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No 2702

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 avril 2015

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques et modifiant les règlements (UE) no 1291/2013 et (UE) no 1316/2013 (E 9964),

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Razzy HAMMADI et Arnaud RICHARD,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Nicolas SANSU, Gilles SAVARY.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

A. LE TEMPS PRESSE 7

B. LES RAISONS DU RECUL DE L’INVESTISSEMENT 9

C. DES ESPOIRS RÉELS 11

1. Les préconisations de l’OCDE 11

2. Les ambitions affichées 12

3. Une conjoncture plus favorable 13

I. UN BILAN POSITIF DOIT ÊTRE TIRÉ DU PACTE POUR LA CROISSANCE ET L’EMPLOI DE JUIN 2012 15

A. IMPACT POUR LA FRANCE 16

1. En 2013 16

2. En 2014 16

B. IMPACT EN EUROPE 19

II. LE PLAN JUNCKER 21

A. LE PLAN JUNCKER : UN PLAN D’ENVERGURE 21

B. L’OUTIL PRINCIPAL DU PLAN JUNCKER : LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT PORTANT CRÉATION DU FONDS EUROPÉEN D’INVESTISSEMENTS STRATÉGIQUES (FEIS) 27

1. Les objectifs 27

2. Le partenariat entre la Commission européenne et la BEI 28

3. Un financement public limité 28

C. L’ANALYSE DES RAPPORTEURS 29

1. La subsidiarité 29

2. Une véritable plus-value pour les États en difficulté 29

3. Une gouvernance excluant l’influence des États et par conséquent se privant du financement de ces derniers 30

4. Un financement qui ne fait pas l’unanimité 31

5. L’assistance technique aux investissements 31

D. LES SUGGESTIONS DES RAPPORTEURS 32

1. Au niveau des considérants 32

2. Au niveau du dispositif 33

III. LA MISE EN œUVRE DU PLAN JUNCKER : VERS UNE STRATÉGIE EUROPÉENNE D’INVESTISSEMENT ? 35

A. LES INCERTITUDES SUR L’INTÉRÊT DES INVESTISSEURS 35

B. UN INSTRUMENT QUI NE FAVORISE PAS UNE DÉMARCHE COMMUNAUTAIRE 36

C. UNE TRANSFORMATION DES FONDS COMMUNAUTAIRES ? 37

D. UNE GOUVERNANCE À CLARIFIER 38

E. LA QUESTION DES GARANTIES À ACCORDER EN CAS DE CO-FINANCEMENT 39

F. UN FINANCEMENT À ÉCLAIRCIR 40

1. Les crédits de recherche 40

2. Les crédits destinés à l’interconnexion des infrastructures 41

G. UN PREMIER BILAN 41

IV. LA CROISSANCE IMPLIQUE UNE POLITIQUE GLOBALE 45

A. LA PRISE EN COMPTE PAR L’UNION EUROPÉENNE DE SON ENVIRONNEMENT, UN EXEMPLE : L’ÉLECTRIFICATION DE L’AFRIQUE 45

B. UNE POLITIQUE GLOBALE AXÉE SUR LA COMPÉTITIVITÉ DE L’UNION EUROPÉENNE AU NIVEAU MONDIAL 46

CONCLUSION : UNE DÉMARCHE POLITIQUE 49

TRAVAUX DE LA COMMISSION 51

I. AUDITION DE M. MICHEL SAPIN, MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS, SUR LE CONSEIL AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES (ECOFIN) DU 9 DÉCEMBRE 53

II. AUDITION, CONJOINTE AVEC LA COMMISSION DES FINANCES ET LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE M. JEAN PISANI-FERRY, COMMISSAIRE GÉNÉRAL DE FRANCE STRATÉGIE, ET DE M. GUILLAUME DUVAL, RÉDACTEUR EN CHEF D’ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES, SUR LA RELANCE DE L’INVESTISSEMENT EN EUROPE 67

III. RÉUNION, AVEC LES MEMBRES FRANÇAIS DU PARLEMENT EUROPÉEN, CONJOINTE AVEC LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES DU SÉNAT, SUR LA RELANCE DE L’INVESTISSEMENT EN EUROPE) 85

IV. COMMUNICATION DE M. RAZZY HAMMADI ET M. ARNAUD RICHARD SUR LE PLAN JUNCKER DE RELANCE DE L’INVESTISSEMENT DANS L’UNION EUROPÉENNE ET LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT CRÉANT LE FONDS EUROPÉEN POUR LES INVESTISSEMENTS STRATÉGIQUES (COM(2015) 10 FINAL – E 9964) 99

V. EXAMEN DU RAPPORT D’INFORMATION 105

CONCLUSIONS ADOPTÉES 109

ANNEXES 113

ANNEXE NO 1 : PRÉSENTATION DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE EN FAVEUR DE LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE (SOURCE COMMISSION EUROPÉENNE) 115

ANNEXE NO 2 : LISTE DES PROJETS DRESSÉE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE ET LES ÉTATS MEMBRES (SOURCE SITE INTERNET DE LA BEI, EXTRAIT LISTE DES PROJETS FRANÇAIS) 125

ANNEXE NO 3 : MISE EN œUVRE DU PACTE POUR LA CROISSANCE ET L’EMPLOI 127

ANNEXE NO 4 : LISTE DES PROJETS FRANÇAIS SOUMIS À LA « TASK FORCE » DE LA BEI ET DE LA COMMISSION EUROPÉENNE (DÉCEMBRE 2014) 135

ANNEXE N° 5 : STIMULER L’INVESTISSEMENT PERSPECTIVES ECONOMIQUES DE L’OCDE, VOLUME 2015/1 165

INTRODUCTION

« Nous partîmes huit mais par un prompt renfort nous arrivâmes trois cent quinze au port. »

Paraphrasant ainsi le Cid nous pourrions parler en ces termes de l’acte phare de la nouvelle Commission européenne : « le plan Juncker » qui ambitionne, avec un très faible apport de fonds publics (8 milliards d’euros), de dynamiser la croissance européenne en mobilisant au total 315 milliards d’euros d’investissements, pour favoriser les anticipations positives des acteurs économiques, et par voie de conséquence la relance de l’investissement, pilier d’une croissance pérenne, créatrice d’emplois, seule à même de sortir la zone euro de son marasme2.

Il n’en est que temps : depuis sept ans l’Union européenne traverse la crise économique la plus grave, et la plus longue, depuis 1929. Les résultats économiques de la zone euro, en termes de croissance, ont été ces trois dernières années les plus mauvais des grands ensembles économiques. Aussi, l’OCDE comme le FMI ont-ils appelé la zone euro et l’Union européenne à engager une politique de relance. Ces appels ont été longtemps sans succès du fait de « l’autisme » de la précédente Commission européenne et des profondes divergences de point de vue entre les États, dont une partie importante privilégie le retour à l’équilibre budgétaire au détriment de la croissance.

A. LE TEMPS PRESSE

Avec le recul, qui est le nôtre aujourd’hui, nous devons constater que la politique économique européenne, trop axée sur l’austérité budgétaire a eu un coup social très lourd, sans être performante : seuls sept des dix-neuf pays de la zone euro affichent un PIB plus élevé qu’il y a sept ans3, certains pays ont vu leur PIB chuter lourdement (Grèce, -26 %, Italie, -9,5 %, Portugal, -6,9 %...). Si nous nous plaçons dans une perspective plus longue, par exemple depuis la création de l’Euro, certains pays tels que l’Italie ont vu leur PIB par habitant régresser (-4,3 %)4.

Il est légitime de regretter que la Commission européenne, comme la BCE, aient mis autant de temps à réagir et que nos partenaires européens n’aient soutenu qu’avec réticence les demandes formulées par la France, en particulier pour le premier plan de relance de 2012, intéressant mais insuffisant en volume. De même la politique de « quantitative easing » de la BCE, mise en place aujourd’hui, aurait dû l’être au plus fort de la crise, ce qui aurait évité bien des difficultés et une surévaluation de l’euro, durant plusieurs années, qui a pénalisé la croissance européenne.

L’investissement, qu’il soit public ou privé, a été l’une des premières victimes de la crise : à l’échelle de l’Union européenne, il est inférieur de près de 15 % à son niveau antérieur (2007).

Il ne nous paraît pas excessif d’estimer que l’accent mis sur un retour trop rapide aux équilibres financiers, par la Commission européenne5, avec l’appui de l’Allemagne et des pays nordiques, a été une erreur, qui s’est traduite prioritairement par la baisse de l’investissement public, économie budgétaire plus facile à réaliser qu’une diminution des dépenses de fonctionnement. Si pour certains pays la formation brute de capital fixe (FBCF) des administrations publiques est restée relativement stable tout au long de la période 2008-2013, comme l’Allemagne (2 % du PIB) et la France (4 % du PIB), d’autres ont vu leur investissement public reculer fortement, à l’instar de l’Italie (2,4 % du PIB en 2013, contre 3 % en 2008), de l’Espagne (2,1 % du PIB, contre 4,6 %), du Portugal (2,2 % du PIB, contre 3,7 %), de la Grèce (2,7 % du PIB, contre 4,9 %).

Ce phénomène touche donc les États membres de l’Union dans des proportions très différentes. Dans les États les plus touchés par la crise la situation socio-économique est particulièrement grave, elle alimente le populisme, et la baisse des investissements, hypothèque à moyen-terme le potentiel de croissance. À cela s’ajoute une tendance longue à la baisse de l’investissement public dans l’Union européenne, qui se traduit par des infrastructures vieillissantes chez certains États membres qui, bien qu’ayant une situation économique satisfaisante, connaissent un déficit d’investissements depuis de longues années6.

« Le temps presse. La France et l’Allemagne doivent agir maintenant. Et elles ont besoin d’agir ensemble. Le plus grand danger actuel est une période de faux-semblant, où la priorité des discours est accordée aux grands projets et aux réformes, mais où aucune mesure concrète n’est prise. En 2017, il y aura des élections dans les deux pays. Cela signifie que 2015 sera une année cruciale pour les réformes jointes et pour l’investissement ».

« L’Europe ne peut pas se permettre de décevoir, ni économiquement, ni politiquement. La France et l’Allemagne doivent conduire ce mouvement ; ils ont besoin de montrer l’exemple et de le faire en premier. Une nouvelle équipe est en charge au niveau européen, l’opportunité d’agir ne doit pas être manquée.7 »

B. LES RAISONS DU RECUL DE L’INVESTISSEMENT

Plusieurs raisons expliquent le recul important de l’investissement :

- L’investissement privé a été entravé par le coût élevé du financement bancaire dans certains États. Or, il ne peut pas y avoir de reprise économique sans croissance du crédit, et donc de l’investissement privé. Le raffermissement de l’investissement privé est donc la condition du retour à une croissance forte et durable.

L’investissement public a subi les effets de l’accent mis sur la consolidation budgétaire ces dernières années. Les réductions des dépenses ont porté de manière disproportionnée sur les dépenses d’investissement (y compris en sacrifiant la recherche publique).

Les données d’Eurostat relatives à la formation brute de capital fixe (FBCF) font apparaître un net recul des dépenses d’investissement dans l’Union européenne (UE-28), celles-ci étant passées de 2 927,5 milliards d’euros à 2 609 (6 milliards d’euros entre 2008 et 2013, soit une diminution de 10,9 % en valeur).

ÉVOLUTION DE L’INVESTISSEMENT DANS L’UE-28

(en milliards d’euros, prix courants)

ttp://www.senat.fr/rap/l14-349/l14-3491.gif

ÉVOLUTION DE L’INVESTISSEMENT DES GRANDS PAYS
DE L’UNION EUROPÉENNE

ttp://www.senat.fr/rap/l14-349/l14-3493.gif

Source : Eurostat.

Il nous semble que l’Histoire jugera sévèrement le manque de réactivité de l’Union européenne et de ses pays membres. Il suffit de se référer d’ailleurs à notre rapport du 4 décembre 2012 sur le « Pacte pour la croissance et l’emploi » arrêté par le Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, dans lequel nous soulignions que : « La mise en perspective du Pacte avec les données économiques générales est indispensable : une croissance dynamique en Europe implique de lutter contre la surévaluation de l’euro, de promouvoir l’allongement du calendrier de retour à l’équilibre budgétaire… ».

Les points 4 à 9 des conclusions adoptées alors par notre commission 8 nous semblent toujours d’actualité avec néanmoins un point nouveau : la BCE n’a pas attendu que les autorités européennes le lui demandent pour engager une politique qui a conduit à une forte baisse de l’euro par rapport au dollar.

Pour mémoire :

(…)

« 4. Rappelle qu’aux termes de l’article 119 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne la politique de change est de la compétence de l’Union européenne ;

« 5. Souhaite qu’il soit fait application de l’article 219 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et que le Conseil, sur proposition de la Commission européenne ou de la Banque centrale européenne, détermine une politique de change de l’euro par rapport aux principales monnaies mondiales ;

« 6. Demande que soit éclaircie la notion d’ »  assainissement budgétaire différencié, axé sur la croissance », au regard des nouveaux textes européens relatifs à la supervision macroéconomique de la zone euro (investissements productifs, fonctionnement financé par la dette) ;

« 7. Préconise que la Commission européenne, au vu de la conjoncture économique dégradée des pays de l’Union, propose de décaler d’au moins un an le retour des États à l’équilibre budgétaire ;

« 8. Demande que les crédits accordés par les États à l’Union européenne et à ses institutions ou à des actions de solidarité vis-à-vis des États en difficultés de la zone euro, soient exclus du plafond de déficit autorisé car, s’agissant de décisions de l’Union européenne, la notion de discipline communautaire n’a guère de sens ;

« 9. Estime qu’un budget européen revu à la baisse, s’agissant notamment des crédits d’innovation et de recherche, annihilerait les effets du « Pacte pour la croissance et l’emploi ».

C. DES ESPOIRS RÉELS

Le Conseil européen des 23 et 24 octobre dernier a souligné que :

« Pour créer les conditions d’une reprise économique forte et durable, l’Europe doit investir dans son avenir. La faiblesse des investissements d’aujourd’hui compromet les perspectives de croissance de demain. Le Conseil européen soutient l’intention de la prochaine Commission de lancer une initiative qui mobilisera 300 milliards d’euros pour des investissements supplémentaires provenant de sources publiques et privées au cours de la période 2015-2017... »

Il est évident que vos Rapporteurs ne peuvent que partager cette analyse.

1. Les préconisations de l’OCDE

Dans sa publication de fin 2014 sur les perspectives économiques mondiales9, l’OCDE insiste sur l’impérieuse nécessité d’alléger le poids de la rigueur en zone euro. A l’appui de sa recommandation, l’organisation internationale évoque le risque que fait peser sur la croissance mondiale une zone euro qui pâtit d’une croissance anémique (le PIB ne devrait croître que de 1,1 % en 2015), d’un chômage élevé et d’une inflation très basse. Relevant que la zone euro représente un quart de la croissance mondiale, les experts de l’OCDE craignent qu’une stagnation prolongée dans cette partie du monde freine la croissance globale et ait des effets de contagion sur les autres économies avec lesquelles elle est liée sur les plans commerciaux et financiers.

Mais surtout, l’organisation du Château de la Muette estime que les raisons des mauvaises performances économiques de la zone euro sont essentiellement dues à la faiblesse de la demande, et en particulier de la consommation et de l’investissement. L’OCDE plaide pour une réaction vigoureuse des décideurs publics européens pour stimuler la demande et favoriser une croissance plus forte. Selon elle, cela passe par la mise en œuvre simultanée de politiques budgétaires moins restrictives, d’une politique monétaire de la BCE plus accommodante qu’elle n’est actuellement, avec le lancement d’un véritable programme d’achats massifs d’actifs financiers, et des réformes structurelles plus poussées. Concernant la situation des finances publiques de la France et de l’Italie, l’OCDE estime que la faiblesse de la croissance de leurs économies justifierait un report des efforts budgétaires demandés à ces deux pays. Cette prise de position de l’OCDE est intervenue au mois de novembre 2014, au moment où la Commission européenne, sous l’influence de l’Allemagne, exigeait des efforts supplémentaires d’austérité budgétaire de la part de la France et de l’Italie, susceptibles de casser l’amorce de reprise économique dans ces deux pays et, au final d’être contreproductive.

Vos Rapporteurs se félicitent que la BCE ait engagé une politique qui, suivant les préconisations de l’OCDE, aide à la relance et souhaitent que la Commission européenne considère que la situation de la zone euro est suffisamment grave, sur le double plan de l’économie et de la politique, avec la montée de l’euroscepticisme, pour s’engager ouvertement dans une politique de relance.

En appuyant simultanément sur l’accélérateur, avec le plan Juncker, et le frein, avec l’exigence de rigueur budgétaire, nous risquons une embardée. Il convient d’éloigner ce risque.

Mais, malgré les réserves que nous venons d’évoquer nous devons nous féliciter de la mise en place rapide du plan Juncker qui permet à l’Union européenne d’afficher à nouveau des ambitions pour l’Europe.

1. Les ambitions affichées

Pour la Commission européenne : « Il faut rétablir la confiance et réagir au sous-investissement, à l’heure où les ressources publiques sont rares et alors même que les établissements financiers, les particuliers et les entreprises disposent de liquidités prêtes à être utilisées. Le plan d’investissement prévoit de mobiliser de manière avisée des sources de financement publiques et privées, où chaque euro de l’argent public servira à générer des investissements privés, sans créer de nouvelles dettes. Afin de fournir ce financement supplémentaire et de cibler les projets revêtant une importance stratégique et sociétale, un nouveau Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) est en train d’être mis en place sur la base d’une proposition présentée par la Commission européenne le 13 janvier 2015. Ce fonds constitue une étape majeure pour la création d’emplois et la croissance en Europe ». Vos Rapporteurs y ajouteront l’image de l’Union européenne, qui cessera peut être d’apparaître comme un bouc émissaire, si elle œuvre véritablement en faveur de la croissance.

La volonté d’agir vite de la Commission européenne est très encourageante et, il est peu d’exemples (en dehors des secours d’urgence) où l’Union européenne réussisse à mettre sur pied en moins d’un an une opération majeure. La « Task force » de la Commission européenne et celle de la BEI ont commencé à identifier, dès le mois de décembre 2014, les possibilités d’investissements dans des domaines clés pour favoriser l’émergence de projets stratégiques crédibles et transparents ; il s’agit de projets proposés dans un délai très rapide par les États10.

Certains pays souhaitaient que ceux qui n’ont pas fait suffisamment de réformes structurelles soient exclus de ce programme ; fort heureusement, cette idée n’a pas été retenue par la Commission européenne. Elle aurait été inacceptable, une telle restriction aurait contribué à l’amoindrissement de l’idée de solidarité européenne, en fléchant les crédits vers les États qui en ont le moins besoin.

Nous devons également nous féliciter que ces crédits concernent l’ensemble des secteurs économiques et ne se limitent pas aux grands travaux d’infrastructure, nous espérons que la dimension environnementale sera également prépondérante dans les choix effectués.

2. Une conjoncture plus favorable

Les astres sont bien alignés avec la dépréciation de l’euro face à la plupart des monnaies et notamment du dollar, et la chute des cours des matières premières, en particulier du baril de brut, entamée à la fin du second semestre 2014.

Pour la France, selon l’Insee, le PIB progresserait de 0,4 % au premier trimestre puis de 0,3 % au second. Fin juin, l’acquis de croissance s’élèverait à +0,8 %, ce qui signifie, concrètement, que le chiffre de la croissance pour 2015 sera plus élevé et, peut-être, sensiblement supérieur à 1 %.

L’objectif de croissance du gouvernement fixé à 1 % sera sans doute atteint, voire dépassé, pour atteindre 1,2 % (COE-Rexecode) ou 1,1 % pour l’OCDE, qui mesure néanmoins son enthousiasme : « Les aléas concernant la croissance à court terme sont pour la plupart négatifs. L’attitude attentiste des ménages et entreprises pourrait bien se prolonger, au regard de l’incertitude sur les résultats des politiques structurelles et la croissance en zone euro ».11

D’où l’appel de vos Rapporteurs pour que l’Union européenne ouvre grand les vannes du soutien à l’économie en n’oubliant pas son proche environnement, le bassin méditerranéen et l’Afrique, qui constituent des relais de croissance essentiels pour l’Union européenne et le traitement en profondeur de la question des migrations, qui passe par la paix et la croissance économique.

I. UN BILAN POSITIF DOIT ÊTRE TIRÉ DU PACTE POUR LA CROISSANCE ET L’EMPLOI DE JUIN 2012

En juin 2012, le Conseil européen a engagé́ un pacte pour la croissance et l’emploi, comprenant une série de politiques visant à stimuler une croissance intelligente, durable, inclusive, économe en ressources et créatrice d’emplois, en majorant le capital de la BEI, en anticipant le déblocage des fonds structurels et en développant des instruments nouveaux, tels les « projects bonds ». D’un montant initial de 120 milliards d’euro, incluant un effet de levier via l’action de la BEI, il a en fait généré 180 milliards d’euros en Europe12, somme non négligeable, mais insuffisante pour contrebalancer l’effet des politiques de rigueur.

Adopté par le Conseil Européen les 28 et 29 juin 2012, le pacte européen pour la croissance et pour l’emploi comporte deux séries de mesures. La première concerne les mesures directement liées à la gouvernance de l’Union Européenne (politiques fiscales, marché unique, préparation du cadre financier pluriannuel, Union économique et monétaire, gouvernance économique), la seconde porte sur des « mesures de croissance à effet rapide », pour un montant de 120 milliards d’euros :

 - 55 milliards issus de la réaffectation de fonds structurels non programmés ;

 - 5 milliards de « project bonds » (emprunts lancés en commun par plusieurs pays européens pour financer de grands projets d’infrastructure continentaux) ;

 - 60 milliards provenant d’une augmentation de la capacité de prêt de la Banque Européenne d’investissement (BEI) de 10 milliards.

Il convient de relever immédiatement un paradoxe : bien que l’effet réel soit sensiblement moins important que celui attendu du plan Juncker, environ la moitié, les crédits publics engagés, en provenance de l’Union européenne ou des États (via l’augmentation de capital de la BEI), sont en volume le double des crédits prévus par le plan Juncker, ce qui s’explique par une philosophie totalement différente du pacte pour la croissance et l’emploi13, qui privilégiait au total les subventions sur l’ingénierie financière (les « projects-bonds »).

Adopté par le Conseil Européen les 28 et 29 juin 2012, le pacte européen pour la croissance et pour l’emploi comporte deux séries de mesures, l’une directement liée à la gouvernance de l’Union européenne, l’autre portant sur des « mesures de croissance à effet rapide ».

En nous basant sur les documents de la BEI et de la Caisse des dépôts et consignations nous pouvons en tirer un premier bilan pour la France.

L’année 2013 a témoigné d’une augmentation des volumes de financements conclus au sein de l’Union européenne (UE) et en France. Les nouveaux concours financiers de la BEI signés en France en 2013 représentent 7,8 milliards d’euros (+ 80 % par rapport à 2012), dépassant l’objectif de 7 milliards qui avait été fixé en début d’année.

A. IMPACT POUR LA FRANCE

1. En 2013

- Les financements « classiques »

Au titre des projets soutenus en France en 2013 nous pouvons relever particulièrement :

• une ligne de crédit pour le financement des PME et ETI avec BPI France ;

• les premières tranches du Plan Hôpital Avenir ;

• des programmes régionaux de rénovation et de constructions de lycées ;

• plusieurs opérations d’investissement dans l’innovation, le développement des énergies renouvelables et le climat ;

• la poursuite des grands projets d’infrastructures ferroviaires ;

• enfin, le concours au financement du Plan Campus a été approuvé fin 2013.

- Le soutien aux PME

Le Fonds européen d’investissement (FEI), filiale de la BEI dédiée au capital risque en soutien des PME, a également apporté près de 500 millions d’euros, portant le total des concours financiers signés par le groupe BEI pour la France à près de 8,3 milliards.

2. En 2014

Dans le cadre du pacte quelques actions d’importance ont été conduites en France :

• La BEI a alloué des fonds à un grand constructeur automobile en vue d’investir dans la technologie des véhicules électriques, ce qui réduira l’incidence des déplacements sur l’environnement. Les financements de la BEI soutiennent la R&D et permettent de développer une nouvelle génération de véhicules électriques et hybrides, efficaces et abordables. La nouvelle plate-forme de ces véhicules présentera un train moteur (moteur et boite de vitesses) plus simple et moins onéreux, ainsi qu’une carrosserie légère. Cet investissement créera une demande directe d’ingénieurs et de scientifiques hautement qualifiés pour environ 3 200 personnes.

Un accord de coopération conclu entre la BEI et BPI France (Banque publique d’investissement) exerce un effet multiplicateur sur les efforts conjugués nationaux et européens en faveur des PME.

• Un accord bilatéral a été conclu entre la BEI et la Caisse des dépôts en France, le 13 juin 2014, dont l’objectif premier est de garantir aux collectivités locales, aux hôpitaux et aux universités en France d’avoir accès à des crédits à long terme pour financer leurs investissements de développement économique et social.

• Des projets très concrets ont déjà été instruits et financés dans le cadre de cette coopération, tels que le réseau d’initiative publique Très Haut Débit en Haute Savoie (SYANE), le projet de traitement des déchets au Pays basque (Bil Ta Garbi), un projet hospitalier à Toulouse, le projet de transports urbains à Marseille (Marseille Provence Métropole), la rocade L2 à Marseille, ou encore un fonds dédié à la reconversion de friches industrielles (fonds « Brownfield »). Ces travaux en commun ont par ailleurs permis de concrétiser en 2013 deux programmes en cofinancement : le Plan Hôpital Avenir (3 Md€ de financements prévus sur 3 ans) et l’Opération Campus (2,6 Md€ de financements attendus sur 3 ans).

