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Commission des affaires sociales

Mercredi 10 juin 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 52

Présidence de Mme Martine Carrillon-Couvreur, Vice-Présidente

– Audition, en application de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique, de Mme Claire Compagnon, dont la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est envisagée par le Gouvernement

– Informations relatives à la Commission 17

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 10 juin 2015

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Martine Carrillon-Couvreur, vice-présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales entend, en application de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique, Mme Claire Compagnon, dont la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est envisagée par le Gouvernement.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente. Nous allons auditionner aujourd’hui Mme Claire Compagnon, dont la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est envisagée par le Gouvernement et à qui je souhaite la bienvenue.

Cette audition intervient en application de l’article L 1451-1 du code de la santé publique. En effet, l’ONIAM fait partie des neuf organismes dont les présidents, directeurs généraux et directeurs doivent être auditionnés par le Parlement – en l’espèce les commissions des affaires sociales des deux assemblées – avant leur nomination.

Nous ne sommes pas dans le cadre de la procédure de mise en œuvre de l’article 13 de la Constitution : il ne s’agit donc que d’une simple audition et non pas d’un avis demandé aux commissions compétentes. C’est pourquoi cette audition ne sera pas suivie d’un vote.

Je rappellerai brièvement que l’ONIAM est un établissement public administratif de l’État (EPA), placé sous tutelle du ministère de la santé. Il est chargé de l’indemnisation au titre de la solidarité nationale des dommages occasionnés par la survenue d’un accident médical, d’une affection iatrogène.

L’Office est également chargé de la réparation de plusieurs types de dommages, et notamment ceux directement imputables à une vaccination obligatoire, ou encore de l’indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus d’immunodéficience humaine, de l’indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l’hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang.

Mme Compagnon nous a fait parvenir son curriculum vitae qui est en distribution dans cette salle, je lui laisse la parole.

Mme Claire Compagnon. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, c’est un honneur pour moi d’être proposée pour la présidence de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et de me trouver devant votre Commission.

Je suis également très honorée de la confiance que me témoigne la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en me proposant d’exercer cette fonction.

Avant de vous exposer les priorités que je souhaite mettre en œuvre au sein de l’ONIAM, j’aimerais vous présenter mon parcours, vous expliquer mon intérêt pour cette institution et les raisons qui me conduisent à penser que mon expérience pourrait être utile à l’exercice de la fonction de présidente de son conseil d’administration.

C’est par la lutte contre le sida que je suis véritablement entrée dans la santé publique. Je suis arrivée en 1990 à la direction de l’association AIDES qui avait été créée en 1984. Dès le départ, le combat a porté, bien évidemment, sur le sida mais il s’agissait aussi d’un combat politique global pour changer en profondeur le système de santé et les pratiques sociales y afférentes. Durant toutes ces années, nous avons beaucoup travaillé et souffert. J’ai appris une chose que personne ne vous apprend jamais, surtout sur un lieu de travail : à composer avec des personnes malades, à les accompagner, à écouter, à reconnaître leurs capacités et à accepter qu’elles me parlent de leur mort prochaine.

C’est à AIDES aussi que j’ai rencontré, pour la première fois, les victimes de la contamination transfusionnelle. Je voudrais ici saluer en particulier les personnes hémophiles, notamment Edmond-Luc Henry.

Après AIDES, j’ai fait le choix de m’investir, en 1997, auprès d’une autre association : la Ligue contre le cancer. Très vite, j’ai proposé d’organiser les premiers états généraux des malades atteints de cancer. Les états généraux de la santé ne s’étaient pas encore tenus ; Bernard Kouchner les lancera quelques mois plus tard. Avec ces états généraux des malades atteints de cancer, il s’agissait d’initier une démarche participative de la part de malades et de proches.

Il s’était écoulé soixante-six ans entre la création de la Ligue contre le cancer en 1918 et celle de l’association AIDES en 1984. Jusque-là, personne n’avait eu cette double écoute entre sida et cancer. Personne n’avait fait le lien entre ces deux paroles. Elles étaient les mêmes ; il fallait qu’elles agissent dans la même direction. Cette mise en commun serait bénéfique à tous pour mieux parvenir à changer les pratiques soignantes et sociales.

Ces premiers états généraux des malades atteints de cancer ont été l’occasion de deux innovations au moins : pour la première fois, on a entendu ce qu’avaient à dire les personnes malades du cancer, elles ont dit et décrit ce qu’elles avaient vécu, ce qu’elles vivaient ; et pour la première fois, on a pu prendre toute la mesure des enjeux posés par cette maladie, les enjeux relationnels avec l’entourage, la famille, le conjoint, les enfants, les parents, mais aussi les enjeux professionnels, sociaux, économiques, assurantiels etc.

L’un des premiers aboutissements de tous ces travaux fut, pour les représentants associatifs, la préparation du projet de loi qui allait devenir la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

Ces états généraux ont contribué également à l’émergence d’une politique nationale de lutte contre le cancer en France avec les premiers plans cancer et ceux qui suivront.

Avec l’ensemble de ces travaux que j’ai conduits au cours de ces années – je pourrais également citer le travail que j’ai effectué pour la Haute autorité de santé sur la maltraitance ordinaire dans les établissements de santé – la question qui s’est posée à moi et qui continue à traverser mon itinéraire personnel et professionnel est comment transformer le poids de la parole individuelle des personnes malades pour œuvrer à des changements plus collectifs.

C’est toujours dans la suite de ces engagements collectifs que j’ai remis, au mois de février 2014, un rapport à Marisol Touraine sur le développement de la place des usagers et de leurs représentants dans le système de santé intitulé « Pour un An II de la démocratie sanitaire ». Ce rapport contenait neuf propositions dont certaines – et je vous en remercie – figurent dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé que vous avez adopté en première lecture le 14 avril dernier.

Tout récemment, j’ai eu l’immense honneur d’être nommée inspectrice générale des affaires sociales et ainsi de rejoindre ce corps de contrôle interministériel du secteur social. Vous le savez, il traite de sujets touchant la vie de tous les citoyens : emploi, travail et formation, santé, action sociale et politique familiale, systèmes de couverture sociale publics ou privés. J’espère pouvoir ainsi continuer à servir l’intérêt général.

J’aborderai maintenant plus spécifiquement les missions pour lesquelles vous avez demandé à m’entendre.

