrogent sur la cohérence de ce projet de loi. Je réaffirme que l’on ne peut pas y trouver l’ensemble des dispositions qui peuvent, à un moment ou un autre, se rattacher aux enjeux de santé. D’abord parce que son organisation, sa structuration doit nous donner le plus de leviers possible pour faire reculer les inégalités de santé et d’accès aux soins. Le premier levier, et vous avez été nombreux à le dire, c’est la prévention. Et c’est la raison pour laquelle la prévention figure dans le titre premier.

La deuxième manière de faire reculer les inégalités de santé, c’est de garantir l’accès à des soins de proximité, ce qui implique de les réorganiser pour que le médecin traitant soit la porte d’entrée de notre dispositif et que l’accès à ce médecin traitant ne soit pas entravé par des obstacles, y compris financiers. D’où des mesures de réorganisation territoriale et de garanties d’accès financier aux professionnels de santé.

Faire reculer les inégalités, c’est aussi valoriser, favoriser – les deux mots sont valables et s’ajoutent – les droits des patients, les droits des représentants des patients, d’où des mesures de démocratie sanitaire.

C’est cela, je le répète, la cohérence de cette loi. Et si certaines mesures n’y figurent pas, c’est qu’elles ne s’inscrivent pas dans cette démarche centrale, ou qu’elles sont de nature réglementaire. C’est le cas du statut des sages-femmes, monsieur Dord : le décret relatif à l’organisation du nouveau statut des sages-femmes a été publié. Il ne manque qu’un volet, celui qui organise les fonctions d’encadrement auxquelles pourront accéder certaines sages-femmes. Il avait été annoncé et les dispositions vont être prises prochainement.

J’ai, une fois de plus, entendu l’opposition reprocher au Gouvernement de dépenser sans compter, d’engager des mesures irresponsables sur le plan financier. On nous propose de revoir la carte hospitalière – ce qui, en français courant, veut dire supprimer des hôpitaux de proximité ou des plateaux techniques. Il faut que ceux qui défendent ce genre de mesures, monsieur Richard, les assument : « refondre la carte hospitalière de manière plus vigoureuse » signifie supprimer des capacités à l’hôpital. Et c’est là un choix que nous ne faisons pas.

À ceux qui me disent que le Gouvernement propose des mesures qui entraînent des dépenses supplémentaires, ou qui voudraient introduire dans le texte des dispositions à caractère financier, je rappelle que ce projet de loi n’est pas une loi de financement de la sécurité sociale. Cela étant, je soutiens que l’on peut moderniser, réformer, améliorer les droits de nos concitoyens tout en faisant diminuer le déficit de la sécurité sociale. Je vous ai dit tout à l’heure que les chiffres seraient bons ; très concrètement, les dépenses d’assurance maladie devraient sans doute être inférieures de 300 millions à ce qui avait été envisagé, alors que nous n’avons renoncé à aucune mesure, que nous avons garanti une meilleure prise en charge des patients à travers le remboursement de l’hépatite C, mis en place des dispositifs améliorant la santé des femmes notamment, qui ont exigé des financements complémentaires, et garanti nos structures hospitalières. De manière générale, le déficit de la sécurité sociale va repasser sous la barre des 10 milliards d’euros, ce que nous n’espérions pas nécessairement en préparant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année prochaine. Ce sont des bonnes nouvelles alors que, dans le même temps, nous avons mis en place des mesures positives en direction de la population.

Que me propose l’UMP ? M. Door, de manière très courtoise, comme il le fait toujours, s’est déclaré d’accord pour transformer un certain nombre de choses, mais contre la réorganisation territoriale, contre la généralisation du tiers payant, contre une partie des mesures de prévention. On se demande donc ce qu’il reste… Si ce n’est pas de l’immobilisme ou du refus de toute réforme, je ne sais pas ce que c’est. Je regrette qu’en dehors de mesures visant à supprimer une partie des hôpitaux ou des services hospitaliers, l’opposition n’ait fait aucune proposition tendant à améliorer la prise en charge et la santé de nos concitoyens.

Les autres interpellations que j’ai entendues portaient principalement sur la prévention et l’organisation des soins et les droits des patients en matière de données de santé. Je n’ai, sauf erreur de ma part, entendu aucune remise en cause majeure de la partie « démocratie sanitaire ».

