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No 871

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 mars 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

sur
l’interdiction de certains pesticides
responsables de la mortalité des abeilles
,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Danielle AUROI,

Députée

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Emeric BREHIER, Jean-Jacques BRIDEY, Mme Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, M. Yves DANIEL, MM. Charles de LA VERPILLIÈRE, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Marc LAFFINEUR, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY, Mme Paola ZANETTI.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LE RÔLE CRUCIAL DES ABEILLES DANS LA POLLINISATION MIS EN DANGER PAR LES PESTICIDES 7

II. UNE INITIATIVE POSITIVE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE 7

TRAVAUX DE LA COMMISSION 9

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 11

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La population des abeilles joue un rôle important tant dans la pollinisation que dans la production de miel. L’Union européenne a institué des règles harmonisées pour protéger leur santé. Or, depuis des années, il a été constaté un accroissement de la mortalité des abeilles dans l'ensemble des pays. La Commission européenne a adopté en 2007 une stratégie de santé animale pour l'Union européenne (2) qui a été suivie d'un plan d'action.

En novembre 2008, le Parlement européen a voté une résolution sur la situation du secteur apicole (3), demandant à la Commission de mener des actions spécifiques et de veiller à ce que les actions soient coordonnées. Il y était notamment demandé que « compte tenu de l'influence possible des produits phytopharmaceutiques sur le développement des colonies, s'ajoutant à leurs effets sur les abeilles adultes, il convient également de prendre en considération les effets des produits phytopharmaceutiques sur l'ensemble de la ruche » et rappelait que « la Commission a indiqué en séance plénière, au moment de l'adoption du règlement (CE) no 1107/2009, que lorsqu'elle procéderait à la révision des exigences en matière de données applicables aux substances actives et aux produits phytopharmaceutiques, visées à l'article 8, paragraphe 1, points b) et c), elle examinerait avec une attention particulière les examens de suivi et les protocoles d'étude permettant de réaliser une évaluation des risques tenant compte de l'exposition directe et indirecte des abeilles à ces produits, notamment par l'intermédiaire du nectar, du pollen et de l'eau, laquelle peut contenir des traces de pesticides provenant de l'eau récoltée par les abeilles ».

Dans ce contexte, la Commission européenne a saisi l'agence européenne de sécurité sanitaire (AESA) des conséquences sur les populations d'abeilles de l'utilisation de trois insecticides , la clothianidine, l'imidaclopride et le thiaméthoxame, plus connus sous leur nom commerciaux de Cruiser et gaucho. Ce sont les insecticides les plus utilisés dans le monde, sous forme d'enrobage de semences et de granules dans les cultures.

I. LE RÔLE CRUCIAL DES ABEILLES DANS LA POLLINISATION MIS EN DANGER PAR LES PESTICIDES

La pollinisation joue un rôle crucial dans la reproduction des plantes et la protection de la biodiversité. Or, en quelques années, la mortalité des abeilles est passée de 5 à 30 %, voire 50 % dans certaines zones. Des études ont établi l’impact létal sur les abeilles de certains insecticides systémiques se trouvant dans les graines et les semences. En conséquence, des mesures nationales ont d’ores et déjà été prises. Ainsi la France a, en juillet 2012, retiré l’autorisation de mise sur le marché du Cruiser utilisé en traitement de semence de soja alors que les apiculteurs avaient obtenu le retrait du Regent et du Gaucho dès 1999. D’autres pays tels l’Italie ou l’Allemagne ont restreint l’usage de ces pesticides pour le maïs. Les Pays Bas ont ciblé les plantes butinées par les abeilles. La Slovénie a opté pour une interdiction généralisée.

Saisie par la Commission européenne des effets de trois insecticides de la catégorie des néonicotinoïdes, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) a rendu, le 16 janvier dernier, des conclusions inquiétantes. L’agence européenne détaille les moyens de contamination des pollinisateurs via le pollen, le nectar, les poussières et la guttation. Leur toxicité est avérée, leur principal effet étant de désorienter les butineuses qui ne savent plus revenir à leurs ruches. Cela ne fait que confirmer ce que l’on sait depuis presque 20 ans !

II. UNE INITIATIVE POSITIVE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

Fort de cet avis de l’agence européenne et en dépit des protestations attendues des deux grandes entreprises Bayer et Syngenta qui déclarent que leurs produits ne présentent « aucun risque inacceptable » et mettent en avant d’autres sources de mortalité des abeilles, le commissaire à la santé, Tonio Borg, a soumis au comité permanent de la chaîne alimentaire, un projet tendant à interdire trois molécules incriminées dans les semences, les granulés et les sprays. L’interdiction s’appliquerait au traitement des cultures qui attirent le plus les abeilles, le colza, le tournesol, le maïs et le coton. La Commission se réserverait le droit, après deux ans de suspension, de revoir la législation. Cette initiative permettait de mettre un terme à la disparité des législations existant entre les différents États de l’Union européenne.