Vous le savez, jusqu’en 2002 la question générale de l’indemnisation des accidents médicaux et des infections nosocomiales est restée mal résolue. La procédure juridictionnelle était longue, coûteuse et difficile. Avec la loi du 4 mars 2002, un régime global d’indemnisation des accidents médicaux a été mis en place avec la prise en considération de l’ensemble des risques iatrogènes du système de santé et la reconnaissance de l’aléa thérapeutique ou médical qui, lorsqu’il est à l’origine de dommages graves, ouvre droit à une indemnisation par la collectivité nationale. Ce dispositif offre une alternative au procès, tout en laissant libre la victime de saisir le juge ou la commission de conciliation et d’indemnisation selon la voie privilégiée.

Bien évidemment, au vu du parcours qui est le mien, je serai très vigilante au maintien d’une démocratie sanitaire vivante qui permet d’associer toutes les parties prenantes, tant pour les décisions d’indemnisation amiable des accidents médicaux au sein des commissions de conciliation et d’indemnisation (CCI) que dans la gouvernance de l’institution. Ainsi, le conseil d’administration et le conseil d’orientation de l’ONIAM comprennent des représentants des associations de victimes, des représentants des établissements et des professionnels de santé.

Mais ce travail ne pourrait exister sans l’apport majeur des équipes de l’ONIAM et des CCI. Ces professionnels sont garants d’une expertise de qualité dans le respect des dispositions légales. Les décisions rendues au bénéfice des patients sont le produit de ces deux légitimités juridique et démocratique.

Après un peu plus de dix ans d’activité de l’Office, je crois pouvoir dire qu’il remplit ses missions en matière d’indemnisation des accidents médicaux. La moitié des litiges relatifs aux accidents médicaux sont désormais portés devant le dispositif d’indemnisation amiable, le reste l’étant devant les juridictions. 95 % des offres d’indemnisation sont acceptées par les victimes et 85 % des contentieux auxquels l’Office est partie sont tranchés en sa faveur.

Depuis 2002, l’ONIAM s’est vu confier d’autres missions : la réparation des dommages imputables aux vaccinations obligatoires ou à des mesures sanitaires d’urgence, ainsi que l’indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le VIH ou par le VHC par voie transfusionnelle. Enfin, en 2011 l’Office a été chargé d’instruire les demandes d’indemnisation des dommages imputables au Mediator.

Face à l’élargissement de ses missions, je veillerai, dans le respect du projet d’établissement de l’Office et des CCI : premièrement, à ce que toutes les demandes soient traitées avec une exigence de qualité – cela me semble prioritaire et non négociable ; deuxièmement, à montrer une forte implication dans l’accueil des victimes. Les personnes qui sollicitent une indemnisation sont dans une situation difficile et de grandes fragilités, tant sur le plan physique et psychologique. Il est essentiel que les agents de l’ONIAM et des CCI fassent preuve d’empathie et de disponibilité ; troisièmement, à réduire au maximum le délai de traitement des demandes. En la matière, des progrès notables ont été réalisés. Je sais que cette question est complexe et qu’elle génère pour les équipes beaucoup de tension, mais nous devons y veiller quotidiennement. Enfin, je ne peux oublier, dans cette période de tension budgétaire, de rechercher la meilleure efficience dans l’utilisation des moyens publics.

Il est important de mieux faire connaître le dispositif, car plus de dix ans après sa création, il reste encore trop méconnu, et d’améliorer la qualité de nos relations avec l’environnement. Érik Rance, son directeur général, s’y est attelé de manière importante. II faut poursuivre ce mouvement et d’abord promouvoir la connaissance du dispositif de façon quantitative. Les établissements de santé connaissent généralement l’existence de l’ONIAM et des CCI. En revanche, les professionnels de santé ne savent pas toujours qu’il est possible de recourir à un dispositif d’indemnisation amiable. Plus largement, la population ne connaît pas nécessairement ces sigles qui sont certes un peu abscons.

Il convient également de mieux faire connaître l’ONIAM et les CCI de façon qualitative. Parmi les demandes d’indemnisation qui ont été adressées au titre du Mediator, beaucoup concernent des pathologies qui ne sont pas imputables à ce médicament. De même, deux tiers des dossiers soumis aux CCI sont déclarés irrecevables car ils n’atteignent pas le seuil de gravité requis que le législateur a fixé, en souhaitant que le dispositif soit dédié aux accidents médicaux les plus graves.

Nous devrons également veiller à la qualité de nos relations avec les divers acteurs institutionnels qui font partie de notre environnement. À cet égard, des conventions de partenariat ont été conclues non seulement avec la Fédération des spécialités médicales, mais aussi avec chacune des trois fédérations hospitalières, la Fédération hospitalière de France, la Fédération des cliniques et hôpitaux privés de France, la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne, ainsi qu’avec le Conseil national de l’ordre des médecins et avec celui des pharmaciens, enfin avec le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) qui coordonne l’action des associations d’usagers du système de santé.

Tous ces accords sont importants d’un point de vue politique, car ils réaffirment le soutien de toutes ces parties prenantes au dispositif d’indemnisation des commissions régionales de conciliation et d’indemnisation (CRCI) et de l’ONIAM, en particulier à son caractère amiable. Ils le sont également d’un point de vue opérationnel car ils prévoient la participation de tous ces acteurs à notre effort de communication dont je viens de parler, sur l’existence du dispositif. Dans la mesure du possible, je proposerai au directeur général de l’ONIAM, M. Rance, de l’accompagner dans le développement et la mise en œuvre de ces partenariats.

Il convient également de diversifier le rôle de l’ONIAM. Il est devenu un acteur de référence en matière d’accidents médicaux et il est prêt à accepter toute nouvelle mission que le Gouvernement et le Parlement souhaiteraient lui confier dans ce domaine. Je fais référence, par exemple, à une voie d’action possible dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre santé sur l’action de groupe.

