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N536

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIEME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 décembre 2012.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES((1)

sur
l’Europe de la défense à la veille du Livre blanc,

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Joaquim PUEYO et Yves FROMION ,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Emeric BREHIER, Jean-Jacques BRIDEY, Mme Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, M. Yves Daniel, MM. Charles de LA VERPILLIÈRE, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Jean-Claude FRUTEAU, Hervé GAYMARD, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Marc LAFFINEUR, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Michel LIEBGOTT, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY, Mme Paola ZANETTI.

SOMMAIRE

___

Pages

RÉSUMÉ DU RAPPORT 7

INTRODUCTION 9

I. LES AVANCÉES PERMISES PAR LE TRAITÉ DE LISBONNE EN MATIÈRE DE POLITIQUE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE COMMUNE 11

A. LE HAUT REPRÉSENTANT POUR LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ 11

B. LA CRÉATION DU SERVICE EUROPÉEN D’ACTION EXTÉRIEURE (SEAE) 12

C. L’OBJECTIF D’UNE DÉFENSE COMMUNE ET L’INTÉRÊT D’UNE MEILLEURE UTILISATION DES FORCES MULTINATIONALES 13

1. L’objectif d’une défense commune 13

2. L’intérêt d’une meilleure utilisation des forces multinationales 14

a) L’exemple de l’Eurocorps 14

b) L’exemple de la Brigade franco-allemande (BFA) 15

D. LE RENFORCEMENT DE L’AGENCE EUROPÉENNE DE DÉFENSE (AED) ET LES EXEMPLES DE COOPÉRATIONS INDUSTRIELLES ET TECHNOLOGIQUES EN MATIÈRE DE DÉFENSE 17

1. Le renforcement de l’Agence européenne de défense 17

2. Quelques exemples de coopérations industrielles et technologiques 19

a) Le ravitaillement en vol 19

b) Le partage des moyens de transport aérien 19

c) L’avion de transport militaire A 400 M 19

d) Les drones 20

e) Les programmes missiles 21

f) Les radios logicielles militaires 21

g) La surveillance spatiale et les satellites 21

h) Les accords de Lancaster House 22

E. LA POSSIBILITÉ DE MISE EN PLACE D’UNE COOPÉRATION STRUCTURÉE PERMANENTE (CSP) 22

1. Les textes relatifs à la CSP 23

2. L’exégèse des textes relatifs à la CSP 25

II. L’ÉTAT DES LIEUX DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE COMMUNE (PSDC) 32

A. LES DIFFÉRENTES INSTANCES COMPÉTENTES DANS LE CHAMP DE LA PSDC 32

1. Les instances européennes « classiques » 32

a) Le Conseil européen 32

b) Le Conseil des ministres en formation « Affaires étrangères » 33

c) La Commission européenne 33

d) Le Parlement européen 33

e) Le Comité des représentants permanents (COREPER) 34

2. Les instances plus spécifiques à la PSDC 34

a) Le groupe Relations extérieures (RELEX) 34

b) Le Comité politique et de sécurité (COPS) et la Représentation permanente (RP) et militaire 34

c) Le Comité militaire de l’Union européenne (CMUE) 35

d) L’État-major de I'UE (EMUE) 35

e) Le Groupe politico-militaire (GPM) 36

f) Le Comité chargé des aspects civils de la gestion des crises (CIVCOM) 36

g) La Direction de la planification et de la gestion de crises (CMPD) 36

h) La Capacité civile de planification et de conduite (CPCC) 36

i) La Cellule de veille et d’analyse 37

j) Le Département de réponse aux crises 37

k) Le Centre d'opérations 37

l) Les Quartiers généraux nationaux 38

3. Les Agences pour la Politique de sécurité et de défense commune 38

a) Le Centre satellitaire de l’Union européenne (CSUE) 38

b) L’Institut d'études de sécurité de l'UE (IESUE) 38

4. Une innovation : la Conférence interparlementaire pour la PESC et la PSDC 39

B. LES FINANCEMENTS DE LA PSDC 40

1. Le principe : différenciation des opérations militaires et civiles 40

a) Le financement des opérations militaires et de défense 40

b) Le financement des opérations civiles 40

2. Le mécanisme de financement Athéna 40

C. LES OPÉRATIONS MILITAIRES ET CIVILES MENÉES DANS LE CADRE DE LA PSDC 41

1. Les opérations militaires achevées 41

a) CONCORDIA, la 1re opération militaire de l’Union européenne, en Macédoine 41

b) ARTÉMIS, en République démocratique du Congo (RDC) 42

c) EUFOR RDC, également en République démocratique du Congo 42

d) EUFOR TCHAD/RCA, au Tchad et en République Centrafricaine 43

e) EUFOR-LYBIE 43

2. Les opérations militaires en cours 44

a) EUFOR ALTHÉA en Bosnie-Herzégovine 44

b) EUNAVFOR ATALANTA dans la Corne de l’Afrique 45

c) EUTM SOMALIA en Somalie et Ouganda 45

3. Les opérations civiles achevées 46

a) EUPOL PROXIMA, dans l’ancienne république yougoslave de Macédoine 46

b) EUPAT, également dans l’ancienne république yougoslave de Macédoine 46

c) EUJUST THEMIS, en Géorgie 47

d) AMM Monitoring Mission, à Aceh, en Indonésie 47

e) EUPOL Kinshasa, en République démocratique du Congo 47

f) AMIS II, au Soudan et Darfour 48

g) EU SSR Guinée-Bissau 48

h) EUPM BIH, en Bosnie-Herzégovine 48

4. Les opérations civiles en cours 49

a) EUJUST LEX en Irak, première mission intégrée « État de droit » en Irak 49

b) EUDAM Rafah en Palestine 49

c) EUPOL COPPS, en Palestine également 50

d) EUSEC RDC, en République démocratique du Congo 50

e) EUPOL RDC, également en République démocratique du Congo 51

f) EUPOL AFGHANISTAN 52

g) EULEX KOSOVO 52

h) EUMM GEORGIA 53

i) EUBAM, en Moldavie et Ukraine (frontière) 53

j) EUCAP SAHEL Niger (à ne pas confondre avec la mission militaire à l’étude au Sahel Mali pour 2013) 54

k) EUAVSEC Sud-Soudan 55

l) EUCAP NESTOR, dans la Corne de l’Afrique 55

5. Observations sur les opérations PSDC 56

6. L’opération au Sahel en préparation pour 2013 58

CONCLUSION 63

TRAVAUX DE LA COMMISSION 65

ANNEXES 67

ANNEXE 1 : liste des personnes auditionnées 69

ANNEXE 2 : « La coopération structurée permanente, un cadre juridique riche en potentialités pour une Europe des défenses » (article de décembre 2012 de SYNOPSIS, Centre de recherche des Ecoles de Coëtquidan) 71

ANNEXE 3 : Déclaration du 15 novembre 2012 des ministres des affaires etrangères et de la défense d'Allemagne, d'Espagne, de France, d'Italie et de Pologne 81

RÉSUMÉ DU RAPPORT

« L’Europe de la défense » est un terme utilisé en France : nos voisins européens lui préfèrent en général celui, sans doute plus explicite de « politique de sécurité et de défense commune » – PSDC – consacré par le Traité de Lisbonne en 2007. Il s’agit en effet non pas tant d’assurer la « défense de l’Europe », rôle dévolu en principe à l’OTAN, que de préserver les intérêts de l’Europe en matière de sécurité, où qu’ils soient menacés dans le monde.

La France affiche aujourd’hui clairement une ambition de relance de l’Europe de la défense et souhaite associer à sa démarche les autres États européens. Cela signifie-t-il pour autant que l’Europe de la défense soit inexistante ou moribonde ? Certes non, et l’objectif du présent rapport d’information est bien de le montrer, en dressant un état des lieux – non exhaustif d’ailleurs – de ce qui a déjà pu être réalisé.

Ce bilan insiste sur les avancées permises ou facilitées par le Traité de Lisbonne, avancées dont l’Europe n’a pas encore pleinement tiré parti. Des avancées institutionnelles – création d’un Haut Représentant et du Service européen d’action extérieure, objectif d’une défense commune – ont amélioré la visibilité de l’Europe de la défense, dans laquelle la multiplicité des instances compétentes peut laisser parfois l’impression d’une trop grande complexité, voire créer la confusion. Des coopérations capacitaires, industrielles et technologiques se sont développées, en partie sous l’égide de l’Agence européenne de défense. De nombreuses missions PSDC, civiles et militaires – une trentaine au total – ont été menées ou sont encore en cours ; l’une devrait débuter au Sahel/ Mali en 2013. Ignorées souvent du grand public, ces missions sont pourtant parfois emblématiques de ce que l’Europe peut faire en matière de défense. C’est pourquoi la présente étude s’est particulièrement attachée à les répertorier, de même qu’elle s’est attachée à citer plusieurs exemples de coopérations réussies.


Ceci ne signifie pas, bien entendu, qu’on ne puisse pas, qu’il ne faille pas, aller plus loin. A cet égard, le présent rapport d’information a fait le choix de mettre l’accent sur l’intérêt que présenterait la mise en place de cet outil – offert par le Traité de Lisbonne – qu’est la Coopération structurée permanente (CSP). Une analyse rigoureuse des textes qui s’y rapportent montre à quel point ils ont pu être mal interprétés par ses détracteurs. La CSP est en effet un instrument souple et engageant, qui pourrait constituer un symbole très fort dans le cadre de la relance de l’Europe de la défense, à laquelle se sont déjà ralliés les États du Groupe Weimar + (Allemagne, Pologne, Espagne, Italie et France) par une Déclaration du 15 novembre 2012 (annexée au rapport).

Le présent rapport doit être considéré comme un travail d’étape. Il n’a pas pour objectif de faire des propositions – celles-ci seront peut-être l’apport d’un document final, dont la publication pourrait intervenir fin mars ou début avril 2013. Néanmoins la mise en place de la Coopération structurée permanente prévue par le Traité de Lisbonne serait peut-être la première piste à explorer, sous réserve du recueil d’autres avis, notamment les avis de nos partenaires européens.

La France, dans sa démarche de relance de l’Europe de la défense, ne pourra en tout état de cause rester crédible auprès de ses voisins européens que si elle se donne les moyens de cette ambition. Le présent rapport souhaite le rappeler, à la veille de la publication du Livre blanc sur la défense, qui ouvrira la voie à une nouvelle loi de programmation militaire française pour les années 2014 à 2019.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent document est un rapport d’étape que vos rapporteurs ont souhaité présenter à la veille de la publication d’un nouveau Livre blanc sur la défense.

Par lettre du 13 juillet 2012, le Président de la République M. François Hollande a en effet confié à M. Jean-Marie Guehenno le soin de présider une Commission de réflexion chargée, à l’issue de ses travaux, de publier ce Livre blanc qui, comme celui de 2008, servira de base à l’élaboration d’une future loi de programmation militaire, au printemps 2013.

Pourquoi un rapport d’étape ? La publication du nouveau Livre blanc étant prévue en janvier 2013, il nous a semblé primordial de rappeler, avant cette échéance, que les choix qui seront effectués pour l’avenir de la défense française devront impérativement prendre en compte sa dimension européenne.

Dans son discours sur la défense nationale du 11 mars 2012, M. François Hollande, alors candidat, déclarait expressément : « Je veux que l’alternance politique en France, si elle vient, soit l’occasion d’une relance de la défense européenne. Je sais le scepticisme ambiant. Et il ne s’agit pas de psalmodier " Europe de la défense, Europe de la défense, Europe de la défense " de façon incantatoire, mais d’être avant tout politique et pragmatique ».

Le souhait du futur Président de la République a ensuite été très clairement relayé par son ministre des Affaires étrangères, M. Laurent Fabius, dans son discours de Varsovie du 26 juillet 2012 : « Je veux le dire clairement : nous souhaitons nous, Français, et je pense que quelquefois nous ne sommes pas d’accord avec d’autres pays, une relance de la défense européenne ».

Face à une volonté politique aussi nettement exprimée, il serait dommage d’enlever sa chance à « l’Europe de la défense ».

Pourquoi une relance de « l’Europe de la défense » ? Cela signifie-t-il que celle-ci serait inexistante ou moribonde ? Une certaine inertie jusqu’à présent, un échec récent et cuisant, celui de la fusion entre EADS et BAE Systems, les restrictions budgétaires actuelles, qui affectent aussi la défense, pourraient conforter dans cette idée les « eurodépressifs ». Incontestablement pourtant ce nihilisme est exagéré et nous espérons que le contenu du présent rapport contribuera à le démontrer. Il est vrai cependant que les potentialités de l’Europe de la défense sont, de l’avis de vos rapporteurs – avis partagé par plusieurs personnalités qu’ils ont déjà pu auditionner – largement sous-utilisées.

Pourquoi « l’Europe de la défense » et non « la défense de l’Europe » ? Parce que, comme cela a été rappelé lors des auditions, la seconde est déjà assumée par l’OTAN. La première, même si elle est tout à fait complémentaire de la seconde, doit être entendue sous l’angle plus large de la préservation des intérêts européens dans le monde, qui peut notamment exiger la stabilisation de certaines régions. Tel est bien le sens de plusieurs missions civiles ou militaires déjà menées au titre de la PSDC (politique de sécurité et de défense commune).

Etabli à mi-parcours (le rapport définitif devrait être publié au printemps 2013, avant l’examen de la loi de programmation militaire) ce rapport d’étape ne prend pas en compte tous les aspects de la question et ne tire pas un bilan de tous les entretiens et déplacements de vos rapporteurs (un certain nombre restant à venir). L’avis – primordial - de certains voisins européens n’a pas encore pu être recueilli. Néanmoins ce rapport vise à présenter de façon assez complète l’état des lieux de la PSDC au moment où s’élabore le Livre blanc, en mettant en exergue les avancées du Traité de Lisbonne, encore largement sous-exploitées, quand elles ne restent pas lettre morte : tel est le cas notamment de la Coopération structurée permanente (CSP) à laquelle des développements particuliers sont consacrés, dans le rapport et en annexe, grâce à une intéressante contribution écrite du Centre de Recherche des Ecoles de Coëtquidan.

Ce faisant, gardant toujours à l’esprit la volonté de démontrer pourquoi la relance de l’Europe de la défense n’est pas une utopie – et remerciant chaleureusement les différentes personnalités déjà rencontrées qui leur ont apporté leur éclairage (cf. liste in fine des personnes auditionnées) – vos rapporteurs espèrent que le prochain Livre blanc saura enfin véritablement prendre en compte la dimension européenne de la défense française.

I. LES AVANCÉES PERMISES PAR LE TRAITÉ DE LISBONNE EN MATIÈRE DE POLITIQUE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE COMMUNE

La politique européenne de sécurité et de défense (PESD) a été rebaptisée « politique de sécurité et d’une défense commune » (PSDC) par le Traité de Lisbonne afin d’insister sur l’objectif de défense commune qui n’est plus présenté comme une éventualité mais comme un but. Sa spécificité a été renforcée, même si elle continue à faire partie intégrante de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

Au-delà de ces considérations sémantiques, la politique étrangère et de défense a été institutionnellement confortée par le Traité de Lisbonne.

A. Le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité

Un effort important a été consenti pour incarner la politique étrangère de l’Union, au plus haut niveau avec le président du Conseil européen et au plus près de la gestion quotidienne des politiques avec le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (actuellement Mme Catherine Ashton).

La création de ce Haut représentant, dans sa configuration issue du Traité de Lisbonne, a pour objectif de rendre l’Europe plus visible sur la scène internationale tout en donnant davantage de cohérence à l’action extérieure de l’Union européenne. A cette fin, le Haut représentant est doté d’une triple casquette : il est en effet à la fois vice-Président de la Commission, Président du Conseil dans sa formation « affaires étrangères » et mandataire du Conseil, ce qui lui donne une position tout à fait stratégique au cœur des institutions. Ses pouvoirs sont importants.

A la différence du Haut représentant dans sa configuration antérieure, il dispose d’un droit d’initiative qu’il peut exercer seul ou avec la Commission. D’ailleurs, lui seul, conjointement cependant avec la Commission, peut proposer de déclencher des sanctions concrètes à l’encontre d’États tiers ou de personnes physiques ou morales à la suite d’une décision unanime du Conseil en ce sens.

Il est le coordinateur des débats au sein du Conseil Affaires étrangères, qu’il peut convoquer en cas d’urgence ; par souci de cohérence, le comité politique et de sécurité (COPS), qui prépare les décisions du Conseil, est désormais présidé par l’un de ses représentants.

Il est le mandataire du Conseil pour la conduite de la PESC, chargé d’exécuter les décisions prises et de représenter l’Union, notamment, le cas échéant, au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies lorsque ses membres permanents européens le demandent.

Enfin, il est le promoteur de la cohérence de l’action externe de l’Union grâce à la concentration à son profit des prérogatives extérieures de la Commission.

Certes, dans la période récente, très riche en événements internationaux, le fait de disposer d’un responsable européen de la politique étrangère et de défense ne semble pas avoir, jusqu’ici, répondu aux attentes. Dès la nomination de Mme Ashton, ont fleuri dans la presse – et dans les milieux bruxellois – des commentaires peu flatteurs soulignant son peu d’expérience dans le domaine de la politique internationale et de défense, son manque de charisme et, en arrière-plan, sa nationalité : qu’une Britannique soit portée à la tête de la diplomatie européenne avait, pour beaucoup, un caractère paradoxal. Elle a dû faire face à un déferlement de critiques, venant de toutes parts et portant sur son action – son inaction plutôt, disent ses adversaires – comme sur sa personne.

Néanmoins, au-delà de ces problèmes de personne, la création de ce Haut représentant constitue, par la visibilité nouvelle qu’il peut donner à la politique européenne extérieure et de défense, une avancée incontestable.

B. La création du Service européen d’action extérieure (SEAE)

Le Traité de Lisbonne a fourni au Haut représentant les moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions, en prévoyant la mise en place du SEAE, véritable service diplomatique européen. Cette mise en place a été l’un des chantiers prioritaires de la présidence française de l’Union européenne au second semestre 2008.

L’article 27 du Traité de Lisbonne précise que ce service diplomatique doit être composé « de fonctionnaires des services compétents du secrétariat du Conseil et de la Commission ainsi que du personnel détaché des services diplomatiques nationaux. » Il a été précisé que les diplomates nationaux devront représenter au moins un tiers de l’effectif total en 2013. Jusqu’au 1er juillet 2013, le recrutement restera limité aux fonctionnaires de la Commission et du Secrétariat général du Conseil. L’effectif total doit être fixé chaque année dans le cadre de la procédure budgétaire.

Dans le projet de budget 2012, l’effectif a été fixé à 1 670 agents, ce qui peut paraître très important, ce nombre ne tenant pas compte des « agents locaux » dans les délégations. Selon le rapport établi fin 2011 par la Haute représentante, le nombre total s’élevait à 3 600 agents, si l’on tient compte également des quelque 2 000 agents en poste dans les délégations.

Le SEAE, qui a commencé à exister concrètement le 1er janvier 2011, comporte ainsi une administration centrale et des services extérieurs. Certes, l’effectif apparemment considérable accordé au SEAE est en partie trompeur, en ce sens qu’il ne s’agit pas d’un supplément net de bureaucratie mais, pour une importante proportion, de transfert de personnels et services administratifs préexistants. Il n’en reste pas moins que ces personnels sont désormais placés sous l’autorité de la Haute représentante.

M. Pierre Vimont, précédemment ambassadeur de France aux Etats-Unis, est actuellement le Secrétaire général exécutif du SEAE, et a été auditionné par notre commission, conjointement avec la commission de la Défense.

C. L’objectif d’une défense commune et l’intérêt d’une meilleure utilisation des forces multinationales

1. L’objectif d’une défense commune

La réelle nouveauté tient à la place particulière accordée par le Traité de Lisbonne à l’objectif affirmé de parvenir à la « définition progressive d’une politique de défense commune qui peut conduire à une défense commune » (article 24 du TUE modifié) lorsque le Conseil européen l’aura décidé à l’unanimité, qui reste la règle pour l’ensemble de la politique de défense, de même que l’adoption d’actes législatifs est expressément exclue.

L’ampleur des divergences des États membres sur leur conception des principes fondamentaux de la défense (entre le ralliement indéfectible au parapluie américain de l’OTAN et l’ambition d’une Europe puissante parlant d’une seule voix) et sur les efforts en terme de capacités militaires qu’ils sont prêts à consentir, voire sur la nature des menaces contre lesquelles se protéger efficacement, rend évidemment difficiles les progrès dans ce domaine au cœur des identités nationales.

Des avancées sont cependant transcrites dans les traités, en particulier sur la direction que pourrait prendre la défense commune européenne.

Le Traité de Lisbonne a élargi (article 43 du TUE modifié) la liste des missions de l’Union dans ce domaine. Elles comportent désormais les « actions conjointes en matière de désarmement », les « missions de prévention des conflits » et les « opérations de stabilisation à la fin des conflits ». Il est par ailleurs précisé que « toutes ces missions peuvent contribuer à la lutte contre le terrorisme, y compris par le soutien apporté à des pays tiers pour combattre le terrorisme sur leur territoire ».

Une autre innovation fondamentale concerne la « clause de défense mutuelle » (§ 7 de l’article 42 du TUE modifié) qui prévoit que, dans le cas où un Etat membre est l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir. Ce souci doit cependant s’exercer dans le respect de la politique de neutralité de certains Etats membres et du traité de l’OTAN comme fondement de la défense collective de ses membres. L’Europe de la défense apparaît ainsi intrinsèquement liée à l’OTAN.

Un pas décisif est également franchi avec la possibilité désormais offerte au Conseil de confier la mise en œuvre d’une mission militaire à un groupe d’États membres qui le souhaitent et qui disposent des moyens adéquats (article 44 du TUE modifié). Cette possibilité s’ajoute à la consécration des forces multinationales créées par les États membres (article 42) telles Eurocorps, Eurofor, Euromarfor, quels que soient par ailleurs les jugements qui ont parfois pu être portés sur les capacités opérationnelles de ces dernières (cf. le QG d’Eurofor basé à Florence a été fermé en juillet 2012).

La mutualisation des forces acquiert un regain de légitimité dès lors que les États progressent vers cet objectif de défense commune. Vos rapporteurs souhaitent à cet égard attirer l’attention sur deux « outils » à disposition, dont la création est antérieure au Traité de Lisbonne, mais qui pourraient être davantage utilisés dans ce cheminement vers l’objectif de défense commune préconisé par le Traité : il s’agit de l’Eurocorps et de son noyau opérationnel, la Brigade franco-allemande (BFA).

2. L’intérêt d’une meilleure utilisation des forces multinationales

a) L’exemple de l’Eurocorps

L’Eurocorps est un corps d’armée pouvant atteindre au maximum 60 000 hommes, qui a été créé en 1992 et est devenu opérationnel en 1995 à partir de l’armature de la Brigade franco-allemande qui avait été créée en 1989.

A la France et à l’Allemagne se sont tout d’abord adjointes trois autres nations (la Belgique, l’Espagne et le Luxembourg) formant les cinq « nations-cadres » de l’Eurocorps, c’est-à-dire fournissant des contributions en hommes et en infrastructures, et surtout représentées au Comité commun qui décide de façon collégiale de l’éventuel déploiement de l’Eurocorps.