Surtout, l’année 2014 a permis de mettre au point de nouveaux dispositifs. Trois nouveaux programmes intermédiés ont été ainsi mis en place, pour lesquels la BEI et la Caisse des Dépôts partagent une partie de l’instruction technique : financements en faveur des collèges (2 Md€ dont une première tranche BEI de 400 M€ a été signée le 23 juin, soit 800 M€ de prêts à long terme avec la Caisse des Dépôts), des bus à Haut Niveau de Services (900 M€) et du Très Haut Débit (1,5 Md€ avec une première tranche BEI de 300 M€ en cours de signature).

Par ailleurs, l’harmonisation des modalités d’instruction des dossiers de prêts aux collectivités et aux hôpitaux, qui comprend la mise à disposition à la BEI d’un expert de la Caisse des Dépôts, est en cours.

La Caisse des Dépôts et la BEI ont également réaffirmé leur engagement de coordonner leurs capacités de financement au profit des collectivités locales (environ 4 Md€ par an pour la BEI sur la période 2013-2015, et 4 Md€ par an de prêts sur fonds d’épargne mobilisables par la Caisse des Dépôts sur la période 2013-2017), tout en continuant d’associer, pour la BEI, les réseaux des grands groupes bancaires français.

Aujourd’hui, les deux institutions proposent des offres de co-financement dans les domaines universitaire (opération campus), hospitalier (Plan Hôpital Avenir), des transports, des infrastructures du numérique et de la rénovation et de l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments publics. Par ailleurs, des projets de financements innovants sont conjointement menés dans le secteur du Très Haut Débit et font l’objet d’un protocole signé ce jour entre les deux institutions, en présence des ministres. Ce protocole engage une première enveloppe financière de 600 M€ de prêts à long terme pour le secteur public via des banques partenaires pour la BEI. À cela s’ajouteront des financements directs de collectivités pour au moins 200 M€. De plus, le financement d’un projet de 200 M€ avec le secteur privé sera signé dans les prochaines semaines. Ce financement innovant mettra en place la première opération sous forme d’obligations de projet en France et en Europe. 1 milliard d’euros sera ainsi disponible dès juillet pour des projets de Très Haut Débit en France au cours des douze prochains mois.

Exemples de projets soutenus par la BEI :

- Transports financement pour la création de ligne de tramway urbain (Le Havre, Montpellier, Dijon, Marseille, Orléans, Reims), achat de matériel roulant pour le transport ferroviaire (Plan Rail de Midi Pyrénées, Rame TER Picardie), travaux pour la mise en sécurité du tunnel de Fréjus ;

- Education et santé : financement du programme national hôpital 2012, programme de modernisation du CHU d’Amiens, Tours, Marseille, Réhabilitation de 64 collèges en Languedoc Roussillon, Programme Lycée HQE d’Aquitaine ;

- Industrie et services : Projet de RDI de PSA, Renault, Michelin ou encore EADS, réhabilitation des sites de RDI de Sanofi à travers l’Europe ;

- Energie : programme photovoltaïque de Languedoc Roussillon, prêt cadre avec la région Centre pour le déploiement des énergies renouvelables, plan efficacité énergétique des lycées de Basse Normandie.

- Les obligations de projets

Une enveloppe de 230 millions d’euros du pacte de croissance de 2012, devait permettre d’expérimenter les « project bonds » : la BEI apporte sa garantie à l’émission d’obligations privées afin d’améliorer leur notation et réduire le coût pour les émetteurs sans pour autant mettre à mal sa propre notation financière (AAA), attribuée par les agences de notation. Cette initiative était censée générer 4 milliards d’investissements privés sur un total de 120 milliards.

La France a contribué à cette politique avec, par exemple, l’émission d’une obligation de 189 millions d’euros lancée par la société privée Axione Infrastructure14 avec l’aide de la Banque européenne d’investissement (BEI). Détenue par Bouygues Énergie et services, les Caisses d’épargne, et la Caisse des dépôts, cette société participe au déploiement de l’accès à l’Internet haut débit dans les zones les plus isolées du territoire. Ce projet français a bénéficié de l’intégralité de l’enveloppe des « project bonds » destinée au financement du numérique : une garantie de 20 millions d’euros de la BEI. Soit un effet multiplicateur de 9 puisque cela devrait permettre à l’entreprise de lever 189 millions d’euros sur les marchés. Il constitue un exemple de l’ingénierie financière à la base du « Plan Juncker »15.

Par contre vos Rapporteurs ne sont pas convaincus que la mobilisation accrue des fonds structurels demandée par une circulaire du Premier ministre dès Aout 201216, ait produit les effets attendus17 en France.

B. IMPACT EN EUROPE

En Europe, les financements de la BEI ont également augmenté de façon significative, pour atteindre un total de 64 milliards en 2013. Ce montant représente une augmentation de 42 % par rapport à 2012, soit environ 45 milliards d’euros.

Les opérations d’investissement nouvellement financées par la BEI ont été l’occasion d’apporter un soutien renforcé aux PME et à l’emploi, en particulier celui des jeunes.

La mise en œuvre de ce volet du Pacte se poursuivra en 2014 avec, notamment, la contribution de la BEI à l’initiative européenne pour l’emploi des jeunes, des initiatives européennes de soutien au financement des PME, et l’augmentation des moyens du FEI, décidée par le Conseil européen des 19 et 20 décembre 2013.

L’argent public européen mobilisé pour les « project bonds » doit être consacré aux infrastructures de transport transeuropéennes (200 millions d’euros) et d’énergie (10 millions d’euros).

Le bilan positif que nous pouvons tirer du pacte pour la croissance et l’emploi a montré la nécessité de poursuivre, avec une plus grande ampleur, cette politique. C’est l’objet du plan Juncker.

En effet, en dépit de la dépréciation de l’euro, le commerce extérieur ne parvient pas à devenir un véritable moteur de croissance. Au premier semestre, il n’apporterait que 0,1 point de PIB à la croissance française, du fait du faible nombre d’entreprises exportatrices. La France n’en compte que 121 000, contre 210 000 et 310 000 pour l’Italie et l’Allemagne.

L’investissement est toujours en panne, d’où la mise en place d’un régime d’amortissement accéléré, ciblé sur les investissements de modernisation annoncée par le Gouvernement. Il est bien évident que nous ne devons pas tout attendre des pouvoirs publics et que l’investissement privé doit prendre le relais.

L’urgence climatique doit être un déterminant majeur de la politique d’investissement, le dernier rapport du GIEC ayant montré que la température globale monterait irrémédiablement au-dessus des 3°C, si la transition vers une économie bas carbone et économe en ressources ne s’accélérait pas d’ici 2020. La lutte contre le chômage et les inégalités, passant en priorité par un soutien des jeunes, constitue également un objectif transversal majeur. La révolution numérique est en cours et il s’agit de permettre à l’Europe d’en être un acteur et un utilisateur. Ce plan d’investissement devrait avoir pour objectif général l’accélération du passage de l’Europe à un nouveau modèle économique, plus durable et inclusif, dont la nécessité a été soulignée par le Président de la République lors du Sommet sur le Climat le 23 septembre 2014. Il contribuerait ainsi à redonner du sens au projet européen en montrant une Europe plus concrète, utile et confiante en l’avenir.

II. LE PLAN JUNCKER

« Depuis 2007, l’Europe déploie des efforts colossaux pour surmonter la crise économique et financière. Elle a amélioré la gouvernance économique, introduit des mesures efficaces de protection financière et mis en place une union bancaire. Les États membres assainissent leurs finances publiques et entreprennent des réformes structurelles. Toutefois, malgré les progrès accomplis, l’économie européenne demeure fragile… Le manque d’investissement n’est pas imputable à un manque de ressources. Les liquidités sont abondantes en Europe, tant dans les institutions financières que dans les grandes entreprises, mais ces fonds ne parviennent pas à l’économie réelle. Éprouvés par une longue période de crise et préoccupés par les incertitudes réglementaires et économiques, les investisseurs fuient le risque. 18 »

Le « plan Juncker », partageant ce constat, se veut global ; il aborde la relance des investissements en Europe en essayant au préalable d’identifier des projets d’investissement viables, et des goulets d’étranglement nuisant à ces investissements, il privilégie également comme moyen d’action le renforcement du marché unique européen.

Il ambitionne l’injection d’au moins 315 milliards d’euros d’investissements publics et privés dans l’économie réelle au cours des trois prochaines années (2015-2017), grâce à un important effet de levier généré par les garanties assurées à partir des fonds publics car l’effet de catalyse de l’investissement privé est au cœur du Plan Juncker.

Dans cette optique le nouveau Fonds européen d’investissement stratégique (FEIS), objet de ce rapport, sera complémentaire des outils européens déjà existants, déployés par les États membres ou par la BEI.

A. LE PLAN JUNCKER : UN PLAN D’ENVERGURE

Afin d’éviter que ce plan d’investissement ne soit qu’une agrégation de projets nationaux, et pour tirer un maximum de bénéfices de la mutualisation de ces 300 Md€, il s’agirait d’identifier en priorité des secteurs d’intérêt commun qui répondent à des urgences qui font sens au niveau des politiques structurelles européennes.

Pour la BEI « le manque d’investissement n’est pas imputable à un manque de ressources. Les liquidités sont abondantes en Europe, tant dans les institutions financières que dans les grandes entreprises, mais ces fonds ne parviennent pas à l’économie réelle. Éprouvés par une longue période de crise et préoccupés par les incertitudes réglementaires et économiques, les investisseurs fuient le risque. Le défi de la BEI consiste à contribuer à pallier ces lacunes du marché en matière de capacité de prise de risque en Europe. Il faut combler le déficit d’investissement et aider les promoteurs de projets à mobiliser des financements privés. Il nous faut accroître la capacité d’investissement du Groupe BEI et de tiers. Tel est l’objectif qui sous-tend le lancement par la Commission d’un plan d’investissement pour l’Europe et la proposition de création d’un nouveau Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) sous l’égide de la BEI.19 »

Un aspect important de la relance de la croissance économique, consiste à libérer les sources de financement désintermédiées (non bancaires) de long terme. A la différence des États-Unis, l’économie de l’Union est très majoritairement financée par les banques, qui sont limitées dans leurs capacités de prêt, en raison notamment du cadre règlementaire qui leur a été imposé depuis 2009 et les accords de Bâle III qui ont accru les exigences de fonds propres. Le développement des marchés des capitaux peut « prendre le relais » des banques et favoriser l’investissement de l’épargne privée européenne vers le financement à long terme des infrastructures et de l’innovation. L’Union des marchés de capitaux est donc étroitement associée à la réalisation du Plan Juncker.

Le plan d’investissement en lui-même vise deux objectifs essentiels pour la Commission européenne : faire le lien entre le court et le long terme, et entre politiques de l’offre et de la demande. Il vise également à faire le plus possible levier sur les financements privés, faisant ainsi le lien entre investissement public et investissement privé.

Le plan comporte donc :

- un volet de court terme, de projets matures qui peuvent être lancés rapidement ou accélérés (fast start) pour rendre ce plan concret et soutenir l’activité (la liste de 2000 projets dressée par la task force en décembre 2014 correspond à cette approche) ;

- un volet de moyen terme (3 ans et au-delà dans certains cas), davantage axé sur l’innovation et le renforcement du potentiel de croissance.

Les grands axes du plan seraient :

- préparer l’avenir en atteignant les objectifs stratégiques : transition énergétique ; numérique ; transports ; enseignement/formation ;

- lutter contre la fragmentation financière et la crise d’investissement : action ciblée sur les pays en crise, visant à lutter contre le déficit d’investissement causé par la crise et les plans de redressement à la fois du secteur privé et du secteur public20 ;

- la lutte contre le sous-investissement du secteur public : est ciblée sur l’investissement que pourraient réaliser les États ayant des marges de manœuvre budgétaires plus importantes, et qui produirait des effets bénéfiques pour l’Union européenne dans son ensemble, et sur l’investissement public pouvant être réalisé dans les pays ne disposant pas de telles marges.

Le programme d’investissement devra pour la Commission européenne se concentrer sur les secteurs qui contribueront le plus efficacement à une croissance durable et à la création d’emplois de qualité.

Les secteurs prioritaires identifiés par la Commission européenne sont :

Ø Les infrastructures économiques, pour répondre à un triple défi :

– la transition énergétique,

– les infrastructures de transport et d’énergie (remise à niveau et modernisation des réseaux existants dans certains États - développement de nouveaux projets dans d’autres) pour constituer un véritable réseau transeuropéen,

– le développement et l’accès au numérique.

Ø Les infrastructures sociales :


Il s’agit prioritairement :

– d’accorder la priorité aux mesures de lutte contre le chômage, en particulier des jeunes, et à l’investissement dans le capital humain, en développant les offres et la qualité des qualifications et des formations (initiales et tout au long de la vie), adaptées aux nouveaux besoins de l’économie, en facilitant et encourageant les reconversions ;

– de renforcer la « garantie pour la jeunesse », moderniser les d’établissements d’enseignement supérieur et renforcer les moyens dévolus à l’apprentissage, etc. ;

– de développer les capacités de garde collective d’enfants pour un plein accès des femmes au marché du travail ;

– de prendre en compte les besoins liés à la dépendance des personnes âgées et donc le déploiement de services à la personne ;

– de lutter contre le chômage de longue durée en donnant un soutien approprié aux structures d’insertion sociale comme celles liées à l’économie sociale et solidaire.

Ø La recherche, innovation :


– l’Union européenne doit opérer une transition cruciale pour sa compétitivité industrielle en ajoutant à la logique de création de connaissance, une logique de soutien à l’innovation au sens large ; cet effort doit être mené en particulier dans les secteurs émergents et les filières d’avenir à fort potentiel de croissance, et sur les technologies clés génériques (KETs).

Ø Les secteurs économiques productifs, principalement PME et ETI : besoins de crédits et de fonds propres, capital investissement, soutien à l’exportation, introduction sur le marché etc. – avec des situations très différentes d’un État membre à l’autre. Il convient de cibler tout particulièrement les secteurs émergents et les filières d’avenir à fort potentiel de croissance : numérique, transition énergétique, énergies renouvelables et bas carbone, efficacité énergétique, technologies vertes, industries et services de santé, valorisation des richesses marines...

La Commission européenne considère que la nature des projets à considérer ne doit pas être limitée a priori.
Les projets transnationaux ou stratégiques, porteurs d’une valeur ajoutée européenne visible (réseaux énergétiques, ou de transports par exemple), en sont une composante privilégiée. Toutefois, d’autres projets plus modestes, dont la mise en œuvre conditionne parfois la sortie de crise, ou la réorientation économique des entreprises qui les portent peuvent aussi contribuer à une dynamique d’investissement plus large.

Un autre pilier essentiel du plan Juncker impose de veiller à ce que l’Union européenne et les États membres suppriment les barrières réglementaires et administratives à l’investissement au niveau tant européen que national. Les réformes structurelles restent également essentielles pour renforcer la compétitivité européenne.

Le troisième aspect du plan vise à favoriser une prévisibilité accrue de la réglementation, au niveau des États comme de l’Union. Cet aspect essentiel à tout investissement est trop souvent négligé par les décideurs publics aux yeux de la Commission européenne. Attirer et pérenniser l’investissement privé nécessite des règles simples, prévisibles et pérennes. Dans certains domaines, il convient de parachever le marché unique en assurant une harmonisation des règlementations et une suppression des obstacles règlementaires à l’investissement qui peut aider à la réussite du Plan Juncker et à développer la croissance en Europe. Des opportunités de financement se dégageront d’un marché unifié par des orientations politiques et des règles juridiques et fiscales convergentes, prévisibles et stables. Savoir quel sera le « policy mix » énergétique européen au-delà des objectifs fixés dans les paquets Énergie-Climat, un exemple, déterminant dans le secteur de l’énergie, qui conditionne une partie de la compétitivité européenne.

Résumé du Plan Juncker

(source : Commission européenne)

La stratégie de croissance proposée par la Commission européenne comporte trois volets :

• Mobilisation de ressources publiques et privées pour atteindre un montant de 315 milliards d’euros sur trois ans (soit 105 milliards par an ce qui représente pour la France une enveloppe annuelle de 15 milliards d’euros) ;

• Initiatives ciblées pour correspondre à l’économie réelle ;

• Prévisibilité réglementaire et suppression des obstacles administratifs à l’investissement ;

Seul les deux premiers points relèvent du règlement que nous avons eu à examiner et seront mis en œuvre conjointement par la Commission et la BEI.

Les objectifs et les moyens :

• Il est prévu de privilégier les PME, définies comme des entreprises comportant moins de 3000 salariés ;

• Les structures de gouvernance du FESI comportent un comité de pilotage et un comité d’investissements ;

• Il est prévu que les représentants des donateurs intègrent le Comité de pilotage, où la Commission et la BEI disposeront d’un droit de veto ;

• La garantie initiale de l’UE s’élève à 16 milliards d’euros, et son champ d’application est vaste puisqu’elle peut s’étendre au fonds de roulement ;

• Le début des versements du budget de l’UE aura lieu en 2016 (8 milliards d’euros) ;

• Il est indiqué qu’il sera tenu compte des versements des États pour l’appréciation des contraintes du pacte de stabilité et de croissance.

Il faut noter que le recours au FEIS est prévu par défaut, c’est-à-dire lorsqu’il est impossible d’obtenir un « financement par le marché à des conditions raisonnables » mais, que les projets éligibles peuvent utiliser les fonds structurels.

Les projets doivent respecter les règles en matière d’aides d’État, ce qui peut constituer un obstacle à la mise en œuvre d’une politique industrielle qui nous semble trop absente au plan européen.

B. L’OUTIL PRINCIPAL DU PLAN JUNCKER : LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT PORTANT CRÉATION DU FONDS EUROPÉEN D’INVESTISSEMENTS STRATÉGIQUES (FEIS)

Pour financer le plan Juncker, le Fonds européen pour les investissements stratégiques, sera doté de 21 milliards d’euros par les apports de la Commission européenne et de la Banque européenne d’investissement (BEI) qui le gérera. Il doit permettre de financer des projets qui n’ont pas pu l’être auparavant, mais qui présentent un grand intérêt pour leur capacité à relancer l’économie européenne.

Le Fonds européen pour les investissements stratégiques s’adresse donc à des projets présentant un profil de risque plus élevé, maximisant ainsi l’impact des dépenses publiques et libérant l’investissement privé.

La proposition de règlement portant création du Fonds européen d’investissements stratégiques (FEIS) a été présentée par la Commission européenne le 13 janvier 2015 et a fait l’objet d’une procédure exceptionnellement rapide : le trilogue est engagé jusqu’à la fin de la présidence lettone dans le but de rendre le dispositif opérationnel cet été. Un premier accord de principe a été trouvé par le Conseil « Ecofin » du 10 mars 2015.21

1. Les objectifs

Le recours au mécanisme de garantie de préférence aux subventions est privilégié dans l’approche retenue par la Commission européenne.

Il s’agit en priorité de :

a.  Soutenir l’investissement stratégique, notamment dans le haut débit et les réseaux énergétiques, ainsi que dans les entreprises de moins de 3 000 salariés.

b.  Préparer l’avenir en visant les objectifs stratégiques : transition énergétique ; numérique ; transports ; enseignement/formation ;

c.  Lutter contre la fragmentation financière et la crise d’investissement : axe ciblé sur les pays en crise, visant à lutter contre le déficit d’investissement causé par la crise et les plans de redressement à la fois du secteur privé et du secteur public ;

2. Le partenariat entre la Commission européenne et la BEI

Le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), sera établi au sein de la BEI.

La nouvelle structure sera dotée d’une gouvernance propre pour garantir que ses activités soient centrées sur sa mission spécifique. Le comité de pilotage du FEIS décidera de l’orientation générale, des orientations en matière d’investissement, du profil de risque, des stratégies et de l’allocation des actifs du Fonds, conformément aux orientations politiques de la Commission. Tant que la BEI et la Commission seront les seuls contributeurs au FEIS, le nombre de membres et de votes sera réparti sur la base du volume de leurs contributions et toutes les décisions seront prises à l’unanimité. Lorsque d’autres contributeurs rejoindront le Fonds, le nombre de membres et de votes restera proportionné aux contributions et les décisions seront prises à la majorité simple si aucun consensus ne peut être atteint. Aucune décision ne pourra être adoptée si la Commission ou la BEI s’y opposent.

Un comité d’investissement sera également institué qui rendra compte au comité de pilotage. Il examinera séparément chaque projet et décidera lesquels bénéficieront d’une aide au titre du FEIS, sans aucun quota géographique ni sectoriel. Le comité comprendra six experts indépendants et un directeur exécutif, qui sera chargé de la gestion courante du FEIS. Le directeur exécutif et son adjoint seront nommés par le comité de pilotage sur proposition conjointe de la Commission et de la BEI. La Commission européenne et la BEI disposeront d’un droit de véto sur ses décisions.

Une exception au principe de non immixtion des États a été réalisée avec la réserve de projets du fonds constituée sur la base des conclusions formulées par un groupe de travail réunissant les États membres sous la présidence de la Commission européenne et de la BEI.

3. Un financement public limité

La proposition de règlement établit un fonds de garantie de l’Union, qui fournira une réserve de liquidités au budget de l’Union face aux pertes potentielles supportées par le FEIS dans le cadre de son soutien aux projets.

Le Fonds sera progressivement doté d’un montant de 8 milliards d’euros d’ici à 2020, grâce à des versements provenant du budget de l’Union.

Il sera dès lors nécessaire de modifier le budget 2015 de l’Union en créant les nouvelles lignes budgétaires nécessaires et en transférant 1,36 milliard d’euros en crédits d’engagement et 10 millions d’euros en crédits de paiement vers ces nouvelles lignes. L’impact global sur le budget 2015 de l’Union est neutre. Les 10 millions d’euros en crédits de paiement aideront à couvrir les frais administratifs liés à la mise en place de la plateforme européenne de conseil en investissement.

Au total le fonds, initialement doté de 21 milliards d’euros, jouera un rôle de catalyseur par sa capacité de prise de risque ciblée. Grâce à ces ressources, la Banque pourra s’engager dans des opérations certes plus risquées, mais qui pourront avoir des incidences très positives.

Le schéma de financement comporte :

• une garantie de l’UE de 16 milliards d’euros (assise à hauteur de 8 milliards d’euros sur des crédits « connecting europe facility » -3,3 milliards d’euros -, « Horizon 2020 » – 2,7 milliards d’euros -, et sur des marges budgétaires – 2 milliards d’euros).

• La BEI engagera également 5 milliards d’euros pour cette garantie.

Selon les calculs de la Commission européenne, ce fonds de 21 milliards d’euros devrait permettre d’attirer les capitaux des investisseurs pour un montant global de 315 milliards d’euros (l’effet de levier devrait être d’un rapport de 1 à 15), soit environ 240 milliards d’euros pour des investissements de long-terme et environ 75 milliards d’euros pour le soutien aux PME et aux entreprises de capitalisation intermédiaires.

C. L’ANALYSE DES RAPPORTEURS

1. La subsidiarité

Au regard de la subsidiarité, ce texte n’appelle pas de réserves particulières. Néanmoins la motivation développée à ce titre par la proposition nous laisse perplexe, la Commission affirme qu’il y aura un effet multiplicateur et un impact sur le terrain plus grand qu’une campagne d’investissements conduite par des États isolément. Il s’agit d’une affirmation, rien ne prouve que la même politique conduite dans un cadre intergouvernemental ne serait pas plus rapidement mise en œuvre, car l’expérience montre que souvent la lourdeur des procédures de l’Union européenne retarde les décisions.

Les causes du sous-investissement, l’ampleur des besoins ainsi que leur nature, varient sensiblement au sein de l’Union européenne. Pour cette raison, la dimension européenne d’une initiative en faveur de l’investissement sera d’autant plus forte qu’elle sera articulée autour d’objectifs différenciés qui impliqueront eux-mêmes des instruments, des priorités sectorielles et de l’allocation public-privé suivant les pays différents.

2. Une véritable plus-value pour les États en difficulté

A notre sens, la véritable plus-value de l’Union européenne n’est pas indiquée dans la présentation de la Commission européenne, elle permet de maintenir un niveau correct d’investissements dans les États les plus en difficulté, comme le montre l’exemple de la Grèce qui a continué, malgré ses difficultés, à bénéficier de l’intervention de la BEI22.

Les fonds structurels doivent être co-financés par l’État. La crise de la dette grecque a rendu cette hypothèse impossible. La BEI a donc proposé à la Commission européenne et au gouvernement grec de rassembler les 500 millions d’euros disponibles au sein d’un fonds, pour en établir des garanties. Ces fonds ont permis d’adosser une garantie aux prêts effectués auprès de quatre banques grecques, qui ont à leur tour financé des projets en Grèce. L’inspiration du fonds Juncker est similaire.

3. Une gouvernance excluant l’influence des États et par conséquent se privant du financement de ces derniers

Sur le plan de la gouvernance il nous semble que si nous voulons mobiliser les gouvernements et les parlements nationaux pour cette action, il convient qu’ils soient associés à la gestion. Car le coefficient multiplicateur de quinze est ambitieux et sera plus facilement atteint avec une participation financière des États qui peuvent difficilement être tenus en marge du mécanisme.

Or, à l’heure où ces lignes sont écrites aucun État n’apportera de fonds au FEIS, faute d’y trouver un intérêt.

En effet, les mécanismes prévus par le projet de règlement sont faiblement incitatifs pour les États faute de possibilité de fléchage des crédits, mais de telles dispositions ne correspondraient sans doute pas à l’esprit de ce dispositif.

Nous pouvons le regretter car la démarche est intéressante.