Je ne peux terminer sans évoquer l’un des chantiers que le prochain conseil d’administration de l’ONIAM va devoir ouvrir : celui du référentiel d’indemnisation sur lequel se fonde l’ONIAM pour indemniser les préjudices reconnus par les CRCI. Ce barème n’a pas été revalorisé depuis 2008. Bien sûr, je ne méconnais pas les questions budgétaires auxquelles nous sommes confrontés les uns et les autres. Mais il est important de savoir que les victimes qui obtiennent un avis positif des CRCI se voient ainsi allouer par l’ONIAM des indemnisations très largement inférieures à celles allouées par les tribunaux. Et cet écart avec les indemnisations dans le cadre de la voie judiciaire ne fait que s’accroître. Cette divergence peut présenter un risque pour l’ensemble du dispositif, et en particulier le choix que vous avez fait en 2002 de privilégier la voie amiable.

Par exemple, le recours à l’aide humaine est indemnisé autour de dix euros de l’heure par l’ONIAM, contre quinze euros environ par le juge. Certaines souffrances endurées par les victimes sont indemnisées 50 % de moins que celles dont les contentieux sont passés devant les tribunaux judiciaires. Il va nous falloir engager ce chantier en tenant compte à la fois des exigences budgétaires et d’efficience qui doivent être les nôtres et d’aide que nous devons apporter aux victimes.

C’est une tâche exaltante qui m’attend au cœur de ce service public d’aide aux victimes. Nous devons rendre ce service à l’ensemble des victimes, en nous tournant plus particulièrement vers ceux de nos concitoyens qui sont le plus durement touchés.

Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à toutes vos questions, en vous demandant un peu d’indulgence parce que je n’ai pas encore en tête la totalité des sujets.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente. Je vous remercie pour votre présentation qui nous montre déjà l’ampleur de la tâche. Vous avez insisté sur des sujets importants, notamment la question du droit des usagers qui préoccupe nos concitoyens, et c’est bien normal. La création de l’ONIAM, il y a dix ans, a permis, je crois, d’apporter un certain nombre de réponses.

Vous avez évoqué les chantiers à venir, notamment celui de la revalorisation des indemnisations qu’il va falloir régler.

M. Gérard Bapt. Permettez-moi d’avoir une pensée pour la présidente de notre commission, Mme Lemorton, qui ne peut être parmi nous ce matin. J’espère que son petit problème de santé sera rapidement résolu.

Madame Compagnon, on aurait pu se dire en vous voyant : voilà encore un inspecteur général des affaires sociales peut-être en fin de carrière à qui l’on va attribuer une mission parce qu’il faut bien occuper ce corps-là. Mais vous tenez votre légitimité d’une longue carrière au service des patients et des victimes d’accidents sanitaires. À ce titre, le choix du Gouvernement me paraît particulièrement opportun.

Le dispositif actuel d’indemnisation des victimes d’accidents sanitaires, basés sur la solidarité au travers de l’ONIAM, dont je salue son directeur, M. Érik Rance, qui a été récemment reconduit dans ses fonctions, a fait la preuve d’une certaine efficacité. Il s’est installé dans le paysage sanitaire depuis 2002. Toutefois, aujourd’hui il montre ses limites. Ce fut le cas en particulier avec le drame sanitaire du Mediator. Il a fallu créer un fonds spécial d’indemnisation, dont le fonctionnement a posé des problèmes qui ont été pointés par le docteur Irène Frachon. À cet égard, je tiens à saluer votre prédécesseur, Édouard Couty, et Érik Rance qui ont œuvré pour que la composition du comité d’experts et les bases scientifiques sur lesquelles ils avaient commencé à travailler, soient revues de fond en comble, ce qui fait qu’aujourd’hui les dossiers sont à la fois mieux considérés et étudiés plus rapidement, même si, je le sais, beaucoup de dossiers restent encore à traiter.

Vous avez évoqué les limites du dispositif actuel d’indemnisation, notamment en matière de niveau d’indemnisation et de reconnaissance. En effet, le montant de l’indemnisation est relativement faible et il faut un niveau d’incapacité ou de dommage relativement élevé – ce fameux taux de 25 % – pour ouvrir droit à l’indemnisation dans le cadre de l’ONIAM. Cela n’exclut pas, quoi qu’il en soit, la reconnaissance du lien de causalité qui renvoie de nouveau à la question de l’expertise et de son indépendance.

Voilà pourquoi le Gouvernement ou le Parlement devraient se saisir d’une réforme de cette institution en modifiant le barème et le droit d’entrée en ce qui concerne le dommage et en revoyant son budget. Dans les circonstances actuelles, les contraintes budgétaires sont telles que les écarts ne pourront malheureusement qu’être appelés à croître alors même que d’autres types d’accidents devront être reconnus et pris en charge. Une réforme de ce barème, accompagnée d’une réforme de son financement ou d’un complément de financement actuel qui est purement public, devrait être envisagée. Par exemple, je souhaiterais connaître votre avis sur la question de l’instauration d’une taxation à taux unique, d’une flat tax. Après tout, le producteur responsable, même s’il n’est pas juridiquement responsable, devrait être mis en cause. Une taxe de ce type sur le chiffre d’affaires de l’ensemble des producteurs, que ce soit le médicament ou le dispositif médical, ne pourrait-elle pas être créée, à la lumière de ce qui s’est passé avec la loi Badinter en ce qui concerne les accidents de la circulation ? Il est paradoxal, en effet, que l’accident de circulation soit mieux couvert dans un certain nombre de cas que l’accident sanitaire.

M. Jean-Pierre Door. Bienvenue à vous, madame Compagnon !

Votre curriculum vitae et votre intervention plaident en faveur de votre nomination. Pour ma part, j’ai apprécié, étant cardiologue, le Livre blanc pour un plan cœur que vous avez rédigé il y a quelques mois avec la Fédération française de cardiologie.

Vous aurez un mandat de trois ans. L’ONIAM est un dispositif qui a été innovant et qui a permis, lors des débats sur la responsabilité civile professionnelle des professionnels de santé, d’essayer de résoudre les problèmes des assurés, mais aussi le problème de l’hyper-judiciarisation qu’il est toujours difficile de combattre. La création des commissions régionales de conciliation et d’indemnisation a permis d’apporter une réponse certaine aux assurés victimes d’accidents iatrogènes, de maladies nosocomiales, ou ayant subi des dommages imputables à une vaccination, à une transfusion ou au benfluorex. Ce dernier a fait d’ailleurs la une des journaux ces derniers mois.