En dehors des « nations-cadres », la Grèce, la Turquie, la Pologne, l’Italie, l’Autriche ou encore la Roumanie détachent un nombre limité d’officiers à l’État-major de l’Eurocorps, qui se trouve à Strasbourg.

Le commandement de l’Eurocorps est assuré par un général de corps d’armée de l’une des « nations-cadres » pour un mandat de deux ans, mais les contributions nationales en hommes restent sous commandement national tant qu’elles ne participent pas au déploiement d’une « unité » dont le type et la taille sont déterminées au cas par cas par l’Eurocorps, en fonction des missions confiées à ladite unité.

L’Eurocorps est susceptible de répondre à des demandes de l’ONU, de l’OTAN ou de l’Union européenne. Déclaré pleinement opérationnel en 1995, il a été engagé pour la première fois en Bosnie-Herzégovine en 1998 sous commandement OTAN. En 2000, au Kosovo, il a pris pour la première fois le commandement d’une opération.

De juin à septembre 2003, l’opération d’interposition militaire « Artémis » fut par exemple assurée par l’Eurocorps hors OTAN en République démocratique du Congo, dans l’attente du déplacement des Casques bleus de l’ONU.

Son Quartier-général a obtenu la certification de Quartier-général de Force de réaction rapide de l’OTAN en septembre 2002 et en 2004-2005, l’Eurocorps est intervenu en Afghanistan (ISAF). Actuellement des militaires de l’Eurocorps - un peu plus d’une centaine – sont à nouveau en Afghanistan, cette seconde mission devant s’achever fin janvier 2013.

A de nombreux égards, l’Eurocorps peut être considéré comme disposant d’un quartier général de pointe en Europe et mériterait sans doute d’être davantage utilisé. Sa crédibilité est entérinée par deux facteurs-clé : il dispose de tous les moyens de commandement et de contrôle nécessaires, qu’ils soient légers et aérotransportables ou plus lourds mais surtout, il a une légitimité particulière. Tout engagement du Corps européen est en effet l’expression de la volonté politique et diplomatique commune de cinq nations européennes. Le traité de Strasbourg entré en vigueur en février 2009 lui octroie en outre une pleine capacité juridique et des responsabilités additionnelles majeures dans la gestion financière et matérielle. L’Eurocorps serait sûrement susceptible de jouer un plus grand rôle que celui qui lui a été jusqu’à présent dévolu, dans un véritable processus de relance de l’Europe de la défense.

b) L’exemple de la Brigade franco-allemande (BFA)

Elle a été créée en 1989 et est subordonnée à l’Eurocorps depuis octobre 1993 : son État-major se situe à Müllheim, dans le Bade-Würtemberg, et elle dispose de garnisons à Donaueschingen, Villingen et Immendigen. Depuis juillet 2010, un bataillon allemand s’est installé à Illkirch-Grafenstaden, près de Strasbourg. Cette localisation ne comporte pas un aspect uniquement militaire, elle est également très symbolique : pour la première fois depuis 1945, des troupes allemandes sont présentes sur le sol français…

Cette coopération militaire entre la France et l’Allemagne a permis des progrès considérables dans le domaine de l’interopérabilité, que ce soit en matière d’armements ou d’harmonisation des méthodes et modes d’action.

La BFA peut être utilisée dans le cadre d’actions menées par l’Union européenne ou l’OTAN. Elle est composée d’unités inter-armes et d’unités nationales de combat et de soutien logistique et compte environ 5 000 hommes et femmes. Si elle consolide toujours son noyau franco-allemand, elle intègre également à sa structure des capacités additionnelles belges et espagnoles et évolue ainsi dans sa capacité de commandement d’une structure multinationale. Les postes de commandement importants sont soumis à rotation tous les deux ans et confiés alternativement aux deux États.

Alors qu’elle a été dans le passé déployée plusieurs fois en opérations extérieures comme unité constituée, notamment en ex-Yougoslavie, en Bosnie dans le cadre de la SFOR et au Kosovo dans le cadre de la DFOR (en 1996, en 2000 et en 2009) et en Afghanistan dans le cadre de la FIAS en 2004, depuis quelques années le déploiement de la BFA en unité constituée sur un théâtre d’opérations a été évoqué à plusieurs reprises, mais s’est toujours heurté à des obstacles, tantôt en France, tantôt en Allemagne. En conséquence, les unités qui la composent sont très souvent déployées, notamment au Kosovo ou en Afghanistan, mais toujours dans leurs zones de responsabilité respectives, les unités françaises d’un côté, les unités allemandes de l’autre…

Cette situation est dommageable. Alors que la BFA n’est pas seulement un symbole mais surtout une force opérationnelle dotée d’importantes capacités de combat, disposant d’unités d’élites, des doutes sur le bien-fondé de la BFA ont vu le jour. Dans ses rapports publics de 2008 et 2011, la Cour des comptes s’est interrogée au sujet de la faible utilisation des différentes structures militaires européennes, dont la BFA.

Le retour à une approche plus intégrée, à une meilleure mutualisation des forces sur les théâtres d’opérations relève de la seule responsabilité politique. Il serait profondément regrettable, à l’heure où l’on prône la relance de l’Europe de la défense, et parfaitement contraire à l’esprit sinon à la lettre du Traité de Lisbonne, de sous-utiliser ou de mal utiliser ces instruments emblématiques et à fort potentiel que sont les forces multinationales…

D. Le renforcement de l’Agence européenne de défense (AED) et les exemples de coopérations industrielles et technologiques en matière de défense

1. Le renforcement de l’Agence européenne de défense

L’AED, formellement instituée depuis 2004, a été pour sa part dotée d’une base légale et renforcée (articles 42-3 et 45 du TUE modifié). Elle a pour objectif l’harmonisation progressive des efforts de défense des États membres et doit aider l’Union à gagner une autonomie stratégique sur le plan militaire. Son action se décline en quatre volets : développement des capacités de défense des États membres dans le domaine de la gestion des crises, mise en place d’un marché européen des équipements de défense et renforcement de la compétitivité de l’industrie de défense européenne, promotion de la recherche pour répondre aux besoins futurs en matière de défense et renforcement de la coopération en matière d’armement par le lancement de projets bi – ou multinationaux.

L’AED agit donc comme un catalyseur afin de promouvoir la collaboration capacitaire entre les États.

Sur le plan institutionnel, l’Agence est composée d’une administration centrale – 80 personnes environ dont un directeur exécutif (actuellement Mme Claude-France Arnould) - et d’un Comité directeur réunissant les ministres de la Défense des États membres. Ce Comité directeur prend des décisions sur le fonctionnement et le programme de travail de l’Agence, dans les limites fixées par le Conseil, lequel donne un cadre financier tri-annuel. Fait unique à ce jour en matière de défense, le Comité directeur décide à la majorité qualifiée. Ce vote à la majorité qualifiée accorde une plus grande souplesse de fonctionnement à l’AED, même si un mécanisme de « frein d’urgence » permet à un État de requérir un vote à l’unanimité.

L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne a notamment permis d’étendre les compétences de l’AED aux aspects industriels et commerciaux des questions d’armement. Le défi majeur est que l’AED devienne une pépinière des programmes d’armement, réalisés en coopération européenne afin de mettre à la disposition des forces armées européennes des équipements interopérables et correspondant à leur besoin opérationnel. Dans cette perspective, la France est intéressée par de nombreux thèmes de coopération, en particulier dans les domaines de l’espace, de la surveillance maritime, du déminage maritime, du transport stratégique, des drones et des communications.

Les ministres de la Défense ont adopté le 19 novembre 2012 un code de conduite sur le partage et la mutualisation capacitaire proposé par l’Agence européenne de défense. C’est une première en Europe : ce code de conduite, qui propose par exemple de considérer de manière systématique la coopération dans le développement de toute nouvelle capacité, de protéger d’éventuelles coupes les budgets alloués à des programmes menés en coopération, ou encore de garantir les échanges entre les différentes formes de coopération régionale, devrait permettre de structurer la coopération sur le long terme, et de l’ancrer dans les planifications de défense nationale.

Un rapprochement entre l’Agence européenne de défense et l’Organisation Conjointe de Coopération en matière d’Armement (OCCAR) a déjà été encouragé par le Conseil de l’Union européenne du 10 novembre 2008. En effet, l’OCCAR a développé un savoir-faire reconnu dans la conduite de programmes d’armement. C’est une agence intergouvernementale composée de six pays membres (France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Belgique et Espagne) qui est également chargée de dégager des synergies dans les projets d’armement. Il a été convenu de mettre naturellement l’OCCAR à la disposition des États membres et de l’AED pour conduire de nouveaux programmes d’armement établis en coopération dans le cadre de l’Agence. Le 27 juillet 2012, les deux agences européennes ont conclu un important accord de partenariat, formalisant et renforçant une coopération qui existait déjà de facto.

Tous les États de l’Union européenne sont membres de l’Agence européenne de défense, à l’exception du Danemark qui n’a pas souhaité s’associer au volet militaire de la PSDC. Bien que le Danemark semble intéressé par certaines coopérations (les acquisitions groupées) mises en place au sein de l’Agence, l’AED fonctionne donc en principe dans un format à 26.

Ceci ne signifie pas que tous les projets menés à l’Agence doivent l’être à 26. L’AED est un instrument intergouvernemental du service des États membres qui le souhaitent. Elle peut, car c’est essentiel pour l’avenir de la coopération, soutenir des projets à quelques-uns et même à partir de deux États membres participants. Le soutien à l’industrie européenne fait partie intégrante de ses missions et revêt une importance particulière. Si elle ne dispose ni du mandat ni des moyens pour s’ingérer dans la restructuration du paysage industriel en Europe, elle peut agir sur certains leviers, articuler au mieux l’offre et la demande et structurer un environnement aussi favorable que possible à l’industrie européenne de défense.

Les coopérations industrielles et technologiques en matière de défense se sont ainsi beaucoup développées depuis le Traité de Lisbonne, certaines sous l’impulsion, directe ou indirecte, de l’AED.

2. Quelques exemples de coopérations industrielles et technologiques

a) Le ravitaillement en vol

L’initiative sur le « Pooling and Sharing » - Mutualisation et Partage – dans le domaine du ravitaillement en vol est particulièrement soutenue par la France et par l’AED. Elle vient de connaître une nouvelle impulsion. Le 19 novembre 2012, le ministre de la Défense M. Jean-Yves Le Drian, a en effet annoncé, à l’issue de sa participation au comité directeur de l’AED, que dix États européens – France, Belgique, Espagne, Grèce, Hongrie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal et Norvège – venaient de signer un accord « pour que l’Europe se dote d’ici à 2020 d’une capacité commune d’avions multirôles de ravitaillement en vol et de transport » – dans le cadre du programme MRTT (multi-rôle transport tanker). « Ce modèle est prometteur » a estimé le ministre, qui avait déjà souligné début octobre à l’Assemblée nationale que « les contraintes budgétaires représentent peut-être une chance pour l’Europe de la défense, car il faut éviter que l’Europe ne connaisse un déclassement stratégique ». Pour la France, la commande des premiers MRTT a été inscrite dans le projet de loi de finances 2013. Ils sont notamment appelés à remplacer à l’horizon 2017 les Boeing C 135, dont l’âge avancé fait courir un risque permanent de rupture capacitaire et exige une très lourde maintenance.

b) Le partage des moyens de transport aérien

Le communiqué du ministère de la Défense du 19 novembre 2012 a souligné que les dix États signataires de l’accord précité, ainsi que d’autres futurs contributeurs feront l’acquisition ou utiliseront en commun une flotte d’aéronefs destinée à répondre au besoin de ravitaillement en vol des Européens en opérations, dans le même esprit que le Commandement du transport aérien européen – programme EATC. Inauguré en septembre 2010, l’EATC, dont le commandement est basé à Endhoven – Pays-Bas – permet aux armées française, allemande, belge et néerlandaise de partager des moyens de transport aérien. Cela a été le cas, avec succès, pour l’opération Harmattan en Libye (lors de laquelle, en revanche, 75% du ravitaillement en vol n’avait pu être assuré par les Européens).

c) L’avion de transport militaire A 400 M

Il rassemble sept États – France, Allemagne, Espagne, Belgique, Luxembourg, Royaume-Uni et Turquie – pour son développement, sa production et son assemblage. Le programme a toutefois subi des retards et dépassements de coûts imprévus. La France a commandé 50 exemplaires de l’A 400 M et devrait recevoir sa première livraison d’ici fin 2013.

Par ailleurs, la France et l’Allemagne examinent les moyens d’approfondir leur coopération autour de l’A 400 M, à travers la question du soutien et de la protection de ces avions contre la menace sol-air à guidage infrarouge – Projet DIRCM.

d) Les drones

L’AED se rapproche actuellement de la Commission dans le cadre du programme Horizon 2020 (programme de recherche sur la période 2014-2010) pour mieux articuler les investissements européens sur les technologies à usage potentiellement dual : insertion des drones dans le trafic aérien civil – programme JIP UAS ATI. Elle intervient également dans le programme MIDCAS – Mid-Air Collision Avoidance System, initiative lancée en 2009 par cinq États – France, Allemagne, Espagne, Italie et Suède – et qui répond à l’enjeu d’évitement des collisions, fondamental dans une perspective d’insertion des drones dans un espace aérien non ségrégué.

Les drones MALE – Moyenne altitude longue endurance – sont prioritaires pour l’armée de l’air française dont les capacités en matière de renseignement sont insuffisantes. Afin de doter rapidement nos forces de moyens opérationnels, la solution actuellement à l’étude est l’achat de MQ-9 Reapers américains, moins chers que les programmes européens, ce qui permettrait de garder des crédits pour le « drone européen du futur » Watchkeeper (cf ci-après). Des discussions sont toutefois en cours avec General Atomics pour doter ces drones américains de capteurs et d’armements européens. Le scénario privilégié est donc celui d’une démarche d’européanisation des équipements, puis progressivement du drone lui-même, étant donné que le Royaume-Uni et l’Italie possèdent déjà des Reapers et que l’Allemagne et la Pologne envisagent elles aussi d’en acquérir.

Le démonstrateur de drone de combat NEURON est un programme associant France, Espagne, Grèce, Italie, Suède et Suisse avec pour objectif la préparation du futur système aérien de combat européen. Le maître d’œuvre du programme, Dassault Aviation, a annoncé que le Neuron a effectué avec succès son premier vol le 1er décembre 2012. L’innovation réside dans « l’intelligence » de ce démonstrateur : l’objectif du programme est de valider la capacité du NEURON a réagir de manière autonome dans un environnement tactique simulant des conditions particulièrement hostiles. A cet effet, un ultime essai de synthèse devrait avoir lieu en 2014.

Les Gouvernements français et britannique se sont d’autre part lancés conjointement, depuis l’été 2012, dans des études visant à tracer les contours d’un éventuel « système de combat aérien futur » - SCAF ou FCAS en anglais – dont pourrait émerger un drone de combat européen à l’horizon 2030-2040, le Watchkeeper.

e) Les programmes missiles

Le programme PAAMS – Principal Anti-Air Missile System – met en coopération trois États – la France, le Royaume-Uni et l’Italie – pour la production du système d’armes principal des frégates anti-aériennes de nouvelle génération.

Le programme METEOR associe six États – La France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et la Suède – et est destiné à les équiper d’un missile air-air de longue portée, susceptible de neutraliser ou détruire des cibles aériennes à longue distance. La France a commandé 200 missiles de ce type en 2010, pour des livraisons en 2018 afin d’équiper les avions de combat Rafale. En ce qui concerne ses partenaires, les missiles Meteor seront mis en œuvre sur des avions de type Eurofighter pour le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, de type Gripen pour la Suède. La maîtrise d’œuvre industrielle du programme est assurée par MBDA-UK (Grande-Bretagne) et les industriels partenaires sont MBDA-F (France), MBDA-It (Italie), Saab (Suède) et Inmize (Espagne).

f) Les radios logicielles militaires

La coopération en matière de systèmes de communication est fondamentale pour garantir la maîtrise de la chaîne de décision dans des environnements complexes impliquant parfois plusieurs nations. Pour maîtriser cette complexité, six États – la France, l’Espagne, l’Italie, la Finlande, la Pologne et la Suède – développent depuis 2009 avec l’AED le projet ESSOR dont le but est d’établir un référentiel normatif pour la production de systèmes de radios logicielles militaires en Europe. Ainsi a été définie une norme ESSOR, partagée au niveau européen et compatible avec le standard américain SCA. Sur cette base, le groupe Thalès a été retenu en novembre 2012 par le ministère de la Défense pour mener à bien le programme CONTACT, portant sur des radios tactiques, aéronautiques et navales de nouvelle génération ; ce programme représente un enjeu important en termes de potentiel commercial, la France équipant en radios de nombreuses forces armées à travers le monde.

g) La surveillance spatiale et les satellites

Le programme MUSIS – Multinational space-based imaging system for surveillance, reconnaissance and observation – vise à offrir à sept partenaires européens associés – France, Allemagne, Belgique, Espagne, Grèce, Italie et Pologne – une fédération des capacités de suivi de situation et de veille stratégique, une aide à la prévention et à l’anticipation des crises ainsi qu’à la planification et à la conduite des opérations PSDC.

A la différence du programme GALILEO qui fédère une coopération européenne dont les applications seront essentiellement civiles – il s’agit d’offrir à compter de 2014 des services de pointe en matière de radionavigation par satellite, secteur dans lequel les États-Unis détiennent actuellement le monopole grâce au système GPS – le programme MUSIS a donc clairement pour objectif des applications militaires. Il succèdera à terme aux systèmes d’observation spatiaux optique HELIOS II et Pléiades ainsi qu’aux capacités d’observation radar de nos partenaires européens (Cosmo-Skymed italien et SAR-Lupe allemand) qui, dans le cadre du programme d’observation spatiale ORFEO (accord d’’échange de capacités) permet les échanges d’images satellitaires de renseignement.

Les utilisateurs de MUSIS disposeront d’un accès à l’ensemble de ses composantes spatiales. Le système complet devrait comprendre une composante d’observation optique infrarouge de haute résolution assurée par la France, deux composantes d’observation radar assurées par l’Allemagne et par l’Italie, une composante optique « champ large » assurée par l’Espagne.

La conduite de ce programme très fédérateur est confiée à l’OCCAR. L’AED est étroitement associée au projet, notamment pour assurer le lien avec l’Union européenne, dans le cadre de la politique commune de sécurité et de défense. La réalisation est confiée, pour ce qui concerne la partie française, à Astrium France et à Thales Alenia Space France.

h) Les accords de Lancaster House

En ce qui concerne les coopérations bilatérales, on peut citer à titre d’exemple la coopération franco-britannique relancée par les accords de Lancaster House de novembre 2010. Deux accords ont été signés : un traité de coopération dans les technologies liées à la gestion des arsenaux nucléaires et un traité de coopération en matière de défense et de sécurité. A cette occasion ont été annoncés de nombreux projets de coopération : outre un soutien à l’A 400 M et l’étude du drone tactique Watchkeeper précités, des projets de coopération en vue d’un missile anti-navires léger, de nouveaux sous-marins, une coopération dans le domaine de la guerre des mines navales, un soutien à la mise en place d’une force interarmées projetable franco-britannique (CJEF-Combined Joint Expeditionary Force) opérationnelle à l’horizon 2016/2017, etc.

Dans la perspective de ce projet de force interarmées projetable ont lieu des exercices préparatoires conjoints. A l’occasion de l’exercice conjoint Corsican-Lion, qui s’est tenu en mer Méditerranée du 16 au 26 octobre 2012, les ministres de la Défense français et britannique, tout en se félicitant de façon générale de la coopération bilatérale entre leurs deux pays, se sont déclarés prêts à ouvrir des « projets spécifiques à d’autres pays européens, lorsque cela apporte de la valeur ajoutée et aboutit à une amélioration des capacités ».

E. La possibilité de mise en place d’une coopération structurée permanente (CSP)

Il s’agit d’une innovation très importante, sans doute la plus ambitieuse du Traité de Lisbonne en matière de défense.

Le contexte historique dans lequel le Traité de l’Union européenne a été adopté, l’extrême sensibilité qui s’attache aux questions de défense, c’est-à-dire à la souveraineté des États, donnent aux dispositions rédactionnelles du Traité un caractère nécessairement général, qui autorise d’inévitables interprétations.

Cela n’a pas manqué d’être le cas et, s’agissant tout particulièrement de la Coopération Structurée Permanente, certains commentateurs ont fait en sorte d’entourer cette disposition majeure d’un halo de confusion difficilement pénétrable, qui donne à penser qu’elle n’est qu’une « usine à gaz » sans intérêt effectif.

C’est pourquoi l’analyse qui suit s’attache à montrer, sans préjugé, comment la mise en œuvre de la Coopération Structurée Permanente est de nature à répondre dans une mesure très significative à l’impérieux besoin de lancer une initiative politique résolue en matière de défense européenne, propre à déclencher un sursaut salutaire.

Seront donc examinées successivement les caractéristiques de la Coopération Structurée Permanente telles qu’elles résultent des textes, puis sa « valeur ajoutée » pour la défense européenne telle qu’elle résulte de leur exégèse.

1. Les textes relatifs à la CSP

Les articles 42 paragraphe 6 et 46 du TUE modifié offrent la possibilité de mettre en place une coopération structurée permanente entre « les États membres qui remplissent des critères plus élevés de capacités militaires et qui ont souscrit des engagements plus contraignants en la matière en vue des missions les plus exigeantes » (« Schengen de la défense »). La procédure est considérablement assouplie par rapport aux autres coopérations renforcées puisqu’elle n’est pas soumise à un nombre minimal de participants. L’adhésion d’un État membre à la CSP est autorisée par le Conseil à la majorité qualifiée, après consultation du Haut représentant. Afin de garantir l’efficacité opérationnelle de la coopération, les membres de ce « Schengen de la défense » peuvent, à la majorité qualifiée également, suspendre la participation des États qui ne remplissent plus les critères de capacités ou qui ne peuvent assumer les engagements qu’ils ont souscrits. Enfin et peut-être surtout, si un État participant souhaite pour une raison ou une autre quitter la CSP, il peut le faire sur simple notification de sa décision au Conseil, qui ne peut qu’en prendre acte…

Le noyau d’une Europe de la défense a été ainsi clairement, souplement et efficacement défini par le Traité de Lisbonne.

Le Protocole sur la coopération structurée permanente, annexé au TUE et qui a la même valeur juridique, détaille les modalités de fonctionnement de la CSP. Il précise notamment qu’elle est ouverte à tout État membre qui s’engage:

– à procéder plus intensivement au développement de ses capacités de défense, par le développement de ses contributions nationales et la participation, le cas échéant, à des forces multinationales, aux principaux programmes européens d’équipement et à l’activité de l’Agence européenne de défense ;

– à avoir la capacité de fournir, soit à titre national, soit comme composante de groupes multinationaux de forces, des unités de combat ciblées pour les missions envisagées, configurées sur le plan tactique comme un groupement tactique, avec les éléments de soutien, y compris le transport et la logistique, capables d’entreprendre, dans un délai de 5 à 30 jours, des missions visées à l’article 43 du TUE, en particulier pour répondre à des demandes de l’ONU et soutenables pour une période initiale de 30 jours, prorogeable jusqu’à au moins 120 jours.