Madame Orliac, le système de santé repose en effet sur le triptyque : usager, professionnel, établissement. Je ne sais pas si l’on peut présenter les choses uniquement de cette façon, mais la loi est faite pour les usagers, elle ne peut pas se faire sans les professionnels, ce qui suppose aussi une évolution des pratiques des professionnels. La loi doit se faire également dans la reconnaissance de la diversité des modes d’exercice. C’est ce que j’entends derrière le terme « établissement » : établissements publics, établissements privés, pratique libérale, pratique publique. Cette diversité des pratiques doit rester une réalité d’avenir pour les jeunes générations. Il n’est pas question, je le répète, de remettre en cause l’exercice libéral. Au contraire, le titre II a pour ambition de favoriser et de renforcer l’exercice libéral de premier recours dans nos territoires. Quant à la réaffirmation du service public hospitalier, elle ne peut en aucun cas être interprétée comme une négation du service rendu par les établissements privés. Des obligations particulières pèsent sur les épaules, si j’ose dire, du service public hospitalier ; il est normal de le reconnaître. Mais pour le reste, il n’y a aucune remise en cause des établissements privés.

Au demeurant, la préoccupation avancée par les représentants de la fédération des établissements privés ne porte pas sur le projet de loi en lui-même, puisque celui-ci va jusqu’à affirmer, ce qui jusqu’à présent n’était pas fait, que l’appartenance au service public hospitalier ne conditionne pas l’accès à des autorisations de soins ou de matériels. Je comprends que le débat porte sur les tarifs hospitaliers et sur la différence des tarifs hospitaliers ; il me paraît légitime, je le redis, que les baisses de cotisations sociales dont bénéficient les établissements privés au titre du pacte de responsabilité et du CICE soient répercutées dans les tarifs pratiqués – on ne me fera pas croire que les établissements de soins sont en compétition avec des établissements à l’étranger, alors que les baisses de cotisations avaient pour but de favoriser la compétitivité de nos entreprises sur le marché international et sur le marché national face à des concurrents étrangers qui pourraient bénéficier de situations plus favorables. Grâce à cette politique, même si certains ici la contestent, notre niveau de compétitivité est redevenu équivalent à celui de l’Allemagne ; mais cet enjeu de compétitivité ne peut évidemment être invoqué pour les cliniques privées. Les tarifs de départ étant strictement équivalents pour l’hôpital public et pour les cliniques privées, il était logique que les baisses de cotisations dont celles-ci auront bénéficié donnent lieu à compensation. Si nous les avions répercutés intégralement et immédiatement, on aurait abouti à une diminution supplémentaire de 1,76 % du prix de journée ; nous l’avons limitée à 1,5 %. Si les établissements privés contestent cette démarche, c’est à regretter d’avoir cherché à l’étaler dans le temps !

S’agissant de la prévention, je suis d’accord, madame Orliac, pour que soit mieux identifié le parcours de l’enfant. Le lien avec le parcours éducatif est l’une des portes d’entrée de la loi. C’est, entre autres, ce qui explique que certaines mesures de prévention figurent dans la loi tandis que d’autres n’y sont pas : l’idée de départ est qu’il faut donner le plus de chances possible aux enfants et aux jeunes en cherchant à améliorer leurs conditions de vie et d’environnement dès le plus jeune âge.

Comme je l’ai dit lors de la conférence environnementale, la notion d’exposome me paraît plus qu’intéressante en ce qu’elle représente un changement de perspectives et amène à réfléchir, à penser différemment la manière dont s’articulent les relations entre des facteurs environnementaux et la prise en charge sanitaire. Je vous confirme donc que je suis favorable à ce que la notion d’exposome et sa prise en compte implique figurent dans la loi, en particulier pour ce qui touche à la composition d’un certain nombre de produits en direction des enfants. La question de la présence de certains produits dans les jouets, bisphénol A et autres, a été évoquée. Je considère que tout ce que vient améliorer, favoriser l’environnement des enfants est doublement nécessaire. Les enfants doivent être protégés encore plus que les autres car on sait qu’ils accumulent un certain nombre de facteurs de risques dès le plus jeune âge.

Je suis sensible à la préoccupation exprimée par M. Sebaoun sur la médecine du travail. L’amendement qui introduisait la réorganisation ou les évolutions de la médecine du travail sera retiré afin de répondre à sa demande.