Synthèse concernant le Fonds européen pour les investissements stratégiques (extrait)

La Commission ne tiendra pas compte des contributions des États membres à l’EFSI au moment de définir l’ajustement budgétaire au titre du volet préventif ou correctif du pacte.

Si le déficit dépasse la valeur de référence, la Commission n’ouvrira pas de procédure pour déficit excessif si ce dépassement est dû uniquement à la contribution, s’il est limité et s’il est prévu qu’il reste temporaire. La Commission ne tiendra pas compte des contributions à l’EFSI au moment de déterminer si la dette dépasse le seuil de référence.

Source : Commission européenne

Il convient de relever également que le fait que les dotations apportées au fond ne sont pas prises en compte pour l’appréciation de la règle des 3 % maximum de déficit budgétaire, ne concerne pas les États placés sous la procédure de déficit excessif. Ce qui fait que des pays comme l’Espagne où la France n’ont pas réellement d’intérêt à abonder ce fond.

En tous cas nous devons soulever une question : le retour aux équilibres budgétaires, en particulier de l’Allemagne, repose largement sur la réduction des crédits d’investissements, de défense et de recherche. Il nous semble important de dissocier au sein des dépenses publiques, soumises aux règles d’encadrement budgétaire, les dépenses d’investissements publics car, il n’est pas anormal que le coût de ces dernières soit étalé sur plusieurs générations ce qui ne devrait pas être le cas des dépenses de fonctionnement. Nous avions proposé cette dissociation dans notre rapport de 2012, qui permettrait d’impliquer les États dans l’action conduite par la Commission européenne. Nous ne comprenons pas pourquoi l’exclusion des dépenses d’investissement des plafonds de déficit serait réservée aux seules dépenses d’investissement passant par cette procédure.

Il convient également de relever que le Parlement européen a contesté la gouvernance retenue car il n’était pas associé au mécanisme de gouvernance du FEIS par la proposition initiale de la Commission. De ce fait, il a introduit dans ses propositions de nombreux contrôles parlementaires additionnels (approbation des membres du Conseil de supervision et du Comité d’investissement par les députés européens, adoption de l’accord de délégation confié par la Commission à la BEI dans le cadre d’un acte délégué impliquant un droit de véto du Parlement et du Conseil), au risque dans certains cas d’alourdir sensiblement l’instruction des projets (reporting plus complexe présenté sur une base semestrielle par la BEI).

4. Un financement qui ne fait pas l’unanimité

Le Parlement européen a manifesté de fortes réticences sur le financement retenu.

Les députés européens ont rejeté la proposition de la Commission européenne, soutenue par le Conseil, d’un redéploiement systématique d’enveloppes de 2,7 milliards d’euros et de 3,3 milliards d’euros des programmes Horizon 2020 et Connecting Europe Facility. L’alternative proposée consiste à négocier ce redéploiement sur une base annuelle dans le cadre de l’adoption du budget de l’UE, en privilégiant deux autres voies.

5. L’assistance technique aux investissements

Cette disposition traduit un changement d’approche de la Commission. Élément essentiel, la plateforme de conseil en investissement (« Investment Advisory Hub ») sera la base de l’assistance technique. Placée au sein de la BEI (et, pour partie, financée par le budget communautaire) elle aidera les promoteurs à mieux structurer leurs projets, à les financer et veillera à l’application des normes de qualité les plus élevées possibles pour les projets, et à l’optimisation de leurs chances d’accéder à un financement.

Cette plateforme vise notamment à accompagner la mise en place d’instruments financiers complexes et à accroître la coopération entre la BEI et les banques promotionnelles nationales (BPN)23, qui ont recours à des montages financiers semblables et se voient parfois confier ces mêmes instruments, comme en France (la BPI et la CDC). La plateforme sera dotée de moyens conséquents puisque la proposition de règlement prévoit de lui allouer 110 millions d’euros.

Elle agira comme point d’entrée unique pour trois types d’utilisateurs : promoteurs de projets, investisseurs, autorités de gestion publiques. Une plateforme d’information, baptisée « Fi- Compass », lui sera associée : celle-ci a été lancée le 23 janvier dernier, illustrant un « changement de paradigme dans l’utilisation des fonds structurels ». Toutefois, le cœur de son activité consistera à aider les promoteurs de projets à mieux structurer leur offre à tous les stades.

La BEI offrira des services d’assistance technique plus amples sur l’ensemble des étapes de structuration des projets et fournira des conseils sur les sources et les modalités de financement les plus appropriées, à la condition que les projets présentés soient bien préparés et viables. Elle dépassera ainsi la logique d’assistance « ad hoc » qui était la sienne jusqu’à présent, comme par exemple sur le recours aux contrats de partenariat public privé ou la préparation de plans d’investissements urbains en efficacité énergétique. Nous regrettons néanmoins que cette assistance soit centrée exclusivement sur l’Union européenne, elle mériterait d’être étendue à l’ensemble du champ d’action de la BEI, en particulier vers l’Afrique et le bassin méditerranéen.

Un dialogue entre la Commission, la BEI, les promoteurs, les investisseurs et les autres acteurs institutionnels est enfin prévu aux niveaux européen, national et régional afin de faciliter les réalisations et de sensibiliser aux nouvelles modalités de financements. Il sera l’occasion d’expliciter les activités risquées de la BEI, les synergies entre les programmes nationaux et ceux de l’Union, et les instruments financiers. La possibilité de reconversion des fonds structurels dans ces instruments y sera également abordée comme vecteur de réalisation, voire de dépassement, des objectifs du plan, comme le prévoit la proposition de règlement.

D. LES SUGGESTIONS DES RAPPORTEURS

Il nous semble qu’au cours des débats cette proposition de règlement devrait être précisée sur les points précis suivants :

1. Au niveau des considérants

1. Considérant 15 : Le recours au FEIS est prévu par défaut, c’est-à-dire lorsqu’il est impossible d’obtenir un « financement par le marché à des conditions raisonnables ». Il nous semblerait utile que la proposition donne quelques indications sur les moyens d’apporter cette preuve.

Le Parlement européen a souhaité renforcer l’exigence d’additionnalité des investissements du FEIS. En particulier, il a introduit des conditions drastiques de sélection des projets, qui pourraient compromettre la fluidité du processus d’instruction. Les critères proposés ont leur cohérence propre, mais sont peu compatibles, ce qui risque de restreindre le champ des projets éligibles (viabilité économique / absence de financement par le marché, cohérence avec les priorités de l’UE / absence d’éligibilité à tout autre programme européen). Vos Rapporteurs sont très réticents sur l’ajout de tels critères, tout comme la BEI qui conduit des démarches actives vis-à-vis des institutions communautaires sur ce thème.

2. Considérant 22 : Les projets doivent respecter les règles en matière d’aides d’État. Ce propos est ambigu, tout projet doit respecter ces règles, cela signifierait-il que des projets ayant bénéficié de dispositifs dérogatoires (par exemple des aides à la restructuration) en seraient exclus ? Et en tout cas il convient de préciser le sens de « l’appréciation simplifiée et accélérée » évoquée par la Commission.

3. Considérant 26 : Plateforme européenne de conseil en investissement ayant vocation à être un guichet unique pour les questions relatives à l’assistance technique aux investissements. Il serait utile d’étendre à la Méditerranée et à l’Afrique le champ d’action de cette structure

2. Au niveau du dispositif

1. Article 2 §2 : Nous suggérons d’élargir le champ d’action de la plateforme de conseil à l’extérieur de l’Union européenne, en supprimant les mots « dans l’Union ».

2. Article 3 §3 : Supprimer le droit de veto de la Commission et de la BEI au sein du Comité de pilotage, car l’existence de ce droit est de nature à dissuader la souscription de partenaires.

3. Article 10 §1 : Prévoir que les rapports de la BEI ne sont pas adressés exclusivement à la Commission mais également au Conseil, au Parlement européen et aux gouvernements des États ayant souscrit au FEIS.

4. Article 11 : Après le paragraphe 4, insérer une disposition indiquant que la Commission peut, sur leur demande, faire rapport aux gouvernements nationaux ayant contribué au FEIS et (§1) que le Directeur exécutif peut être auditionné par les parlements nationaux des États ayant souscrit au FEIS. Il est en effet normal que les parlements nationaux puissent contrôler l’usage des fonds qu’ils auront accepté de verser au FEIS.

III. LA MISE EN œUVRE DU PLAN JUNCKER : VERS UNE STRATÉGIE EUROPÉENNE D’INVESTISSEMENT ?

La mise en œuvre d’un programme d’investissement européen d’envergure constitue une ardente obligation qui suppose que soient remplies certaines conditions.

Il convient en particulier de clarifier l’échéance de temps, en étant conscient du fait que si nous voulons lancer un plan d’investissement réalisé en trois ans, les délais impartis imposent d’avancer la date de réalisation de projets pour lesquels la phase de conception et d’autorisation administrative est déjà quasiment achevée.

Dans cette perspective, il est essentiel de préciser les objectifs recherchés : soutien conjoncturel à la croissance, amélioration du potentiel de croissance (moyen-terme) ou réalisation de politique sectorielle (long-terme). Les délais de réalisation n’étant pas les mêmes, les modes de financement et d’appréciation du risque sont différents.

L’amélioration des données structurelles de la croissance économique implique l’analyse d’analyser les projets d’investissements les plus pertinents qui devront être prioritairement soutenus.

Dans une approche plus globale les analystes de la BEI devront identifier les freins actuels à l’investissement, les moyens de mobiliser des projets, les raisons pour lesquelles les investissements ne se font pas malgré des taux historiquement bas, et les moyens de lever ces obstacles.

Le « plan Juncker » doit donc s’intégrer dans le cadre d’une politique économique européenne coordonnée et globale qui, aujourd’hui, est loin d’être réellement mise en œuvre.

Son prolongement naturel devrait être la définition européenne d’une stratégie d’investissements, associant la Commission européenne et les États. Dans cette perspective nous regrettons que l’exclusion de fait des États de la gouvernance du FEIS explique que ce fonds ne peut pas constituer l’outil stratégique de définition d’une approche coordonnée d’une politique européenne d’investissement, et vos Rapporteurs le regrettent.

En outre au moment où sont écrites ces lignes de nombreuses incertitudes subsistent.

A. LES INCERTITUDES SUR L’INTÉRÊT DES INVESTISSEURS

La variété des instruments financiers potentiellement utilisés dans le cadre du Plan Juncker, ne permet pas de déterminer si la « réponse des marchés » aura lieu à hauteur de 240 milliards € d’investissements et si ces derniers iront prioritairement vers les infrastructures. En effet, certains investisseurs (assurances, fonds de pension), pourraient préférer, dans l’environnement actuel de taux très bas, obtenir des rendements plus élevés quitte à renoncer à certains mécanismes de rehaussement de crédit dont l’objet est précisément de réduire le coût pour l’emprunteur, et par voie de conséquence la rémunération du prêteur.

En d’autres termes, le fait d’axer une politique sur une diminution des taux d’intérêts dans un contexte où ils sont déjà très bas peut-il être un puissant levier d’investissement ?

La réponse est sans doute positive si les taux d’intérêts remontent, elle est moins évidente s’ils demeurent à leur niveau actuel.

B. UN INSTRUMENT QUI NE FAVORISE PAS UNE DÉMARCHE COMMUNAUTAIRE

Il est essentiel que les États s’approprient ces instruments pour assurer la réussite du plan, voire aller au-delà, comme le prévoit la proposition de règlement. Or les mécanismes de gouvernance retenus n’incitent pas les États à investir directement dans le fonds mais plutôt à accompagner au niveau national l’action conduite, ce qui ne va pas dans le sens d’une action communautaire et pénalise les États les plus faibles qui ne disposent pas des moyens financiers pour amplifier l’effort réalisé.

La flexibilité accordée à la « clause d’investissement » par la Commission, ouvrant des possibilités de co-financement public, ne concernerait pour le moment que les pays dont le déficit se situe en dessous de 3 % : sans doute faudrait-il élargir celle-ci aux pays se situant au-dessus de 3 % de façon à libérer tout le potentiel d’investissement.

Actuellement, tous les concours nationaux annoncés pour soutenir le « plan Juncker » se sont traduits par des dotations destinées à accompagner nationalement les actions conduites, prenant la forme le plus souvent de concours en des équivalents nationaux de la Caisse des dépôts et consignations, dont l’endettement ne figure pas dans le déficit budgétaire, au sens de Maastricht, rendant ainsi inutiles les propositions de la Commission européenne d’exclure les sommes allouées au FEIS du plafond de déficit budgétaire nominal de 3 %, assouplissement qui de toute façon n’aurait pas été applicable à un État comme la France, sous procédure de déficit excessif.

Cette proposition montre indéniablement une volonté d’ouverture de la Commission. Toutefois, compte tenu du dispositif de gouvernance finalement présenté, et notamment des pouvoirs dévolus au Comité directeur (« Steering Board »), qui n’incluent pas la sélection des projets, il semble que les États n’aient pas un grand intérêt à entrer au capital du FEIS.

C’est ainsi que, par exemple, si la France s’est engagée dans ce vaste effort d’investissement, la puissance publique ne cofinancera que des projets nationaux à hauteur de 8 milliards d’euros. La somme sera apportée par la Caisse des dépôts, pour 5 milliards d’euros, et BPI France, la filiale à parité de la Caisse et de l’État, pour 3 milliards d’euros.

C’est pourquoi, nous semble-t-il, la relation entre la Commission européenne, les États et la BEI est à repenser, dans l’intérêt de la réussite de ce plan.

En outre, le plan d’investissement peut envoyer un bon signal aux marchés, mais il convient de tenir compte des particularités de chaque État membre s’agissant de leur capacité à mettre en œuvre des instruments financiers parfois complexes. Les nouveaux instruments financiers développés par le plan Juncker transforment les ressources budgétaires de l’Union, en des produits financiers tels que des prêts, des garanties, des apports de fonds propres, et d’autres mécanismes à risque. Ainsi, les aides non remboursables aux États sont complétées par d’autres produits financiers de sorte que les fonds mis à disposition par l’Union se renouvellent en permanence. Les instruments financiers mobilisent un surcroit de co-investissement public-privé et assurent une meilleure performance des projets.

Si cette politique est amenée à se développer, elle pourra conduire à une transformation des politiques structurelles communautaires.

Il importe en tout état de cause que les projets qui seront soutenus fassent l’objet d’une analyse d’impact ex ante rigoureuse, de manière à assurer sa valeur ajoutée pour la croissance et l’emploi en Europe, mais aussi son efficience au regard des programmes et moyens publics déjà à l’œuvre.

C. UNE TRANSFORMATION DES FONDS COMMUNAUTAIRES ?

La meilleure utilisation des fonds structurels est également au cœur de l’approche du « plan Juncker ». La proposition de règlement énonce clairement que les projets éligibles au Plan Juncker peuvent être financés par les fonds structurels et d’investissements européens si ces investissements rencontrent les critères d’éligibilité (article 5.4.).

Au-delà des modalités de leurs financements, les programmes communautaires sont utiles à double titre : ils favorisent une convergence des politiques économiques nationales et européennes, comme par exemple, en France, avec la loi de transition énergétique, calquée sur Horizon 2020 ; et ils assurent une complémentarité des ressources nationales et communautaires au service de la réalisation de projets collectifs.

La BEI qui a développé une expertise reconnue dans la gestion des instruments financiers considère ainsi que l’effet de levier, variable selon les produits utilisés, peut aller jusqu’à 30.

L’objectif de la Commission européenne est de doubler le recours aux instruments financiers innovants dans la mise en œuvre de ces fonds (par rapport à la programmation 2007-2013) ; car un plus grand recours aux instruments financiers permet selon la Commission de maximiser les effets des dotations communautaires. Elle est soutenue dans sa démarche par le Conseil.

Cela devrait se traduire sur la période de programmation (2014-2020), par une dotation de 18 milliards d’euros issus des instruments financiers innovants qui pourrait ainsi générer entre 40 et 70 milliards d’euros d’investissements supplémentaires. La Commission a donc recommandé d’octroyer, sous forme d’instruments financiers innovants, un pourcentage spécifique des dotations inscrites dans les accords de partenariat selon chaque objectif thématique (50 % pour l’aide aux PME, 20 % pour les mesures de réduction de CO2, 10 % pour le transport durable, 5 % pour la recherche, le développement et l’innovation, 5 % pour la protection de l’environnement et l’utilisation efficace des ressources). Une assistance technique spécifique est également mise en place pour aider les États membres à développer le recours aux instruments financiers.

D. UNE GOUVERNANCE À CLARIFIER

Le projet de règlement soumis au Parlement et au Conseil prévoit actuellement une gouvernance du FEIS à deux niveaux.

D’un côté, un Comité directeur (« Steering Board »), auquel appartiendraient la BEI et la Commission et tout autre contributeur au FEIS, serait chargé d’établir la politique d’investissement et le profil de risque moyen ; le projet de règlement dispose que le Comité directeur prend ses décisions « par consensus ».

De l’autre, un Comité d’investissement (« Investment Committee »), dirigé par un Directeur et son adjoint et constitué de 6 experts « indépendants », sélectionnerait les projets d’investissements ; la décision du Comité sera prise par projet, à la majorité simple.

La structure « bicéphale » de la gouvernance a manifestement été prévue par la Commission pour écarter les États des décisions de gestion du Plan Juncker. Cela nous semble regrettable car, en procédant ainsi la Commission européenne prive le fonds d’un abondement direct par les États.

À nos yeux, l’insuffisante association des États à la gouvernance de l’FEIS explique que les contributions nationales actuellement envisagées prennent la forme d’un accompagnement par les CDC nationales des projets validés par le fonds, et non d’une dotation à ce dernier.

Si le premier niveau de gouvernance ne soulève pas d’enjeu particulier, le Comité d’investissement soulève trois questions :

• Quels types d’experts seront nommés pour choisir les investissements et qui, de la Commission ou de la Banque, présidera ce Comité ? La BEI a déjà une expérience de sélection et de suivi de projets avec des experts indépendants issus du secteur bancaire sur certains programmes d’investissement, y compris au niveau de son Conseil d’administration. Aussi parait-il souhaitable que la BEI soit à la tête de ce Comité compte tenu de sa connaissance des montages et le fait qu’en première approche la BEI valide les prêts accordés.

• Quels seront les liens entre le Comité d’investissement et le Conseil d’administration de la BEI ? Le Comité « ad hoc » du Plan Juncker se reposera très vraisemblablement sur les services de la BEI et sur son propre Comité de direction. Les critères économiques, techniques et environnementaux d’instruction et d’évaluation des projets, selon la proposition de règlement, devraient être ceux applicables par la BEI dans ses activités classiques. L’efficacité du Plan Juncker dépendra de la rapidité de réaction de la BEI et donc d’une gouvernance permettant de prendre une position rapide sur chaque proposition d’investissement. Or, l’expérience montre que la BEI est aussi exigente que les établissements privés dans l’instruction des dossiers.

• Quelles seront les procédures associées au choix et au suivi des projets ? Une meilleure coopération entre la BEI et la Commission ne devrait pas être obérée par l’imposition aux promoteurs de projets de lourdes procédures et mesures de contrôle. La Commission européenne devrait, à cet égard, se montrer conciliante et nous espérons que le Parlement européen ne proposera pas un alourdissement des procédures.

E. LA QUESTION DES GARANTIES À ACCORDER EN CAS DE CO-FINANCEMENT

Il est apparu dans le débat autour de la proposition de règlement que les BPN24 revendiquent d’être traitées de manière égale avec la BEI en cas de co-financement d’un projet éligible au Plan Juncker. Clairement, la revendication des BPN est de pouvoir disposer de la même garantie du FEIS que la BEI. Deux options seraient ici possibles :

• les banques promotionnelles nationales bénéficient de la part du FEIS des mêmes garanties que la BEI, mais sans avoir contribué au Fonds. Dans cette hypothèse, un effet d’éviction risque de se produire au détriment de la BEI et à l’avantage des BPN sans que l’effet de levier total du FEIS soit augmenté. En d’autres termes, le FEIS subventionnerait la garantie des BPN et sa dotation risquerait d’être consommée plus rapidement ;

• les BPN participent à la dotation du FEIS et sont couvertes au « prorata » de leur participation ; le capital du FEIS étant augmenté et la force de frappe des BPN venant s’ajouter à celle de la BEI avec des produits comparables, l’effet de levier du Plan Juncker s’en trouve d’autant augmenté, pouvant même dépasser 400 milliards ou plus. Mais ce scénario soulève trois questions :

- les États membres qui ne veulent pas contribuer au FEIS autoriseraient-ils des participations par les BPN ?

- chaque État membre qui aurait investi à travers une BPN ne rechercherait-il pas un juste retour de son investissement dans le FEIS ?

- les promoteurs de projets et les marchés auraient-ils la capacité de répondre à des volumes significativement accrus ?

Le plan Juncker aura-t-il un impact sur la coordination des économies nationales ?

En faisant levier des investissements effectués au titre de programmes européens, les États sont amenés à inscrire plus résolument leurs politiques publiques dans la ligne des politiques européennes. Aussi, assurer une réglementation nationale plus stable, prévisible et pérenne se conjugue avec l’engagement de la Commission d’avoir un agenda législatif plus léger et favorable à la croissance.

F. UN FINANCEMENT À ÉCLAIRCIR

Le nouveau Fonds européen pour les investissements stratégiques recevra 5 milliards d’euros de la BEI et la garantie d’une contribution de 8 milliards d’euros de fonds européens existants, contribution susceptible d’être élargie jusqu’à 16 milliards, soit un total de 21 milliards d’euros.

La garantie de 8 milliards d’euros sera injectée sur trois ans et proviendra du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (3,3 milliards), du programme de recherche Horizon 2020 (2,7  milliards) et d’une « marge budgétaire », c’est-à-dire des fonds non utilisés (2 milliards). Par ailleurs la réduction de l’enveloppe du programme-cadre pour la recherche et l’innovation pour financer ce programme nous inquiète.

1. Les crédits de recherche

• Pour Horizon 2020, 2,7 milliards d’euros représentent le tiers (34 %) des 8 milliards d’euros de crédits mis en place d’ici 2018 par la Commission pour garantir son engagement de 16 milliards d’euros à l’égard de l’EFSI. Il n’est donc pas exagéré de dire que la recherche est lourdement mise à contribution, même si le total du programme horizon 2020 s’élève à 77 milliards d’euros sur la période 2014-2020.

• Vos Rapporteurs sont gênés par la concentration sur deux ans et, semble-t-il sur certains programmes comme ITER (environ 250 millions d’euros), des réductions de crédits impactées par le FEIS. D’autant que les programmes de R&D européens conduisaient à une valeur ajoutée dans l’industrie de 7 à 14 euros, malgré l’effet de levier annoncé de un à quinze nous ne sommes pas certains qu’au final le FEIS puisse mieux faire.

En outre la recherche fondamentale ne peut pas vivre d’emprunts mais doit recevoir des dotations pérennes lui permettant de s’engager sur la longue durée, nous touchons là aux limites de l’ingénierie financière.

2. Les crédits destinés à l’interconnexion des infrastructures

La question essentielle qui se pose est celle de l’éligibilité des projets financés par les programmes « Horizon 2020 » et « Connecting Europe Facility » au Plan Juncker. Pour le moment cette hypothèse semble avoir été écartée par le projet de règlement et fera sans doute l’objet d’intenses discussions au Conseil comme, probablement, au Parlement européen lors du trilogue. En effet, certains projets d’infrastructures qui appellent des subventions importantes pour être finançables par l’emprunt sont dépendants de ces mécanismes, qu’il s’agisse de centres de recherche publics ou de liaisons ferroviaires, par exemple. C’est sans doute cette difficulté qui a écarté l’inscription de certains projets emblématiques (tels le Lyon-Turin) de la liste indicative de projets, les États concernés préférant se conserver la possibilité de subventions, plutôt que l’octroi de garanties ou de financements subordonnés ; or la diminution des crédits européens consacrés à l’interconnexion n’est acceptable que s’il existe une compensation avec des crédits en provenance du plan Juncker.

G. UN PREMIER BILAN

Les principaux secteurs couverts par les projets figurant dans la liste établie par la Task force en décembre se répartissent de la façon suivante : 29 % dans le domaine des transports, 29 % dans le domaine de l’énergie, 18 % dans les Techniques de l’Informatique et Communication et la R&D, 9 % sur l’utilisation durable des ressources et l’environnement, et 15 % sur les infrastructures sociales.

La mention d’un projet sur cette liste ne veut pas dire que ce dernier pourrait recevoir un financement du Fonds sur l’investissement (FEIS), et inversement, un projet qui n’est pas mentionné sur la liste pourrait très bien y être éligible.

Le but de cette liste pour la Commission européenne était simplement de montrer aux investisseurs et promoteurs que l’Europe ne souffrait pas d’un manque de demande, car les projets d’investissement sont nombreux, et de les inciter à participer au financement de ces investissements. Toutefois les maladresses de communication de la Commission européenne ont pu donner à penser que cette liste correspondait à une sorte de présélection, ce qui n’est absolument pas le cas.

Une telle liste permet en effet de faire de la publicité pour ces projets au niveau européen (visibilité et gage de fiabilité). La BEI a souligné que cette liste était « vivante », que certains projets seraient sans doute supprimés et d’autres ajoutés dans les mois qui viennent, et qu’il était important de bien comprendre le caractère dynamique de ce processus.

Pour éviter les confusions, il est important de bien saisir qu’il existe trois processus séparés :

1) le financement des (grands) projets des FESI (ces financements ne sont pas affectés par le plan Juncker et pourront être financés normalement, dans le respect des règles des FESI),

2) les projets qui se trouvent sur cette liste dynamique établie par la Task force, qui vise simplement à illustrer les besoins d’investissement en Europe,

3) le nouveau Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) dont les modalités opérationnelles sont encore en débat et fixées dans le règlement examiné par ce rapport.