Pour une fois, je serai moins critique que M. Bapt. J’ai été rapporteur, au nom de la précédente majorité, dans le cadre d’un projet de loi qui prévoyait notamment la création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes du Mediator et la mise en place d’un collège d’experts. Je pense que ce dispositif a été extrêmement positif. Il a permis de raccourcir les délais de reconnaissance des symptômes, des maladies, des séquelles, d’indemniser plus rapidement les patients et de réduire les mécanismes de judiciarisation et les engagements devant les tribunaux qui, en général, sont très longs.

Voilà pourquoi je milite en faveur de la poursuite de l’abondement de ces fonds d’indemnisation. Effectivement la question du financement du budget de l’ONIAM que vote le Parlement chaque année dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale se pose. Il faudra faire preuve de davantage de stabilité dans son financement.

Je souhaite vous interroger sur les actions de groupe en santé. Quel sera leur impact sur l’ONIAM dont le rôle est peut-être plus sage, plus respectable dès lors qu’il y a un collège d’experts et que l’on essaie d’aboutir à une conciliation ?

Aujourd’hui, il n’existe pas de directive européenne sur les questions liées aux indemnisations. Pourtant, cela permettrait une uniformisation au niveau européen et d’éviter une hyper-judiciarisation.

M. Michel Liebgott. On recense 18 000 incidents iatrogènes en France. Certains les imputent à la surconsommation de médicaments. Il semblerait que les Français consomment six fois plus de médicaments que les Néerlandais. Ne faudrait-il pas engager des opérations de communication en direction des médecins, voire des patients ? On a souvent incriminé les antibiotiques, les médicaments liés au psychisme, mais il y en a sans doute d’autres.

Il semble que 96 % des gens acceptent aujourd’hui l’indemnisation qui leur est proposée. Sur quoi sont fondées les craintes que vous avez exprimées ? L’ONIAM a proposé, semble-t-il, à des personnes atteintes de narcolepsie après une vaccination des sommes relativement conséquentes, même si elles semblent très insuffisantes par rapport au drame que cela représente.

Mme Véronique Besse. La semaine dernière, une cinquantaine de dossiers ont été déposés à l’ONIAM pour obtenir une indemnisation à l’amiable. Les cinquante personnes en question seraient victimes d’un vaccin contenant de l’aluminium qui provoque une maladie très handicapante, la myofasciite à macrophages. Le nombre de personnes atteintes de cette pathologie est difficile à estimer : il oscillerait entre 400 et 400 000 victimes. De nombreux rapports contredisent l’idée qu’il y a un lien entre l’aluminium et cette maladie. Mais, quand vous serez demain aux commandes de l’ONIAM, comment arbitrer entre une demande commune de cinquante personnes et l’absence de cause à effet entre le vaccin et la maladie ? Des moyens spécifiques sont-ils alloués à l’ONIAM pour qu’il crée ses propres preuves indépendantes ?

Avez-vous déjà réfléchi sur les délais pour étudier les dossiers d’indemnisation ? Les délais sont parfois très longs, comme on l’a vu pour le Mediator. Il faut se mettre à la place des personnes qui ont été victimes et qui attendent.

Mme Michèle Delaunay. Madame Compagnon, je me réjouis de la proposition qui vous est faite de diriger l’ONIAM.

Nos parcours ont été très parallèles puisque vous vous êtes occupée à la fois du sida et du cancer. Votre action au sein de la Ligue contre le cancer a laissé beaucoup de marques : la parole des patients a été libérée, prise en compte après cette grande manifestation que vous aviez menée. Ensuite, nous nous sommes retrouvées sur la maltraitance et de nouveau sur la démocratie sanitaire.

Je me permets de vous féliciter pour votre parcours et votre engagement.

Vous vous doutez bien que si j’ai commencé mon intervention par des félicitations c’est que j’ai des arrière-pensées. Vous allez vous engager contre les accidents médicaux. Je souhaite vous sensibiliser sur la possibilité d’une procédure civile dans les accidents dramatiques de santé causés par le tabac. Je sais que le tabac n’est pas un produit médical, et c’est heureux, mais il s’en prend à la santé des Français puisqu’on peut considérer que le tabac tue en deux semaines à peu près autant que le Mediator pendant toute sa période de commercialisation. Cette comparaison nous montre que nous ne pouvons laisser seuls, sans le recours à la loi, les centaines de milliers de victimes du tabac et leurs familles.

J’aimerais connaître votre sentiment sur ce point, tout en sachant que, si votre nouvelle position vous permet peut-être de sensibiliser sur cette question, vous ne pourrez pas agir directement, en tout cas pas dès maintenant.

M. Élie Aboud. Madame Compagnon, à mon tour je vous souhaite bon courage pour cette mission.

Tous mes collègues qui siègent dans les conseils d’administration ou conseils de surveillance des hôpitaux savent que les médiateurs sont débordés et que les avocats attendent les victimes à la sortie des services pour leur rappeler qu’ils sont là pour les défendre. On sait qu’il y a un échappement complet vers la judiciarisation de la médecine.

Comment voyez-vous votre rôle à ce niveau, pour éviter cette dérive qui est insupportable ? Certes, la fonction médicale n’est pas une fonction sacrée, mais elle devient une société de services qui échappe à un contrôle strict, académique et rigoureux.

Mme Sandrine Hurel. Madame Compagnon, je vous remercie pour votre présentation. Le hasard fait bien les choses puisque j’ai reçu hier, dans le cadre de la mission qui m’a été confiée sur la politique vaccinale, le directeur de l’ONIAM, Érik Rance. Votre audition tombe à point nommé, si je puis dire, puisque nous avons évoqué, lors des différentes auditions que j’ai menées dans le cadre de cette mission, la question de l’indemnisation des accidents vaccinaux.

L’ONIAM prend en charge de façon différente les dommages suite à une vaccination obligatoire et ceux suite à une vaccination recommandée. Si la vaccination est obligatoire, la saisine est directe et seule l’imputabilité entre le produit et le préjudice compte. Il n’y a pas de seuil de gravité et d’invalidité. Ce régime est plutôt avantageux.

Pour les vaccinations recommandées qui sont tout aussi importantes que les vaccinations obligatoires et qui sont recommandées avec insistance par les autorités sanitaires, la procédure est différente : elle est beaucoup plus compliquée puisqu’il n’y a pas de saisine directe. Les indemnisations sont soumises à des seuils de gravité, notamment au seuil de 25 % d’invalidité.

