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Commission des affaires sociales

Mardi 29 septembre 2015

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 62

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Président

– Examen de la proposition de loi visant à supprimer les freins au développement des entreprises privées posés depuis 2012 (n° 3030) (M. Gérard Cherpion, rapporteur)

– Information relative à la commission 22

– Présences en réunion 23

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 29 septembre 2015

La séance est ouverte à quinze heures cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales examine, sur le rapport de M. Gérard Cherpion, la proposition de loi visant à supprimer les freins au développement des entreprises privées posés depuis 2012 (n° 3030).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de M. Christian Jacob visant à supprimer les freins au développement des entreprises privées posés depuis 2012. Ce texte sera examiné en séance publique le jeudi 8 octobre au matin dans le cadre de la journée d’initiative parlementaire réservée au groupe Les Républicains.

Dans la mesure où ce texte tend à revenir sur un certain nombre de réformes majeures adoptées par notre majorité, je ne suis pas certaine qu’il soit susceptible de recueillir l’assentiment d’une majorité des membres de notre commission, monsieur le rapporteur ; je préfère donc vous préparer psychologiquement à un éventuel rejet… (Sourires.)

M. Gérard Cherpion, rapporteur. J’avais pourtant cru entendre, à travers certaines déclarations d’un ministre, qu’il existait des possibilités d’évolution sur divers sujets. Nous verrons bien ce que décidera la commission…

La période que nous traversons se caractérise par une croissance faible : probablement 1 % cette année, peut-être moins encore étant donné l’atonie du deuxième trimestre. Cette croissance « molle », en tout état de cause, ne crée pas d’emplois. Nous comptons 5 536 000 demandeurs d’emploi dans les catégories A, B et C, et nos entreprises n’investissent plus faute de confiance. Or celle-ci ne peut se construire que lorsque le discours pro-entreprise du Gouvernement – le Premier ministre a été jusqu’à dire : « J’aime l’entreprise » – est constamment infirmé par des dispositions contraires à cet esprit.

C’est pourquoi la présente proposition de loi vise l’abrogation d’un certain nombre de mesures qui nous semblent en contradiction avec ce discours, en ce qu’elles imposent aux entreprises des contraintes supplémentaires sans apporter de mieux-être aux salariés.

L’article 1er tend à supprimer le compte de prévention de la pénibilité, notion qui partait au demeurant d’une bonne intention et était d’ailleurs déjà reconnue, en fonction de critères médicaux. Aujourd’hui, le dispositif est bien trop complexe, ainsi que le Gouvernement l’a lui-même reconnu en supprimant la fiche individuelle, impossible à remplir par les entreprises, et en limitant le nombre des critères – ce qu’il faut porter à son crédit. En 2030, le coût supporté par les entreprises s’élèvera à 2,5 milliards d’euros, pour un montant de cotisations de 800 millions, soit un écart considérable. Il s’agit ni plus ni moins que de constituer, à terme, un nouveau régime spécial de retraite, ce qui va à contre-courant de ce qu’il faut faire.

Ce compte se trouve désormais dissous, qui plus est, dans un « compte personnel d’activité » ; ces fluctuations incessantes sont cause d’une grande insécurité juridique et rendent notre système toujours plus complexe. Il nous semble que l’application des lois relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, de la réforme des retraites de 2010 ainsi que du dispositif des carrières longues, serait suffisante, moyennant quelques améliorations éventuelles, alors que le dispositif actuel ne fait que créer un frein à l’emploi.

L’article 2 vise la suppression de la durée minimale hebdomadaire de 24 heures, dont notre commission a déjà largement débattu. Cette disposition résulte, il est vrai, de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, ce qui marque d’ailleurs la limite entre l’exercice de la démocratie sociale et celui de la démocratie politique, et certains des signataires de l’accord ne cachent pas aujourd’hui leurs regrets. Elle constitue une barrière psychologique, alors que des dérogations existent déjà, notamment pour les étudiants de moins de vingt-six ans ou pour les métiers de l’aide à domicile, où les plages de travail sont souvent courtes et réparties dans la journée. Nos voisins européens ont su, eux, résister à la crise de 2008 en recourant au travail à temps partiel.

L’article 3 tend à abroger plusieurs dispositions de la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, dite « loi Florange », qui était en fait la traduction d’un engagement du candidat François Hollande. Force est de constater qu’elle n’a en rien empêché les fermetures d’entreprises, qu’elle pose même plus de problèmes qu’elle n’en résout, comme je peux le constater dans ma région, et qu’elle constitue un obstacle psychologique aux investissements étrangers.

L’article 4 tend à abroger certaines dispositions, notamment en matière d’information obligatoire des salariés, de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, qui entravent la création d’entreprises de taille intermédiaire, ainsi que le Gouvernement l’a reconnu en revenant partiellement dessus dans la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».

L’article 5 tend à supprimer la majoration de la part patronale de la contribution d’assurance chômage pour les contrats à durée déterminée de courte durée. Cette part, normalement fixée à 4 % tandis que la part salariale est de 2,4 %, est en effet portée à 7 % pour les contrats d’une durée égale à un mois, à 5,5 % pour ceux d’une durée comprise entre un et trois mois et à 4,5 % pour les contrats d’usage d’une durée inférieure ou égale à trois mois. Certes, ces contrats présentent un risque de précarisation des salariés, et nous ne contestons pas le principe, au demeurant retenu par l’ANI déjà mentionné, d’une modulation des cotisations destinée à faire supporter par les employeurs le coût social de leurs décisions, mais il convient, pour que de telles mesures aient une chance de provoquer un recours plus massif aux contrats à durée indéterminée (CDI), de libérer les entreprises des charges financières et administratives qui pèsent sur elles. Par ailleurs, il ressort des données fournies par l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) que les recettes effectives sont de 70 millions d’euros au lieu des 257 millions espérés, soit un gain sans commune mesure avec la complexité engendrée par le dispositif.

L’article 6 tend à lever les obstacles au financement de l’apprentissage créés par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, qui a restreint le nombre d’établissements éligibles au barème de la taxe d’apprentissage en fixant une liste limitative de catégories d’établissement susceptibles d’y prétendre. Certes, la régionalisation de la taxe a permis de renforcer les moyens des régions, passés de 1,529 milliard d’euros en 2012 à 1,653 milliard en 2015, mais la part de la taxe dite « barème » a été, quant à elle, diminuée en 2015 d’environ 50 millions d’euros supplémentaires par rapport à son évolution tendancielle, orientée à la baisse depuis 2011. Ont été ainsi exclus du financement les écoles et campus créés sur l’initiative des entreprises, soit 1 400 établissements privés formant chaque année 450 000 étudiants et employant 37 800 formateurs. Cet état de fait, ainsi que l’a reconnu le Premier ministre, obère ce qui constitue une voie vers l’emploi.

L’article 7, enfin, tend à supprimer le plafonnement du nombre de stagiaires dans les entreprises. Un décret a certes été pris la semaine dernière, qui relève ce plafond de 10 % à 15 % de l’effectif d’une entreprise ; il me semble cependant que ce n’est pas une affaire de quotas, mais de responsabilité du chef d’entreprise, à charge pour l’Inspection du travail de contrôler les conventions de stage et leur respect. Cette mesure diminuera inévitablement le nombre total des stagiaires et induira une nouvelle insécurité juridique pour les entreprises, dont certaines prévoient déjà de ne plus prendre de stagiaires ou d’en prendre moins, alors que 1,6 million de conventions de stage sont signées chaque année en toute légalité dans le cadre d’un cursus scolaire et universitaire.

