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No 437

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 novembre 2012.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
le régime d’asile européen commun,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Marietta KARAMANLI et M. Charles DE LA VERPILLIERE,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Emeric BREHIER, Jean-Jacques BRIDEY, Mme Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, M. Yves Daniel, MM. Charles de LA VERPILLIÈRE, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Jean-Claude FRUTEAU, Hervé GAYMARD, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Marc LAFFINEUR, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Michel LIEBGOTT, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY, Mme Paola ZANETTI.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LE RENFORCEMENT DES GARANTIES PROCÉDURALES EN FAVEUR DES DEMANDEURS D'ASILE : 9

A. RENFORCER LES GARANTIES PROCÉDURALES LORS DU PREMIER ENTRETIEN : 9

1. Favoriser la présence d’un conseil ou d’un avocat dès la première phase de la procédure d’instruction : 10

2. Initier la possibilité d’enregistrer l’entretien : 10

3. Donner la possibilité au requérant de s’entretenir avec une personne d’un sexe identique au sien : 10

B. INSTAURER UN RECOURS SUSPENSIF : 11

1. L’arrêt I.M c/ France : 11

2. Instaurer un recours suspensif lorsque le recours à une procédure prioritaire est synonyme d’une mesure d’éloignement du territoire : 11

II. UNE RÉPONSE PLUS ADAPTÉE À L'ÉVENTUEL ACCUEIL DES DEMANDEURS D'ASILE 12

A. AMÉLIORER L'INFORMATION DES ÉVENTUELS DEMANDEURS D'ASILE : 12

B. MAINTENIR L’ÉTABLISSEMENT D’UNE LISTE NATIONALE DE PAYS SÛRS : 12

C. EVALUER LE COÛT DU DISPOSITIF POUR LES PAYS POUR LESQUELS LA DEMANDE D’ASILE EST ÉLEVÉE : 13

CONCLUSION 15

TRAVAUX DE LA COMMISSION 17

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 19

ANNEXES 23

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 25

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Malgré la mise en œuvre d’une première phase d’harmonisation des législations nationales en matière d’asile, selon la ligne fixée par le Conseil européen de Tampere en octobre 1999 pour la période 1999-2005, des différences fondamentales demeurent dans les décisions de reconnaissance ou de rejet de demandes d’asile présentées dans les différents États membres par des personnes venant d’un même pays.

La première phase d’harmonisation a consisté en l’adoption de plusieurs directives établissant des normes minimales : directive relative au statut des réfugiés (dite qualification), directive relative aux procédures de traitement des demandes d’asile visant à instituer une égalité d’accès (dite procédures), directive relative aux conditions d’accueil des demandeurs d’asile : logement, éducation et accès aux soins (dite accueil).

Les systèmes d’asile nationaux reposent également sur le règlement dit de « Dublin II » qui établit les règles pour déterminer quel est l’État membre responsable d’une demande d’asile (Dublin II remplace la convention de Dublin de 1997). Ce règlement tend à éviter les dépôts de demandes multiples dans plusieurs États membres et repose notamment sur la base de données Eurodac (base des empreintes digitales des demandeurs d’asile) dans laquelle sont enregistrées des données sur les demandeurs d’asile.

De l’avis général, les règles fixées au début des années 2000 n’ont été que des règles a minima, ne permettant pas de réelle harmonisation des législations et des pratiques.

Le programme de La Haye, qui dresse les priorités de l’espace de liberté, de sécurité et de justice pour la période 2005-2009, puis le pacte européen pour l’immigration et l’asile (adopté sous présidence française de l’Union en octobre 2008), ont fixé l’objectif d’une seconde phase d’harmonisation en matière d’asile pour arriver à la création d’un régime d’asile européen commun. Le pacte européen pour l’immigration et l’asile prévoit la mise en œuvre, avant la fin 2012, d’une procédure d’asile unique et de statuts identiques pour les bénéficiaires de la protection internationale (c'est-à-dire réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire2). Le programme de Stockholm, qui fixe les priorités pour la période 2010-2014, reprend ces objectifs, le programme de La Haye ayant pris beaucoup de retard en matière d’asile.