Lors du comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale du 31janvier, certains pays (Allemagne, Espagne et Grande Bretagne) se sont montrés réticents, demandant que les études se poursuivent. La Commission européenne a donc soumis cette proposition au vote le 14 mars. La majorité qualifiée de deux tiers n’a pas pu être atteinte. Treize pays ont voté pour (dont la France, l’Italie, l’Espagne et la Pologne), neuf contre (République tchèque, Slovaquie, Roumanie, Irlande, Grèce, Lituanie, Autriche, Portugal et Hongrie) et cinq se sont abstenus. Deux des pays -Allemagne et Grande-Bretagne- qui ont le même nombre de voix que la France, soit 29, ne sont donc pas prononcés. Pour le Royaume-Uni et l’Allemagne, les données scientifiques de terrain manquent à l’appui d’une telle décision.

À quoi sert l’Agence européenne de sécurité des aliments – qui ne peut être soupçonnée d’avoir des positions trop soucieuses de l’environnement- si, lorsqu’elle produit un rapport clair et que la Commission la suit, les États membres n’en tiennent pas compte ?

La Commission européenne a annoncé qu’elle fera de nouvelles propositions de moratoire qui seront discutées en comité d’appel. L’Allemagne a indiqué qu’elle serait prête à se prononcer en faveur d’un tel moratoire si quelques ajustements étaient apportés.

Les gouvernements nationaux, avec l’appui des parlementaires et de notre commission, doivent se mobiliser pour que ces propositions qui répondent aux préoccupations des agriculteurs soient adoptées. Il sera ensuite indispensable de décliner au niveau national les objectifs de réexamen de la toxicité des pesticides et de leurs effets croisés, dans le cadre de la loi d’avenir agricole et du « plan abeille » qui sera lancé prochainement par le ministre de l’agriculture. Il est aussi de la plus haute importance que l’industrie se concentre sur la production d’autres produits phytopharmaceutiques.

Ce constat doit faire prendre conscience aux États du phénomène de la mortalité des abeilles par ailleurs affaiblies par des virus et des parasites et par l’absence de nourriture générée par la monoculture.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 27 mars 2013, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.

« M. Joaquim Pueyo. Je suis tout à fait favorable à cette proposition, qui répond à une demande des apiculteurs, dont bon nombre sont des bénévoles passionnés. Si l’on veut conserver une apiculture française, il y a urgence. Je ne comprends pas pourquoi certains pays s’opposent à l’initiative de la Commission européenne. Nous devons voter unanimement cette proposition de résolution européenne.

M. Jérôme Lambert. Je ne peux évidemment qu’approuver cette communication mais les effets des pesticides ne se limitent pas aux abeilles. Il n’est pas d’usage que nous fassions référence aux travaux du Sénat, mais celui-ci vient de rendre un rapport très intéressant sur les dangers inhérents à l’usage des produits phytosanitaires, en particulier des pesticides. Ne serait-il pas envisageable que nous en fassions état, en ajoutant un considérant dans la proposition de résolution ?

M. Pierre Lequiller. Je partage l’observation de Jérôme Lambert.

M. Bernard Deflesselles. Nous la faisons nôtre, en effet !

M. Yves Daniel. La situation est urgente, d’autant que le frelon asiatique détruit lui aussi les essaims. Pour ma part, j’irai même plus loin dans la rédaction de la phrase : « Appuie toute nouvelle initiative de la Commission visant à l’interdiction générale de ces substances ».

La Présidente Danielle Auroi. L’ajout d’un considérant évoquant les travaux du Sénat montrera que nous sommes bien en phase avec nos collègues de la haute assemblée.

En revanche, monsieur Daniel, la Commission européenne ayant pris une bonne initiative, il me semble plus efficace de la soutenir dans son combat.

Puis la Commission a adopté à l’unanimité la proposition de résolution ci-après ».

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques,

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil sur la santé des abeilles [COM (2010) 714 final] du 6 décembre 2010,

Vu l’avis de l’Agence européenne de sécurité alimentaire sur l’évaluation des risques pour les abeilles associés aux pesticides contenant la substance active « néonicotinoïde thiaméthoxame », no 2013-3067 du 16 janvier 2013,

Considérant le rôle crucial de la pollinisation dans la reproduction des plantes et la protection de la biodiversité,

Considérant qu’en quelques années, la mortalité des abeilles est passée de 5 à 30 %, voire à 50 % dans certaines zones,

Considérant que l’impact létal de certains insecticides systémiques se trouvant dans les graines et les semences est établi et que certains États membres en ont d’ores et déjà restreint l’usage,

Considérant le rapport d’information du Sénat sur les pesticides et leur impact sur la santé no 42 du 10 octobre 2012.

1. Salue l’initiative de la Commission européenne pour instaurer un moratoire sur trois substances responsables de la mortalité des abeilles, selon l’avis de l’Agence européenne de sécurité alimentaire ;

2. Regrette que le vote lors de la réunion du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale le 14 mars 2013 n’ait pas permis de dégager une majorité qualifiée permettant d’adopter ce projet de la Commission européenne ;

3. Appuie toute nouvelle initiative de la Commission visant à l’interdiction générale de ces substances.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () « Mieux vaut prévenir que guérir », COM (2007)539 final.

3 () COM (2008) 545 final.