Il semble que les effets du « plan Juncker » puissent varier sensiblement d’un État à l’autre.

Le Royaume-Uni pourrait bénéficier presque deux fois plus que les autres pays européens des retombées économiques du plan Juncker, selon le rapport d’une agence de notation. L’impact du plan d’investissement y serait environ deux fois plus visible qu’en Allemagne, en France, ou en Italie.

Dans son rapport, cette agence a réalisé une estimation sur une période de trois ans (2015-2017) des bénéfices que tireraient les économies d’une hausse de 1 % du PIB des dépenses dans le secteur public, la première année.

Les résultats de cette étude ont montré qu’au niveau mondial, l’effet multiplicateur était plus visible dans les pays en développement que dans les pays développés, à l’exception du Royaume-Uni.

Les chiffres de l’agence de notation ont montré que pour chaque 1,4 euro dépensé dans le secteur public au sein de la zone euro, comme prévu par le plan Juncker, 1,4 euro supplémentaire sera ajouté au PIB sur une période de trois ans.

Le Royaume-Uni pourrait multiplier le montant de ses dépenses par 2,5 sur la même période, soit deux fois plus que l’Allemagne (1,2) ou que la France (1,3) et l’Italie (1,4).

L’Espagne, quant à elle, pourrait obtenir un coefficient multiplicateur de 2. Les chiffres des pays de la zone euro les plus touchés par la crise, comme le Portugal ou la Grèce, n’ont pas été publiés.

La France enregistre, semble-t-il, quelques déconvenues dans la phase de démarrage du Plan Juncker.

Le gouvernement français a dressé une liste de 32 projets pouvant représenter quelque 48 milliards d’euros d’investissements (cf. annexe II).

Il met l’accent sur l’innovation et le numérique, secteurs qui comptent pour 40 % du montant des projets, qui comportent les usines pilotes de nouvelle génération (pour 15 milliards d’euros) ou le projet de numérisation « à grande échelle en Europe des terminaux et des contenus éducatifs » (6 milliards), vaste programme de rénovation urbaine pour un investissement estimé à 5 milliards d’euros d’ici à 2017 (25 milliards en 10 ans) avec pour objectif de « régénérer 200 quartiers populaires parmi les plus dégradés ».

Des programmes transversaux comme la rénovation thermique des logements ou les prêts aux PME qui investissent dans la robotique (1 milliard) ont également été répertoriés.

Du côté des infrastructures, la France souhaiterait utiliser l’enveloppe européenne pour rénover une partie de son réseau ferroviaire et maritime.

Le projet de gazoduc Val de Saône (700 millions d’euros), la liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle Express (300 millions) ou la prolongation de la ligne E du RER vers la Défense font partie des investissements proposés.

Il semblerait que cette liste ne soit pas actuellement retenue car elle ne remplit pas l’un des trois critères de choix officiels qui étaient les suivants : un projet doit être viable sur le plan économique, convergent avec les priorités stratégiques de la Commission et montrer son « absence d’additionnalité », autrement dit, le fait que le projet n’aurait pas été mené à bonne fin même sans l’aide européenne.

IV. LA CROISSANCE IMPLIQUE UNE POLITIQUE GLOBALE

Le fait de vouloir dynamiser la croissance européenne par l’investissement constitue assurément une démarche à encourager mais, l’Union européenne est aussi tributaire de son environnement proche, en particulier le bassin méditerranéen et l’Afrique, et doit également améliorer sa compétitivité par rapport à ses grands compétiteurs mondiaux.

A. LA PRISE EN COMPTE PAR L’UNION EUROPÉENNE DE SON ENVIRONNEMENT, UN EXEMPLE : L’ÉLECTRIFICATION DE L’AFRIQUE

Aux yeux de vos Rapporteurs le seul moyen de pacifier de manière pérenne la question de l’immigration passe par le développement économique de cette zone, pleine de projets et dont les dépenses d’investissement pourraient constituer dans l’avenir un des moteurs de croissance de l’Union européenne, d’autant que les marchés africains sont plus proches et plus ouverts que les marchés asiatiques.

Il serait, par exemple utile, dans le cadre du plan Juncker, d’élargir le champ d’action de la plateforme de conseil à l’extérieur de l’Union européenne, en particulier au bassin méditerranéen et à l’Afrique, car il nous semble que ces territoires contribueront énormément à la croissance européenne. Pourquoi, par exemple, ne pas développer des projets communs de production électrique, dont une partie pourrait être exportée vers l’Europe et produite à partir d’énergie renouvelable tel que le solaire.

D’après les Nations unies, le taux d’accès à l’électricité dans le monde est de 80 %, mais il n’est que de 30 % en Afrique subsaharienne. Cette région représente 800 millions d’habitants, répartis dans 48 pays. Or sa production électrique totale est comparable à celle de l’Espagne, qui ne possède que 46 millions d’habitants.

Le manque de capacités de production électrique et la mauvaise couverture du réseau, qui est insuffisante en ville et inexistante dans les campagnes, freine la croissance économique. La rareté de l’électricité la rend chère en Afrique subsaharienne. Mais pour produire plus, il faut consommer plus, et donc relier plus d’installations au réseau. Or, les financements manquent pour les infrastructures de réseau. Les États d’Afrique subsaharienne ont des budgets réduits. La région est donc bloquée dans une situation de sous-électrification.

L’ancien ministre français de l’écologie Jean-Louis Borloo a présenté son plan pour l’électrification du continent africain. Il prône la création d’une agence dotée de 4 milliards de dollars de subventions par an.

Pour lui le constat est simple. Il y a aujourd’hui 480 millions d’Européens, dans vingt ans, nous serons 380 millions. En Afrique, ce sont un milliard d’habitants, deux dans vingt ans, dont seulement 25 % ont aujourd’hui accès à l’électricité. Penser que si l’on ne fait rien permettra d’éviter la confrontation est une erreur. Il faut prendre conscience que l’Afrique est le théâtre d’un exode vers les centres urbains, comme, ni l’Europe ni la Chine n’en ont jamais connu. Cet appel de la lumière est une évidence, il nourrit un exode synonyme de déstabilisation, de perte de repères. On passe de l’animisme ou de monothéismes traditionnels plutôt modérés à des systèmes radicaux beaucoup plus dangereux.

Or, la bataille entre la croissance démographique et la production de kilowatts supplémentaires nécessaires est aujourd’hui perdue. Ce sont chaque année dix millions de nouvelles personnes sans électricité. Électrifier l’Afrique constitue un vrai relais de croissance pour l’Europe. 100 % d’électrification du continent en Afrique signifie entre 10 et 15 % de croissance pendant 15 ans, contre 5 % de croissance à l’heure actuelle, et 3 % de croissance supplémentaire pour l’Europe sur la même période.

L’électricité n’est pas un sujet comme les autres, c’est un sujet en amont de tous les autres. L’électricité, cela veut dire l’accès à l’eau. C’est aussi la réduction de la déforestation, le développement de l’agriculture, la santé, l’éducation… Le rapport de productivité est de 50 à 1 avec ou sans électricité. Bref, cette histoire est une anomalie pour la planète.

B. UNE POLITIQUE GLOBALE AXÉE SUR LA COMPÉTITIVITÉ DE L’UNION EUROPÉENNE AU NIVEAU MONDIAL

Il importe de redonner confiance en l’économie européenne et de renforcer son attractivité en assurant la mise en œuvre de l’ensemble des réformes engagées en faveur de la stabilité et de la relance de la croissance.

Ø Cela concerne le secteur financier, et implique notamment la mise en œuvre de l’Union bancaire. La construction d’un marché des services financiers intégré, robuste et au service du financement de l’économie doit par ailleurs être poursuivie (consolider l’encadrement prudentiel du secteur des banques et des assurances, réguler le secteur bancaire parallèle, déployer un agenda européen en faveur de la diversification des sources de financement des PME, poursuivre les réflexions sur les procédures de reconnaissance mutuelle, etc.).

Ø Un agenda de la compétitivité devrait être promu au niveau européen et national pour garantir que les réformes structurelles à l’échelon national de même que les politiques européennes prennent pleinement en compte leur impact sur l’investissement et la compétitivité. Ceci inclut l’amélioration des conditions pour nos entreprises et leur soutien à l’export. Les États membres devraient s’engager à identifier et lever les obstacles nationaux à l’investissement. L’élaboration des règles par les institutions européennes devrait se faire en évitant tout impact négatif sur la croissance et la compétitivité.

Ø Il convient de rendre le marché du travail plus efficace et inclusif, en accordant la priorité à la lutte contre le chômage des jeunes et le chômage longue durée. Ceci implique des investissements en faveur de l’éducation, de la formation professionnelle, etc. et de réduire les obstacles à la mobilité.

Ø Il importe enfin de renforcer l’efficacité de l’administration publique afin d’améliorer l’environnement économique, encourager les investissements transfrontières et favoriser l’absorption des fonds structurels. Ceci implique au niveau européen et national un agenda de simplification ainsi qu’une assistance technique renforcée.

CONCLUSION : UNE DÉMARCHE POLITIQUE

Le référendum britannique prévu dans les deux ans qui viennent, en cas de victoire du parti conservateur, peut être une catastrophe « si l’envie d’Europe » s’étiole dans la population. C’est pourquoi nous devons nous féliciter de l’initiative prise par la Commission européenne de lancer un plan de relance par l’investissement ainsi que d’un discours nouveau qui n’est plus exclusivement celui de la rigueur budgétaire, unanimement reprochée à l’Union européenne (FMI, USA…).

Ce plan d’investissement devrait avoir pour objectif général l’accélération du passage de l’Europe à un nouveau modèle économique, plus durable et inclusif.

Il contribuerait ainsi à redonner du sens au projet européen en montrant une Europe plus concrète, utile et redonnant confiance en l’avenir.

Ce plan d’investissement est aussi une démarche politique, qui ne sera vraiment réussie que si les États acceptent d’accompagner la mise en œuvre de ce dispositif, et ce dans des délais très courts, puisque le FEIS doit commencer ses activités durant le second semestre de 2015.

Si nous devons nous féliciter d’un état d’esprit nouveau à Bruxelles, la reprise économique constatée actuellement doit beaucoup à la baisse du prix des matières premières - en particulier des hydrocarbures et à la baisse de l’Euro - sous l’impulsion de l’action de la BCE qui exerce des compétences normalement dévolues au Conseil. Nous avions dans la conclusion de notre rapport 2014 indiqué que « Vos Rapporteurs se félicitent de l’inflexion du discours de la Commission européenne qui a accepté de donner plus de temps aux États pour renouer avec l’équilibre budgétaire ».

« Cette attitude plus souple est de nature à nous aider à renouer avec la croissance ».

Néanmoins, nous devons regretter que dans des domaines qui relèvent de ses pouvoirs propres, tels que la politique de la concurrence, la Commission européenne ne cherche pas à promouvoir une politique industrielle digne de ce nom, et au contraire entrave la constitution de champions européens de taille mondiale par une approche marquée du sceau d’un juridisme étroit.

La politique de libre circulation des personnes ne pourra être utilisée comme un facteur de régulation de l’économie que si elle s’accompagne d’une politique sociale et que si les abus constatés (par exemple en matière de détachement) cessent le plus rapidement possible.

Enfin, il nous faut déplorer qu’à l’occasion de la crise économique la plus grave depuis la guerre, la Commission européenne ne se soit rangée à des positions moins dogmatiques qu’avec un temps de retard et que nous ne puissions pas soutenir qu’elle ait fait preuve d’anticipation ».

Mais, peut-être faudrait-il aller au-delà du plan Juncker et faire appel à la BCE, comme le propose Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie :

« Je pense… que l’on pourrait mieux utiliser le bilan de la BCE, en le combinant avec des interventions de la Banque européenne d’investissement (BEI). L’idée serait de faire acheter par la banque centrale des quantités massives d’obligations émises par la BEI, afin que cette dernière puisse investir dans de nombreux projets utiles à l’économie européenne. Il faut aller plus loin que le seul plan Juncker. L’idée d’associer BCE et BEI me paraît bonne, mais on peut imaginer d’utiliser aussi d’autres institutions ou d’en créer de nouvelles pour lancer un grand plan d’investissement ».

TRAVAUX DE LA COMMISSION

- Compte rendu no 175 de la commission des Affaires européennes du 3 décembre 2014 : audition de M. Michel Sapin, ministre des Finances et des comptes publics, sur le conseil Affaires économiques et financières (ECOFIN) du 9 décembre

- Compte rendu no 178 de la commission des Affaires européennes du 17 décembre 2014 : audition, conjointe avec la commission des Finances et la commission des Affaires économiques, de M. Jean Pisani-Ferry, commissaire général de France Stratégie, et de M. Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives économiques, sur la relance de l’investissement en Europe

- Compte rendu no 190 de la commission des Affaires européennes du 18 février 2015 : réunion, avec les membres français du Parlement européen, conjointe avec la commission des Affaires européennes du Sénat, sur la relance de l’investissement en Europe et points d’actualité (PNR européen, Conférence de l’article 13 du TSCG)

- Compte rendu no 192 de la commission des Affaires européennes du 4 mars 2015 : communication de M. Razzy Hammadi et M. Arnaud Richard sur le plan Juncker de relance de l’investissement dans l’Union européenne et la proposition de règlement créant le Fonds européen pour les investissements stratégiques (COM(2015) 10 final)

- Compte rendu no 199 de la commission des Affaires européennes du 7 avril 2015 : examen du rapport d’information sur le plan d’investissement en Europe (« Plan Juncker ») de MM. Razzy Hammadi et Arnaud Richard

I. AUDITION DE M. MICHEL SAPIN, MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS, SUR LE CONSEIL AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES (ECOFIN) DU 9 DÉCEMBRE

La Présidente Danielle Auroi. Monsieur le ministre, je vous remercie, au nom de notre commission, d’avoir répondu favorablement à notre invitation de venir vous exprimer avant la réunion du Conseil des ministres de l’économie et des finances de l’Union européenne, qui doit avoir lieu le 9 décembre. C’est aujourd’hui la troisième audition pré-conseil que nous tenons, dans le cadre de la nouvelle procédure établie d’un commun accord entre le Président Claude Bartolone et le Premier ministre.

Le programme de ce Conseil est particulièrement chargé, comme celui de l’Eurogroupe prévu la veille. Cinq thèmes majeurs doivent être abordés : le plan d’investissement de 315 milliards d’euros, présenté la semaine dernière par la Commission européenne ; le semestre européen, avec l’examen annuel de croissance pour 2015, le bilan de la mise en œuvre de la procédure de suivi budgétaire et économique instaurée par le Six-Pack et le Two-Pack, et l’avis de la Commission européenne sur les projets de budgets nationaux examinés dans le cadre de l’Eurogroupe ; l’union bancaire, avec l’examen du texte précisant les contributions des banques au Fonds de résolution unique que notre commission va examiner à l’issue de cette audition ; la fiscalité, avec la discussion de deux textes, l’un relatif à la taxe sur les transactions financières (TTF) et l’autre à la directive mères-filiales ; le budget de l’Union, avec l’examen du rapport de la Cour des comptes européenne sur l’exercice 2013.

Avant de vous laisser la parole, je vous poserai trois séries de questions. Nous avons pris connaissance avec intérêt des propositions du président Juncker relatives au plan d’investissement. Pour ma part, je ne peux que soutenir le principe même de ce plan, en déplorant toutefois la faiblesse et le côté tardif du financement public mobilisé, et en soulignant que nombre de questions demeurent quant à sa mise en œuvre pratique. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous faire part de votre analyse sur cette initiative de la Commission et ce que nous pouvons en espérer ?

Du point de vue la stratégie, la Banque européenne d’investissement me semble rester très attachée à la notation triple A : va-t-elle enfin se montrer un peu moins frileuse dans son soutien ? Parmi les plus de 2 000 projets dont M. Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne, nous disait hier qu’ils étaient déjà proposés, quels pourraient être les premiers sélectionnés ? Le paquet « énergie-climat » va-t-il permettre à la France, très présente dans ce domaine, de présenter des projets concrets ? Par ailleurs, les modalités de gouvernance de ce nouveau fonds d’investissement sont-elles déjà clairement déterminées, et comment la France envisage-t-elle d’y contribuer ? Nous étions hier à Rome, dans le cadre de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC). Notre inquiétude a été grande de voir que la proposition lituanienne visant à repousser l’assouplissement consistant à ne pas compter les fonds du plan Juncker dans le calcul du déficit était soutenue par certains collègues nordiques, ainsi que par ceux de la Pologne et du Bundestag – mais pas du Bundesrat. Cette proposition a donné lieu à un débat Nord-Sud où le Sud a fini par l’emporter – une fois n’est pas coutume. Pensez-vous que la discussion sur ce point risque d’être aussi rude au niveau des gouvernements ?

Pour ce qui est du semestre européen, nous avons déjà fait plusieurs propositions relatives à l’approfondissement de l’Union économique et monétaire. Deux résolutions ont été rédigées en ce sens, ce qui nous a donné autant d’occasions de débattre, notamment au sujet du Two-Pack. Avez-vous l’impression que le Pacte de stabilité et de croissance va pouvoir être lu autrement, et quelles seront les pistes de réflexion pour améliorer ce semestre européen encore loin d’être clairement intelligible des citoyens et même des députés que nous sommes ?

Enfin, dans le domaine fiscal, vous connaissez mon attachement au projet de taxe sur les transactions financières. Sur ce sujet, quelles sont les perspectives de compromis, qui nous ont paru bien faibles hier, lors de l’audition de Pierre Sellal ? Pensez-vous possible de parvenir, avant la fin de l’année, à une harmonisation suffisante pour que les onze États volontaires puissent partir avec une assiette de référence, ce qui permettrait de remettre sur les rails l’idée de cette TTF ?

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. L’Eurogroupe et le Conseil des ministres de l’économie et des finances de l’Union européenne, qui doivent respectivement avoir lieu lundi et mardi prochain, vont constituer des rendez-vous extrêmement importants, ce qui justifie que j’aie eu à cœur de répondre à votre invitation. D’une part, la situation économique de la zone euro nécessite d’être analysée en vue de lui apporter les corrections nécessaires pour pouvoir bénéficier d’une croissance plus porteuse qu’aujourd’hui, notamment en termes d’emplois. D’autre part, l’installation de la nouvelle Commission constitue un bon moment pour modifier certains angles d’analyse et formuler de nouvelles propositions – je pense notamment au plan Juncker, sur lequel il faut porter un jugement à la fois réaliste et positif.

Je commencerai par rappeler que l’Europe constitue la première zone économique du monde. L’Union européenne a traversé plusieurs crises depuis 2007, à commencer par une crise financière qui n’est pas encore totalement derrière nous, ce qui justifie que nous continuions à travailler sur la régulation des systèmes bancaires. Sur ce point, nous avons déjà bien avancé, avec la mise en œuvre de l’union bancaire. Je me souviens que les banques centrales de tous les pays affirmaient que leurs banques se portaient bien, jusqu’à ce que tout explose en 2008 et qu’elles viennent alors demander l’aide de leurs gouvernements respectifs. Cela ne devrait plus arriver avec la mise en place d’un système de surveillance unique, doté d’un superviseur qui portera un jugement sur l’ensemble des banques européennes ; par ailleurs, avec le Fonds de résolution, les banques se garantiront elles-mêmes contre les aléas de la conjoncture, sans avoir à se tourner vers le budget de leurs États.

La crise financière proprement dite a eu des conséquences économiques et sociales, mais aussi une répercussion sur les déficits publics, qui ont augmenté de façon considérable dans tous les pays : en 2008-2009, la solution – que je ne critique pas, car il n’y en avait sans doute pas d’autre – a consisté à ouvrir les vannes de l’endettement. C’est ce que l’on a appelé la crise de la zone euro, qui a fait craindre à certains pays se trouvant dans une situation particulièrement inquiétante du fait de leur niveau d’endettement et du déséquilibre de leur budget d’être obligés de sortir de la zone euro. Je pense notamment à la Grèce et au Portugal. Ce n’était pas seulement une menace pour eux, mais pour l’Europe tout entière, car dans une zone monétaire, la périphérie n’est jamais éloignée du cœur. Il fallait réagir promptement à cette crise, et c’est ce qui a été fait avec la mise en place d’une discipline budgétaire définie dans le Pacte de stabilité, certes contraignante dans ses mécanismes, mais validée par les différents gouvernements et parlements, notamment en France.

Aujourd’hui, il est permis de se demander si l’application de ces règles dans des conditions inchangées répond de manière satisfaisante à la situation économique, caractérisée notamment par une croissance et une inflation trop faibles, ce qui peut, à la longue, avoir des effets désastreux. Certes, les économies de l’Espagne et du Portugal paraissent aujourd’hui rebondir après être tombées très bas, mais d’autres, notamment celle de l’Italie, continuent de s’enfoncer mois après mois dans la récession. La France se situe exactement dans la moyenne de la zone euro, avec une très faible croissance, de 0,4 %, et une très faible inflation, de 0,3 %, ce à quoi personne ne s’attendait – à la fin de 2013, début de 2014, on tablait sur une inflation un peu supérieure à 1 % – et qui ne constitue pas une bonne nouvelle. Contrairement à une idée assez répandue, si tous les acteurs économiques, qu’il s’agisse des ménages ou des entreprises, anticipent une baisse des prix, cela risque de conduire à un blocage de l’économie.

Ma conviction en tant que ministre des Finances et des comptes publics, mais aussi en tant qu’acteur au sein d’un certain nombre d’organismes européens, et par ailleurs européen convaincu, est que cette crise caractérisée par une faible croissance et une faible inflation ne vient pas de nous tomber dessus de façon inopinée, comme cela avait été le cas en 2008 : il s’agit, en fait, d’un phénomène que la Banque centrale européenne analyse avec une grande pertinence depuis mai dernier, et au sujet duquel elle a déjà pris des décisions adaptées et bienvenues, notamment en ce qui concerne le niveau de l’euro – je dois cependant veiller à ne pas dire trop de bien de la BCE, afin de ne pas risquer de porter atteinte à son indépendance. Toutefois, pour utile qu’elle soit, la politique monétaire ne suffit pas, et nous devons nous interroger sur le rythme de consolidation budgétaire à partir d’une analyse de la situation européenne. Procéder ainsi peut paraître aller de soi, mais ce n’est pas le cas. Si les nécessaires mécanismes de discipline budgétaire issus de la crise de la dette publique ont donné lieu à l’établissement d’un calendrier très strict – que certains voudraient voir assorti de sanctions pour les pays qui ne le respecteraient pas à la lettre –, la réflexion qu’il convient de mener au sujet de la situation économique ne se fait pas spontanément : il faut avoir la volonté de l’imposer. Selon moi, la logique veut que l’on procède à une analyse du plan budgétaire au vu du besoin global de la zone euro, et non pays par pays, car dans une zone monétaire commune, les décisions prises par un pays influent forcément sur ses voisins. C’est sans doute l’un des enjeux les plus importants des réunions de la semaine prochaine.

Cela me conduit tout naturellement à la question de l’investissement en Europe, seule question qui vaille si l’on veut éviter un débat totalement vain entre les partisans de l’offre et ceux de la demande. L’investissement, c’est la stimulation immédiate mais aussi la modernisation en profondeur des économies. Ainsi, l’investissement au profit de la transition écologique représente à la fois du travail sur l’ensemble du territoire – ne serait-ce qu’en matière d’isolation thermique – et l’opportunité de profondes transformations structurelles, grâce à la création de nouvelles filières économiques porteuses d’activité. Il permet d’agir non seulement sur le court terme, mais aussi sur le moyen et le long terme, ce qui justifie que nous accueillions favorablement le plan d’investissement de M. Juncker. Il faut s’engager résolument sur cette voie, en ayant en tête l’urgence de la situation de la zone euro, qui oblige à prendre des décisions produisant leurs effets en termes de croissance et d’emploi dès 2015, et non à l’horizon de 2017.

Néanmoins, si ce plan va dans la bonne direction, il doit, à mon sens, être vu comme une base de travail ayant vocation à être améliorée. D’abord sur le plan quantitatif : je ne pense pas tant aux 315 milliards d’euros – il ne s’agit en réalité que de 21 milliards d’euros, dont on attend un effet multiplicateur – qu’au cœur du dispositif, c’est-à-dire à l’argent frais apporté au départ. Ce n’est pas un sujet simple et, pour faire référence au débat que vous avez évoqué il y a quelques instants, madame la présidente, je souhaite que le Sud l’emporte dans la discussion portant sur le montant de l’argent public – qu’il provienne de la Commission, des États ou de la BEI – ayant vocation à être apporté dans le cadre du plan d’investissement : s’il ne s’agit que de fonds recyclés, c’est-à-dire de sommes déjà potentiellement disponibles mais pas encore utilisées, cela n’aura pas beaucoup d’effet.

Nous devons également nous interroger sur les moyens de susciter une moindre aversion au risque de la part de la Banque européenne d’investissement : ne pourrait-elle s’engager sur des projets un peu plus risqués ? S’il ne s’agit que de financer des projets qui l’auraient été de toute façon, car suffisamment rentables, nous n’aurons rien gagné. Sur ce point, il faut que la BEI montre l’exemple aux investissements privés. Un deuxième sujet de réflexion est de déterminer les bons outils pour porter ces investissements. Un troisième, peut-être le plus décisif, est de trouver les moyens permettant de repérer les bons projets – les vrais nouveaux projets, pas ceux qui sont recyclés après avoir précédemment échoué à trouver un financement. Comment faire pour que la Banque publique d’investissement (BPI) et la Caisse des dépôts et consignations chez nous, comme les organismes jouant un rôle équivalent dans les autres pays européens, soient en mesure de repérer non seulement les grands projets, mais aussi les projets plus modestes que recèle le réseau de PME-PMI et d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) sur l’ensemble du territoire ? Nous avons demandé à ce que la BEI soit dotée d’une force de frappe, sous la forme d’une équipe projets chargée de repérer le plus rapidement possible, en lien avec les réseaux publics, les meilleurs projets.