À cela s’ajoute le problème des vaccins qui allient des valences obligatoires et des valences recommandées pour lesquels il faut essayer de déterminer l’origine du dommage afin de fixer le régime d’indemnisation adéquate, ce qui est compliqué pour l’ONIAM.

Cette frontière étanche entre le régime d’indemnisation de droit commun et le régime spécifique au vaccin obligatoire contribue à alimenter la dichotomie entre vaccins recommandés et vaccins obligatoires, laquelle brouille notamment considérablement la lisibilité de notre politique vaccinale.

Comment envisageriez-vous la possibilité d’une extension de l’indemnisation des accidents liés à des vaccins recommandés sans tomber dans l’écueil des seuils qui pose problème aujourd’hui ?

M. Bernard Perrut. On ne peut que saluer un dispositif d’indemnisation qui est accessible à tous, rapide et gratuit. Le nombre de victimes d’un accident médical grave est important. Il intervient parfois suite à des dommages imputables à une activité de recherche biomédicale. On voit l’importance des affections liées à des effets secondaires, à des traitements médicaux ou des infections nosocomiales.

Ma question porte plus précisément sur le contrat d’objectifs et de performance qui a été signé entre l’ONIAM, les commissions de conciliation et d’indemnisation et l’État. Le premier contrat d’objectifs a porté sur la période 2013-2015. Je suppose donc qu’un nouveau contrat d’objectifs est en préparation. Quelles précisions pouvez-vous nous apporter sur l’évolution de ce contrat d’objectifs qui sera signé avec l’État pour les années à venir ?

Mme Hélène Geoffroy. Madame Compagnon, je tiens à vous féliciter pour votre nomination qui est envisagée. En tout cas, je m’en réjouis.

Je vous remercie pour votre engagement en faveur du droit des usagers de santé. Nous avions eu l’occasion de nous rencontrer dans le cadre du projet de loi de santé. Vos analyses ont permis de porter un regard attentif sur le droit des malades et de bien faire évoluer le texte de loi.

Mes questions sont un peu le corollaire des débats qui ont eu lieu. Le 22 avril, le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) faisait état d’études internes à l’ONIAM qui comparent les indemnités accordées par les tribunaux dans un cadre contentieux et celles pratiquées par l’Office pour indemniser les préjudices des victimes qui sont établis dans le cadre des commissions régionales de conciliation et d’indemnisation. En indiquant que les indemnisations n’étaient pas de même niveau, le CISS en appelait à la révision du référentiel d’indemnisation pratiqué par l’ONIAM. Quel est votre avis à ce sujet ?

Le projet de loi de modernisation de notre système de santé a mis en place la procédure d’action de groupe en santé. J’ai eu l’occasion de m’interroger sur les conséquences pour l’ONIAM de la mise en place de l’action de groupe. Je pense qu’il s’agit là d’une réelle avancée. Comment cette répartition des litiges entre procédure judiciaire et procédure amiable va-t-elle modifier le fonctionnement de l’ONIAM ? Y aura-t-il un impact majeur sur les matières gérées par l’ONIAM ?

M. Gilles Lurton. Madame Compagnon, je m’associe aux vœux qui vous ont été adressés.

Je veux revenir sur une question que j’ai déjà eu l’occasion de poser à M. Rance en commission des affaires sociales.

L’ONIAM accomplit bien et rapidement son rôle d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux. Toutefois, j’ai remarqué, à l’occasion de divers dossiers qui m’ont été soumis, que les victimes d’accidents médicaux – ou leur famille quand la personne victime est décédée – rencontrent parfois des difficultés pour avoir des éclaircissements de la part des établissements de santé sur la façon dont s’est produit l’accident, afin d’obtenir l’indemnisation à laquelle elles peuvent légitimement prétendre. Avez-vous l’intention d’orienter l’ONIAM vers une amélioration de l’assistance apportée aux familles qui se trouvent dans de telles situations ?

M. Dominique Dord. Madame Compagnon, pouvez-vous nous donner quelques éléments sur la manière dont l’indemnisation des victimes se passe dans les autres pays européens, et surtout s’il existe entre les différents organismes chargés de cette question une coopération, une coordination au niveau européen ?

M. Bernard Accoyer. Nous assistons à une dérive dans la recherche de causes à des événements malheureux de santé.

Ma première question concerne les emballements médiatiques quant à la mise en cause de tel ou tel médicament, de tel ou tel procédé de traitement. Que peut-on faire pour maîtriser cela ? Il y a aujourd’hui une distorsion entre l’ampleur médiatique rapportée aux suites du dossier du Mediator et les conclusions des experts scientifiques chargés de définir et de fixer les indemnisations.

Deuxième question : l’ONIAM entend-il se retourner contre ceux qui suscitent des rumeurs infondées ? Il y en a une actuellement sur les adjuvants dans les vaccins. Mais il y a surtout deux sujets extrêmement graves. Le premier touche à la polémique déclenchée sur l’hépatite B il y a une quinzaine d’années avec les conséquences sur la morbidité en matière d’hépatites chroniques, de cirrhose et de cancer du foie et de mortalité. Ceux qui ont déclenché cette polémique doivent-ils être à leur tour recherchés en responsabilité ?

Le second porte sur les conséquences, évidemment tout à fait infondées scientifiquement, du vaccin contre le cancer du col de l’utérus, le Gardasil. Les déclarations, l’ampleur donnée à ces déclarations, les polémiques médiatiques orchestrées savamment par certaines associations ou certains groupes activistes ont des conséquences avant tout sanitaires, sur la morbidité, sur la mortalité mais aussi des conséquences financières. Peut-on laisser indéfiniment prospérer ce type de comportement dans une société scientifique et rationnelle où l’on tend à indemniser tout ce qui peut survenir, notamment les aléas de la vie ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente. Vous le voyez, madame, de nombreux sujets ont été abordés par mes collègues en complément que ceux que vous avez déjà évoqués.

Mme Claire Compagnon. Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie pour vos félicitations sur mon parcours et mes engagements. La question des droits des patients et des victimes est importante pour moi. J’ajoute que je suis confrontée de près à ces questions ayant un enfant malade. C’est donc un engagement personnel extrêmement vivace.

