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No 2011

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 juin 2014.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur les accords d’association avec l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mmes Danielle AUROI, Chantal GUITTET

ET M. Jean-Louis ROUMEGAS,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. André CHASSAIGNE, Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

I. L’UKRAINE 11

A. UN PROCESSUS ENGAGÉ SUR FOND DE CRISE 11

1. Chronologie de la crise 11

2. L’action de l’Union européenne au cours de cette crise 16

3. Le processus engagé 22

B. LE CONTENU DE L’ACCORD 22

1. Les principes généraux et la coopération politique 23

2. L’établissement d’une zone de libre-échange 24

II. LA GÉORGIE 29

A. UNE SITUATION POLITIQUE MOUVEMENTEE, EN VOIE DE STABILISATION ET UNE SITUATION ECONOMIQUE EN ESSOR MAIS FRAGILE 30

1. Un contexte politique et territorial complexe, une première transition démocratique en 2012 30

a. Un pays ayant connu une transition post soviétique difficile 30

b. Un pays en voie de stabilisation démocratique 30

2. Une transition vers une économie néolibérale, fragile et fortement dépendante de l’étranger 31

a. La fin d’une république soviétique relativement prospère 32

b. La transition vers une économie néo-libérale fragile 32

3. Le rapprochement européen et euroatlantique : une priorité absolue et structurante pour la Géorgie 33

a. Une position prooccidentale géopolitique et consensuelle des institutions et de la population géorgienne 33

b. L’adhésion à l’OTAN, vue comme une garantie de sécurité par la Géorgie mais soumise à conditions de la part des occidentaux 34

c. Un choix européen ancien et résolu 35

4. Une situation post coloniale dégradée avec la Russie, une rupture durable, des tentatives limitées de normalisation 36

a. Une dégradation tendancielle des relations 37

b. Le conflit de 2008 en Ossétie et en Abkhazie : un point de rupture majeure entre la Géorgie et la Russie 37

c. Des tentatives limitées de normalisation 40

B. UN ACCORD D’ASSOCIATION GLOBAL POUR RENFORCER LES RELATIONS ENTRE LA GEORGIE ET L’UNION EUROPÉENNE 40

1. l’accord d’association 41

a. Les objectifs globaux : un rapprochement graduel sur la base de valeurs communes 42

b. Dialogue politique et coopérations sectorielles 43

i. Un dialogue politique renforcé 43

ii. Justice, liberté et sécurité 43

iii. Des coopérations sectorielles 43

iv. Le cadre institutionnel de la coopération et du dialogue 44

2. LA CREATION D’UNE ZONE DE LIBRE ECHANGE 44

a. Faciliter l’intégration de la Géorgie dans l’économie de l’Union européenne et créer des vecteurs de croissance pour les deux parties 45

b. Les dispositions de l’accord de libre échange 45

III. LA MOLDAVIE 49

A. LA MOLDAVIE, DÉJÀ FRAGILE, DANS L’œIL DU CYCLONE QUI DÉSTABILISE L’EUROPE ORIENTALE DEPUIS QUELQUES MOIS 49

1. Un pays d’une grande instabilité politique et qui demeure le plus pauvre d’Europe 49

a. Des retards de développement toujours importants 49

b. Une situation institutionnelle et territoriale délicate 50

2. Une population partagée entre deux inclinaisons 52

a. L’influence russe sur l’opinion publique 52

b. Un attrait pour l’Europe qui tend à s’affaiblir 53

B. UN ACCORD D’ASSOCIATION GLOBAL POUR DONNER UNE IMPULSION DÉCISIVE À LA COOPÉRATION EUROPÉENNE AVEC LA MOLDAVIE 54

1. La philosophie de l’accord d’association 54

a. Objectifs 54

b. Principe généraux 55

2. Des axes d’action tous azimuts 56

a. Un nouveau contrat d’association politique et économique 56

b. Zone de libre-échange approfondi et complet 57

TRAVAUX DE LA COMMISSION 61

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent rapport fait un point d’actualité sur le Partenariat oriental et les accords d’association que l’Union européenne souhaite conclure avec trois des pays concernés – Ukraine, Géorgie et Moldavie.

Il semble en effet utile de rappeler brièvement dans quel cadre s’inscrivent ces accords d’association, dont la signature doit être confirmée lors du prochain Conseil européen.

Le Partenariat oriental est une politique encore jeune, qui n’a que cinq ans d’existence : elle a été lancée en 2009, sur initiative de la Pologne et de la Suède, pour renforcer à l’Est la politique européenne de voisinage. Six pays sont concernés : l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine.

L’objectif principal est de donner une nouvelle impulsion à ces voisins orientaux en les rapprochant de l’Union européenne.

Ce rapprochement passe par des accords de libre-échange approfondis et complets, ce qui suppose une harmonisation législative importante, et par un assouplissement de la politique des visas, en échange de garanties des pays partenaires.

Il est important de souligner que pour la France, le Partenariat oriental n’ a pas vocation à constituer une étape préliminaire à une future adhésion à l’Union.

Cette politique est dans une large mesure en train de se construire, de s’affirmer. Son bilan est encore mitigé : elle n’a pas, jusqu’à présent, de grande réalisation à son actif.

Le Sommet de Vilnius des 27 et 28 novembre 2013 devait être un rendez-vous décisif : il devait montrer la capacité de l’Union européenne à influencer les ex-pays soviétiques, et permettre d’ouvrir sur l’avenir la politique du Partenariat oriental. En effet, sur les six pays concernés, quatre étaient à l’origine prêts à parapher ou signer des accords d’association.

Or l’Arménie a effectué un revirement au cours de l’été 2013 et a préféré se tourner vers l’Union eurasienne proposée par la Russie.

En ce qui concerne l’ Ukraine, une semaine avant le Sommet, le Président Viktor Ianoukovitch a préféré renoncer à la signature de l’accord d’association, pourtant déjà paraphé plusieurs mois avant, ce qui a déclenché les événements tragiques qui ont suivi. Néanmoins, pour ne pas rester sur l’ échec de Vilnius, l’Union européenne a signé, en mars 2014, le « volet politique » de l’accord d’association avec les dirigeants intérimaires de l’ Ukraine. Elle a exprimé le souhait de signer l’ensemble de l’accord après les élections présidentielles du 25 mai.

Finalement seules la Géorgie et la Moldavie ont lors de ce Sommet de Vilnius paraphé les accords, étape préalable à leur signature initialement envisagée fin 2014, mais que l’Union européenne souhaite aujourd’hui avancer à fin juin. En effet, l’attitude de la Russie vis-à-vis de l’Ukraine entraîne des inquiétudes dans ces États, et la signature rapide de ces accords est perçue comme un moyen de les arrimer à l’Union européenne.

La procédure de signature et conclusion des accords d’association est complexe et longue. La Commission des affaires européennes n’est pas saisie, en application de l’article 88-4, des textes mêmes des accords, mais d’instruments juridiques préparatoires : en particulier les propositions de décision du Conseil relatives à la signature et à l’application provisoire des accords, et celles relatives à la conclusion des accords.

Le texte même des accords est l’objet d’annexes qui ne sont pas nécessairement transmises en même temps.

Ainsi, pour l’Ukraine, notre Commission des affaires européennes avait déjà, le 19 juin 2013, approuvé, en l’état des informations dont elle disposait alors ( elle n’avait pas encore eu transmission du texte très volumineux de l’accord ) les deux propositions de décision du Conseil relatives à la signature et à la conclusion de l’accord d’association.

Le texte complet de l’accord d’association Union européenne/Ukraine a été transmis en octobre 2013 et, dans ses Conclusions adoptées le 5 novembre dernier, notre Commission a réitéré son approbation de principe à sa signature, souhaitant alors qu’elle intervienne si possible dès le Sommet de Vilnius, ce qui hélas n’a pu se réaliser.

Pour la Géorgie et la Moldavie, il en va différemment : nous disposons déjà des annexes, c’est-à-dire des textes mêmes des accords, afin de nous prononcer de façon plus éclairée, au titre de l’article 88-4, sur les propositions d’ actes communautaires auxquelles ils sont rattachés... C’est là le résultat de contacts avec le SGAE et le Cabinet du Ministre des Affaires étrangères, qui attache une importance particulière à ces accords et à la bonne information du Parlement dans la procédure les concernant.

Le paraphe des accords intervenu en mars 2012 pour l’Ukraine, puis à Vilnius fin novembre 2013 pour la Géorgie et la Moldavie, n’était donc qu’une première étape vers leur éventuelle signature définitive et leur conclusion.

Dans une étape ultérieure, la Commission européenne présente au Conseil des propositions d’actes, notamment :

- une proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l’Union européenne, de l’accord d’association. Elle peut prévoir en outre l’application provisoire de l’accord, comme c’est le cas en l’espèce, pour chacun des trois États concernés.

- une proposition de décision du Conseil portant conclusion proprement dite de l’accord, ce qui vaut ratification de cet accord au niveau européen.

C’est donc sur ces propositions d’actes que la Commission des affaires européennes est appelée à se prononcer pour la Moldavie et la Géorgie.

Ensuite, le Conseil doit adopter ces décisions. En principe, la décision portant conclusion de l’accord est adoptée à la majorité qualifiée des voix, sauf dans certains cas où l’unanimité est requise, dont précisément les accords d’association.

De même, alors que le Parlement européen est simplement consulté pour certains accords, son approbation est requise pour les accords d’association.

Enfin, il est important de rappeler que l’adoption de ces accords au niveau européen est accompagnée d’une procédure de ratification au sein de chaque État membre, selon les règles institutionnelles qui lui sont propres.

En France, le Parlement sera donc appelé à examiner le texte des accords d’ association, dans leur version définitive et le cas échéant corrigée, et à exercer ses prérogatives de contrôle démocratique, au moment de sa saisine en vue de l’autorisation de ratification, en application de l’article 53 de la Constitution.

Rappelons cependant qu’à ce stade, certaines dispositions des accords pourront logiquement être déjà entrées en application, à titre provisoire.

La saisine du Parlement français serait actuellement envisagée pour fin 2014 ou début 2015.

I. L’UKRAINE

A. UN PROCESSUS ENGAGÉ SUR FOND DE CRISE

1. Chronologie de la crise

Le 21 novembre 2013, le gouvernement ukrainien renonce à la signature de l’accord avec l’Union européenne, à une semaine de sa signature prévue à Vilnius. Les négociations, entamées depuis plusieurs mois, achoppent, apparemment, sur une des conditions posées par les Européens. Ces derniers exigent le transfert en Allemagne de l’ex-premier ministre Ioulia Timochenko, condamnée en 2011 à une peine de sept ans d’emprisonnement pour abus de pouvoir. Or, le Parlement ukrainien a rejeté tous les projets de loi visant au transfert de l’opposante, le parti du président Viktor Ianoukovitch n’ ayant pas participé au vote.

Officiellement, le chef de l’État parle d’une pause dans les négociations. Mais la décision apparaît davantage comme une victoire de la diplomatie russe. Moscou a exercé d’énormes pressions sur son voisin. Le conseiller économique du Kremlin, Sergueï Glaziev, avait fait miroiter une coopération économique se chiffrant en « dizaines de milliards de dollars », si Kiev renonçait à s’associer à l’Union européenne. Le 20 novembre, le chef du Gouvernement, Mykola Azarov, rencontrait à Saint-Pétersbourg son homologue Dmitri Medvedev. Le Président ukrainien a fait ensuite savoir son intention d’aller à Moscou dans la semaine pour convenir avec Vladimir Poutine d’«une feuille de route de coopération».

Après l’échec de l’accord, Ioulia Timochenko entame une grève de la faim et appelle la population à descendre dans la rue. Arseni Iatseniouk, proche de l’opposante emprisonnée, exige pour sa part la destitution du Président et la démission du Gouvernement. Une autre figure de l’opposition les rejoint : le boxeur Vitali Klitschko. Le sportif très populaire ne cache pas ses ambitions en politique et s’est officiellement déclaré candidat à la présidentielle de 2015.

De jour en jour, les manifestations gagnent en ampleur. Le 24 novembre 2013, des dizaines de milliers de personnes se retrouvent place de l’ Indépendance (place Maïdan) lieu emblématique de la Révolution orange de 2004. Le pays n’avait pas connu de tels rassemblements depuis cette date. À l’ issue de la manifestation, des centaines de manifestants tentent de prendre d’assaut le siège du Gouvernement. Le 29 novembre, les opposants investissent à nouveau la place de l’ Indépendance. Ils passent la nuit sur place. Au petit matin, ils sont violemment dispersés par les forces de l’ordre. Le mouvement se radicalise : un appel à la grève générale est lancé.

Le 30 novembre 2013, la police réplique violemment aux centaines de milliers de personnes qui réclament la démission du Président. C’est le début de l’ « eurorévolution » et de l’occupation de la place Maïdan. Le 8 décembre 2013 une gigantesque manifestation réunit 800 000 personnes à Kiev. Le 15 décembre 2013, l’UE suspend officiellement les discussions avec l’Ukraine sur l’accord d’association. Le 17 décembre 2013, la Russie rachète pour 11 milliards d’euros de la dette souveraine ukrainienne et réduit d’un tiers le prix du gaz qu’elle lui vend.

Début janvier 2014, la situation semble se calmer. Mais, le 16 janvier 2014, le mouvement de contestation repart de plus belle quand le régime fait voter un chapelet de lois liberticides. Contraint de négocier, Viktor Ianoukovitch remanie son gouvernement, amende les lois, mais refuse des élections anticipées, maintient la répression et disparaît de la scène politique, officiellement pour « raisons médicales ». Finalement, la contestation se durcit et compte des manifestants de plus en plus radicaux.

Le 18 février, une « offensive pacifique » dégénère. Les forces antiémeutes lancent une "opération antiterroriste" et marchent sur la place Maïdan où se trouvent les manifestants, faisant vingt-cinq morts. Alors que le bras de fer s’engage, le Président semble encore une fois lâcher du lest en annonçant la signature imminente d’un accord politique.

Le 20 février plus de soixante-dix-sept personnes sont tuées dans les affrontements les plus violents depuis le début de la crise en novembre. Le 22 février le Président Ianoukovich quitte Kiev en dénonçant un « coup d’État ». Il est destitué par le Parlement et la date de l’élection présidentielle est fixée au 25 mai. Ioulia Timochenko est libérée et s’adresse aux manifestants sur la place Maidan. Le 23 février 2014 le Président du Parlement, Oleksandr Tourtchinov, devient Président par intériM. 

Le 25 février, la Russie conteste fermement le nouveau pouvoir. Vitali Klitschko ( codirigeant de la contestation ) et Mikhaïlo Dobkine ( gouverneur pro-russe ) annoncent leur candidature à l’élection présidentielle. Le Parlement ukrainien demande à la Cour pénale internationale de poursuivre Viktor Ianoukovitch, visé depuis la veille par un mandat d’arrêt pour « meurtres de masse » et « crimes contre l’humanité ».

Le 26 février, la Russie « met en alerte » certaines de ses troupes. En Crimée, des heurts surviennent entre militants pro et anti-russes. À Kiev, le pro-européen Arseni Iatseniouk prend la tête d’un gouvernement intérimaire. Les forces antiémeutes Berkout sont dissoutes. Le lendemain en Crimée, des hommes armés pro-russes s’emparent du siège du Parlement et du gouvernement local. Les députés votent la tenue le 25 mai d’un référendum pour plus d’autonomie et limogent le gouvernement local. Olexandre Tourtchinov met en garde la flotte russe de la mer Noire contre toute « agression militaire » tandis que Washington et l’Otan exhortent Moscou à éviter « l’escalade ». Viktor Ianoukovitch sort de son silence et affirme qu’il se considère toujours comme le Président légitime, via un communiqué de presse. Il réclame et obtient de la Russie la garantie de sa sécurité.

Le 28 février, l’ Ukraine accuse la Russie « d’invasion armée et d’occupation » après la prise de contrôle dans la nuit de deux aéroports de Crimée par des hommes armés, et appelle Londres et Washington à garantir sa souveraineté. Apparaissant en public pour la première fois depuis son renversement, Viktor Ianoukovitch promet de « poursuivre la lutte pour l’ avenir de l’ Ukraine ». Il ajoute : « la Russie doit et est obligée d’agir, et connaissant le caractère de Vladimir Poutine, je me demande pourquoi il est si réservé et pourquoi il garde le silence ».

Le 2 mars, Vladimir Poutine obtient l’autorisation du Sénat russe pour intervenir militairement sur le territoire ukrainien. Le chef de la marine ukrainienne prête allégeance aux autorités locales pro-russes de Crimée. En réponse, sept pays du G8 suspendent leurs préparatifs du sommet de Sotchi en juin. Le 3 mars, les bases militaires ukrainiennes sont encerclées par des soldats non-identifiés agissant pour le compte des autorités pro-russes. Le lendemain Gazprom annonce qu’il met fin à la baisse du prix du gaz vendu à l’Ukraine dès avril. Le 5 mars, les forces russes prennent le contrôle partiel de deux bases de lancement de missiles en Crimée. Menacé par des miliciens pro-russes, l’envoyé spécial de l’ONU en Crimée abrège sa mission.

Le 6 mars, le Parlement local de Crimée demande à Poutine le rattachement de la péninsule à la Russie et annonce un référendum le 16 mars.

Le 11 mars, le Parlement de Crimée vote et proclame son indépendance vis-à-vis de l’Ukraine. Lors d’une conférence de presse, Viktor Ianoukovitch affirme qu’il se considère toujours comme le Président légitime de l’Ukraine.

Lors du référendum du 16 mars, les habitants de la Crimée votent à 96.6 % en faveur de leur rattachement à la Russie. Le 17 mars, le Parlement de la Crimée vote à l’unanimité et demande officiellement son rattachement à la Russie. Vladimir Poutine reconnaît officiellement le rattachement de la Crimée à la Russie. Le 19 mars, les forces pro russes prennent le contrôle des sites militaires ukrainiens en Crimée, faisant un mort, un officier ukrainien.

Le 21 mars, l’Ukraine signe le premier volet de l’accord d’association avec l’ UE, le volet politique.

Le 27 mars, le FMI annonce le déblocage d’une aide estimée entre 14 et 18 milliards de dollars pour l’Ukraine.

Le 31 mars, l’Assemblée générale de l’ONU adopte une résolution non contraignante qui dénonce l’annexion de la Crimée.

Le 6 avril, des bâtiments officiels de l’Est de l’Ukraine sont occupés par des pro-russes qui contestent le Gouvernement de transition à Kiev.

Le 10 avril, Vladimir Poutine menace de couper les importations de gaz russe en Ukraine, soit 60 % des approvisionnements.

Le 11 avril, les mouvements séparatistes prennent de l’ampleur dans plusieurs villes ( Donetsk, Louhansk, Marioupol etc. ) de l’Est de l’Ukraine : elles demandent soit plus d’autonomie, soit un rattachement à la Russie. 40 000 soldats russes sont postés à la frontière ukrainienne. Le 13 avril, Kiev lance une opération antiterroriste à Slaviansk, où des hommes armés pro-russes avaient pris le contrôle de bâtiments appartenant à la police et aux services de sécurité. Le 14 avril, le Président ukrainien par intérim évoque un référendum national sur le statut des régions de l’Est le 25 mai prochain, en même temps que l’élection présidentielle. Le 15 avril, face aux tensions grandissantes dans l’ Est du pays, Kiev décide d’envoyer des forces armées.

Le 17 avril, un accord de sortie de crise est signé à Genève entre l’ UE, la Russie, les États-Unis et l’Ukraine. Le texte prévoit le désarmement des groupes armés illégaux et l’évacuation des bâtiments occupés dans l’Est du pays. L’accord implique aussi que le processus constitutionnel annoncé par le Gouvernement de transition soit « transparent », « avec l’établissement d’un large dialogue national, pour inclure toutes les régions ukrainiennes et toutes les entités politiques». Le lendemain, les pro-russes refusent l’accord de Genève et exigent un référendum sur la constitution d’un État fédéral. Le 20 avril, les tensions dans l’Est de l’Ukraine font 4 morts, et le maire de Slaviansk (pro-russe) réclame l’intervention de la Russie pour protéger les insurgés.

Le 24 avril, la tension dans l’Est est à son comble et les combats à Slaviansk font 5 morts (pro-russes). Les forces de l’ordre ukrainiennes reprennent le contrôle de Marioupol. Le lendemain, une explosion près d’un barrage à Odessa fait 7 blessés. La Russie menace d’intervenir militairement pour défendre ses intérêts et ceux de la population d’origine russe.

Le 25 avril, les pro-russes de Slaviansk prennent en otage 13 personnes, dont 7 observateurs de l’OSCE ( Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe ) et un traducteur allemand, les accusant d’être des « espions de l’OTAN ». Le 27 avril, le Suédois membre de l’OSCE est libéré pour raison de santé et les autres otages sont présentés en conférence de presse : « Notre présence à Slaviansk est sans aucun doute un instrument politique pour ceux qui prennent les décisions dans la région. Ils vont s’en servir dans les négociations », déclare au nom du groupe d’otages le colonel allemand Axel Schneider. Viatcheslav Ponomarev, maire autoproclamé de Slaviansk et leader séparatiste, rejette toutefois le terme d’«otages». Les observateurs « ne sont pas nos otages, ce sont nos invités », affirme-t-il. «Invités», un terme alors repris par le colonel Schneider lui-même : « Nous ne sommes pas prisonniers de guerre, nous sommes les invités de Viatcheslav Ponomarev ».

Le 28 avril, alors que les troupes russes se maintiennent à la frontière, le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk déclare que « Moscou veut déclencher une troisième Guerre Mondiale ». Le maire de Kharkiv ( Est de l’Ukraine ), Guennadi Kernes ( qui s’était prononcé en faveur de l’intégrité territoriale ) est victime d’une tentative de meurtre et grièvement blessé. Des militants pro-russes attaquent à Donetsk – capitale de la région en proie aux insurrections séparatistes – une manifestation de partisans de Kiev, faisant une quinzaine de blessés.