Mme Chaynesse Khirouni. J’avoue que cette proposition de loi nous a laissés quelque peu perplexes, tant elle s’apparente à un tract plutôt qu’à une somme de propositions de nature à stimuler l’investissement des entreprises. Nous nous sommes demandé, Monsieur le rapporteur, quelle « main invisible » avait pu tenir le stylo pour rédiger de telles outrances et caricatures... On y retrouve cependant quelques marqueurs idéologiques de groupe.

Sous Nicolas Sarkozy, le dialogue social a été à l’image de son quinquennat : brutal et artificiel. Il s’agissait, sous couvert de concertation, de faire avaliser des choix déjà déterminés.

Avec cette proposition de loi, une chose est certaine : vous n’avez pas changé ! Vous ne cessez de vanter les accords d’entreprises, la négociation, mais on peut se demander, à la lecture du texte, si, pour vous, le dialogue social ne doit pas faire nécessairement un gagnant et un perdant. Pour nous, au contraire, le véritable moteur du changement doit être la démocratie sociale, en laquelle nous avons confiance et qui doit être renforcée.

Cette proposition de loi prétend identifier sept freins au développement des entreprises.

Plusieurs de ses articles tendent à revenir sur des accords négociés et signés par les partenaires sociaux. C’est le cas notamment de la remise en cause du principe d’un socle minimal de 24 heures de travail hebdomadaires pour les salariés à temps partiel. Cette durée minimale est un outil essentiel de la lutte contre la précarité et le temps partiel subi qui, nous le savons, touchent particulièrement les femmes. Elle a été voulue par les organisations patronales et syndicales signataires de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, que la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a transposé. Celle-ci a prévu, afin de « coller » au plus près à la réalité économique, des dérogations collectives et une possibilité de dérogation individuelle, mais peu vous importe car, pour vous, la précarité des salariés est un gage de d’efficacité économique des entreprises.

Vous souhaitez également supprimer le dispositif de modulation des contributions à l’assurance chômage voulu par les partenaires sociaux et consacré par l’article 11 de la loi du 14 juin 2013, qui a posé les bases législatives de la lutte contre la précarité. Il prévoit d’une part la majoration des contributions patronales pour les CDD en fonction de leur durée et du motif de recours à ce contrat et, d’autre part, l’exonération des contributions au titre de l’embauche en CDI d’un jeune de moins de vingt-six ans.

Vous remettez aussi en cause la création du compte de prévention de la pénibilité, qui représente un progrès social majeur pour les salariés exposés à des travaux pénibles. Les écarts d’espérance de vie – 6,3 années, en moyenne, entre un cadre et un ouvrier – illustrent pourtant, vous le savez bien, les inégalités sociales face à la mort. Décidément, nous n’avons pas la même vision : pour nous, c’est une question de justice, de solidarité nationale envers les travailleurs qui exercent des métiers pénibles.

Les articles 4 et 5 de la proposition de loi tendent à supprimer, pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, l’obligation de recherche d’un repreneur en cas de projet de fermeture d’un établissement ainsi que le droit d’information préalable des salariés en cas de cession. Pourtant, chaque année, près de 50 000 emplois disparaissent dans des entreprises saines, faute de repreneurs. Faut-il redire que la reprise par les salariés accroît de 10 à 20 % les chances de pérenniser l’activité et l’emploi à un horizon de trois ans ?

Cette proposition de loi tend également à supprimer deux mesures concernant l’apprentissage et les stages en entreprise.

Vous estimez qu’il suffit, pour développer l’apprentissage, de rendre éligibles à la taxe d’apprentissage les organismes gestionnaires d’établissements d’enseignement supérieur privés à but lucratif. Nous avons préféré, pour notre part, recentrer le champ des formations éligibles à ce financement, via l’élaboration de nouvelles listes régionales, arrêtées par les préfets, comportant des établissements publics et privés faisant l’objet d’un contrôle pédagogique de la part de l’État et délivrant des titres et diplômes inscrits au répertoire national des certifications professionnelles.

Notre majorité est convaincue que l’apprentissage est l’un des chemins de l’accès à l’emploi. Nous avons pris, à cette fin, d’autres mesures qui constituent selon nous des leviers d’intervention plus importants. Je pense notamment à l’aide forfaitaire « TPE jeunes apprentis » ou à l’aide de 1 000 euros versée aux entreprises de moins de 250 salariés qui recrutent un apprenti supplémentaire.

Enfin, vous tentez une fois encore de revenir sur l’une des dispositions de la loi du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires. Nous avons déjà eu ce débat à de très nombreuses reprises, monsieur le rapporteur, et nous avons un désaccord de fond. Pour nous, le stage n’est pas une fin en soi, ni un sous-contrat de travail qui aurait vocation à être prolongé à l’infini : il doit demeurer un élément de la formation.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, républicain et citoyen soutiendra des amendements de suppression de chacun des articles de cette proposition de loi, qui nie le dialogue social et ne ferait qu’aggraver la précarité des salariés sans pour autant avoir le moindre impact favorable sur le développement des entreprises.

Mme Isabelle Le Callennec. Comme l’a souligné notre rapporteur, cette proposition de loi vise à supprimer un certain nombre de contraintes pesant sur les entreprises. Elle a surtout pour objet de revenir sur bien des mesures anti-entreprises votées par la présente majorité depuis mai 2012, avec les résultats que l’on sait : un million de chômeurs supplémentaires toutes catégories confondues, 60 000 défaillances d’entreprises l’an dernier, un chômage des seniors et un chômage de longue durée en augmentation. Alors que la plupart de nos partenaires européens ont repris le chemin de la croissance, la France est en situation de décrochage économique et le président Hollande, inlassablement, « maintient le cap ». Or, sans croissance, pas de création d’emploi ; sans compétitivité des entreprises, pas de croissance.

Dès le début du quinquennat, trois erreurs majeures ont été commises par le Gouvernement, dont notre pays paie encore le prix : la fin des heures supplémentaires défiscalisées, qui offraient du pouvoir d’achat supplémentaire à 9 millions de salariés ; le matraquage fiscal des entreprises et des ménages, à hauteur de 90 milliards d’euros via 55 hausses d’impôt ou créations nettes de taxe ; la non-mise en œuvre de la TVA « antidélocalisation », dont le Président de la République vient de reconnaître que c’était une erreur, mais sans en tirer les conséquences – alors que rien ne l’en empêche.

De façon plus générale, entre les constats, les discours et les actes, le fossé est si large que la parole publique a perdu toute crédibilité. Entre le « J’aime les entreprises » du Premier ministre et l’avalanche de contraintes dont les dirigeants desdites entreprises, quelle que soit leur taille, se plaignent au quotidien, il y a un abîme.

Le groupe Les Républicains a tenté de vous dissuader de mettre en œuvre les mesures hostiles à l’entreprise contenues dans toute une série de textes votés à grand renfort de communication depuis trois ans : la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui n’a empêché ni les faillites d’entreprises ni les licenciements ; la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron » qui, de l’aveu même du Président de la République, n’est « pas la loi du siècle » ; la loi sur le dialogue social – à peine celle-ci votée, une autre est annoncée qui ne semble pas faire l’unanimité dans les rangs de la majorité, car elle oserait toucher au droit du travail ; sans oublier toutes les mesures contenues dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale que notre groupe a inlassablement, mais hélas sans succès, dénoncées en leur temps, et qui ont joué contre la croissance.

La majorité est restée sourde à nos arguments sur le compte de prévention de la pénibilité, sur la durée minimale hebdomadaire de 24 heures, sur la taxation des CDD, sur le rude coup porté par elle à l’apprentissage, sur la loi relative aux stages : autant de mesures qui, soit entravent la bonne marche des entreprises, soit pénalisent ceux qui restent aux portes de l’emploi – je veux parler des chômeurs.