Il n’y a donc clairement que ces deux obligations impératives pour entrer dans la CSP, même si par ailleurs, le Protocole précise également que les États membres participant à la CSP s’engagent :

– à coopérer en vue d’atteindre des objectifs concernant le niveau des dépenses d’investissement en matière d’équipements de défense, et à réexaminer régulièrement ces objectifs à la lumière de l’environnement de sécurité et des responsabilités internationales de l’Union ;

– à rapprocher, dans la mesure du possible, leurs outils de défense, notamment en harmonisant l’identification des besoins militaires, en mettant en commun et, le cas échéant, en spécialisant leurs moyens et capacités de défense, ainsi qu’en encourageant la coopération dans les domaines de la formation et de la logistique ;

– à prendre des mesures concrètes pour renforcer la disponibilité, l’interopérabilité, la flexibilité et la capacité de déploiement de leurs forces, notamment en identifiant des objectifs communs en matière de projection de forces ;

– à coopérer afin de s’assurer qu’ils prennent les mesures nécessaires pour combler, sans préjudice des engagements les concernant au sein de l’OTAN, les lacunes constatées dans le cadre du « Mécanisme de développement des capacités » ;

– à participer, le cas échéant, au développement de programmes communs ou européens d’équipements majeurs dans le cadre de l’Agence européenne de défense.

Comme le montre leur lecture, ces autres « engagements » des États souhaitant adhérer à la CSP relèvent plus de leur bonne volonté, de leur démarche responsable, que d’obligations conditionnant leur adhésion.

Le Protocole prévoit enfin que l’Agence européenne de défense contribue à l’évaluation régulière des contributions des États membres participants en matière de capacités et en fait rapport au moins une fois par an. Cette évaluation peut servir de base aux recommandations et aux décisions du Conseil.

2. L’exégèse des textes relatifs à la CSP

Pour bien comprendre les dispositions relatives à la CSP et les opportunités – hélas non saisies – qu’elle offre, il est nécessaire d’avoir une lecture croisée de ces textes, en particulier du Protocole additionnel qui rend réellement explicite l’objectif de souplesse recherché et proposé par les rédacteurs du TUE.

Rappelons qu’en vertu de l’article 42 paragraphe 6, « les États membres qui remplissent des critères plus élevés de capacités militaires et qui ont souscrit des engagements plus contraignants en la matière en vue des missions les plus exigeantes, établissent une coopération structurée permanente dans le cadre de l’Union. » : ainsi, le Traité de Lisbonne, en instituant la CSP, peut donner l’impression d’engager les Européens à dépenser davantage pour leur défense alors qu’aujourd’hui ces derniers, compte tenu des restrictions budgétaires générales, auraient intérêt à dépenser mieux (ou moins) en mutualisant et en coordonnant leurs efforts. C’est la première des critiques portées à l’encontre de la CSP.

Pourtant, une approche politique et pragmatique des textes relatifs à la CSP permet de dépasser cette apparente contradiction. « Les engagements plus contraignants » évoqués à l’article 42 et «  le développement des contributions nationales et la participation, le cas échéant, à des forces multinationales, aux principaux programmes européens d’équipement et à l’activité de l’AED … » évoqués dans le Protocole additionnel comme préalables à la participation à la CSP, ne doivent pas être confondus avec une obligation pour les pays candidats d’accroître leur budget national de défense.

Cette lecture est trop simplificatrice. Dépenser mieux n’est pas dépenser plus, et la formule « remplissent des critères plus élevés de capacités militaires » fait référence à l’aptitude à remplir des missions avec un outil opérationnel donné et non au montant que tel pays consacre à sa défense. Ainsi une armée de conscription, coûteuse mais non projetable, n’est pas apte à exécuter « les missions les plus exigeantes ». La lecture croisée des articles 42 et 46 du TUE et du Protocole additionnel conduit à comprendre que le critère d’entrée est, en fait, l’accroissement de l’effort consenti par les États membres pour le développement de leurs contributions nationales en faveur de la PSDC et non l’augmentation nette de leur budget de défense. Quel intérêt aurait en effet pour la CSP l’augmentation des budgets français ou britannique de la défense pour moderniser leur dissuasion nucléaire ou de tel autre État membre pour améliorer la condition de ses militaires ? Or, c’est pourtant ce que proposent implicitement ceux qui voudraient fonder sur un pourcentage de PIB consacré à la défense le « ticket d’entrée » dans la CSP…

Le seul référentiel acceptable et compatible avec l’esprit du Traité, pour fixer les critères d’adhésion à la CSP, est celui du niveau d’effort consenti par chaque État membre pour répondre aux exigences de la CSP. C’est un niveau d’effort qui doit être proportionné à ses moyens. Il n’est pas pertinent d’imposer un couplage entre l’effort capacitaire au bénéfice de la CSP et l’effort budgétaire consenti par chaque État membre pour sa défense.

L’interprétation des termes du Traité ne doit pas pour autant conduire à la construction d’une CSP « au rabais ». Au contraire, l’adhésion à la CSP doit être une démarche engageante, assortie pour chaque État membre d’un véritable effort sur la base d’un engagement contractuel.

Il en découle que les critères d’adhésion d’un État à la CSP doivent être la résultante d’un compromis entre l’effort qu’il est capable de consentir et sur lequel il s’engage, et le niveau d’exigence que l’Union européenne estime raisonnable de lui imposer afin de garantir la crédibilité de la CSP. C’est donc une démarche contractuelle, adaptée et engageante, qu’il convient de faire prévaloir sur toute autre perspective basée par exemple sur un pourcentage de dépenses militaires, rapporté au PIB. La CSP doit être capable de prendre en compte la diversité des situations des pays européens, afin d’éviter un phénomène d’exclusion fort peu compatible avec l’idée que l’on doit se faire d’une défense européenne.

La CSP invite chaque pays à se responsabiliser au regard d’un engagement européen collectif, à dépenser mieux en faveur de la PSDC, sans nécessairement dépenser plus. Les États européens ont depuis l’origine de l’Union européenne accepté et largement mis en œuvre une discipline communautaire dont les effets s’observent au quotidien. Un dispositif de sanctions vient parfois appuyer, si nécessaire, les rappels à l’observation de la règle commune et des engagements pris : toutefois, pas de sanctions prévues dans le cadre de la CSP, l’État ne respectant pas ses engagements risquant, au plus, de voir la suspension de sa participation décidée par les autres, s’il n’en décide pas de lui-même.

Une autre question qui revient dans le débat sur la CSP est la taille que celle-ci doit prendre. Doit-elle revêtir la forme d’un groupe restreint constitué des États dotés de la défense la mieux pourvue ou, à l’inverse, doit-elle être ouverte au plus grand nombre ? Le débat entre CSP « sélective » et CSP « inclusive » est politiquement désastreux et doit être évité à tout prix. Au demeurant on ne peut envisager de progrès dans la mise en œuvre de la CSP sans que soient surmontées les difficultés liées aux fortes disparités entre les pays de l’Union européenne, qu’il s’agisse de leurs moyens militaires ou de leurs capacités en matière de recherche et de production industrielle de défense, et de leurs budgets. Les dispositions du Protocole additionnel sur la CSP offrent heureusement la solution à cette problématique en différenciant clairement l’adhésion obligatoire à la compétence « génération de forces » et celle facultative à la compétence « programmes d’armement ».

La composante « génération de forces » implique (cf. article 1 du Protocole additionnel) « d’avoir la capacité de fournir (…) soit à titre national, soit comme composante de groupes multinationaux des unités de combat ciblées pour les missions envisagées, configurées sur le plan tactique comme un groupement tactique, avec les éléments de soutien, y compris de transport et la logistique, capables d’entreprendre, dans un délai de 5 à 30 jours, des missions visées à l’article 43 du TUE en particulier pour répondre à des demandes de l’ONU, et soutenables pour une période initiale de 30 jours, prorogeable jusqu’à au moins 120 jours ». De nombreux pays européens sont à même de répondre à cette exigence. Il suffirait que soit individuellement, soit par regroupement comme savent le faire par exemple les Scandinaves, les États apportent une contribution dont l’unité de base serait le groupement tactique. Rien n’interdit évidemment dans le Traité aux pays à fort potentiel militaire de faire plus ou beaucoup plus s’ils le souhaitent.

Il convient de souligner, en outre, que cette « capacité à fournir » des unités de combat n’implique pas a priori que ces forces soient dédiées uniquement à la CSP.

La composante « programmes d’armement », quant à elle, n’a pas de caractère obligatoire, puisqu’elle repose sur « la participation, le cas échéant, (…) aux principaux programmes européens d’équipement et à l’activité de l’agence européenne de défense (AED) dans le domaine du développement, des capacités de défense, de la recherche, de l’acquisition et de l’armement ».

Comment faire plus pragmatique ou plus souple ? Un pays peut donc, à l’extrême limite, s’engager dans la seule compétence « génération de forces » sans pour autant souscrire aux contraintes de la compétence « programmes d’armement ». Cette dernière est en fait une compétence de cooptation, puisque les pays détenteurs du savoir-faire, ainsi que l’AED, seront arbitres des coopérations qu’ils souhaitent entreprendre.

En différenciant la compétence « génération de forces » de la compétence « programmes d’armement », la CSP lève un obstacle majeur à la construction de l’Europe de la défense. Dès lors que tout pays de l’Union européenne peut, si sa candidature est agréée, adhérer à la compétence « génération de forces » et, de ce fait, devenir membre à part entière de la CSP, elle permet au plus grand nombre de pays européens d’adhérer. La CSP pourrait s’affirmer ainsi comme le « principe actif » de l’Europe de la défense, permettant à l’Union européenne de dépasser certains des obstacles majeurs qui l’entravent et de présenter une image renouvelée de cohésion, de cohérence, de crédibilité et de responsabilité sur la scène internationale.

Ce qui est novateur dans ce mécanisme de générations de forces, qui s’apparente à celui de l’OTAN, c’est l’interopérabilité européenne et le niveau de capacités opérationnelles que la CSP exigera de ces unités de combat. Au regard de la situation actuelle, cela représente un effort certain, mais indispensable. Cet effort particulier renvoie d’ailleurs très précisément au « développement des contributions nationales ». En effet le niveau de qualification opérationnelle, l’interopérabilité indispensable à des groupements tactiques destinés à la CSP, exigeront des États membres un effort financier réel, même s’il est contenu.

On pourra évidemment objecter que ce n’est pas avec un conglomérat de groupements tactiques, aussi performants soient-ils, que l’Union européenne sera en mesure de s’engager ou de peser militairement dans un conflit où qu’il soit.

Chacun sait bien que l’outil dont il faut doter à terme l’Union doit comporter la totalité des composantes indispensables : structures de commandement, moyens de communication, de renseignement, de logistique, mais aussi les composantes aériennes, maritimes et spatiales, etc. S’agissant des structures de commandement, pourquoi ne pas recourir à la structure déjà existante de l’EMUE (État-major de l’Union européenne) étoffée ou reconfigurée en tant que de besoin ?

La CSP ne fait par ailleurs obstacle ni à l’appartenance à l’OTAN des pays de l’Union européenne, ni au libre exercice de la souveraineté et des politiques nationales. Elle est également totalement compatible avec les coopérations bi ou multilatérales comme le stipule l’article 42 paragraphe 3 du TUE : « Les États membres qui constituent entre eux des forces multinationales peuvent aussi les mettre à la disposition de la politique de sécurité et de défense commune ».

Il importe également de souligner avec force que l’appartenance à la CSP n’a pas d’effet d’entraînement automatique d’un pays membre dans une opération décidée par l’Union européenne. L’article premier du Protocole sur la CSP est à cet égard particulièrement clair lorsqu’il prévoit la « participation, le cas échéant, à des forces multinationales, aux principaux programmes européens d’équipement et à l’activité de l’Agence. Les États restent donc libres de décider ou non de leur participation. La CSP n’est pas une structure « va-t-en guerre ». Elle n’a pas vocation à interférer dans les processus de déclenchement ou de direction des opérations militaires ou civilo-militaires. Elle n’est en fait qu’une dynamique capacitaire collective offrant à l’Union européenne les moyens d’atteindre « les objectifs définis par le Conseil ».

La participation opérationnelle aux principaux programmes européens d’équipement et à l’activité de l’Agence, présentée comme une opportunité offerte aux États membres de la CSP, a sa contrepartie qui est de ne pas contribuer au renforcement de la Base Industrielle et Technologique de Défense Européenne (BITD), de ne pas favoriser l’homogénéisation souhaitable du parc « européen » d’équipement militaire aussi rapidement qu’il le faudrait. Mais à contrario, cela préserve les contrats d’armement élaborés par les industriels européens de toute obligation de coopération multinationale dont on connaît les effets calamiteux lorsqu’elle réunit des « coopérants » dépourvus des compétences nécessaires.

Au total, on peut considérer objectivement que dans la situation de consolidation insuffisante où se trouvent les industries de défense européennes, la souplesse et le pragmatisme qui s’attachent à cette obligation optionnelle (compétence armement) favorisent la mise en œuvre de la CSP.

En outre, et sans caricaturer les desseins des rédacteurs du TUE, la CSP peut être vue comme un stimulant de la base industrielle et technologique de la défense européenne. Le Protocole additionnel est en effet consacré pour partie aux voies et moyens pouvant permettre aux États membres de combler leurs lacunes capacitaires. En consacrant le rôle central de l’AED, le Traité a posé le principe qu’il ne devrait pas y avoir de CSP sans AED, ni d’AED sans CSP. La CSP, parce qu’elle pourrait favoriser progressivement des habitudes nouvelles en matière de coopération sur les équipements, de standardisation, d’interopérabilité, pourrait être en fait le pourvoyeur de l’AED, et le serait d’autant mieux qu’elle pourrait exprimer auprès des entreprises européennes, via l’AED, les besoins des forces européennes. En effet, quelle alternative peut-on opposer à la CSP ? L’OTAN ? Les coopérations bilatérales ? La CSP, parce qu’elle est avant tout une dynamique capacitaire au service de l’Union européenne, offre avec l’AED les perspectives les moins incertaines pour assurer la pérennité de nos industries de défense, et contribuer à l’émergence du « marché à échelle européenne » évoqué dès 2007 par la Commission dans sa communication « stratégie pour une industrie européenne de défense plus forte et plus compétitive ».

La seule faiblesse de la CSP pourrait résider dans son financement, puisque cette question n’est pas explicitement évoquée dans les textes régissant la CSP, mais ne peut pas être ignorée, d’autant plus que le TUE rappelle fermement que le budget de l’Union européenne ne peut pas être sollicité pour « des dépenses afférentes à des opérations ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense » (article 41 paragraphe 2). Toutefois, le TUE ouvre la porte à un financement communautaire pour « les actions préparatoires » nécessaires à l’exécution des missions PSDC qui peuvent être financées par le budget de l’Union européenne. Dans l’hypothèse où le Conseil n’autoriserait pas le recours au budget communautaire pour financer ces actions préparatoires, il est prévu qu’un « fonds de lancement » constitué de contributions des États membres peut être sollicité, sur proposition du Haut représentant pour la politique étrangère et la politique de sécurité (article 41, paragraphe 3).

On ne peut manquer de regretter le caractère certes limitatif des circonstances dans lesquelles un financement communautaire peut être déclenché. C’est donc sur les États de l’Union que repose encore le financement des opérations auxquelles peut les appeler l’Union elle-même… Mais il faut noter l’inflexion des textes européens et le caractère aujourd’hui moins absolu des tabous pesant sur le financement des opérations militaires par l’Union européenne.

Ainsi, l’expression « activités préparatoires » peut supporter diverses acceptions. Selon que l’on s’en tient aux seules mesures à caractère logistique précédant le déclenchement d’une opération, ou que l’on prend en compte la réalisation ou l’acquisition d’équipements indispensables à l’exécution de la mission (équipements satellitaires, chaînes logistiques, équipements de combat etc.) il existe incontestablement des marges de manœuvre dans ce domaine ouvert par le TUE au financement communautaire. Les « activités préparatoires » peuvent par exemple être menées dans le cadre d’une coopération industrielle ou technologique préalable à une opération militaire ou civile. Dès lors, on pourrait poser le principe que les interventions du budget communautaire seraient prioritairement réservées aux besoins nés de telles activités préparatoires, menées dans le cadre de la Coopération Structurée Permanente, ce qui renforcerait très fortement l’attractivité de celle-ci pour les États membres.

Le rôle de la CSP dans le développement des capacités de l’Union en matière d’action extérieure peut permettre d’espérer, dans un certain nombre de secteurs, la mobilisation de ressources communautaires de nature publique (budget général de l’Union européenne) et privée (Banque européenne d’investissement (BEI), etc…). Le secteur humanitaire et civilo-militaire nécessite des moyens de communication, de transport aérien ou d’hélitransport, de logistique de théâtre d’opération, qui font aujourd’hui défaut. Ne peut-on imaginer que le budget communautaire participe à la réalisation des équipements indispensables à l’efficacité de l’action décidée par l’Union européenne elle-même ? De même le « plan de développement des capacités », élaboré conjointement par l’État-major de l’Union européenne et l’AED conformément aux dispositions de l’article 42 paragraphe 3 du TUE sur « la définition d’une politique européenne des capacités et de l’armement » a mis en évidence des lacunes capacitaires dans les secteurs où la dualité civilo-militaire n’est pas contestable : communication, surveillance d’espaces maritimes, transport logistique, moyens sanitaires, etc. La dualité de certains équipements pourrait également faciliter l’intervention de ressources publiques communautaires. Une telle perspective n’est toutefois crédible que si la CSP présente un caractère assez largement inclusif.

Enfin, il convient également d’évoquer les possibilités d’intervention des fonds du programme civil de recherche et de développement (PCRD) dans ces projets à forte dualité civilo-militaire.

Certes, comme l’a fait remarquer justement Mme Claude-France Arnould, Directrice de l’AED, lors du Conseil des ministres de la Défense du 22 mars 2012, les chiffres sont « inquiétants sur la baisse des budgets, particulièrement en matière de recherche et de technologie, et encore plus pour les projets menés en coopération ». Il est donc « urgent de trouver des réponses et de limiter les conséquences des baisses de budget » et surtout « de trouver des synergies avec la Commission européenne ».

Face à cette situation, en clair, il s’agit aujourd’hui d’éviter les doublons, et de voir si certains projets intéressant à la fois la sécurité (projets civils) et la défense (projets militaires) ne pourraient pas être financés sur les budgets de recherche de la Commission européenne, notamment dans le cadre du prochain cadre financier pluri-annuel (2014-2010).

Toutes les technologies nouvelles ou presque étant nées dans le domaine militaire, il serait en effet paradoxal que les restrictions de financement communautaire prévues par l’article 41 paragraphe 2 du TUE continuent à leur être appliquées. Il conviendrait de développer la recherche sur certaines technologies-clés dans le domaine de la défense, appelées à s’étendre aussi dans le champ civil, pour obtenir ainsi un soutien budgétaire pour certains marchés de défense, sans quoi c’est toute notre compétitivité technologique qui risque de s’effondrer dans les dix ou vingt ans à venir…

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Selon vos rapporteurs, la mise en place de la CSP2 ne dépend pas, en tout état de cause, d’obstacles financiers, mais bien d’une volonté politique. C’est un cadre à la fois souple et engageant, propre à mobiliser les États de l’Union européenne et à leur ouvrir la voie d’une approche collective, mais pragmatique et réaliste, de leur défense. Certains États ont d’ailleurs manifesté clairement leur intérêt pour la CSP (notamment la Belgique, la Hongrie, la Pologne). Dans le rapport Danjean d’octobre 2012 sur la mise en place de la PSDC, la SEDE (sous-commission « Sécurité et Défense » du Parlement européen) recommande elle-même avec insistance l’utilisation des outils prévus par le Traité de Lisbonne en matière de défense, notamment la Coopération structurée permanente. Le Parlement, en adoptant lors de sa séance plénière à Strasbourg le 22 novembre 2012 le rapport Danjean a dressé le même constat : les instruments européens qui sont mis à disposition des États membres et des institutions européennes ne sont pas suffisamment utilisés, alors que simultanément l’Union européenne doit faire face à une baisse significative des capacités d’action de ses États membres, du fait, entre autres, des coupes opérées dans les budgets nationaux de défense.

Les conditions de constitution de la CSP étant au fond assez faciles à remplir, le plus important serait de permettre au processus de démarrer. Une fois que les États membres commenceront une coopération structurée, ils seront pris dans un « engrenage vertueux ».

L’Europe a donc entre les mains l’instrument de relance de sa politique de défense. Elle peut décider de l’utiliser à tout moment. Le voudra-t-elle ?

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II. L’ÉTAT DES LIEUX DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE COMMUNE (PSDC)

Même si certaines opportunités offertes par le Traité de Lisbonne sont peu utilisées, voire inutilisées (cf. la coopération structurée permanente), « l’Europe de la défense » n’est pas pour autant complètement inexistante. Différents intervenants préparent et mettent en œuvre des décisions en matière de PSDC et un certain nombre d’opérations, militaires et civiles, ont déjà été menées.

A. Les différentes instances compétentes dans le champ de la PSDC

Outre la grande innovation du Traité de Lisbonne que représentent le Haut représentant et son « service diplomatique » le SEAE qui l’assiste dans l’élaboration des propositions en matière de PESC et de PSDC, outre l’Agence européenne de défense précitée, d’autres instances peuvent jouer un rôle dans la mise en œuvre de la politique de sécurité et de défense commune.

1. Les instances européennes « classiques »

a) Le Conseil européen

Réunissant quatre fois par an les chefs d’État et de gouvernement des 27 États membres, il a un rôle majeur d’impulsion et d’orientation politique, y compris en matière de Défense ;

b) Le Conseil des ministres en formation « Affaires étrangères »

Réunissant mensuellement les ministres des Affaires étrangères et présidé par le Haut représentant, il traite de la PESC mais aussi de la PSDC. Deux fois par an, les ministres de la défense sont également invités.

La reconnaissance implicite d’un Conseil « ministres  de la Défense », formation officieuse du Conseil « Affaires étrangères », apparaît comme un début d’émancipation de la fonction Défense.

c) La Commission européenne

La Commission européenne est pleinement associée aux travaux menés dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), grâce notamment à la Haute Représentante qui, en son rôle de vice- présidente de la Commission, agit en médiateur entre cette dernière et le Conseil. De plus, la Commission participe, en tant qu'observateur, au Comité de politique et de sécurité (COPS) ainsi qu'aux différents groupes de travail du Conseil et peut, à ce titre, émettre des propositions sans pour autant disposer d'un pouvoir décisionnel.

La Commission a un rôle important en matière budgétaire puisqu'elle exécute le budget PESC, affecté en partie aux missions civiles de gestion de crise. Elle exécute notamment le budget de l'instrument de stabilité, qui finance des mesures de préparation et de réaction aux crises d'origines naturelles ou humaines, ainsi que des mesures de réhabilitation des pays suite à une crise ou une situation d'instabilité. En outre, parallèlement et en cohérence avec les instances du Conseil de l’Union européenne chargées de mettre en œuvre la PSDC, la Commission européenne participe à la stabilisation de l’environnement international, à travers les actions qu’elle développe en matière d’aide au développement, d’aide humanitaire et de politique de voisinage.

d) Le Parlement européen

Le Parlement, en tant qu’autorité budgétaire de l’Union européenne, définit l’allocation des crédits du budget PESC, qui seront, par la suite, utilisés notamment pour le financement des missions civiles de la PSDC. Au-delà de cette prérogative, les pouvoirs du Parlement européen en matière de politique étrangère restent limités.