Je partage vos préoccupations en ce qui concerne l’affaire du Mediator. La direction de l’ONIAM m’a donné les statistiques concernant le traitement des dossiers au 31 mai 2015. Elles vous renseigneront sur l’ampleur de la tâche de l’Office pour traiter l’ensemble de ces dossiers. 8 787 demandes ont été déposées à l’ONIAM, dont 495 au titre d’un décès. Le collège qui a été constitué à cette fin et dont vous avez rappelé l’existence s’est réuni 584 fois depuis le 13 décembre 2011. 5 382 dossiers sont passés en commission. 4 389 avis ont été rendus, 2 634 ont été rejetés parce que la pathologie n’était pas imputable au Mediator. 1 388 avis d’indemnisation sont à la charge des laboratoires. Il y a eu 93 constats de désistement et trois défauts de qualité à agir.

Le taux d’avis positifs par rapport au nombre d’avis est de 32 %, ce qui correspond aux évaluations qui avaient été faites.

Comme vous l’a indiqué M. Rance lors de son audition devant votre commission pour le renouvellement de son poste, un changement important a eu lieu au sein du collège d’experts. Dans un premier temps, le collège a appliqué une jurisprudence relativement restrictive. Les victimes devaient démontrer le caractère direct et certain du préjudice, ainsi que le lien de causalité entre le traitement par le Mediator et le préjudice. Cela a restreint de manière très importante le nombre de personnes indemnisées. Pendant cette période, le collège d’experts n’a pas vraiment fait la preuve de sa pédagogie, si je puis dire, auprès de nos concitoyens pour expliquer son action et la difficulté de sa tâche.

Fort heureusement, à la mi-2013, la situation a changé considérablement. La présidence du collège d’experts a été confiée à M. Legoux, premier avocat général honoraire à la Cour de cassation. Sous l’impulsion de ce nouveau président, le collège s’est référé à une jurisprudence plus récente de la Cour de cassation qui permet d’établir le lien de causalité à partir d’un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes. Cela a eu pour conséquence de faciliter l’établissement du lien de causalité pour les victimes, conformément à l’évolution récente des tribunaux dans ce domaine.

Enfin, et vous l’avez souligné comme un risque et une crainte, le travail du collège a été accéléré à l’égard des victimes. Comme je vous l’ai dit, plus 8 500 dossiers de demandes d’indemnisation avaient été déposés devant l’ONIAM. Ce dispositif était donc très lourd. Des mesures ont été proposées visant à améliorer l’organisation et la procédure. Le collège siège désormais deux jours pleins par semaine et vingt salariés de l’ONIAM travaillent auprès de ce collège pour préparer les dossiers. Un effort considérable en termes de fonctionnement du collège et d’organisation de l’ONIAM a été fait pour tenter de répondre à ces demandes extrêmement importantes.

Mais cela n’empêche pas que la question du barème d’indemnisation pour l’ensemble des dossiers qui sont déposés devant l’ONIAM soit d’une actualité extrêmement brûlante. Édouard Couty, le président du conseil d’administration, avait demandé aux services de l’Office et aux services du ministère de procéder à une étude pour vérifier le différentiel entre les indemnisations par la voie judiciaire et les celles proposées par l’ONIAM. Ce travail est en cours. Il a été présenté une première fois devant le conseil d’administration lors de sa dernière séance.

L’autre question qui demeure pendante et à laquelle je vais m’atteler, avec les services de l’ONIAM dès que je prendrai mes fonctions, concerne la revalorisation du barème. À cet égard, je procéderai à une étude d’impact pour mesurer les conséquences financières d’une telle revalorisation. Nous ferons le point, avec la direction de la sécurité sociale au sein du ministère et la direction du Trésor une fois les études d’impact achevées. Nous verrons alors si nous pouvons procéder à une revalorisation du barème dans le cadre des financements de l’ONIAM et bénéficier de dotations supplémentaires dans le budget de 2016. Mais pour le moment, je ne peux pas vous en dire plus parce que je n’ai pas encore pris mes fonctions au sein de l’ONIAM.

Vous avez décidé, dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre système de santé, la création de l’action de groupe en santé. Au vu du parcours qui est le mien, vous imaginez bien que je ne peux que souscrire à cette grande innovation dans le domaine de la santé. L’action de groupe aura-t-elle un impact sur l’activité de l’ONIAM ? Elle comporte deux phases : la reconnaissance de la responsabilité du producteur ou du fournisseur du produit de santé, puis l’étude des préjudices individuels des victimes.

Nous pouvons craindre que cette procédure soit longue. Après avoir fait reconnaître la responsabilité du producteur, il faudra, dans un second temps, faire reconnaître les préjudices individuels. A priori, aujourd’hui cela ne devrait pas avoir un impact majeur sur les sujets qui sont traités par l’ONIAM puisque notre objectif est de procéder à des indemnisations. Je pense que les associations qui seront partie prenante de ces actions de groupe auront toujours un choix à faire : soit orienter les victimes vers l’action de groupe soit les diriger vers le dispositif d’indemnisation amiable. Il vous appartiendra de voir s’il pourrait être intéressant pour le Gouvernement et le Parlement que l’ONIAM puisse prendre part à la résolution amiable des litiges faisant l’objet d’une action de groupe. Pour l’instant, ce n’est pas le choix qui a été fait. J’ai l’impression que le dispositif d’instruction des demandes d’indemnisation, notamment avec l’exemple du Mediator, a constitué une sorte de prototype puisque l’on a assisté à une action portant sur des dommages sériels. Si elle avait existé au moment de l’affaire du Mediator, l’action de groupe aurait très bien pu être déclenchée. Vous avez choisi de créer une voie parallèle mais non exclusive par rapport à la voie judiciaire. Je vous invite à réfléchir, si nous sommes confrontés à de nouveaux risques sériels importants, à la façon dont l’ONIAM pourrait être compétent pour intervenir dans ce type d’action.

La question de la judiciarisation a été abordée à plusieurs reprises par certains d’entre vous. En retraçant mon parcours, je n’ai pas fait état d’une fonction que j’ai occupée jusqu’à ma nomination à l’IGAS : celle de représentante des usagers dans un établissement de santé. J’ai été nommée en 2000 représentante des usagers à l’hôpital Georges-Pompidou, à Paris, au sein du groupe hospitalier de l’AP-HP. Je dois vous dire que je n’ai pas vu cette judiciarisation à l’œuvre. Aujourd’hui, l’ensemble des plaintes et des doléances qui relèvent du quotidien des établissements de santé font plus l’objet d’une médiation telle qu’elle a été instituée par la loi du 4 mars 2002 que de procès importants. Bien évidemment, il ne faut pas le regretter. L’état d’esprit qui prévalait dans les travaux que vous avez menés, dans le cadre de la loi du 4 mars 2002, était de développer des voies de conciliation et de médiation dans une vision assez constructive et positive des relations qui peuvent exister entre des usagers du système de santé et les professionnels, en particulier les médecins.