Il est prévu, dans le cadre des dispositifs Two-Pack et Six-Pack, d’effectuer un examen de la situation fin 2014, afin de procéder à d’éventuelles modifications courant 2015. Si les mesures relevant d’une stricte discipline budgétaire sont justifiées en leur principe, leur mécanique trop bureaucratique et automatique peine à s’adapter à l’évolution de la situation économique. Il faut lui en donner la capacité, non pas en remplaçant le logiciel d’origine, mais simplement en l’adaptant. Il faut savoir qu’aujourd’hui, c’est à partir de l’évaluation de la croissance potentielle de tel ou tel pays, pratiquée par des gens certainement très compétents, qu’est calculé le déficit structurel. Cette notion est certes intelligente, mais si sa base de calcul est erronée, comment peut-elle donner un résultat juste ? C’est pourtant le critère fondamental retenu par la Commission pour juger de l’évolution des budgets. On voit là que la technicisation des indices rend nécessaire une évolution des règles.

Sur le plan fiscal, comme l’Allemand Wolfgang Schäuble et l’Italien Pier Carlo Padoan, avec qui nous avons rendu publique une lettre écrite conjointement, je souhaite que nous allions plus loin dans la lutte contre l’optimisation fiscale. Il s’agirait en particulier de lutter contre l’optimisation fiscale pratiquée par certaines grandes entreprises décrites comme virtuelles du fait qu’elles exercent leur activité par le biais d’Internet, mais bien réelles quant à leurs bénéfices, qui s’organisent en tirant profit de l’absence de fiscalité dans certains États pour ne plus payer d’impôt du tout. Pendant longtemps, les États-Unis ne se sont pas alarmés de la situation : dans la mesure où les entreprises en question gardaient un pied sur le sol américain, elles continuaient à y être imposées. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas : les entreprises concernées ont établi leur domiciliation sur une île des Caraïbes exempte d’impôt sur les sociétés et elles y font remonter les bénéfices de leurs filiales disséminées partout. Du coup, mon homologue américain est aujourd’hui le premier à plaider en faveur d’une harmonisation permettant de lutter contre l’optimisation fiscale. De ce point de vue, le projet BEPS (Base erosion and profit shifting ou érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices), destiné à lutter contre l’érosion des bases fiscales des grandes entreprises, est absolument décisif. Il y a une vraie volonté de progresser dans ce domaine, et je souhaite, pour ma part, que nous adoptions, dans le courant 2015, les principes définis dans ce domaine par l’OCDE à la demande unanime des membres du G20, et ayant vocation à être prochainement complétés par d’autres dispositifs. Nous disposons des bons outils, il ne nous reste plus qu’à passer à l’action, en l’occurrence à l’harmonisation fiscale au sein des pays de l’Union ou, à défaut, de la zone euro.

La question de la taxe sur les transactions financières constitue un sujet très difficile. Si nous sommes nombreux à souhaiter la création de cette taxe, nous le sommes tout autant à considérer que sa mise en œuvre soulèvera de nombreuses difficultés d’ordre pratique. Deux questions se posent : d’une part, cette taxe constitue-t-elle une avancée suffisamment significative pour justifier son adoption ? D’autre part, n’est-il pas dangereux d’adopter une mesure représentant une trop faible avancée ? Pour ma part, je considère qu’une petite avancée est toujours bonne à prendre. Or, depuis des années, sinon des dizaines d’années, certains repoussent le principe d’une telle taxe – autrefois connue sous le nom de taxe Tobin – au motif qu’elle n’a de sens que si elle est mise en œuvre par tous les pays. Évidemment, avec une telle attitude, on repousse indéfiniment l’adoption de la TFF. Dans ce domaine comme dans d’autres, c’est le premier pas qui compte. Je suis donc tout à fait favorable à la mise en place de cette taxe, quitte à ce que cela se fasse progressivement. Ainsi pourrions-nous commencer par une harmonisation de la taxe sur les actions qui existe dans tous les pays, et en particulier du fléchage de son produit vers le soutien au développement des pays les plus pauvres de la planète ou à la transition énergétique. Je me bats pour que, d’ici à la fin de l’année, la Commission nous fasse une proposition, même modeste, qui nous permettrait d’avancer sur la question des actions.

Dans ce domaine, il existe encore certains produits dérivés financiers qui me paraissent extrêmement dangereux : je pense notamment aux CDS (Credit default swap), qui ne sont rien d’autre que des paris sur l’échec d’une entreprise – voire d’un pays –, donnant lieu à une spéculation pouvant avoir pour conséquence la faillite de certaines entreprises pourtant bien portantes. Nous ne devons pas perdre de vue qu’à l’origine, la taxe sur les transactions financières n’avait pas pour objet de rapporter de l’argent mais, en renchérissant le coût de certaines opérations, d’introduire un grain de sable dans des mécanismes financiers à caractère dangereux, afin d’en dissuader le recours. Je pense à des transactions répétées à de multiples reprises au cours d’une même semaine, voire d’une même journée, et pouvant mettre en péril la stabilité financière d’une entreprise ou d’un État. Cependant, il ne faut pas trop renchérir le coût des transactions, certains produits dérivés garantis étant absolument indispensables : ainsi, le fait de se garantir contre l’évolution de la valeur de la monnaie dans laquelle s’effectue une transaction est-il une bonne chose, de même que le fait pour un agriculteur de se garantir contre l’évolution erratique des prix agricoles. Ce n’est que lorsque ce produit dérivé est mis en œuvre à des fins de spéculation, perdant ainsi sa fonction première de sécurisation des marchés et des acteurs économiques, que son utilisation doit faire l’objet d’une régulation. En résumé, je souhaite que tout soit fait pour que la taxe sur les transactions financières puisse entrer en application, même de façon modeste, dès le 1er janvier 2016. Tel est l’engagement pris par onze pays, dont la France. À cet égard, je voudrais rappeler que c’est la première fois que l’on assiste à une coopération renforcée dans le domaine de l’harmonisation fiscale – un domaine souffrant de la règle d’unanimité inscrite dans les traités.

M. Joaquim Pueyo. Le plan d’investissement que vous nous présentez est tout de même compliqué, monsieur le ministre. Alors qu’on commence à peine à comprendre le mécanisme du Fonds européen de développement économique et régional (FEDER), celui du plan d’investissement de 315 milliards d’euros sur trois ans reste difficile à cerner : on s’interroge, en particulier, sur l’origine des 21 milliards d’euros constituant l’investissement initial apporté par le Fonds stratégique. Par ailleurs, on a l’impression que ce plan ne va concerner que les projets d’une certaine importance et que les territoires moyens vont se trouver mis de côté. Vous avez néanmoins dit que le plan pourrait concerner les petits projets.

M. le ministre. Petits par leur coût, pas par leur importance !

M. Joaquim Pueyo. La France va-t-elle contribuer au Fonds stratégique européen, et, le cas échéant, selon quels critères ? Le haut débit, par exemple, fait l’objet non seulement d’un plan national, mais aussi d’un plan régional, d’un plan départemental et parfois d’un plan communautaire, comme c’est le cas sur mon territoire : franchement, il y a de quoi être perdu ! C’est la même chose avec la transition énergétique, qui a déjà donné lieu à l’adoption d’une loi. Pouvez-vous nous préciser ce que le Fonds stratégique va apporter de plus par rapport aux plans déjà mis en œuvre ?

M. Philippe Armand Martin. Il a été dit que la France, l’Allemagne et l’Italie devaient être les fers de lance de la lutte contre l’optimisation fiscale. Pouvez-vous nous indiquer quelles mesures la France entend proposer à ce titre dans le cadre d’ECOFIN, étant entendu que l’adoption rapide d’une directive visant à rendre obligatoire l’échange d’informations sur les transactions hors ligne n’est pas suffisante ?

M. Pierre Lequiller. Je dois vous dire que l’analyse que vous nous avez livrée est loin d’être partagée par tous, monsieur le ministre : de nombreux parlementaires et ministres européens, de gauche comme de droite, sont très inquiets au sujet de la France, qui ne montre pas les signes de rebond que l’on observe pour l’Espagne, par exemple, qui, après avoir pris des mesures importantes, en constate déjà les effets en termes de réduction de son taux de chômage – même si, de ce point de vue, les Espagnols partaient de plus bas que nous.

Pour ce qui est du plan Juncker, j’avoue ne pas comprendre sur quoi repose l’effet multiplicateur que l’on attribue aux 21 milliards d’euros injectés par le Fonds stratégique : j’ai moi-même été banquier, et je ne vois pas en quoi cet investissement va inciter les banques à s’engager également sur des projets. Allez-vous par ailleurs obtenir des Allemands qu’ils augmentent leur programme d’investissement, s’élevant pour le moment à 10 milliards d’euros ?

Il me semble que certains sujets doivent être abordés en amont, car ils ne pourront être réglés du jour au lendemain : je pense notamment à l’harmonisation fiscale, un domaine qui concerne justement Pierre Moscovici, notre commissaire européen. Des propositions ont été faites, notamment par Valéry Giscard d’Estaing et Nicolas Sarkozy, mais aussi par des personnalités politiques de gauche, en vue d’une harmonisation fiscale, mais chacun sait que nous n’atteindrons pas cet objectif en deux ans, ne serait-ce qu’en raison du principe de souveraineté des États en matière fiscale. La France ne pourrait-elle pas défendre, sur le long terme, une proposition visant à créer une sorte de serpent fiscal, analogue en son principe au serpent monétaire des années 70, dans le cadre duquel nous pourrions nous engager à tendre vers une harmonisation nécessaire non seulement pour combattre les pratiques de certaines entreprises, telle Google, mais aussi pour tenter d’enrayer les phénomènes de délocalisation engendrés par les différences fiscales entre les pays ?

On a beaucoup parlé de la gouvernance de la zone euro, mais a-t-on progressé dans ce domaine où le Président de la République avait promis des avancées ? Avez-vous l’intention de faire des propositions en ce sens dans le cadre des réunions de lundi et mardi prochains ?

Enfin, je veux vous faire part de mon inquiétude au sujet du Royaume-Uni, où il est question d’organiser, d’ici à la fin de 2017, un référendum sur la question de son maintien dans l’Union européenne. J’aimerais savoir si un dialogue a été engagé avec les Britanniques afin de les amener à préciser quels sont leurs souhaits ; s’il n’est pas question de céder à toutes leurs demandes, il serait tout de même préférable de ne pas les laisser partir.

M. Éric Alauzet. Chacun a pu constater que les mesures votées en France contre la fraude fiscale des particuliers, concomitamment à l’entrée en vigueur de la loi américaine FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act), ont rapidement produit des résultats remarquables, puisque 30 000 comptes ouverts à l’étranger ont été régularisés – sur une estimation de 150 000, cela représente 20 %, ce qui est loin d’être négligeable. En ce qui concerne la lutte contre l’optimisation fiscale pratiquée par les entreprises, tous les pays, même les plus libéraux, ont affirmé avoir pris conscience de la nécessité d’agir et de mettre en œuvre le plus rapidement possible les mesures du programme BEPS. Il est toutefois permis de s’interroger sur la sincérité de certaines de ces déclarations. En France, par exemple, chaque débat sur ce sujet donne lieu à des mises en garde contre le risque de s’engager sur cette voie avant les autres pays. Pour ma part, je ne pense pas qu’il soit dangereux de montrer l’exemple en prenant des mesures quelques mois avant leur adoption généralisée : ainsi, le fait pour la France de s’engager un peu avant ses voisins européens en matière de reporting bancaire ne lui a-t-il pas nui. En tout état de cause, l’urgence de la situation justifie que certains pays jouent un rôle d’éclaireur afin d’entraîner les autres à leur suite. Dans la mesure où nous ne pouvons guère aller plus loin en matière de baisse de la dépense publique sans risquer de provoquer un effondrement de notre économie, nous sommes obligés d’accroître nos recettes : le BEPS doit donc entrer en vigueur rapidement, et à une échelle significativement productive de recettes.

Par ailleurs, je m’interroge au sujet de l’annonce de la réduction du déficit à 4,1 % : cela signifie-t-il 4 milliards d’euros d’économies ou de recettes supplémentaires, sachant que nous venons de produire un effort de 3,6 milliards d’euros supplémentaires en 2014 ?

Enfin, au sujet des investissements européens, dont on attend un effet de levier sur ceux réalisés en France, je veux souligner que les investissements réalisés dans le secteur de la transition énergétique, à la fois en faveur des économies d’énergie et des énergies renouvelables, ne sont pas des investissements comme les autres. Entendez là, non pas un député écologiste, mais un membre de la commission des Finances : c’est pour des raisons purement budgétaires que ces investissements doivent être au cœur du dispositif, car c’est dans ce secteur que l’on observe les retours sur investissement les plus assurés et les plus rapides. Grâce aux recettes ainsi attendues, les investissements peuvent être plus importants en volume. À mon sens, nous ne devons pas laisser passer l’occasion qui nous est offerte de doper nos investissements dans une période où ils ont tendance à se tasser.

Mme Catherine Quéré. Je suis, moi aussi, très sceptique quant à l’effet multiplicateur que l’on attend du plan d’investissement : pour ma part, je n’y vois qu’un coup de poker. Pour ce qui est de l’instruction des projets, y en a-t-il de prioritaires et qui dispose de la faculté de les activer, notamment dans le domaine de la transition énergétique ?

M. Jacques Myard. Le projet de la BEI est une véritable usine à gaz, ne serait-ce qu’au regard du nombre de fonds qu’il fait intervenir. Par ailleurs, le fait qu’il n’ait pas vocation à produire ses effets avant 2015 ne répond absolument pas à l’urgence de la situation. En économie, on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif, comme vous l’avez vous-même reconnu en décrivant les effets potentiellement récessionnistes de l’annonce d’une baisse des prix. Quant à l’harmonisation fiscale, ce n’est pas la peine d’en parler : quand nous ne sommes pas même capables de définir la base de taxation, il est vain d’évoquer ce que devraient être les taux. La France, qui accuse toujours les autres pays de faire du lobbying fiscal, devrait commencer par réduire sa propre fiscalité.

Sur le fond, il est évident que la France est en voie de récession, comme toute la zone euro. Quand on entend dire que la situation de l’Espagne, du Portugal et de l’Italie s’est améliorée, c’est archifaux : dans ces pays, le taux de chômage des jeunes de dix-huit à vingt-quatre ans atteint 50 %. Quant à l’équilibre primaire en matière de balance des paiements ou de remboursement de la dette, il ne s’explique pour les États que j’ai cités que par le fait qu’ils n’importent plus et que leurs économies sont atones : c’est la paix des cimetières qui règne –l’Italie, par exemple, n’a toujours pas retrouvé son niveau de PIB de 2007. Un tel constat impose de s’interroger sur l’outil mis en œuvre et sur la zone euro dans son ensemble.

Le multiplicateur de la dépense publique s’établit à 1,6 : quand on coupe 100 dans la dépense publique en période de récession, cela se traduit par une baisse du PIB de 160. C’est tout de même cette politique à la Laval que l’on continue de mettre en œuvre en dépit du bon sens, en confondant déséquilibre budgétaire et perte de compétitivité. Comme vous le savez, la banque d’Angleterre et la FED sont entrées dans une période d’assouplissement quantitatif. La seule solution aujourd’hui réside donc dans la création monétaire, sous la forme d’avances des banques centrales aux États pour des investissements immédiats, et non pas aux calendes grecques, comme avec le plan de la BEI. Malheureusement, l’Allemagne ne l’entend pas de cette oreille et la reine de Prusse continue à faire preuve d’une désolante rigidité dogmatique dans ce domaine. Avec son nouveau programme OMT (Outright Monetary Transactions), la BCE n’a pas vraiment changé de politique : elle rachète sur le marché secondaire des OMT de dettes souveraines, et les banques ne prêtent pas davantage.

Chaque baisse de l’euro profite plus à l’Allemagne qu’à la France, c’est pourquoi cette monnaie est tout à fait inadaptée à notre situation. Nous allons droit dans le mur, et je suis effaré de l’absence de débat sur l’instrument monétaire en France. Alors qu’il a lieu partout ailleurs, notamment au Royaume-Uni et en Italie, chez nous, c’est l’omerta. Mais, à un moment donné, nous serons bien obligés d’ouvrir les yeux.

Enfin, laissez-moi rire quand j’entends qu’on s’émerveille qu’avec l’union bancaire les banques se garantiront elles-mêmes. En réalité, seules 123 banques européennes – essentiellement les plus grandes – ont fait part de leur décision de prendre part à ce dispositif, alors que le danger provient surtout des plus petites, qui risquent de faire sauter le système en détenant des mauvaises créances issues de la titrisation. Les 55 milliards d’euros du Fonds de résolution des crises bancaires ne représentent rien du tout ; qui plus est, notre contribution sera de 16 milliards et s’il fallait recapitaliser, nous devrions payer à hauteur de 31 %. Tout cela, c’est du lip service – du soutien de façade, pour parler français. Ce n’est pas à la hauteur de la crise que nous traversons, et je crains fort que nous ne soyons déjà dans le mur.

Mme Sandrine Doucet. La capacité des banques à prêter, qui conditionne les chances que nous atteignions effectivement les 315 milliards d’euros d’investissements, va aussi dépendre de la qualité des investissements en question, car il faut bien que les banques s’y retrouvent en termes de rentabilité. Comment cette préoccupation va-t-elle se conjuguer avec le souci, pour les territoires les plus éloignés de la croissance, de se doter des équipements qui leur font défaut ?

La Présidente Danielle Auroi. Les sujets que nous évoquons semblent concerner essentiellement le monde politique et financier, alors qu’il serait bon de parvenir à mobiliser l’épargne citoyenne. Pour cela, la commission des Affaires européennes a déjà émis l’idée d’un grand emprunt européen, dont la réalisation ne serait possible qu’avec le soutien de plusieurs États s’accordant pour mettre ce projet en œuvre. Ce grand emprunt vous semble-t-il être, pour reprendre l’expression utilisée par Jacques Myard, une nouvelle usine à gaz ou considérez-vous, comme notre commission, qu’il pourrait avoir une vertu pédagogique et, dès lors, un effet mobilisateur sur les petits projets ?

M. le ministre. Pour ce qui est de l’appréciation de la situation que nous traversons, je suis plutôt d’accord avec M. Myard : une situation dite « à la japonaise », marquée par une trop faible croissance et une trop faible inflation durant une longue période, pourrait effectivement avoir des conséquences gravissimes pour un pays comme la France, se caractérisant par une démographie extrêmement positive, car elle se traduirait par une perte de valeur significative par habitant. Avec sa population en diminution, l’Allemagne ne serait pas confrontée à la même difficulté, même si elle avait le même taux de croissance que nous. Sortir de cette phase de faible croissance constitue donc un enjeu essentiel pour notre pays.

Pour ce qui est des inquiétudes exprimées par certains au sujet de la France, je comprends que notre pays, qui occupe la deuxième place au sein de la zone euro, attire davantage les regards que l’Italie, l’Espagne, le Portugal ou la Grèce : c’est la contrepartie de l’importance qu’a notre pays aux yeux des Européens, en particulier de ceux qui, comme vous et moi, sont partisans d’une Europe forte. Quand la France ou l’Allemagne vont mal, comme cela a été le cas pour nos voisins d’outre-Rhin que le choc de la réunification a confrontés à d’importants déséquilibres, notamment budgétaires, c’est toute l’Europe qui souffre. C’est d’ailleurs un lien tout à fait particulier qui unit, en dépit de leurs différences, nos économies respectives depuis la création de l’euro il y a désormais plus de vingt ans – une monnaie qui a beaucoup aidé notre pays à surmonter les difficultés qu’il a traversées ces dernières années.

M. Jacques Myard. Je ne vois pas en quoi l’euro nous a aidés !

M. le ministre. Notre responsabilité consiste évidemment à faire en sorte de garder la maîtrise de la situation, en particulier des déficits. De ce point de vue, la position que défend le gouvernement français est très claire : le rythme de consolidation budgétaire, c’est-à-dire de diminution des déficits, doit être plus lent que certains ne le souhaitent. Admettre que nous n’atteindrons pas les 3 % de déficit en 2015, mais seulement en 2017, me vaut des critiques ; or cela correspond à la trajectoire de réduction des déficits que nous avons définie, et à laquelle je suis attaché. Je ne dis pas qu’il faut augmenter les déficits, comme cela a été le cas au cours des années 2007 à 2009, marquées par une explosion des déficits et des dettes, mais simplement que les déficits doivent diminuer à un rythme compatible avec le soutien à la croissance. Certains, notamment au sein de la Commission européenne, veulent nous faire croire que la situation budgétaire consolidée de la zone euro est neutre, ce qui est censé justifier la poursuite de politiques restrictives ; je considère que c’est faux, et qu’en continuant à mener ces politiques restrictives au niveau européen, nous ne parviendrons pas à retrouver le chemin de la croissance.

Les questions relatives à la gouvernance de la zone euro sont très importantes, mais ne concernent pas seulement le ministre des finances que je suis. Il faut veiller à ce que la zone euro ne soit pas perçue que comme un gros chiffre, traduisant le décalage entre nos ambitions et la compréhension par nos peuples des politiques mises en œuvre. Leur soutien à ces politiques est déjà bien ténu. Nous devons faire un effort de simplification, car certains mécanismes sont beaucoup trop compliqués et gagneraient à être revus dans le sens d’une simplification et d’une amélioration de leurs capacités d’adaptation.

Nous devons également chercher à personnaliser la zone euro. Jusqu’à présent, le président de l’Eurogroupe a toujours été le ministre des finances de son pays d’origine, ce qui n’est sans doute pas une bonne chose car, au sein de l’Eurogroupe, on est toujours perçu comme le défenseur des intérêts du pays auquel on appartient. Ainsi, si j’affirme que nous devons adapter le rythme de diminution des déficits dans l’ensemble de la zone euro, on va immédiatement m’accuser de défendre cette position parce qu’elle correspond à la situation de la France. Toute la difficulté consiste à resolidariser les économies afin de parvenir à une vision globale, préalable à un dialogue singulier avec chacun des pays.

M. Jacques Myard. Le problème vient du fait que l’on a artificiellement plaqué une monnaie unique sur des économies divergentes !

M. le ministre. Notre objectif doit précisément consister à réduire les divergences, et même à faire en sorte que les différentes économies européennes finissent par converger. C’est tout l’enjeu de l’harmonisation fiscale. Sur ce point, si je comprends le concept de serpent fiscal, je ne pense pas qu’il puisse être mis en œuvre concrètement : je crois plutôt que nous devons procéder à une harmonisation par paquets, c’est-à-dire en prenant les sujets les uns après les autres.

Je suis favorable à ce que l’on harmonise les assiettes en laissant chaque État décider, par exemple, du taux d’impôt sur les sociétés qu’il entend appliquer. Procéder de la sorte permettrait d’ailleurs de constater que le taux d’IS de la France n’est pas si élevé que l’affirment certains. La première chose à faire est d’avancer sur le programme BEPS et sur les propositions que j’ai faites avec mes collègues allemand et italien – des points sur lesquels nous sommes d’accord à la fois entre nous et avec nos peuples. L’opinion ne conçoit pas, par exemple, qu’une grande entreprise du numérique ne paye pas d’impôt, surtout quand elle produit du bénéfice au moyen de publicités pour des produits français. Or le bénéfice se fait aussi sur le bon fonctionnement de la société, de notre économie et de nos services publics.

La directive mères-filiales, que j’ai évoquée tout à l’heure, a pour objet d’éviter que ne s’opèrent certains transferts dans des conditions beaucoup trop avantageuses pour les entreprises qui les effectuent. Ainsi, la pratique de la patent box ou boîte à brevet, consistant pour une entreprise à faire en sorte que la rémunération de ses brevets relève d’un pays fiscalement avantageux, doit-elle être combattue. Un autre moyen de combattre l’optimisation fiscale est l’échange d’informations : imposer une transparence absolue et obligatoire sur les avantages fiscaux que chaque administration accorde à telle ou telle entreprise – tel le tax ruling pratiqué au Luxembourg, dont on a beaucoup parlé récemment – aurait sans aucun doute un considérable effet dissuasif. À mon sens, l’harmonisation fiscale passe d’abord par l’harmonisation dans le domaine économique et financier. Après l’union monétaire et l’union bancaire, il est question de parvenir à une union des marchés de capitaux : c’est là un objectif qu’il est effectivement indispensable d’atteindre si nous voulons être en mesure de financer la croissance de notre économie, en permettant à nos entreprises de s’adresser aux marchés financiers dans des conditions sécurisées. Mais une union des marchés de capitaux dans la zone euro ne peut fonctionner si nous conservons des fiscalités divergentes : il sera nécessaire de procéder à une harmonisation dans ce domaine, et cela fait partie des propositions que soutient actuellement la France.

Si nombre d’entreprises et de collectivités locales éprouvent le besoin urgent de trouver des financements complémentaires pour leurs projets, le plan Juncker ne saurait constituer la réponse à tous les besoins d’investissement. En la matière, chaque pays doit assumer ses propres responsabilités pour faire en sorte que l’investissement public se maintienne, voire retrouve son niveau d’antan. Ainsi, même sans prendre pour référence la période exceptionnelle d’investissement qu’elle a connu pour la reconstruction de l’Allemagne de l’Est à la suite de la réunification, l’Allemagne a vu le niveau de ses investissements publics diminuer considérablement au cours des dernières années.