Le 29 avril, une douzaine de villes se trouvent sous le contrôle des forces pro-russes, qui en occupent les principaux bâtiments officiels. Les 1er et 2 mai, les violents affrontements qui ont lieu à Odessa entrainent l’incendie de la Maison des Syndicats, causant la mort d’une quarantaine de personnes. 130 personnes sont arrêtées et vont être poursuivies en justice pour avoir participé à des émeutes et pour meurtres avec préméditation. Le 2 mai, Slaviansk est assiégée par l’armée ukrainienne. Le 3 mai, les observateurs de l’OSCE et leurs accompagnateurs ukrainiens sont libérés. Le 5 mai, les combats à Slaviansk coûtent la vie à une trentaine de personnes, dont 4 membres des forces de l’ordre.

Le 6 mai, la Russie annonce le développement de sa flotte militaire en Mer Noire d’ici à 2020 pour un coût de 1.75 milliards d’euros. Le gouvernement ukrainien demande l’envoi d’observateurs internationaux pour assurer la bonne tenue des élections présidentielles du 25 mai et demande aux Occidentaux de faire leur possible contre les menaces et les provocations de la Russie.

Le 7 mai, Vladimir Poutine annonce le retrait des troupes russes de la frontière ukrainienne et demande aux séparatistes de reporter le référendum d’autodétermination, ce qu’ils ont refusé. Il a cependant affirmé que l’élection présidentielle du 25 mai n’allait « pas dans la bonne direction »

Le 9 mai, Vladimir Poutine se rend en Crimée pour une parade militaire commémorant la victoire de la Russie sur l’Allemagne nazie. De plus, dès juin, l’Ukraine devra payer à l’avance ses livraisons de gaz russe. Des affrontements à Marioupol ont fait plusieurs blessés et morts.

Le 11 mai, 7 millions d’Ukrainiens sont invités à se prononcer sur l’indépendance de Donetsk et de Lougansk ( région du Donbass ). Ce référendum est considéré comme étant illégal par Kiev. Les séparatistes revendiquent 89 % de « oui » pour l’autonomie. Aucune vérification n’est possible puisqu’il n’y a pas eu de procédure d’enregistrement officielle, ni d’observateurs neutres et la présence de la plupart des médias était interdite par les séparatistes. La porte-parole de Mme Ashton précise que l’Union européenne ne reconnaît ni les référendums du 11 mai, ni les autorités autoproclamées, celles-ci ne disposant d’aucune « légitimité démocratique ».

Le 13 mai, la République populaire autoproclamée de Donetsk annonce une interdiction d’entrée dans les régions de Donetsk et de Lougansk, à l’est de l’Ukraine, visant plusieurs dirigeants occidentaux, dont la Haute représentante de l’Union européenne, Catherine Ashton, la chancelière allemande, Angela Merkel, et le premier ministre britannique, David Cameron.

Le 25 mai, Petro Porochenko ( homme d’affaires pro-européen ayant déjà occupé des fonctions ministérielles ) remporte l’élection présidentielle dès le premier tour, avec près de 56 % des voix. L’ancienne Premier ministre Ioulia Timochenko arrive en deuxième position du scrutin, avec 12,9 % des voix, suivie par Oleh Lyachko (8 %). Les nationalistes Oleh Tyahnybok et Dmytro Yaroch ont gagné 1,3 % et 0,9 % des votes, respectivement. Avec un taux de participation élevé ( plus de 60 % au niveau national ), les Ukrainiens se sont fortement mobilisés et seules les régions de Donetsk et Lougansk ont été privées de scrutin par les séparatistes pro-russes. Un communiqué des observateurs de l’ OSCE souligne la forte participation au scrutin, une organisation largement conforme aux engagements internationaux et respectant les libertés fondamentales, malgré les difficultés sécuritaires dans les deux régions de l’Est. Petro Porochenko propose aussitôt des élections législatives anticipées dès cette année et promet « de mettre fin à la guerre et de ramener la paix en Ukraine ». Le Premier ministre Arseni Iatseniouk devrait rester en fonction jusqu’à ces élections législatives. Sur les relations avec la Russie, le nouveau Président annonce qu’il s’efforcera de faire respecter « la souveraineté et l’intégrité territoriale » de l’Ukraine. Il ajoute que l’ Ukraine ne reconnaîtra jamais « l’occupation de la Crimée » que la Russie a annexée en mars. Il souligne aussi que les relations avec la Russie sont très importantes pour son pays et exprime sa confiance que l’ Ukraine, assistée par les États-Unis et l’ UE, puisse engager le dialogue avec Moscou.

2. L’action de l’Union européenne au cours de cette crise

Le 10 février 2014 a eu lieu le conseil Affaires étrangères sur fond de tensions continues en Ukraine. Aucune annonce de sanctions, et aucune offre de nouvelles aides financières immédiates n’ont été faites. Néanmoins, le Conseil a confirmé sa détermination à signer un accord d’association dès que l’Ukraine sera prête et a exprimé sa conviction que cet accord n’est pas « le but final des relations UE-Ukraine » Les 28 se sont aussi penchés sur la politique du Partenariat Oriental, cherchant à l’améliorer. Les ministres ont commenté deux documents internes, proposant des idées pour relancer la coopération actuelle avec la Géorgie, la Moldavie, l’Ukraine ( les pays les plus avancés au niveau des discussions politiques et commerciales avec l’Union européenne ) ainsi qu’avec le Belarus, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ( qui se sont déjà tournés vers la Russie ).

Le 20 février, un Conseil extraordinaire des ministres des Affaires étrangères a été convoqué à la demande de Catherine Ashton et l’Union européenne a adopté sa première réponse politique aux violences. Les conclusions du Conseil donnent un feu vert politique à des sanctions à l’égard des auteurs des violations de droits humains : gel des avoirs, interdiction de visa dans l’Union européenne, suspension des licences d’exportation pour les équipements utilisés pour la répression intérieure. En parallèle la mission des ministres allemand, polonais et français des affaires étrangères à Kiev s’est vue prolongée.

Le 21 février, les ministres allemand, polonais et français des Affaires étrangères ( Frank-Walter Steinmeier, Radoslaw Sikorski et Laurent Fabius ) ont négocié, au nom de l’Union européenne, un accord entre le président ukrainien Viktor Ianoukovitch et les manifestants à Kiev, pour mettre fin à la crise dans le pays. Il prévoyait notamment des réformes constitutionnelles ( une loi réactivant la constitution de 2004 devait être passée dans les 48 heures ), des élections présidentielles anticipées au plus tard en décembre 2014, et la formation d’un gouvernement d’union nationale dans les dix jours. L’accord stipulait que les armes illégales seraient remises au ministère de l’Intérieur dans les 24 heures suivant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. Les trois ministres se sont félicités de la signature de l’accord et ont appelé à « la fin immédiate » de la confrontation en Ukraine. L’appel a été repris par Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, qui exhorté toutes les parties « à faire preuve de courage et passer de la parole aux actes pour le bien de l’avenir de l’ Ukraine. ».

Le 27 février, les députés européens ont appelé l’ Union européenne à présenter au plus vite une offre d’aide financière à l’ Ukraine. Ils ont adopté une résolution commune dans laquelle ils demandent à la Commission et au Conseil qu’ils « présentent le plus rapidement possible, en coopération avec le FMI et la Banque mondiale, une aide financière à court terme et un mécanisme de soutien à la balance des paiements ».

Le 1er mars, une réunion d’urgence sur la situation en Ukraine s’est tenue au Conseil de sécurité de l’ONU. À l’issue des consultations, les 15 pays membres se sont quittés sans même une déclaration commune.

Le 3 mars, une réunion d’urgence des ministères des affaires étrangères des pays de l’Union européenne a eu lieu, où ont été évoquées de possibles mesures contre la Russie. Réagissant aux derniers évènements en Crimée où des troupes russes ont été déployées, les ministres ont rendu publique une déclaration commune dans laquelle ils indiquaient que « en l’absence de mesures de désescalade de la part de la Russie, l’UE devrait décider des conséquences sur les relations bilatérales entre l’UE et la Russie ». Ils ont aussi déclaré qu’il pourrait y avoir des conséquences sur « les discussions bilatérales avec les autorités russes sur les visas, de même que sur un nouvel accord de coopération ».

Le 5 mars, le président de la Commission européenne Jose Manuel Barroso a annoncé un paquet d’aide de 11 milliards d’euros de l’Union européenne pour soutenir l’Ukraine, d’ici 2020. Ce paquet comprend des prêts, des subventions, une assistance technique, la création d’une plateforme de coordination des donateurs et la perspective d’une application provisoire d’une zone complète de libre-échange.

Le 6 mars, une réunion extraordinaire du Conseil européen sur la situation en Ukraine demandée par Herman Von Rompuy, a eu lieu à Bruxelles. Les chefs d’ État et de gouvernement ont prévu une première série de sanctions à l’encontre de la Russie. Ils se sont mis d’accord sur un plan en trois phases. La première, prenant effet immédiatement, a consisté en la suspension des négociations sur la libéralisation des visas et de celles sur un nouveau partenariat économique entre l’Union européenne et la Russie. Par ailleurs, seconde phase : le dialogue et les négociations diplomatiques entre les gouvernements ukrainiens et russes devaient commencer rapidement et produire des résultats dans un délai limité ( sans échéances précises ), sous peine de nouvelles sanctions. Enfin, troisième phase : les chefs d’État et de gouvernement ont averti que si la Russie prenait d’autres mesures pour déstabiliser la situation en Ukraine cela aurait « des conséquences graves et importantes pour les relations entre l’Union européenne et la Fédération de Russie, qui incluront un large éventail de domaines économiques ».

Dans les conclusions qu’ils ont alors adoptées, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne ont par ailleurs réaffirmé leur intention de signer un accord d’association avec l’Ukraine. Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a précisé que les chapitres politiques de l’accord devraient être signés « avant les élections ukrainiennes du 25 mai ».

Le 17 mars, en l’absence de négociations bilatérales entre l’Ukraine et la Russie et face au refus de Moscou de revenir sur ses mesures d’annexion de la Crimée, les ministres des Affaires étrangères des Vingt-huit, réunis à Bruxelles, ont suivi la feuille de route de sanctions « à trois niveaux » et ont appliqué le « niveau 2 » à 21 ressortissants russes et criméens « responsables d’actions qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine ». Il s’agit notamment de responsables politiques de haut rang, de dirigeants militaires, de membres du gouvernement et du parlement. Ces personnes sont interdites de visa et leurs avoirs sont gelés. Les ministres des Affaires étrangères ont par ailleurs déclaré, que de nouvelles tentatives de déstabilisation de la situation en Ukraine conduiraient à des sanctions « de grande envergure » dans un large éventail de domaines économiques.

Le 19 mars a été décidé un programme d’assistance financière ( AMF ) d’ 1,61 milliard de dollars, qui sera versé à l’Ukraine en plusieurs tranches, sous conditions.

Le 20 et 21 mars s’est déroulé un Conseil européen consacré à l’Ukraine où un deuxième « avertissement » a été lancé à la Russie. Décidant d’une « riposte graduée » et dans le cadre de la « phase 2 » du plan de sanctions, les chefs d’État et de gouvernement ont ajouté 12 personnalités russes à la liste de leurs sanctions, limitées au gel d’avoirs et à l’interdiction de visas. En tout, 33 responsables ont été ciblés, dont le Premier ministre pro-russe de Crimée, le commandant de la Flotte russe de la mer Noire et, désormais, des personnes très proches de Vladimir Poutine. Aucune sanction économique contre la Russie n’a cependant, à ce stade, été décidée.

Le 21 mars a été signé le volet politique de l’accord d’association UE/Ukraine. Cette accélération de la procédure est avant tout symbolique de la détermination de l’Union à soutenir les dirigeants intérimaires de l’Ukraine dans leur volonté de rapprochement avec les valeurs européennes.

Le 24 mars, les dirigeants du G7 sont restés sur une ligne « attentiste » en matière de sanctions : s’ils ont annulé officiellement la réunion du G8 prévue avec la Russie en juin 2014 à Sotchi, concrétisant ainsi leur précédente menace, ils se sont abstenus de prendre des sanctions supplémentaires.

Le 14 avril à Luxembourg, face à l’escalade des tensions dans l’Est de l’Ukraine, le Conseil Affaires étrangères a pris la décision d’ajouter de nouveaux noms à la liste des Russes faisant l’objet d’un gel des avoirs et d’une interdiction de visa, et appelé Moscou à arrêter immédiatement « de nouvelles actions visant à déstabiliser l’Ukraine ». Il n’a pas été question de sanctions économiques. Les conclusions qu’ils ont adoptées à l’issue du Conseil répètent la menace déjà formulée par les chefs d’État et de gouvernement lors du Conseil européen des 20-21 mars dernier : « toute autre initiative que prendrait la Fédération de Russie pour déstabiliser la situation en Ukraine entraînerait, pour les relations entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la Fédération de Russie, d’autre part, d’autres conséquences d’une grande portée dans toute une série de domaines économiques ». Le Conseil a demandé à la Russie de rappeler ses troupes postées à la frontière ukrainienne et de retirer immédiatement le mandat du Conseil de la Fédération permettant d’utiliser la force sur le sol ukrainien. Le Conseil a également mandaté la Haute Représentante Catherine Ashton pour entamer des négociations quadripartites avec l’Ukraine, la Russie et les États-Unis, le 17 avril à Genève.

Lors de la session plénière du Parlement européen du jeudi 17 avril, les eurodéputés ont appelé l’Union européenne à prendre des mesures supplémentaires contre la Russie. Ils ont adopté une résolution ( 437 pour, 49 contre, 85 abstentions ) dans laquelle ils estiment nécessaire que le Conseil « renforce la deuxième phase des sanctions et qu’il se prépare à lancer la troisième phase des sanctions économiques, qui doit être enclenchée immédiatement ». Ils ont réitéré leur demande sur plusieurs points : un embargo sur les armes et les technologies à double usage, des mesures contre les entreprises russes notamment dans le domaine de l’énergie, et contre les investissements et avoirs russes détenus dans l’Union européenne. Enfin ils ont invité l’UE à revoir tous ses accords avec la Russie en vue de leur éventuelle suspension.

Le 17 avril à Genève une réunion de « crise » sur la situation en Ukraine a eu lieu en présence du secrétaire d’État américain, John Kerry, de ses homologues russe et ukrainien, Sergueï Lavrov et Andrii Dechtchitsa et de la Haute représentante pour la politique étrangère de l’UE, Catherine Ashton. Un accord sur une feuille de route pour une désescalade dans la crise ukrainienne a été trouvé. La déclaration commune signée par les quatre parties précise que « tous les groupes armés illégaux doivent être désarmés, tous les bâtiments occupés illégalement doivent être restitués à leurs propriétaires légitimes ». Lors de la conférence de presse, John Kerry a déclaré que « toutes les parties impliquées dans la crise ukrainienne ont exprimé leur accord sur des progrès pour réduire les violences » précisant que l’ensemble des participants demandent « à toutes les parties de s’abstenir d’actions violentes, d’actes d’intimidation ou d’actions provocatrices ». Le ministre russe Serguei Lavrov a indiqué que les parties établiront un dialogue pour assurer la protection des droits et des citoyens ukrainiens et que les manifestants prorusses ayant participé à l’insurrection contre le gouvernement de Kiev bénéficieront d’une amnistie.

Le 26 avril, lors d’une réunion du G7, les dirigeants des pays du G7 ainsi que Herman Van Rompuy et Jose Manuel Barroso, ont estimé que la Russie n’avait pris « aucune mesure concrète pour appliquer l’accord de Genève ». Ils se sont ainsi « engagés à travailler de toute urgence pour renforcer des sanctions et des mesures ciblées pour accroitre le coût pour la Russie de ses actions ». Les dirigeants ont cependant souligné que la voie diplomatique reste ouverte pour régler la crise.

Le 28 avril, lors d’une réunion exceptionnelle, les 28 ambassadeurs des États membres de l’UE ( Coreper ) ont décidé d’allonger la liste des personnalités russes sanctionnées ( quinze personnes supplémentaires ) par un gel des avoirs et une interdiction de visa. Aucune société russe n’a été ajoutée à la liste. La décision d’étendre les sanctions de « niveau deux » a fait suite au non-respect par Moscou de l’accord de Genève, et à l’enlèvement de huit observateurs de l’OSCE à Slaviansk le 25 avril par des séparatistes pro-russes. Cette riposte a été toutefois moins importante que celle des États-Unis qui ont décidé de cibler également 17 entreprises de l’entourage du Président Poutine ( notamment des banques et le directeur de l’entreprise pétrolière géante Rosneft ). Par ailleurs, et dans le cadre de son appui à Kiev, l’UE a signé un mémorandum d’entente avec l’ Ukraine sur un programme d’aide macro-financière de 1 milliard d’euros.

Le 12 mai à Bruxelles, les ministres des affaires étrangères de l’ UE ont décidé de sanctionner treize personnes supplémentaires, et pour la première fois deux sociétés, liés à la crise ukrainienne. Ils ont également élargi la base juridique des mesures restrictives de l’UE eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine : les « personnes associées à des actes ou des mesures menaçant la stabilité ou la sécurité en Ukraine et entravant les travaux des organisations internationales dans le pays, ainsi que les entités liées à ces personnes » pourront être visées. Pour pouvoir sanctionner des entités, le Conseil a fourni une base juridique pour le gel des avoirs « d’entités en Crimée et à Sébastopol qui ont fait l’objet d’une confiscation, ou d’entités ayant bénéficié de cette confiscation ». Ainsi, 61 personnes physiques et morales ukrainiennes et russes ont fait l’objet de mesures restrictives imposées par l’UE en raison de leur implication dans des actions qui menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine. Les ministres ont prévenu que de « futures mesures » cibleraient tous ceux qui tenteraient de nuire à l’organisation, le 25 mai, des élections en Ukraine. « L’Union européenne prêtera une attention particulière aux positions de tous les partis face à l’organisation d’élections présidentielles libres et justes lorsqu’elle décidera des futures mesures éventuelles », indiquent les conclusions. Les ministres ont également avalisé la feuille de route de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour la paix en Ukraine qui a été présentée par Didier Burkhalter, président en exercice de l’OSCE. Le plan en quatre points (non-violence, désarmement, dialogue et élections) « propose un moyen de désamorcer la situation » en Ukraine, selon M. Burkhalter. Avec, entre autres, une mission de plus de 1.000 personnes pour l’observation des élections présidentielles en Ukraine et une série de "réunions à haut niveau" pour trouver une solution politique à la crise.

Le 13 mai, La Commission européenne a signé un nouveau « contrat d’appui à la consolidation de l’État » avec le gouvernement intérimaire ukrainien, prévoyant un soutien financier qui doit aider Kiev à entreprendre d’indispensables réformes économiques et politiques. L’Union européenne espère que le programme, d’une valeur de 355 millions d’euros que compléteront 10 millions d’euros alloués à la société civile, soutiendra le processus de transition en Ukraine et contribuera à la lutte contre la corruption et à la réforme de l’État de droit.

Le 20 mai, La Commission européenne a versé une première tranche de prêt de 100 millions d’euros à l’Ukraine, relevant du programme d’assistance macrofinancière de 1,61 milliard au total décidé le 19 mars. Un montant de 500 millions devait suivre, une fois finalisées les procédures nécessaires en Ukraine.

Dans un rapport préliminaire publié le 26 mai, l’OSCE a déclaré que les élections présidentielles du 25 mai ont été « largement dans le sens des engagements internationaux » et qu’elles « ont respecté les libertés fondamentales, malgré le contexte sécuritaire hostile dans des régions de l’Est du pays ». « Ces élections ont prouvé l’esprit démocratique de la population ukrainienne », qui a eu l’occasion d’exprimer vraiment sa volonté par le scrutin, et qui a saisi cette occasion en majorité", a déclaré en conférence de presse, João Soares, coordinateur spécial de l’OSCE.

Le 26 mai, les Européens ont salué la tenue des élections présidentielles en Ukraine en parlant de « réussite » et félicité Petro Porochenko pour son élection dès le premier tour. Les Présidents de la Commission européenne et du Conseil européen ont publié un communiqué commun, dans lequel ils ont déclaré que la bonne tenue de ces élections était une « étape majeure vers le but visé, à savoir une désescalade des tensions et le rétablissement de la sécurité pour tous les Ukrainiens ». Ils se sont dits « impatients » de travailler en collaboration avec le nouveau Président et ont salué les déclarations de la Russie indiquant qu’elle respecterait la volonté des Ukrainiens et s’engagerait dans un dialogue avec ce nouveau Président. Le Président du Parlement européen, Martin Schulz a également félicité le peuple ukrainien.

Le 27 mai à Bruxelles, les 28 chefs d’États et de gouvernements de l’Union européenne réunis dans un diner informel ont appelé, dans une déclaration commune, la Russie à coopérer avec le nouveau Président ukrainien. Ils ont déclaré qu’ils attendent « de la Fédération de Russie qu’elle coopère ( avec lui ), qu’elle poursuive le retrait de ses forces armées de la frontière ukrainienne et qu’elle use de son influence sur les groupes armés afin qu’ils fassent baisser la tension dans l’Est de l’Ukraine ». La Russie devrait surtout « empêcher le passage de séparatistes et d’armes en Ukraine ». La réunion de l’UE n’a pas préconisé de nouvelles sanctions contre Moscou ( et ce malgré les violents combats de Donetsk opposant l’armée ukrainienne aux séparatistes soutenus par la Russie ). Mme Merkel a averti la Russie que d’autres sanctions pourraient être utilisées si Moscou se rendait responsable d’une escalade des tensions.