A l’heure actuelle, l’absence de pratiques communes, les divergences des sources d’information et les différentes traditions nationales conduisent à des réponses contradictoires aux demandes d’asile, selon l’État membre de dépôt de la demande. Ces résultats sont l’une des principales raisons des « mouvements secondaires » des demandeurs d’asile qui, après être entrés sur le territoire de l’Union, cherchent à se présenter dans le pays dans lequel leur demande a le plus de chances d’être acceptée.

Le règlement Dublin II a ainsi été adopté pour empêcher les demandes d'asile multiples en obligeant le demandeur à présenter sa demande dans l’Etat membre par lequel il est entré dans l’espace communautaire.

L’arrêt de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, M.S.S c/Belgique et Grèce a cependant porté un coût d’arrêt à l’application effective du règlement Dublin II et à son corollaire la solidarité communautaire en interdisant le renvoi des demandeurs d’asile en Grèce. En effet, la Cour a condamné la Grèce et la Belgique sur le fondement de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales. En l’espèce, le requérant avait été transféré de Belgique en Grèce pour présenter sa demande d’asile conformément aux dispositions du règlement Dublin II, puisqu’il s’agissait du pays par lequel il était entré dans l’espace communautaire. Or, par cet arrêt la CEDH a interdit de facto les transferts vers la Grèce eu égard aux conditions sanitaires existantes dans les centres de rétention en jugeant que les conditions de rétention avaient été synonymes de mauvais traitements à l’encontre du requérant.

La refonte actuelle du système d’asile préexistant, pour aboutir à un programme d’asile européen commun, repose donc sur trois objectifs complémentaires : assurer un niveau de protection élevé, permettre une réponse harmonisée au niveau communautaire et lutter contre les détournements de procédure et les demandes abusives qui viseraient à utiliser le statut de réfugié à des fins migratoires.

La demande d’asile est très inégalement répartie sur l’ensemble du territoire communautaire. La France, par exemple, est le premier pays d’accueil européen. Elle a des standards élevés en matière de protection. A titre d’exemple, en 2011 ce sont 57 337 demandes d’asile qui ont été déposées dont 40 464 premières demandes (hors mineurs accompagnant) en France. Depuis 2008, le nombre de premières demandes d’asile augmente, soit une hausse cumulée de 50 %, cette hausse s’applique également aux traitements en procédure prioritaire3 qui concernent plus du quart des requérants.

Si l’on compare avec d'autres pays pour lesquels le nombre de demandes d’asile déposées est largement inférieur, les procédures d’admission ne peuvent être exactement les mêmes, sauf à entraîner des coûts particulièrement importants ou une baisse du niveau des garanties accordées aux demandeurs à coût constant.

En effet, du fait de l'inégalité de la pression en termes de demande d'asile à laquelle les Etats sont soumis, augmenter les garanties procédurales peut avoir des conséquences non souhaitées et risquerait d'amener à une inégalité de traitement des demandes du fait de l'impossibilité pour les Etats membres de les honorer dans le délai imparti. La France ne pourrait pas garder un niveau élevé de standards si elle devait transposer l'ensemble des préconisations de la directive dite « procédure » pour améliorer la procédure en premier ressort.

Les rapporteurs ont, dès lors, été attentifs, notamment lors des auditions qu'ils ont menées, aux conséquences que la transposition de la directive aurait en droit interne.

L’ensemble des textes qui posent les jalons d’une révision d’un régime d’asile européen commun sont sur le point d’être votés et nécessiteront des adaptations de notre droit national. La proposition de directive relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait du statut conféré par la protection internationale dite « directive procédures » est toujours en cours de négociation. Une position du Conseil pourrait être adoptée en décembre ou en janvier, la présidence chypriote souhaiterait un accord pour fin décembre. A cet égard, ce rapport d’étape souhaite faire le point sur les négociations en cours et présenter un projet de résolution sur cette question.