Cela dit, dans toute l’Europe, c’est aussi et surtout l’investissement privé qui s’est effondré. L’objectif poursuivi par le plan Juncker est donc d’obtenir, à partir d’une mise de capitaux garantis publiquement, le déclenchement d’investissements privés. Certes, encore faut-il que les projets nécessitant des investissements présentent une certaine rentabilité, mais chacun sait qu’une garantie publique facilite considérablement la mise au pot des investissements privés : c’est bien là le mécanisme sur lequel repose le plan Juncker, qui n’a pas vocation à financer des projets qui auraient été financés de toute façon. Convenons que la Commission, installée début novembre, n’a pas chômé durant son premier mois d’exercice, en formulant de nombreuses propositions. Il nous revient maintenant de compléter et de préciser tout ce qui se trouve sur la table, ne serait-ce que pour éviter de susciter de faux espoirs. Les petits projets peuvent, tout autant que les grands, avoir vocation à bénéficier du plan Juncker, sous réserve qu’ils remplissent les conditions pour y être éligibles : je pense tout particulièrement aux projets relatifs à la transition énergétique, non seulement en raison de leur intérêt écologique, mais aussi parce qu’ils représentent un important gisement d’emplois et peuvent procurer une rentabilité élevée.

Le plan Juncker va nécessiter l’adoption d’un règlement ; il devra faire l’objet de délibérations au Parlement européen et au Conseil, et donner lieu à des trilogues entre la Commission, le Conseil et le Parlement, toutes choses qui vont forcément prendre du temps, alors qu’il y a urgence à ce que cet outil – qui n’est heureusement pas le seul dont nous disposions – soit mis au service d’une croissance plus forte. Nous devons tout faire pour favoriser une croissance génératrice d’emplois. Comme l’a dit M. Myard, l’Espagne continue à présenter un taux de chômage élevé : elle en est encore à plus de 11 %. Dans le cadre du sommet franco-espagnol qui s’est tenu il y a quelques jours, mon homologue espagnol s’est déclaré très inquiet sur l’avenir, évoquant le risque d’une troisième dépression. Pour sa compétitivité, l’Espagne dépend beaucoup de ce qu’elle vend en dehors de ses frontières. Or, si ses voisins européens conservent de faibles rythmes de croissance, c’est sa propre capacité de rebond qui se trouve remise en cause. Comme on le voit, même des pays qui sont encore loin d’avoir retrouvé leur niveau de PIB de 2007 s’inquiètent de la situation actuelle, et rejoignent la volonté s’exprimant au niveau européen de voir bouger les choses. Plutôt que d’invectiver nos amis allemands ou de me lancer dans de grandes diatribes, je suis favorable ce que soient prises des mesures très constructives, très concrètes, partant d’une analyse réaliste de la situation économique de l’Europe et de la France – qui est peut-être le pays le plus « dans l’Europe », si j’ose dire. Nous sommes ainsi à la fois le reflet et l’acteur, au sein de la zone euro, d’une situation économique difficile, mais sur laquelle nous pouvons influer.

La Présidente Danielle Auroi. Je vous remercie, Monsieur le ministre, de nous avoir largement éclairés. Nous serons très intéressés par ce que vous pourrez nous dire au retour des deux réunions qui vont avoir lieu la semaine prochaine.

II. AUDITION, CONJOINTE AVEC LA COMMISSION DES FINANCES ET LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE M. JEAN PISANI-FERRY, COMMISSAIRE GÉNÉRAL DE FRANCE STRATÉGIE, ET DE M. GUILLAUME DUVAL, RÉDACTEUR EN CHEF D’ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES, SUR LA RELANCE DE L’INVESTISSEMENT EN EUROPE

La Présidente Danielle Auroi. Messieurs, en vous recevant ce matin, nous accueillons deux Européens convaincus, mais lucides. Si vous vous accordez sur certains constats, vous divergez sur certains aspects des remèdes qui doivent être mis en œuvre pour sortir de la crise dans laquelle l’Europe se morfond.

Nous vous avons invités pour faire le point sur la question de l’investissement en Europe. La relance de l’économie européenne, donc l’amélioration de la situation de l’emploi, passe par un effort partagé d’investissement ; en ce domaine, l’échelle européenne est incontestablement la bonne, notamment pour les investissements dans le domaine de la transition énergétique. Nous souhaitons bien sûr vous entendre en particulier sur le plan Juncker, qui sera avalisé cette semaine par le Conseil européen.

La question de l’investissement est également au cœur des rapports franco-allemands, puisque le rapport que vous avez établi, monsieur le commissaire général, avec M. Henrik Enderlein, insiste sur la nécessité d’investir davantage.

Sur ce point, d’ailleurs, le consensus est large ; mais sur le niveau d’investissement, sur les modalités de financement, sur les priorités, les divergences entre États membres, et entre experts, sont grandes.

Le rapport établi par MM. Pisani-Ferry et Enderlein insiste sur la question de la croissance, mais n’occulte pas les problèmes de fond que sont l’évolution démographique ou la question des travailleurs pauvres, plus nombreux en Allemagne qu’en France. Je suis également sensible à ce que vous dites de la nécessité d’engager l’Europe à accélérer sa transition vers une économie numérique et une économie moins carbonée ; vous décrivez, et c’est très intéressant, les outils financiers qui permettront d’atteindre ces buts. Pourrez-vous revenir sur ce point ?

Vous souhaitez également changer la formule d’indexation du salaire minimum : mais comment alors lutter contre le phénomène des travailleurs pauvres ? Vous fixez pour objectif une diminution du ratio des dépenses publiques de cinq points en quelques années, ce qui représente tout de même 100 milliards d’euros : où trouver cet argent ? Où porter le scalpel sans réduire notre niveau de protection sociale ni la qualité de nos services publics ?

Vous évoquez enfin, dans ce rapport, un « Schengen économique » et une Europe de l’énergie. Comment envisagez-vous la convergence franco-allemande en ces domaines ?

Le Président Gilles Carrez. Merci, madame la présidente, d’avoir organisé cette audition qui s’annonce très intéressante.

Monsieur Pisani-Ferry, la commission des Finances vous a reçu lorsque vous avez été nommé membre du Haut Conseil des finances publiques ; nous avions alors évoqué les notions indispensables, mais complexes et difficiles à manier, de croissance potentielle et de solde structurel. France Stratégie a rendu, au mois de juin dernier, un passionnant rapport intitulé Quelle France dans dix ans ? À partir de ce rapport, et de celui que vous avez écrit avec M. Henrik Enderlein, je voudrais vous interroger sur la question de la dépense publique.

Il est habituel de considérer que son niveau actuel de 57 % du PIB est très excessif ; mais il faut aussi s’interroger plus précisément sur la qualité de la dépense publique et sur sa contribution à la croissance. Là aussi, une idée convenue consiste à dire que toute dépense d’investissement est favorable à la croissance : cela ne me paraît pas incontestable.

Or, dans ces deux rapports, vous ne semblez pas adhérer à l’idée – qui fut notre credo pendant des décennies – selon laquelle tout accroissement de la dépense publique aurait un effet positif sur la croissance. Vous semblez considérer que le niveau de dépense publique atteint aujourd’hui est excessif, et appelle des réformes de structure.

Certains membres de la commission des Finances n’hésitent pas à considérer que toute réduction de dépenses publiques est beaucoup plus récessive qu’un accroissement de fiscalité. Ces sujets sont complexes, et je ne voudrais pas me montrer trop catégorique ; mais j’ai eu le sentiment, à vous lire, que vous estimiez qu’il fallait à tout le moins nous interroger sur l’efficacité de nos dépenses publiques.

Monsieur Duval, je ne suis pas un lecteur assidu d’Alternatives économiques mais je trouve toujours cette publication stimulante. Je vous adresse donc les mêmes questions qu’à M. Pisani-Ferry.

Le Président François Brottes. La commission des Affaires économiques a commencé ses travaux ce matin par une audition du président du Centre national des études spatiales : nous avons donc parlé conquête spatiale, économie réelle, réussite européenne et accords fructueux avec nos voisins allemands.

Mais nous voyons aussi se développer des dynamiques anxiogènes – oscillations des cours de bourse, dégradation de la note de notre pays par les agences de notation, commentaires catastrophistes des médias et des économistes... Ne pensez-vous pas que ces « agents d’ambiance » ont un effet dépresseur sur l’économie réelle ? Cet incessant brouhaha ne décourage-t-il pas les investisseurs ?

M. Jean Pisani-Ferry, commissaire général de France Stratégie. Merci, madame la présidente, messieurs les présidents, mesdames et messieurs les députés, de nous donner l’occasion rare de nous exprimer devant ces trois commissions réunies. J’utiliserai aussi, dans ma réponse, les différents travaux de France Stratégie.

L’investissement, vous avez raison, est au cœur du débat européen – non pas tant d’ailleurs parce qu’il serait partout l’aspect le plus préoccupant de l’économie, quoiqu’il soit incontestablement trop faible, mais plutôt parce qu’il peut constituer, comme l’a dit Mario Draghi, un point de rencontre entre les tenants de l’offre et ceux de la demande : l’investissement, c’est la demande d’aujourd’hui et l’offre de demain. Il est donc possible, à l’échelle européenne, de parler d’investissement de façon fructueuse ; c’est ce qui explique le plan Juncker, mais aussi la commande du rapport que j’ai rédigé avec Henrik Enderlein. Cela montre aussi a contrario les difficultés que nous rencontrons à établir un diagnostic macroéconomique partagé.

Il faut distinguer l’investissement public de l’investissement privé. La situation du premier est alarmante dans certains pays où l’ajustement a été très violent – il a pu baisser de 50 %, voire 70 %, ce qui met en cause le niveau minimal de renouvellement des équipements publics. Il a également diminué fortement en Allemagne, dès les années 2000, car c’est ainsi que s’est fait l’ajustement des dépenses publiques : pour ce pays, la question du relèvement du niveau d’investissement se pose, en dehors de toute considération conjoncturelle. En effet, l’Allemagne a choisi d’appliquer une règle sur la dette publique, c’est-à-dire sur le passif, mais ne possède pas de règle correspondante sur l’actif public. Ce que souligne le rapport que j’ai rendu avec Henrik Enderlein, c’est la nécessité d’un rééquilibrage : ce que nous léguons aux générations futures n’est évidemment pas une considération secondaire, mais il ne faut alors pas se préoccuper seulement du passif, mais aussi des actifs.

La question de l’investissement public se pose moins évidemment en France, où il est demeuré à un niveau sensiblement supérieur à celui de l’Allemagne comme d’autres pays. En revanche, il convient de nous interroger sur l’allocation des fonds, de nous demander si nous faisons vraiment les bons choix, tant du point de vue des citoyens qu’en termes de croissance.

Quant à l’investissement privé, qui est évidemment le résultat du comportement des entreprises, notre diagnostic est là encore qu’il est très faible : contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, où il s’est redressé, il demeure en Europe sensiblement inférieur à ses niveaux antérieurs à la crise. C’est inquiétant, même si on envisage seulement ce chiffre comme le signe d’une inquiétude des entreprises sur leurs perspectives de croissance ; il existe un risque de perpétuation de niveaux d’investissements trop faibles, ce qui mettrait en danger la modernisation de notre appareil productif et donc nos capacités de croissance à moyen terme. Il est donc légitime de prendre des initiatives pour soutenir l’investissement privé.

Le plan Juncker intervient dans ce contexte. Il vise à soutenir l’investissement, avec des moyens très limités : 16 milliards d’euros de garanties sur le budget européen et 5 milliards d’euros apportés par la Banque européenne d’investissement – BEI. À l’échelle européenne, c’est évidemment infime ; l’idée est de se servir de cet apport pour partager le risque entre le nouveau Fonds européen pour les investissements stratégiques et les investisseurs privés, afin de permettre un développement de l’investissement. Dans la situation actuelle, nous pouvons en effet craindre que le système bancaire ne souhaite prendre moins de risques qu’auparavant. C’est même, d’une certaine façon, ce que nous lui demandons : le système bancaire assure en effet, dans les économies européennes, l’essentiel de l’intermédiation – contrairement aux États-Unis, par exemple, où le marché des capitaux joue un rôle beaucoup plus important. Traditionnellement, ce sont donc les banques qui portent le risque. Mais, pour des raisons de stabilité financière et de protection des finances publiques, nous leur enjoignons aujourd’hui d’en prendre moins : hausse des ratios de capital, de liquidités, baisse du ratio d’endettement, mécanismes de résolution des crises bancaires afin que les finances publiques ne soient plus en première ligne... À moyen terme, nous devrions avoir un marché des capitaux plus développé et un système bancaire plus sûr ; mais, dans une phase de transition, il faut soutenir la prise de risque, et c’est le principe du plan Juncker.

C’est donc une bonne initiative, quoiqu’elle ait plusieurs limites. Le chiffre de 315 milliards d’euros annoncé par M. Juncker doit être mis en regard des 21 milliards réellement mobilisés ; pour aller du second au premier, il faut un multiplicateur très élevé. Soit.

Mais quelles seront les meilleures formes de mobilisation de l’argent public ? Dans certains cas, on peut souhaiter une prise de risque plus élevée, avec un multiplicateur plus faible : je crains que, pour atteindre un objectif si élevé par rapport à la mise de fonds initiale, le Fonds européen ne soit conduit à intervenir dans des projets auxquels l’apport public n’était pas indispensable. Nous en avons déjà un certain nombre d’exemples : il arrive que la BEI finance des projets qui auraient pu se financer entièrement sur les marchés. Or, s’il s’agit d’améliorer marginalement les conditions de financement de tel ou tel projet, en se substituant à des investisseurs privés, l’effet macroéconomique sera nul. Il apparaît donc essentiel de s’interroger sur les domaines d’intervention, et de se limiter à soutenir des projets auxquels cette aide est vraiment indispensable.

Deuxième réserve : les montants demeurent très faibles. La possibilité ouverte aux États membres d’apporter des compléments de financement devrait donc, à mon sens, être utilisée. Cela pose la question du traitement de ces fonds dans la comptabilité européenne : il est possible qu’ils n’entrent pas dans le calcul du déficit, comme cela s’est déjà fait pour le Mécanisme européen de stabilité. Les modalités exactes des interventions des États membres demeurent à préciser, mais il faut à coup sûr envisager d’utiliser cette possibilité.

Enfin, du point de vue de l’investissement privé, nous ne sommes pas condamnés à agir uniquement par des mécanismes financiers : l’action par la réglementation et la fiscalité peut constituer un levier intéressant. D’un point de vue macroéconomique, nous souhaitons en effet accélérer l’investissement alors que les perspectives d’augmentation de la demande demeurent modestes – même s’il faut bien sûr espérer que la Banque centrale européenne – BCE – agira, comme elle l’a laissé entendre, pour favoriser la demande. Mais les entreprises peuvent aussi être incitées à investir pour substituer à un capital ancien, en voie d’obsolescence, un capital nouveau, plus performant énergétiquement par exemple, ou parce qu’il utiliserait mieux les technologies numériques : il faut pour cela des initiatives publiques. Si le prix du carbone demeure au niveau où il est, c’est-à-dire extrêmement déprimé, si de fortes incertitudes demeurent sur les standards européens en matière de protection des données, pour ne prendre que ces exemples, alors les entreprises ne sont pas incitées à consentir ces investissements. L’accélération de la transition énergétique, de la transition vers le numérique conduira les entreprises à investir : c’est donc, je le répète, un levier intéressant.

Évidemment, ce n’est pas sans conséquence pour les entreprises, qui doivent dévaluer le vieux stock de capital plus vite, et donc rogner leurs profits. L’opération n’est pas sans coût pour l’économie, ni en dernière analyse pour les finances publiques. Mais dans une situation où les entreprises font face moins à des contraintes de profit qu’à des contraintes de demande, il est légitime d’envisager d’utiliser ce levier.

Il faut également aborder la question de l’investissement public au niveau européen. Dans le rapport que j’ai rendu avec Henrik Enderlein, nous proposons un volet « investissement privé » – proche du plan Juncker – mais aussi un volet « investissement public », qu’il faut soutenir dans les pays où il est particulièrement déprimé. Nous proposons donc la création d’un fonds spécifique pour la zone euro.

S’agissant de la dépense publique française, madame la présidente, France Stratégie a travaillé pour comprendre les raisons du niveau élevé de dépense publique dans notre pays : 12 points de dépenses primaires de plus que l’Allemagne, 7 points de plus que la moyenne de la zone euro. C’est pour une part la conséquence de choix collectifs, que l’on peut ou pas souhaiter remettre en cause, mais qui n’entraînent en eux-mêmes aucune conséquence néfaste : nous avons ainsi fait le choix d’un système de retraites essentiellement public, contrairement à d’autres pays, ce qui n’est pas un indicateur d’inefficacité. En revanche, lorsque nous consacrons 40 milliards d’euros à la politique du logement, avec des résultats médiocres, lorsque nous dépensons sensiblement plus pour l’enseignement secondaire que d’autres pays – mais moins pour l’enseignement primaire –, lorsque nos dépenses de santé sont plus élevées que les indicateurs de santé publique ne semblent le justifier, on peut supposer un relativement mauvais emploi des fonds publics. C’est sur ces points qu’il faut travailler.

La France doit donc se fixer, de ce point de vue, des objectifs ambitieux à moyen terme. De plus, les débats récents montrent un écart croissant entre ces dépenses élevées et le niveau de fiscalité que nous sommes collectivement prêts à accepter. Le raisonnement ne serait pas le même pour les pays scandinaves, par exemple, où l’acceptation de l’impôt est plus forte que chez nous.

Vous me demandez, monsieur le président de la commission des Finances, si je prends mes distances vis-à-vis de l’idée que la dépense publique créerait de la croissance. Tout dépend de l’échelle de temps à laquelle on raisonne. Je ne crois pas que les ajustements budgétaires soient spontanément favorables à la croissance : à moyen terme, il faut se fixer l’objectif d’un niveau de dépenses publiques à la fois efficace et cohérent avec les préférences collectives. Mais cet ajustement doit se faire graduellement. Les débats sur ce point ont été nourris lors de la discussion du projet de lois de finances pour 2015 : j’étais pour ma part partisan de la prudence dans la conjoncture très molle que nous connaissons aujourd’hui.

J’aime beaucoup, monsieur le président de la commission des Affaires économiques, votre expression « agents d’ambiance ». Quel est le rôle des économistes dans les anticipations collectives ? Je ne crois pas, pour ma part, que ma profession ait été responsable des événements que nous avons connus ces dernières années... La crise a été le résultat de faits tout à fait réels, malheureusement, et nous devons avoir des regrets, c’est plutôt de n’avoir pas été assez vigoureux, en 2009, pour insister sur la nécessité de traiter la situation bancaire. Faire semblant de croire que le système bancaire européen allait bien risquait de mener vers une situation peu enviable, à la japonaise. Nous aurions sans doute aussi dû nous montrer plus lucides sur le fait qu’un ajustement budgétaire collectif, alors que les économies européennes étaient encore très faibles, était très risqué. Je regrette plus de n’avoir pas été assez alarmiste que de m’être montré trop pessimiste.

Votre question porte peut-être implicitement sur les commentaires sur la baisse du prix du pétrole. Celle-ci constitue indubitablement une bonne nouvelle pour nos économies, puisqu’elle aura pour conséquence un transfert massif de pouvoir d’achat pour nos économies, mais elle intervient dans un contexte où l’on ne peut que se poser des questions, notamment à propos de la Russie.

M. Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives économiqueMerci, madame la présidente, messieurs les présidents, mesdames et messieurs les députés, de me donner à mon tour l’occasion de prendre la parole dans ce cadre prestigieux.

La situation européenne est à l’heure actuelle tout sauf optimale : vous en êtes certainement tous conscients, mais je voudrais vous faire mesurer à quel point elle est catastrophique. En 2013, les comptes extérieurs de la zone euro ont été excédentaires de 240 milliards d’euros, c’est-à-dire 2,4 % du PIB de cette zone. Les résultats pour 2014 seront sans doute à peu près identiques : nous aurions donc pu, en 2013 comme en 2014, consommer et investir dans la zone euro 240 milliards d’euros de plus, 2,4 points de PIB de plus, sans que cela pose le moindre problème de financement à nos économies, sans avoir besoin d’aller chercher de l’argent au Qatar, en Chine ou aux États-Unis. Au lieu de détruire 1,2 million d’emplois dans la zone euro l’an dernier, nous aurions pu en créer 1,2 million !

Il est certes plus facile de décrire cette situation que de la résoudre, d’autant que ces excédents ne sont pas équitablement répartis. Mais tel est bien le problème auquel nous sommes confrontés aujourd’hui, et auquel le plan Juncker essaie de répondre.

Je voudrais aussi souligner à quel point les politiques menées en Europe aujourd’hui sont contre-productives, notamment en ce qui concerne leur axe principal, c’est-à-dire le désendettement public. En 2012, en 2013, et encore en 2014, les États-Unis s’endettent moins que l’Europe en points de PIB : leur déficit budgétaire reste d’environ deux fois ce qu’il est en Europe, mais leur politique économique leur permet d’avoir à la fois croissance et inflation. Leur endettement public est donc réduit.

Sans même aborder la question du chômage, on constate donc que notre situation actuelle est absolument sous-optimale. Il est bon que certains de nos partenaires commencent à s’en rendre compte et à accepter que l’on agisse pour sortir de cette impasse.

S’agissant de la situation française, monsieur le président de la commission des Affaires économiques, parmi les « agents d’ambiance », il n’y a pas que les journalistes et les économistes, mais aussi des hommes et femmes politiques. Aujourd’hui, l’appréciation de la situation de la France en Europe est mauvaise : les dirigeants de notre pays semblent eux-mêmes avoir accepté l’idée que nous sommes devenus l’homme malade de l’Europe. C’est tout à fait inexact : l’économie française est, avec l’économie allemande, celle qui a le moins mal résisté à la crise ; la France a sauvé la zone euro en maintenant sa demande intérieure, quand celle-ci s’écroulait en Grèce, au Portugal, en Espagne, en Italie... En effet, nous n’avons baissé ni nos coûts du travail, ni nos dépenses publiques durant cette période.

Il est vrai que cette politique menée alors est à l’origine de difficultés supplémentaires aujourd’hui : nos voisins ayant baissé leur coût du travail, les prix industriels ont baissé et les marges des entreprises françaises également ; nos voisins ayant diminué leur demande intérieure, la France a moins exporté vers l’Europe et, comme elle sait moins bien que l’Allemagne exporter hors d’Europe, le déficit de son commerce extérieur a crû. L’Espagne était le pays du monde avec lequel nos excédents extérieurs étaient les plus importants : aujourd’hui, nous avons un déficit, puisque les Espagnols ne consomment plus rien et qu’ils produisent des voitures pour des coûts inférieurs aux nôtres.

Je ne crois donc pas beaucoup que l’idée d’engager aujourd’hui la France dans la course au moins-disant social – où nos partenaires sont certes engagés depuis longtemps – soit de nature à résoudre les problèmes français, ni d’ailleurs européens. La conséquence de cette politique, déjà visible d’ailleurs, sera la réduction de la demande intérieure française. Certes, la demande intérieure grecque se redresse légèrement, mais elle représente 3 % du PIB de la zone euro ; la demande intérieure française, c’est 20 %... On ne pourra donc par ces politiques que prolonger, voire aggraver, la stagnation économique de l’Europe.

Il est urgent que chacun prenne conscience de cet état de choses : les dirigeants français, convaincus que la France serait devenue l’homme malade de l’Europe, se privent de la possibilité de prendre des initiatives en faveur d’une autre politique que celle de la course au moins-disant social. Ils ont tort.

Monsieur le président de la commission des Finances, M. Pisani-Ferry a déjà montré ce qui tenait, dans notre niveau de dépenses publiques, à des choix collectifs. Les Américains ont ainsi des dépenses publiques de santé très inférieures aux nôtres, mais ils payent globalement beaucoup plus pour leur santé, parce qu’ils l’assurent de façon privée : c’est un état sous-optimal, mais ils commencent tout juste à s’en rendre compte. Les choix de société varient donc énormément.

Je voudrais donc surtout insister sur le fait que la maîtrise des dépenses publiques est déjà très importante. En particulier, des efforts tout à fait considérables ont été consentis par l’État employeur et producteur depuis quinze ans : la part du PIB consacrée à faire produire des services par l’État a diminué – elle a diminué si fortement pour l’État central que cela n’a pas compensé la légère hausse des collectivités locales. La part dans le PIB des salaires et des consommations intermédiaires qui servent à produire des services publics a baissé. Nous dépensons aujourd’hui 1,5 point de PIB de moins pour l’éducation qu’au milieu des années 1990, et je ne suis pas absolument certain que ce soit une bonne idée. Nous dépensons deux fois moins que l’Allemagne pour le fonctionnement de nos tribunaux, et je ne suis pas certain non plus que cela nous assure un avantage compétitif particulier.

Nous avons donc déjà agi, et nous sommes déjà, dans beaucoup de domaines, allés à mon sens trop loin. Il est sans doute possible de continuer à réduire nos dépenses publiques en cherchant du côté des collectivités locales, mais il faudrait alors redéployer ces dépenses vers d’autres secteurs.

Notre niveau de protection sociale est très important. On peut tout à fait le réduire fortement, et c’est une logique qui trouve à s’exprimer dans le débat public depuis longtemps – elle commence d’ailleurs à s’y imposer. Nous nous sommes toujours très fermement opposés à ce mouvement : si la protection sociale cesse de concerner tout le monde pour ne plus s’adresser qu’aux plus pauvres, qu’à « ceux qui en ont vraiment besoin », alors elle deviendra inévitablement une protection sociale de pauvres. Les classes moyennes les plus aisées, ne profitant plus de l’assurance maladie, de diverses prestations sociales... mèneront une bagarre politique tout à fait compréhensible pour réduire davantage encore le niveau des prestations versées. Or, ce n’est pas le RSA qui grève très lourdement nos comptes publics...