3. Le processus engagé

Pour ce qui concerne l’Ukraine, compte tenu des événements, le processus de signature de l’accord d’association a donc déjà été enclenché, puisque les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne ont signé avec le nouveau Premier ministre ukrainien, le 21 mars 2014 à Bruxelles, ses chapitres politiques, conformément à l’engagement qu’ils avaient pris le 6 mars. Cela a fait l’objet d’un point particulier dans les conclusions du Conseil européen du 20 mars 2014.

Ce volet politique est loin d’être le plus volumineux de l’accord, qui comporte 275 pages, et plus de 1 200 pages avec toutes les annexes. Sa signature dès le 21 mars dernier, évidemment très symbolique, vise à montrer la détermination de l’Union européenne à soutenir les dirigeants ukrainiens dans leurs aspirations pro-européennes.

Les chefs d’État et de gouvernement de l’Union se sont engagés à signer ultérieurement le reste de l’accord, notamment le volet commercial ( avec l’accord de libre-échange complet et approfondi ) et les chapitres relatifs à la coopération sectorielle et économique, après les élections présidentielles du 25 mai. Cela devrait donc être la dernière étape de la signature de l’accord dans son ensemble, qui pourra s’accompagner comme prévu de son entrée en vigueur provisoire ( dans l’attente de l’achèvement de la procédure de conclusion et ratification ).

Récemment, le Président nouvellement élu, M. Petro Porochenko, a affirmé son souhait de voir l’ensemble de l’ensemble de l’accord d’association signé le plus rapidement possible.

Bien entendu, il n’est pas question aujourd’hui de revenir sur notre approbation de principe donnée le 19 juin 2013 mais plutôt de la conforter, afin de réaffirmer notre solidarité vis-à-vis de l’Ukraine.

B. LE CONTENU DE L’ACCORD

L’accord tend vers l’association politique et l’intégration économique tout en permettant d’autres évolutions progressives. Il n’est cependant jamais question d’adhésion à l’Union.

L’association a pour objectifs principaux de favoriser un rapprochement graduel entre les parties sur la base de valeurs communes, de renforcer le dialogue politique, de promouvoir, préserver et consolider la paix et la stabilité aux niveaux régional et international, et de créer les conditions propices au renforcement des relations économiques et commerciales, pour que l’Ukraine ait progressivement accès à certains volets du marché intérieur de l’Union.

1. Les principes généraux et la coopération politique

Parmi les principes généraux de l’accord figurent plusieurs « éléments essentiels », dont la violation par l’une ou l’autre des parties pourrait entraîner l’adoption de mesures spécifiques de rétorsion, pouvant aller jusqu’à la suspension de son application. Il s’agit notamment du respect des principes démocratiques, des droits humains et des libertés fondamentales.

L’accord repose également sur d’autres principes généraux, qui se rapportent à l’économie de marché, à la bonne gouvernance, à la lutte contre la corruption, la criminalité transnationale organisée et le terrorisme, au développement durable et à la mise en place d’un multilatéralisme efficace.

L’accord définit les objectifs d’un dialogue politique approfondi et renforcé tendant à promouvoir une convergence graduelle sur les questions de politique étrangère et de sécurité, pour une participation sans cesse croissante de l’Ukraine à l’espace de sécurité européen. Il établit plusieurs forums de dialogue politique et prévoit le dialogue et la coopération en matière de réformes intérieures. À cela s’ajoutent des dispositions visant à favoriser des efforts communs pour promouvoir la stabilité régionale, la prévention des conflits, la gestion des crises, la coopération militaire et technologique, la lutte contre le terrorisme ainsi que la non-prolifération des armements.

Dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité, l’accord met tout particulièrement l’accent sur l’État de droit et le renforcement des institutions et des pratiques judiciaires.

Il établit un cadre de coopération en matière de migration, d’asile et de gestion des frontières, de protection des données à caractère personnel, de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ainsi que de politique de lutte contre les stupéfiants. Il comporte des dispositions sur la circulation des personnes, y compris sur la réadmission, l’assouplissement de la procédure de délivrance des visas et la mise en place progressive et en temps utile d’un régime de déplacement sans obligation de visa (pour autant que les conditions d’une mobilité bien gérée et sûre soient réunies). La question du traitement et de la mobilité des travailleurs est également abordée, de même que l’engagement à renforcer la coopération judiciaire en matière civile et pénale en recourant pleinement aux .instruments bilatéraux et internationaux pertinents.

L’accord prévoit des espaces de coopération et de dialogue à tous les niveaux, la mise en place de forums pour la société civile et une coopération parlementaire.

Il contient en outre des dispositions relatives au suivi, au respect des obligations et au règlement des différends (dont des dispositions distinctes pour ce qui est des questions commerciales).

Il envisage de nombreuses possibilités de coopération sectorielle et se concentre sur le soutien des réformes essentielles, la relance et la croissance économiques, la gouvernance et la coopération sectorielle dans plus de trente domaines (tels que l’énergie, les transports, la protection de l’environnement, la politique industrielle et en matière de petites et moyennes entreprises, le développement social et la protection sociale, l’égalité des droits, la protection des consommateurs, l’éducation, la formation et la jeunesse ainsi que la coopération culturelle).

2. L’établissement d’une zone de libre-échange

L’établissement d’une zone de libre-échange complet et approfondi est le pilier de l’accord, la majorité des articles y étant consacrée. En effet, l’Union européenne est le premier partenaire commercial de l’Ukraine : elle représente 31 % de ses échanges extérieurs, devant la Russie ( 20 % des échanges ). L’Ukraine est le 22ème partenaire commercial de l’Union ( 1,1 % des échanges ). Les principales exportations de l’Ukraine vers l’UE sont : le fer, l’acier, les produits miniers, les produits agricoles, et les machines. Les principales exportations européennes vers l’Ukraine sont les machines et l’équipement pour les transports, les produits chimiques, et les biens manufacturés (2).

Les négociations pour la mise en place de cette zone de libre-échange ont fait suite à l’adhésion de l’Ukraine à l’OMC en 2008. L’intégration économique poussée entre l’Union européenne et l’Ukraine qui résultera de l’accord d’association devrait être un facteur clé pour la croissance économique de l’Ukraine. C’est sur ce point que les pressions russes ont été les plus fortes, dans la mesure où la création d’une zone de libre-échange avec l’Union européenne va à l’encontre des ambitions russes de créer un espace eurasien qui puisse concurrencer l’Union européenne.

Les négociations de l’accord de libre-échange ont été difficiles, certains points ayant été particulièrement sensibles. Il s’agit d’un accord de libre-échange dit de nouvelle génération, en ce sens qu’il ne traite pas seulement des barrières tarifaires mais de l’ensemble des obstacles au commerce. Cet accord vise à supprimer les barrières entre l’Union et l’Ukraine et à favoriser la reprise de l’acquis communautaire par celle-ci, ce qui implique de la part de l’Ukraine des adaptations pour mettre au point des produits répondant à des normes plus rigoureuses, et des efforts pour améliorer les services aux citoyens.

Sur le volet tarifaire, la Commission des affaires européennes s’est déjà prononcée favorablement, le 9 avril dernier, sur une proposition d’acte communautaire visant à accorder, de façon anticipée, des réductions de droits de douane à l’Ukraine, dans l’attente de la signature de l’accord de libre-échange.

Cet accord prévoit une annulation de tous les droits de douane, après une période de transition maximale de quinze ans et des mesures de sauvegarde. Ainsi l’ensemble des produits industriels sera libéralisé, avec des périodes de transition asymétriques en faveur de l’Ukraine pour les automobiles. En mai 2012, l’Ukraine avait demandé à l’Organisation mondiale du commerce une augmentation de ses lignes tarifaires sur un large éventail de produits importés ( pour une valeur de 4,6 milliards de dollars ), démarche sur laquelle l’Union européenne avait exprimé son inquiétude comme l’ensemble des pays membres de l’OMC, qui craignaient que les demandes de l’Ukraine n’entraînent une vague de mesures protectionnistes dans le monde. L’accord de libre-échange a résolu le problème pour les automobiles. L’article 44 de l’accord d’association prévoit ainsi le droit de l’Ukraine à adopter des mesures de sauvegarde sous forme de droits à l’importation plus élevés sur les voitures particulières en provenance de l’Union européenne, si certaines conditions sont satisfaites.

La libéralisation tarifaire des produits agricoles est prévue, mais sous une forme limitée pour les produits agricoles sensibles ( produits laitiers, huile ). L’ Ukraine a accepté les propositions européennes d’accès au marché agricole, notamment sur les quotas et la fin des droits de douane ukrainiens à l’exportation sur les céréales. Rappelons qu’en 2010, l’Ukraine avait appliqué des mesures de restrictions à ses exportations de blé, ce qui était de nature à contribuer à une plus grande volatilité sur les marchés agricoles européens et mondiaux.

L’accord prévoit une protection complète de toutes les indications géographiques agricoles ( pas seulement en ce qui concerne les vins et spiritueux ), sur une période de dix ans. Cette question des indications géographiques intéresse particulièrement la France car il est produit en Ukraine des boissons dénommées Cognac, Champagne ou Cahors. Ces vins sont largement distribués et appréciés en Ukraine et les Ukrainiens comprennent mal qu’il puisse s’agir d’une usurpation d’appellations d’origine contrôlée. Un compromis a été trouvé : Kiev a mis fin aux usurpations d’indications géographiques en échange de périodes de transition et d’une assistance technique pour mieux vendre ses produits en Europe. Des consultations régulières pourront ajouter d’autres produits à la liste des indications géographiques protégées. Cela pourra être le cas du Cahors utilisé lors des cérémonies orthodoxes et pour lequel une solution à moyen terme devra être trouvée.

L’accord comprend un chapitre ambitieux en matière d’énergie et de sécurité énergétique, un des objectifs étant de garantir la sécurité du réseau ukrainien de transit du gaz naturel. L’Ukraine est un pays de transit clé pour les ressources énergétiques de la Russie vers l’Union, en particulier pour le gaz : en effet 20 % du gaz consommé dans l’Union européenne passe par l’Ukraine. Des mesures seront appliquées pour assurer la liberté de transit et pour garantir la sécurité des approvisionnements, en réduisant les risques d’interruption de services.

Les prestations de services seront libéralisées et la liberté d’établissement réciproque est prévue, avec certaines restrictions.

S’agissant des obstacles techniques au commerce, l’accord prévoit un alignement de l’Ukraine sur les règlements et standards techniques européens, notamment en matière de normes sanitaires et phytosanitaires. Des négociations en vue d’un accord sur l’évaluation de la conformité et l’acceptation des produits industriels permettront de garantir que, dans des secteurs spécifiques, la législation et les systèmes de surveillance du marché ukrainien seront compatibles avec ceux de l’Union, afin que les échanges commerciaux entre les parties se déroulent dans les mêmes conditions qu’entre les États membres de l’Union.

L’ouverture et la transparence des marchés publics sont prévues avec un alignement de la législation ukrainienne sur l’acquis communautaire à l’issue d’une période de transition. Les fournisseurs et les prestataires de chaque partie bénéficieront ainsi d’un accès aux marchés publics de l’autre partie, sauf en ce qui concerne le secteur de la défense.

L’Ukraine alignera son droit de la concurrence et ses pratiques en la matière sur l’acquis de l’Union européenne.

La section de l’accord consacrée aux subventions est particulièrement importante car l’Ukraine s’engage à adopter un système interne de contrôle des aides d’État, similaire à celui qui est utilisé dans l’Union, ainsi qu’à instituer une autorité indépendante chargée d’effectuer ces contrôles.

Dans le chapitre « Commerce et développement durable », sont inscrits des engagements concernant le respect des normes multilatérales en matière de travail et d’environnement (principes directeurs de l’OCDE et normes de l’Organisation internationale du Travail), de même qu’un engagement de ne pas s’abstenir d’appliquer ces normes ou d’y déroger d’une manière qui affecte le commerce ou les investissements entre les parties.

Des procédures, inspirées de l’accord de l’OMC sur le règlement des différends, devraient permettre de résoudre les différends commerciaux, notamment en offrant à la partie lésée la possibilité d’imposer des sanctions proportionnées, des procédures plus rapides étant prévues en cas de différends urgents touchant au domaine de l’énergie.

En tant que pilier de l’accord d’association, la zone de libre-échange approfondi et complet devrait créer des perspectives commerciales aussi bien dans l’Union qu’en Ukraine, et favoriser une véritable modernisation de l’économie et une intégration réelle dans l’Union. Ce processus devrait permettre de mettre au point des produits répondant à des normes plus rigoureuses, d’améliorer les services aux citoyens et de faire de l’Ukraine un concurrent efficace sur les marchés internationaux.

II. LA GÉORGIE

La dislocation de l’URSS a considérablement modifié la carte de l’Eurasie, donnant naissance en 1991 à quinze États indépendants et souverains constitués sur la base des anciennes républiques soviétiques.

Avec le partenariat oriental, l’Union européenne visait à arrimer six anciens pays du bloc soviétique au bloc occidental. Des six pays initialement prévus – Ukraine, Arménie, Biélorussie, Moldavie, Géorgie, Azerbaïdjan – il ne reste que la Géorgie et la Moldavie, les deux pays les plus pro - occidentaux de l’ancienne sphère soviétique. Ce recul du partenariat oriental témoigne de la vivacité de la rivalité géopolitique aux portes de l’Europe, que l’on pensait révolue depuis la chute du mur de Berlin.

Au projet européen qui ambitionne d’étendre progressivement ses normes de droit et de gouvernance dans son voisinage, la Russie oppose une union eurasienne, plus fondée sur la coercition, l’allégeance et la force. De ce fait, l’épreuve de force autour de la Géorgie et de la Moldavie dépasse largement le poids démographique et économique de ces deux petits pays comptant moins de quatre millions d’habitants chacun.

La Géorgie est un pays caucasien et la Moldavie un pays slave mais ces deux pays ont en commun d’avoir connu une transition post soviétique difficile.

Patrie de Staline, la Géorgie qui joua un rôle si important dans l’ensemble soviétique, constitue un des exemples les plus pertinents des difficultés provoquées par une « sortie d’empire » à laquelle près de deux siècles passés au sein de « l’empire russe » l’avaient mal préparée. C’est en effet en 1793 que la Géorgie orthodoxe est venue se placer sous protectorat de la Russie, devant la menace des puissances musulmanes - ottomane et persane.

Ces deux pays partagent aussi les inquiétudes au sujet de la crise ukrainienne. La Géorgie sait jusqu’où peuvent aller les Russes : le parallèle entre la situation en Ukraine et la guerre éclair de 2008 en Géorgie est inévitable.

Dans un contexte marqué par des relations post coloniales dégradées avec la Russie, la Géorgie a fait du rapprochement européen et euro-atlantique une priorité absolue. Cette orientation structure toutes ses politiques, tant sur le plan international que sur le plan domestique en vue d’intégrer l’acquis communautaire.

L’accord d’association, paraphé lors du sommet du Partenariat oriental de Vilnius, fin novembre 2013, devrait être signé dès la fin juin 2014, l’ Union européenne souhaitant symboliquement accélérer le processus. Face aux craintes que font peser les événements en Ukraine, il s’agit d’arrimer rapidement le pays à l’Union européenne. Ce processus d’association ne doit toutefois pas être analysé comme une première étape vers l’adhésion.

A. UNE SITUATION POLITIQUE MOUVEMENTEE, EN VOIE DE STABILISATION ET UNE SITUATION ECONOMIQUE EN ESSOR MAIS FRAGILE

1. Un contexte politique et territorial complexe, une première transition démocratique en 2012

a. Un pays ayant connu une transition post soviétique difficile

La transition post soviétique a été pour le moins difficile et les premières années de l’indépendance géorgienne ont été marquées par des violences.

À la fin des années 80 et au début des années 90, après la déclaration de l’indépendance, le 9 avril 1991, la Géorgie a vécu une période de troubles et de violences politiques caractérisée par l’exacerbation des nationalismes et par des mobilisations populaires massives. Le pays a connu une guerre civile, qui a abouti au renversement du président nationaliste Gamsakhourdia et en 1992, au retour de Chevardnadze, ancien premier secrétaire du Parti communiste géorgien et ministre des affaires étrangères de l’URSS.

Cette guerre civile s’inscrivait un contexte politique et territorial complexe. En effet, en accédant à l’indépendance à la suite d’un mouvement national fort, la Géorgie a hérité des frontières tracées dans le cadre de la politique soviétique d’aménagement du territoire. Toutefois, à la différence des Républiques d’ Asie centrale, le pays revendiquait une continuité avec la première indépendance de la Géorgie moderne et s’appuyait sur une rhétorique valorisant une histoire de plusieurs siècles et soulignant l’unité de la nation géorgienne. En dépit de cet ancrage historique et territorial, la Géorgie a été confrontée à l’héritage de la politique des nationalités conduite par les autorités tsaristes puis soviétiques. Les autorités ont dû composer avec la présence de plusieurs entités autonomes dont l’existence tenait à la construction de catégories nationales et à la territorialisation de la reconnaissance de droits aux nationalités : les républiques autonomes d’ Abkhazie et d’Adjarie et la région autonome d’ Ossétie du Sud.

b. Un pays en voie de stabilisation démocratique

Après la guerre civile, le président Chevardnadze a réorganisé les pouvoirs centraux, désarmant les milices et renforçant le régime présidentiel qui a progressivement pris le pas sur le pouvoir des clans. Si le pouvoir fort de M.Chevardnadze était accepté dans un contexte de guerre civile, il fut contesté par la suite. En novembre 2003, la « révolution des roses » a conduit au pouvoir Mikheïl Saakachvili ( élu chef de l’État en janvier 2004 et réélu en 2008 ), jeune président pro-occidental formé en France et aux États- Unis. Il s’agissait de la première révolution de couleur démocratique dans l’espace post soviétique avant la révolution orange d’Ukraine en décembre 2004.

Le conflit armé avec la Russie en août 2008 a temporairement rassemblé l’ensemble des forces politiques autour du chef de l’exécutif. Toutefois, cette union nationale a fait long feu. Certaines figures de l’opposition ont rendu le président Saakachvili en partie responsable du déclenchement des hostilités mais sa légitimité était déjà contestée lors de manifestations en 2007 qui avaient provoqué la tenue d’élections présidentielles et législatives anticipées en 2008 dont les résultats avaient été contestés par les partis de l’opposition.

Les élections législatives du 1er octobre 2012 ont vu une large victoire de la coalition d’opposition «  Rêve géorgien », emmenée par le milliardaire Bidzina Ivanichvili qui avait été déchu de sa nationalité géorgienne3 ( 54,97 % des suffrages contre 40,34 % pour le mouvement national uni ). Ce scrutin a marqué une étape importante dans la consolidation de la république géorgienne, avec une première alternance démocratique depuis l’indépendance.

Le deuxième mandat du président Saakachvili expirant en 2013, il s’en est suivi une période de cohabitation houleuse entre le président et le premier ministre Ivanishvili à laquelle a mis fin l’élection présidentielle du 27 octobre 2013. La coalition «  Rêve géorgien » a remporté les élections dès le premier tour avec 62 % des suffrages. Si le scrutin a été jugé transparent, bien administré et concurrentiel par la mission d’observation du bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE ( Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ), il a été marqué par une faible participation, de l’ordre de 47 %, en deçà des scrutins de 2008 (54 %) et de 2012 (60 ,8 %). M.Gharibachvili a succédé en novembre 2013 à M.Ivanichvili au poste de premier ministre, ce dernier se retirant officiellement de la politique. Le nouveau président, M.Margvelachvili, professeur de philosophie et néophyte en politique, est un président tout en discrétion, ce qui correspond au rôle présidentiel restreint résultant de la révision constitutionnelle votée en 2011 et entrée en vigueur en 2013, qui fait de la Géorgie un régime parlementaire dans lequel le premier ministre dispose de l’essentiel des pouvoirs exécutifs.

2. Une transition vers une économie néolibérale, fragile et fortement dépendante de l’étranger

La Géorgie est un territoire montagneux, situé en plein cœur du Caucase. Bordée à l’Ouest par la mer noire et placée sur la route menant à la mer caspienne, la Géorgie est un territoire de passage. Elle s’appuie sur une grande tradition agricole et vinicole et bénéficie d’un potentiel dans le secteur énergétique (hydroélectricité) et le tourisme.

a. La fin d’une république soviétique relativement prospère

Du temps de l’Union soviétique, la Géorgie tirait son prestige de ses centres de recherche, de son enseignement supérieur de haut niveau, de ses lieux de villégiature pour la nomenklatura venue de Moscou. Plus encore, elle disposait d’une industrie relativement performante qui formait un maillon important dans le système de production soviétique.

Mais si la Géorgie comptait parmi les pays les plus prospères de l’URSS, ce fut essentiellement grâce à son secteur agricole, fournisseur attitré de Moscou pour le vin, l’eau minérale, le thé, les agrumes, etc. La fin de l’Union soviétique devait sonner le glas de la coopération sous-régionale, se traduire par le démantèlement des infrastructures de transport et révéler les faiblesses structurelles de l’économie géorgienne. Le conflit de 2008 a marqué une rupture des relations entre les deux pays. L’embargo de la Russie sur les vins, qui en 2006 avait fait perdre aux viticulteurs géorgiens leur principal marché, entrainant un manque à gagner de 50 millions de dollars, a été renforcé et élargi. L’accession de la Russie à l’ OMC en 2012 a contraint néanmoins les deux pays à s’ouvrir à certaines formes de coopération : la Russie a ainsi décidé de lever l’embargo sur l’eau et le vin en février 2013 et depuis, les ventes de vins géorgiens sur le marché russe ont explosé.

b. La transition vers une économie néo-libérale fragile

La volonté libérale affirmée en matière économique a été un des volets pour s’arrimer au bloc européen. Membre de l’OMC depuis 2000, le gouvernement a introduit une série de réformes (lutte contre la corruption, protection des investisseurs, simplification fiscale) afin d’attirer les investisseurs étrangers. Ces efforts ont payé puisque la Géorgie est passée de la 112e place à la 9e place du « Ease of doing business indicators »(EDBI) de la Banque mondiale en 2013 - il est plus facile d’entreprendre en Géorgie qu’en France, en Suisse ou au Luxembourg - et du statut d’État défaillant à celui d’un État noté B plus par l’agence de notation Standard and Poor’s.