I. LE RENFORCEMENT DES GARANTIES PROCÉDURALES EN FAVEUR DES DEMANDEURS D'ASILE :

La directive procédures a pour objet de renforcer la protection et les garanties des demandeurs d’asile, notamment lors du premier entretien individuel, qui va déterminer l’octroi ou non du statut de réfugié. Pour les autorités nationales, il s’agit de trouver un point d’équilibre entre un renforcement des garanties offertes aux demandeurs d’asile et la soutenabilité du régime d’asile pour le pays d’accueil.

Plusieurs points méritent d’être soulevés.

A. Renforcer les garanties procédurales lors du premier entretien :

En premier lieu, la directive propose de renforcer les garanties des demandeurs lors de l’entretien individuel devant l’organisme chargé d’accorder le statut de réfugié. En France, l’OFPRA (l'Office de protection des réfugiés et des apatrides) est chargé d'effectuer ce premier entretien ; c'est la première phase de la procédure administrative pour obtenir le statut de réfugié.

Ce premier entretien s'avère essentiel puisque c’est à ce moment-là que va se décider l'octroi ou non du statut de réfugié. En cas de refus, le requérant peut demander un réexamen de sa demande par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le taux d'annulation devant la CNDA est relativement élevé puisque 20 % des refus de délivrance du statut de réfugié sont annulés.

Afin de renforcer les garanties des requérants, le projet de directive cherche à améliorer la procédure dès le premier stade d'instruction de la demande. Il ouvre ainsi la possibilité pour un avocat ou un conseil d'être présent lors de l'entretien individuel, de s'entretenir avec une personne du même sexe, d'enregistrer l'entretien, ainsi que d'ajouter des commentaires par écrit après réception du procès-verbal de l'entretien.

Ces différents éléments peuvent apparaître redondants et alourdir inutilement la procédure notamment pour des pays soumis à une forte pression en termes de demande d'asile. Générateurs de coûts élevés, ils auraient pour conséquence d'allonger inutilement la procédure, obérant la possibilité pour les Etats membres de se conformer à une autre disposition de la directive qui préconise de limiter la durée de la procédure à six mois. Lors des auditions que vos rapporteurs ont menées, l'OFPRA a précisé que, dans l'état actuel de la procédure, le délai incompressible auquel il était soumis était de deux mois et demi.

Les rapporteurs sont évidemment favorables à un renforcement des garanties offertes au demandeur lors de la première phase de la procédure, c'est pourquoi ils les soutiennent, mais avec les réserves suivantes.

1. Favoriser la présence d’un conseil ou d’un avocat dès la première phase de la procédure d’instruction :

En ce qui concerne la présence de l'avocat dès la première phase de la procédure ils y sont favorables à condition que celle-ci soit encadrée.

En effet, la présence de l'avocat ne doit pas faire obstacle à ce que le demandeur réponde aux questions de l'entretien visant à établir la matérialité de sa demande d'asile, à savoir son origine et les persécutions qu'il allègue.

Favoriser la présence de l'avocat ou d’un conseil n'a d'intérêt que si leur présence permet d'éviter que l'entretien, mal conduit, intimidant, ne puisse permettre au requérant d'essayer de faire valoir la bonne foi et la réalité de sa demande d'asile.

2. Initier la possibilité d’enregistrer l’entretien :

L'enregistrement de l'entretien répond à la même finalité. Il pourrait, par ailleurs, être une réponse suffisante dans la première phase de la procédure au renforcement des garanties du demandeur. Cet enregistrement pourra dès lors être produit comme pièce à conviction lors du recours de plein contentieux qui se tiendra devant la CNDA.