Avec cette proposition de loi, nous vous offrons, en huit articles, l’occasion de revenir sans attendre sur quelques-unes de ces erreurs. Nous aimerions mettre à profit nos débats pour tenter de vous convaincre que notre rôle de législateur n’est pas de corseter toujours plus les entreprises, de faire peser toujours plus de charge sur leur activité, de complexifier à l’envi leurs relations avec l’administration. Les entreprises aspirent à ce qu’on les laisse travailler, produire, innover, exporter. Elles veulent de la stabilité dans la législation, dès lors que celle-ci favorise leur développement, ainsi qu’une harmonisation des règles européennes. Elles demandent enfin que la parole de l’État soit respectée : l’annonce du report de trois mois des baisses de charges patronales promises pour le premier janvier 2016 ne « passe » pas sur le terrain.

Le Premier ministre invoque régulièrement « l’esprit du 11 janvier » pour nous rassembler autour de ce qui va dans le sens de l’intérêt général. C’est précisément le cas de cette proposition de loi, dont l’adoption constituerait un signal positif adressé aux entrepreneurs, aux salariés, aux apprentis et aux stagiaires. Elle est la preuve de la capacité de notre groupe à proposer un projet alternatif – nous ferons demain des propositions concernant le code du travail – et son adoption à l’unanimité rassurerait les Français quant à la capacité du Gouvernement à reconnaître ses erreurs et à les corriger sans délai.

M. Arnaud Richard. Les chiffres du chômage publiés la semaine dernière sont, une fois de plus, dramatiques. Le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A s’est accru de 20 000 au mois d’août, soit une hausse de 0,6 % par rapport à juillet et de 4,6 % en un an. Je crois ces chiffres suffisamment édifiants pour que chacun reste humble au regard de la politique du Gouvernement. Ils confirment que la France s’enfonce dans une crise sociale et économique sans précédent, et nous déplorons que le Gouvernement, à part quelques déclarations d’un ministre, ne reconnaisse pas les erreurs et les fautes commises depuis le début du quinquennat, ni les conséquences désastreuses de sa politique.

Le report de trois mois de la baisse des charges pour les employeurs est un nouveau mauvais signal adressé aux entreprises par le Gouvernement, ainsi qu’un nouvel exemple de son incapacité à tenir ses promesses. Le groupe Union des démocrates et indépendants, auquel j’appartiens, croit à la démocratie sociale et au dialogue social, qui sont des leviers puissants pour moderniser la France et réformer son code du travail. À ce titre, je me réjouis que le Parlement se penche sur le paritarisme, au sein d’une mission d’information dont les travaux vont commencer dans quelques jours et viendront éclairer nos débats. Ces outils de négociation et de compromis permettront de privilégier une approche globale des problématiques et difficultés de nos systèmes dans les domaines de la lutte contre la précarité, de la protection des salariés, de la sécurisation de leur parcours professionnel, de l’amélioration de la compétitivité des entreprises et de l’anticipation des profondes mutations sociales et économiques du monde dans lequel nous vivons. Notre groupe considère qu’il faut faire confiance au dialogue social afin de laisser émerger une approche globale de ces sujets.

Toutefois, si le dialogue social doit constituer la pierre angulaire des réformes à venir, la libération du marché de ses entraves passe par la suppression d’un certain nombre de mesures prises par la majorité depuis 2012. Les questions fondamentales soulevées par cette proposition de loi mériteraient un peu plus qu’une journée d’initiative parlementaire : elles ont le mérite d’ouvrir à nouveau le débat et reviennent sur des décisions à l’égard desquelles le groupe Union des démocrates et indépendants était plus que réservé.

Le compte de prévention de la pénibilité prévu par la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites est beaucoup trop complexe pour les PME et n’insiste pas assez sur la prévention. Les disposions relatives à l’information des salariés dans le cas de la reprise d’une entreprise instituées par la loi « Florange » ne font qu’alourdir les contraintes pesant déjà sur les entreprises et fragiliser les processus de cession, au détriment des salariés. Quant à la durée minimale hebdomadaire de 24 heures du temps de travail instaurée par la loi de sécurisation de l’emploi, aucune dérogation n’est prévue pour les secteurs d’activité recourant au temps partiel, tel le secteur des services à la personne ou de l’aide à domicile, auquel mon groupe est très attaché. Enfin, le plafonnement du nombre de stagiaires en fonction des effectifs salariés de chaque entreprise pénalisera l’emploi des jeunes, ainsi qu’un certain nombre de secteurs d’activité : je pense au secteur hospitalier, aux PME, aux start-up.

Même si cette proposition de loi constitue une réponse incomplète à la question de la compétitivité de notre économie, condition d’une confiance et d’une croissance retrouvées, son adoption serait un premier pas dans la lutte contre le chômage et pour le redressement de notre pays. Enfin, si un certain nombre de sujets ont été traités par les partenaires sociaux dans l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, l’article 34 de la Constitution permet toujours au législateur de dire son mot sur ces mêmes sujets.

M. Michel Liebgott. Ce qui surprend dans cette proposition de loi, c’est plutôt son manque d’audace. Lorsque l’on lit la presse, particulièrement de droite, on y constate une dénonciation pure et simple du droit du travail, appelé selon certains à disparaître, ou en tout cas à être réduit à la portion congrue. En l’occurrence, le texte qui nous est soumis se borne à remettre en cause, de façon générale, les mesures que nous avons prises depuis 2012, dont quelques-unes s’apparentent pourtant à celles que l’opposition avait votées à d’autres époques : je pense en particulier aux allégements de charges, au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), au rôle donné à la Banque publique d’investissement (Bpifrance). Il est curieux, mes chers collègues, que vous soyez en désaccord avec ces mesures qui, pourtant, vont dans l’intérêt des entreprises. Vous insistez sur le report de trois mois des baisses de charges, mais l’essentiel n’est-il pas que les entreprises soient aidées ?

Le taux de marge des entreprises augmente, l’investissement repart ; la croissance est certes faible, mais elle est repartie à la hausse. Et si le chômage continue d’augmenter, c’est pour des raisons démographiques, que la crise des réfugiés met parfaitement en lumière : si l’Allemagne est en mesure d’en accueillir des centaines de milliers, c’est parce qu’elle connaît un déficit de population appelé à s’aggraver. Ce n’est pas le cas de la France, ce qui ne l’empêche pas de veiller à rétablir un certain nombre d’équilibres : je pense au régime général de retraites, à celui de l’assurance maladie qui se réduit année après année. Nous avons fait les efforts nécessaires pour augmenter les recettes et, surtout, pour diminuer les dépenses, ce que vous n’avez pas fait, au contraire, durant les dix années où vous étiez au pouvoir.

M. Bernard Perrut. Les mesures proposées dans ce texte visent, à juste titre, à alléger les contraintes des chefs d’entreprise et à favoriser un climat économique propice à une réelle reprise économique, en vue d’un objectif que nous devrions tous partager : la création d’emplois.

Il faut prendre des dispositions d’urgence pour lever les freins au développement des entreprises, car le bilan des mesures prises depuis trois ans est catastrophique : le chômage continue d’augmenter, le nombre de défaillances d’entreprises est élevé, l’état de nos finances publiques est tel qu’il nécessite la baisse des aides aux collectivités territoriales, freinant par là les investissements et, partant, nos entreprises. On pourrait encore évoquer les créations ou augmentations d’impôts et de taxes, le compte de prévention de la pénibilité au coût exorbitant – la liste est longue.