Cet enthousiasme doit cependant être nuancé. La Géorgie ne se situe en 2013 qu’à la 51e place sur 180 en matière de lutte contre la corruption selon le classement réalisé par Transparency International (68e en 2011).

Par ailleurs, la dynamique de croissance du pays a connu une phase de décélération. Après une année 2009 difficile (recul de 3,9 % du PIB) due au double choc du conflit de 2008 et de l’embargo russe et de la propagation de la crise mondiale, la Géorgie a connu une forte croissance : plus 6,3 % en 2010, plus 7 % en 2011, et plus 6,1 % en 2012. En 2013, la croissance n’a été que de 2,5 %.

De plus, la sortie de crise a été largement soutenue par l’aide financière internationale et par les envois de fonds des travailleurs étrangers. Le taux de chômage est de 15 %, l’inflation de moins 2 % et la croissance démographique est négative (moins 0,327 %).

Enfin, la dynamique de croissance repose largement sur les investissements étrangers et le secteur des services (qui représente plus de 60 % du PIB) au détriment du secteur industriel et du secteur agricole, celui-ci constituant pourtant un avantage comparatif potentiel pour ce pays. La Géorgie est handicapée par l’étroitesse de sa base industrielle. En fait, l’EDBI a été utilisé pour promouvoir la marque « Géorgie » pour attirer les investisseurs étrangers, ce qui a eu pour conséquence de faire sauter à ce pays les étapes du développement. De plus, le développement de la Géorgie pâtit de la faible productivité agricole et du poids de la population rurale qui conduit à un mouvement inexorable d’exode rural et une hypertrophie de la capitale Tbilissi. Les pouvoirs publics géorgiens souhaitent encadrer ce mouvement en favorisant le développement des villes moyennes, notamment au moyen de zones franches.

3. Le rapprochement européen et euroatlantique : une priorité absolue et structurante pour la Géorgie

Dès 2003, la Géorgie a fait le choix stratégique de la démocratie et du rapprochement avec l’Union européenne et l’OTAN. Par ailleurs, les relations avec la Russie apparaissent durablement entachées, suite à la guerre de 2008.

Cependant, cette appréciation doit être nuancée. Le rapprochement avec l’OTAN ne va pas de soi, du côté des occidentaux. S’agissant des relations avec la Russie, les ponts ne sont pas tous coupés et la nouvelle majorité géorgienne tente de mener une nouvelle politique d’apaisement des relations avec ce pays dans le respect de la ligne rouge de la non reconnaissance du statut étatique des deux entités séparatistes.

a. Une position prooccidentale géopolitique et consensuelle des institutions et de la population géorgienne

Depuis la « révolution des roses », la Géorgie a fait le choix stratégique du rapprochement avec l’Union européenne et l’OTAN. Cette option, jusqu’à ce jour, fait l’objet d’un consensus à la fois des autorités politiques (Parlement) et de la population. La politique menée par Saakachvili depuis 2004 n’a pas été remise en cause. Lors du référendum en 2008, les électeurs se sont déclarés en faveur de l’ adhésion de la Géorgie à l’OTAN. L’alternance politique de 2012 n’a pas entrainé de modification sensible quant à la volonté de s’arrimer au bloc politique européen. C’est là une des différences avec un pays comme l’Ukraine au sein duquel le débat est plus vif au sein de la population qui exprime certains ressentiments vis-à-vis du bloc occidental.

La position prooccidentale de la Géorgie est donc une position géopolitique adoptée dans le pays de façon consensuelle. Toutefois, certaines résistances se font toutefois jour, notamment celle de l’église orthodoxe – deuxième acteur le plus puissant après les autorités étatiques- qui soulève certaines inquiétudes sur les problématiques sociétales (mariage homosexuel notamment) afin de protéger «  la moralité publique ». Cependant, le patriarche a déclaré que la culture européenne était celle qui était la plus proche des géorgiens.

b. L’adhésion à l’OTAN, vue comme une garantie de sécurité par la Géorgie mais soumise à conditions de la part des occidentaux

Les États- Unis et l’Union européenne disposent ainsi d’un allié fidèle dans le Caucase.

La Géorgie est membre du partenariat pour la paix depuis 1994 et bénéficie du programme «  Formation et équipement » depuis 2002. En septembre 2008, l’OTAN et la Géorgie ont créé la Commission OTAN-Géorgie, chargée d’une part de superviser l’aide que l’OTAN apporte à la Géorgie à la suite du conflit avec la Russie et , d’autre part , de jouer un rôle central dans la supervision du processus engagé au sommet de Bucarest en avril 2008 au cours duquel les dirigeants ont décidé que la Géorgie avait « vocation à rejoindre l’alliance atlantique » et  deviendrait membre de l’OTAN. Au sommet de Chicago en 2012, les dirigeants alliés des pays de l’OTAN ont réaffirmé tous les éléments de leur décision prise à Bucarest et se sont félicités des progrès accomplis par la Géorgie. Par la suite, les élections législatives et présidentielles d’octobre 2012 et 2013 ont été saluées comme une nouvelle avancée sur la voie du respect des normes euro atlantiques.

Le soutien de la Géorgie aux opérations dirigées par l’OTAN est un domaine de coopération important. La Géorgie est actuellement, parmi les pays non OTAN, le plus gros fournisseur de troupes à la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) en Afghanistan, et elle continue de servir de pays de transit pour l’approvisionnement de la Force. Le pays s’est également déclaré disposé à participer à la mission de suivi post-2014 - Resolute Support – destinée à offrir formation et assistance aux forces de sécurité afghanes, lorsque le transfert aux Afghans de l’entière responsabilité de la sécurité aura été mené à bien à la fin de 2014, au terme de la mission de la FIAS. La Géorgie soutient en outre l’opération de surveillance maritime que l’OTAN mène en Méditerranée à des fins de lutte contre le terrorisme, « Active Endeavour ».La Géorgie a proposé de participer à la Force de réaction de l’OTAN et devrait y apporter une contribution en 2015.

Il s’agit toutefois d’un allié dont le crédit a été affecté par la guerre de 2008. En effet, sans remettre en cause le soutien des puissances occidentales, les événements de l’été 2008 ont suscité une réflexion sur la nature de l’alliance à construire avec la Géorgie. Des réticences sont apparues dans les chancelleries occidentales devant la perspective d’intégrer dans l’OTAN et dans l’Union européenne un pays dont la situation est potentiellement instable. Ainsi, le secrétaire général adjoint de l’OTAN, tout en rappelant l’engagement que la Géorgie devienne tôt ou tard membre de l’alliance, déclarait-il en mars 2013, que « la Géorgie devait manifester son attachement infaillible aux réformes démocratiques et montrer qu’elle apporte une contribution positive à la paix et à la sécurité dans le monde ».

Le gouvernement géorgien est actuellement très préoccupé par la crise ukrainienne et plus généralement par la politique étrangère russe dans sa périphérie, ce qui lui donne des arguments pour appuyer sa demande d’adhésion à l’ OTAN. Le gouvernement géorgien fait le parallèle –inévitable- entre la situation de 2008 quand les chars russes avaient envahi la Géorgie. Le président géorgien a ainsi déclaré le 13 mai « l’Ukraine se trouve dans la même situation que celle que nous avons connue en 2008 ». Le ministre de la défense géorgien a demandé la protection de l’OTAN et a récemment plaidé à Washington pour que l’OTAN déploie des éléments militaires en Géorgie.

La Géorgie a par ailleurs préparé une requête pour accélérer son adhésion. Début septembre 2014 au sommet des États membres de l’alliance au Pays de Galles, la Géorgie peut espérer obtenir un plan d’action pour l’adhésion à l’ OTAN (MAP), dernière étape avant l’adhésion d’un pays candidat. Les pays les plus réticents à cette adhésion sont la France et l’Allemagne. Ainsi, lors de sa visite officielle du 13 mai 2014, le Président François Hollande n’a pas donné à la Géorgie le soutien recherché dans son projet d’adhésion à l’OTAN, encore plus perçu dans ce pays, depuis les événements d’Ukraine, comme la seule garantie de sécurité face aux menaces russes. Réticent à cette intégration, le Président français a simplement indiqué que « le rapport » entre la Géorgie et l’OTAN devra être précisé lors du sommet de l’Alliance de septembre 2014.

c. Un choix européen ancien et résolu

Les relations entre l’Union européenne et la Géorgie ont débuté dès 1992, après que le pays ait retrouvé sa souveraineté à la suite de l’éclatement de l’Union soviétique. Elles se sont intensifiées depuis la « révolution des roses » de 2003. Les relations bilatérales Union européenne-Géorgie sont régies par un accord de partenariat et de coopération (APC) entré en vigueur le 1er juillet 1999. La Géorgie bénéficie depuis 2009 de la politique européenne de voisinage et du partenariat oriental. Sur le terrain, l’Union européenne a déployé sa première mission civile « État de droit » dans le cadre de la PSDC (politique de sécurité et de défense), EUJUST THEMIS, en 2004 ainsi que la mission de surveillance de l’Union européenne à la suite du conflit armé de 2008 avec la Russie.

Par ailleurs, pour pouvoir entamer les négociations sur la zone de libre-échange, la Géorgie a réalisé des réformes d’envergure dans des domaines essentiels pour le commerce et l’investissement, notamment dans le domaine des réglementations techniques, des normes d’hygiène applicables aux produits agricoles ( mesures sanitaires et phytosanitaires ), de la protection des droits de propriété intellectuelle et des règles de concurrence. Engagé dans ce processus, le pays a pu compter sur l’aide de l’Union européenne, qui lui a fourni une assistance technique dans le cadre de l’instrument européen de voisinage et de partenariat et du programme global de renforcement des institutions, ainsi que sur le soutien d’États membres.

Suite au conflit de 2008, la gestion des frontières se trouve également au cœur des relations entre Géorgie et Union européenne. Cette question va de pair avec la relation de la Géorgie aux droits humains, droits sans lesquels un rapprochement avec l’Union européenne ne peut être envisagé. Le 11 juillet 2013, l’ Union européenne a choisi de renforcer son soutien à la Géorgie pour faciliter la circulation des personnes et des marchandises et la rendre plus sûre. Le nouveau programme de quatre ans est doté d’une enveloppe de 16 millions d’euros. La bonne gouvernance et le respect des droits de l’homme sont intégrés dans ce nouveau programme, avec notamment pour objectif d’aider le gouvernement à lutter contre la criminalité transfrontière et la traite des êtres humains. Cette initiative traduit le principe « donner plus pour recevoir plus » instauré dans le cadre du programme d’intégration et de coopération du Partenariat oriental4 : plus les réformes réalisées par un pays en matière de démocratie et de droits de l’ homme progressent vite et bien, plus ce pays recevra une aide importante de la part de l’Union.

4. Une situation post coloniale dégradée avec la Russie, une rupture durable, des tentatives limitées de normalisation

La Géorgie est un pays du Caucase, lieu de rivalités géopolitiques mondiales : situé dans une zone sismique de première importance, le Caucase est aussi un lieu de grandes convulsions politiques. La Géorgie se situe par ailleurs sur la route des hydrocarbures.

Les relations entre la Géorgie et la Russie doivent être resituées à la lumière des tentatives d’insertion croissante de l’espace caucasien dans l’espace russe. De même, pèsent dans cette région, les rivalités géopolitiques entre les États-Unis et la Russie, notamment économiques pour l’exploitation et le contrôle des ressources dans le domaine de l’énergie5. Du fait de l’enclavement des gisements caucasiens et centre asiatiques, la maîtrise des exportations des hydrocarbures de la Caspienne par le Caucase est un des éléments du « Grand jeu ».

a. Une dégradation tendancielle des relations

Depuis le démantèlement de l’URSS, la Russie et la Géorgie n’ont pas construit de relations bilatérales apaisées, en raison de leurs ambitions géopolitiques divergentes. Les autorités russes souhaitent conserver  un rôle dominant dans le Caucase du Sud, en dépit de la rétraction de l’aire de compétence du pouvoir de Moscou à la suite de la disparition de l’URSS, mouvement de repli qui s’inscrit dans une dynamique plus globale de recul de l’influence russe dans cette région où la population de nationalité russe voit sa part reculer. De son côté, la politique étrangère de la Géorgie vise à s’affranchir de la Russie, reposant sur une doctrine indépendantiste et de recherche de partenariats occidentaux, malgré l’adhésion de la Géorgie à la CEI6 (Communauté des États indépendants) en1993 (cette adhésion ayant pris fin en 2009). De ce fait, les liens se sont distendus, d’autant que l’approvisionnement des forces tchéchènes a largement transité par le territoire géorgien.

Les tensions entre les deux États sont apparues à l’occasion du partage des infrastructures et du démembrement des institutions soviétiques. La « républicanisation » de l’industrie ou des transports, menée suivant le principe de l’attribution aux nouveaux pays indépendants des équipements présents sur leur territoire, ont donné lieu à des accords internationaux. En raison de la situation géostratégique de la Géorgie, le domaine militaire a été source de tensions particulières. La Géorgie comprenait plusieurs installations militaires importantes ; Tbilissi était notamment le siège du commandement militaire soviétique sur la Transcaucasie. Ce n’est qu’en 2005 qu’a été signé le retrait des troupes soviétiques de deux bases géorgiennes.

Pour régler ses nombreux différends avec la Géorgie, la Russie a eu recours de façon répétée à des pressions et sanctions, sans exclure la possibilité de faire usage de la force. Cette politique et des provocations réciproques ont conduit à une dégradation des relations, accentuée par l’arrivée au pouvoir de M. Saakachvili. En 2006, en réponse à l’arrestation de militaires accusés d’espionnage, la Russie a suspendu les liaisons aériennes et routières en provenance ou à destination de la Géorgie ainsi que les transferts d’argent des migrants. Cet embargo a également porté sur les importations de produits géorgiens (Vins et eaux). Actuellement, aucun train, ni avion ne relient les deux pays. Cet embargo a eu des conséquences économiques, notamment sur le secteur agricole géorgien qui emploie 400 000 personnes.

b. Le conflit de 2008 en Ossétie et en Abkhazie : un point de rupture majeure entre la Géorgie et la Russie

La guerre de 2008 n’est que la continuation de conflits de longue date et à répétition.

Les séparatismes sud ossète et abkhaze se sont en effet manifestés dès le début du vingtième siècle et les années 90 ont connu une exacerbation de ces nationalismes. En 1922, l’oblast7 autonome d’ Ossétie du Sud est créé au sein de la république soviétique de Géorgie. En 1991, la république de Géorgie devenue indépendante révoque l’autonomie de l’Ossétie du Sud. Un conflit armé a lieu entre janvier 1991 et juin 1992  opposant des milices ossètes qui réclament l’ unification de l’Ossétie du Sud avec l’Ossétie du Nord qui fait partie de la Russie et l’armée géorgienne. Un traité de paix a été signé entre la Géorgie et la Russie le 26 juin 1992 et une commission trilatérale (Ossétie, Géorgie et Russie) a été créée pour décider du statut de cette région. En 1992, l’Ossétie du Sud a proclamé son indépendance et fait sécession avec la Géorgie sur la base d’un référendum non reconnu par la communauté internationale. La Russie ne reconnaitra alors pas l’indépendance de l’Ossétie du Sud. La Géorgie rentrera également en conflit avec une autre région sécessionniste, l’Abkhazie. Des incidents frontaliers entre les forces géorgiennes et sud-ossètes eurent lieu régulièrement jusqu’à la révolution des roses.

La Géorgie porte une part de responsabilité dans la gestion des autonomies. En effet, depuis 2003 et l’arrivée au pouvoir de M. Saakachvili, les autorités géorgiennes ont conduit une politique de modernisation et d’unification de l’État. Fondamentalement, elles considèrent que la modernisation de l’état, condition de sortie de la crise post soviétique, implique l’exercice de la souveraineté pleine et entière de Tbilissi sur l’ensemble des territoires géorgiens et la maîtrise de ses périphéries. Cette orientation s’est traduite par une remise en cause de l’autonomie concédée à plusieurs régions durant la présidence de Chevardnaze, ce qui a augmenté les tensions entre les parties, qui se sont notamment manifesté lors de graves accrochages en 2004.

De son côté, Moscou créa une situation inédite en Ossétie du Sud en proposant depuis 2002 aux habitants des passeports russes en application de la loi sur la nationalité de la Fédération de Russie qui stipule que tout citoyen de l’URSS n’ayant pas accepté la nationalité de son nouveau pays et se trouvant de ce fait apatride, peut demander la nationalité de la Fédération de Russie.

Même si les tensions frontalières diminuèrent, la Russie et la Géorgie qui bénéficiait du soutien des États-Unis, se préparaient à la guerre au sujet des deux régions séparatistes géorgiennes. Les experts indépendants estiment que Moscou voulait la guerre et s’y préparait depuis avril 2008 quand, après avoir annoncé que la reconnaissance par la communauté internationale de l’indépendance du Kosovo allait créer un précédent, Vladimir Poutine a établi des relations officielles avec les deux régions séparatistes. Moscou n’attendait qu’un prétexte mais c’est la Géorgie qui a pris l’initiative des hostilités qui ont duré du 7 au 12 août. Au lendemain du conflit, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie ont déclaré leur indépendance qui n’est à ce jour reconnue que par la Russie, le Venezuela, le Nicaragua, Nauru et Tuvalu. La médiation de la présidence française de l’Union européenne a permis le 12 août 2012 de mettre fin aux combats et d’élaborer un accord en six points. Ont notamment été instituées les discussions de Genève. Coprésidées par l’ONU, l’OSCE ET l’Union européenne, elles sont le seul forum réunissant toutes les parties, y compris les représentants des autorités de facto abkhaze et sud-ossète.

Les conséquences de ce conflit ont été multiples. Elle a non seulement opposé les forces gouvernementales géorgiennes aux troupes séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie mais également, fait sans précédent, la Géorgie à la Russie. C’est la première fois que la Russie intervenait directement et militairement depuis l’invasion de l’Afghanistan en 1979. Par ailleurs, malgré un soutien aux autonomistes qui était conçu comme un instrument du maintien de l’influence de la Russie dans le Caucase du Sud, les autorités de Moscou s’étaient toujours prononcées contre la remise en cause de l’intangibilité des frontières (cette décision s’apparente pour de nombreux observateurs à une réponse à la reconnaissance de la souveraineté du Kosovo). Cette inflexion de la position russe était prémonitoire de ce qui allait se passer en Ukraine et en Crimée.

À moyen terme, la question se pose du rattachement des régions sécessionnistes géorgiennes à la Fédération de Russie en raison de la dynamique intégratrice russe sur leur frontière septentrionale. La Russie leur assure un soutien économique, le rouble est la monnaie officielle et l’assistance militaire est permanente.

Pour la Géorgie, ce conflit a eu des conséquences négatives. D’abord, il a acté une rétraction du territoire (la Géorgie a perdu 20 % de son territoire) et un échec de la politique d’unification géorgienne. La Géorgie, qui a pris l’initiative des hostilités, est dans une situation diplomatique délicate et le conflit n’est toujours pas résolu. Ainsi, la Géorgie a récemment accusé la Russie de déplacer sa frontière en Abkhazie de 11 kilomètres, violant ainsi la souveraineté géorgienne. Lors de son voyage officiel en Géorgie, le président François Hollande a rappelé le soutien de la France à l’intégrité territoriale de la Géorgie.

Cette instabilité diplomatique entraîne l’implication de l’Union européenne. Un représentant spécial de l’Union Européenne8 (RSUE) est délégué dans le Caucase du Sud, afin de promouvoir les intérêts de l’Union européenne et de soutenir les efforts déployés pour consolider la paix, la stabilité et l’État de droit dans cette région. À cela s’ajoute la Mission de surveillance de l’Union européenne (MSUE). Elle cherche à soutenir tous les efforts en vue d’une solution pacifique du conflit, notamment en surveillant le respect de « l’accord en six points »9. La MSUE est seule sur le terrain depuis le départ des missions ONU et OSCE. Son mandat a été prorogé à plusieurs reprises par le Conseil européen, et récemment jusqu’en décembre 2014, révélant que les effets du conflit de 2008 n’ont pas encore pris fin. Une conséquence supplémentaire du conflit est le déplacement de populations. En octobre 2012, le ministère géorgien des Déplacés des territoires occupés, du Logement et des Réfugiés (MRA) recensait encore 258 599 personnes déplacées sur l’ensemble du territoire contrôlé par les autorités géorgiennes, soit environ 6 % de la population totale. Néanmoins, face aux défis juridiques, administratifs et humanitaires posés par la présence de ces déplacés, la Géorgie a répondu de façon satisfaisante, selon l’OFPRA10. La législation nationale reprend très largement les normes internationales de protection en la matière.

c. Des tentatives limitées de normalisation

Même si les liens économiques sont très en deçà de ce qu’ils étaient avant la guerre de 2008, la Russie demeure un partenaire commercial non négligeable pour la Géorgie (7 % des importations géorgiennes viennent de Russie). Des entreprises russes disposent d’intérêts dans le pays, notamment dans le domaine de l’énergie. Par ailleurs, une part importante de la population géorgienne (environ 200 000) réside de façon permanente ou temporaire en Russie, assurant des transferts d’argent conséquents, ce qui est source de dépendance économique.