Je vois bien comment la question de l’alcool pourrait donner lieu à une avalanche d’interventions, d’interpellations, d’amendements dans tous les sens : il y aura ceux qui voudront durcir la réglementation actuelle et ceux qui voudront l’adapter, autrement dit l’assouplir… Je veux vous livrer la position que j’aimerais qui prévale lors de la discussion, en laissant de côté la question ultramarine, tout à fait spécifique. L’équilibre réglementaire doit être absolument préservé : on ne comprendrait pas ce qui serait perçu comme un assouplissement. Si le texte prévoit deux grandes avancées en ce qui concerne les plans globaux de santé publique s’agissant du tabac et la lutte contre l’obésité, il ne comporte aucune disposition tendant à durcir la réglementation sur l’alcool, si ce n’est sur un point : le phénomène de l’alcoolisation rapide excessive des jeunes, tout à fait préoccupant. Le texte propose des mesures spécifiques qui paraissent rassembler assez largement les parlementaires. C’est cela qui est mis en débat, rien d’autre.

Un mot sur le tabac. Certains amendements étaient attendus depuis longtemps. Lorsque j’ai présenté le programme national de réduction du tabagisme, j’avais indiqué que les articles législatifs qui le composent figureraient dans la loi de santé. D’ailleurs, j’ai vu que certains amendements visent à supprimer certaines mesures de lutte contre le tabac. Il faudra bien à un moment ou un autre que chacun assume ses responsabilités vis-à-vis des jeunes et des moins jeunes générations, sachant que l’enjeu est de leur éviter d’entrer dans le tabac, et de tout faire pour que ceux qui fument puissent en sortir. Lorsque l’on sait que chaque année 73 000 personnes meurent à cause du tabac, donner le sentiment que l’on peut aménager, adoucir, assouplir les règles en la matière ne me semble pas de bonne politique.

Mme Orphé a mis en avant plusieurs demandes pour l’outre-mer, notamment dans le domaine de la prévention. Un article d’habilitation prévoit, bien sûr, d’adapter aux territoires ultramarins les dispositions de la loi. Je réaffirme par ailleurs mon engagement et celui de la ministre chargée des outre-mer quant à la mise en place d’une stratégie nationale de santé spécifique à l’outre-mer. Le travail a été engagé et il se poursuivra. Je serai attentive, tout au long de la discussion, à ce que des amendements spécifiques puissent trouver dès maintenant leur place dans la loi afin de répondre à des préoccupations immédiates.

Madame Coutelle, le projet de loi comporte des dispositions spécifiques en direction des femmes, notamment pour ce qui touche à la contraception d’urgence. J’appelle votre attention sur le fait qu’il est souhaitable de ne pas faire des propositions qui aboutiraient à multiplier des évaluations ou des approches catégorie par catégorie. Les femmes ne sont pas une catégorie. Nous disposons déjà d’analyses statistiques sur la situation des femmes par rapport à celle des hommes en matière de santé ; j’appelle à ne pas alourdir chaque article ou chaque démarche en introduisant systématiquement une classification homme-femme. Par définition, il s’agit d’une démarche transversale qui est portée par les politiques publiques.

Plusieurs interventions ont porté sur l’organisation dans les territoires. Un orateur a indiqué ne pas comprendre l’organisation que je propose. Je ne dis pas qu’elle est simple, mais elle vient bouleverser la réalité d’aujourd’hui. Actuellement, le système est structuré autour de l’hôpital, ce qui a constitué l’une des grandes avancées du système de santé français que nous devons conserver pour ce qu’il est : il s’agit de définir un premier recours, un deuxième recours et un troisième recours, même si les choses ne sont pas nécessairement inscrites avec ces mots-là.

Nous devons faire en sorte que le premier recours soit clairement identifié : c’est le médecin traitant, principalement le médecin généraliste, avec les équipes de soins primaires. La coopération entre le médecin généraliste et les professions paramédicales est le centre de notre dispositif. Bien sûr, ils travaillent intimement, si j’ose dire, avec le deuxième recours que sont les médecins spécialistes auxquels sont adressés les patients et avec lesquels les médecins de premier recours travaillent très régulièrement. L’hôpital, amené lui-même à se structurer pour tenir compte des réalités de territoire, ne doit pas être la porte d’entrée première. C’est en quelque sorte le troisième recours : on se rend à l’hôpital en cas d’urgence réelle et lorsqu’on présente des pathologies qui ne peuvent pas être prises en charge par les médecins libéraux en ambulatoire. Le tiers payant a aussi pour but de faire en sorte que les femmes et des hommes ne soient plus incités à aller aux urgences pour ne pas faire l’avance des frais, et qu’ils soient orientés dorénavant vers leur médecin de premier recours.