Je ne m’attarderai que quelques instants sur l’apprentissage, que vous avez fait baisser par des mesures néfastes, même si vous avez rectifié le tir au cours des derniers mois. Nous proposons de ne plus restreindre le nombre d’établissements éligibles à la part « barème » de la taxe d’apprentissage, afin de donner à cette voie de formation l’impulsion nécessaire, au bénéfice des jeunes.

Sans doute cette proposition de loi ne va-t-elle pas assez loin, comme l’ont dit certains de nos collègues, et faudrait-il s’attaquer au code du travail, alléger la réglementation de la durée du travail et instituer enfin cette « flexisécurité » qui permettrait de mieux adapter l’emploi aux conditions d’aujourd’hui.

Reste que ce texte pourrait nous unir, par-delà nos différences, car notre objectif commun, notre seul objectif est l’emploi, c’est-à-dire l’intérêt du pays.

Mme Sylviane Bulteau. La « ficelle » paraît un peu grosse et cette proposition de loi, comme l’a dit Chaynesse Khirouni, ressemble à un tract électoral en vue des élections régionales, tout comme la pseudo-mobilisation des élus de droite contre la baisse des dotations. Que faites-vous des 600 milliards d’euros de dettes que nous a laissés M. Baroin, ministre du budget à l’époque ? Voilà l’état dans lequel nous avons trouvé la France : chaque ménage français a sur les épaules 62 000 euros de dette, c’est l’héritage de votre majorité et de M. Sarkozy, le bouclier fiscal ayant fait perdre à la France 75 milliards d’euros de recettes. Vous êtes donc peu fondés à nous donner des leçons.

Votre proposition de loi revient, en somme, à dire aux ouvriers : « travaillez plus, travaillez dur, et mourez plus tôt ! » Pardonnez ce trait un peu violent, mais les statistiques que Mme Khirouni a citées sont sans appel. Et quant aux femmes qui subissent le temps partiel, vous leur dites : « travaillez avec des horaires découplés, abandonnez votre vie de famille pour des salaires de misère ! » Tel est le message, dangereux, que vous adressez à nos concitoyens.

M. Bernard Accoyer. Il est consternant que cette proposition de loi, qui remet en question les principales mesures mises en œuvre par le Gouvernement et sa majorité depuis trois ans en vue d’inverser la courbe du chômage et de redresser une situation économique et sociale difficile, ne fasse pas l’objet d’un vrai débat et ne reçoive que des réponses péremptoires, dogmatiques et de parti pris. Notre travail devrait être, avant tout, d’évaluer ce qui a été fait et qui, hélas, n’a pas marché, de débattre de ce qui fonctionne dans d’autres pays et échoue en France.

Je constate avec tristesse que, dominée par une idéologie dont elle ne veut pas sortir, la majorité refuse cette évaluation, car les conséquences, c’est notre pays, ce sont les Français qui vont les supporter. Encore une fois, nos collègues de la majorité devraient réfléchir à ce qu’ils disent, à ce qu’ils font, aux effets durables de mesures qui, à l’évidence, ont échoué et continuent de le faire, plutôt que de dire : « Tout va bien, circulez, il n’y a rien à voir. »

M. Arnaud Robinet. La situation de notre pays mérite mieux que les réponses caricaturales de la majorité. Vous êtes au pouvoir depuis maintenant trois ans, mes chers collègues ; assumez les lois que vous avez soutenues et qui ont eu pour résultat un million de chômeurs supplémentaires, un nombre record d’entreprises mettant la clé sous la porte, une balance commerciale négative. Je crois, comme Bernard Accoyer, qu’il est temps d’évaluer la politique menée par le Gouvernement depuis son accession aux affaires et qui a mis la France dans l’état que nous connaissons aujourd’hui.

Il est trop facile de nous dire : « Nicolas Sarkozy a fait ceci et cela, vous êtes responsables de tous les maux de la France. » Cela fait trois ans que vous êtes aux responsabilités, trois ans que vous soutenez des décisions qui nous mènent droit dans le mur. Il est temps que vous vous ressaisissiez, et cette proposition de loi vous en offre la chance : une chance pour la majorité, une chance pour le Gouvernement, une chance pour le Président de la République. Elle vise en effet à rétablir un certain nombre de mesures prises par l’ancienne majorité et que, par dogmatisme, vous avez supprimées, sans prendre le temps d’évaluer leurs effets.

Saisissez cette chance de réparer vos erreurs, d’être utiles à la France et à nos nombreux concitoyens en recherche d’emploi. Prenez vos responsabilités, assumez l’échec qui est le vôtre et soutenez cette proposition de loi.

M. le rapporteur. Que nous soyons de droite, de gauche ou du centre, il nous faut reconnaître que la France vit un moment particulièrement difficile et se trouve à un tournant historique. Il nous faut parvenir à réduire enfin ce chômage de masse qui dure depuis des années, et dont la responsabilité est partagée. Il nous faut sortir de cette intolérable trappe à exclusion où sont enfermées plus de 5,7 millions de personnes.

Contrairement à ce que j’ai entendu, il ne s’agit pas de faire travailler plus dur les femmes, mais de faire qu’il y ait plus de femmes qui travaillent, même si c’est à temps partiel, quitte à compléter ce revenu partiel par les fonds de l’UNEDIC. Mieux vaut ne travailler qu’une partie du temps, mais rester dans le circuit de l’emploi, car c’est l’emploi qui permet de se tenir debout plutôt que de se replier sur soi-même et de ne plus être un acteur de la société. C’est une conception qui n’est pas dogmatique et que, je crois, nous pouvons partager.

Mme Khirouni nous dit que 50 000 emplois disparaissent chaque année, du fait de fermetures d’entreprises. Le nombre est en vérité plus élevé : ce sont entre 60 000 et 80 000 emplois qui sont ainsi perdus. Mais pourquoi ces entreprises ne trouvent-elles pas de repreneur ? Est-ce parce qu’elles sont dans des secteurs où nous perdons de la compétitivité, où nos produits ne correspondent plus aux demandes du marché, ou à cause de l’accumulation des règles financières, fiscales et sociales propres à notre pays ? Sur ce sujet aussi, nous pouvons avoir des divergences, mais nous avons tous péché. Aujourd’hui, l’occasion est belle de revenir sur un certain nombre de mesures prises dans les domaines fiscal et social.

La loi du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels, qui m’est chère, avait inscrit les stages dans les cursus de formation. Il est excessif de prétendre que les stages ne sont que de l’emploi déguisé, abusif : cela a existé, cela existe peut-être encore, mais beaucoup moins depuis que le stage est inscrit dans le cursus de formation et que la convention doit être signée par le jeune, l’employeur et l’organisme de formation – qu’il s’agisse d’une université, d’un centre de formation des apprentis (CFA) ou d’un centre relevant de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Certes, il y aura toujours des employeurs ne respectant pas les règles, mais la formule du stage doit être préservée, car elle constitue une possibilité pour les jeunes d’entrer dans l’entreprise, pour une courte période d’abord, de façon éventuellement plus durable ensuite.

Je remercie Isabelle Le Callennec et Arnaud Richard, qui ont mis en évidence la nécessité de revenir sur un certain nombre de mesures contre-productives.

M. Liebgott a mis en avant le CICE, mais celui-ci ne fait que maintenir ce qui existait auparavant : il faut garder à l’esprit que, sur plus de 40 milliards d’euros d’impôts prélevés, une moitié seulement est restituée, qui ne va pas forcément là où il y a des besoins : il n’est que de citer le cas des grandes surfaces, ou même de La Poste, qui sont déjà bénéficiaires.

Bernard Perrut a bien mis en perspective l’ensemble des problèmes et souligné l’importance de revenir au bon sens.