Pour œuvrer à ce rapprochement, des discussions informelles se tiennent entre les représentants spéciaux des deux pays. Ce rapprochement s’est concrétisé du côté russe par la levée en 2013 de l’embargo sur les eaux minérales, les vins géorgiens et quelques produits agricoles mais peine à trouver d’autres traductions. Une importante communauté géorgienne vit à Moscou. En 2012, la Géorgie a supprimé les visas touristiques.

La nouvelle majorité géorgienne mène une politique d’apaisement des relations avec ce pays dans le respect de la ligne rouge de la non reconnaissance du statut étatique des deux entités séparatistes.

B. UN ACCORD D’ASSOCIATION GLOBAL POUR RENFORCER LES RELATIONS ENTRE LA GEORGIE ET L’UNION EUROPÉENNE

Les relations entre l’Union européenne et la République de Géorgie sont actuellement fondées sur l’accord de partenariat et de coopération entré en vigueur en juillet 1999. Le 10 mai 2010, le Conseil a autorisé la Commission à ouvrir des négociations en vue de la conclusion d’un accord d’association global avec la Géorgie, comprenant un volet relatif à l’établissement d’une zone de libre-échange. Au terme de quatorze cycles de négociations, en mars 2013, l’ Union européenne et la Géorgie ont clôturé les négociations relatives à l’ accord d’association tandis que celles portant sur l’accord de libre-échange se sont terminées en juillet 2013. Le 29 novembre 2013, l’Union européenne et la Géorgie ont paraphé le texte de l’accord d’association, y compris le volet afférent à la zone de libre-échange. Aucune période transitoire n’est prévue pour l’entrée en vigueur de ce volet, contrairement à celui relatif à l’Ukraine.

L’accord d’association vise à accélérer l’approfondissement des relations politiques et économiques entre la Géorgie et l’Union européenne et à faire progresser l’intégration économique graduelle de la Géorgie dans le marché intérieur de l’Union européenne dans des domaines privilégiés, notamment grâce à la mise en place d’une zone de libre-échange approfondi et complet. Il représente une manière concrète d’exploiter la dynamique des relations entre l’Union européenne et la Géorgie, en mettant l’accent sur le soutien aux réformes essentielles, la relance et la croissance économiques, la gouvernance et la coopération dans différents secteurs. L’accord constitue également un programme de réformes pour la Géorgie, fondé sur un plan exhaustif prévoyant le rapprochement de la législation géorgienne des règles et normes de l’Union européenne, sur lequel tous les partenaires de la Géorgie sont invités à s’aligner et à cibler leur appui. L’aide apportée par l’Union européenne à la Géorgie est liée au programme de réformes tel qu’il ressort de l’accord. En vue de préparer et de faciliter la mise en œuvre de l’accord d’association, un programme d’association a été élaboré.

Pour accompagner les accords d’association avec la Géorgie et la Moldavie, le 5 mai 2014, la Commission européenne a annoncé un plan de soutien à la Moldavie et à Géorgie de 60 millions d’euros répartis de manière égale ( 30 millions par pays ). Ce programme de soutien a pour objet d’aider les institutions publiques, les citoyens et la communauté des affaires à saisir les avantages et les possibilités des accords d’association avec l’Union européenne, y compris la possibilité d’accès au marché de l’Union européenne. Ce financement supplémentaire s’inscrit dans le cadre de l’approche incitative du « plus pour plus », en fonction des progrès des États. Alors que le soutien à la Moldavie visera en particulier la compétitivité des petites entreprises, le développement de la législation nationale en conformité avec les normes de l’Union européenne et la promotion des exportations et des occasions d’investissement , l’aide à la Géorgie portera davantage sur la modernisation des institutions publiques liées à la mise en œuvre de l’accord d’association, la compétitivité des entreprises rurales et les occasions commerciales avec l’Union européenne ainsi que la protection de droits des minorités et des groupes vulnérables.

1. l’accord d’association

L’accord comprend des clauses relativement classiques, trois points étant particulièrement précisés :

– Sur les conflits territoriaux, l’accord met l’accent sur l’attachement de la Géorgie à la réconciliation et sur les efforts pour rétablir son intégrité territoriale, en vue d’un règlement durable des conflits, fondé sur les principes du droit international. Il souligne l’importance de la mise en œuvre de l’accord en six points conclus le 12 août 2008 et de ses mesures d’exécution ultérieures et la nécessité d’assurer une présence internationale pour maintenir la paix et la sécurité sur le terrain ;

– L’accord affirme la résolution des parties à améliorer la sécurité de l’approvisionnement énergétique, y compris par la mise en place du corridor Sud, notamment en favorisant l’élaboration de projets appropriés en Géorgie dans le but de faciliter la construction des infrastructures nécessaires, y compris pour le transit par la Géorgie ;

– En matière de migration , d’asile et de gestion des frontières, est affirmée l’importance d’une gestion conjointe de flux migratoires et de la mise en œuvre de l’accord de travail relatif à l’établissement d’une coopération entre l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l’Union européenne (Frontex) et le ministère de l’intérieur de la Géorgie , signé le 4 décembre 2008.

a. Les objectifs globaux : un rapprochement graduel sur la base de valeurs communes

L’association a pour objectifs globaux de favoriser un rapprochement graduel entre les parties sur la base de valeurs communes, de renforcer le cadre existant afin de développer le dialogue politique, de promouvoir, préserver et consolider la paix et la stabilité aux niveaux régional et international, d’encourager la coopération axée sur le règlement pacifique des conflits, de faire progresser l’intégration économique graduelle de la Géorgie dans le marché intérieur de l’Union européenne dans des domaines choisis, d’accroître la coopération en matière de justice, de liberté et de sécurité afin de renforcer l’État de droit et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et de mettre en place un cadre pour une coopération de plus en plus étroite dans d’autres domaines présentant un intérêt commun.

Parmi les principes généraux de l’accord figurent plusieurs «éléments essentiels» particuliers, dont la violation par l’une ou l’autre des parties pourrait entraîner l’adoption de mesures spécifiques au titre de l’accord, pouvant aller jusqu’à la suspension des droits et des obligations. Il s’agit du respect des principes démocratiques, des droits de l’homme et des libertés fondamentales définis par les instruments internationaux pertinents, du respect de l’État de droit, de la promotion du respect des principes de souveraineté ainsi que d’intégrité, d’inviolabilité et d’indépendance territoriales et de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, des matériaux connexes et de leurs vecteurs.

L’accord repose également sur d’autres principes généraux, qui se rapportent à l’économie de marché, à la bonne gouvernance, à la lutte contre la corruption, la criminalité transnationale organisée et le terrorisme, à la promotion du développement durable et à la mise en place d’un multilatéralisme effectif.

b. Dialogue politique et coopérations sectorielles

i. Un dialogue politique renforcé

L’accord définit les objectifs d’un dialogue politique renforcé tendant à promouvoir une convergence graduelle sur les questions de politique étrangère et de sécurité. Il prévoit en outre un dialogue et une coopération en matière de réformes intérieures sur la base des principes communs définis par les parties.

À cela s’ajoutent des dispositions visant à renforcer le dialogue dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité, y compris en ce qui concerne la politique de sécurité et de défense commune, à promouvoir la paix et la justice au niveau international en mettant en œuvre le statut de Rome de la Cour pénale internationale, et à favoriser des efforts communs pour promouvoir la stabilité régionale, la prévention des conflits, la gestion des crises, la lutte contre le terrorisme ainsi que la non-prolifération, le désarmement et la limitation des armements. Les parties œuvreront en particulier au règlement pacifique des conflits non résolus dans la région.

ii. Justice, liberté et sécurité

Dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité, l’accord met tout particulièrement l’accent sur l’État de droit et le renforcement des institutions et des pratiques judiciaires.

Il établit le cadre de coopération en matière de migration, d’asile et de gestion des frontières, de protection des données à caractère personnel, de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ainsi que de politique antidrogue.

Il comporte des dispositions sur la circulation des personnes, y compris sur la réadmission, l’assouplissement de la procédure de délivrance des visas et la mise en place progressive et en temps utile d’un régime de déplacement sans obligation de visa, pour autant que les conditions d’une mobilité bien gérée et sûre soient réunies. Il traite aussi de la volonté de lutter contre la criminalité, la corruption et les autres activités illégales et de continuer à développer la coopération judiciaire en matière civile et pénale, en tirant pleinement parti des instruments internationaux et bilatéraux pertinents.

iii. Des coopérations sectorielles

L’accord d’association prévoit également de nombreuses possibilités de coopération sectorielle et se concentre sur le soutien aux réformes essentielles, la relance et la croissance économiques, la gouvernance et la coopération sectorielle dans 28 domaines tels que l’énergie, les transports, la protection et la mise en valeur de l’environnement, la politique industrielle et en matière de petites et moyennes entreprises, l’agriculture et le développement rural, les politiques sociales, la justice, la société civile, la politique des consommateurs, la réforme de l’administration publique, l’éducation, la formation et la jeunesse, ainsi que la culture.

Dans tous ces domaines, la coopération est renforcée à partir des cadres existants, qu’ils soient bilatéraux ou multilatéraux, dans le but de rendre le dialogue et l’échange d’informations et de bonnes pratiques plus systématiques. L’élément essentiel des parties de l’accord qui portent sur la coopération sectorielle est le programme complet, décrit dans les annexes de l’accord, de rapprochement progressif de la législation géorgienne de l’acquis de l’Union européenne.

Les calendriers spécifiques de rapprochement de la législation et d’application, par la Géorgie, de certaines parties de l’acquis de l’Union européenne permettront de mieux cibler la coopération actuelle et seront au cœur du programme de réformes et de modernisation du pays.

iv. Le cadre institutionnel de la coopération et du dialogue

L’accord comprend un cadre institutionnel actualisé qui prévoit des espaces de coopération et de dialogue. Des fonctions décisionnelles précises sont attribuées à un conseil d’association et, par délégation, à un comité d’association, qui peut également se réunir dans une configuration particulière pour traiter des questions commerciales. L’accord prévoit en outre la mise en place de forums, l’un concernant la société civile et l’autre la coopération parlementaire. Il contient aussi des dispositions relatives au suivi, au respect des obligations et au règlement des différends (dont des dispositions distinctes pour ce qui est des questions commerciales).

2. LA CREATION D’UNE ZONE DE LIBRE ECHANGE

Cette création sera d’application immédiate.

L’accord avec la Géorgie doit être vu dans un cadre plus général. En effet :

-la politique commerciale est une composante de la politique étrangère européenne et constitue un des éléments de son soft power ;

- du point de vue des échanges commerciaux, l’ Union européenne réalise 12 % de ses échanges avec les pays de la CEI (communauté des États indépendants) contre 3% en 1992. La région Europe-CEI présente l’intégration régionale la plus poussée au monde avec une part de commerce intra zone de plus de 70 %11. Même si la Géorgie ne fait plus partie de la CEI, cette régionalisation des échanges est un des aspects importants de la politique commerciale européenne.

a. Faciliter l’intégration de la Géorgie dans l’économie de l’Union européenne et créer des vecteurs de croissance pour les deux parties

L’ Union européenne est le premier partenaire commercial de la Géorgie : elle représentait 26,6 % des échanges totaux du pays en 2012. L’établissement d’une zone de libre-échange aura pour effet de stimuler les exportations et les investissements géorgiens et de faciliter l’intégration progressive du pays dans l’économie de l’Union européenne. En vue de la négociation de cet accord, la Géorgie avait entamé des réformes importantes, notamment en matière de réglementations techniques, de normes sanitaires et phytosanitaires.

L’accord devrait contribuer à un accroissement des investissements directs européens en Géorgie en suscitant un environnement décisionnel ouvert, stable et prévisible. Selon une étude indépendante portant sur l’incidence du commerce sur le développement durable, effectuée à la demande de l’Union européenne, la Géorgie devrait voir augmenter ses exportations vers l’UE de 12 % et ses importations en provenance de l’Union européenne de 7,5 % grâce à la création de la zone de libre-échange. Le PIB de la Géorgie pourrait augmenter à long terme de 4,3 % ( 292 millions d’euros ) si le pays réalise toutes les réformes nécessaires.

Sur le plan économique, l’intégration accrue de la Géorgie dans l’Union européenne grâce à la zone de libre-échange approfondi et complet sera un puissant vecteur de croissance pour le pays. En tant que pilier de l’accord d’association, la zone de libre-échange approfondi et complet créera des perspectives commerciales aussi bien dans l’ Union européenne qu’en Géorgie et favorisera une véritable modernisation de l’économie et une réelle intégration dans l’Union européenne. Ce processus devrait permettre la mise au point de produits répondant à des normes plus rigoureuses, améliorer les services aux citoyens et, surtout, faire de la Géorgie un concurrent effectif sur les marchés internationaux.

b. Les dispositions de l’accord de libre échange

Pour ce qui est de la partie de l’accord relative à la zone de libre-échange approfondi et complet, la Commission a atteint les objectifs fixés dans les directives de négociation en ce qui concerne la suppression des droits à l’importation sur la quasi-totalité des échanges commerciaux et la définition d’un cadre contraignant et solide interdisant toutes les mesures arbitraires de restriction des échanges, y compris les droits à l’exportation et les restrictions quantitatives à l’exportation. Un mécanisme anticontournement est prévu pour les importations de produits agricoles sensibles.

S’agissant des obstacles techniques au commerce, la Géorgie adaptera progressivement ses réglementations et normes techniques à celles de l’Union européenne. Des négociations en vue d’un accord sur l’évaluation de la conformité et l’acceptation des produits industriels pourront être engagées dans le but de garantir que, dans des secteurs spécifiques, la législation et les systèmes de surveillance du marché géorgiens seront compatibles avec ceux de l’ UE, afin que les échanges commerciaux entre les parties puissent se dérouler dans les mêmes conditions qu’entre les États membres de l’UE.

En ce qui concerne le commerce d’animaux, de végétaux et de leurs produits, la partie de l’accord relative à la zone de libre-échange approfondi et complet prévoit l’alignement de la législation géorgienne en matière sanitaire et phytosanitaire (SPS) et de bien-être animal sur celle de l’Union européenne, ce qui devrait faciliter davantage les échanges commerciaux. Ladite partie garantira la mise en place d’un mécanisme de consultation rapide destiné à remédier aux barrières commerciales liées au domaine SPS, qui comprendra un système d’alerte rapide et un mécanisme d’alerte précoce pour les urgences vétérinaires et phytosanitaires.

Dans la ligne de la coopération actuelle sur les questions douanières, le protocole relatif à l’assistance administrative mutuelle en matière douanière offre un cadre juridique plus solide afin de garantir la bonne application de la législation douanière et de lutter contre la fraude douanière.

En matière d’établissement, la partie de l’accord relative à la zone de libre-échange approfondi et complet accorde le traitement national et le traitement de la nation la plus favorisée aux entreprises, moyennant certaines réserves. En ce qui concerne le commerce des services, ladite partie prévoit un large accès au marché, ainsi que la possibilité de libéraliser davantage cet accès, notamment à l’issue du rapprochement de la législation géorgienne de l’acquis de l’UE dans les domaines des services financiers, des services de télécommunications/commerce électronique, des services postaux et de courrier ainsi que des services de transport maritime international.

La partie de l’accord relative à la zone de libre-échange approfondi et complet garantira un haut niveau de protection de toutes les indications géographiques agricoles de l’Union européenne (pas seulement de celles relatives aux vins et aux spiritueux) ainsi que des éventuels produits qui seront ajoutés à la liste des indications géographiques protégées. L’accord inclut les dispositions de l’accord entre l’Union européenne et la Géorgie sur les indications géographiques, qui est entré en vigueur le 1er avril 2012, ainsi que de ses annexes. Il prévoit un mécanisme permettant d’assurer la protection complète des nouvelles indications susceptibles de venir s’ajouter à l’accord sur les indications géographiques avant l’entrée en vigueur de l’accord d’association. La partie de l’accord relative à la zone de libre-échange approfondi et complet comprend aussi, en matière de droits d’auteur, de dessins et modèles (même non enregistrés) et de brevets, des dispositions qui complètent et mettent à jour celles de l’accord sur les ADPIC et visent à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle conformément aux règles internes de l’Union européenne.

En matière d’intégration des marchés publics, la zone de libre-échange approfondi et complet permettra à la Géorgie, un État non membre de l’EEE, d’accéder aux marchés publics de l’Union européenne dont la valeur dépasse certains seuils, à l’issue d’une période de transition durant laquelle la Géorgie rapprochera sa législation de la législation actuelle et future de l’Union européenne dans ce domaine. Une fois ce rapprochement mené à bien, il pourra être envisagé d’étendre cet accès aux marchés publics de l’Union européenne d’une valeur inférieure auxdits seuils. Les fournisseurs et les prestataires de services de chaque partie bénéficieront ainsi d’un accès aux marchés publics de l’autre partie, sauf en ce qui concerne le secteur de la défense.

Dans le cadre de la zone de libre-échange approfondi et complet, la Géorgie procédera à la mise en œuvre d’une législation complète en matière de concurrence.

La section consacrée aux subventions vise à faire en sorte que la Géorgie adhère à des principes de transparence et contient des obligations en matière de communication de données à cet effet.

Pour ce qui est des questions énergétiques liées au commerce, la partie de l’accord relative à la zone de libre-échange approfondi et complet contient des dispositions contraignantes concernant le transit ininterrompu des biens énergétiques et l’accès aux équipements de transport d’énergie en vue de garantir la sécurité de l’approvisionnement, prévoyant l’indépendance des autorités de régulation dans le secteur de l’énergie et précisant les liens avec les engagements futurs de la Géorgie au titre du traité instituant la Communauté de l’énergie.

Les parties expriment leur détermination à poursuivre l’objectif de développement durable dans le domaine commercial et à respecter les engagements multilatéraux à cet égard, tout en se reconnaissant le droit d’établir leurs propres niveaux intérieurs de protection de l’environnement et du travail. Elles s’engagent à s’abstenir de ne pas appliquer les normes concernées ou d’y déroger d’une manière qui affecte les échanges ou les investissements entre elles.

Des procédures de règlement efficaces, inspirées de l’accord de l’OMC sur le règlement des différends, permettront de résoudre rapidement les différends commerciaux bilatéraux, notamment en offrant à la partie lésée la possibilité d’infliger des sanctions proportionnées, des procédures encore plus rapides étant prévues en cas de différends urgents touchant à des questions énergétiques liées au commerce.

Les parties ont également approuvé des dispositions spécifiques en matière de transparence et de dialogue avec la société civile et les parties prenantes, dans le but de garantir le caractère consultatif, l’ouverture et la prévisibilité de l’élaboration des politiques dans les domaines liés au commerce. En outre, la partie de l’accord relative à la zone de libre-échange approfondi et complet prévoit des disciplines facilitant le processus de rapprochement dans les domaines liés au commerce ainsi que l’évaluation de ce processus.

III. LA MOLDAVIE

A. LA MOLDAVIE, DÉJÀ FRAGILE, DANS L’œIL DU CYCLONE QUI DÉSTABILISE L’EUROPE ORIENTALE DEPUIS QUELQUES MOIS

1. Un pays d’une grande instabilité politique et qui demeure le plus pauvre d’Europe

Ancienne République de l’Union soviétique, indépendante depuis 1991, la Moldavie est un petit pays enclavé entre l’Ukraine et la Roumanie. Issue des multiples recompositions géographiques intervenues au gré de l’influence de ses puissants voisins, la Moldavie actuelle recouvre grossièrement les territoires, d’une part, du Nord de la Bessarabie – le Sud, limitrophe de la mer Noire, faisant partie de l’Ukraine – et, d’autre part, de la Transnistrie. C’est un petit pays, d’une superficie légèrement inférieure à celle de la Suisse.

a. Des retards de développement toujours importants

En 2013, 3,6 millions d’habitants étaient recensés, dont plus d’un quart appartenant à des minorités nationales : Ukrainiens, Russes, Gagaouzes, Roms ou Bulgares. Mais le pays est frappé par un phénomène d’émigration économique massive : depuis l’indépendance, près d’1 million de Moldaves environ, soit pas loin du quart de la population, ont quitté le pays. Même si 2 milliards d’euros sont officiellement rapatriés au pays annuellement – sans compter les flux échappant à toute comptabilité –, ce mouvement provoque un vieillissement général de la population.

Le plus gros flux d’émigration est à destination de la Russie. Il s’agit essentiellement d’hommes, employés dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, qui assurent de relativement bons salaires.

Trois autres pays d’accueil pour les émigrés moldaves sont des États membres de l’Union européenne : la France, l’Italie et l’Espagne.

En Italie, les Moldaves forment la plus grosse communauté étrangère, essentiellement constituée de femmes travaillant surtout dans les secteurs de l’entretien et de l’aide à domicile pour les personnes âgées.

Quelque 1 500 médecins et infirmiers moldaves exercent dans les hôpitaux français. La France est surtout le deuxième pays d’accueil pour les étudiants moldaves, derrière la Roumanie : au moins 1 200 étudiants moldaves sont inscrits dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur de notre pays ; si les binationaux étaient pris en compte, ces effectifs atteindraient sans doute 2 000.

Petit pays fertile mais dépourvu de ressources naturelles et peu industrialisé, la Moldavie a pâti de l’effondrement de l’URSS et de la perte d’une grande partie de ses débouchés commerciaux. En dépit des importantes réformes économiques conduites depuis son indépendance, elle reste le pays le plus pauvre d’Europe : 30 % environ de la population vit encore sous le seuil de pauvreté.

Le conflit gelé de Transnitrie a un coût économique élevé pour le pays, accru par la spécialisation de la région dans le secteur secondaire – elle concentre 40 % de la production industrielle nationale et 80 % de la production électrique.