De plus, le niveau élevé des dépenses sociales françaises joue un rôle très important dans la réduction des écarts de revenus entre les différentes régions, donc dans l’équilibre du territoire et dans la cohésion nationale. C’est l’une des grandes différences qui existent entre la France et l’Allemagne : celle-ci est un pays beaucoup plus équilibré que le nôtre, même après la réunification. Que se passe-t-il en Corrèze ou en Creuse si l’on réduit fortement les dépenses publiques ? Certains estiment que les métropoles sont handicapées par ces niveaux de transfert. Mais comment les métropoles conserveraient-elles leur compétitivité dans un pays dévasté ?

Vous posez aussi la question de l’efficacité de l’État. Dans ce domaine, le problème français est réel. Albert Hirschman, économiste américain, a distingué dans un livre célèbre trois stratégies d’actions individuelles : exit, voice et loyalty. Les consommateurs utilisent la stratégie d’exit lorsqu’ils ne sont pas contents d’un produit : ils vont voir ailleurs. Dans un contexte institutionnel, la stratégie principale est en revanche celle de la voice, celle où l’on choisit en quelque sorte de donner de la voix. Or elle est particulièrement difficile à manier dans notre État, qui a hérité des traditions monarchiste, jacobine, napoléonienne, gaullienne... Notre État s’est toujours situé très en surplomb des citoyens, et considère qu’il n’a pas de comptes à rendre à la société. C’est l’un des facteurs majeurs de son inefficacité, par comparaison par exemple avec la Scandinavie.

J’en arrive au plan Juncker. L’idée de renforcer l’investissement est effectivement acceptable politiquement, y compris par les Allemands, et elle est judicieuse pour relancer la demande dans la zone euro. Le niveau de dépenses prévu, cela a été dit, demeure extrêmement faible : à supposer même que les 315 milliards soient effectivement dépensés, c’est une somme infime par rapport au PIB de la zone euro. La question des délais se pose également. Mais cette opportunité est intéressante.

Le problème principal, c’est que nous avons besoins d’investissements, mais pas de béton supplémentaire. On en a déjà coulé énormément en Espagne... Nous avons essentiellement besoin d’investissements immatériels – en éducation, en recherche ; or, ces investissements sont le plus souvent comptabilisés comme des dépenses de fonctionnement. M. Juncker en a conscience, puisqu’il prévoit de financer aussi ce type de dépenses. Mais cela peut constituer un obstacle. L’idée que les dépenses d’investissement seraient bonnes alors que les dépenses de fonctionnement seraient mauvaises, assez répandue dans le débat public, est particulièrement fausse : l’essentiel des dépenses d’investissement publiques revêtent aujourd’hui un caractère immatériel ; ce sont pour nos différents États des dépenses de fonctionnement.

Cette initiative pourra surtout se révéler positive si elle marque la naissance d’une politique industrielle européenne. C’est un point sur lequel l’Europe a toujours échoué jusqu’à maintenant : Arianespace ou Airbus sont nés de coopérations entre États, en dehors des institutions européennes. L’Assemblée nationale devra toutefois demeurer vigilante, car il ne faudrait pas créer encore une structure intergouvernementale... Nous en avons déjà créé trop durant la crise. Le débat sur la gouvernance, je le sais, a eu lieu entre la Commission européenne et les États membres, en particulier la France.

Le financement de ce plan constitue une autre limite. Certains points ont déjà été soulevés : l’éventuel financement complémentaire des États ne doit en effet pas être compté comme déficit public supplémentaire. En revanche, il existe une solution assez simple pour financer le plan : c’est d’utiliser la BCE. Celle-ci se demande aujourd’hui comment regonfler son bilan, et elle va peut-être être amenée à agir d’une façon qui déplaira profondément aux Allemands, en achetant des titres de dette publique des États. Si nous sommes tous d’accord pour relancer l’investissement en Europe et pour mobiliser des moyens importants pour ce faire, il est facile de demander à la BCE d’agir.

M. Pierre-Alain Muet. Cette audition est extrêmement bienvenue dans la situation gravissime que nous connaissons : je crois en effet, comme M. Duval, que la France n’est pas l’homme malade de l’Europe. En revanche, l’Europe est le continent malade d’une économie mondiale qui est, elle, sortie de la crise. Au mois d’août, un éditorial du New York Times pointait du doigt le marasme européen, y voyant le résultat des « politiques erronées que les dirigeants européens s’obstinent à poursuivre, en dépit de toutes les preuves qu’il s’agit de mauvais remèdes ». Ces mauvais remèdes, ce sont des politiques qui sont pertinentes quand on est seul à les conduire, mais qui peuvent devenir catastrophiques quand tout le monde s’y met. Taillez dans les dépenses publiques : si vous êtes seul à le faire, cela réduira votre déficit, parce que la croissance sera soutenue par vos partenaires. Baissez le coût du travail : si vous êtes seul à le faire, cela rétablira l’équilibre de votre commerce extérieur si vos partenaires ne font pas la même chose, même si leur vie en sera compliquée. Mais, quand tout le monde taille dans les dépenses publiques et baisse le coût du travail, on perd sur tous les tableaux : l’effet dépressif est tel que l’on perd en recettes ce que l’on a cru gagner en réduction de dépenses. C’est toute l’histoire européenne de ces trois dernières années. Et, si tout le monde réduit le coût du travail, les conséquences sur la compétitivité s’annulent. Au total, les prix baissent, et c’est la déflation.

Comment sortir de cette situation que l’Europe n’a encore connu qu’une seule fois dans de telles proportions – dans les années 1930 ? Des politiques non coopératives – où chacun croit améliorer sa situation propre, sans se rendre compte qu’il complique celle des autres, pour arriver au total à des résultats qui s’annulent – ont déjà été menées, plus récemment : M. Pisani-Ferry comme M. Duval s’en souviennent certainement, cela a fait partie des débats des années 1980.

Aujourd’hui, M. Duval l’a dit : l’Europe dispose d’un excédent extérieur de 240 milliards d’euros. Les autres pays nous reprochent d’ailleurs de peser sur la croissance mondiale, par une demande intérieure trop faible, par des excédents extérieurs trop élevés. Quelle politique mener ? Bien sûr, on peut investir les 315 milliards du plan Juncker. Je rappelle toutefois que nous avions, en 2012, voté 120 milliards d’investissements dont je ne sais pas trop ce qu’ils sont devenus... En tout cas, cela paraît insuffisant.

Quel est, à votre sens, le bon rythme de réduction des déficits structurels ? On peut toujours dire que l’Europe a besoin de changer de politique, mais la France et l’Allemagne représentent déjà la moitié de la zone euro : on peut bien plaider pour que l’Europe agisse, mais elle ne fera finalement que ce que font les pays qui la composent.

M. Alain Rodet. Chacun s’accorde à juger le plan Juncker limité ; son impact est très incertain. Pour le mettre en œuvre rapidement, il ne faut pas, me semble-t-il, négliger les infrastructures. M. Cameron a d’ailleurs tout de suite annoncé de grands travaux sur les autoroutes britanniques. On ne peut donc pas aujourd’hui se détourner du béton, du bitume et des voies ferrées : les nouvelles technologies sont fondamentales, mais pour aller vite, ne faut-il donner la priorité aux infrastructures lourdes ?

M. Pascal Cherki. Cette audition de deux économistes d’orientations différentes est en effet tout à fait bienvenue.

Je voudrais vous faire part de mon grand scepticisme sur la portée du plan d’investissement de M. Juncker – c’était, pour le coup, l’un des points d’accord entre nos deux intervenants, même si ce plan a été largement soutenu.

Comment croire que, dans une situation très déprimée, 21 milliards d’euros d’argent public – soit la moitié du pacte de responsabilité français – vont entraîner des investissements de 315 milliards d’euros ? Comment la Commission européenne a-t-elle imaginé un multiplicateur de 15 ? Cela paraît à tout le moins extrêmement ambitieux, surtout quand cette même Commission presse les États de poursuivre les politiques d’ajustement budgétaire. Comment allons-nous sortir de cette spirale ?

Messieurs, vous avez à juste titre souligné l’importance économique de notre pays, deuxième économie de l’Union européenne. Nous avons sauvé la zone euro ; en contrepartie, nos dirigeants ne devraient-ils pas se montrer plus fermes et obtenir que l’Union mène des politiques plus ambitieuses ?

M. Éric Alauzet. Je voudrais revenir sur le point précis de la sélection des investissements et de son lien avec le rétablissement des comptes publics.

Les investissements sont importants, mais ils ne sont pas la panacée : l’histoire récente est là pour nous montrer que des dépenses d’investissement peuvent se solder par un accroissement de la dette et des déficits. De surcroît, les coûts externes – notamment les coûts environnementaux ou sociaux – sont rarement pris en compte. Les coûts de maintenance, d’entretien d’un bâtiment, par exemple, peuvent également se révéler très importants.

Il est donc d’autant plus important de bien choisir les investissements que nous réalisons, et je voudrais plaider pour que la priorité soit accordée aux investissements dans la transition énergétique, qui sont sans doute les seuls dont le temps de retour est connu, et sans doute les seuls également à entraîner des baisses de dépenses, notamment sur la facture énergétique. C’est d’autant plus important lorsqu’il s’agit de bâtiments publics, et donc de dépenses publiques : les investissements qui permettent d’économiser de l’énergie ou d’utiliser des énergies renouvelables contribuent à l’amélioration de la situation de nos finances publiques.

Le problème, c’est que nous aimons bien les grands travaux, les grandes infrastructures, qui coûtent des milliards et qui mettent en valeur ceux qui les ont décidés ; nous savons moins bien, nous aimons beaucoup moins financer des millions de petits travaux, infiniment moins valorisants. C’est pourtant l’enjeu essentiel. De plus, comme ce sont des travaux qui entraînent des économies, on peut en réaliser plus encore...

Je suis pour ma part opposé à l’idée de ne pas prendre en considération les investissements publics dans les déficits. Que l’on se donne plus de marge, soit ; mais les mettre sous le tapis pour les voir surgir à nouveau dans quelques années ne me paraît pas une bonne solution.

M. Charles de Courson. Messieurs, partagez-vous l’idée selon laquelle la priorité doit être donnée à l’amélioration de la compétitivité des entreprises françaises, alors que leur rentabilité est la plus faible d’Europe ? Dans l’affirmative, quelles doivent être les mesures prioritaires pour améliorer la compétitivité et relancer l’investissement des entreprises françaises ?

M. Guillaume Bachelay. Je me réjouis moi aussi de l’organisation de cette audition, alors que la déflation nous menace.

Le plan présenté par la Commission ne représente, M. Duval l’a rappelé, qu’une part extrêmement faible du PIB de la zone euro : c’est un premier pas insuffisant, mais encourageant, puisque le levier de l’investissement était presque oublié, et aussi parce que le plan est orienté vers le numérique, la transition énergétique, la recherche.

Des questions continuent de se poser, sur le montant global bien sûr, mais aussi sur la part des ressources publiques mobilisées, sur le redéploiement éventuel de certains crédits, sur la gouvernance... On envisage de ne pas prendre en compte dans le calcul des déficits certains investissements publics : cela prouve, je le souligne, que c’est possible, comme nous sommes quelques-uns à le dire depuis une quinzaine d’années.

Le plan Juncker et la nouvelle politique de la BCE semblent montrer une amorce de réorientation de l’Union – ce que souhaitent les peuples. Cette stratégie européenne doit être menée en coordination avec les différentes stratégies nationales, car les États membres n’étant pas tous dans la même situation, ils ont besoin de mener des politiques différentes : certains ont besoin de relancer leur demande intérieure et l’investissement, d’autres – comme la France – doivent réduire leurs déficits, budgétaire et commercial tout à la fois. Il nous faut pour cela une stratégie globale de compétitivité, qui n’agisse pas seulement sur les prix mais aussi sur la montée en gamme, sur la formation... Comment articuler ces stratégies, à chaque échelle ?

Les seules règles communes évoquées par la Commission sont celles qui concernent le déficit budgétaire. D’autres existent pourtant, notamment en cas d’excédent extérieur excessif. J’aimerais entendre nos deux invités sur ce point.

Mme Aurélie Filippetti. La résolution des problèmes économiques que vous avez mis en évidence passe aussi par une amélioration de la gouvernance de l’Union : on le voit bien, la prise de décision politique est loin d’être optimale. Comment améliorer le fonctionnement de nos institutions ?

M. Olivier Faure. Les politiques menées par les États membres risquent d’engendrer un effet récessif, au moment même où l’Union européenne tente de mener une politique de relance. Si le plan Juncker demeure ce qu’il est, si les investissements publics n’augmentent pas, si les investisseurs privés ne sont pas au rendez-vous, ne sera-t-il pas nécessaire de faire évoluer les politiques nationales ? Si l’Europe ne prend pas ses responsabilités, les États ne devront-ils pas reprendre les leurs ?

Mme Éva Sas. Je voudrais faire part de mon scepticisme sur la nature des trente-deux projets français qui ont été transmis à la Commission européenne dans le cadre du plan Juncker. On y trouve la modernisation de la ligne ferroviaire Serqueux-Gisors, des programmes de rénovation urbaine... Il s’agit pour l’essentiel de grands projets publics, où le financement européen vient se substituer au financement public national, voire à des financements privés. Ainsi, il avait toujours été dit que le financement du Charles-de-Gaulle Express serait entièrement privé. Certains projets étaient déjà lancés.

Comment ce type de projet pourrait-il avoir un effet de levier comme celui attendu par le plan Juncker ? Il me semble qu’il y a là un dévoiement de l’esprit du plan de la Commission européenne.

M. Nicolas Sansu. Je remercie à mon tour les deux intervenants. Le plan Juncker est, vous l’avez dit, très insuffisant.

Les projets mentionnés par Eva Sas me paraissent importants : le ferroviaire, notamment, constitue un enjeu très important pour la mobilité comme pour la transition énergétique.

La BCE prête déjà aux PME et aux ETI, mais nous n’utilisons aujourd’hui que la moitié des prêts disponibles. La situation de l’investissement privé est donc inquiétante.

Y aura-t-il des critères pour s’inscrire dans le plan Juncker, en termes d’emplois par exemple ?

Chers collègues socialistes, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – et le crédit d’impôt recherche – CIR – ne pourraient-ils pas constituer un apport intéressant pour ces investissements, afin de faire progresser l’emploi, qui est finalement la seule question qui compte ?

M. le Commissaire général de France Stratégie. À la différence de Guillaume Duval, j’estime que la BCE doit être exclusivement chargée de la politique monétaire. Elle s’apprête aujourd’hui à franchir le Rubicon et à acheter des titres publics. Personne ne peut contester qu’une banque centrale ne soit parfois amenée à mener des politiques non conventionnelles de ce type, mais, dans le cas de la BCE, cela provoque de fortes réticences, en particulier en Allemagne. Pour que la BCE puisse avoir les mains libres et utiliser les instruments qu’elle maîtrise, j’estime donc – pour éviter les confusions – qu’elle doit se cantonner à la politique monétaire.

La BCE doit également être rassurée sur les politiques économiques et budgétaires. C’est elle qui, paradoxalement, appelle à une meilleure coordination : les gouvernements demandent à la BCE de prendre des initiatives, et donc des risques, tout en étant incapables de dessiner la moindre perspective à moyen terme... Nous sommes à front renversé par rapport à ce qui se passait il n’y a pas si longtemps, lorsqu’il n’était question que de préserver l’indépendance de la BCE et que la coordination était considérée comme une forme de cartel des États. Cela renvoie aux questions de gouvernance.

Ce qui compte finalement, c’est que l’impulsion budgétaire globale soit neutre ou positive. Aujourd’hui, nos prévisions montrent qu’elle est à peu près neutre, mais la distribution par pays pose problème : certains pays sont poussés à mener des politiques restrictives, sans que d’autres pays, comme l’Allemagne, ne soient invités à changer d’orientation. L’Allemagne cherche aujourd’hui à obtenir un équilibre, et même un excédent, budgétaire. Ce n’est pourtant pas la politique budgétaire qui serait souhaitable, au vu de la conjoncture économique européenne. C’est là le résultat d’une pure contrainte politique – ce n’est pas une conséquence du pacte de stabilité, ni des règles constitutionnelles dont l’Allemagne s’est dotée pour la dette, qui lui laisseraient aujourd’hui une marge de manœuvre d’un point de PIB.

Il me semble donc qu’il faut laisser à la BCE la liberté de mener la politique monétaire qu’elle croit devoir mener, tout en progressant sur l’orientation des politiques budgétaires.

S’agissant du plan Juncker, son insuffisance a été largement soulignée. Je vous rejoins entièrement, madame Sas, sur le risque de substitution de financements européens à des financements français, ce qui n’aurait aucun effet macroéconomique. Il faut néanmoins, je crois, s’inscrire dans la perspective qu’ouvre ce plan, car c’est un moyen de faire évoluer les politiques européennes. Il y a une initiative de la Commission européenne, reconnue par tous comme positive : il faut lui donner du contenu, en insistant sur la priorité à donner à l’environnement et à la transition énergétique, et l’amplifier, en apportant des financements nationaux complémentaires. Mais le résultat, je le souligne, n’est absolument pas garanti : M. Muet a raison de rappeler les 120 milliards de l’été 2012, dont nul n’a jamais su ce qu’ils étaient exactement. La capacité des institutions comme la BEI à préférer accorder des crédits peu risqués plutôt que des crédits plus risqués ne doit jamais être sous-estimée : la vigilance reste de mise.

S’agissant de l’évolution des politiques nationales, il me semble que nous avons intérêt à nous inscrire dans la discussion européenne pour trouver un consensus. Le spectacle d’un affrontement entre les États sur les questions de politique économique n’impressionnerait sans doute pas favorablement les « agents d’ambiance » qui observent l’économie européenne... Cela risquerait en outre d’intimider la BCE.

Sur la France, enfin, je ne reprendrai pas à mon compte l’expression d’ »  homme malade de l’Europe », mais nous souffrons, je crois, d’un problème de compétitivité : il me semble que le diagnostic porté a été correct. Je partage bien sûr l’idée qu’un excédent important comme celui que connaît la zone euro n’est pas souhaitable dans les circonstances actuelles, et d’autant moins qu’il concourt à renforcer l’euro. Mais, pendant longtemps, notre croissance a été due au développement absolument insoutenable de certains de nos partenaires : nous avons ainsi beaucoup bénéficié de l’expansion espagnole. Mais aujourd’hui, la dette extérieure de l’Espagne s’élève à 100 % de son PIB ! Même si elle se redresse, et elle se redressera, il n’y aura pas de retour à l’état antérieur.

Nous devons donc résoudre nos problèmes de compétitivité, tant sur le plan des coûts que sur le plan de la qualité. Les efforts fiscaux que vous connaissez bien ne pourront pas être reproduits. C’est pourquoi Henrik Enderlein et moi-même avons voulu souligner que le CICE ou le pacte de responsabilité ne pouvaient pas avoir pour objet de financer des hausses de salaires. C’est une tendance qui existe, et elle est inquiétante ; il faut donc émettre sur ce point, je crois, des signaux forts. Mobiliser l’argent des contribuables pour augmenter les salaires des salariés déjà en place ne me paraît pas souhaitable.

M. le rédacteur en chef d’Alternatives économiques. Le plan Juncker est l’opportunité de lancer une politique industrielle européenne, et il faut la saisir. Ceux qui s’y sont le plus fortement opposés jusqu’à maintenant, ce sont les Allemands, mais les temps changent : il ne faut pas sous-estimer le rôle qu’ont joué l’affaire Edward Snowden et les révélations sur l’espionnage par la National Security Agency – NSA. Les Français sont habitués à être espionnés par un État qui ne rend pas vraiment de comptes, et ils considèrent aussi souvent que les Américains sont des méchants. Mais, pour les Allemands, cette affaire a constitué un traumatisme important : ils sont sensibles aux questions d’espionnage par les États, puisqu’ils ont rencontré quelques ennuis dans le passé, et ils considéraient plutôt les Américains comme des amis et des alliés fiables. Ayant mesuré les conséquences de notre dépendance vis-à-vis des États-Unis, ils sont prêts à engager une politique industrielle dans le secteur du numérique. C’est une occasion qu’il faudrait vraiment saisir ! Mme Merkel était venue voir M. Hollande, il y a quelques mois, pour proposer la création d’un internet européen, afin d’éviter que les données échangées en Europe ne passent notamment par le Royaume-Uni et ne soient espionnées par la NSA – mais cette proposition n’a malheureusement eu aucun écho en France.

S’agissant de la transition énergétique, tout le monde est en apparence d’accord. Il faut mesurer le caractère dramatique de la situation actuelle : le pétrole pas cher, pour la transition énergétique, c’est mortel ! Si nous ne sommes pas capables de mettre beaucoup d’argent, et beaucoup d’argent public, sur la table, nous l’aurons tuée au lieu de l’accélérer. C’est un enjeu crucial : la dépendance énergétique est la principale faiblesse structurelle de l’Europe ; si nous nous laissons berner par la baisse du prix du pétrole et que nous attendons pour agir – par manque de moyens publics – nous irons dans le mur, car dès la reprise de l’économie mondiale, nous serons terriblement handicapés.

Il serait intéressant d’envisager – même si c’est sans doute trop tard politiquement – que le Fonds européen d’investissement puisse peut-être lui-même lever des fonds, ce qui n’est pas très clair aujourd’hui. Le plan Juncker pourrait ainsi servir à lancer enfin les fameux eurobonds : les financements complémentaires ne seraient ainsi pas seulement nationaux, mais aussi européens.

Il y a, je le souligne, une contradiction entre la volonté de faire démarrer les investissements rapidement – ce qui implique que les projets sont mûrs – et celle d’investir dans des projets vraiment nouveaux. J’ignore si la représentation nationale a eu connaissance des projets avant leur transmission à Bruxelles – et pour tout dire, j’estime que ce goût pour le secret constitue l’un des vrais problèmes français. Mais mes lectures m’ont montré qu’une partie de ces plans étaient transversaux, ce qui est plutôt réjouissant. Je partage en effet le souci de M. Alauzet : il faut apprendre à financer des millions de petits travaux, les petits ruisseaux faisant en l’occurrence les grandes rivières. C’est, ai-je cru comprendre, le cas.

Vous avez raison, derrière tout cela, des questions de gouvernance se posent, notamment sur les choix entre structure intergouvernementale et structure vraiment communautaire. J’avais, avec beaucoup d’autres comme Xavier Timbeau ou Thomas Piketty, signé l’an dernier un Manifeste pour une union politique de l’euro, qui appelait notamment à la création d’un parlement pour la zone euro. Ce ne serait certes pas une solution à court terme, mais cela permettrait d’amener progressivement les Allemands à sortir d’une logique de règles. La question démocratique en Europe est infiniment sérieuse pour les Allemands – l’histoire leur en a appris l’importance. C’est le caractère insuffisamment démocratique de l’Europe qui les retient de soutenir des politiques vraiment européennes. L’enjeu est donc majeur.

En matière de normes, il est exact que les Allemands dépassent, pour la deuxième année consécutive, la norme de 6 % d’excédent extérieur prévue par le six-pack – et cette norme était déjà très élevée, pour ne pas leur faire de peine. Il serait bon que la Commission européenne prenne des mesures, ou à tout le moins change d’attitude sur ce problème.

S’agissant de compétitivité enfin, je ne crois pas que les mesures prises aujourd’hui en France en matière de compétitivité-coût soient de nature à améliorer en quoi que ce soit la compétitivité de l’économie française vis-à-vis de la Roumanie, de la Pologne ou de la Chine. Nous menons en réalité une politique agressive vis-à-vis de nos voisins immédiats, en reprenant des parts de marché aux Belges, aux Italiens, aux Espagnols... En retour, ils vont eux-mêmes plus loin dans la course à l’échalote vers le moins-disant social. Cela ne résoudra pas les problèmes de compétitivité des entreprises françaises, et encore moins ceux de l’Europe dans son ensemble.

M. Jérôme Lambert, président. Avant de devoir s’éclipser, le président Brottes m’a glissé qu’il aurait aussi voulu vous entendre préciser – extrêmement rapidement – vos propos sur la Russie.

M. le Commissaire général de France Stratégie. C’est une vaste question ! Chacun voit aujourd’hui les conséquences pour la Russie de la baisse du prix du pétrole, qui s’ajoute à tous les facteurs, eux aussi connus, qui ont entraîné des sorties de capitaux. Nous ne savons pas encore si la baisse de moitié du rouble provoquera une crise financière proche de celle de 1998. Nous ignorons tout des effets de contagion qu’une telle crise pourrait avoir.

Pour m’en tenir strictement à l’économie, la baisse du pétrole souligne, on le voit, des fragilités.

Quant à la transition énergétique, j’ajouterai aux propos de Guillaume Duval que je ne crois pas, pour ma part, qu’il faille des ressources supplémentaires ; c’est au contraire le moment pour nous de faire remonter le prix du carbone et de créer une fiscalité environnementale : maintenant, ce serait indolore ! Et c’est, sur le fond, la bonne politique.

C’est difficile à réaliser, mais il y a peu de doutes sur la voie à suivre.

III. RÉUNION, AVEC LES MEMBRES FRANÇAIS DU PARLEMENT EUROPÉEN, CONJOINTE AVEC LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES DU SÉNAT, SUR LA RELANCE DE L’INVESTISSEMENT EN EUROPE)

M. Jean Bizet, président de la commission des Affaires européennes du Sénat. Nous sommes heureux de vous accueillir pour cette réunion conjointe qui nous permet de faire un point et d’avoir un échange sur des sujets importants.