Dans le cadre de la commission « Affaires étrangères » et de sa sous-commission « Sécurité et défense » (SEDE), le Parlement est consulté sur les principaux aspects et les choix fondamentaux de politique étrangère. Il a également le pouvoir de solliciter les acteurs institutionnels en charge des questions de sécurité et de défense, pour qu’ils viennent présenter devant lui les actions qu’ils promeuvent. Il est ainsi régulièrement informé par le Conseil et la Commission des avancées en la matière. Chaque année, un rapport sur les activités de l’Union européenne en matière de PSDC est transmis par la Haute Représentante au Parlement européen et est examiné par la SEDE.

Le Français M. Arnaud Danjean est actuellement Président de la SEDE.

e) Le Comité des représentants permanents (COREPER)

Tous les travaux du Conseil sont préparés ou coordonnés par le Comité des Représentants Permanents (COREPER), chargé de représenter et défendre les intérêts nationaux au sein des instances européennes. Le COREPER, qui coordonne les travaux des comités et groupes de travail spécialisés, se réunit en deux formations distinctes : le COREPER I qui couvre les dossiers à caractère technique et le COREPER II qui traite des sujets à caractères politique, commercial, économique ou institutionnel. C’est le COREPER II qui prépare les travaux du Conseil de l’Union européenne dans ses formations « Affaires Générales » et « Affaires étrangères » (cette dernière couvrant les aspects PESC et PSDC). L’avancée des travaux au sein du COREPER détermine l’ordre du jour du Conseil, les dossiers n’ayant pu faire l'objet de consensus au sein du COREPER étant ensuite débattus au Conseil.

2. Les instances plus spécifiques à la PSDC

a) Le groupe Relations extérieures (RELEX)

Le groupe de travail RELEX rassemble 27 conseillers pour les Relations Extérieures des Représentations permanentes auprès de l’Union européenne. Il prépare les travaux du COREPER II et a vocation à traiter tous les aspects horizontaux liés à la préparation et à la mise en œuvre des décisions du Conseil. Il négocie les actions communes permettant le déploiement des opérations PSDC avant de les soumettre au Conseil pour approbation. Il est également chargé de la supervision du mécanisme Athéna (mécanisme de financement, cf. ci-après).

b) Le Comité politique et de sécurité (COPS) et la Représentation permanente (RP) et militaire

Situé au cœur du dispositif institutionnel, le Comité politique et de sécurité est la cheville ouvrière de la PSDC. Réunissant, deux fois par semaine, des représentants des 27 États de l’Union européenne ayant rang d'ambassadeur, il assure le suivi de la situation internationale, définit et suit les réponses de l’UE en cas de crise, émet des « avis » à l'intention du Conseil (propositions d’objectifs politiques et recommandations d’options stratégiques).

Il exerce également le contrôle politique et la direction stratégique de toutes les opérations militaires, aidé en cela par les avis et recommandations du Comité militaire de l’Union européenne soutenu lui-même par l’État-major militaire. En interaction constante avec les organes consultatifs, il mandate les différents groupes de travail pour fournir des avis et recommandations.

L’Ambassadeur Jean-Louis Falconi est actuellement le Représentant de la France auprès du COPS.

La structure française du COPS est elle-même rattachée à la Représentation permanente (RP) de la France auprès de l’Union européenne, à la tête de laquelle est placé M. Philippe Etienne, Ambassadeur.

Le Général Gilles Rouby est depuis août 2012 Chef de la Représentation militaire de la France tant auprès de l’Union européenne que de l’OTAN.

c) Le Comité militaire de l’Union européenne (CMUE)

Composé des chefs d’État-major des États membres, le plus souvent représentés par leurs Représentants permanents, le Comité militaire est l’organe militaire suprême de l’Union européenne. Il a pour mission de fournir au COPS des recommandations et avis sur toutes les questions militaires et évalue les options stratégiques de gestion des crises et de développement des capacités définies par l’État-major de l’Union européenne, auquel il donne ses directives. Son président, un officier général désigné par le Conseil sur proposition des Chefs d’État-major pour une période de trois ans, participe aux réunions du COPS et du Conseil « Affaires étrangères ». Le général français Patrick De Rousiers est, depuis l’automne 2012, l’actuel président du CMUE (il a succédé à un Suédois).

d) L’État-major de I'UE (EMUE)

Il joue un rôle majeur dans l’expertise militaire. Notamment habilité à fournir une analyse militaire à la Haute représentante, l’État-major de l’Union européenne est la structure militaire permanente intégrée de l’Union européenne. Il est chargé de la planification stratégique et logistique des forces pour les opérations militaires de gestion de crise ainsi que de l’évaluation situationnelle des théâtres de crise, en coopération avec la Direction de la planification et de la gestion de crises (la CMPD ; cf. ci-dessous).

Il assure le lien entre le Comité militaire de l’Union européenne (le CMUE ; cf. ci-dessus) et les moyens et ressources militaires mis à disposition par les États membres.

Il regroupe environ 250 militaires détachés par les États membres, dont 17 Français.

Son Directeur général actuel est un Hollandais, le Lieutenant-Général Ton Van Osch ;

e) Le Groupe politico-militaire (GPM)

Le GPM est responsable des aspects politico-militaires de la PSDC. Il prépare les dossiers transversaux avant leur examen au COPS. Il développe les concepts stratégiques, participe à la rédaction des documents de planification et suit le cours des opérations. Il effectue également le suivi des missions de réforme du secteur de sécurité (RSS) et le suivi de l'action de l’Union européenne en matière de renforcement des capacités africaines.

f) Le Comité chargé des aspects civils de la gestion des crises (CIVCOM)

Le CIVCOM est un groupe de travail du COPS en charge des différents aspects de la gestion civile des crises : police, État de droit, administration civile et protection civile. En amont des décisions prises au COPS, auquel il formule recommandation et avis, il négocie les concepts et l’utilisation des instruments d'action relatifs à la gestion civile des crises, il évalue également les options stratégiques et suit le déroulement des opérations civiles, tout en préparant les sorties de crise.

g) La Direction de la planification et de la gestion de crises (CMPD)

La Direction de la planification et de la gestion de crises (plus connue sous son acronyme anglais « CMPD ») créée en 2009 par le Traité de Lisbonne, a pour mission la planification au niveau politique et stratégique des opérations civiles et militaires de la PSDC. Placée sous l'autorité de la Haute représentante et rattachée au Service européen d’action extérieure, cette structure permanente est composée de trois unités :la planification stratégique intégrée, les entraînements et capacités civiles, les partenariats et capacités militaires.

La CMPD produit le « concept de gestion de crise » qui est un document fondateur pour chaque opération validant les objectifs stratégiques de l’Union européenne pour une crise donnée et définit le cadre civil et/ou militaire de l’opération.

Son Directeur actuel est un Belge, M. Walter Stevens ;

h) La Capacité civile de planification et de conduite (CPCC)

La CPCC (Civilian Planning and Conduct Capacity), ou Commandement civil de gestion des crises, est une structure qui regroupe une soixantaine de personnes et dont le noyau est composé notamment d’agents du Service européen d’action extérieure, auquel elle est rattachée. Elle a pour mission générale de planifier et de conduire les missions civiles de la PSDC. Le commandant de ces missions civiles en assure la direction et le contrôle, sous la surveillance et la direction stratégique du COPS et sous l’autorité de la Haute-représentante.

La CPCC transmet par ailleurs ses propositions au COPS qui les présente devant le Conseil. Elle tisse également des liens avec les organisations internationales et l’État-major de l’Union européenne.

Le Directeur de la CPCC est actuellement un diplomate allemand M. Hansjörg Haber et il a pour adjoint un Français, le Général Gilles Janvier ;

i) La Cellule de veille et d’analyse

La cellule de veille et d’analyse, rattachée au SEAE, est une structure de renseignement visant à fournir 24h/24 et 7j/7, des informations sur la situation sécuritaire et politique des théâtres de déploiement des missions et opérations de l’Union européenne. Elle veille également à fournir les informations nécessaires en cas de déclenchement d’une crise ;

j) Le Département de réponse aux crises

Ce Département, actuellement dirigé par un Italien, M. Agostino Miozzo, est chargé de coordonner tous les services impliqués dans la réponse aux crises (SEAE et Commission). Il joue le rôle d’un « guichet unique » dans le cadre de la réponse aux crises.

Son directeur a ainsi été chargé de la supervision en octobre 2012 de l’exercice de gestion « Multilayer 2012 », organisé par le SEAE pour tester, en cas de crise, l’efficacité du système de réponse de l’Union européenne dans une opération militaire et une mission civile menées dans le cadre de la PSDC.

Cet exercice était le septième du genre, mais le tout premier à mobiliser tous les niveaux d’intervention – du politico stratégique à l’opérationnel – et à réunir tous les niveaux de décision et d’exécution sous le même drapeau, dans le format « Traité de Lisbonne ».

Ainsi la Commission, le SEAE, le Conseil et les États membres ont mesuré leur capacité à réagir et à interagir face à la dégradation de la situation sécuritaire et humanitaire d’une région fictive comptant onze pays dans laquelle la « Nusia » et la « Recuria », deux États en situation de transition post-conflit, étaient confrontés à des questions complexes et concomitantes comme la fixation des frontières, la sécurité des infrastructures publiques, la présence de mines anti-personnel et la piraterie maritime.

Le mécanisme européen de gestion de crise est en effet en pleine réforme et l’exercice « Multilayer 2012 » devrait permettre d’avancer sur l’efficacité organisationnelle de la PSDC ;

k) Le Centre d'opérations

Activé en 2012, le Centre d’opérations a pour vocation de soutenir la planification et d’assurer la coordination des opérations et missions de l’Union européenne dans la Corne de l’'Afrique (EUNAVFOR Atalante, EUTM Somalie et EUCAP NESTOR, mission de renforcement des capacités maritimes régionales). Situé à Bruxelles, dans les locaux de l’EMUE, il garantit la bonne coopération entre différentes structures de gestion de crise impliquées dans la lutte contre la piraterie et facilite, de ce fait, les interactions entre le terrain et Bruxelles. Il est dirigé par un militaire et est composé d'experts détachés des États-membres et de l’EMUE ;

l) Les Quartiers généraux nationaux

Faute d’existence d’un quartier général européen permanent, 5 pôles de conduite des opérations militaires de l’Union européenne sont mis à disposition par les États membres (France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni) et par l’OTAN (SHAPE à Mons).

Dans son discours sur la relance de la PSDC (Varsovie, 26 juillet 2012) M. Laurent Fabius, Ministre des Affaires étrangères, a souligné que la France n’était pas fermée à la poursuite de la réflexion sur la création d’un quartier général européen. En revanche, la Grande-Bretagne a refusé catégoriquement de soutenir la proposition de Mme Catherine Ashton visant à établir un quartier général permanent des futures opérations militaires européennes. Cette opposition de la Grande-Bretagne bloque pour le moment tout espoir de lancement de la Coopération structurée permanente via la création d’un QG autonome européen.

3. Les Agences pour la Politique de sécurité et de défense commune

Outre l’Agence Européenne de Défense (AED) précitée, dont le rôle est majeur, existent également :

a) Le Centre satellitaire de l’Union européenne (CSUE)

le Centre satellitaire de l’Union européenne (CSUE ou SATCEN), créé en 2002, est une agence de l’Union européenne située à Torrejon, en Espagne. Il a pour mission d’exploiter et produire des informations résultant de l’analyse des images terrestres satellitaires, en soutien à la prise de décision de l’Union européenne dans le cadre de la PSDC ;

b) L’Institut d'études de sécurité de l'UE (IESUE)

L’IESUE est une structure autonome de soutien à la PESC siégeant à Paris. Il prépare des analyses et des recommandations, met en relations les experts et responsables politiques à tous niveaux et fournit à la Haute représentante des prévisions pour la politique extérieure et de sécurité commune.

M. le Dr Antonio Missiroli est depuis l’automne 2012 le nouveau Directeur de cet Institut.

4. Une innovation : la Conférence interparlementaire pour la PESC et la PSDC

La première Conférence interparlementaire pour la PESC et la PSDC a été organisée à Paphos (Chypre) les 9 et 10 septembre 2012. Elle devrait se réunir désormais tous les six mois. Il avait été décidé de sa création lors de la réunion des Présidents des parlements de l’Union européenne à Bruxelles les 4 et 5 avril 2011. Toutefois, les Présidents n’avaient alors pas abouti à un accord sur tous les aspects relatifs à l’établissement de cette Conférence. Les discussions ont achoppé sur son format et sur la représentation respective des Parlements nationaux et du Parlement européen, qui souhaitait une représentation très supérieure à celle de chaque Parlement national. Un accord a finalement été trouvé par les Présidents, lors de la Conférence de Varsovie des 20 et 21 avril 2012 (16 membres pour le Parlement européen, 6 membres pour chaque Parlement des 27 États de l’Union européenne).

Mme Catherine Ashton, en sa qualité de Haute représentante, a participé à la Conférence interparlementaire qui a été également ouverte aux délégués de Parlements d’États candidats à l’adhésion de l’Union européenne et à des membres de l’OTAN ne faisant pas partie de l’Union européenne, en qualité d’observateurs.

Au cours des débats, consacrés en partie à l’adoption d’un projet de Règlement intérieur de la Conférence - dont certains éléments restent encore à préciser - mais aussi à des questions de fond, les parlementaires ont pu soulever de nombreuses questions relatives à la PESC et à la PSDC.

La Conférence interparlementaire a adopté des conclusions non contraignantes à l’issue de ses travaux, lesquelles affirment notamment :

– sa détermination « à remédier, par le biais de ce dialogue renforcé et de l’échange d’informations, aux faiblesses de la PESC et de la PSDC en matière de prise de décisions, de renforcement des capacités et de fonctionnement (…) » ;

– la nécessité d’un examen régulier des missions en cours de la PSDC ;

– la nécessité d’un examen parlementaire régulier du rôle de l’Agence européenne de défense ;

– la nécessité d’une surveillance renforcée des processus démocratiques dans le voisinage méridional et oriental de l’Union.

La Conférence interparlementaire a également, dans ses conclusions, demandé à la Présidence chypriote d’élaborer des propositions à cet effet avant la prochaine réunion.

La seconde réunion de la Conférence interparlementaire aura lieu fin mars 2013, en Irlande.

B. Les financements de la PSDC

1. Le principe : différenciation des opérations militaires et civiles

a) Le financement des opérations militaires et de défense

Alors que les dépenses opérationnelles liées à la politique extérieure et de sécurité commune (PESC) - dont la PSDC est, rappelons-le, partie intégrante – sont en principe à la charge du budget de l’Union européenne, par exception, les dépenses afférentes à des opérations ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense sont à la charge des États membres, selon le principe de l’imputation des coûts à leurs auteurs (costs lie where they fall) ; une exception est cependant prévue pour les activités préparatoires (article 41 paragraphe 3 du TUE ; cf l’analyse du financement de la CSP).

b) Le financement des opérations civiles

À la différence des opérations militaires, les opérations civiles de la PSDC sont financées dans leur intégralité par le budget PESC, ligne du budget communautaire gérée par la Commission, votée par le Parlement et dont l’utilisation est décidée par le Conseil.

L’instrument de stabilité, crée en 2007 et bénéficiant d’une enveloppe d’environ 2 milliards d’euros pour la période 2007-2013, est un outil de la Commission en faveur de la sécurité dans les pays partenaires en situation de crise.

Le Fonds européen de développement contribue quant à lui au financement de l’aide au développement sur le long terme pour les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). Il peut également être mis à contribution pour apporter un soutien financier aux opérations de soutien à la paix conduites par les acteurs africains (Union africaine).

2. Le mécanisme de financement Athéna

Il n’atténue que très légèrement le principe selon lequel les opérations militaires et de défense sont à la charge des États membres qui les mènent.

En effet, dirigé par un Comité spécial représentant les États membres, le mécanisme Athéna a été créé en 2004 afin d’assurer la couverture des coûts communs aux États membres pour les opérations militaires de la PSDC. Toutefois ces dépenses, divisées entre les États selon une clé de répartition en fonction de leurs PIB respectifs, ne couvrent qu’une partie du coût total d’une opération militaire (environ 10 %), le reste demeurant à la charge exclusive des États participant à celle-ci.

Les révisions périodiques du mécanisme Athéna (la dernière ayant eu lieu fin 2011) permettent aux États de redéfinir régulièrement les coûts qui seront pris en charge par celui-ci. Par conséquent, le budget peut varier sensiblement (156 millions d’euros en 2008, 29 millions d’euros en 2012) en fonction des décisions des États ainsi que du nombre, de la localisation et de l’intensité des opérations militaires.

Depuis 2004, le mécanisme Athéna a été utilisé pour des opérations militaires de l’Union européenne telles que EUFOR Althéa, EUFOR RDC, EUFOR Tchad/RCA, EUNAVFOR Atalante et EUTM Somalia.

C. Les opérations militaires et civiles3 menées dans le cadre de la PSDC

Certaines opérations militaires sont achevées et d’autres en cours. Il en va de même pour les opérations civiles. Il peut exister également des missions mixtes de type « civilo-militaire ». La différence entre les deux, sur le fond, n’est pas toujours évidente, certaines missions civiles étant dotées d’une plus ou moins forte « expertise militaire ». EUCAP NESTOR en est un tout récent exemple. La différence se situe essentiellement au niveau du commandement : militaire pour les opérations classées militaires, alors que c’est la CPCC (Capacité civile de planification et de conduite) qui dirige les opérations dites civiles.

Une opération militaire au Sahel est par ailleurs à l’étude pour 2013.

1. Les opérations militaires achevées

Elles étaient en 2012 au nombre de cinq, la dernière étant l’opération militaire avortée en Lybie.

a) CONCORDIA, la 1re opération militaire de l’Union européenne, en Macédoine

Lancée en mars 2003, cette opération s’est achevée en décembre de la même année. Elle avait pour but de contribuer à la mise en place d’un environnement stable et sûr dans l’ancienne république yougoslave de Macédoine, dans le cadre de la mise en œuvre des accords d’Ohrid (août 2011) visant à mettre fin aux vives tensions ethniques dans cette région et conclus sous la pression de l’Union européenne.

De manière à mettre en place ces accords, notamment par le désarmement des milices albanaises, l’OTAN a d’abord déployé une force de 3.500 hommes (les forces françaises y participaient dans le cadre de l’opération MINERVE) puis a transféré la responsabilité de l’opération, qui a alors pris le nom de CONCORDIA, à l’Union européenne. La participation française à CONCORDIA a pris alors le nom d’opération ALTAÏR.

L’opération CONCORDIA comptait environ 400 hommes, dont 175 Français, provenant de 26 nations dont 14 non membres de l’Union européenne.

Pour la première fois avec CONCORDIA, l’Union européenne a conduit une opération dans le cadre des opérations de Petersberg (participation militaire dans le cadre de missions humanitaires ou d’évacuation de ressortissants, de missions de maintien de la paix ou de missions de combat pour la gestion de crise, y compris des opérations de rétablissement de la paix). CONCORDIA se situe sur l’échelle basse des opérations de Petersberg car au début de l’opération, un calme relatif est revenu dans le Nord de la Macédoine. Devant la stabilisation de la situation dans le Nord du pays, l’Union européenne a décidé de remplacer la force militaire par une force de police européenne à partir du 15 décembre 2003, sous le nom d’opération PROXIMA (200 policiers et gendarmes dont 40 Français).

b) ARTÉMIS, en République démocratique du Congo (RDC)

En juin 2003, le Conseil a adopté le plan d’opération et la décision de lancer une opération militaire en réponse à la résolution 1484 (30 mai 2003) des Nations unies. Cette opération visait à contribuer à la stabilisation des conditions de sécurité et à l’amélioration de la situation humanitaire à Bunia. Elle s’est terminée officiellement le 1er septembre 2003.

La spécificité d’ARTÉMIS tenait à l’originalité de son agencement institutionnel. L’opération a été en effet caractérisée par la collaboration de trois niveaux institutionnels : l’ONU, l’Union européenne et la France en tant que nation-cadre. Son succès s’explique en grande partie par la stricte séparation des tâches qui a été opérée entre ces trois acteurs, l’ONU y ayant assuré une fonction essentielle en tant qu’instance de légitimation mais étant ensuite restée relativement en retrait.

c) EUFOR RDC, également en République démocratique du Congo

Lancée fin juillet 2006, cette mission s’appuyait sur une demande officielle des Nations unies pour soutenir la MONUC (Mission des Nations Unies au Congo) lors du processus électoral dans la République démocratique du Congo. La résolution no 1671 (25 avril 2006) du Conseil de sécurité des Nations Unies conférait à l’Union européenne un mandat clair et conforme au droit international pour cette opération. Pendant ces élections historiques, EUFOR RD Congo épaula la MONUC dans la sécurisation de la région. L’opération EUFOR RD Congo s’est achevée en ayant atteint ses objectifs le 30 novembre 2006.

d) EUFOR TCHAD/RCA, au Tchad et en République Centrafricaine

Lancée le 28 janvier 2008, conformément au mandat figurant dans la résolution 1778 (2007) du Conseil de sécurité des Nations Unies, l’opération dans l’Est du Tchad et le Nord-Est de la République centrafricaine avait pour objectifs de contribuer à la protection des civils en danger, en particulier les réfugiés et les personnes déplacées ; de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et la libre circulation du personnel humanitaire en contribuant à améliorer la sécurité dans la zone d’opérations ainsi que la protection du personnel, des locaux, des installations et du matériel des Nations Unies ; mais aussi d’assurer la sécurité et la liberté de circulation de son propre personnel, du personnel des Nations Unies et du personnel associé. L’opération a pris fin le 13 mars 2009 et le relais a été transmis à la MINURCAT (Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad).

e) EUFOR-LYBIE

Le Conseil de l’Union européenne a décidé début avril 2011 de lancer une opération de l’Union européenne d’appui à des opérations d’assistance humanitaire, en réponse à la situation de crise en Lybie. Cette décision prévoyait que l’Union européenne, sur demande de l’Office des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) mènerait une opération militaire dans le cadre de la PSDC pour soutenir l’aide humanitaire dans la région.

L’opération a pris fin à la mi-novembre 2011 : les ambassadeurs du COPS ont donné leur accord pour cette date, marquant en fait la fin d’une « non-opération », sur la proposition de l’amiral italien commandant de l’opération. En effet, le feu vert des Nations Unies n’a jamais été donné et EUFOR-LYBIE n’a en réalité jamais été déployée, sauf en théorie, par la mise en place d’un quartier opérationnel de commandement (OHQ) à Rome et par la planification d’éventuels déploiements en soutien à une potentielle mission humanitaire de l’Union européenne.

Cette décision d’opération militaire, non suivie de réalisation, est une première qui n’est évidemment pas à porter au crédit de « l’Europe de la Défense ». Ce n’est bien entendu pas la faute des militaires. La condition d’accord de l’OCHA, le bureau des affaires humanitaires de l’ONU, a condamné la réalisation de l’opération. Sûrement l’Union européenne aurait-elle eu les moyens politiques et juridiques de lancer, de manière autonome, une opération (elle-même), qui réponde aux objectifs d’une résolution des Nations Unies, mais sans la condition en plus d’un accord, émanant d’une de ses agences qui n’était pas la seule organisation humanitaire à intervenir dans le conflit ni la plus à même d’apprécier la situation (OCHA ayant mis du temps avant de pouvoir être présente sur le terrain et ayant dû finalement se réfugier à Tunis). Par ailleurs, plutôt que de monter un quartier général ad hoc dans une capitale, il aurait été peut-être préférable d’établir et de pérenniser ce quartier général opérationnel en Belgique, au sein du service diplomatique européen : cela aurait en tout cas permis d’économiser de l’énergie et des moyens et de bénéficier d’un retour d’expérience, la planification d’une opération, même non lancée, pouvant bénéficier aux suivantes.