Les services représentent aujourd’hui les trois quarts du PIB. Le pays est paradoxalement très avancé en matière de nouvelles technologies de l’information et des télécommunications : la Moldavie figure dans le top 10 mondial en matière de débit Internet, avec un déploiement impressionnant de la fibre optique, et le système universitaire moldave produit des ingénieurs de très haut niveau.

La Moldavie a énormément souffert de la crise financière et économique de la période 2008-2009. Après une première embellie en 2010 et 20101, un nouveau rebond spectaculaire a été enregistré en 2013, avec près de 9 % de croissance du PIB.

L’essentiel de la population ne ressent cependant pas de progression significative de son niveau de vie ; une minorité se taille la part du lion de la croissance tandis que la grande masse des travailleurs et des retraités souffrent de prix à la consommation élevés au regard du niveau des salaires et des pensions. Le pays reste en outre sujet à une corruption généralisée, contre laquelle les pouvoirs publics affichent cependant une grande détermination.

Fortement soutenue par les institutions financières internationales, la Moldavie a entrepris de nombreuses réformes structurelles pour renforcer la stabilité du secteur financier, diversifier la structure des exportations et soutenir le développement des investissements étrangers.

b. Une situation institutionnelle et territoriale délicate

Le Président de la République est élu par le Parlement, à la majorité des trois cinquièmes, ce qui, pendant des années, a entraîné une grande instabilité politique. D’autant que les députés sont élus au scrutin proportionnel sur des listes nationales, ce qui rend pratiquement impossible l’émergence d’un parti majoritaire.

Après trois ans de vacance de la Présidence de la République, une coalition réunissant conservateurs, libéraux et sociaux-démocrates parvint finalement, le 16 mars 2012, à faire élire M. Nicolae Timofti, une personnalité indépendante, issue de la société civile, magistrat et ancien président du Conseil supérieur de la magistrature. L’intégralité du programme politique et économique de la majorité tient en deux mots : intégration européenne.

La situation est plus délicate encore sur le plan territorial. La Transnistrie, région située sur la rive gauche du Dniestr, enclavée entre le reste de la Moldavie et l’Ukraine, qui représente 8 % du territoire national, a en effet proclamé son indépendance par référendum en 1991, avec un score de 97 %. S’en est suivi un conflit bref mais violent – qui s’est soldé par plusieurs centaines de morts – entre les forces armées moldaves et la population transnistrienne, soutenue par la XIVe armée russe, officiellement venue s’interposer. Depuis 1992, la région est dirigée par des autorités de fait et se donne toutes les apparences d’un État constitué, auto-baptisé « République moldave du Dniestr », mais dont l’indépendance n’est reconnue par aucun pays – pas même par la Fédération de Russie. Les forces russes sont toujours présentes, contre la volonté des autorités moldaves, avec environ 1 500 hommes.

Des négociations en vue du règlement du conflit ont lieu sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), sous un format dit « 5+2 » : les deux protagonistes plus trois médiateurs, à savoir la Russie, l’Ukraine et l’OSCE. Deux observateurs ont aussi été nommés en 2005 : l’Union européenne et les États-Unis. Malgré les hauts et les bas du processus, des résultats significatifs ont été obtenus pour rétablir certains contacts entre les deux parties du pays.

Mais le problème du règlement politique du conflit reste entier : la question principale, relative au statut du territoire séparatiste, n’a pour l’heure pas été abordée et les autorités de Transnistrie maintiennent leur objectif d’une indépendance complète.

Toutes les conditions sont malheureusement réunies aujourd’hui pour que l’équilibre instable de la Transnistrie soit remis en question par les troubles en Ukraine, compte tenu des similitudes frappantes entre la Transnistrie, d’une part, la Crimée et l’Est de l’Ukraine, d’autre part :

– présence de minorités russophones et russophiles, voire de nationalité russe, à l’Est des deux pays ;

– longueur de leur frontière commune ;

– importance de leurs échanges commerciaux avec la Russie, en particulier leur dépendance aux ressources énergétiques ;

– histoires parallèles d’anciennes républiques soviétiques qui n’ont pas été exemptes de déplacements de population forcés et restent constituées d’un patchwork de nationalités ;

– volonté des autorités politiques d’entrer dans une communauté de destin avec l’Union européenne.

Dès lors, la logique qui a conduit la Russie à tendre ses relations avec l’Ukraine et à susciter une déstabilisation dans ses zones qui lui sont favorables, risque de l’entraîner à se comporter de façon similaire vis-à-vis de la Transnistrie.

2. Une population partagée entre deux inclinaisons

Une délégation du groupe d’amitié France-Moldavie de l’Assemblée nationale, conduite par son président Frédéric Reiss, s’est rendue à Chisinau il y a un mois et demi. Sur place, nous avons pu prendre la mesure du dilemme qui s’est emparé du peuple moldave.

a. L’influence russe sur l’opinion publique

La minorité russe représente 6 % de la population et la communauté russophone de 22 à 30 %, selon les sources. Du fait de son histoire ancienne et récente, de larges pans de la société moldave, surtout parmi les personnes âgées, se sentent donc culturellement et psychologiquement proches de la Russie, pays de loin le plus populaire dans l’opinion publique.

Si le roumain est en théorie la seule langue officielle, consacrée par la Constitution, le russe fait office de seconde langue nationale, d’autant qu’il est privilégié par toutes les minorités nationales. Et son statut administratif reste flou :

– l’essentiel de la documentation officielle n’est certes disponible qu’en roumain mais, si un citoyen interroge un service public en russe, même par écrit, il lui est répondu dans cette langue ;

– les projets de loi et le compte rendu des débats parlementaires sont rédigés dans les deux langues ;

– enfin, alors que le roumain est en principe la seule langue de l’enseignement général, localement et selon les établissements, il arrive que les cours soient dispensés en russe.

La télévision russe est la plus regardée et la presse écrite russe détient le monopole de diffusion parmi le lectorat âgé, qui ne sait pas lire le roumain en caractères romains. Les médias russes constituent donc un relais d’influence puissant en faveur des intérêts géopolitiques du grand voisin oriental. Le Président Poutine est la personnalité politique la plus populaire du pays.

Dans le domaine énergétique, la Russie contrôle l’opérateur national Moldovagaz, à travers GazproM. La dette gazière représente plus de 4 milliards de dollars. Pour échapper à une dépendance énergétique entretenue par une organisation économique énergophage, le premier ministre, Iurie Leancă, privilégie la piste des ressources renouvelables, notamment de la biomasse.

Les exportations de vin moldave vers la Russie pèsent par ailleurs de manière importante dans la balance commerciale et la Russie en use régulièrement comme d’un moyen de pression : elle a ainsi prononcé, en septembre 2013, un embargo sur les importations de vins et spiritueux moldaves.

Le 18 avril, la Russie a également décrété l’interdiction totale d’importation du porc moldave, les autorités vétérinaires russes suspectant un transit de marchandises provenant de l’Union européenne et transformés illicitement en produits moldaves.

Les autorités moldaves, quoique clairement pro-européennes, s’efforcent, par réalisme, de maintenir des relations aussi bonnes que possible avec leur puissant voisin.

Pour la Russie, l’adhésion de la Moldavie à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) fait évidemment office de ligne jaune. Cette option constitue du reste un axe de fracture parmi les pro-européens : si les libéraux l’appellent de leurs vœux, les sociaux-démocrates la jugent dangereuse et inutile, préconisant même que leur pays adopte une position définitive de neutralité.

b. Un attrait pour l’Europe qui tend à s’affaiblir

Les coalitions au pouvoir depuis vingt ans se sont baptisées « Alliance pour l’intégration européenne » puis « Coalition pour un Gouvernement pro-européen ». Par ailleurs, Mme Natalia Gherman, numéro deux du Gouvernement, est expressément chargée, d’après l’intitulé de sa fonction ministérielle, des affaires étrangères mais aussi de l’intégration européenne.

Ces deux partis pris institutionnels en disent long sur la force d’attraction exercée sur la Moldavie par l’Union européenne, ses normes politiques et son modèle de développement économique. La délégation du groupe d’amitié a également observé que, dans toutes les salles de la mairie de Chisinau, les drapeaux du pays et de la ville sont systématiquement accompagnés par celui de l’Union européenne.

Après vingt années de tergiversations entre l’attraction de la Fédération de Russie et celle de l’Union européenne, le Gouvernement estime qu’il est temps de trancher et est déterminé à agir en ce sens. Il juge, d’une part, que la faible population du pays faciliterait son intégration rapide et, d’autre part, qu’il a pris de l’avance, par rapport à ses voisins du Partenariat oriental, dans ses réformes structurelles et dans sa consolidation de l’État de droit. Et le différend entre l’Ukraine et la Russie libère, en quelque sorte, ces velléités.

Le premier ministre a déclaré, le 29 avril, que la Moldavie était candidate à l’ adhésion à l’Union européenne pour le second semestre de 2019, quand la Roumanie prendra la présidence tournante. Cette déclaration doit toutefois être prise comme un affichage politique, d’autant que la Moldavie n’a pas déposé de candidature officielle.

D’après un sondage sur ce sujet réalisé en 2012, 59 % seulement des Moldaves étaient favorables à l’adhésion à l’Union européenne, contre 71 % un an auparavant. Aujourd’hui, l’opinion publique se partage même manifestement à parts égales. Les doutes dont rend compte cette chute de la popularité européenne s’expliquent essentiellement par deux phénomènes :

– premièrement, il traduit un mouvement de désaffection de l’opinion publique à l’égard du pouvoir en place, habituelle dans tous les pays démocratiques ;

– deuxièmement, la crise économique traversée par l’Union européenne peut laisser penser à certains Moldaves qu’un rapprochement avec elle sans espoir d’adhésion à court terme leur serait moins favorable qu’une entrée immédiate dans l’Union douanière eurasiatique.

La Moldavie s’impose pourtant comme le principal bénéficiaire par habitant des aides financière accordées par l’Union européenne, notamment au travers de l’Instrument européen de voisinage (IEV) et du programme Intégration et coopération du Partenariat oriental (EaPIC). À cela s’ajoute la suppression des visas de court séjour pour entrer dans l’Union européenne, entrée en vigueur le 28 avril. Mais cela suffira-t-il pour inverser la tendance dans l’opinion publique ?

B. UN ACCORD D’ASSOCIATION GLOBAL POUR DONNER UNE IMPULSION DÉCISIVE À LA COOPÉRATION EUROPÉENNE AVEC LA MOLDAVIE

Les relations entre l’Union européenne et la République de Moldavie sont actuellement fondées sur l’accord de partenariat et de coopération entré en vigueur en juillet 1998. Les négociations relatives à l’accord d’association global avec la Moldavie, dont il est question cette après-midi, ont démarré en janvier 2010 et le texte a finalement été paraphé le 29 novembre 2013, au terme de sept cycles de négociation et de quinze réunions plénières. Les deux parties ont prévu de le signer le 27 juin prochain, accompagnées des représentants des gouvernements des Vingt-huit.

1. La philosophie de l’accord d’association

a. Objectifs

Cet accord d’association vise à accélérer l’approfondissement des relations politiques et économiques entre l’Union européenne et la Moldavie ainsi qu’à faire progresser l’intégration économique graduelle de cette dernière dans le marché intérieur, notamment grâce à la mise en place d’une zone de libre-échange approfondi et complet. Cette intégration accrue devrait constituer un puissant vecteur de croissance pour la Moldavie, mais aussi améliorer la qualité des produits commercialisés et les services rendus aux citoyens, et faire du pays un concurrent effectif sur les marchés internationaux.

Il prévoit un programme de réformes, en vue de rapprocher la législation moldave de la réglementation européenne, dont l’exécution conditionnera, à l’avenir, les aides communautaires. À cet effet, il cible particulièrement la croissance économiques, la gouvernance et la coopération, au travers des actions suivantes :

– établissement de valeurs communes ;

– développement du dialogue politique ;

– promotion, préservation et consolidation de la paix et de la stabilité aux échelons régional et international ;

– création des conditions propices à l’essor des relations économiques et commerciales en vue de l’intégration économique graduelle de la Moldavie dans le marché intérieur ;

– accroissement de la coopération en matière de justice, de liberté et de sécurité, ainsi que dans d’autres domaines présentant un intérêt commun, afin de renforcer l’État de droit.

Cet accord marque ainsi une nouvelle étape dans l’évolution des relations conventionnelles entre l’Union européenne et la Moldavie, parce qu’il tend vers l’association politique et l’intégration économique, mais aussi parce qu’il autorise d’autres évolutions progressives.

Il est prévu d’appliquer certaines parties de l’accord à titre provisoire. Même si, eu égard à l’accélération de la procédure, elle n’aura vraisemblablement pas lieu d’être appliquée, cette mesure traduit la volonté commune des deux parties de commencer à mettre en œuvre et à appliquer les volets de l’accord qui s’y prêtent, afin que les effets des réformes sur certains aspects sectoriels produisent leurs effets au plus tôt.

b. Principe généraux

L’accord obéit à des principes généraux, dont la violation par l’une ou l’autre des parties pourrait entraîner l’adoption de mesures spécifiques allant jusqu’à la suspension des droits et des obligations :

– le respect des principes démocratiques, des droits de l’homme et des libertés fondamentales définis au niveau international ;

– le respect de l’État de droit ;

– la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, des matériaux connexes et de leurs vecteurs.

L’accord repose également sur d’autres principes généraux, qui se rapportent à :

– l’économie de marché ;

– la bonne gouvernance ;

– la lutte contre la corruption ;

– la criminalité transnationale organisée et le terrorisme ;

– la promotion du développement durable ;

– la mise en place d’un multilatéralisme effectif.

2. Des axes d’action tous azimuts

a. Un nouveau contrat d’association politique et économique

L’accord d’association instaure un dialogue politique renforcé tendant à promouvoir une convergence graduelle sur les questions de politique étrangère et de sécurité, y compris en ce qui concerne la politique de sécurité et de défense commune, en vue :

– de promouvoir la paix et la justice ;

– de mettre en œuvre le statut de Rome de la Cour pénale internationale ( CPI ) ;

– de favoriser des efforts communs aux fins de la lutte contre le terrorisme, de la non-prolifération, du désarmement et de la limitation des armements.

Les parties réaffirment leur volonté de trouver une solution durable au problème de la Transnistrie, en respectant pleinement la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République de Moldavie, ainsi que de faciliter ensemble la réhabilitation de la région, une fois le conflit terminé.

Dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité, l’accord met l’accent sur l’État de droit et le fonctionnement efficace des institutions dans les domaines de la mise en application de la loi et de l’administration de la justice.

Il établit un cadre de coopération en matière de migration, d’asile et de gestion des frontières, de protection des données à caractère personnel, de lutte contre le blanchiment de capitaux et le terrorisme ainsi que de politique antidrogue.

Il comporte des dispositions relatives à la circulation des personnes, notamment à la réadmission des personnes, à l’assouplissement de la procédure de délivrance des visas et à la mise en place progressive d’un régime de déplacement sans obligation de visa, pour autant que les conditions d’une mobilité bien gérée et sûre soient réunies.

Il traite aussi de la volonté de lutter contre la criminalité, la corruption, les autres activités illégales et de continuer à développer la coopération judiciaire en matière civile et pénale, en tirant pleinement parti des instruments internationaux et bilatéraux pertinents.

L’accord d’association prévoit de nombreuses possibilités de coopération sectorielle dans vingt-huit domaines, comme la réforme de l’administration publique, la gestion des finances publiques, l’énergie, les transports, la protection de l’environnement, la politique industrielle et en matière de petites et moyennes entreprises, les politiques sociales, la protection des consommateurs, l’agriculture et le développement rural, la coopération transfrontière et régionale, l’éducation, la formation, la société civile, la jeunesse ou la culture.

Dans tous ces domaines, la coopération est renforcée à partir des cadres existants, qu’ils soient bilatéraux ou multilatéraux, dans le but de rendre le dialogue et l’échange d’informations et de bonnes pratiques plus systématiques.

L’élément fondamental des chapitres portant sur la coopération sectorielle est le programme complet de rapprochement progressif de la législation moldave par rapport à l’acquis communautaire, décrit dans les annexes de l’accord.

L’accord définit également un cadre institutionnel actualisé incluant des espaces de coopération et de dialogue. Des fonctions décisionnelles précises seront attribuées à un conseil d’association et, par délégation, à un comité d’association, qui pourra également se réunir dans une configuration particulière pour traiter des questions commerciales.

L’accord met sur pied deux forums, concernant la société civile et la coopération parlementaire.

Il contient en outre des dispositions relatives au suivi, au rapprochement, au respect des obligations et au règlement des différends.

b. Zone de libre-échange approfondi et complet

La Commission européenne a atteint les objectifs fixés dans les directives de négociation en ce qui concerne la suppression des droits à l’importation sur la quasi-totalité des échanges commerciaux et la définition d’un cadre contraignant et solide interdisant toutes les mesures arbitraires de restriction des échanges, y compris les droits à l’exportation et les restrictions quantitatives à l’exportation.

La partie de l’accord d’association consacrée à la zone de libre-échange approfondi et complet contient des dispositions spécifiques et associées à un calendrier précis en ce qui concerne les produits et les questions sensibles, prévoyant notamment des périodes de transition, certains contingents tarifaires et un mécanisme anticontournement pour certains produits agricoles.

La Moldavie adaptera progressivement ses réglementations et normes techniques à celles de l’Union européenne pour les rendre plus rigoureuses. Les négociations en vue d’un accord sur l’évaluation de la conformité et l’acceptation des produits industriels permettront de garantir, dans des secteurs spécifiques, la conformité de la législation et des systèmes de surveillance du marché moldaves, afin que les échanges commerciaux entre les parties puissent se dérouler dans les mêmes conditions qu’entre les États membres de l’Union européenne.

Il est prévu d’aligner la législation moldave sanitaire, phytosanitaire et de bien-être animal sur celle de l’Union européenne. Un mécanisme de consultation rapide permettra de remédier aux barrières commerciales dans ce domaine, avec un système d’alerte rapide et un mécanisme d’alerte précoce pour les urgences vétérinaires et phytosanitaires.

Dans la droite ligne de la coopération actuelle sur les questions douanières, le protocole relatif à l’assistance administrative mutuelle en matière douanière offrira un cadre juridique plus solide pour la bonne application de la législation douanière et la lutte contre la fraude douanière.

En matière d’établissement, le traitement national et le traitement de la nation la plus favorisée seront accordés aux entreprises moldaves, moyennant certaines réserves.

Un large accès au marché européen des services sera ouvert aux entreprises moldaves, avec la possibilité de le libéraliser davantage à l’issue du rapprochement de la législation moldave dans les domaines :

– des services financiers, de télécommunications, de commerce électronique, de services postaux et de courrier ;

– des services de transport maritime international.

Toutes les indications géographiques agricoles de l’Union européenne actuelles et à venir – et pas seulement celles relatives aux vins et spiritueux – bénéficieront d’un un haut niveau de protection. L’accord d’association inclut les dispositions de l’accord entre l’Union européenne et la Moldavie sur les indications géographiques, entré en vigueur le 1er avril 2013.

En matière de droits d’auteur, de dessins et modèles, même non enregistrés, et de brevets, des dispositions complètent et mettent à jour celles de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), visant à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle conformément aux règles internes de l’Union européenne.

En matière d’intégration des marchés publics, la Moldavie, quoique État extérieur à l’Espace économique européen (EEE), pourra accéder aux marchés publics de l’Union européenne à l’issue d’une période de transition. Une fois ce rapprochement mené à bien, il pourra être envisagé d’étendre cet accès aux marchés publics d’une valeur inférieure aux seuils fixés. Seul le secteur de la défense sera exclu.

La Moldavie devra adopter une législation complète en matière de concurrence, garantir l’application effective du principe de concurrence non faussée et y soumettre les monopoles d’État, les entreprises publiques ainsi que les entreprises bénéficiant de droits spéciaux ou exclusifs.

La Moldavie s’engage à adopter un système interne de contrôle des aides d’État similaire à celui de l’Union européenne et à instituer une autorité indépendante chargée d’effectuer ces contrôles.

Des dispositions contraignantes portent sur la tarification de l’énergie :

– interdiction des systèmes de double prix ;

– transit ininterrompu des biens énergétiques pour garantir la sécurité de l’approvisionnement ;

– indépendance des autorités de régulation ;

– reprise des engagements de la Moldavie au titre du traité instituant la Communauté de l’énergie.

Les parties expriment leur détermination à poursuivre l’objectif de développement durable en matière commerciale et à respecter les engagements multilatéraux à cet égard, tout en se reconnaissant le droit d’établir leurs propres niveaux intérieurs de protection de l’environnement et du travail. Elles s’engagent à s’abstenir de ne pas appliquer les normes concernées ou d’y déroger d’une manière qui affecte les échanges ou les investissements.

Des procédures de règlement efficaces, inspirées de l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur le règlement des différends, permettront de résoudre plus rapidement les désaccords commerciaux bilatéraux, notamment en offrant à la partie lésée la possibilité d’infliger des sanctions proportionnées, des procédures encore plus rapides étant prévues en cas de différends urgents touchant à des questions énergétiques liées au commerce.

Enfin, les parties ont approuvé des dispositions spécifiques en matière de transparence et de dialogue avec la société civile et les parties prenantes, dans le but de garantir le caractère consultatif, l’ouverture et la prévisibilité de l’élaboration des politiques commerciales.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 10 juin 2014, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

La Présidente Danielle Auroi, co-rapporteure. Nous voici aujourd’hui réunis pour évoquer le Partenariat oriental et les accords d’association que l’Union européenne souhaite mettre en œuvre avec trois des pays concernés : Ukraine, Géorgie et Moldavie.