Mme Bulteau nous reproche notre prétendue mauvaise gestion, mais ce n’est pas la question : ce dont il s’agit, c’est d’abroger un certain nombre de dispositions qui se révèlent contre-productives. Et, puisqu’elle nous accuse de prôner le « travailler plus pour gagner moins », je l’invite à assister demain matin à la réunion au cours de laquelle Isabelle Le Callennec et moi-même proposerons des mesures permettant, au contraire, de gagner plus.

Il est vrai que, malgré une légère amélioration, trop de femmes sont victimes du temps partiel subi, mais ce ne sont pas les lois votées depuis 2012 qui permettront de changer cet état de fait. Les aides à domicile en milieu rural (ADMR), par exemple, sont souvent des femmes qui travaillent le matin de bonne heure, puis en milieu de journée, puis le soir lorsque les enfants sont rentrés de l’école. L’objectif du plancher de 24 heures était bien, dans l’esprit de la majorité comme dans celui des partenaires sociaux, d’éviter ce temps fractionné, ce qui était louable, mais il a fallu ménager des dérogations qui ont vidé la mesure de sa substance.

Bernard Accoyer a raison : il faut identifier les freins, qui sont nombreux, afin de les desserrer, car il y a eu, en trois ans, 1,1 million de chômeurs supplémentaires, et l’on voit bien que la courbe n’est pas près de s’inverser.

Arnaud Robinet, enfin, a souligné à juste titre que notre démarche n’a rien de dogmatique ; il s’agit simplement de prendre la mesure de la réalité et des obstacles. Je vous concède, mes chers collègues, que notre proposition de loi ne va pas assez loin, mais nous ferons, dans les semaines à venir, d’autres propositions, témoignant de notre souhait que la valeur travail demeure une valeur largement partagée, car le travail crée l’activité, qui crée l’emploi en retour.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Chapitre Ier

Allégement des contraintes qui pèsent sur les entreprises

Article 1er : Suppression du compte de prévention de la pénibilité

La Commission est saisie de l’amendement AS2 de Mme Chaynesse Khirouni, tendant à supprimer l’article.

Mme Chaynesse Khirouni. La création du compte de prévention de la pénibilité représente un progrès social majeur pour les salariés exposés à des travaux pénibles.

L’intérêt du dispositif adopté en 2014 est qu’il se place nettement en amont de la dégradation de l’état de santé et qu’il fixe des seuils uniformes pour tous les salariés. Le précédent dispositif, adopté en 2010 et qui reposait sur la notion d’incapacité, s’était en effet révélé largement insuffisant, puisque seules 5 000 à 7 000 personnes ont pu en bénéficier.

Ce compte permet l’ouverture de droits à différentes prestations : retraite, formation professionnelle, compensation du passage à temps partiel. Conscient des difficultés de mise en œuvre, notamment dans les TPE et les PME, notre collègue Christophe Sirugue avait identifié dans son rapport plusieurs facteurs de complexité et de risque liés à la prise en compte des dix facteurs d’exposition, et nous-mêmes avons, par nos amendements, simplifié le dispositif sur plusieurs points.

Les entreprises qui ne disposent pas en interne des ressources pour mesurer toutes les expositions peuvent se contenter d’appliquer le référentiel de leur branche pour identifier les postes, métiers ou situations de travail exposés aux facteurs de pénibilité. Afin de laisser aux organisations professionnelles le temps de constituer ces référentiels, l’entrée en vigueur de six des dix facteurs de pénibilité restants a en outre été repoussée au 1er juillet 2016. Par ailleurs, l’obligation d’établir et de transmettre des fiches individuelles ne repose plus sur l’employeur. Enfin, certains des seuils à partir desquels la déclaration s’impose seront révisés ou précisés.

Pour toutes ces raisons, il n’y a pas lieu de maintenir l’article 1er.

Mme Isabelle Le Callennec. La mise en œuvre du compte de prévention de la pénibilité est difficile. Les entreprises insistent sur le fait que les référentiels seront très malaisés à établir, y compris au niveau des branches.

Je veux insister sur un point dont on ne parle jamais : ce dispositif constituera une charge supplémentaire pour les entreprises. À chaque fois que l’on parle de charge supplémentaire, vous brandissez naturellement le CICE, mais ce dispositif a bon dos.

Plus grave encore : l’image même de nos industries souffrira d’être assimilée automatiquement à la pénibilité du travail, et elles auront beaucoup de mal, demain, à recruter des salariés, alors même qu’elles réalisent des efforts importants pour améliorer les postes de travail. On ne peut, d’un côté, prétendre sauver l’industrie française et, de l’autre, leur accoler cette image de métiers pénibles. Nous ne sommes plus au temps de Zola !

M. Bernard Accoyer. Comme Mme Le Callennec, je veux insister sur l’image que le compte pénibilité va donner au travail dans l’industrie, outre le coup supplémentaire qu’il va porter à la compétitivité des entreprises. Force est de se demander, dès lors, si la priorité du Gouvernement et de la majorité est vraiment de lutter contre le chômage. Je rappelle que la notion de pénibilité avait été introduite dans la réforme de 2010, contre laquelle l’opposition d’alors s’était mobilisée – au point de poursuivre le président de l’Assemblée nationale dans les couloirs après l’adoption du projet de loi !

M. Élie Aboud. Quand une disposition législative est claire et limpide, son application est simple et peut être immédiate. Si le pouvoir exécutif a différé d’une année l’exécution de celle-ci, c’est bien qu’il s’est rendu compte qu’elle était source de lourdeurs administratives. Lorsque les artisans, les TPE et les PME s’accordent tous à dire qu’il s’agit d’une véritable usine à gaz, c’est le signe qu’il y a un vrai problème.

M. Dominique Tian. Quand un sujet est complexe, il est bon de demander leur avis aux spécialistes. Sur le site lepoint.fr, l’avocat Camille-Frédéric Pradel n’hésite pas à qualifier la loi de 2014 de « risque de tsunami judiciaire qui pèse sur les entreprises ». Une entreprise sur deux n’a pas encore commencé à mettre en place les fiches individuelles de suivi, tant la chose est complexe et les sanctions potentielles lourdes, en l’absence de toute sécurité juridique pour les entreprises. Et Me Pradel d’ajouter : « Si seulement 10 % des 8 millions de salariés exposés réclament chaque année à leur employeur une indemnisation, les tribunaux seront complètement débordés. » C’est pourquoi il faut adopter la proposition de loi de Christian Jacob et ne surtout pas supprimer son article 1er qui est plein de bon sens.

M. Denys Robiliard. Je veux rappeler à l’opposition que c’est à son initiative que la pénibilité a été introduite dans le code du travail, que c’est elle qui associe le mot à certains métiers de l’industrie, et que c’est par un décret signé de M. Xavier Bertrand qu’a été définie, de façon fort complexe, la notion, le jour même de l’élection présidentielle !

À l’âge de trente-cinq ans, l’écart d’espérance de vie entre un ouvrier et un cadre est de six ans, et l’écart d’espérance de vie en bonne santé est plus important encore. Oui ou non, cet état de fait mérite-t-il une réponse ? Nous pensons que oui, et agissons en conséquence. Chacun ici a intérêt à assumer ce qu’il fait, et le discours que vous tenez sur le compte de prévention de la pénibilité montre que ce n’est pas le cas. Vous devriez plutôt relire l’excellent rapport de votre collègue Jean-Frédéric Poisson.