2. Les opérations militaires en cours

Elles étaient en 2012 au nombre de trois, celle de Bosnie étant toutefois en extinction.

a) EUFOR ALTHÉA en Bosnie-Herzégovine

Lancée en décembre 2004, cette opération faisait suite à la décision de l’OTAN de mettre un terme à son opération SFOR ainsi qu’à l’adoption, par le Conseil de sécurité des Nations unies, de la résolution 1575 autorisant le déploiement d’une force de l’Union européenne en Bosnie-Herzégovine. L’Union européenne a déployé une force importante (EUFOR) au titre du chapitre VII de la Charte des Nations unies, afin de veiller à ce que l’accord de paix de Dayton continue à être respecté et de contribuer à un climat de sécurité en Bosnie-Herzégovine. L’opération ALTHÉA a été menée en ayant recours aux moyens et capacités de l’OTAN, dans le cadre des accords dits de « Berlin plus ».

Les États membres de l’Union européenne se sont penchés à plusieurs reprises sur l’avenir de cette opération militaire, les effectifs sur le terrain diminuant au fur et à mesure des décisions de certains d’entre eux de ne plus contribuer. La situation sur place ne leur semblant plus nécessiter une opération militaire, certains, dont la France, ont envisagé la transformation en une mission non exécutive, moins gourmande en moyens.

Début 2009, la France a annoncé le retrait de son contingent (85 militaires) encore déployé en Bosnie-Herzégovine au titre d’EUFOR ALTHÉA. Elle est restée néanmoins engagée dans la mission civile sur place, par sa participation à la mission de police de l’Union européenne (MPUE), dont le mandat s’est achevé fin juin 2012 (voir opérations civiles ci-après).

Au premier semestre 2012, les effectifs de la force s’élevaient à environ 1 200 soldats sur le terrain, appuyés par des forces de réserve hors du théâtre, mais ils sont en diminution régulière depuis l’origine. Dans la conjoncture actuelle de crise budgétaire, aucun État ne semble en effet disposé à augmenter son contingent, qui reste en grande partie à la charge du budget national, le mécanisme de financement ATHÉNA (cf. ci-dessus) ne permettant de communautariser qu’une faible partie du budget de l’opération (le commandement et certaines tâches communes).

b) EUNAVFOR ATALANTA dans la Corne de l’Afrique

Lancée en décembre 2008, cette opération répond aux préoccupations de l’Union européenne provoquées par la piraterie et les vols à main armée au large des côtes somaliennes, qui continuent à peser sur la sécurité maritime internationale ainsi que sur les activités économiques et la sécurité des pays de la région. C’est dans ce contexte qu’au titre d’une approche globale, l’Union européenne a démarré en Somalie une opération maritime, dans le cadre de sa politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Le Conseil de l’Union européenne a ensuite décidé de prolonger l’opération jusqu’en décembre 2014.

L’opération ATALANTA contribue incontestablement à l’amélioration de la lutte contre la piraterie, puisque de plus d’une vingtaine d’attaques contre des navires l’année dernière on est passé à six cette année. La France a assuré le commandement d’ATALANTA jusqu’à début août 2012, date à laquelle le relais a été passé à l’Italie. C’est une opération concluante sur le plan militaire pour un coût équivalent à moins d’un navire et demi porte-hélicoptères par an. Elle est emblématique de ce que peut faire l’Union européenne quand elle le veut : c’est en effet l’Union européenne qui, comprenant que le traitement de la menace devait être global, a autorisé une telle opération et elle est la seule organisation internationale à l’avoir menée.

Le dernier rapport de la Chambre des Lords britanniques sur l’opération ATALANTA (septembre 2012) en dresse un bilan très positif alors qu’il est rare qu’à Londres on fasse des louanges sur « l’Europe de la défense », et que le précédent rapport (avril 2010) pointait encore des lacunes au niveau des ressources matérielles et humaines mises à la disposition de cette mission. Le rapport de septembre 2012 estime même que l’opération européenne devrait être reconduite au-delà de 2014, relevant que si l’endiguement de la piraterie reste le but premier, son élimination devrait être l’objectif sur le long terme.

c) EUTM SOMALIA en Somalie et Ouganda

Lancée en avril 2010, cette mission de formation militaire a pour but de contribuer au renforcement du gouvernement fédéral de transition (GFT) et des institutions de Somalie. Ce soutien s’inscrit dans le cadre de l’engagement global de l’Union européenne en Somalie, en vue de répondre aux besoins prioritaires de la population somalienne et de stabiliser le pays.

La formation des forces de sécurité somaliennes a commencé dès mai 2010, en Ouganda, ce qui facilite la coordination de l’action de l’Union européenne avec la mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM).

Le Conseil de l’Union européenne a souligné que l’EUTM Somalia devrait être considérée comme faisant partie d’un engagement plus large de l’Union européenne et de la communauté internationale à l’égard de la Somalie. Il s’est félicité de la coopération étroite qui a été mise en place avec des partenaires clés dans cet effort commun, en particulier l’Ouganda, l’Union africaine, l’AMISOM, les Nations unies et les États-Unis. Le Conseil a salué les progrès significatifs réalisés et a rappelé qu’il importe de veiller à ce que se poursuive la mise en place des conditions générales permettant aux recrues formées dans le cadre de l’EUTM Somalia d’apporter une contribution efficace et durable aux forces de sécurité somaliennes et à la stabilisation de la situation en Somalie.

En mars 2011, l’Union européenne a rappelé qu’il ne peut y avoir de solution purement militaire à la crise en Somalie. Les réflexions relatives à la poursuite de son engagement en Somalie dans le cadre de la politique de sécurité et de défense, y compris l’évolution de la mission de formation en Ouganda, dépendront du contexte politique, de la réalisation de progrès satisfaisants concernant une structure de commandement et de contrôle et de l’évaluation de la réintégration des premiers bénéficiaires des formations. En octobre 2012, l’effectif d’EUTM Somalia s’élève à 143 personnes.

3. Les opérations civiles achevées

On en comptait huit en 2012, en prenant en compte une opération « civilo-militaire » menée au Soudan et Darfour.

a) EUPOL PROXIMA, dans l’ancienne république yougoslave de Macédoine

Lancée mi-décembre 2003, cette mission de police avait été établie en partenariat étroit avec les autorités du pays : il s’agissait d’une mission d’encadrement, de conseil auprès de la police locale et de lutte contre le crime organisé. La mission a pris fin mi-décembre 2005. Elle a été relayée par la mission EUPAT.

b) EUPAT, également dans l’ancienne république yougoslave de Macédoine

La mission EUPAT a débuté mi-décembre 2005 pour une durée de six mois, prenant la suite du mandat de la mission de police EUPOL PROXIMA.

Dans le cadre d’EUPAT, l’Union européenne a envoyé une équipe consultative de police, ayant pour mission le soutien au développement d’un service de police efficace et professionnel. Il s’agissait d’organiser une administration performante, répondant aux standards européens dans le domaine du maintien de l’ordre et des fonctions de police.

La mission EUPAT a cédé la place en juin 2006 à des programmes de la Commission, illustrant ainsi la continuité de l’action de l’Union européenne à travers ses différents piliers.

c) EUJUST THEMIS, en Géorgie

Lancée mi-juillet 2004, cette mission était la première mission de loi lancée par l’Union européenne dans le cadre de la PESD : elle visait à aider les autorités géorgiennes à répondre aux besoins de réforme de leur système de justice pénale, notamment par l’élaboration d’une approche globale et coordonnée (formation des cadres supérieurs, encadrement et conseil auprès des ministres et hauts fonctionnaires).

La mission a pris fin mi-juillet 2005.

d) AMM Monitoring Mission, à Aceh, en Indonésie

En accord avec les pays contributeurs de l’ASEAN ainsi qu’avec la Norvège et la Suisse, le Conseil de l’Union européenne a décidé, mi-septembre 2005, de déployer cette mission de surveillance : conformément au protocole d’accord d’Helsinki du 15 août 2005, conclu par le Gouvernement indonésien et le mouvement « Aceh libre », un processus de paix a été mis en place. La province a tenu ses premières élections directes et démocratiques locales et la liberté de mouvement et d’opinion a été rétablie.

La mission a donc pris fin mi-décembre 2006.

e) EUPOL Kinshasa, en République démocratique du Congo

Après avoir été partiellement pré-déployée en République démocratique du Congo à compter du 3 février 2005, la mission a été officiellement lancée le 12 avril 2005, suite à une décision d’action commune du Conseil de l’Union européenne de décembre 2004.

Cette mission de police, qui répondait à une invitation du Gouvernement de la République démocratique du Congo, a été la première mission civile de gestion de crise en Afrique s’inscrivant dans le cadre de la PESD.

Elle avait pour but d’aider la police nationale congolaise à maintenir l’ordre pendant la transition de la République démocratique du Congo vers la démocratie, en fournissant un appui à l’Unité de Police intégrée (UPI) sous commandement congolais, des formations et conseils sur la réforme et la réorganisation de la Police nationale.

Comprenant une trentaine de personnes et agissant en soutien de la MONUC (Mission des Nations-unies au Congo), elle avait été initialement lancée pour un an.

Fin novembre 2005, prenant en compte la poursuite de la période de transition démocratique en République démocratique du Congo jusqu’au 30 juin 2006 et suite à une demande du Président KABILA, le Conseil de l’Union européenne a décidé de prolonger la mission EUPOL Kinshasa pour une durée d’une année supplémentaire, soit jusqu’au 31 décembre 2006. En décembre 2006, il a décidé d’une nouvelle prolongation jusqu’au 30 juin 2007, date à laquelle le relais a été pris par la mission EUPOL RDC, toujours en cours (cf ci-dessus).

f) AMIS II, au Soudan et Darfour

A la demande de l’Union africaine le 18 juillet 2005, l’opération a été décidée par le Conseil de l’Union européenne le 20 juillet 2005. Considérée comme « civilo-militaire », elle avait pour objectif d’assurer une aide à la mission de l’Union africaine AMIS, par la formation de troupes africaines au transfert tactique et stratégique et par la fourniture d’une assistance technique.

La mission de l’Union africaine au Soudan (AMIS) avait elle-même été lancée dès avril 2004 dans une conjoncture de guerre civile opposant le Gouvernement soudanais et différents groupes rebelles. Les objectifs étaient notamment de contribuer à l’amélioration de la situation sécuritaire au Soudan, de créer un environnement sécurisé pour l’acheminement de l’aide humanitaire et le retour des réfugiés, d’aider à la protection de la population civile au Darfour. AMIS a été l’opération la plus importante financée par la Facilité de paix pour l’Afrique.

Le mandat de l’action de soutien de l’Union européenne a pris fin le 31 décembre 2007, date à laquelle le mandat d’AMIS s’est officiellement terminé.

g) EU SSR Guinée-Bissau

Lancée officiellement en juin 2008, suite à une décision du Conseil de l’Union européenne de février 2008, cette mission visait à soutenir la réforme du secteur de la sécurité en Guinée-Bissau.

Elle a été menée en partenariat avec l’État, qui conservait la maîtrise du processus de réforme.

Ce fut la première mission entièrement planifiée par la Capacité civile de planification et de conduite (la CPCC), le quartier général des missions civiles de gestion des crises menées par l’Union européenne. Initialement prévue pour une durée d’un an, elle a été portée ensuite à deux ans et demi et la dernière prorogation a pris fin le 30 septembre 2010.

h) EUPM BIH, en Bosnie-Herzégovine

C’est celle qui s’est achevée le plus récemment (fin juin 2012).

Lancée le 1er janvier 2003 sur l’invitation des autorités de Bosnie-Herzégovine, la mission de police de l’Union européenne (MPUE) en Bosnie s’est inscrite dans le cadre de l’action entreprise par l’Union européenne et d’autres acteurs sur la problématique générale de l’État de droit. Initialement prévue pour une durée de trois ans, elle a été reconduite plusieurs fois et une modification de son mandat et de sa taille ont été opérés à compter d’avril 2010. En décembre 2009, le Conseil de l’Union européenne avait décidé de la prolonger jusqu’au 31 décembre 2011, puis une ultime prolongation pour six mois a conduit à la clôture de la mission en juin 2012.

Depuis juillet 2012, la mission a passé le témoin au bureau du Représentant spécial de l’Union européenne en Bosnie-Herzégovine, chargé d’assurer dorénavant les tâches de conseil et d’assistance au gouvernement local en matière de police et de douane, comme toutes les autres fonctions.

Ce changement entre dans une dynamique de normalisation des relations entre l’Union européenne et la Bosnie-Herzégovine, candidate à l’adhésion à l’Union européenne, même si sa candidature n’est pas encore reconnue juridiquement.

4. Les opérations civiles en cours

On en compte actuellement une dizaine, depuis la récente fin de la mission EUPM BIH en Bosnie-Herzégovine (voir opérations civiles achevées) et les lancements des missions EUCAP Sahel Niger et EUAVSEC Sud Soudan durant l’été 2012.

a) EUJUST LEX en Irak, première mission intégrée « État de droit » en Irak

Décidée par le Conseil de l’Union européenne en mars 2005, cette opération civile de gestion de crise a débuté sur le terrain en juillet 2005, avec pour objectif de renforcer la primauté du droit en Irak et d’y promouvoir une culture de respect des droits de l’homme. Elle cible notamment le perfectionnement professionnel de hauts responsables irakiens et la coopération opérationnelle entre les différentes branches du système pénal irakien (policière, judiciaire et pénitentiaire).

Malgré les difficultés du début, notamment des conditions de sécurité difficiles, les Européens ont ainsi formé, au cours des sept dernières années, plus de 5 000 participants au système pénal irakien.

Cette mission – dotée d’un effectif de 55 personnes en octobre 2012 - a été prorogée à plusieurs reprises et il a été décidé en juin 2012 qu’elle poursuivra ses activités jusqu’à fin 2013.

b) EUDAM Rafah en Palestine

Mi-novembre 2005, Israël et l’Autorité palestinienne ont conclu un accord sur les déplacements et l’accès au point de passage de Rafah, situé à la frontière entre la Bande de Gaza et l’Égypte. Le Conseil de l’Union européenne s’est félicité de la conclusion de cet accord et a estimé que l’Union européenne pourrait assumer le rôle de tierce partie proposé dans l’accord. En conséquence, il a lancé cette mission européenne d’assistance à la frontière, afin de surveiller les opérations au point de passage.

La phase opérationnelle de cette mission a débuté dès la fin novembre 2005 et elle est actuellement reconduite jusqu’au 30 juin 2013.

c) EUPOL COPPS, en Palestine également

Cette mission de police, créée elle aussi mi-novembre 2005, basée en Cisjordanie, fait partie des efforts déployés par l’Union européenne pour contribuer à une paix globale avec Israël et à une solution fondée sur la coexistence de deux États. Son mandat consiste à aider l’Autorité palestinienne à renforcer les institutions du futur État de Palestine dans les domaines du maintien de l’ordre et de la justice pénale. Le soutien de l’Union européenne vise à accroître « la sûreté et la sécurité » de la population palestinienne et à contribuer à la mise en œuvre du programme de l’Autorité palestinienne en matière de renforcement de l’État de droit sur le plan intérieur. L’objectif est de faire de la police civile palestinienne (PCP) une force de sécurité compétente du futur État palestinien, reposant sur les principes d’une police démocratique. EUPOL COPPS soutient aussi la mise en place d’une justice pénale stable, qui satisfasse aux normes internationales en matière de droits de l’homme. Elle a pour but d’aider l’Autorité palestinienne à renforcer les capacités professionnelles au sein des institutions judiciaires et à adopter une législation moderne.

Depuis juillet 2012, c’est un Irlandais du nord, M. Ken Deane, bien rôdé aux techniques européennes puisqu’il était précédemment Commandant adjoint des opérations civiles de l’Union européenne (CPCC) qui est à la tête d’EUPOL COPPS. Le 25 juin 2012, le Conseil de l’Union européenne a décidé de prolonger le mandat de la mission jusqu’au 30 juin 2013.

d) EUSEC RDC, en République démocratique du Congo

A la suite d’une demande officielle du gouvernement de la République démocratique du Congo, l’Union européenne a lancé début juin 2005 cette mission de conseil et d’assistance en matière de réforme du secteur de la sécurité au Congo.

L’EUSEC RDC, dotée d’un effectif de 78 personnes en octobre 2012, assiste les autorités congolaises dans la mise en place d’un appareil de défense capable de garantir la sécurité des Congolais, en respectant les normes démocratiques, les droits de l’homme et l’État de droit, ainsi que les principes de bonne gouvernance et de transparence. Elle les aide également dans des activités civilo-militaires de logistique et de formation des cadres. Elle mène également des activités visant à lutter contre l’impunité en ce qui concerne les violations des droits de l’homme, y compris les violences sexuelles.

Dans ses actions, l’EUSEC RDC coopère étroitement avec l’EUPOL RDC (cf. ci-après) et la Délégation de l’Union européenne en République démocratique du Congo, coordonne son activité avec les activités financées par la Commission européenne et les États membres, et œuvre de concert avec les Nations unies et d’autres acteurs nationaux et internationaux concernés.

La mission EUSEC RDC témoigne de l’engagement continu de l’Union européenne aux côtés des Congolais. Le rétablissement de la gouvernance en général et la réforme du secteur de la défense en particulier continuent en effet à jouer un rôle crucial dans la création de conditions durables de stabilité dans le pays. La mission a en conséquence été prorogée par un septième mandat couvrant la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013.

Les exactions commises au Congo depuis de nombreuses années, en recrudescence depuis mai 2012 et plus récemment fin novembre 2012, lors de la prise de la ville de Goma par le mouvement rebelle M 23, attestent de l’impérieuse nécessité non seulement de prolonger mais probablement aussi de renforcer la mission EUSEC RDC comme la mission EUPOL RDC (cf ci-dessous). Certes il n’appartient pas à ces missions de stabiliser la région – c’est le mandat de la MONUSCO (mission de l’ONU pour la stabilisation de la RDC) forte de ses quelque 19 000 hommes. Toutefois les effectifs de ces deux missions PSDC (moins de 140 personnes à elles deux) paraissent singulièrement sous-dimensionnés face à l’ampleur de leur tâche dans ce pays. Mme Catherine Ashton a déclaré le 23 novembre 2012, en demandant l’arrêt immédiat de l’offensive du M 23 et son retrait de Goma, que l’Union européenne, en coordination avec l’ONU et d’autres organisations internationales, était prête à appuyer la région dans ses efforts pour trouver une solution durable à la crise… La meilleure façon de fournir cet appui serait peut-être de commencer par donner à ces deux missions PSDC les moyens que nécessitent leurs objectifs.

e) EUPOL RDC, également en République démocratique du Congo

Cette mission a succédé à la mission EUPOL-KINSHASA, première mission européenne de police en Afrique entre février 2005 et juin 2007 (cf. ci-après, opérations civiles terminées). Le 12 juin 2007, le Conseil de l’Union européenne a en effet décidé d’une action commune relative à la mission de police de l’Union européenne menée dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité (RSS-assistance, encadrement et appui aux autorités) et son interface avec la justice en République démocratique du Congo.

La mission EUPOL République démocratique du Congo offre des expertises techniques policières et civiles dans les domaines de la police et de la justice, mais également dans des domaines transversaux, notamment les droits humains, les droits des enfants dans les conflits armés, l’égalité hommes/femmes et la lutte contre l’impunité et les violences sexuelles. Composée d’une cinquantaine de personnes, elle n’a cependant pas vocation à se substituer à la police congolaise dans ses missions et responsabilités. Dirigée par un commissaire divisionnaire belge, son mandat a été prolongé, sur décision du Conseil du 24 septembre 2012, jusqu’au 30 septembre 2013 (cf ci-dessus, mêmes observations que pour EUSEC RDC).

f) EUPOL AFGHANISTAN

Cette mission, qui s’inscrit dans le cadre général de l’action de la communauté internationale visant à aider les Afghans à assumer le maintien de l’ordre, a été décidée par le Conseil de l’Union européenne le 12 juin 2007.

Elle est particulièrement utile car EUPOL est le seul acteur multilatéral fournissant une expertise de haut niveau en matière d’opérations civiles de maintien de l’ordre ainsi que des compétences spécialisées en matière d’État de droit.

Elle est déployée au niveau central (Kaboul), régional et provincial, par l’intermédiaire des équipes de reconstruction provinciales.

Elle relève de l’action globale de l’Union européenne en faveur de l’Afghanistan et d’une approche coordonnée de l’Union européenne, comprenant des orientations politiques locales fournies par le Représentant spécial de l’Union européenne et un effort de reconstruction géré notamment par l’intermédiaire de la Délégation de l’Union européenne à Kaboul.

Certaines critiques sont néanmoins parfois dirigées à son encontre. Ainsi, un rapport de la Chambre des Lords de février 2011, tout en soulignant combien est stratégique cette mission pour la stabilisation de la région, déplore l’insuffisance d’engagement des États membres de l’Union européenne pour fournir l’effectif nécessaire. Il regrette que la mission tourne en permanence avec un effectif compris entre 200 et 300 personnes, avec un turnover important, au lieu des 400 planifiés ; la majorité de ces effectifs est fournie par les Finlandais, les Allemands, les Néerlandais et les Suédois, les participations britannique et française étant jugées pauvres. Alors que la date limite pour le retrait militaire s’approche, il serait important, conclut le rapport, de consacrer davantage de ressources à la mission pour qu’elle soit en mesure de réaliser ses objectifs.

Le 18 mai 2010, le Conseil a prolongé la mission pour une période de trois ans, jusqu’au 31 mai 2013.

g) EULEX KOSOVO

C’est la plus grande mission civile jamais déployée au titre de la PSDC.

L’Union européenne a décidé de son lancement le 16 février 2008, la phase opérationnelle a débuté en décembre 2008 et a atteint sa pleine capacité en avril 2009.

Le mandat initial était de deux ans, mais il a été prévu que cette mission « État de droit » ne s’achèvera que lorsque les autorités du Kosovo auront acquis suffisamment d’expérience pour garantir la primauté du droit pour tous.

L’objectif central d’EULEX KOSOVO est d’assister et de soutenir les autorités du KOSOVO dans les domaines liés à « l’État de droit », en particulier la police, la justice et les douanes.

La question du reformatage de la mission, initialement dotée d’un effectif de près de 3 000 personnes, a néanmoins été posée. Début 2012 elle disposait d’un effectif international de 1 250 agents auxquels s’ajoute un effectif de 1 000 agents locaux. Le budget annuel alloué, en 2012/2013 est de 111 millions d’euros. Plusieurs arguments militent en faveur du reformatage, notamment les contraintes budgétaires, les besoins au Kosovo qui ne sont plus les mêmes, la nécessité d’appropriation par les autorités kosovares de certaines fonctions.