Il y a peu de plaintes, il n’y a pas assez de plaintes aujourd’hui. Les personnes victimes d’agissements difficiles dans les établissements de santé qui font une doléance expliquent très clairement le faire, non pour elles-mêmes mais pour que cela ne se reproduise plus dans l’établissement de santé. Bien évidemment, je ne parle pas ici des accidents très graves, uniquement du quotidien de la vie hospitalière. Il y a un peu d’indemnisations sur les pertes de dentiers, les pertes de lunettes, d’objets personnels dans les blocs opératoires qu’on ne retrouve jamais, mais il y a très peu de contentieux.

M. Bernard Accoyer. Vous semblez le regretter.

Mme Claire Compagnon. Je ne le regrette pas. Je dis qu’il n’y a pas suffisamment de personnes qui font état des difficultés qu’elles ont rencontrées dans le fonctionnement des établissements de santé. Ces éléments-là permettraient d’améliorer le service hospitalier. J’ai regretté, dans ma fonction de représentante des usagers, que les personnels des établissements de santé, les directions de qualité et les professionnels de santé ne tiennent pas suffisamment compte de ces doléances dans une perspective d’amélioration des services.

M. Bernard Accoyer. On ne peut pas reprocher qu’il n’y ait pas suffisamment de plaintes. Il est préférable de rechercher une médiation qu’un contentieux.

Mme Claire Compagnon. C’est bien ce que je dis, Monsieur le député. J’entends par le mot « plaintes » les réclamations et les doléances, pas les plaintes devant les tribunaux. Il s’agit de manifester auprès des établissements de santé les difficultés rencontrées lors d’un séjour, d’une consultation ou d’une prise en charge à l’hôpital. Cela permettrait d’améliorer le service rendu aux patients.

Monsieur Liebgott, je partage votre analyse sur la question de l’iatrogénie en France. En effet, notre pays connaît une iatrogénie extrêmement importante liée, on le sait, à une forte consommation médicale et à une forte prescription médicale. Des actions ont été mises en place par les services du ministère de la santé, en particulier par la Direction générale de la santé et la Direction générale de l’offre de soins sur cette question. Il faut travailler sur le bon usage des médicaments et la bonne prescription médicale avec les pharmaciens et les médecins. Se pose aussi la question des personnes âgées à laquelle Mme Delaunay sera sensible je crois. On sait que les personnes âgées consomment beaucoup de médicaments, ce qui a des conséquences en termes d’iatrogénie et d’observance. Vous le savez, l’Inspection générale des affaires sociales mène actuellement une mission sur le sujet de l’observance.

95 % des gens acceptent aujourd’hui l’indemnisation qui leur est proposée. Vous vous étonnez que j’émette des craintes sur une rupture de notre système d’indemnisation parce qu’elles ne concernent aujourd’hui que les affaires qui sont portées devant l’ONIAM. Il y a beaucoup de contentieux. C’est la raison pour laquelle j’appelle votre attention sur la question du barème qui peut avoir un effet contre-incitatif. Un grand différentiel de barème peut conduire en effet à ne pas se diriger vers une indemnisation amiable et à privilégier la voie contentieuse. Si l’on ne prend pas en compte cet élément, on risque de constater une augmentation des contentieux, donc une baisse du recours à l’amiable auprès de l’Office.

S’agissant du tabac, je vais sortir de mon rôle de future présidente de l’ONIAM pour répondre à Mme Delaunay. Mes engagements à la Ligue contre le cancer m’ont conduite à promouvoir des actions contre la consommation de tabac. La Ligue contre le cancer continue, bien évidemment, à œuvrer dans ce domaine. Même s’il s’agit d’une consommation volontaire de la part des personnes, la stratégie marketing, commerciale, publicitaire de communication massive qui a, pendant de très longues années, marqué l’activité des industriels du tabac, a occasionné beaucoup de dégâts sanitaires parmi la population. Évidemment, l’ONIAM n’est pas compétent dans ce domaine-là. Effectivement, les associations doivent agir auprès des victimes pour les soutenir. Certaines associations, autour de l’Alliance contre le tabac, sont actives pour les accompagner dans la mise en cause de certaines pratiques commerciales et marketing des industriels du tabac.

Madame Hurel, Vous m’avez interrogée sur le seuil de gravité. Il appartient au Parlement de revoir éventuellement ce seuil. L’ONIAM est contraint à respecter ces normes juridiques. Vous avez raison, le régime d’indemnisation tel qu’il existe aujourd’hui brouille la lisibilité de ces dispositifs. Il faudrait, à la fois dans une perspective d’amélioration de la couverture vaccinale dans notre pays et d’indemnisation des victimes, clarifier ces différents champs. J’espère que la mission que vous menez contribuera à poser ces demandes de clarification.

Monsieur Perrut, un premier contrat d’objectifs a effectivement été signé pour les exercices 2012 à 2015. Il arrive donc à échéance à la fin de cette année. Dès ma nomination, je m’attellerai, avec les services de l’ONIAM, et en particulier avec son directeur, M. Érik Rance, à la préparation d’un nouveau contrat d’objectifs qui devra faire l’objet d’un travail participatif et collaboratif de toutes les parties prenantes de son conseil d’administration et de son conseil d’orientation. J’espère que nous pourrons, dans une séance du conseil d’administration de fin d’année ou de début d’année prochaine proposer une version puis signer ce contrat avec les services du ministère. Aujourd’hui, je ne peux pas en dire davantage sur le contenu même de ce contrat d’objectifs puisque je n’y ai pas encore travaillé.