Avant de vous présenter une communication faisant le point sur l’accord d’association avec l’Ukraine, et de laisser à mes collègues Chantal Guittet et Jean-Louis Roumegas le soin de présenter respectivement celles concernant les accords avec la Géorgie et avec la Moldavie, il me semble utile de vous rappeler brièvement dans quel cadre s’inscrivent ces accords d’association, dont la signature devrait être annoncée lors du Conseil européen des 26 et 27 juin.

Le Partenariat oriental est une politique encore jeune, puisqu’elle n’a que cinq ans d’existence : elle a été lancée en 2009, sur initiative de la Pologne et de la Suède, pour renforcer à l’Est la politique européenne de voisinage. Six pays sont concernés : l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine.

L’objectif principal de cette politique est de donner une nouvelle impulsion à ces voisins orientaux en les rapprochant de l’Union européenne.

Ce rapprochement passe par des accords de libre-échange approfondis et complets, ce qui suppose une harmonisation législative importante, et par un assouplissement de la politique des visas, en échange de garanties des pays partenaires.

Il est important de souligner que pour la France, le Partenariat oriental n’ a pas vocation à constituer une étape préliminaire à une future adhésion à l’Union.

Cette politique est dans une large mesure en train de se construire, de s’affirmer. Son bilan est encore mitigé : au total, elle n’a pas, jusqu’à présent, connu de grands développements.

Le Sommet de Vilnius des 27 et 28 novembre 2013 devait être un rendez-vous décisif : il devait montrer la capacité de l’Union européenne à influencer les ex-pays soviétiques, et permettre d’ouvrir sur l’avenir la politique du Partenariat oriental. En effet, sur les six pays concernés, quatre étaient à l’origine prêts à parapher ou signer des accords d’association.

Or l’Arménie a effectué un revirement au cours de l’été 2013 et a préféré se tourner vers l’Union eurasienne proposée par la Russie.

En ce qui concerne l’Ukraine, une semaine avant le Sommet, le Président Viktor Ianoukovitch a préféré renoncer à la signature de l’accord d’association, pourtant déjà paraphé plusieurs mois avant, déclenchant les événements tragiques qui ont suivi. Néanmoins, pour des raisons politiques, et pour ne pas rester sur l’échec de Vilnius, l’Union européenne a signé, en mars 2014, le « volet politique » de l’accord d’association avec les dirigeants intérimaires de l’Ukraine. Elle a exprimé le souhait de signer l’ensemble de l’accord après les élections présidentielles du 25 mai.

Finalement seules la Géorgie et la Moldavie ont lors de ce Sommet de Vilnius paraphé les accords, étape préalable à leur signature initialement envisagée fin 2014, mais que l’Union européenne souhaite aujourd’hui, pour des raisons politiques également, avancer à fin juin. L’attitude de la Russie vis-à-vis de l’ Ukraine suscite des inquiétudes dans ces États. La signature rapide de ces accords est perçue par eux comme une garantie.

La procédure de signature et conclusion des accords d’association est complexe et longue. Sans rentrer dans les détails, je vous précise que nous ne sommes pas saisis, en application de l’article 88-4, des textes mêmes des accords, mais d’instruments juridiques préparatoires : en particulier les propositions de décision du Conseil relatives à la signature et à l’application provisoire des accords, et celles relatives à la conclusion des accords. Le texte même des accords est l’objet d’annexes qui ne sont pas nécessairement transmises en même temps.

Ainsi, pour l’Ukraine, notre Commission des affaires européennes avait déjà, le 19 juin 2013, approuvé, en l’état des informations dont elle disposait alors (elle n’avait pas encore eu transmission du texte très volumineux de l’accord) les deux propositions de décision du Conseil relatives à la signature et à la conclusion de l’accord d’association.

Le texte complet de l’accord d’association Union européenne/Ukraine a été transmis en octobre 2013 et, dans ses conclusions adoptées le 5 novembre dernier, notre commission a réitéré son approbation de principe à sa signature, souhaitant alors qu’elle intervienne si possible dès le Sommet de Vilnius, ce qui hélas n’a pu se réaliser.

Pour la Géorgie et la Moldavie, il en va différemment : nous disposons déjà des annexes, c’est-à-dire des textes mêmes des accords, qui vont nous permettre de nous prononcer de façon plus éclairée, au titre de l’article 88-4, sur les propositions d’actes communautaires auxquelles ils sont rattachés... C’est là le résultat de contacts du secrétariat de notre commission avec le SGAE et le cabinet du ministre des affaires étrangères, qui attache une importance particulière à ces accords et à la bonne information du Parlement dans la procédure les concernant.

Le paraphe des accords intervenu en mars 2012 pour l’Ukraine, puis à Vilnius fin novembre 2013 pour la Géorgie et la Moldavie, n’était donc qu’une première étape vers leur éventuelle signature définitive et leur conclusion.

Dans une étape ultérieure, la Commission présente au Conseil des propositions d’actes. Elle présente une proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l’Union européenne, de l’accord d’association. Elle peut prévoir en outre l’application provisoire de l’accord, comme c’est le cas en l’ espèce, pour chacun des trois États concernés. Une proposition de décision du Conseil portant conclusion proprement dite de l’accord , ce qui vaut ratification de cet accord au niveau européen.

C’est donc sur ces propositions d’actes que nous sommes appelés à nous prononcer aujourd’hui pour la Moldavie et la Géorgie.

Ensuite, le Conseil doit adopter ces décisions. En principe, la décision portant conclusion de l’accord est adoptée à la majorité qualifiée des voix, sauf dans certains cas où l’unanimité est requise, dont précisément les accords d’association.

De même, alors que le Parlement européen est simplement consulté pour certains accords, son approbation est requise pour les accords d’association.

Enfin, il est important de rappeler que l’adoption de ces accords au niveau européen est accompagnée d’une procédure de ratification au sein de chaque État membre, selon les règles institutionnelles qui lui sont propres.

En France, le Parlement sera donc appelé à examiner le texte des accords d’association, dans leur version définitive et le cas échéant corrigée, et à exercer ses prérogatives de contrôle démocratique, au moment de sa saisine en vue de l’autorisation de ratification, en application de l’article 53 de notre Constitution.

Rappelons cependant qu’à ce stade, certaines dispositions des accords pourront logiquement être déjà entrées en application, à titre provisoire.

Selon les informations qui nous ont été communiquées, la saisine du Parlement français serait actuellement envisagée pour fin 2014 ou début 2015.

Venons-en maintenant à nos communications faisant le point pour chacun des trois États, l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie.

Pour ce qui concerne l’Ukraine, le processus de signature de l’accord d’association a déjà été enclenché, puisque les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne ont signé avec le nouveau Premier ministre ukrainien, le 21 mars 2014, ses chapitres politiques. Ce volet politique est loin d’être le plus volumineux de l’accord, qui comporte 275 pages, et plus de 1 200 pages avec toutes les annexes. Les chefs d’État et de gouvernement de l’Union se sont engagés à signer ultérieurement le reste de l’accord, après les élections présidentielles du 25 mai.

Récemment, le président nouvellement élu, M. Petro Porochenko, a affirmé son souhait de voir l’ensemble de l’ensemble de l’accord d’association signé le plus rapidement possible.

Il n’est pas question aujourd’hui de revenir sur notre approbation de principe donnée le 19 juin 2013 mais plutôt de la conforter, afin de réaffirmer notre solidarité vis à vis de l’Ukraine, tout en reconnaissant les difficultés présentes et la vigilance nécessaire. Certains d’entre vous ayant exprimé le souhait d’en savoir un peu plus sur le contenu de l’accord, il m’a semblé utile d’en rappeler pour mémoire les principaux aspects.

L’accord tend vers l’association politique et l’intégration économique. Il n’est cependant jamais question d’adhésion à l’Union. L’association a pour objectifs principaux de favoriser un rapprochement graduel entre les parties sur la base de valeurs communes et de créer les conditions propices au renforcement des relations économiques et commerciales.

Parmi les principes généraux de l’accord figurent plusieurs « éléments essentiels » particuliers. Il s’agit notamment du respect des principes démocratiques, des droits humains et des libertés fondamentales.

L’accord définit les objectifs d’un dialogue politique approfondi et renforcé tendant à promouvoir une convergence graduelle sur les questions de politique étrangère et de sécurité. Il établit plusieurs forums de dialogue politique. À cela s’ajoutent des dispositions visant à favoriser des efforts communs pour promouvoir la stabilité régionale, la prévention des conflits, la gestion des crises.

Dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité, l’accord met l’accent sur l’État de droit et le renforcement des institutions et des pratiques judiciaires. Il établit un cadre de coopération en matière de migration, d’asile et de gestion des frontières. Il comporte des dispositions sur la circulation des personnes, y compris sur la réadmission, l’assouplissement de la procédure de délivrance des visas et la mise en place progressive et en temps utile d’un régime de déplacement sans obligation de visa.

L’accord prévoit des espaces de coopération et de dialogue à tous les niveaux, la mise en place de forums pour la société civile et une coopération parlementaire. Il envisage de nombreuses possibilités de coopération sectorielle dans plus de trente domaines, tels que l’énergie, les transports, la protection de l’environnement, la politique industrielle et en matière de petites et moyennes entreprises, le développement social et la protection sociale, l’égalité des droits, la protection des consommateurs, l’éducation, la formation et la jeunesse ainsi que la coopération culturelle.

Enfin, l’intégration économique accrue, grâce à la zone de libre-échange approfondi et complet, devrait être un puissant vecteur de croissance pour le pays. La méthode employée consistera à rapprocher les législations, les règles et les normes de l’Ukraine de celles de l’Union. L’établissement de cette zone de libre-échange complet et approfondi est le pilier de l’accord, la majorité des articles y étant consacrée. Rappelons que l’Union européenne est le premier partenaire commercial de l’Ukraine : elle représente 31% de ses échanges extérieurs, devant la Russie – 20 % des échanges.

Les négociations pour la mise en place de cette zone de libre-échange ont fait suite à l’adhésion de l’Ukraine à l’OMC en 2008.

Il s’agit d’un accord de libre-échange dit de « nouvelle génération », en ce sens qu’il ne traite pas seulement des barrières tarifaires mais de l’ensemble des obstacles au commerce. Cet accord vise à supprimer les barrières entre l’Union et l’Ukraine et à favoriser la reprise de l’acquis communautaire par celle-ci.

Sur le volet tarifaire, je rappelle que notre Commission s’est déjà prononcée favorablement, le 9 avril dernier, sur une proposition d’acte communautaire visant à accorder, de façon anticipée, des réductions de droits de douane à l’Ukraine, dans l’attente de la signature de l’accord de libre-échange.

Cet accord prévoit une annulation de tous les droits de douane, après une période de transition maximale de quinze ans et des mesures de sauvegarde. Ainsi l’ensemble des produits industriels sera libéralisé.

La libéralisation tarifaire des produits agricoles est prévue, mais sous une forme limitée pour les produits agricoles sensibles, tels que produits laitiers, huile.

L’accord prévoit une protection complète de toutes les indications géographiques agricoles, pas seulement en ce qui concerne les vins et spiritueux, sur une période de dix ans. Cette question des indications géographiques intéresse particulièrement la France car il est produit en Ukraine des boissons dénommées Cognac, Champagne ou Cahors.

L’accord comprend un chapitre ambitieux en matière d’énergie et de sécurité énergétique, un des objectifs étant de garantir la sécurité du réseau ukrainien de transit du gaz naturel. . En effet 20 % du gaz consommé dans l’Union européenne passe par l’Ukraine.

Les prestations de services seront libéralisées.

S’agissant des obstacles techniques au commerce, l’accord prévoit un alignement de l’Ukraine sur les règlements et standards techniques européens, notamment en matière de normes sanitaires et phytosanitaires. L’ouverture et la transparence des marchés publics sont prévues, ainsi qu’un alignement du droit ukrainien de la concurrence. L’Ukraine s’engage à adopter un système interne de contrôle des aides d’État.

Dans le chapitre « Commerce et développement durable », sont inscrits des engagements concernant le respect des normes multilatérales en matière de travail et d’environnement, selon les principes directeurs de l’OCDE et normes de l’Organisation internationale du Travail.

Des procédures, inspirées de l’accord de l’OMC sur le règlement des différends, devraient permettre de résoudre les différends commerciaux.

En conclusion, on peut dire qu’en tant que pilier de l’accord d’association, la zone de libre-échange approfondi et complet devrait créer des perspectives commerciales aussi bien dans l’Union qu’en Ukraine, et favoriser une véritable modernisation de l’économie et une intégration réelle dans l’Union. Ce processus devrait permettre de mettre au point des produits répondant à des normes plus rigoureuses, d’améliorer les services aux citoyens et de faire de l’Ukraine un concurrent efficace sur les marchés internationaux.

Puis, la Commission a ensuite adopté les conclusions suivantes :

« La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 217 et 218 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu les propositions de décision du Conseil du 23 mai 2013 relatives à la signature et la conclusion de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine (COM(2013) 290 final / E 8350 et COM(2013) 290 final / E 8368)

Vu sa précédente approbation de principe de ces propositions de décision le 19 juin 2013,

Vu le texte de l’accord d’association ( COM(2013) 290 final Annexe I ) transmis le 8 octobre 2013,

Vu ses précédentes conclusions du 5 novembre 2013,

1. Prend acte de la signature du volet politique de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine le 21 mars 2014 ;

2. Souligne la nécessité de maintenir le soutien financier apporté par l’ Union à l’Ukraine, sous réserve de la poursuite des efforts conduits par l’ Ukraine, notamment en matière de lutte contre la corruption et de transparence ;

3. Souligne la nécessité de poursuivre une politique de facilitation de la mobilité des citoyens ukrainiens en Europe, y compris pour les étudiants, hormis pour les personnes visées par la politique des sanctions ciblées ;

4. Réaffirme, dans ces conditions et en l’état des informations dont elle dispose, son soutien de principe à la signature et à la conclusion de l’ensemble de l’accord d’association dès le Conseil européen des 26 et 27 juin 2014, et souhaite que cet accord puisse être ensuite soumis à ratification, en maintenant une vigilance nécessaire vis-à-vis de la poursuite des réformes en Ukraine ;

5. Insiste sur la nécessité du dialogue diplomatique pour une résolution pacifique de la crise ukrainienne. »

Mme Chantal Guittet, co-rapporteure. Les relations bilatérales entre l’Union européenne et la Géorgie datent de l’accession à l’indépendance de ce pays après la disparition de l’Union soviétique. Fondées sur l’accord de partenariat et d’association entré en vigueur en 1999, ces relations se sont intensifiées après la « révolution des roses » de 2003 après laquelle la Géorgie a entamé une politique ambitieuse de réformes structurelles qui ont été jugées positives par ses partenaires européens.

En 2006, un plan d’action a renforcé ce partenariat et a resserré la coopération entre les deux parties. L’épisode douloureux de la guerre avec la Russie en 2008 a rapproché la Géorgie et son partenaire européen . On peut ainsi faire le parallèle entre cette guerre survenue à propos des régions séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie et les événements se déroulant actuellement en Ukraine. Le conflit de 2008 s’inscrivait dans une logique de tensions récurrentes entre la Géorgie et la Russie qui avait culminé lors de l’embargo décidé par la Russie en 2006, qui avait déstabilisé l’économie géorgienne. La guerre de 2008 est un de ces conflits qui se poursuivent de façon larvée, avec des différends territoriaux et surtout la déclaration d’indépendance de l’Ossétie du Sud. Il faut noter que la guerre de 2008 était la première fois que la Russie intervenait directement et militairement depuis l’invasion de l’Afghanistan. Ce conflit a été l’occasion pour l’Union européenne de se poser comme médiateur et la présidence française a largement contribué à trouver une solution pacifique.

L’accession au pouvoir en octobre 2012 du milliardaire Bidzina Ivanichvili à la tête de la coalition « Rêve géorgien », présenté comme un partisan de la Russie, a fait naître quelques inquiétudes au sein de l’Union européenne. Mais finalement, la politique de rapprochement avec l’Europe et la consolidation des liens n’ont pas été remises en question, même si le gouvernement actuel est favorable à des relations plus apaisées avec la Russie .

Comme cela l’a été souligné, le partenariat oriental n’a pas vocation à amorcer le processus d’adhésion de ces pays à l’Union européenne. Par ailleurs, il ne doit pas être présenté comme une occasion de confrontation entre la Russie et l’Europe, alors que cela a parfois été vécu comme tel. Le partenariat oriental a sans doute été mal présenté sur ce point et il faudrait redire qu’ il vise à donner à ces pays plus de moyens pour assurer leur développement démocratique et économique et à permettre à leurs citoyens d’avoir de meilleures conditions de vie. En aucun cas, le partenariat oriental n’empêche ces pays d’avoir des relations avec la Russie dans le cadre plus général d’un partenariat eurasien.

Depuis son indépendance, le rapprochement avec l’Union européenne est une position géostratégique permanente et consensuelle de la Géorgie. Elle souhaite adhérer à l’Alliance atlantique dans laquelle elle voit la garantie de sa sécurité face à la Russie et les événements survenus en Crimée ont renforcé cette position. La Géorgie est membre du partenariat pour la paix depuis 1998. Le soutien de ce pays aux opérations dirigées par l’OTAN constitue un domaine de coopération important. La Géorgie est actuellement , parmi les pays ne faisant pas partie de l’OTAN, le plus important fournisseur de troupes à la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan. Elle participe aussi aux opérations en Centre Afrique. Cependant, même si lors du sommet de l’OTAN en 2012, les alliés se sont félicités des progrès accomplis par la Géorgie pour répondre aux critères de l’Alliance atlantique, cette adhésion n’est pas encore actée.

Sur le plan économique, la Géorgie a, très tôt et très clairement, adopté une économie de marché. Membre de l’Organisation mondiale du commerce depuis 2000, le gouvernement géorgien a mené une série de réformes de lutte contre la corruption , de protection des investisseurs et de simplification fiscale. L’ objectif affiché est d’attirer les investisseurs étrangers. Ces efforts paient puisque d’après le classement « Ease of doing bussiness indicator » de la Banque mondiale, la Géorgie se situe à la neuvième place des pays où il est le plus facile d’ entreprendre, avant la France ou le Luxembourg. En trois jours, il est possible d’ y créer une entreprise. Le pays connait une forte croissance même la crise mondiale de 2008 et l’embargo russe ont eu des répercussions sur son rythme. Le taux de croissance était de plus de 6 % en 2012 et il a encore été de 2,5 % en 2013. Cependant, la sortie de crise a été largement soutenue par l’aide financière internationale et le taux de chômage est élevé – de l’ordre de 15 %- . Par ailleurs, la dynamique de croissance repose largement sur les investissements étrangers et le secteur des services , au détriment des secteurs industriel et agricole. L’accord d’ association et l’accord de libre-échange sur lequel notre commission doit se prononcer permettra de soutenir l’économie géorgienne. Ils visent ainsi à accélérer l’ approfondissement des relations politiques et économiques entre la Géorgie et l’ Union européenne débutées dès 1992 par la signature d’un accord de partenariat et de coopération (APC).Pour accompagner les accords d’association avec la Moldavie et la Géorgie, l’Union européenne a annoncé en mai dernier un plan de soutien de 60 millions d’euros, répartis également entre les deux pays. L’aide à la Géorgie portera davantage sur la modernisation des institutions publiques, la compétitivité des entreprises rurales et les occasions commerciales avec l’Union européenne ainsi que la protection des droits des minorités et des groupes vulnérables.

L’accord d’association comprend des clauses classiques, trois points étant particulièrement accentués. D’abord, s’agissant des conflits territoriaux, l’accent est mis sur l’attachement de la Géorgie à la réconciliation et sur les efforts pour rétablir son intégrité territoriale, en vue d’un règlement durable des conflits. Par ailleurs, est souligné la nécessité d’améliorer la sécurité de l’approvisionnement énergétique. Sur ce point, rappelons que la Géorgie se situe sur la route des hydrocarbures et qu’elle a, dès 2006, affirmé sa volonté de ne pas être dépendante de l’approvisionnement en gaz russe se tournant également vers l’Azerbaïdjan. Enfin, en matière de migration, d’asile et de gestion des frontières, est affirmée l’ importance d’une gestion conjointe des flux migratoires et de la mise en œuvre de l’accord signé en décembre 2008 entre l’agence européenne Frontex et le ministre de l’intérieur géorgien. En effet, il existe une certain nombre de problèmes liés aux bandes organisées géorgiennes qui viennent sur le territoire des États européens, notamment en France. Un accord a d’ailleurs été signé entre la France et la Géorgie sur la coopération en matière de sécurité intérieure.

La création d’une zone de libre-échange entre l’Union européenne et la Géorgie est un volet important de cette association. Cette zone de libre-échange doit être resituée dans un cadre plus général car la politique commerciale est une composante de la politique étrangère européenne. Il faut par ailleurs noter que l’ Union européenne réalise 12 % de ses échanges avec les pays de la CEI ( communauté des États indépendants ) contre 3 % en 1992. La région Europe-CEI présente l’intégration régionale la plus poussée au monde avec une part de commerce intra zone de plus de 70 %. Même si la Géorgie ne fait plus partie de la CEI, cette régionalisation des échanges est un des aspects importants de la politique commerciale européenne. L’Union européenne est déjà le premier partenaire commercial de la Géorgie, représentant près de 27 % des échanges totaux du pays. Son intégration devrait constituer un vecteur de croissance pour la Géorgie et créer des perspectives des deux côtés. Pour pouvoir entamer les négociations avec l’Europe, la Géorgie a déjà largement entamé des réformes dans le domaine des réglementations techniques, des mesures sanitaires et phytosanitaires, des règles de propriété intellectuelle et de concurrence. Cet accord de libre-échange comprend des clauses relativement « standards », avec une suppression des droits de douane sur la quasi-totalité des échanges et un processus de compatibilité entre les produits. Cet accord est d’application immédiate et comprend une protection spécifique des indications géographiques européennes.