Actuellement la mission EULOX KOSOVO est dirigée par un Général à la retraite, le Français Xavier Bout De Marnhac. Le mandat en cours de la mission expire le 14 juin 2014.

h) EUMM GEORGIA

Lancée le 1er octobre 2008, la mission d’observation de l’Union européenne en Géorgie s’inscrit dans le cadre des accords conclus les 12 août et 8 septembre 2008 entre la Géorgie et la Russie, grâce à une médiation diplomatique de la présidence française de l’Union européenne. Conformément aux conclusions adoptées par le Conseil européen lors de sa réunion extraordinaire du 1er septembre 2008, le Conseil de l’Union a décidé le 15 septembre de la création de cette mission non armée. En deux semaines seulement, soit avant le 1er octobre, l’Union européenne a déployé sur le terrain plus de 200 observateurs : c’est le déploiement le plus rapide jamais réalisé pour une mission de l’Union européenne.

L’objectif de cette mission, qui n’a pas de compétence d’exécution et dont le personnel n’est pas armé, est de contribuer à la stabilité à long terme de la Géorgie et des régions limitrophes touchées par le conflit de 2008. Il s’agit de superviser le déploiement de la police et des forces armées géorgiennes et d’assurer l’observation du respect, par toutes les parties, du droit humanitaire. Elle est dotée actuellement d’un effectif supérieur à 300 personnes.

Par une décision du 13 septembre 2012, le Conseil a prorogé la mission EUMM GEORGIA jusqu’au 14 septembre 2013.

i) EUBAM, en Moldavie et Ukraine (frontière)

Il s’agit d’une mission d’assistance frontalière créée début novembre 2005 en réponse à une demande conjointe des Présidents de Moldavie et d’Ukraine, visant à obtenir de l’Union européenne un soutien. Cette mission technique et consultative a surtout pour objectif d’aider les douaniers et garde-frontières moldaves et ukrainiens à coopérer entre eux et à acquérir des procédures efficaces pour prévenir et détecter la contrebande, le trafic des marchandises et des êtres humains, pour lutter contre la fraude douanière, en fournissant conseils et formations.

La mission regroupe environ 100 experts internationaux et 120 agents nationaux moldaves et ukrainiens. Elle est dotée d’un budget de 21 millions d’euros pour la période 2011-2013. En 2012, le Chef de la mission, un Allemand, M. Udo Burkholder, a établi comme objectif de mettre en place d’ici 2015 un plan de gestion intégré des frontières, visant à les amener à un niveau proche de celui de leurs homologues de l’Union européenne.

j) EUCAP SAHEL Niger (à ne pas confondre avec la mission militaire à l’étude au Sahel Mali pour 2013)

Le 26 juillet 2012, le Conseil a donné son feu vert à cette nouvelle mission PSDC civile lancée en août 2012 et visant à appuyer la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme dans la région du Sahel.

La durée initialement fixée pour EUCAP SAHEL Niger est de deux ans. La mission comporte une cinquantaine d’agents internationaux et une trentaine d’agents locaux, avec un quartier général à Niamey, au Niger, et des officiers de liaison à Bamako (Mali) et Nouakchott (Mauritanie). Grâce à ces éléments de liaison, la mission devrait contribuer à renforcer la coordination régionale avec le Mali et la Mauritanie. Ce type de mission de renforcement des capacités des forces de sécurité et de défense a vocation à être proposé aux autres États de la région.

Plus concrètement, la mission EUCAP SAHEL Niger, dotée d’un budget de 8,7 millions d’euros pour la première année, vise à la formation et au conseil des forces de sécurité intérieure du Niger, en lien avec les forces armées du pays, dans le but d’aider les autorités nigériennes dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, qui constituent une grave menace pour toute la zone sahélo-saharienne.

L’objectif est que le Niger puisse mieux contrôler son territoire, ce qui permettra la réalisation de projets de développement. EUCAP SAHEL Niger devrait ainsi permettre à la fois de combler les « chaînons manquants » de l’approche stratégique de l’Union européenne à l’égard de la région et compléter utilement d’autres actions financées par les fonds de l’Union européenne pour le développement et l’aide humanitaire.

Cette mission disposera d’une expertise militaire, ce qui pourrait inciter à la comparer à une opération « civilo-militaire ». Elle a néanmoins bien le statut d’opération civile. L’expertise militaire permettra d’assurer la liaison avec les forces armées nigériennes. L’élément concerné, qui devrait faire partie des effectifs de la mission, sera intégré au niveau militaire central, principalement en vue de mener des activités de coordination plus étendues.

k) EUAVSEC Sud-Soudan

Le Sud-Soudan a vu sa reconnaissance entérinée par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU le 8 juillet 2011, qui créait en même temps la Mission d’assistance des Nations-Unies en République du Sud-Soudan (MANURSS) dotée au maximum de 7 000 militaires et 900 policiers, ayant pour mandat de « consolider la paix et la sécurité ».

Côté européen, les 27 ont adopté dès le 20 juin 2011 une approche générale sur l’indépendance du nouvel État, envisageant le déploiement d’une mission PSDC pour renforcer la sécurité autour de l’aéroport, et dans un second temps une mission étendue à la gestion des frontières du Sud Soudan.

Le concept de « gestion de crise » de la mission a été approuvé en janvier 2012 et, après quelques contretemps, la décision de lancement de la mission a pu être prise fin juin 2012, pour un démarrage progressif durant le second semestre 2012 et une capacité opérationnelle fin 2012.

A cette date, cette mission civile devrait compter une quarantaine d’experts européens et une vingtaine d’experts locaux. Une partie des personnels sont en effet détachés par les États membres, l’autre partie étant recrutée par contrat direct conclu par l’Union européenne.

Le quartier général de la mission est situé à Juba. Il s’agit d’éviter que cet aéroport – qui ambitionne d’être un aéroport de niveau international – ne devienne une porte d’entrée pour d’éventuels terroristes ou trafics. Pour cela, il convient de former les personnels et de les guider dans leur tâche, étant précisé que la mission n’aura pas de mandat exécutif (ce seront toujours les Sud-Soudanais qui seront en charge de la sécurité, les Européens n’intervenant à leurs côtés qu’en soutien). Enfin, des experts européens seront placés auprès de l’autorité aéroportuaire et du ministère sud-soudanais des transports, afin d’aider à mettre en place et codifier les différentes règles de sûreté (mission de conseil et d’assistance).

La mission, dotée d’un budget de 12,5 millions d’euros, est prévue pour une période initiale de 19 mois, incluant la phase préparatoire et de développement de sept mois au maximum.

l) EUCAP NESTOR, dans la Corne de l’Afrique

Cette opération en cours de déploiement est une mission civile menée dans le cadre de la PSDC et dotée d’une expertise militaire. Elle a fait l’objet d’une décision du Conseil de l’Union européenne le 16 juin 2012 et son lancement a été approuvé mi-juillet 2012. Selon les considérants de la décision du Conseil « la mission sera menée dans le contexte d’une situation susceptible de se détériorer et d’empêcher la réalisation des objectifs de l’action extérieure de l’Union ». Un projet de décision du Conseil du 12 juillet 2012 a estimé qu’il conviendrait d’ouvrir des négociations entre l’Union européenne et les pays de la région de la Corne de l’Afrique, le cas échéant, sur le statut d’EUCAP NESTOR.

EUCAP NESTOR est tout à fait complémentaire des opérations de force navale EUNAVFOR ATALANTA et de formation militaire EUTM SOMALIA (cf. ci-dessus opérations militaires en cours).

Son objectif est de renforcer les capacités maritimes des États de la Corne de l’Afrique et de l’Océan indien occidental, essentiellement Djibouti, le Kenya, les Seychelles, la Somalie et la Tanzanie. Il s’inscrit dans le cadre de l’approche globale de l’Union européenne en matière de lutte contre l’instabilité dans la région et en particulier contre la piraterie, en tant que forme particulière de criminalité organisée.

EUCAP NESTOR dispose d’une chaîne de commandement unifiée pour les opérations de crise, avec un état-major de mission à Djibouti.

Afin de s’acquitter de cette mission, l’Union européenne a formé des partenariats stratégiques avec l’organisation maritime internationale (OMI), l’Office des Nations-unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et la Programme des Nations-unies pour le développement (PNUD). La complémentarité avec d’autres projets financés par l’Union européenne concernant la sécurité maritime sera également cruciale.

Le Directeur de la Capacité civile de planification et de conduite (la CPCC) est le Commandant d’opération civile de l’EUCAP NESTOR. Le Chef de la mission, qui assume la responsabilité d’EUCAP NESTOR et en exerce le commandement et le contrôle sur le théâtre des opérations, relève directement du Commandant d’opération civile.

Fin juillet 2012, l’Amiral français Jacques Launey, nommé Chef de la nouvelle mission EUCAP NESTOR, a annoncé que le déploiement des 175 experts internationaux de la mission se ferait de façon progressive. L’objectif de la mission est d’atteindre une pleine capacité opérationnelle début 2013. L’Amiral LAUNAY a précisé que rien ne sera fait sans les Somaliens eux-mêmes.

Fin octobre 2012, la Somalie a été officiellement incorporée dans le programme EUCAP NESTOR.

5. Observations sur les opérations PSDC

Selon les indications recueillies par vos rapporteurs, les missions PSDC, pour beaucoup d’entre elles, manquent à la fois de ressources humaines et techniques. C’est le cas en particulier de la dizaine d’opérations civiles toujours activées en 2012 lesquelles, sauf dans deux cas, ont une composante militaire qui peut relever de l’Union européenne comme en Bosnie, ou non, comme en Afghanistan ou au Kosovo où elle relève de l’OTAN, ou encore au Congo ou au Sud-Soudan, où elle relève des Nations-Unies. Le maintien de cette synergie « civilo-militaire » est très important (ne serait-ce que parce qu’il faut bien sécuriser la mission civile) même si c’est bien la Capacité civile de planification et de conduite (CPCC) qui dirige ces missions civiles PSDC.

Cette dizaine de missions civiles activées (de tailles variables et parfois très réduites) représente un total d’environ 3 500 personnels, dont 50 % sont certes financés sur le budget communautaire (un quart de contractuels internationaux, un quart de contractuels locaux) mais 50 % sont en fait mis à disposition par les États membres. Cela entraîne un coût financier et n’est pas sans poser problème, les personnels ainsi mis à disposition n’étant pas remplacés. Ce problème est en grande partie à l’origine du retrait par la France des personnels de gendarmerie qu’elle avait l’habitude d’envoyer dans ce type de missions, où leur polyvalence et la plus-value qu’ils pouvaient apporter étaient particulièrement appréciées. Ces missions s’inscrivent en effet quasi-systématiquement dans le cadre d’une « approche globale » à laquelle leur profil et leur formation s’avéraient tout à fait adaptés.

La diminution significative de la contribution de la France à des missions PSDC activées depuis un certain temps semble regrettable à vos rapporteurs, car elle est de nature à entamer la crédibilité de notre pays vis-à-vis de ses partenaires européens. L’exemple d’EULEX KOSOVO l’a parfaitement illustré : le retrait de la gendarmerie française en mars 2011 a généré presqu’immédiatement un retrait de forces comparables envoyées par nos voisins européens. Le raisonnement sous-jacent était le suivant : puisque la France, qui reconnaît le Kosovo, a retiré des éléments, pourquoi pas nous ? La Roumanie, l’Italie se sont empressées de suivre notre exemple… Cette diminution de l’influence française au Kosovo s’accroîtra encore lorsque la France perdra le commandement d’EULEX, cette relève devant en principe intervenir à brève échéance.

Si l’implication de la France semble réelle sur des missions récentes (8 Français sur 22 personnels envoyés pour le début de l’opération EUCAP SAHEL Niger) elle devient insignifiante sur certaines missions plus anciennes, comme la Géorgie, avec 2 Français seulement sur un effectif de 320 personnels, ou au Congo où ils ne sont que 10.

Vos rapporteurs estiment que, à l’heure où elle prône la relance de l’Europe de la défense, la France ne peut plus se permettre ce saupoudrage, si elle veut rester crédible.

Il faut espérer que l’année 2013, au cours de laquelle doit en principe intervenir la révision de la structure du Service européen d’action extérieure, avec un bilan des points faibles ou forts de son fonctionnement, fournira une occasion d’optimiser les instruments de gestion des crises. Il est préoccupant de constater que des postes pourtant budgétés pour les opérations PSDC ne sont même plus pourvus. La CPCC elle-même, rattachée au SEAE et dont le rôle est fondamental, puisqu’elle planifie et conduit toutes les missions civiles, semble sous-dimensionnée avec son effectif d’à peine 70 personnes.

6. L’opération au Sahel en préparation pour 2013

Selon les indications recueillies par vos rapporteurs, il s’agira d’une opération militaire de type EUTM Somalie. Et elle pourrait tout à fait offrir une occasion nouvelle de relance de « l’Europe de la Défense » dont la France pourrait être l’élément moteur.

En effet, c’est Paris qui a activé fin 2012 cette idée de nouvelle opération de l’Union européenne et le Ministre de la Défense, M. Jean-Yves Le Drian, a fait le tour des capitales européennes pour convaincre les autres États, espérant rallier sept à huit d’entre eux pour le Conseil des Affaires étrangères et de la Défense européennes de novembre 2012. (Mi-octobre, deux d’entre eux, la Grande-Bretagne et l’Espagne, avaient déjà donné leur accord de principe). Le 15 novembre 2012, après d’être réunis à Paris, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense du groupe Weimar + (France, Allemagne, Pologne, Espagne et Italie) ont publié une Déclaration confirmant leur « volonté de promouvoir une politique européenne ambitieuse dans le domaine de la sécurité et de la défense ». Dans le cadre de cette Déclaration, ils ont notamment encouragé leurs partenaires européens « à contribuer à une éventuelle mission de formation en soutien aux forces armées maliennes ».

Certes l’idée de propulser l’Union européenne au Sahel n’est pas complètement nouvelle : la mission civile EUCAP SAHEL Niger a été lancée en août 2012 et le Conseil européen avait même adopté, dès mai 2011, une stratégie pour le Sahel. Toutefois, cette idée s’est heurtée au début à plusieurs obstacles. Des crises ont surgi, notamment la crise libyenne, qui a été une réelle occasion manquée d’action collective pour l’Union européenne, éclipsée par Paris et Londres. Certains États européens, considérant leur engagement sur d’autres opérations, telle ATALANTA pour l’Italie, ont estimé qu’il leur serait difficile d’en assumer une de plus. D’autres ont critiqué la logique du « huis-clos » franco-britannique résultant de l’accord de Lancaster House, estimant qu’elle rendait moins crédible une action collective. Enfin, la date d’adoption de la Résolution de l’ONU ne laissait plus le temps à la France de convaincre d’autres États européens.

Cependant, la stratégie française consiste désormais plutôt, sans renier les logiques bilatérales comme celle de Lancaster House, à rallier les États qui avaient critiqué ce « huis-clos » franco-britannique. Le Sahel en fournit une occasion idéale, les responsables européens, réunis en sommet à Bruxelles le 19 octobre 2012, s’étant accordés pour reconnaître que la crise au Mali faisait peser une « menace immédiate » sur le Vieux Continent. La France s’est en effet employée à expliquer que des attentats terroristes avaient été déjoués sur son sol et que le risque terroriste existait également pour ses voisins : il s’agit bien, en conséquence, d’un enjeu pour la sécurité des Européens.

Sur le modèle d’ATALANTA, déclenchée en 2008 pour lutter contre la piraterie dans l’Océan indien, ou sur le modèle d’EUTM Somalie lancée en 2010 pour stabiliser le pays (cf. ci-dessus les opérations militaires en cours), il s’agirait cette fois de former et d’aider les forces africaines à reconquérir le nord du Mali. Cette opération européenne pourrait être menée en agrégation avec d’autres États africains directement menacés et avec des organisations régionales.

Bien sûr, entre l’Allemagne pacifiste, la Grande-Bretagne pragmatique qui ne souhaite pas de « passagers clandestins » dans les opérations, et les États de l’ancienne Europe de l’Est qui parfois semblent davantage faire confiance à l’OTAN qu’à l’Union européenne pour assurer leur sécurité, la synthèse peut paraître difficile.

Toutefois, si l’espoir de la France est bien, à l’occasion de cette nouvelle opération au Sahel, de relancer l’Europe de la défense, et si elle obtient une réelle implication d’autres États européens, pourquoi ne pas essayer d’utiliser - enfin – cet outil proposé dans le Traité de Lisbonne que constitue la Coopération structurée permanente ? (cf. analyse ci-dessus de la CSP).

On rappellera à cette occasion qu’à la différence du mécanisme de « coopération renforcée » qui peut être utilisé dans d’autres secteurs, le mécanisme de la CSP prévu dans le secteur de la défense n’est soumis à aucune condition de nombre minimum d’États participants…

Néanmoins, il ressort des auditions déjà menées par vos rapporteurs qu’un lancement de la CSP dans le cadre d’une coopération capacitaire, industrielle ou technologique, serait probablement plus opportun que son lancement à l’occasion de cette opération militaire au Sahel.

Dans cette dernière hypothèse en effet, démarrer la CSP reviendrait à soulever immédiatement le problème du QG européen, auquel les Britanniques restent très hostiles. Si la création de ce QG européen aurait pu être une forme de démarrage de CSP, l’exclusion d’emblée des Britanniques du « noyau CSP » peut susciter certaines hésitations. Rappelons que la Grande-Bretagne et la France représentent à elles seules plus de 60 % des dépenses militaires de l’Union européenne. En outre, le lancement de cette opération militaire pourra très bien se faire sans la CSP, même si cela aurait pu représenter un beau symbole pour « l’Europe de la défense ».

D’ailleurs, l’absence de QG européen dans cette opération, même si on peut la regretter, ne sera pas non plus un obstacle majeur. Cela n’aurait été le cas que s’il s’était agi d’une opération de grande envergure. S’agissant d’une mission militaire, ce sera sans doute l’EMUE qui fera plus ou moins fonction de QG européen, même si ce n’est pas son rôle.

Le Centre d’opérations activé en 2012 pourrait également être utilisé ; encore faudrait-il élargir son mandat, jusqu’à présent limité à la coordination des trois missions dans la Corne de l’Afrique, et il est peu probable que la Grande-Bretagne donnerait son accord à un tel élargissement. La mission au Sahel Mali fonctionnera donc vraisemblablement, du point de vue de la direction des opérations, sur le mode traditionnel, en liaison avec un Chef de mission sur le terrain.

Si certaines modalités concrètes de réalisation de cette mission restent à préciser, certaines de ses grandes lignes ont été déjà adoptées. Le 11 novembre 2012, les dirigeants des 15 pays membres de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) rejoints par trois pays voisins concernés (Mauritanie, Tchad, Algérie) se sont mis d’accord sur un plan minimal d’opération militaire africaine, avec soutien occidental. Il s’agira de déployer 3 300 hommes, pendant un an, en territoire malien. Cette mission de la CEDEAO au Mali (MICEMA) sera appuyée par la mission européenne, qui devrait compter quelques centaines d’hommes chargés de son entraînement. Le rôle éventuel des États-Unis sera défini plus tard.

Il convient de noter toutefois que depuis cet accord l’Algérie et la Mauritanie, qui ne sont pas membres de la CEDEAO, ont émis de fortes réserves sur le principe même de l’opération

Un projet plus précis était attendu par le Conseil de sécurité des Nations-Unies à la fin 2012, pour une intervention qui pourrait commencer début 2013. Il n’est en tout cas pas question d’une intervention européenne en tant que telle, aucun État européen n’étant prêt à envoyer des troupes au sol. Et si la volonté politique de relance de l’Europe de la défense est, à l’occasion de cette mission au Sahel Mali, particulièrement affirmée, il semble clair, à l’heure où sont rédigées ces lignes, que cette opération militaire européenne sera officiellement menée en arrière-plan et en soutien de l’opération africaine « Tombouctou », comme l’a surnommée le magazine « Jeune Afrique ».

Le Conseil de l’Union européenne a adopté formellement le 10 décembre 2012 le concept de gestion de crise visant l’appui à la formation et la réorganisation de bataillons maliens par quelque 250 instructeurs et conseillers militaires (dont la sécurité sera assurée par 150 militaires, soit un déploiement de 400 hommes environ). Le même jour, la Commission européenne a annoncé la mobilisation prochaine de 20 millions d’euros supplémentaires d’aide humanitaire pour secourir à la fois les populations maliennes dans le pays et les réfugiés dans les pays voisins, ce qui portera à 101 millions d’euros l’effort humanitaire déployé cette année par l’Union européenne en réponse à la crise malienne. Il faudra pour ce faire que le Conseil et le Parlement donnent leur aval à la mobilisation de ces fonds supplémentaires.

EUTM Mali a pour objectif de contribuer à améliorer les capacités militaires et l’efficacité des forces armées maliennes afin de permettre, sous l’autorité civile, le rétablissement de l’intégrité territoriale du pays, et s’inscrit dans le cadre de la stratégie globale de l’Union européenne pour le Mali et la région du Sahel tout entière.

CONCLUSION

Vos rapporteurs sont convaincus, à l’issue de ce bilan d’étape, qu’une véritable « Europe de la défense » pourrait se mettre en marche. Le Traité de Lisbonne lui en a fourni les moyens institutionnels, encore faudrait-il savoir les utiliser. L’état des lieux démontre par ailleurs que, contrairement à certaines assertions ou considérations trop pessimistes, les prémices de cette Europe de la défense existent déjà. Sont là pour en témoigner les opérations civiles ou militaires déjà menées ou en cours dans le cadre de la PSDC – dont l’enjeu et la portée ne doivent pas être sous-estimés – ainsi que les essais de coopération capacitaire, industrielle et technologique, sur lesquels le rapport définitif reviendra probablement.

La question essentielle est celle de la volonté politique et des moyens qu’elle veut bien s’accorder. Vos rapporteurs ont été ainsi très surpris d’apprendre que quasiment toutes les missions PSDC tournent en sous-effectifs, en-dessous des engagements pris par les États participants, alors même que, pour nombre d’entre elles, elles sont de taille somme toute très réduite. Si les États ne s’astreignent pas à tenir leurs modestes engagements, comment une Europe de la défense plus ambitieuse pourra-t-elle voir le jour ?

Puisque la volonté politique, en tout cas française, de relance de l’Europe de la défense est aujourd’hui clairement affirmée, la France se doit d’apporter à la politique européenne de défense les moyens de son ambition. Dans un environnement budgétaire contraint, ce n’est certes pas le moindre des défis. Il en va néanmoins de notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens.

Pour autant, il ne semble pas nécessaire d’aller jusqu’à vouloir faire de l’Europe de la défense le « pilier européen » de l’OTAN. A l’issue de leurs premiers entretiens, vos rapporteurs en ont été convaincus. Une telle volonté pourrait donner à ceux de nos Alliés qui doutent encore de notre capacité à réaliser une Europe de la défense le signal que, si l’on cherche à la réaliser sous cette forme de « pilier européen », c’est précisément parce que l’on ne peut la réaliser ailleurs qu’à l’OTAN. Par ailleurs, cela risquerait de créer deux catégories d’Alliés : ceux du « pilier européen » et les autres. Où ranger les Turcs ? Où ranger les Danois qui sont restés en dehors de la PSDC ? Une telle configuration pourrait s’avérer quelque peu déstructurante pour l’OTAN.