M. Gérard Sebaoun. C’est vous, chers collègues de l’opposition, qui avez introduit la pénibilité par le biais du volet réparation. Mme Khirouni a rappelé que le nombre de dossiers traités est de 5 000 à 7 000, ce qui est extrêmement faible. Pour notre part, nous avons souhaité reprendre tous les travaux menés par les partenaires sociaux, qui avaient en particulier dressé la fameuse liste des dix facteurs de risque, et nous avons introduit cette liste dans la loi de 2014. La difficulté tient moins au dispositif lui-même, relativement simple et bien encadré, qu’à la nécessité que les branches se saisissent sérieusement des problèmes – qui sont réels et que M. Michel de Virville a exposés devant notre commission. Nous devons accompagner ce mouvement, et je regrette à titre personnel que le Gouvernement n’aille pas assez vite.

Vous avez abordé la pénibilité sous l’angle de la réparation, considérant que c’était suffisant et qu’il appartenait aux médecins de s’en occuper. Pour notre part, nous avons encadré et amélioré les droits sociaux de ceux qui souffrent le plus dans les entreprises, ce qui constitue un progrès social.

M. Arnaud Robinet. Lors des débats de 2013 sur la réforme des retraites, on nous a reproché d’avoir négligé la question de la pénibilité.

Mme Chaynesse Khirouni. Pas du tout !

M. Arnaud Robinet. Aujourd’hui, vous reconnaissez que nous avons introduit la notion de pénibilité dès 2010. En vérité, c’était en 2003, lors de la réforme Fillon qui a institué le dispositif dit « carrières longues » en faveur de celles et ceux qui ont commencé à travailler très jeunes.

M. Gérard Sebaoun. Ce n’est pas la même chose !

M. Arnaud Robinet. Si puisque ce sont généralement les mêmes qui ont exercé des métiers pénibles.

Cela dit, ce n’est pas au moment de la retraite que doivent être abordés les problèmes liés à la pénibilité au travail, mais au cours de la carrière professionnelle elle-même. De nombreuses mesures ont été prises pour améliorer les conditions de travail, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.

Je ne sais pas, mes chers collègues, dans quel monde vous vivez, ni s’il vous arrive de rencontrer des chefs d’entreprise, des commerçants, des artisans. Tous vous parleront des difficultés qu’ils ont à comprendre le mécanisme du compte pénibilité et à le mettre en place, ainsi que des lourdeurs administratives qu’il entraîne. Je ne vois pas comment vous pouvez continuer à soutenir aujourd’hui un tel dispositif.

M. Jean-Pierre Door. Je me demande si la majorité connaît vraiment la réalité du terrain. Pour tout dire, j’en doute, tant elle a chargé la barque des TPE et des PME malgré les difficultés qu’elles connaissent. Il n’est, pour s’en convaincre, que d’écouter les chambres de commerce et d’industrie. Dans ma circonscription, de nombreuses entreprises souffrent de toutes ces taxes que vous avez ajoutées les unes aux autres, et Pôle Emploi comme la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) sont catastrophés par l’augmentation du chômage.

J’ai lu qu’une entreprise de 160 salariés implantée en Corrèze est sur le point de fermer. Le Président de la République a eu beau venir à son secours, il ne parvient pas à sauver cette entreprise qui avait déjà été reprise.

Vous continuez de jouer aux apprentis sorciers en défendant des mesures qui augmentent les charges des entrepreneurs. Il conviendrait de faire un moratoire. C’est pourquoi M. Cherpion propose de supprimer le compte de prévention de la pénibilité, quitte à réexaminer la question lorsque la reprise sera là.

M. le rapporteur. Le travail n’est pas pénible en soi ; ce sont les tâches qui peuvent l’être, et la répétition de ces tâches qui crée le syndrome de pénibilité. Pour limiter celle-ci, peut-être faut-il, plutôt que de risquer d’aggraver les difficultés de recrutement, enseigner les bonnes postures, les bons gestes au travail. Le rapport de notre collègue Michel Issindou sur la médecine du travail comporte des préconisations qu’il faut appliquer. Préférons le préventif à un curatif qui ne soigne rien.

M. Robiliard a évoqué les écarts d’espérance de vie, mais la pénibilité du travail n’en est pas le seul facteur : il faut aussi tenir compte du salaire, des conditions de logement, de l’accès aux soins. Évitons les raccourcis sur ce sujet.

La loi a pour objet d’établir un cadre. Or, en fixant les critères de pénibilité, elle va au-delà, et les contentieux risquent d’être très nombreux, tant ils sont complexes. Le Gouvernement s’en est d’ailleurs rendu compte, puisqu’il a supprimé la fiche individuelle et reporté l’application de six des dix critères. Allons plus loin : revenons au système antérieur.

Avis défavorable, donc, à l’amendement.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er est supprimé.

Article 2 : Suppression de la durée minimale du temps de travail de 24 heures

La Commission examine l’amendement AS3 de Mme Chaynesse Khirouni, tendant à supprimer l’article.

Mme Chaynesse Khirouni. L’article 2 tend à revenir sur la durée hebdomadaire de 24 heures instaurée par la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013.

L’objectif de cette disposition est de lutter contre la précarité et le temps partiel subi qui concernent surtout les femmes. Il existe déjà une certaine souplesse dans son application, puisque les salariés âgés de moins de vingt-six ans qui poursuivent leurs études peuvent bénéficier d’une dérogation, de même que tout salarié qui en fait individuellement la demande.

Pour ces raisons, nous proposons de supprimer cet article.

M. le rapporteur. Certes, il y a des femmes qui ont des emplois précaires, mais ne pourrait-on pas plutôt envisager un système qui permettrait aux gens de travailler dix, douze ou quinze heures, en fonction de leurs besoins ? Prenons l’exemple du portage de journaux, tâche qui requiert une dizaine d’heures par semaine. Des personnes d’une quarantaine d’années qui ont déjà un emploi à temps partiel pourraient être intéressées par ce type de métier.

Mme Khirouni a rappelé que la loi prévoit des dérogations, mais à quoi rime-t-il de voter des lois qui nécessitent, pour être applicables, d’être assorties d’une multitude de dérogations ? Du reste, certains signataires de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, aussi bien du côté des salariés que de celui des employeurs, se rendent bien compte que cette mesure n’est pas bonne.

Je suis donc défavorable à l’amendement.

M. Denys Robiliard. Le débat sur ce sujet est récurrent. Vous l’avez dit monsieur Cherpion : il existe des dérogations au plancher des 24 heures, qui peut en outre être modifié par voie conventionnelle.

L’ANI du 11 janvier 2013 a été transposé dès le mois de juin suivant par le législateur, avec les correctifs qui s’imposaient. Si un accord est remis en cause par une partie de ses signataires immédiatement après avoir été approuvé, quel crédit accorder à la négociation collective ? Le patronat, qui appelle volontiers de ses vœux la stabilisation de la norme, devrait s’appliquer à lui-même ce précepte…

Mme Sylviane Bulteau. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué les problèmes que pose la règle des 24 heures au secteur de l’aide à domicile. Hier, justement, j’ai rencontré une association d’aide à domicile, qui déploie tous ses efforts pour assurer à ses salariées des temps de travail complets, des salaires corrects, des progressions de carrière satisfaisantes.

M. le rapporteur. Si certaines associations peuvent proposer des temps plein, on n’est plus dans le cadre des 24 heures…

Monsieur Robiliard, vous apportez de l’eau à mon moulin lorsque vous insistez sur les dérogations possibles : si la loi les prévoit, c’est bien qu’elle n’est pas applicable sinon.

Ces dérogations entraînent néanmoins, ipso facto, tout un système de contrôles, qui alourdit le fonctionnement des entreprises.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 est supprimé.

Article 3 : Abrogation des mesures introduites par la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle

La Commission étudie l’amendement AS4 de Mme Chaynesse Khirouni, tendant à supprimer l’article.