Madame Geoffroy, Vous m’avez interpellée sur la question du barème. Dans mon intervention préliminaire, j’ai indiqué qu’il nous reste à ouvrir ce chantier. Je suis, vous l’imaginez, extrêmement sensible à cette question et inquiète du différentiel qui peut exister entre les barèmes d’indemnisation judiciaire et les barèmes actuels de l’ONIAM. J’ai indiqué tout à l’heure que le recours à l’aide humaine est indemnisé en moyenne autour de dix euros de l’heure par l’ONIAM, contre quinze euros par les juges. Les premières études qui ont été menées montrent des différences assez importantes en ce qui concerne l’indemnisation du déficit fonctionnel. En la matière, les chiffres sont très éloquents. Cette question à un double impact : un impact direct sur l’indemnisation des victimes et un impact possible sur une remise en cause du modèle que vous avez adopté dans le cadre de la loi de 2002. Il me semble que nous sommes, les uns et des autres, extrêmement soucieux de faire perdurer ce système de résolution à l’amiable. Il faudra évaluer le coût d’une revalorisation du barème et voir de quelle manière le budget de l’ONIAM peut prendre en compte ces évolutions sur une ou deux années. Pour le moment, je ne peux pas en dire davantage car je ne me suis pas encore plongée très directement dans ces dossiers. Mais je vous garantis que je vais m’en occuper très rapidement.

Il est important pour les victimes de savoir de quelle manière elles peuvent obtenir ou non des informations des professionnels de santé et des établissements de santé pour pouvoir constituer leur dossier d’indemnisation. Les études qui ont été menées depuis la loi de 2002 sur l’accès au dossier médical montrent que des progrès extrêmement importants ont été faits par les professionnels et les établissements de santé pour mettre à disposition ces dossiers médicaux. Les délais ont été très nettement améliorés, mais il reste encore des poches de résistance dans un certain nombre d’établissements. Je pense, en particulier, aux dossiers très anciens. C’est un point qu’il conviendra d’évoquer avec les grandes fédérations hospitalières pour voir de quelle manière elles pourraient améliorer l’accès aux dossiers médicaux, en particulier pour les personnes qui doivent constituer des dossiers dans le cadre d’une demande d’indemnisation.

Vous me permettrez de répondre assez rapidement sur les dispositifs européens. En effet, je ne connais pas encore ces questions. Je peux vous dire qu’il existe des liens extrêmement importants entre l’ONIAM et la Belgique. Des collaborations ont été mises en œuvre en ce qui concerne l’activité d’indemnisation qui existe en Belgique et le dispositif français.

Monsieur Accoyer, vous m’avez interrogée sur les emballements médiatiques, pour reprendre votre expression. Il n’appartient pas à l’ONIAM tel qu’il est aujourd’hui constitué par la loi de se retourner contre ces professionnels ou ces associations. Il appartient au Gouvernement de voir si une recherche en responsabilité pourrait être engagée. Je partage, bien évidemment, votre inquiétude sur l’importance des conséquences sanitaires et financières que peuvent avoir ces mises en cause de l’efficacité thérapeutique de tel ou tel médicament ou de tel ou tel vaccin. Mais l’ONIAM ne peut pas intervenir directement auprès de ces producteurs de mauvaises nouvelles ou de fausses informations, ce qui est plus grave.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente. Je vous remercie, Madame Compagnon, d’avoir pris le temps de répondre à chaque question. Nous devions vous entendre afin de mesurer les enjeux des années à venir sur différents points. Nous vous transmettons les salutations, les excuses et les regrets de la présidente de notre commission, Catherine Lemorton, qui ne peut être présente ce matin mais qui, je le sais, a suivi la retransmission de votre audition.

Mes chers collègues, je vous rappelle que nous ne sommes pas dans le cadre de la procédure de mise en œuvre de l’article 13 de la Constitution. Il s’agissait bien d’une audition et non d’un avis demandé aux commissions compétentes, celle du sénat et celle de l’Assemblée nationale. C’est pourquoi nous ne voterons pas sur cette nomination.

Madame Compagnon, nous vous souhaitons désormais de pouvoir mettre en œuvre l’ensemble des sujets que vous avez évoqués ce matin. Nous nous reverrons sans doute dans les prochains mois.

La séance est levée à dix heures cinquante-cinq.

——fpfp——

Informations relatives à la Commission

La Commission des affaires sociales a désigné :

– M. Christophe Sirugue, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées et visant à favoriser l’accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap (n° 2840)

– les rapporteurs sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 :

Rapport

Rapporteurs

Recettes et équilibre général

M. Gérard Bapt (Socialiste, républicain et citoyen)

Assurance maladie

Mme Michèle Delaunay (Socialiste, républicain et citoyen)

Secteur médico-social

Mme Joëlle Huillier (Socialiste, républicain et citoyen)

Assurance vieillesse

M. Michel Issindou (Socialiste, républicain et citoyen)

Accidents du travail – maladies professionnelles

M. Denis Jacquat (Les Républicains)

Famille

Mme Marie-Françoise Clergeau (Socialiste, républicain et citoyen)

– les rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2016 :

Avis

Rapporteurs

Santé

Mme Bernadette Laclais (Socialiste, républicain et citoyen)

Travail

M. Francis Vercamer (Union des démocrates et indépendants)

Emploi

Mme Chaynesse Khirouni (Socialiste, républicain et citoyen)

Compte d’affectation spécial « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage »

M. Bernard Perrut (Les Républicains)

Handicap et dépendance

Mme Annie Le Houerou (Socialiste, républicain et citoyen)

Solidarité

Mme Luce Pane (Socialiste, républicain et citoyen)

Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables

Mme Dominique Orliac (Radical, républicain, démocrate et progressiste)

Présences en réunion

Réunion du mercredi 10 juin 2015 à 9 heures 30

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Joël Aviragnet, M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Véronique Besse, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Valérie Boyer, Mme Marie-Arlette Carlotti, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Françoise Dumas, M. Richard Ferrand, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Patrick Gille, M. Henri Guaino, Mme Joëlle Huillier, Mme Sandrine Hurel, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Annie Le Houerou, M. Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, M. Michel Liebgott, M. Gilles Lurton, M. Laurent Marcangeli, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, Mme Luce Pane, M. Bernard Perrut, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Dominique Tian, M. Francis Vercamer, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. – Mme Gisèle Biémouret, Mme Sylviane Bulteau, M. Christophe Cavard, M. Stéphane Claireaux, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Philip Cordery, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Catherine Lemorton, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Dominique Orliac, Mme Monique Orphé, Mme Martine Pinville, M. Christophe Sirugue, M. Jonas Tahuaitu, M. Jean Jacques Vlody

Assistait également à la réunion. – M. François Vannson