Le rapport Védrine « sur les conséquences du retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, sur l’avenir de la relation transatlantique et sur les perspectives de l’Europe de la défense » remis au Président de la République le 14 novembre 2012 conforte d’ailleurs vos rapporteurs dans cette idée, prônant dans ses recommandations que la politique de défense de la France soit « menée en fonction des caractéristiques et des potentialités de chaque enceinte : Union européenne, OTAN, coopérations ad hoc ». Tout en constatant, s’agissant de l’Europe de la défense, qu’« au total, mises à part quelques actions de coopérations, le bilan est maigre » le rapport Védrine en arrive néanmoins à la conclusion que « la France doit continuer à plaider, malgré tout, en faveur d’une Europe de la défense dans le cadre de l’Union ».

L’Europe de la défense peut se réaliser dans un autre cadre que celui de l’OTAN. Cependant, il serait illusoire de penser qu’elle va tout naturellement se développer sur la base d’une coopération bilatérale. Les accords de Lancaster House conclus fin 2010 entre la France et la Grande-Bretagne le prouvent, en tout cas jusqu’à présent, même s’il n’est pas question bien sûr de les remettre en cause. Les États européens peuvent en effet tout à fait utilement développer ces coopérations bilatérales – elles sont d’ailleurs prévues tant par le Traité de Lisbonne que par le Protocole sur la CSP – simplement ce n’est pas un outil suffisant, ce n’est pas l’instrument sur lequel peut de façon évidente se construire la défense européenne.

La Déclaration du 15 novembre 20124 des États « Weimar + » - France, Allemagne, Pologne, Espagne, Italie – est une ouverture très encourageante : la France est suivie dans sa volonté de relance de l’Europe de la défense. « Notre initiative a une double volonté, d’abord s’inscrire dans un calendrier (…) et créer un mouvement, créer un entrain qui est ouvert à tous » a déclaré à cette occasion à la presse M. Jean-Yves Le Drian. Interrogé sur l’absence de la Grande-Bretagne, M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, a précisé pour sa part : « Le texte que nous avons mis au point est ouvert à l’ensemble de nos autres collègues, et singulièrement à la Grande-Bretagne, dont chacun sait à quel point elle est importante en matière de défense ».

Hors cadre OTAN, hors coopération bilatérale, l’Europe de la défense doit prendre son essor : désormais, plus aucun État européen, y compris notre pays, ne peut prétendre avoir individuellement un dispositif de défense complet. Même la France a des ruptures capacitaires aujourd’hui avérées : on citera pour exemples le ravitaillement en vol, le renseignement aérien (les drones) ou encore les satellites radars et le renseignement spatial. Ces déficits capacitaires peuvent concerner également certains composants majeurs de nos appareils militaires, comme le Rafale. Dans le domaine de la recherche et de la très haute technologie également, notre pays est devenu dépendant.

Les réorientations du Livre blanc sur la défense devront impérativement prendre en compte notre situation de dépendance, dans une conjoncture de disette budgétaire généralisée. A cette condition seulement, la France pourra jouer un rôle de moteur dans ce processus de relance de l’Europe de la défense que les plus hautes autorités politiques appellent instamment de leurs vœux.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 12 décembre 2012, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

M. Jacques Myard. J’ai bien peur de devoir refroidir un peu l’enthousiasme des rapporteurs. En premier lieu, nous disposons certes d’une nouvelle boîte à outil avec le traité de Lisbonne, mais elle est loin d’être facile à ouvrir. Je rappelle en effet que l’article 238 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dispose que la coopération structurelle renforcée ne pourra être lancée que si une majorité qualifiée d’États y consent, ce qui est loin d’être acquis. En deuxième lieu, l’article 42 du traité sur l’Union européenne subordonne clairement toute décision européenne à l’OTAN qui demeure le « fondement » de la politique de défense de ses participants et l’« instrument de sa mise en œuvre ». En dernier lieu, même les coopérations dans le domaine industriel restent obérées par les efforts financiers très insuffisants consentis par l’immense majorité de nos partenaires, qui ont dans les faits remis leur défense dans les mains des États-Unis.

La Présidente Danièle Auroi. Il importe aussi de trancher une question importante, d’ailleurs rappelée par M. Jacques Delors au cours de son audition ce matin : de quelle défense voulons-nous ? Je pense en particulier aux nécessaires efforts dans la prévention des conflits, dans laquelle l’Union me semble devoir avoir un rôle décisif à jouer.

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Il est vrai que les obstacles sont nombreux, et imposants, mais je veux noter une vraie prise de conscience, dans toute l’Europe, à la fois des dangers qui nous menacent - je pense notamment à l’exemple du Mali, sur lequel une réelle communauté de pensée et d’intérêt se noue dans l’Union - et de l’ampleur de nos responsabilités communes, au moment où chacun s’interroge sur la pérennité de l’engagement américain. Le fait que le Conseil européen de décembre 2013 devrait être consacré à l’Europe de la défense témoigne de cette prise de conscience.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. L’optimisme peut aussi trouver des fondements solides dans l’examen détaillé auquel nous nous sommes livrés dans le rapport d’étape. Nos forces armées travaillent parfois ensemble et il existe des missions concrètes dans lesquelles la solidarité européenne montre son efficacité : je peux notamment citer la mise en commun des transports aériens, très avancée, grâce à laquelle désormais nos forces peuvent s’entraîner avec des avions mis à disposition très rapidement par nos partenaires, à partir du centre d’Eindhoven. L’intervention en Libye est un autre exemple : certains de nos alliés européens y ont contribué de façon discrète. L’Europe de la défense peut très bien avancer sans conflit avec l’OTAN. En outre, les innovations du traité de Lisbonne sont sur la table, à nous de nous en saisir.

M. William Dumas. Je veux d’ailleurs signaler que l’OTAN a précisément intérêt au développement d’une défense européenne pour relayer l’intervention des États-Unis face aux périls communs.

M. Jacques Myard. Cela m’amène toutefois à préciser une confusion sémantique. Il me paraît erroné de parler de « défense commune », qui représente à mes yeux une chimère, et il serait plus judicieux de se limiter aux termes « d’Europe de la défense », qui couvre mieux la nécessaire modestie de nos ambitions, mais aussi l’évidente et naturelle solidarité qui nous lie désormais, car nous savons bien que toute agression à l’égard de l’un de nos partenaires est aujourd’hui une agression contre l’Union toute entière. Je veux par ailleurs rappeler que l’Union n’est pas le seul champ de la coopération industrielle, ni même le plus pertinent. Par exemple, près de la moitié des avions civils dans le monde sont équipés d’un moteur produit par un partenariat associant la SNECMA à General Electric, son homologue américain… L’échelle pertinente de l’industrie de la défense est souvent bien plus la planète que notre seul continent.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. S’agissant de la coopération structurée permanente, s’il est vrai qu’elle ne peut être lancée que si une majorité qualifiée des États l’approuvent, cela ne signifie pas pour autant qu’une telle majorité doive y participer. L’obstacle est donc beaucoup moins dirimant qu’on l’imagine. En ce qui concerne le domaine industriel, c’est là que la « mécanique » de coopération est sans doute la plus adaptée. Ensuite, je veux à mon tour insister sur l’ampleur des solidarités qui nous lient, et nous imposent une vraie politique commune de défense. Imaginons par exemple que la Turquie soit membre de l’Union, nous mettant aux portes d’un des conflits les plus dangereux du monde. Ne serions-nous pas nécessairement portés à nous entendre, et à assumer nos responsabilités ? On ne peut s’en remettre uniquement à l’OTAN.

La Présidente Danièle Auroi. Je remercie vivement les rapporteurs pour ce travail très important, dont la présente réunion ne constitue qu’une étape. La dimension « prévention des conflits » mérite une attention particulière. Nous reparlerons donc prochainement de ce sujet.

ANNEXES

ANNEXE 1

liste des personnes auditionnées

Personnes entendues par les rapporteurs à la date du 12 décembre 2012 (d’autres auditions restant à venir avant le rapport définitif).

Par ordre alphabétique :

Mme Claude-France Arnould, Directrice de l’Agence européenne de Défense

M. Laurent Collet-Billon, Délégué général pour l’armement

M. Arnaud Danjean, Président de la Sous-commission Sécurité et Défense du Parlement européen (SEDE)

M. Dominique David, Directeur exécutif de l’IFRI (Institut français des relations internationales)

M. François Desprairies, président de la Commission des Affaires européennes du Conseil des industries de défense française (CIDEF), directeur des Affaires institutionnelles d’Airbus

M. Philippe Errera, Ambassadeur Représentant permanent de la France à l’OTAN

M. Jean-Louis Falconi, Ambassadeur, Représentant de la France au Comité politique et de sécurité (COPS)

M. Vincent Gorry, Directeur des Affaires européennes et internationales au GIFAS (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales)

L’Amiral Edouard Guillaud, Chef d’État-major des armées

Général Gilles Janvier, Adjoint de M. Hansjörg Haber, Directeur du Commandement civil de gestion des crises (CPCC) rattaché au SEAE (Service européen d’action extérieure)

M. Benoît Laurensou, Chef de Cabinet du Délégué général pour l’armement

M. Jean-Yves Le Drian, Ministre de la Défense, dans le cadre d’une audition en commission sur la politique européenne de défense

Mme Julia Maris, Conseiller pour les affaires européennes de M. le Ministre de la Défense

M. Jean-Pierre Maulny, Directeur-adjoint de l’IRIS (Institut des relations internationales et stratégiques), spécialiste des questions de défense

M. le Dr Antonio Missiroli, Directeur de l’Institut d’Etudes de Sécurité de l’Union européenne (IESUE)

Général Gilles Rouby, Chef de la RP (Représentation permanente) militaire française auprès de l’Union européenne et auprès de l’OTAN

M. Hans Stark, Secrétaire général du CERFA (Comité d’études et de recherches franco-allemandes) de l’IFRI.

M. Eric Trappier, président du Comité Défense du CIDEF, Directeur général chez Dassault Aviation 

M. Pierre Vimont, Secrétaire Général Exécutif du SEAE (Service européen d’action extérieure) dans le cadre d’une audition en commission sur la politique européenne de défense

Déplacements effectués à la date du 12 novembre 2012 (d’autres sont programmés) :

Vos rapporteurs se sont déplacés :

• à Bruxelles où ont eu lieu des auditions et où ils ont assisté à l’examen par la SEDE (Sous-commission Sécurité et Défense du Parlement européen) du Rapport annuel sur la PSDC ;

• à Berlin, où ils ont participé à un Forum organisé par la Fondation Konrad Adenauer et l’IFRI sur le thème : « L’Europe peut-elle encore se défendre ? Possibilités d’action pour la France, l’Allemagne et l’Union européenne ».

ANNEXE 2

« La coopération structurée permanente, un cadre juridique riche en potentialités pour une Europe des défenses » (article de décembre 2012 de SYNOPSIS, Centre de recherche des Ecoles de Coëtquidan)

Décembre 2012

SYNOPSIS

La coopération structurée permanente, un cadre juridique riche en potentialités pour une Europe des défenses.

Limitée par la déconnection entre l'affirmation d'une culture et la mise en place d'une défense commune, la coopération structurée permanente souffre aujourd'hui d'une nette désaffection. Or, celle-ci se présente comme un cadre juridique riche en potentialités sur lequel pourrait se construire une Europe des défenses efficace et dont le soutien logistique constituerait la matrice. Un modèle d'armée européenne a aujourd'hui discrètement émergé. Sa fédération par le bas, rendue possible par le traité de Lisbonne, constitue une opportunité de premier ordre pour les industries de défense.

SYNOPSIS, Centre de Recherche des Ecole de Coëtquidan

Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr 56380 GUER

SYNOPSIS, une équipe d’experts civils

et militaires au service de la défense

Stéphane Baudens, évolutions juridiques

Olivier Chantriaux, prospective financière

Jérôme Pâris, mutations des forces armées

Stéphane Taillat, analyse géopolitique

Anne-Sophie Traversac, droit de l’Union

Thomas Flichy,coordination

La coopération structurée permanente, un cadre juridique riche en potentialités pour une Europe des défenses

Le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN a été récemment évalué par le rapport Védrine remis au Président de la République le 14 novembre 2012. Ce compte rendu s'inscrit dans le cadre d'une politique visant à concilier la préservation du lien transatlantique avec le développement d'une défense européenne autonome. La ratification du traité de Lisbonne et la refonte des traités européens devaient favoriser la relance, sous de nouvelles formes, de la coopération militaire européenne. Le mécanisme de coopération structurée permanente avait été conçu notamment à cette fin. Dès septembre 2010, la Présidence belge de l'Union européenne avait provoqué un débat pour étudier les voies et moyens d'une coopération structurée permanente en matière de défense. Prévue par le traité de Lisbonne et décrite dans un protocole, cette disposition juridique était censée aider les États de l'Union européenne à intensifier leur coopération. Aujourd'hui, la coopération structurée permanente semble souffrir d'une certaine désaffection, Or, celle-ci se présente comme un cadre juridique riche en potentialités, sur lequel pourrait se construire à moyen terme un dispositif européen de défense de premier ordre. Aboutissement d'une longue évolution institutionnelle, la coopération structurée permanente constitue la porte ouverte à un dispositif de défense pragmatique. Malgré ses imperfections, ce cadre juridique permet la mise en place d'une Europe de la défense fédérée par la logistique.

ABOUTISSEMENT D'UNE LONGUE HISTOIRE INSTITUTIONNELLE, LA COOPERATION STRUCTUREE PERMANENTE SE PRESENTE COMME LÀ PORTE OUVERTE À UN DISPOSITIF DE DEFENSE PRAGMATIQUE

Malgré sa progression parfois erratique, le développement d'une coopération souple et volontaire s'avère indispensable au rayonnement de l'Europe.

Héritiers d'une tradition très ancienne de coopération militaire, les États d'Europe gardent aujourd'hui en mémoire le souvenir tragique des aventures guerrières communes marquées du sceau de la contrainte. La fourniture forcée de troupes au profit d'un quelconque dessein impérial, s'est le plus souvent révélée dévastatrice. A l'inverse les entreprises heureuses visant à assurer la paix et la sécurité de l'Europe ont été généralement placées sous le signe d'une libre participation des Nations à la sauvegarde de leurs propres intérêts. Dans ce contexte, la France a longtemps joué un rôle tout à la fois modérateur et fédérateur. Le mécanisme de coopération permanente s'inscrit à cet égard dans la continuité d'une histoire marquée par la coopération volontaire et souple entre les armées européennes. Pour ne citer qu'un exemple, les marines européennes coopèrent depuis la Renaissance en Méditerranée afin de lutter contre la piraterie. L'Europe de la Défense, gui s'inscrit dans la continuité d'une coopération ancienne, ne progresse concrètement que sous l'impulsion de contraintes extérieures, qu'il s'agisse de la fin de la Guerre Froide ou bien de la guerre de Yougoslavie. En l'absence de crise, le sentiment de sécurité ressenti par les européens incite les États à réduire leurs budgets de défense. La construction d'une Europe de la défense s'est donc faite par à-coups. Avec le «tournant » du sommet franco-britannique de Saint-Malo en décembre 1998, les progrès de l'Europe de la défense ont été significatifs, qu'il s'agisse de la création de forces européennes (Headline goal 2003 et 2010), de la relève de l'Otan au Kosovo, de la création de groupements tactiques de combat ou battlegroups, ou bien du lancement de l'Agence européenne de défense, en juillet 2004. Toutefois, depuis décembre 2009, la non-ratification du projet de Traité constitutionnel européen par la France en 2005, les Pays-Bas en 2005 et enfin l'Irlande en 2008, a ouvert une période d'incertitude, privant temporairement la Politique Européenne de Sécurité et de défense (PESD), en charge de missions de gestion de crise, de ressources institutionnelles. La ratification du Traité de Lisbonne par la France et la signature du traité bilatéral de défense en novembre 2010 à Lancaster House par David Cameron et Nicolas Sarkozy ont relancé ce processus de coopération militaire, en dépit de la rigueur budgétaire ambiante. Cette relance s'est concrétisée par quelques résultats : la lutte contre la piraterie dans le Golfe d'Aden et au large des côtes somaliennes (Atalante), la création du commandement européen du transport aérien militaire (EATC) en 2010 et te projet commun de ravitailleurs en vol conduit par quatre États : l'Allemagne, la France, les Pays-Bas, et la Belgique. La construction d'une Europe de la défense avance donc lentement. Mais il ne faut pas oublier que le temps des décideurs politiques et des opinions publiques est plus court que celui de la construction d'une défense commune.

Cette construction s'avère pourtant nécessaire dans la mesure où aucune puissance européenne ne peut plus assurer seule sa sécurité extérieure et faire face isolément à ses besoins stratégiques, comme l'atteste le fait que le Royaume-Uni et la France n'envisagent plus d'opérations militaires de moyenne et de haute intensité sans la participation ou le soutien des États-Unis. Ce fut notamment le cas de l'opération Harmattan en Libye. La coopération transatlantique et le lien avec les États-Unis demeurent une donnée essentielle, dans le domaine politico-stratégique comme dans le domaine industriel pour la très grande majorité des États européens, en particulier pour les nouveaux entrants comme le montre la comparaison des deux élargissements de l'OTAN et de l'Union européenne. L'européanisation de la défense est facilitée également par la création de groupes multinationaux, véritables poids lourds des équipements militaires, comme, par exemple, le groupe d'aéronautique EADS dans lequel se sont fondus les Français Aérospatial-Matra, l'Allemand DASA et l'Espagnol CASA. Elle est aussi une réponse au rétrécissement des budgets militaires nationaux en Europe, qui rend difficile le financement simultané de plusieurs bureaux d'études. Aujourd'hui, l'industrie européenne de défense, marché d'avenir, pèse environ 93 milliards d'euros, 30 % de la production mondiale et près de 400 000 emplois. Avec vingt-sept États membres, les alliances pour constituer des majorités ou des minorités de blocage seront moins prévisibles, plus instables au sein de TUE. Néanmoins, pour la France et plusieurs autres États européens, malgré de fortes contraintes budgétaires nationales et une certaine phobie de la force en Europe, la coopération au sein de l'UE apparaît comme la voie privilégiée pour développer une politique de défense. La crise financière peut d'ailleurs se révéler une opportunité afin de mettre au point une politique étrangère commune. Au lieu de vouloir maintenir à tout prix l'illusion de l'influence globale, il serait préférable, pour l'Europe de fixer des objectifs géopolitiques réalistes et limités concernant ses intérêts propres. Mais une politique étrangère conjointe aux États européens ne pourra émerger qu'à partir du moment où les États auront défini des intérêts et des valeurs spécifiquement européennes qui sont les leurs, et qu'ils souhaitent défendre quel qu'en soit le prix, Sous ce rapport, il serait chimérique de vouloir dissocier la défense de la culture : si l'Europe estime qu'elle n'a pas d'héritage culturel à préserver, pourquoi se mettrait elle en peine de se défendre ?

Parmi les plus-values du traité de Lisbonne : une coopération structurée permanente, porte ouverte à une défense plus approfondie de l'Union.

Les modifications et précisions apportées par le traité de Lisbonne concernant la Politique de Sécurité et de Défense Commune sont de trois ordres. Outre la pérennisation de l'agence européenne de défense - chargée d'établir les capacités opérationnelles - le texte semble vouloir faire évoluer le dispositif actuel vers une défense commune, un agencement des missions et des capacités en fonction des intérêts des États membres et un élargissement des objectifs stratégiques. Loin de représenter uniquement des contraintes, ces trois évolutions significatives sont riches d'opportunités. Notamment car elles prennent en compte la réalité d'une politique de sécurité et de défense qui s'exerce dans le cadre d'États dont les intérêts sont largement convergents mais demeurent cependant distincts. C'est le cas pour l'article 43-1 qui élargit sensiblement le champ des missions dites de Petersberg. Celles-ci ne se limitent plus aux missions humanitaires ou d'évacuation de ressortissants, aux missions de maintien de la paix et à la gestion des crises, y compris par la force. On note en effet que le traité inclut désormais les actions conjointes en matière de désarmement, les missions d'assistance et de conseil en matière militaire, les missions de prévention et de stabilisation des conflits, ainsi qu'une clause spécifiant la possibilité d'apporter un soutien à un État tiers pour lutter contre le terrorisme sur son territoire. Certes, ces ajouts sont une validation a posteriori des missions effectivement menées depuis 2003. D'autre part, il faut noter l'absence de consensus sur l'application concrète de ces dispositions : à l'approche minimaliste du Royaume-Uni - qui considère que l'Union Européenne ne devrait prendre en compte que les missions dites de basse intensité - s'oppose notamment l'approche française volontiers plus large. Toutefois, cet élargissement du champ des missions pouvant être couvertes par le cadre institutionnel de la PSDC n'est pas neutre. Il reflète une prise de conscience nécessaire des procédés et approches stratégiques dans les conflits contemporains. Plus important, l'inclusion de la clause transversale contre le terrorisme est congruente avec la préférence croissante des décideurs politiques occidentaux pour des actions indirectes. Sur le deuxième point, l'article 42-7 constitue une modification importante, au moins en théorie.

En introduisant une clause d'assistance mutuelle, il permet en effet d'avancer vers une défense commune. Bien entendu, l'interprétation donnée à cet article importe, et il ne s'agit pas de substituer la PSDC aux systèmes d'alliance classiques, notamment l'OTAN. Toutefois, la clause élargit aussi le champ de l'autonomie stratégique des États membres de l'Union Européenne. Si ceux-ci restent dépendants des capacités de l'OTAN sur un certain nombre de domaines notamment le commandement et le contrôle, mais aussi le transport stratégique et le renseignement, il n'en reste pas moins que s'ouvrent de nouvelles possibilités politiques.

En troisième lieu, l'article 42-6 établit la possibilité de coopérations permanentes structurées ou PESCO. Celui-ci n'indique pas si une telle coopération est unique, ou si il peut en exister plusieurs, ni si ce dispositif est inclusif ou exclusif. Pour autant, cette imprécision ne constitue pas un obstacle si l'on considère l'existence de modèles qui pourraient servir à la mise en place de plusieurs coopérations. Plusieurs évolutions sont possibles, en fonction de l'implication politique des décideurs. Un premier cas de figure verrait l'émergence de coopérations bilatérales ou multilatérales sur la base du partage des capacités. De telles configurations existent déjà : le triangle de Weimar entre la France, la Pologne, et l'Allemagne, l'initiative de Gand (Suède, Allemagne) et bien sur la coopération militaire franco-britannique. Cette dernière pourrait servir d'étalon de mesure à l'établissement de coopérations structurées entre plusieurs États membres. Un second cas pourrait faire de cette coopération franco-britannique un pôle d'attraction pour d'autres États. De fait, la coopération sur des aspects techniques, ainsi que la volonté de dépasser les limites inhérentes aux programmes multilatéraux d'acquisition d'armement, est certainement une opportunité à saisir. Mais comme sur le point précédent, la convergence des intérêts politiques est la base à toute forme de coopération. Selon les dispositions du traité de Lisbonne, les États peuvent s'astreindre à des exigences supérieures en matière de défense dès la signature du traité ou bien rejoindre la coopération structurée permanente à un stade ultérieur. Ils peuvent librement quitter cette posture s'ils le souhaitent. A l'inverse, s'ils ne remplissent plus les critères, le Conseil n'est pas obligé de les en exclure. On voit donc bien que la volonté souveraine des États est soigneusement préservée par les dispositions relatives à la coopération structurée permanente : celle-ci ne peut résulter que d'un libre accord entre volontés souveraines. A ce titre, la Coopération Structurée Permanente, solution fonctionnelle, reflète la fameuse politique des petits pas et permet une Europe de la défense à la carte, en d'autres termes réaliste et en fonction des capacités de chacun.