Mme Chaynesse Khirouni. L’article 3 vise à abroger l’obligation, pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d’un établissement.

Si une telle obligation avait existé il y a quelques années, elle aurait permis d’éviter des fermetures de sites industriels rentables tels que Pilpa dans l’Aude, d’Aucy en Saône-et-Loire ou Lejaby en Haute-Loire. Comme l’a rappelé le rapport Gallois, notre pays a perdu, en dix ans, 750 000 emplois dans l’industrie. Notre détermination est intacte pour assurer le redressement industriel de la France, et c’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. le rapporteur. La loi dite « Florange » a été votée en 2014 pour répondre à une promesse faite pendant la campagne présidentielle. Aujourd’hui, cependant, l’entreprise visée a fermé ses portes…

Hier, j’ai rencontré le responsable d’une entreprise menacée de fermeture et soumise à cette fameuse loi. Il a dû charger un cabinet spécialisé de faire de la prospection, mais ce cabinet lui expliquera au bout d’un certain temps, selon toute probabilité, qu’il n’a pas trouvé de repreneur, et l’entreprise fermera. S’il est intéressant de favoriser la recherche de repreneurs, la loi « Florange » est inutile, et finalement contre-productive, dans la mesure où elle ne comporte pas d’obligation de résultats.

Le même type de procédure existe quand une personne est déclarée inapte à son poste. L’entreprise a une obligation de recherche de reclassement. Après cinq ou six recherches actives qui n’aboutissent pas, le licenciement a lieu…

Il ne faut pas que la loi soit un alibi qui serve uniquement à donner bonne conscience aux uns ou aux autres.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 est supprimé.

Article 4 : Abrogation de mesures introduites par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire

La Commission est saisie de l’amendement AS5 de Mme Chaynesse Khirouni, tendant à supprimer l’article.

Mme Chaynesse Khirouni. Chaque année, ce sont près de 50 000 emplois – le rapporteur parle même de 60 000 ou 70 000 – qui disparaissent, dans des entreprises pourtant saines, faute de repreneurs. Une étude de la direction générale du Trésor montre que les entreprises reprises par leurs salariés ont 10 % à 20 % de chances supplémentaires de pérenniser l’activité à l’horizon de trois ans, tant la mobilisation de ces salariés est forte.

Le présent article tend à supprimer trois éléments essentiels de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire : le délai dans lequel les salariés peuvent présenter une offre de rachat des parts sociales ; celui dans lequel les salariés peuvent présenter une offre en cas de cession d’un fonds de commerce dans les entreprises de moins de cinquante salariés ; l’information anticipée des salariés leur permettant de présenter une offre en cas de cession d’un fonds de commerce pour les entreprises employant de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés.

Or ces dispositions permettent aux salariés d’agir directement et d’offrir le maximum de chances à la pérennité de l’emploi et l’activité. La volonté de sauver l’outil de travail doit être accompagnée. Les dispositions que nous avons proposées dans le cadre de cette loi permettent cet accompagnement.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer l’article 4.

M. Bernard Perrut. Il est patent que ces nouvelles obligations ont des conséquences négatives. Lors de l’examen du projet de loi Macron, le Gouvernement a certes apporté certains assouplissements, notamment en matière d’information des salariés des PME, dont le champ s’étend désormais aux seules ventes et non plus à l’ensemble des transferts de propriété. Le dispositif continue cependant de complexifier le processus de reprise d’une entreprise et risque de faire peur aux salariés, aux clients et aux investisseurs. Par conséquent, il convient de le supprimer.

M. le rapporteur. M. Macron a admis qu’il y avait un problème, et c’est pourquoi la loi qu’il a défendue devant nous a modifié le champ d’application de l’obligation d’information, de façon à ne viser que les ventes, à l’exclusion des donations, successions et autres. Allons jusqu’au bout et donnons encore plus de fluidité. Je pense que M. Macron serait d’accord avec moi…

Avis défavorable à l’amendement.

M. Denys Robiliard. C’est un comble que d’invoquer M. Macron à propos de ce dossier, sachant que la modification qu’il souhaitait apporter l’a été ! Vous ne pouvez l’appeler à la rescousse pour supprimer un dispositif qui résulte de la loi qui porte justement son nom !

M. Fernand Siré. En tant que médecin, je peux vous dire que, lorsque l’on a posé un diagnostic mais que la thérapeutique ne fonctionne pas, cela veut dire que l’on s’est trompé de diagnostic, et que le patient risque de mourir si l’on ne modifie pas la thérapeutique. La France est en train de mourir à cause de la vision dogmatique des socialistes.

Je suis inquiet quand je vois quelles sont les intentions de vote de nos concitoyens lors des prochaines élections régionales. Un mouvement dangereux est en train d’apparaître à cause de votre entêtement.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 4 est supprimé.

Article 5 : Suppression de la majoration de la part patronale de la contribution d’assurance chômage pour les contrats à durée déterminée de courte durée

La Commission en vient à l’amendement AS6 de Mme Chaynesse Khirouni, visant à supprimer l’article.

Mme Chaynesse Khirouni. L’article 5 tend à abroger la majoration de la part patronale de la contribution d’assurance chômage pour les contrats à durée déterminée (CDD) de courte durée.

Je rappelle que 772 000 salariés sont concernés par cette majoration et que 205 000 jeunes de moins de 26 ans bénéficiaires d’un contrat à durée indéterminée (CDI) le sont par l’exonération de charges patronales. Il appartient désormais aux partenaires sociaux de négocier l’application de ce principe de modulation du montant des cotisations en fonction de la qualité du contrat de travail.

M. Bernard Perrut. La majoration des contributions patronales d’assurance chômage a coûté 49,87 millions d’euros aux entreprises en 2014. Accabler les entreprises alors que le contexte est très difficile me paraît d’autant plus déraisonnable que l’objectif visé, à savoir l’incitation à l’embauche en CDI, n’est pas atteint. La taxation des CDD de courte durée ne fait qu’imposer une charge supplémentaire aux entreprises.

M. Rémi Delatte. Comme vient de le dire M. Perrut, ces 50 millions d’euros constituent une charge nouvelle pour les entreprises. On aurait pu penser que la taxation des CDD de courte durée aurait incité les entreprises à embaucher des salariés en CDI. Or cette disposition n’a pas porté ses fruits, comme le montrent, hélas ! les chiffres du chômage.

M. le rapporteur. Je partage les propos de MM. Perrut et Delatte. Si cette mesure avait été efficace, elle aurait eu un effet sur les chiffres du chômage. Or on se rend bien compte que ce n’est pas le cas.

Avis défavorable à l’amendement.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 5 est supprimé.

Chapitre II

Mesures facilitant l’emploi des jeunes

Article 6 : Suppression des restrictions au financement de l’apprentissage

La Commission est saisie de l’amendement AS7 de Mme Chaynesse Khirouni, visant à supprimer l’article.

Mme Chaynesse Khirouni. L’article 6 tend à abroger certaines dispositions de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

Depuis l’entrée en vigueur de cette dernière loi, les écoles hors contrat et celles gérées par des associations à but lucratif ne sont plus éligibles au barème de la taxe d’apprentissage, l’objectif étant notamment de réorienter le produit de celle-ci, grâce à l’élaboration par les préfets de nouvelles listes régionales, vers les établissements publics et privés faisant l’objet d’un contrôle pédagogique de la part de l’État et délivrant des titres et diplômes inscrits au répertoire national des certifications professionnelles.