Dès lors, exiger comme garantie supplémentaire la possibilité pour le requérant de faire des commentaires par écrit au procès-verbal établi par l'OFPRA s'avère être clairement une procédure superfétatoire qui n'aura pour seul effet que d'alourdir inutilement la première phase d’instruction.

3. Donner la possibilité au requérant de s’entretenir avec une personne d’un sexe identique au sien :

La directive préconise également de favoriser l'entretien individuel avec un interlocuteur et un interprète de sexe identique à celui du requérant. Cette disposition heurte de plein fouet le principe d’égalité et de non-discrimination propre au droit français. Les rapporteurs sont pleinement conscients de l'importance du choix du sexe de l'interlocuteur notamment lorsque la demande est fondée sur des allégations de viol. Le choix du genre de l'interlocuteur et de l'interprète ne saurait pour autant devenir un principe. C'est pourquoi ils ont choisi une rédaction faisant part de leurs réserves sur ce point.

B. Instaurer un recours suspensif :

La directive préconise également l'instauration d'un recours suspensif. Le principe d'un recours suspensif existe en droit français, hormis dans le cas des procédures prioritaires. La procédure prioritaire est une procédure accélérée qui permet de traiter une demande d'asile manifestement infondée, de manière prioritaire.

1. L’arrêt I.M c/ France :

Dans l'arrêt I.M c/ France de la Cour européenne des droits de l'homme, la Cour a considéré que le requérant, du fait de l'absence du caractère suspensif de son recours, n'avait pu bénéficier d'un recours effectif, tel que conventionnellement garanti par l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits fondamentaux.

Elle n'a pas, pour autant, déclaré inconventionnel le principe du recours aux procédures prioritaires.

2. Instaurer un recours suspensif lorsque le recours à une procédure prioritaire est synonyme d’une mesure d’éloignement du territoire :

Sans généraliser l'établissement d'un recours suspensif, il faut préciser que le recours abusif aux procédures prioritaires peut néanmoins priver le requérant d'un droit à l'examen de sa demande d'asile, comme l'a jugé la Cour.

Aussi les rapporteurs préconisent-ils la possibilité d'instaurer un recours suspensif limité au cas où l’intervention d'une mesure d'éloignement empêcherait le requérant de faire valoir ses droits.

II. UNE RÉPONSE PLUS ADAPTÉE À L'ÉVENTUEL ACCUEIL DES DEMANDEURS D'ASILE

A. Améliorer l'information des éventuels demandeurs d'asile :

Afin de mieux informer les éventuels requérants de leurs droits, la directive préconise également de renforcer l'information aux frontières et dans les centres de rétention des possibilités offertes en termes de demande l'asile.

Faire droit à une demande d'asile est un droit conventionnellement garanti, notamment par la Convention de Genève de 1951, et constitutionnellement reconnu en France par le 4e alinéa du Préambule de 1946 et l'article 53-1 de la Constitution. Il n'en demeure pas moins vrai que certaines filières mafieuses peuvent dévoyer ce droit à des fins migratoires. Aussi les pays membres doivent-ils se garder d'avoir une approche naïve concernant l'offre d'asile, qui aurait des conséquences néfastes pour les demandeurs dont les demandes seraient humainement et juridiquement fondées. En effet, un accroissement mécanique des demandes ne pourrait que ralentir la procédure et le recours aux procédures accélérées.

Aussi si les rapporteurs demeurent favorables à un renforcement de l'information ils émettent des réserves sur les conséquences que celui-ci pourrait entraîner.

B. Maintenir l’établissement d’une liste nationale de pays sûrs :

Les rapporteurs sont également favorables à l'établissement d'une liste de pays sûrs4 au niveau communautaire sans pour autant se cacher les difficultés qui préexistent à l'établissement d'une telle liste.

En effet, une comparaison entre les différentes listes nationales établies par les Etats membres laisse apparaître des divergences relativement importantes. Aussi préconisent-ils qu'en l'absence d'une telle liste faisant consensus, l'établissement de listes nationales reste possible.