Le traité de Lisbonne établit ainsi un certain nombre de modifications qui permettent partiellement de surmonter les obstacles techniques. Plus exactement, il offre aux décideurs politiques des États membres une plus grande marge de manœuvre dès lors qu'ii s'agit d'interpréter ou de mettre en œuvre les dispositions de la PSDC. En outre, même s'il semble faire un pas supplémentaire vers la définition d'une politique de défense commune, il reste ouvert à la réalité du système interétatique européen. Dans ce cadre, les occasions stratégiques sont à souligner : la PSDC semble être devenue pour de nombreux États membres - y compris ceux initialement sensibles au risque de la voir se substituer partiellement à l'OTAN - un outil supplémentaire de leur politique étrangère. C'est le cas pour les États orientaux, qui aspirent à jouer un rôle plus important par rapport au centre européen. Mais cela doit être le cas également pour la France. Le retour dans la structure de commandement intégré de l'OTAN participe d'une logique similaire : prenant acte du fait que la France ne peut plus remplir ses objectifs stratégiques seule, il s'agit de lui donner accès à plusieurs configurations lui permettant d'exercer les effets militaires et politiques de la force conjointement à d'autres États. Et ce, en dépit du fait que les intérêts de chacun ne concordent jamais totalement,

MALGRE SES IMPERFECTIONS, LE CADRE JURIDIQUE DE LA COOPERATION STRUCTUREE PERMANENTE PERMET LA MISE EN PLACE D'UNE EUROPE DE LA DEFENSE FÉDÉRÉE PAR LA LOGISTIQUE.

Des imperfections juridiques surmontables grâce à l'émergence d'un modèle contemporain d'armée européenne.

Nombre d'observateurs ont noté le manque de souplesse de la coopération structurée permanente. L'unanimité étant nécessaire, faut-il dès lors décréter une fédéralisation brusque des capacités militaires européennes ? Cela se révélerait aussi illusoire qu'impossible à mettre en œuvre. Il convient plutôt de préserver l'autonomie de décision des États. La solution pragmatique est celle d'une Europe de la défense à la carte, articulée, si possible, autour d'un noyau dur et d'intérêts stratégiques communs qui pourraient être la sécurisation des approvisionnements énergétiques -et donc la lutte contre la piraterie - le contrôle des migrations et l'endiguement du terrorisme international. Tous les États européens, à des degrés divers, ont entrepris -sous l'impulsion de l'OTAN, pour projeter des forces et à cause de restrictions budgétaires - de réformer leurs armées. Les transformations conduites, même si elles n'ont pas été simultanées, tendent à être largement similaires dans leurs effets et leurs objectifs. Ces différentes réformes des armées définissent, en réalité, par leur parenté, un modèle contemporain d'armée européenne. Dans ce cadre, il convient de privilégier la souplesse comme la subsidiarité nationale et zonale.

Pour relancer un effort de coordination européenne en matière de défense, surtout en cette période de restriction budgétaire, ii est urgent de repartir sur des bases réalistes. Il convient en premier lieu d'admettre les disparités demeurant militairement entre les États membres de l’UE ; ces disparités tiennent à la culture et à l'histoire, aux moyens et aux capacités, à l'industrie et à l'économie. L'uniformité ne peut qu'être illusoire et impossible. Sur cette base, nous devons accepter la possibilité d'une Europe de la défense à la carte. En second lieu, il faut privilégier les projets aux superstructures. Tout doit être ordonné à des projets précis. Passer d'un fonctionnement rigide à une structuration matricielle, dont le cœur serait constitué de projets concrets. En troisième lieu, il convient d'admettre que les États puissent garder le dernier mot en la matière et puissent, du fait de leurs prérogatives, refuser de s'associer à des opérations. Il faut donc préférer la coordination à l'uniformisation, la subsidiarité nationale et zonale à l'illusion d'une inaccessible intégration. L'Europe de la défense sera une Europe des défenses. La coordination, la conjonction, la connexion de défenses différentes et nationales, responsables chacune dans son ressort zonal mais unies dans une relation d'ordre partenarial, et partageant un même souci des mutualisations logistiques, industrielles et opérationnelles, tel pourrait être le modèle d'une refondation de la PSDC. Il n'y aura pas d'armée unique européenne, mais bien des armées européennes coordonnées et coopérant. D'un point de vue réaliste, la revalorisation de la PSDC ne peut procéder que d'une montée en puissance technique, industrielle et opérationnelle.

S'appuyer sur la coopération structurée permanente afin de fonder une Europe effective de la Défense, fédérée par la logistique.

Des choix pragmatiques s'imposent pour articuler autonomies nationales de décision et coopérations multi-scalaires dans une Europe des défenses réaliste. Pour restaurer une ambition européenne en matière de défense, il convient de privilégier l'opérationnel et la pratique, l'infrastructure aux superstructures. La conduite d'opérations par des coalitions aux périmètres du reste variés est de nature à forger à l'échelle de l'UE une culture militaire commune, et qui soit proprement européenne. Pour y réussir, il serait souhaitable de constituer, en dépit des réticences constamment exprimées par la Grande-Bretagne, un centre permanent de planification et de conduite des opérations des États de l'UE. Cet OHQ permanent aurait pour mission, en dehors de la conduite d'opérations en cours, de faire des plans et se trouverait conduit, de ce fait, à discerner les ennemis potentiels de l’UE. Les échanges entre écoles de guerre européennes doivent être multipliés. Parallèlement, les unités européennes multinationales, comme les groupements tactiques ou la brigade franco-allemande, doivent être orientées franchement vers l'opérationnel et la projection. L'UE doit, dans la mesure de ses moyens et pour défendre des intérêts clairement définis, multiplier les interventions militaires. Cette identité opérationnelle commune ne doit pas être dissociée de la nécessaire affirmation des capacités industrielles de l'Europe en matière de défense. Tout l'enjeu actuel est de créer, à l'échelle de l’UE et de l'Europe continentale, et jusque sur la rive sud de la Méditerranée, un vaste marché intérieur de la défense, protégé par l'instauration de mesures réglementaires de protection. Ainsi serait créé un véritable marché intérieur de l'armement, qui permettrait aux grandes industries européennes d'assurer la vente de leur production et le succès de leurs programmes. A la différence de l'industrie américaine, qui est assurée du succès de ses ventes au sein du grand marché intérieur des États-Unis, l'UE ne dispose pas d'un tel atout. La constitution d'un grand marché intérieur protégé doit être une priorité. L'AED pourrait se positionner comme responsable de la cohérence des programmes industriels d'armement avec les objectifs clairement définis. La question de la préférence européenne va se révéler indispensable pour protéger le tissu industriel existant. En effet, la crise économique va contraindre les dépenses militaires, notamment américaines. Aussi par conséquent, la concurrence dans ce secteur va s'intensifier pour donner jour à un accroissement des pratiques plus ou moins légales. L'aspect de la guerre économique doit être pris en compte dans la gouvernance de la CSP. En cela, il rejoint la composante logistique.

Les opérations de l'UE, une fois l'accord politique obtenu, ont été limitées par les questions logistiques. Au Tchad durant la récente mission EUFOR, le déploiement des différentes nationalités a été marqué par une faible communication entre eux, limitant drastiquement leur efficacité sur le terrain, et sur les bandes rebelles. Les raisons sont multiples, mais la logistique est au cœur des différends, au-delà des difficultés linguistiques, culturelles, et surtout de la faible interopérabilité des matériels utilisés par les sections, ou les battle groups (transmissions, véhicules, sanitaires...). La logistique bénéficie d'une image positive dans les média et les opinions publiques. Elle est associée à l'aide aux populations, aux actions civilo-militaires et à l'aide médicale. Elle oriente et conditionne les déploiements, à l'image d'un chef d'orchestre. La bonne gouvernance de la CSP serait obtenue par la mise en œuvre de cette task force. Sa disponibilité permanente permet aux États d'utiliser à la carte ces modules selon les besoins, et en maîtrisant les coûts. De plus, l'utilisation de ces moyens en dehors des besoins purement militaires, permettrait de rentabiliser cet outil en facturant aux États membres les services rendus dans un cadre public. Les contributions des États membres adhérents à la CSP se jugeraient à l'aune de l'efficacité de cette unité logistique coordonnée de soutien. Les missions de Petersberg, qui font consensus au sein des États, pourront être aisément remplies par tout ou partie de ces éléments logistiques.

Il apparaît donc urgent de poser les jalons d'une meilleure coordination logistique afin de donner sens à une PSDC qui serait efficace et efficiente. Jouer le jeu de coopérations renforcées en la matière pourrait être un axe d'action. La France, en tout cas, est qualifiée pour faire des propositions en matière de coopération logistique et s'imposer comme nation pilote. Rappelons que la France avait été nation cadre en matière logistique, dès 2008, dans l'opération EUFOR Tchad-RCA. La France dispose d'une tradition éminente et d'experts, grâce à son commissariat des armées. Peut-être pourrions-nous envisager l'exportation du modèle français et l'essaimage de bases de défense interarmées dans toute l'Union européenne. Peut-être des mutualisations pourraient être possibles. Une coopération industrielle en matière de ravitaillement serait, par exemple, envisageable. Quant aux fournisseurs des armées européennes, une réglementation pourrait conduire à privilégier les Européens, en instituant une protection communautaire. Il faudrait dès lors rompre avec le dogme de l'ouverture et de la concurrence totales. C'est à cette condition que pourrait être consolidé un marché intérieur de la défense en Europe, stimulant des échanges intra-européens. La logistique pourrait ainsi constituer la pierre angulaire de la coopération structurée permanente. Cette task force Logistique Européenne permanente serait composée de plusieurs éléments emblématiques. Les vecteurs seraient des avions gros porteurs de type Antonov, des avions ravitailleurs, des bateaux porte-conteneurs, des bâtiments de projection et de commandement de conception française, et enfin des camions blindés gros porteur. Les moyens du soutien pourraient inclure un hôpital de campagne aérotransportable avec bloc chirurgical, des ateliers de réparation mécanique de 2e et 3e échelon pour les matériels de cette task force. Cette liste est non exhaustive, et devrait faire l'objet de discussion dans le cadre de la CSP. Dans le cadre des relations avec l'OTAN, et du burden sharing souhaité par les États-Unis, la CSP axée sur la logistique se positionnerait ainsi sur un créneau porteur.

Vers une Europe des défenses constituée autour d'un noyau dur

La PSDC ne peut renaître qu'en faisant le deuil des utopies fédéralistes : elle doit faire le pari, entièrement pragmatique, du réalisme politique et stratégique. Aucun État supranational européen ne viendra se substituer tout d'un coup aux États membres de l’UE. C'est par la multiplication d'opérations, d'exercices conjoints, d'échanges de vues, entre armées reconnaissant mutuellement leurs différences et réunies au sein de la PSDC, que des perspectives stratégiques communes pourront être définies. Trop longtemps, l’on a cru qu'il suffisait de constituer des structures communes, toute une superstructure militaire, pour créer une convergence des intérêts et des orientations ; cette vision technocratique a fait long feu ; l'Europe doit prouver son existence militaire dans l'action opérationnelle, avec l'appui et l'accord de chacun des États concernés. Il convient de mettre en valeur, non pas une superstructure artificielle, mais bien une infrastructure opérationnelle et logistique, qui naîtra du tissage de coopérations entre les divers États qui composent l’UE. Plutôt que de chercher à embrigader de force, par des textes contraignants, l'ensemble des États européens, il convient d'accepter l'idée d'une Europe de la défense à la carte, en ayant à l'esprit qu'à chaque mission correspond une coalition au format particulier : la mission fait la coalition. La souplesse doit être constitutive de la nouvelle Europe de la défense, qu'on pourrait même qualifier d'Europe des défenses.

Le maillage de coopérations multi-scalaires pourrait s'articuler autour d'intérêts communs clairement définis. La constitution d'une vraie culture militaire européenne ne saurait en effet procéder de la mode du tout-soft : les Européens doivent prendre de nouveau conscience du caractère indispensable des capacités hard. Un document d'orientation stratégique pourrait être, rédigé chaque année. Il ne s'agirait pas de confectionner un rapport long ; mais d'énumérer très brièvement les priorités stratégiques de l’UE pour l'année à venir. Ces priorités correspondraient à des projets précis autour desquels des coopérations aux formats divers mais efficaces pourraient se structurer. Ce document aurait vocation à être très court, à ne pas excéder deux pages. Subsidiairement, des accords de défense internes bilatéraux permettraient d'étoffer le maillage stratégique constitutif d'une identité européenne de défense. Il faut rendre toute sa valeur au format bilatéral. Le multilatéral s'avère souvent rigide, source de blocages. Le bilatéral est souple, propice à la conclusion d'accords rapides et ponctuels. Suivant cette voie, des accords pourraient se multiplier et tout un maillage d'échanges stratégiques se tisser au cœur de l'Europe. Il faut rompre avec l'idole exclusive du multilatéral.

Aboutissement d'une longue évolution institutionnelle, la coopération structurée permanente se présente ainsi comme la porte ouverte à un dispositif de défense pragmatique qui, malgré ses imperfections, permet la mise en place d'une Europe de la défense fédérée par la logistique. Les effets de la mondialisation, la concurrence pour une ubiquité stratégique, la dégradation progressive de l'Europe parmi les puissances militaires sont autant de phénomènes qui nous invitent à refonder l'Europe des défenses sur un postulat réaliste. L'ambition demeurera mais non l'utopie. Préférons l'ambition à l'utopie. Il nous reste à être nous-mêmes, sans chercher à imiter à tout prix notre allié américain. Nous devons accepter de penser que nous sommes différents d'eux et différents entre Européens. Pour cela, nous devons faire le deuil des chimères ; et relever un pari intellectuel consistant à refonder les coopérations européennes en matière de défense sur un postulat réaliste. Cette refondation doit aller de pair avec la constitution progressive d'une véritable école européenne réaliste des relations internationales, émule et correspondante des écoles réalistes d'outre-Atlantique. S'il convient d'exploiter les potentialités du traité de Lisbonne, il faut également exploiter les outils internes de valorisation de ce texte. A ce point de vue, les travaux de la commission défense nationale et forces armées gagneraient à être rendus plus visibles afin de remédier au manque d'information et de compréhension dont souffre le citoyen français et donc européen.

SYNOPSIS

ANNEXE 3

Déclaration du 15 novembre 2012 des ministres des affaires etrangères et de la défense d'Allemagne, d'Espagne, de France, d'Italie et de Pologne

Réunion des ministres des Affaires étrangères et des ministres de la Défense D’Allemagne, d’Espagne, de France, d’Italie et de Pologne

Paris, 15 novembre 2012

1. Nous, ministres des Affaires étrangères et ministres de la Défense d’Allemagne, de l’Espagne, de France, d’Italie et de Pologne, nous sommes réunis ce jour à Paris pour confirmer notre volonté de promouvoir une politique européenne ambitieuse dans le domaine de la sécurité et de la défense. De grands progrès ont été accomplis ces dix dernières années. Les trois nouvelles missions lancées cette année témoignent de la capacité de l’Union européenne à agir. Toutefois, des menaces pour notre sécurité, y compris dans le voisinage de l’Europe, appellent à prendre des mesures décisives. Les Européens doivent assumer leur part de responsabilités pour relever de façon plus énergique les défis à venir afin de garantir la sécurité de l’Europe.

2. La force singulière de la politique de sécurité et de défense commune tient à son approche globale de la gestion des crises. En mobilisant tous ses instruments civils et militaires, l’Union européenne doit être capable de résoudre des crises complexes, pluridimensionnelles et impliquant plusieurs acteurs, tout en renforçant l’efficacité de ses missions et opérations.

3. La réforme en cours des procédures de gestion des crises et la prochaine revue du Service européen d’action extérieure devraient permettre à l’Union européenne d’agir rapidement et efficacement sur tout le spectre des mesures de gestion des crises, en étroite coopération avec les organisations internationales et régionales ainsi qu’avec les pays partenaires. Engagés dans la mise en œuvre des conclusions du Conseil des Affaires étrangères de décembre 2011 et juillet 2012 sur la Politique de sécurité et de défense commune, nous sommes convaincus que l’Union européenne doit mettre en place, dans un cadre qui reste à définir, des structures véritablement civilo-militaires pour planifier et conduire des missions et opérations et créer une plus grande synergie entre le Service européen d’action extérieure et la Commission afin de garantir leur réussite.

4. L’Union européenne devrait être apte et résolue à prendre ses responsabilités dans des régions où ses intérêts de sécurité et ses valeurs sont en jeu. Le respect de ses engagements en matière de sécurité et de stabilité là où l’Union européenne est déjà engagée de façon opérationnelle et le lancement de nouvelles missions et opérations de gestion des crises constituent à cette fin les contributions les plus concrètes et les plus indispensables de la PSDC.

5. Nous partageons l’analyse que fournir un soutien aux organisations régionales et aux autorités locales en faveur de la stabilité dans des zones non gouvernées ou fragiles renforce la sécurité des citoyens et des intérêts de l’Union européenne. Dans cet esprit, l’Union européenne a accru son engagement dans la Corne de l’Afrique, en poursuivant l’appui à la gouvernance et au développement des capacités de la Somalie et dans le Sahel, en particulier au Niger, dans le cadre d’une approche globale et régionale. Nous encourageons nos partenaires à accroître leurs efforts en faveur d’un règlement d’une solution politique à la crise malienne, ainsi qu’à contribuer à une éventuelle mission de formation en soutien aux forces armées maliennes, conformément aux conclusions du Conseil des Affaires étrangères du 15 octobre. Nous encourageons également l’Union européenne à se tenir prête, comme le rappellent les conclusions du Conseil des Affaires étrangères de juillet 2012, à assister et soutenir les nouvelles autorités libyennes.

6. En ce qui concerne les Balkans, autre zone clé pour notre sécurité, il nous faut discuter avec nos partenaires de la façon dont l’Union européenne pourrait mieux agir sur le terrain et contribuer davantage à la normalisation de la région. L’Union européenne doit également demeurer engagée et impliquée dans les efforts pour stabiliser et apporter une solution au conflit en Géorgie. S’agissant de l’Afghanistan, nous devrons maintenir l’engagement de l’Union européenne en faveur d’une police nationale afghane forte et efficace, en coordination avec d’autres acteurs internationaux.

7. Les Européens doivent se donner les moyens de leurs ambitions dans le domaine de la sécurité et de la défense. S’agissant des moyens civils et militaires nécessaires, y compris les instruments de réaction rapide tels que les groupements tactiques de l’Union européenne, nous devrions être prêts à les tenir à disposition, les entraîner, les déployer et les maintenir sur le terrain.

8. Il est essentiel de continuer à développer les capacités stratégiques adéquates, en toute transparence et cohérence avec l’OTAN. Les efforts entrepris jusqu’à présent dans des formats ad hoc entre Européens ont déjà permis des projets significatifs de mutualisation et de partage. Afin de renforcer cette coopération, les efforts associant, de façon pragmatique, au moins deux pays européens, notamment sur des capacités à forte valeur ajoutée (par exemple l’espace, la défense antimissile balistique, les drones, le ravitaillement en vol, les capacités de transport aérien, le soutien médical aux opérations, la radio logicielle) resteront primordiaux. Nous devrions maintenir notre engagement à travailler ensemble, entre nous et avec d’autres partenaires intéressés, afin de promouvoir les projets existants et à venir de mutualisation et de partage, destinés à améliorer la disponibilité et l’efficacité de nos capacités critiques communes.

9. Les États membres de l’Union européenne devraient continuer à renforcer les vecteurs et multiplicateurs de forces qui assurent la capacité de déployer et de soutenir des opérations militaires sur des théâtres lointains et de longues périodes et à mieux équilibrer le partage du fardeau au sein de la communauté transatlantique. Ce serait un grand pas vers une approche « intelligente » et « partagée » des réductions des dépenses militaires. Une meilleure coordination entre les processus nationaux de planification optimiserait les ressources disponibles et la coopération entre États membres.

10.  L’Union européenne doit continuer à jouer un rôle majeur en matière d'innovation et de progrès technologiques et conserver ses capacités et compétences en matière de défense. A cette fin, nous estimons que l'Europe doit s'efforcer d’amplifier ses efforts, et renforcer les synergies entre les activités de Recherche & Technologie dans les activités des États membres liées à la défense et de faire appel à l’Agence européenne de défense dans son rôle de facilitateur.

A cet égard, il conviendrait d’étudier plus avant une meilleure utilisation des possibilités offertes par le Programme cadre européen de recherche et de développement, en particulier en ce qui concerne les technologies à double usage. A cette fin, tous les acteurs impliqués devraient mener un dialogue constructif sur la préparation du prochain Programme cadre HORIZON 2020. Ils devraient aussi analyser attentivement les moyens de soutenir le renforcement de l’industrie européenne de défense, en tenant compte du cadre juridique existant et de ses implications politiques.

11. Les restrictions significatives des budgets de défense et l'insuffisance de nouveaux programmes, parallèlement à la baisse des budgets de Recherche & Technologie, pourraient réduire les capacités d’ingénierie et les moyens de défense européens en affectant la Base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE). Nous devrions œuvrer en faveur d’une Base industrielle et technologique de défense européenne suffisante, compétitive et viable. Ces objectifs impliquent une plus grande coopération entre États membres et des synergies accrues.

12. Nous sommes prêts à contribuer ensemble à cet effort, avec tous nos autres partenaires européens désireux de renforcer les capacités nécessaires à la gestion européenne civile et militaire des crises. A titre d’exemple, le Commandement européen de transport aérien, adapté et étendu à d'autres États membres, pourrait constituer un véritable pas en avant vers des capacités rapides et partagées de transport aérien et de ravitaillement en vol, et représente un modèle innovant qui pourrait être appliqué à l'utilisation d'autres capacités. Dans les mois à venir, nous souhaiterions que ces discussions favorisent la coopération sur des projets structurants pour contribuer au renforcement de la culture de coopération en Europe.

13. Nous saluons l’initiative du Président Barroso et du Président Van Rompuy de tenir une session du Conseil européen en 2013 qui sera appelée à confirmer notre ambition en matière de Politique de sécurité et de défense commune et à fournir les orientations nécessaires sur les priorités stratégiques à venir, entre autres pour renforcer la compétitivité de l’industrie de défense européenne. Cette initiative devrait recevoir un soutien politique adéquat au plus haut niveau, en lien étroit avec la Haute Représentante, et s’inscrire dans un processus plus large d’intégration politique européenne accrue. En matière de défense aussi, nous avons besoin de plus d'Europe. Nous sommes résolus à œuvrer ensemble en ce sens.

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(1 ) La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 Pour information complémentaire, on trouvera en annexe une excellente étude sur la CSP publiée en décembre 2012 par SYNOPSIS, le Centre de recherche des Ecoles de Cooëtquidan.

3 De nombreuses informations et actualisations d’informations sur ces opérations peuvent être trouvées sur le site web : www.bruxelles2.eu

4 Voir texte de la Déclaration du groupe Weimar + du 15 novembre 2012 en Annexe.