L’opposition considère que l’article 6 permettrait de relancer l’apprentissage. Nous n’en sommes pas du tout convaincus. Je rappelle que nous avons mis en œuvre l’aide « TPE jeune apprenti », ainsi que l’aide de 1 000 euros versée aux entreprises de moins de 250 salariés qui recrutent un apprenti supplémentaire.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 6.

M. Bernard Perrut. L’apprentissage est un sujet préoccupant, car le Gouvernement l’a quelque peu malmené, à telle enseigne que les chiffres sont en baisse. En 2014, 265 000 nouveaux contrats d’apprentissage ont été comptabilisés, soit une baisse de 3 % par rapport à 2013. Il faut espérer que les chiffres de 2015 montreront une certaine reprise.

Pourquoi exclure du financement les écoles et campus créés à l’initiative d’une entreprise, alors que l’entreprise est précisément au cœur de l’apprentissage ? Il s’agit de quelque 1 400 établissements d’enseignement privé, connus et reconnus pour la qualité de leur formation, dispensée par près de 40 000 formateurs et bénéficiant chaque année à quelque 450 000 étudiants.

M. le rapporteur. L’apprentissage baisse en effet depuis 2012, alors que 80 % des jeunes ont un emploi durable six mois après la fin de leur apprentissage, et qu’en Allemagne, où ce mode de formation est bien plus développé, le taux de chômage des jeunes est de 7,2 % alors qu’il est trois fois supérieur en France. Cet élément me paraît essentiel dans le contexte difficile actuel qui est le nôtre.

Madame Khirouni, vous faites état de l’aide de 1 000 euros décidée par la majorité, mais le montant était supérieur auparavant, et le crédit d’impôt a, quant à lui, été supprimé. Ce n’est pas cela qui permettra de relancer l’apprentissage.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 6 est supprimé.

Article 7 : Suppression du plafonnement du nombre de stagiaires dans les entreprises

La Commission est saisie de l’amendement AS1 de Mme Chaynesse Khirouni, tenant à supprimer l’article.

Mme Chaynesse Khirouni. La loi du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires répond à un triple objectif : favoriser le développement des stages de qualité, éviter les stages se substituant à des emplois, protéger les droits et améliorer le statut des stagiaires.

L’article 7 de la présente proposition de loi vise à revenir sur une disposition essentielle : le plafonnement du nombre de stagiaires en fonction des effectifs salariés de l’entreprise. Nous avons en effet souhaité conforter la dimension pédagogique des stages et renforcer les conditions d’accueil, ce qui suppose de limiter le nombre de stagiaires accueillis afin que les tuteurs soient en nombre suffisant pour accompagner le stagiaire.

Nous proposons donc la suppression de cet article.

M. Fernand Siré. Dans nos circonscriptions, nous sommes assaillis de demandes de la part de jeunes qui souhaitent faire des stages mais qui n’en trouvent pas. Les parents pleurent parce que leurs enfants sont obligés d’arrêter leurs études faute d’avoir trouvé le stage adéquat. Il est déplorable que, dans un contexte de pénurie de stages, on crée des contraintes supplémentaires pour les employeurs qui pourraient accueillir des stagiaires.

M. Bernard Perrut. Le Gouvernement affirme qu’il convient de développer la professionnalisation, gage de bonne insertion dans le monde du travail, mais, dans le même temps, il limite les possibilités de stage en entreprise. Alors que ces stages sont obligatoires dans de nombreuses formations, notamment professionnalisantes, le risque est grand que les jeunes ne puissent plus valider leur cursus, faute d’en avoir trouvé un.

Bien sûr, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut éviter les abus. C’est ce que nous avons fait avec la loi dite Cherpion pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels, qui prévoyait la limitation de l’accueil successif de stagiaires ainsi que la tenue d’un registre des conventions de stages, et apportait des précisions quant à la gratification. Mais vouloir limiter l’accueil des stagiaires va à l’encontre de ce que nous souhaitons, c’est-à-dire développer nos PME et PMI, qui sont un lieu d’accueil très important pour les jeunes.

M. Rémi Delatte. Le mieux est l’ennemi du bien. Certes, il faut que la qualité de l’accueil en entreprise soit la meilleure possible, mais les difficultés que rencontrent aujourd’hui les jeunes pour trouver des stages sont telles qu’il ne faut pas rajouter de contraintes supplémentaires. Il faut au contraire simplifier autant que possible le dispositif, car les stages constituent une étape importante de la formation des jeunes et leur sont toujours très profitables.

Mme Chaynesse Khirouni. Vous le savez, le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans est de l’ordre de 25 %, et peut même atteindre 50 % dans certains territoires ou quartiers. Vous savez aussi que certains jeunes, qui ont achevé leur cursus universitaire, fait leur stage et obtenu leur diplôme, se voient proposer non un emploi mais un nouveau stage, qui peut faire office de période d’essai ! Nous devons faire confiance aux jeunes et cesser de croire que leur formation est source de difficultés. Le plafonnement du nombre de stagiaires dans une même entreprise n’est pas un frein, mais un outil de régulation, qui incitera l’entreprise, une fois que les jeunes auront effectué leur stage, à les recruter plutôt que d’avoir recours à d’autres stagiaires.

M. le rapporteur. Cette mesure, en vérité, aura pour effet de renforcer les discriminations. Moins il y aura de stages, et plus les jeunes seront amenés à faire appel à leurs réseaux d’amis et de connaissances pour entrer dans une entreprise. Dans nos permanences, des jeunes viennent nous voir parce qu’ils cherchent quelqu’un qui leur ouvre la porte de l’entreprise.

L’encre de la loi du 12 juillet 2014 est d’ailleurs à peine sèche que le Gouvernement a déjà relevé le plafond de 10 % à 15 % des effectifs de l’entreprise. Cela n’empêchera pas les plus petites entreprises, les start-up notamment, d’atteindre ce seuil avec un seul stagiaire.

Votre tout dernier argument, madame Khirouni, n’est pas recevable. Depuis la loi de 2011, dès lors que le jeune a achevé son cursus scolaire ou universitaire, il ne peut plus être employé comme stagiaire. Si la loi était appliquée, nous n’aurions pas besoin de fixer des seuils.

Mme Chaynesse Khirouni. Le fait même que vous parliez d’« employer » un stagiaire est significatif.

M. le rapporteur. Justement : ce n’est pas légal. On ne peut pas accueillir en stage un jeune qui a terminé ses études.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 7 est supprimé.

Article 8 : Gage

La commission en vient à l’amendement AS8 de Mme Chaynesse Khirouni.

Mme Chaynesse Khirouni. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le rapporteur. Je constate que, malgré les ouvertures annoncées par le Gouvernement, le Premier ministre et le ministre de l’économie, la majorité n’accepte aucune évolution. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet, de façon tout aussi passionnée sans doute.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 8 est supprimé.

Mme la présidente Catherine Lemorton. La commission ayant rejeté chacun des articles, il n’y a pas lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, considérée comme rejetée elle aussi.

La séance est levée à seize heures cinquante.

——fpfp——

Information relative à la commission

La commission des affaires sociales a désigné :

– M. Gérard Sebaoun, rapporteur sur le titre I du projet de loi relatif à la santé.

Présences en réunion

Réunion du mardi 29 septembre 2015 à 15 heures

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Pierre Aylagas, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Sylviane Bulteau, M. Gérard Cherpion, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Françoise Dumas, M. Jean-Patrick Gille, Mme Joëlle Huillier, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Céleste Lett, Mme Marie Le Vern, M. Michel Liebgott, M. Laurent Marcangeli, M. Pierre Morange, M. Jean-Philippe Nilor, M. Bernard Perrut, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. Arnaud Viala

Excusés. – M. Philip Cordery, Mme Véronique Massonneau