Il est important de préciser que le Conseil d'Etat exerce un contrôle sur l'établissement de telles listes. Ainsi, saisi par l'association Association Forum Réfugiés, a-t-il annulé, en 2008, la présence de l'Albanie sur une telle liste. Remis sur la liste des pays sûrs, la présence de ce pays a également été annulée en 2012 suite à un recours du syndicat de l'OFPRA5. Ce pays demeure néanmoins toujours sur la liste des pays sûrs au Royaume-Uni !

C. Evaluer le coût du dispositif pour les pays pour lesquels la demande d’asile est élevée :

La Commission européenne a proposé une refonte des différents instruments financiers pour la période 2014-2020. Cette refonte se traduit par le passage de six fonds à deux fonds : le futur Fonds Asile et Migration (FAM) qui regroupe les fonds pour le retour (FR), l’intégration (FEI), et les réfugiés (FER), et le futur Fonds pour la Sécurité intérieure (FSI) regroupant le fonds pour les frontières extérieures (FFE) et les fonds ISEC et CIPS.

L’enveloppe prévue est en augmentation de 77 % puisqu’elle passe de 194 M€ à 345 M€.

En ce qui concerne le Fonds asile et migration, le montant prévu de 3,87 milliards d’euros pour les programmes nationaux des Etats membres dont 264 millions d’euros pour la France peut apparaître satisfaisant du fait de l’augmentation globale du contenu. Il faudra néanmoins mesurer, une fois les négociations achevées quel sera l’impact financier exact des nouvelles garanties sur le financement au titre de l’asile. En l’état actuel le chiffrage exact n’est pas connu, notamment parce que la ventilation, au niveau national, entre les différents objectifs du fonds, par les Etats membres dans le cadre de leurs programmes nationaux n’a pas encore été établie.

Si les rapporteurs se félicitent d’un regroupement des fonds pour davantage de lisibilité et d’une augmentation globale de l’enveloppe consacrée au Fonds Asile et Migration, ils souhaiteraient néanmoins qu’une évaluation des coûts induits par les nouvelles garanties apportées par la directive procédures soit conduite, notamment en ce qui concerne les Etats pour lesquels la demande d’asile est élevée.

CONCLUSION

L'harmonisation du droit d'asile est essentielle pour répondre aux valeurs que porte l'Union européenne. Elle ne saurait se faire a minima ni viser à empêcher les Etats membres d'assurer la protection de leurs frontières contre l'exploitation que l'on pourrait faire des failles juridiques de leur système de protection national et international. Aussi les rapporteurs préconisent-ils l'adoption d’une proposition de résolution afin de promouvoir un texte équilibré qui tienne compte des différences entre Etats membres, tout en offrant des standards élevés en termes de droit d'asile.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 20 novembre 2012, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

M. William Dumas. Dans mon département – le Gard – il y a peu de demandeurs d’asile et l’on a souvent affaire à des personnes en situation irrégulière, accompagnées de mineurs, mais qui ne sont pas pour autant des demandeurs d’asile.

M. Arnaud Richard. La France applique des standards élevés en matière de protection des demandeurs d’asile. Pourrons-nous conserver ce niveau élevé de protection ? Il y a un coût induit et j’observe que dans le point 4 de votre projet de résolution, vous demandez que ce coût induit soit évalué. Est-ce envisageable ?

Mme Marietta Karamanli. Il est important que l’information figure dans la directive mais ce sont les centres de rétention aux frontières qui sont visés. Je n’ai pas la totalité de la réponse sur ce qui est envisageable mais il est important d’avoir une évaluation. Nous la demandons et nous préciserons dans le rapport final ce que nous attendons en termes d’évaluation. C’est notre rôle, en notre qualité de parlementaires, de la demander.