La Commission a ensuite adopté les conclusions suivantes :

« La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la recommandation de décision du Conseil portant approbation de la conclusion par la Commission, au nom de la Communauté européenne de l’énergie atomique, de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la Géorgie, d’autre part COM(2014) 156 final – E 9191,

Vu la proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l’ Union européenne, et à l’application provisoire de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la Géorgie, d’autre part COM(2014) 148 final – E 9278,

Vu la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la Géorgie, d’autre part COM(2014) 149 final – E 9279,

Considérant que l’approfondissement des relations entre l’Union européenne et la Géorgie répond au dessein européen de consolidation de la paix et de la prospérité sur tout le continent,

Considérant que la Géorgie a accompli des efforts louables et efficaces pour intégrer les standards politiques et économiques de l’Union européenne,

Considérant que la situation en Europe orientale et dans le Caucase doit inciter l’Union européenne à émettre, à l’attention de l’opinion publique géorgienne, des signaux concrets de sa volonté de rapprochement,

1. Approuve le projet d’accord d’association entre l’Union européenne et la République de Géorgie ;

2. Invite les autorités européennes à le signer dès le Conseil européen des 26 et 27 juin 2014 et à le conclure ensuite au plus vite.

3. Souhaite que cet accord puisse ensuite être soumis à ratification par les États membres dans les meilleurs délais possibles. »

La Présidente Danielle Auroi. Je salue la présence parmi nous aujourd’hui de M. Frédéric Reiss, président du groupe d’amitié France-Moldavie de l’Assemblée nationale.

M. Jean-Louis Roumégas, co-rapporteur. Ancienne République soviétique, la Moldavie est un petit pays enclavé entre l’ Ukraine et la Roumanie. En 2013, 3,6 millions d’habitants étaient recensés, dont plus d’un quart appartenant à des minorités nationales : Ukrainiens, Russes, Gagaouzes, Roms ou Bulgares. Mais le pays est frappé par un phénomène d’émigration économique massive : près du quart de la population a quitté le pays.

Fertile mais dépourvue de ressources naturelles et peu industrialisée, la Moldavie reste le pays le plus pauvre d’Europe : 30 % environ de la population vit encore sous le seuil de pauvreté. Une progression de près de 9 % du PIB a toutefois été enregistrée en 2013.

L’essentiel de la population ne ressent pas de progression significative de son niveau de vie, la grande masse des travailleurs et des retraités souffrant de prix à la consommation élevés au regard du niveau des salaires et des pensions. Le pays reste en outre sujet à une corruption généralisée, contre laquelle les pouvoirs publics affichent cependant une grande détermination.

La Moldavie a entrepris de nombreuses réformes structurelles pour renforcer la stabilité du secteur financier, diversifier la structure des exportations et soutenir le développement des investissements étrangers.

Le Président de la République est élu par le Parlement, à la majorité des trois cinquièmes, ce qui, pendant des années, a entraîné une grande instabilité politique. Après trois ans de vacance de la Présidence de la République, une coalition réunissant conservateurs, libéraux et sociaux-démocrates parvint finalement, le 16 mars 2012, à faire élire M. Nicolae Timofti, ancien président du Conseil supérieur de la magistrature.

La situation est plus délicate encore sur le plan territorial. La Transnistrie, région enclavée entre le reste de la Moldavie et l’Ukraine, qui représente 8 % du territoire national, a en effet proclamé son indépendance par référendum en 1991. S’en est suivi un conflit bref mais violent. Depuis 1992, la région est dirigée par des autorités de fait et se donne toutes les apparences d’un État constitué, mais dont l’indépendance n’est reconnue par aucun pays. Les forces russes sont toujours présentes avec environ 1 500 hommes.

Des négociations en vue du règlement du conflit ont lieu sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ( OSCE ). Malgré des évolutions positives, le problème du règlement politique du conflit reste entier, les autorités de Transnistrie maintenant leur objectif d’une indépendance complète.

Toutes les conditions sont malheureusement réunies aujourd’hui pour que cet équilibre instable soit remis en question par les troubles en Ukraine, compte tenu des similitudes frappantes entre la Transnistrie, d’une part, la Crimée et l’Est de l’Ukraine, d’autre part.

Une délégation du groupe d’amitié France-Moldavie de l’Assemblée nationale, conduite par son président Frédéric Reiss, que je salue, s’est rendue à Chisinau il y a un mois et demi. Sur place, nous avons pu prendre la mesure du dilemme qui s’est emparé du peuple moldave.

La minorité russe représente 6 % de la population et la communauté russophone de 22 à 30 %, selon les sources. De larges pans de la société moldave se sentent culturellement et psychologiquement proches de la Russie.

Si le roumain est en théorie la seule langue officielle, consacrée par la Constitution, le russe fait office de seconde langue nationale, d’autant qu’il est privilégié par toutes les minorités nationales et que son statut administratif reste flou. Les médias russes constituent un relais d’influence puissant en faveur des intérêts géopolitiques du grand voisin oriental et le Président Poutine est la personnalité politique la plus populaire du pays.

La Russie contrôle l’opérateur national Moldovagaz, à travers Gazprom, et la dette gazière représente plus de 4 milliards de dollars. Les exportations de vin et spiritueux moldave pèsent par ailleurs de manière importante dans la balance commerciale et la Russie en use régulièrement comme d’un moyen de pression : elle a prononcé, en septembre 2013, un embargo sur les importations de ces produits.

Les autorités moldaves, quoique clairement pro-européennes, s’efforcent, par réalisme, de maintenir des relations aussi bonnes que possible avec leur puissant voisin.

Après vingt années de tergiversations entre l’attraction de la Fédération de Russie et celle de l’Union européenne, la coalition au pouvoir estime toutefois que le pays doit désormais trancher en faveur de la seconde. Elle juge, d’une part, que la faible population du pays faciliterait son intégration rapide et, d’autre part, qu’il a pris de l’avance, par rapport à ses voisins du Partenariat oriental, dans ses réformes structurelles et sa consolidation de l’État de droit.

Le premier ministre, Iurie Leanca, a déclaré, le 29 avril, que la Moldavie était candidate à l’adhésion à l’Union européenne pour le second semestre de 2019, quand la Roumanie prendra la présidence tournante. Cette déclaration doit toutefois être prise comme un affichage politique, d’autant que la Moldavie n’a pas déposé de candidature officielle.

En 2011, 71 % des Moldaves se déclaraient favorables à l’adhésion à l’ Union européenne ; aujourd’hui, l’opinion publique se partage manifestement à parts égales. Les doutes dont rend compte cette chute de la popularité européenne s’expliquent essentiellement par deux phénomènes : un mouvement de désaffection à l’égard du pouvoir en place, habituelle dans tous les pays démocratiques ; la crise économique traversée par l’Union européenne, qui peut laisser penser qu’un rapprochement avec elle sans espoir d’adhésion à court terme serait moins favorable qu’une entrée immédiate dans l’Union douanière eurasiatique.

La Moldavie s’impose pourtant comme le principal bénéficiaire par habitant des aides financière accordées par l’Union européenne. À cela s’ajoute la suppression des visas de court séjour pour entrer dans l’Union européenne, entrée en vigueur le 28 avril. Mais cela suffira-t-il pour inverser la tendance dans l’opinion publique ?

Les relations entre l’Union européenne et la Moldavie sont actuellement fondées sur l’accord de partenariat et de coopération de juillet 1998. Les négociations relatives à l’accord d’association global, dont il est question cette après-midi, ont démarré en janvier 2010 et le texte a finalement été paraphé le 29 novembre 2013. Les deux parties ont prévu de le signer le 27 juin prochain, accompagnées des représentants des gouvernements des Vingt-huit.

Cet accord d’association vise à accélérer l’approfondissement des relations politiques et économiques ainsi qu’à faire progresser l’intégration économique graduelle de la Moldavie dans le marché intérieur, notamment grâce à la mise en place d’une zone de libre-échange approfondi et complet. Cette intégration accrue devrait constituer un puissant vecteur de croissance pour la Moldavie, mais aussi améliorer la qualité des produits commercialisés et des services rendus aux citoyens, et faire du pays un concurrent effectif sur les marchés internationaux.

Il est prévu d’appliquer certaines parties de l’accord à titre provisoire. Même si, eu égard à l’accélération de la procédure, elle n’aura vraisemblablement pas lieu d’être appliquée, cette mesure traduit la volonté commune des deux parties de commencer à mettre en œuvre et à appliquer les volets de l’accord qui s’y prêtent, afin que les effets des réformes sur certains aspects sectoriels produisent leurs effets au plus tôt.

L’accord obéit à des principes généraux, dont la violation par l’une ou l’autre des parties pourrait entraîner l’adoption de mesures spécifiques allant jusqu’à la suspension des droits et obligations, au premier rang desquels le respect de l’État de droit, de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

L’accord d’association instaure un dialogue politique renforcé tendant à promouvoir une convergence graduelle sur les questions de politique étrangère, de sécurité et de défense, en vue de promouvoir la paix et la justice.

Les parties réaffirment leur volonté de trouver une solution durable au problème de la Transnistrie, en respectant pleinement la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République de Moldavie, ainsi que de faciliter ensemble la réhabilitation de la région, une fois le conflit terminé.

Dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité, l’accord met l’accent sur le fonctionnement efficace des institutions. Il établit un cadre de coopération en matière de migration, d’asile et de gestion des frontières, de protection des données personnelles et de lutte contre le blanchiment de capitaux, le terrorisme et le trafic de drogue. Il comporte des dispositions relatives à la circulation des personnes, notamment à l’assouplissement du régime des visas. Il traite aussi de la volonté de lutter contre la criminalité, la corruption, les autres activités illégales et de continuer à développer la coopération judiciaire en matière civile et pénale.

Il prévoit de nombreuses possibilités de coopération sectorielle dans vingt-huit domaines, comme la réforme de l’administration publique, la gestion des finances publiques, l’énergie, les transports, la protection de l’environnement, la politique industrielle, le social, la protection des consommateurs, l’agriculture et le développement rural, la coopération transfrontière et régionale, l’éducation, la formation, la société civile, la jeunesse ou la culture.

L’accord définit également un cadre institutionnel actualisé incluant des espaces de coopération et de dialogue. Des fonctions décisionnelles précises seront attribuées à un conseil d’association et, par délégation, à un comité d’association.

La Commission européenne a atteint les objectifs fixés dans les directives de négociation en ce qui concerne la suppression des droits à l’importation sur la quasi-totalité des échanges commerciaux et la définition d’un cadre interdisant toutes les mesures arbitraires de restriction des échanges.

La partie de l’accord d’association consacrée à la zone de libre-échange approfondi et complet contient des dispositions spécifiques en ce qui concerne les produits et les questions sensibles, prévoyant notamment des périodes de transition, des contingents tarifaires et un mécanisme anti-contournement pour certains produits agricoles.

La Moldavie adaptera progressivement ses réglementations et normes techniques à celles de l’Union européenne pour les rendre plus rigoureuses. Il est aussi prévu d’aligner la législation moldave sanitaire, phytosanitaire et de bien-être animal sur celle de l’Union européenne.

Le protocole relatif à l’assistance administrative mutuelle en matière douanière offrira un cadre juridique plus solide.

En matière d’établissement, le traitement national et le traitement de la nation la plus favorisée seront accordées aux entreprises moldaves, moyennant certaines réserves.

Un large accès au marché européen des services sera ouvert aux entreprises moldaves, avec la possibilité, à terme, de le libéraliser encore davantage.

Toutes les indications géographiques agricoles de l’Union européenne bénéficieront d’un haut niveau de protection.

D’autres dispositions visent à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle conformément aux règles internes de l’Union européenne.

À l’issue d’une période de transition, la Moldavie pourra accéder aux marchés publics de l’Union européenne, à l’exclusion du secteur de la défense.

Elle devra adopter une législation complète en matière de concurrence et garantir l’application effective du principe de concurrence non faussée. Elle s’engage à adopter un système interne de contrôle des aides d’État similaire à celui de l’Union européenne.

Des dispositions contraignantes spécifiques portent sur la tarification de l’énergie.

Les parties expriment leur détermination à poursuivre l’objectif de développement durable en matière commerciale et à respecter les engagements multilatéraux à cet égard, tout en se reconnaissant le droit d’établir leurs propres niveaux intérieurs de protection de l’environnement et du travail.

Des procédures de règlement efficaces, inspirées de l’accord de l’Organisation mondiale du commerce ( OMC ) sur le règlement des différends, permettront de résoudre plus rapidement les désaccords commerciaux bilatéraux.

Enfin, les parties ont approuvé des dispositions spéciales en matière de transparence et de dialogue avec la société civile et les parties prenantes, dans le but de garantir le caractère consultatif, l’ouverture et la prévisibilité de l’élaboration des politiques commerciales.

En conséquence, je vous propose : que nous approuvions le principe du projet d’accord d’association entre l’Union européenne et la République de Moldavie ; que nous saluions l’exhaustivité des dispositions qu’il contient, de nature à donner une impulsion décisive à la coopération entre les deux parties ; que nous nous félicitions de la programmation de sa signature par les deux parties et les gouvernements des vingt-huit États membres programmée pour le Conseil européen des 26 et 27 juin 2014 et que nous invitions les autorités européennes à le conclure ensuite au plus vite ; que nous émettions le souhait de le voir par la suite ratifié par les États membres dans les meilleurs délais possibles.

Mme Chantal Guittet, co-rapporteur. La forte proximité, qui s’exprime notamment dans l’intense porosité des frontières, entre la Moldavie et la Roumanie, dont tant de Moldaves vont même jusqu’à disposer du passeport, ne joue-t-elle pas un rôle particulier, voire décisif, pour arrimer ce pays à l’Union ?

M. Jean-Louis Roumégas, co-rapporteur. La force des liens entre les deux pays, symbolisés aussi par une langue commune, est en effet un élément important de l’identité moldave.

Il importe toutefois de ne pas en exagérer les conséquences.

En premier lieu, très rares sont ceux en Moldavie qui aspirent, comme on l’entend trop souvent, à un rattachement leur voisin.

En second lieu, l’adhésion de la Roumanie n’a pas, comme il est parfois dit, ouvert en grand les portes de l’Union aux citoyens moldaves, même s’ils ont, il est vrai, la faculté d’obtenir facilement un passeport roumain. Il importe en effet de noter que, depuis le 28 avril 2014, les ressortissants moldaves peuvent bénéficier des visas touristiques dans les mêmes conditions que tous nos autres partenaires.

M. Frédéric Reiss. La Moldavie, passée la douce euphorie de l’indépendance, a connu de redoutables difficultés, au sein desquelles pèsent de tout leur poids le conflit gelé en Transnistrie, une structure économique très défaillante et la vulnérabilité particulière du pays aux fléaux de la criminalité et de la corruption. Il n’est jusqu’à la légendaire francophonie de ses habitants qui n’ait essuyé les vents contraires d’une crise profonde. C’est bien pourquoi la perspective européenne, comme souvent gage d’apaisement et de probité politique et horizon de progrès économique et social, y demeure si importante – et si menacée, comme le montre notamment la force du parti communiste, plus spontanément proche de la Russie, dans les sondages en vue des prochaines élections à l’automne. Dans cet esprit, la mise en œuvre des visas touristiques et la négociation d’un accord d’association sont des étapes très importantes, objets de fierté pour une vaste majorité de Moldaves. Et, pour illustrer cet enthousiasme, je peux témoigner par exemple de la forte implication des parlementaires moldaves dans les organes de coopération européenne, avec notamment leur présidence de pas moins de deux commissions dans l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

M. Jean-Louis Roumégas, co-rapporteur. Cet enthousiasme européen, fort et réel, doit aussi tenir compte de la place absolument incontournable de la Russie. Cela impose un équilibre et une mesure dans les avancées dont nous peinons parfois, ici, à percevoir les subtilités. Je pense notamment à la question sensible de l’adhésion à l’OTAN, sur laquelle les sociaux-démocratiques font preuve d’une prudence révélatrice en nuance à l’impatience des libéraux.

M. William Dumas. Ce poids est d’ailleurs renforcé par l’ampleur de la dépendance énergétique de la Moldavie à l’égard de la Russie, illustrée notamment par une dette gigantesque de la première vis-à-vis de la seconde atteignant dès à présent quatre milliards d’euros.

Mme Chantal Guittet, co-rapporteure. Nous sommes en effet ici au cœur du sujet, face à une Russie à l’orgueil national blessé par tant d’années d’affaiblissement. Il me semble que nous devons sans cesse rappeler combien le partenariat avec l’Europe ne signifie pas l’accaparement de notre part de territoires traditionnellement situés dans la sphère d’influence de la Russie. Et, de manière plus décisive encore, il nous faudra bien trouver les voies d’une coopération loyale et fructueuse entre l’Europe et cette « Eurasie » que prétend unifier la Russie.

M. Jean-Luc Bleunven. De manière plus spécifique, de quelles armes nous dotent les accords d’association pour lutter contre la corruption, que vous mentionnez, à raison, comme l’un des défis les plus importants pour les États de notre voisinage immédiat ?

Mme Chantal Guittet, co-rapporteure. La question de la corruption obsède, à juste titre, les populations des États dont nous parlons aujourd’hui, fort mal situés dans les traditionnels « classements » des États effectués par quelques grandes ONG. Elle est l’un des plus violents fléaux auxquels sont confrontés les citoyens les plus vulnérables de ces nations.

M. Jean-Louis Roumégas, co-rapporteur. C’est en effet une préoccupation fondamentale, au cœur des débats publics dans les États dont nous parlons aujourd’hui. En Moldavie par exemple, la sensibilité de l’opinion publique est manifeste, dont témoigne par exemple la condamnation très médiatisée d’un juge corrompu au cours des derniers mois. De toute évidence, l’intégration des normes et bonnes pratiques européennes, en particulier s’agissant de l’affirmation de l’État de droit, qu’encouragent les accords d’association, jouera un rôle décisif pour faire avancer les choses.

La Commission a ensuite adopté les conclusions suivantes :

« La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 217 et 218 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République de Moldavie, d’autre part [COM(2014) 146 – E 9277],

Vu la recommandation de décision du Conseil portant approbation de la conclusion par la Commission, au nom de la Communauté européenne de l’énergie atomique, de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République de Moldavie, d’autre part [COM(2014) 147 – E 9190],

Vu la proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l’Union européenne, et à l’application provisoire de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République de Moldavie, d’autre part [COM(2014) 157 – E 9280],

Considérant que l’approfondissement des relations entre l’Union européenne et la Moldavie répond au dessein européen de consolidation de la paix et de la prospérité sur tout le continent,

Considérant que la Moldavie a accompli des efforts louables et efficaces pour intégrer les standards politiques et économiques de l’Union européenne,

Considérant que la situation en Europe orientale doit inciter l’Union européenne à émettre, à l’attention de l’opinion publique moldave, des signaux concrets de sa volonté de rapprochement,

1. Approuve le projet d’accord d’association entre l’Union européenne et la République de Moldavie ;

2. Estime que l’exhaustivité des dispositions qu’il contient est de nature à donner une impulsion décisive à la coopération entre les deux parties ;

3. Se félicite que sa signature par les deux parties et les gouvernements des vingt-huit États membres soit programmée pour le Conseil européen des 26 et 27 juin 2014 et invite les autorités européennes à le conclure ensuite au plus vite ;

4. Souhaite que cet accord soit par la suite ratifié par les États membres dans les meilleurs délais possibles. ».

La Présidente Danielle Auroi. Les projets de conclusions qui nous sont soumis rappellent opportunément ce point fondamental, comme elles insistent avec pertinence sur l’importance des questions énergétiques. Je propose d’ailleurs, compte-tenu de l’intérêt remarquable de ces travaux dans la perspective du Conseil européen des 26 et 27 juin prochain, que nous publions ces communications dans un rapport d’information commun.

La commission a approuvé la publication du rapport d’information.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Commission Européenne, DG Commerce,
http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2006/september/tradoc_113459.pdf
, 2012

3 Déchu de sa nationalité géorgienne, naturalisé français en 2010, il a toutefois pu se présenter aux élections car la législation géorgienne autorise les ressortissants de États membres de l’Union européenne à se présenter à toutes les élections. Il avait été condamné lors du précédent scrutin à des amendes pour achats de voix.

4 EaPIC, pour Eastern Partnership Integration and Cooperation programme.

5 À partir des années 90, l’importance grandissante que revêt la question énergétique ainsi que l’affaiblissement de la Russie mis en exergue par sa défaite militaire en Tchétchénie, conduisent les américains et les Européens à regarder la région avec un œil nouveau. En 1997, le président Clinton présente devant le Sénat la «  stratégie de la route de la soie », un programme visant entre autres à garantir l’accès aux hydrocarbures de la Caspienne à la Méditerranée. Quelques mois plus tard, nait le GUAM, une alliance de pays qui ont manifesté leur souhait d’être intégrés à l’alliance euro atlantique ( Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan et Moldavie). C’est à cette époque que remontent les premières coopérations militaires : de 1999 à 2000, la Géorgie est le troisième pays bénéficiaire de l’aide américaine.

6 Entité intergouvernementale composée de 10 des 15 anciennes républiques soviétiques.

7 Unité administrative de type «  région ».

8 Le Français Philippe Lefort depuis septembre 2011

9 Accord de cessez-le-feu signé le 12 août 2008 entre l’UE, la Russie et la Géorgie, suite aux négociations de la présidence de l’UE, assumée par la France, et de l’OSCE.

10 Rapport de la mission organisée par l’OFPRA avec la participation de la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA), mars 2013.

11 « L’économie mondiale 2014 », CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales), éditions la découverte, septembre 2013.