Cette organisation des soins se trouvera structurée avec d’un côté les communautés hospitalières de santé dans les territoires, et de l’autre les groupements hospitaliers de territoire. Ces derniers, les GHT ont pour ambition de faire travailler ensemble des établissements hospitaliers qui interviennent sur un même territoire de santé à partir d’un projet de santé structuré. Il s’agit de favoriser les coopérations entre ces établissements, de faire en sorte que l’on puisse, là encore, identifier l’hôpital de proximité, l’établissement de premier recours si j’ose dire, qui est essentiel, notamment dans les territoires ruraux, comme j’ai eu l’occasion de le dire il y a quelques jours dans le département de l’Aisne ; nous avons absolument besoin de ces hôpitaux de proximité, qui restent des établissements de premier recours où personne ne s’attend à trouver des plateaux techniques comparables à ceux des établissements hospitalo-universitaires. Ce sont deux réalités différentes.

Les groupements hospitaliers de territoire améliorent l’organisation du système de soins. Madame Fraysse, il ne s’agit pas d’un enjeu financier mais d’organisation territoriale. Dès lors que la référence de l’organisation est le territoire, il est normal que cela vaille à la fois pour les soins ambulatoires et les soins hospitaliers. Et c’est là qu’interviennent les agences régionales de santé (ARS).

Que ceux qui ont toujours été opposés aux ARS continuent de l’être, c’est normal, c’est cohérent. Mais lorsque ceux qui les ont proposées expliquent maintenant que les ARS sont le bras armé de l’étatisation du système de santé, j’ai un peu de mal à comprendre ! Je rappelle que c’est la majorité précédente qui a créé les ARS – ce qui me pose d’autant moins de difficulté que c’est le seul chapitre de cette loi que nous avons approuvé. Les agences régionales de santé doivent permettre une meilleure organisation dans les territoires de l’offre de soins. Il s’agit maintenant de faire évoluer ces agences qui existent depuis six ans – elles ont bientôt l’âge de raison – pour tenir compte de l’évolution de notre système de santé. Les ARS sont en quelque sorte les animatrices des territoires et elles n’ont à intervenir qu’en cas de défaillance d’une offre de soins : elles sont là pour s’assurer que l’égalité de l’offre de soins est bien respectée sur le territoire. Mais la réécriture de l’article 12 a précisément pour but de lever toute ambiguïté sur le sujet : l’organisation des soins sur le territoire ne vient pas des agences régionales de santé, mais des professionnels eux-mêmes. Il appartient aux ARS pour ce qui est de leur responsabilité, en lien avec l’assurance maladie pour ce qui est de sa responsabilité et du réseau des caisses primaires, de garantir que l’offre de soins est équilibrée, bien répartie sur les territoires. Les maisons de santé sont créées en lien avec les ARS qui apportent des financements avec les collectivités – la région, le conseil général, parfois les communautés de communes –, et l’assurance maladie. Si deux projets de maisons de santé se montent à cinq kilomètres de distance, il est normal que l’agence régionale de santé demande à leurs promoteurs de réfléchir à leur articulation : c’est cela, le rôle d’animateur du territoire. J’ai souhaité, à travers la nouvelle rédaction de l’article 12 que je propose, désamorcer les inquiétudes qui ont pu se faire jour à ce sujet.

Madame la présidente, étant donné l’heure, je me propose de répondre aux orateurs sur les données de santé lors de la prochaine séance.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ce sera parfait, madame la ministre.

La séance est levée à vingt heures.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 17 mars 2015 à 17 heures

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, Mme Véronique Besse, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Sylviane Bulteau, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, M. Philip Cordery, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, M. Richard Ferrand, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Patrick Gille, Mme Sandrine Hurel, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, Mme Chaynesse Khirouni, M. Jacques Krabal, Mme Bernadette Laclais, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, Mme Geneviève Levy, M. Michel Liebgott, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Dominique Orliac, Mme Monique Orphé, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. Olivier Véran

Excusés. – Mme Gisèle Biémouret, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Michel Issindou, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Laurent Marcangeli, Mme Bérengère Poletti, M. Christophe Sirugue, M. Jonas Tahuaitu, M. Jean Jacques Vlody

Assistaient également à la réunion. – M. Éric Alauzet, M. Jean-Louis Bricout, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Catherine Coutelle, M. Alain Fauré, M. Christian Paul, Mme Catherine Quéré