M. Charles de La Verpillière. Les points 4 et 11 du projet de résolution sont liés. Au point 4, nous demandons l’évaluation du coût de ces nouvelles garanties apportées aux demandeurs d’asile et au point 11, nous indiquons que la Commission européenne devrait vérifier qu’elle a les moyens de faire face à ses surcoûts…

M. Arnaud Richard. On a des dispositifs d’hébergements d’urgence qui profitent à des demandeurs d’asile.

La présidente Danielle Auroi. C’est aussi parce que l’on n’a pas assez de centres de rétention. Quoi qu’il en soit, étant donné que sur le fond un accord total semble se dégager entre nous, je vous propose que cette résolution soit adoptée, en attendant la seconde étape.

Mme Marietta Karamanli. Nous remercions les services pour leur aide, sur un grand nombre de sujets relevant du domaine justice et affaires intérieures : asile, procédures, Roms, etc.

Puis la commission a approuvé la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 3 paragraphe 2 du Traité sur l’Union européenne,

Vu les articles 67, 78 et 80 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu les conclusions du Conseil européen des 15 et 16 octobre 2008,

Vu la proposition de règlement no 2011/751 final du Parlement européen et du Conseil portant création du Fonds « Asile et migration »,

Vu la proposition de directive modifiée no 2011/319 final/3 du Parlement européen et du Conseil, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait du statut conféré par la protection internationale (refonte),

1. Rappelle que l’Union européenne et les Etats membres doivent assurer un niveau élevé de protection aux demandeurs d’asile et considère qu’une plus grande harmonisation des procédures d’asile constitue un progrès indéniable répondant aux objectifs du programme de Stockholm qui vise à la mise en place d’un « espace commun de protection et de solidarité fondé sur une procédure d’asile commune et un statut uniforme pour les personnes bénéficiant d’une protection internationale », et permettra de garantir un niveau élevé dans la protection accordée aux réfugiés ;

2. Rappelle également que le Conseil européen a adopté le 16 novembre 2008 un « pacte européen sur l’immigration et l’asile » dans lequel il préconise d’instaurer une procédure d’asile unique comportant des garanties communes afin d’achever la mise en
œuvre progressive d’un régime d’asile européen commun. Celui-ci offrira tant la garantie d’une meilleure protection des demandeurs d’asile qu’un moyen de lutter contre les risques liés aux dépôts de demandes d’asile orientés en fonction des différences entre les législations et les pratiques nationales des Etats membres ;

3. Précise néanmoins qu’en ce qui concerne la « directive procédures », actuellement en cours de négociation, un équilibre doit être trouvé entre les garanties nouvelles accordées aux demandeurs d’asile et le caractère soutenable des régimes d’asile des États membres, notamment s’agissant des pays pour lesquels la demande d’asile est particulièrement élevée ;

4. Demande, en ce qui concerne la première phase d’instruction de la demande d’asile :

- que pour les Etats membres dans lesquels la demande d’asile est particulièrement forte, le coût induit par les nouvelles dispositions prévues par la proposition de directive relatives à l’entretien individuel avec chaque demandeur d’asile soit évalué ;

- que la possibilité pour le demandeur d’asile de s’entretenir avec une personne du même sexe ainsi qu’avec un interprète du même sexe qui ne peut-être de principe ne soit envisagée que si elle repose sur des critères objectifs liés au motif de la demande et non sur des motifs discriminatoires ;

- que la possibilité qu’un avocat soit présent dès la première phase de la procédure d’instruction soit favorisée ;

- que l’enregistrement de l’entretien individuel supplée la possibilité pour le demandeur d’asile de faire des commentaires sur le rapport ou la transcription qui a été faite de son entretien dès lors qu’il pourra être utilisé en cas de recours contre la décision ;

5. Estime que l’instauration d’un droit à l’information sur le droit d’asile à la frontière et dans les centres de rétention doit être organisée de façon à ne pas entraîner une élévation mécanique du nombre des demandes infondées qui obèrerait la mise en
œuvre des nouvelles garanties accordées aux demandes juridiquement fondées ;

6. Demande également que soit respecté un équilibre entre l’approfondissement des garanties procédurales et l’exigence d’une maîtrise des délais, qui constitue également une garantie pour le demandeur d’asile, afin de ne pas alourdir la procédure notamment pour les Etats membres dont le système d’asile est déjà soumis à de fortes contraintes ;

7. Souligne que le principe d’une limitation de la durée d’examen de la procédure d’octroi du statut de réfugié à un délai n’excédant pas 6 mois, qui doit être soutenu, pourrait être difficile à atteindre compte tenu de certaines des nouvelles garanties proposées par la directive ;

8. Soutient la mise en place d’un système permettant d’identifier les personnes en situation de vulnérabilité afin d’offrir des garanties élevées lors de l’entretien individuel, à condition que ce système d’identification puisse être appliqué concrètement par l’ensemble des États membres ;

9. Soutient le principe d’un recours suspensif limité au cas où l’intervention d’une mesure d’éloignement du territoire prise à la suite du refus d’accorder une protection internationale au demandeur d’asile l’empêcherait de faire valoir ses droits ;

10. Soutient également le principe du maintien d’une liste nationale des pays d’origine sûrs tant que l’établissement d’une telle liste n’a pu faire l’objet d’un accord au niveau européen en raison de la persistance d’approches nationales divergentes ;

11. Souhaite que l’enveloppe budgétaire proposée par la Commission européenne pour les nouveaux instruments financiers sur la période 2014-2020 soit votée et prenne en compte les surcoûts induits par les nouvelles garanties prévues par la directive procédures pour les Etats membres faisant face à une forte pression sur leur régime d’asile, comme cela est précisé au point 4 de la présente résolution.

ANNEXES

ANNEXE 1 :

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Les rapporteurs tiennent à témoigner leur gratitude envers les personnalités qui ont accepté d’apporter leurs témoignages et de partager leurs expertises.

Secrétariat général de l’immigration et de l’intégration

M. Stéphane FRATACCI, secrétaire général

Mme Brigitte FRENAIS-CHAMAILLARD, cheffe du service de l’asile

Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA)

Mme Agnès FONTANA, secrétaire générale.

Haut-commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés (UNHCR)

M. Philippe LECLERC, Représentant du HCR en France

Mme Caroline LALY-CHEVALIER, chargée de liaison avec l’OFPRA et la CNDA HCR à Paris

Forum des réfugiés

M. Jean-François PLOQUIN, directeur général

Mme Claire SALIGNAT, chargée d’opérations Europe

France Terre d’Asile

M. Matthieu TARDIS, chargé de mission Europe

Mme Elodie SOULARD, chargée de mission

Cimade

M. Gérard SADIK, coordinateur Asile

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 . Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et qui aurait des craintes d'être exposée à une menace grave en cas de retour dans son pays (peine de mort, torture, violences notamment). Il est accordé pour une période d’un an renouvelable.

3 . La procédure prioritaire est une procédure accélérée qui permet de traiter prioritairement des demandes d’asile a priori infondées, car les requérants sont soit originaires d’un pays sûr, soit représentent une menace pour l’ordre public, soit la demande d’asile repose sur un recours abusif ou une fraude délibérée ou une manœuvre dilatoire pour faire échec, par exemple, à une mesure de reconduite à la frontière. Le requérant est alors en situation irrégulière sur le territoire, contrairement à la procédure de droit commun qui accorde une autorisation de séjour temporaire, le temps que la demande de la qualité de réfugié soit examinée.

4 La liste de pays sûrs est une liste, établie par un Etat membre, sur laquelle figure des pays considérés comme sûrs, ce qui a pour conséquence que la demande d'asile est directement traitée par une procédure prioritaire parce que considérée comme infondée. De vives critiques notamment des associations visent à préciser les critères d'établissement de cette liste, souvent utilisée davantage à des fins de gestion des flux migratoires.

5 Arrêt du 26 avril 2012, Association syndicale libre Ofpra (Asyl)