Nous avons choisi de centrer notre réunion autour du plan d’investissement pour l’Europe. Nous aborderons ensuite deux questions d’actualité européenne :

– d’une part, la question d’un PNR européen dans le contexte des attentats terroristes qui ont frappé la France et, dans les derniers jours, le Danemark ;

– d’autre part, la conférence dite de l’article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).

I. Le plan d’investissement pour l’Europe

Notre premier point à l’ordre du jour concerne le plan d’investissement pour l’Europe.

Comme on le sait, l’Europe subit une diminution durable du niveau d’investissement, soit une chute de 500 milliards d’euros depuis 2007.

C’est pourquoi nous avons bien accueilli l’annonce par le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, dès le 15 juillet 2014, d’un plan d’investissement qui serait destiné à relancer l’emploi, la croissance et la compétitivité en Europe. Ce plan d’investissement mobiliserait 315 milliards d’euros sur trois ans (2015-2017).

Comme le débat que nous avions eu à l’Assemblée nationale, le 28 octobre, l’avait bien montré, ce plan a néanmoins suscité des interrogations. Quels projets ? Quelle répartition entre financement public et privé ? Quelles ressources européennes ou nationales seront mobilisées pour la part publique de ce financement ? Quelle articulation avec le cadre financier pluriannuel ?

La commission des affaires européennes a adopté une proposition de résolution européenne et un avis politique, le 11 février. Nous approuvons le principe de ce plan. Il est de nature à favoriser l’emploi, la croissance ainsi que la compétitivité en Europe. Nous souhaitons toutefois que les incertitudes soient levées sur plusieurs points.

Nos rapporteurs au Sénat, Jean-Paul Emorine et Didier Marie, nous exposeront dans un instant leurs analyses qui ont recueilli l’assentiment de nos collègues au sein de la commission. L’un des deux rapporteurs de l’Assemblée nationale, présent parmi nous, M. Arnaud Richard, nous fera part de ses réflexions. Puis un débat s’engagera.

Auparavant, je cède la parole à notre collègue la présidente Danielle Auroi.

La Présidente Danielle Auroi. Je suis très heureuse que nous puissions tenir aujourd’hui, conjointement avec la commission des affaires européennes du Sénat, notre réunion habituelle avec les membres français du Parlement européen, la seconde depuis les élections européennes du printemps dernier. Dans un contexte marqué par les tragiques attentats de Paris puis, très récemment, de Copenhague, je tiens à souligner la nécessité de rappeler les valeurs qui fondent l’Union européenne : la démocratie, la liberté, la tolérance et les droits de l’Homme.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, je suis convaincue que l’approfondissement du dialogue entre les parlements nationaux et le Parlement européen est une des clés prioritaires de l’approfondissement de la démocratie au sein de l’Union européenne.

Nous avons déjà fait un chemin important dans ce sens. Ces réunions régulières, le travail mené avec les rapporteurs du Parlement européen sur les projets d’actes communautaires, les rencontres dans le cadre de la COSAC et la mise en place de la « conférence budgétaire » de l’article 13 du TSCG, dont nous parlerons tout à l’heure, en sont la marque. Il nous faut poursuivre et développer le travail déjà accompli.

Pour aujourd’hui, nous avons choisi un thème d’actualité : la relance de l’investissement en Europe.

Notre commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale est fortement engagée sur ce sujet, à travers notamment le rapport confié à nos collègues Razzy Hammadi et Arnaud Richard. Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. Razzy Hammadi.

Les rapporteurs nous feront part de leurs travaux et de leurs points de vue, et il sera tout particulièrement intéressant de croiser ceux-ci avec les approches des uns des autres, députés, sénateurs et membres du Parlement européen.

Je voudrais juste faire deux ou trois réflexions en introduction.

Tout d’abord, pour saluer l’initiative de la Commission européenne, que traduit le plan Juncker et qui marque une inflexion politique importante.

Il me semble qu’enfin les institutions européennes ont pris la mesure de l’urgence d’une action commune, au niveau européen, pour assurer la relance de l’économie et lutter contre le chômage.

L’évolution de l’action de la Banque centrale européenne (BCE) en est aussi le témoignage.

S’agissant du plan Juncker, nous allons débattre de la nécessité d’aller vite et des moyens mis en œuvre, que l’on aurait espéré plus importants.

À cette occasion, gardons tout de même à l’esprit que ceux qui tiennent les clefs des finances européennes, ce sont les États, dont l’unanimité est requise s’agissant du cadre financier pluriannuel (CFP). Et on voit bien aussi les difficultés rencontrées pour avancer sur le dossier des ressources propres, comme sur le débat sur la taxe sur les transactions financières (TTF).

En ce qui concerne le budget de l’Union, notre commission des affaires européennes s’était d’ailleurs, dans le débat sur le CFP, sur la proposition de notre rapporteure Estelle Grelier, déclarée partisane d’un budget européen plus ambitieux, correspondant aux propositions de la Commission européenne. Cela n’a malheureusement pas été la décision des États réunis au sein du Conseil.

Je le souligne aujourd’hui car on ne peut pas éternellement regretter que l’Europe n’intervienne pas suffisamment et lui refuser les moyens d’agir. Or, s’agissant de l’effort d’investissement, nous sommes dans un domaine où l’Europe, l’action commune, a une réelle plus-value par rapport à des démarches nationales. Il faut mieux investir de façon concertée, avec une cohérence et un effet de masse accrus, que de façon dispersée.

Le plan Juncker intervient par ailleurs à un moment où les interdépendances et la responsabilité commune qu’implique l’euro créent un impératif de solidarité européenne face à la crise. Cette « solidarité de fait » est le défi majeur que l’Union européenne doit aujourd’hui relever dans un contexte de plus grande disparité entre pays. La tentation du « cavalier seul » en matière économique, si présente dans le passé, n’est plus de mise aujourd’hui, car c’est par une coopération européenne renforcée que nous sortirons de la crise.

Aussi suis-je convaincue que notre débat du jour arrive à point nommé ; parler de développement économique et d’investissement en Europe me paraît indispensable, au moment où nous voyons, avec l’exemple grec, les effets délétères d’une austérité destructrice de la société, nourrissant le populisme et à terme dangereuse pour la démocratie européenne.

Par ailleurs, ce qui me paraît essentiel dans cette démarche commune d’investissement c’est qu’elle soit le vecteur des priorités de fond que nous portons ensemble au niveau européen, en matière de transition écologique, en particulier dans le domaine de l’énergie et le climat. Je rappelle à ce titre l’importance de la conférence sur le climat (COP 21) qui doit se tenir à Paris, en décembre 2015.

Le discours du président Juncker en juillet dernier, devant le Parlement européen, évoquait l’objectif que l’Europe soit « le numéro un mondial des énergies renouvelables ». Il faut que le plan d’investissement prenne pleinement en compte cette priorité essentielle, comme celle également du développement des transports non polluants.

Enfin, il me semble que nous avons l’occasion dans cette démarche de prendre en compte le souhait exprimé souvent dans notre commission, du développement d’une politique industrielle au niveau européen. Cette politique industrielle suppose en effet des programmes d’investissement portés en commun. Nous devons progresser dans ce sens.

M. Didier Marie. Lors de sa réunion du 11 février dernier, la commission des affaires européennes du Sénat, sur le rapport de Jean-Paul Emorine et de moi-même, a adopté une proposition de résolution européenne, qui sera examinée par la commission des finances, ainsi qu’un avis politique – nous en avions déjà adopté un premier en novembre 2014 – sur le plan d’investissement pour l’Europe. Ses grandes lignes ont été présentées par la Commission européenne le 26 novembre et ont été précisées sur le plan technique, en particulier avec l’institution d’un Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), le 13 janvier dernier.

Si notre commission a affirmé son soutien de principe à ce plan, elle a aussi noté que des incertitudes subsistaient sur plusieurs points.

Sur ses modalités de financement, notre commission demande que le plan mobilise des ressources additionnelles afin de ne pas compromettre la mise en œuvre des programmes européens déjà approuvés. Elle déplore également l’insuffisance des crédits publics consacrés au financement du plan et considère que cette situation est une conséquence directe de la modestie du budget européen. Nos collègues ont fait part de leurs réserves sur la crédibilité du ratio de 1 à 15 retenu pour calculer l’effet de levier susceptible de mobiliser 315 milliards d’euros auprès d’investisseurs privés à partir de 21 milliards d’euros de crédits publics, seule une partie étant dans un premier temps mobilisée.

La proposition de résolution que nous avons adoptée regrette que le FEIS exclue a priori tout recours aux subventions pour financer les projets des PME-ETI et du secteur public, alors que certains d’entre eux, notamment les projets d’infrastructures dont le retour sur investissement n’est pas immédiat, pourraient requérir ce type de financement. Selon nous, le fait que le secteur public n’ait pas accès aux garanties du FEIS pourrait restreindre le nombre de projets éligibles et ainsi empêcher le plan d’investissement d’atteindre ses objectifs. De même, nous considérons également que le FEIS doit prendre en compte de manière significative le financement de projets bénéficiant aux PME-ETI et nous souhaitons obtenir des précisions sur la façon dont ce Fonds s’articulera avec les dispositifs existants, en particulier avec le fonds européen d’investissement de la BEI car nous y avons vu l’existence d’effets d’aubaine potentiels.

Notre commission des affaires européennes relève des interrogations persistantes sur l’utilisation des fonds structurels déjà alloués à la politique de cohésion pour financer le plan d’investissement et appelle donc à la préservation de ces crédits dans le contexte actuel. Elle se déclare également en faveur des indications fournies par la communication de la Commission européenne selon laquelle les contributions nationales éventuelles au FEIS ne seront pas prises en compte dans le calcul du déficit public et de la dette publique au titre de l’application du Pacte de stabilité et de croissance, et souhaite que cet engagement soit confirmé. Enfin, en vue de la mise en œuvre du plan d’investissement, nous estimons que les relations entre la BEI et les banques nationales de développement gagneraient à être précisées et que ces banques devraient être constituées en un véritable réseau européen.

Pour ce qui concerne la gouvernance du FEIS, la commission des affaires européennes s’est montrée sensible au risque de « saupoudrage » des crédits et partage donc la proposition d’une sélection des projets réalisée par un comité d’investissement composé d’experts indépendants pourvu que ceux-ci disposent aussi d’une solide expérience des collectivités territoriales et des politiques sociales. Pour autant, la commission a insisté sur l’importance de la responsabilité de nature démocratique et demande donc que soit bien précisée l’obligation de rendre compte au niveau du comité de pilotage et prend position pour que le Parlement européen et les parlements nationaux puissent exercer un véritable contrôle sur la mise en œuvre du plan d’investissement et le fonctionnement du FEIS.

Enfin, elle demande des informations complémentaires sur le fonctionnement de la plateforme européenne de conseil en investissement chargée d’apporter une assistance technique aux autorités compétentes des États membres et aux investisseurs publics et privés, en particulier sur son articulation avec les guichets uniques existants et sur son rôle envers les collectivités territoriales et dans l’accompagnement des PME-ETI.

M. Arnaud Richard. Nous ne pouvons bien sûr que nous féliciter que l’Union européenne nous parle enfin de croissance après avoir depuis le début de la crise mis l’accent sur la rigueur budgétaire, ce qui n’est pas en soi mauvais, mais qui, si elle n’est pas coordonnée et va à l’encontre du cycle économique, aboutit à une triple catastrophe : économique (la zone euro enregistre les pires résultats économiques mondiaux en termes de croissance) ; sociaux (il n’est pas acceptable que l’on ne puisse pas se soigner correctement dans des pays de l’Union européenne) et démocratique (la montée des populismes en est un exemple).

Le référendum britannique prévu dans les deux ans qui viennent peut être une catastrophe « si l’envie d’Europe » s’étiole dans la population. C’est pourquoi nous devons nous féliciter de l’initiative prise par la Commission européenne de lancer un plan de relance par l’investissement ainsi que d’un discours nouveau qui n’est plus seulement celui des « ayatollahs de la rigueur », qui comme nous l’avions indiqué dans notre rapport de décembre 2012 sur le plan de 120 milliards arraché par le Président français en échange de la ratification du TSCG, sont les meilleurs propagandistes du populisme. L’exemple de la Grèce est particulièrement édifiant, dans la mesure où les élections anticipées ont été provoquées par l’intransigeance européenne sur une sortie du programme d’assistance de ce pays avec quelques mois d’avance.

Si nous devons nous féliciter d’un état d’esprit nouveau à Bruxelles, la reprise doit beaucoup à la baisse du prix des matières premières en particulier des hydrocarbures et à la baisse de l’euro, sous l’impulsion de l’action de la BCE qui exerce des compétences normalement dévolues au Conseil. En conclusion de notre rapport 2014, nous indiquions nous féliciter « de l’inflexion du discours de la Commission européenne qui a accepté de donner plus de temps aux États pour renouer avec l’équilibre budgétaire. Cette attitude plus souple est de nature à nous aider à renouer avec la croissance. Néanmoins, nous devons regretter que dans des domaines qui relèvent de ses pouvoirs propres, tels que la politique de la concurrence, la Commission européenne ne cherche pas à promouvoir une politique industrielle digne de ce nom, et au contraire entrave la constitution de champions européens de taille mondiale par une jurisprudence marquée du sceau d’un juridisme étroit. La politique de libre circulation des personnes ne pourra être utilisée comme un facteur de régulation de l’économie que si elle s’accompagne d’une politique sociale et que si les abus constatés (par exemple en matière de détachement) cessent le plus rapidement possible. Enfin, il nous faut déplorer qu’à l’occasion de la crise économique la plus grave depuis la guerre la Commission européenne ne se soit rangée à des positions moins dogmatiques qu’avec un temps de retard et que nous ne puissions pas soutenir qu’elle ait fait preuve d’anticipation. »

Au-delà de cette analyse générale, la proposition de règlement créant le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) suscite encore de nombreuses questions qui feront l’objet d’un rapport que nous devons présenter le 4 mars prochain.

La stratégie de croissance proposée par la Commission européenne comporte trois volets :

– la mobilisation de ressources publiques et privées pour atteindre un montant de 315 milliards d’euros sur trois ans, soit 105 milliards par an ce qui représente pour la France une enveloppe annuelle de 15 milliards d’euros ;

– ces initiatives sont ciblées pour correspondre à l’économie réelle ;

– garantir une prévisibilité réglementaire et supprimer les obstacles administratifs à l’investissement.

Seuls les deux premiers points relèvent du règlement que nous avons eu à examiner et seront mis en œuvre conjointement par la Commission et la BEI.

La démarche n’est pas assez motivante pour les États. Au regard de la subsidiarité, ce texte n’appelle pas de réserves particulières sur le fond, néanmoins la motivation développée nous laisse perplexe. La Commission affirme qu’il y aura un effet multiplicateur et un impact sur le terrain plus grand qu’une campagne d’investissements conduite par des États isolément. Il s’agit d’une affirmation, rien ne prouve que la même politique conduite dans un cadre intergouvernemental ne serait pas plus rapidement mise en œuvre car l’expérience montre que l’intervention de l’Union européenne retarde plus qu’elle n’accélère les décisions. À notre sens, la véritable plus-value de l’Union européenne n’est pas indiquée dans le document de la Commission et permet de maintenir un niveau correct d’investissements dans les États les plus en difficultés. En tout cas, nous devons soulever une question : le retour aux équilibres budgétaires, en particulier de l’Allemagne, repose largement sur la réduction des crédits d’investissements, de défense et de recherche (en particulier en Espagne). Il nous semble important de dissocier, au sein des dépenses publiques soumises aux règles d’encadrement budgétaire, les dépenses d’investissements publics car il n’est pas anormal que le coût de ces dernières soit étalé sur plusieurs générations, ce qui ne devrait pas être le cas des dépenses de fonctionnement. Nous avions proposé dans notre rapport de 2012 cette dissociation qui permettrait d’impliquer les États dans l’action conduite par la Commission européenne. Nous ne comprenons pas pourquoi l’exclusion des dépenses d’investissement des plafonds de déficit serait réservée aux seules dépenses d’investissement passant par cette procédure.

Les mécanismes prévus par le projet de règlement n’inciteront pas les États à participer à la dotation de ce Fonds, faute de possibilité de fléchage des crédits et nous pouvons le regretter car la démarche est intéressante.

Au regard des objectifs fixés :

– il est prévu de privilégier les PME, définies comme des entreprises comportant moins de 3 000 salariés ;

– les structures de gouvernance du FEIS comportent un comité de pilotage et un comité d’investissement ;

– il est prévu que les représentants des donateurs intègrent le comité de pilotage, où la Commission et la BEI disposeront d’un droit de veto ;

– la garantie initiale de l’Union européenne s’élève à 16 milliards d’euros, et son champ d’application est vaste puisqu’elle peut s’étendre au fond de roulement ;

– le début des versements du budget de l’Union européenne aura lieu en 2016 (8 milliards d’euros) ;

– il est indiqué qu’il sera tenu compte des versements des États pour l’appréciation des contraintes du Pacte de stabilité et de croissance.

Il faut noter que le recours au FEIS est prévu par défaut, c’est-à-dire lorsqu’il est impossible d’obtenir un « financement par le marché à des conditions raisonnables », mais que les projets éligibles peuvent utiliser les fonds structurels.

Les projets doivent respecter les règles en matière d’aides d’État, ce qui peut constituer un obstacle à la mise en œuvre d’une politique industrielle qui nous semble trop absente de l’Union européenne.

Par ailleurs, la réduction de l’enveloppe du programme-cadre pour la recherche et l’innovation pour financer ce programme nous inquiète.

Il serait utile d’élargir le champ d’action de la plateforme de conseil à l’extérieur de l’Union européenne, en particulier au bassin méditerranéen et à l’Afrique, car il nous semble que ces territoires contribueront énormément à la croissance européenne. Pourquoi, par exemple, ne pas développer des projets communs de production électrique ?

Sur le plan de la gouvernance, il nous semble que, si nous voulons mobiliser les gouvernements et les parlements nationaux pour cette action, il convient qu’ils soient associés à la gestion de cette action. Car le coefficient multiplicateur de quinze est ambitieux et sera plus facilement atteint avec un investissement financier des États.

Enfin, il convient de souligner le caractère limité de l’action conduite qui, à l’échelle de la France, représente environ quinze milliards d’euros par an. La baisse de l’euro devrait doper la croissance de 0,5 point de PIB et celle du pétrole d’un chiffre équivalent. Il est dommage que l’action proposée aujourd’hui n’ait pas été engagée trois ans plus tôt.

M. Jean-Paul Emorine. La proposition de résolution européenne adoptée par la commission des affaires européennes du Sénat, outre les modalités de financement du plan d’investissement, comporte deux autres aspects.

Le premier concerne les secteurs et projets financés par le plan d’investissement.

Sur ce point, la commission demande que, parmi les 2 000 projets d’investissement représentant 1 300 milliards d’euros identifiés par la task force constituée sous la direction de la Commission européenne et de la BEI, le FEIS finance en priorité des projets présentant un profil de risque élevé et qui n’auraient pas vu le jour sans ce plan d’investissement, sur la base de trois critères cumulatifs : une dimension européenne véritable, une perspective raisonnable de bonne viabilité économique et un impact à court terme sur l’activité économique. La commission souhaite également des précisions sur les critères de sélection qui seront définis pour rendre éligibles au Fonds des projets dans des secteurs pour lesquels le retour sur investissement est plus aléatoire et plus long et donc a priori moins attractifs pour des investisseurs privés, par exemple l’éducation et la formation, la santé, la recherche et le développement ou encore le domaine social, comme cela est prévu dans la proposition de règlement de la Commission européenne.

Elle a pris position pour que les collectivités territoriales aient la possibilité de bénéficier du plan d’investissement et considère que l’éligibilité au FEIS de projets qu’elles soutiennent apporterait une contribution significative à la réalisation des objectifs du plan. De même, elle souhaite que soient établis des critères de sélection des projets aboutissant à une couverture équilibrée du territoire européen, la cohésion économique, sociale et territoriale restant l’un des objectifs majeurs de l’Union européenne. Enfin, elle est favorable à ce que le plan d’investissement puisse financer des projets identifiés et mis en œuvre sur une base bilatérale, ce qui serait une manière de donner une suite concrète à certaines des propositions formulées par MM. Pisani-Ferry et Enderlein dans leur rapport.

Pour terminer, sur le volet règlementaire du plan d’investissement, que la Commission européenne présente comme le plus important, mais qui est aussi le moins détaillé, la commission des affaires européennes du Sénat insiste sur la nécessité de parvenir à un environnement plus favorable aux investissements grâce à un allégement et à une harmonisation des réglementations européennes et nationales et souhaite à ce titre que le volet réglementaire du plan d’investissement soit mieux documenté, en particulier pour ce qui concerne la contribution de l’union de l’énergie et du marché unique du numérique à la levée des obstacles réglementaires à l’investissement dans l’Union européenne dans le respect des normes sociales et environnementales.

Notre commission se montrera très vigilante sur la mise en œuvre du plan d’investissement et portera une attention particulière au rôle qu’y tiendront les collectivités territoriales, qui n’est pas très clair aujourd’hui.

M. Édouard Ferrand, député européen. La résurgence des populismes est sans doute liée au renoncement à la souveraineté populaire et au mondialisme encouragé par le gouvernement des pays européens et l’Union européenne. Le financement du plan de Jean-Claude Juncker, qui, je le rappelle, est un spécialiste des investissements financiers au Luxembourg, est budgété seulement à hauteur de 21 milliards d’euros sur des fonds européens déjà programmés. Cela revient donc à « déshabiller Jacques pour habiller Pierre ». Le gouvernement français a proposé un certain nombre de projets éligibles à ce plan, qui concernent notamment l’équipement robotique des PME, la modernisation du réseau ferroviaire ou bien encore la politique de la ville. Mais je m’interroge sur l’attractivité pour le secteur privé de certains de ces projets peu rentables. La délégation Front national au Parlement européen a montré que les investissements stratégiques réalisés par l’Europe étaient hasardeux et ne correspondaient pas aux intérêts français.

M. Alain Lamassoure, député européen. Le plan Juncker est condamné à réussir dans l’intérêt de tous. Il s’agit d’abord d’un plan politique qui permettra de réveiller l’Europe qui s’est trop longtemps concentrée sur la résolution des crises et le renforcement de l’Union économique et monétaire. Il faut désormais regarder vers l’avenir. Le diagnostic à la base de ce plan est le bon, à savoir soutenir l’activité économique non pas par la consommation mais par l’investissement. Des investissements bien choisis ont le mérite de pouvoir démarrer tout de suite afin de soutenir l’activité économique à court terme et d’améliorer la compétitivité européenne. Le principal problème aujourd’hui est celui de la confiance. Tous les clignotants sont actuellement au vert pour que la croissance reparte en Europe, vite et fort : la dépréciation de l’euro sur le marché des changes, l’effondrement du prix du baril de pétrole et l’action nouvelle de la BCE. Ces trois phénomènes additionnés constituent les ingrédients pour relancer la croissance. Pour que celle-ci reparte effectivement, il faut de la confiance. Beaucoup de PME ont des projets d’investissement et le contexte est marqué par l’importance des liquidités sur les marchés financiers. Le plan Juncker constitue le déclic pour orienter ces liquidités vers ces projets.

Le plan d’investissement pose néanmoins trois principales questions, dont certaines ont été mises en évidence par les rapporteurs de l’Assemblée nationale et du Sénat. La première question porte sur son financement : le financement doit être essentiellement privé, le financement public devant servir de garantie, avec un effet de levier de 1 à 15. Or, la Commission européenne nous propose de prélever ces crédits publics sur des lignes budgétaires qui, précisément, contribuent à la croissance et à la compétitivité : 3,3 milliards d’euros sur les réseaux (Mécanisme d’interconnexion en Europe) et 2,7 milliards d’euros sur la recherche (Horizon 2020), ainsi que 2 milliards d’euros sur les marges de manœuvre du budget européen. Ainsi, 6 milliards d’euros sont prélevés pour financer le plan d’investissement sur des crédits déjà fléchés. Il convient donc de savoir quelles opérations seront sacrifiées. Par exemple, la France a un intérêt majeur à la préservation d’ITER, dont le financement exclusivement européen ne doit pas être compromis.

La deuxième question que pose le plan d’investissement est celle du choix des projets à financer. À ce titre, je souhaite apporter une nuance aux propos du rapporteur de l’Assemblée nationale. Pour l’instant, on ne connaît pas les projets qui concerneront la France. En effet, le plan d’investissement est conçu comme devant éviter la logique du « juste retour » et privilégier la valeur ajoutée à l’échelle européenne. De même, les projets réalisés doivent présenter une réelle rentabilité financière.

Enfin, la troisième question porte sur le volet réglementaire du plan d’investissement qui suscite chez moi le plus de perplexité. L’objectif de stabilité juridique ne peut être que partagé par tout le monde, mais sa réalisation demande du temps. Or, il est impératif que ce plan réussisse au cours des six premiers mois.

M. Bernard Monot, député européen. Le plan d’investissement, dont le promoteur est un « pirate de la fiscalité européenne », pose en effet un certain nombre de questions. De manière générale, je doute de la validité du modèle économique sur lequel il repose et je rappelle que la très grande majorité des économistes avaient vanté, à l’époque, les mérites du traité de Maastricht, avec le succès que l’on sait. Quant à la confiance, il y a longtemps qu’elle est rompue entre le peuple et ses élites et il est indispensable de la rétablir.

Le plan qui nous est proposé me paraît largement fictif. 315 milliards d’euros sur trois ans, rapportés aux 28 États membres, représente un peu plus de 3 milliards d’euros par an, ce qui est très insuffisant pour relancer l’activité économique par rapport aux besoins. Les 21 milliards de crédits publics comprennent 5 milliards provenant de la BEI, mais celle-ci va-t-elle devoir accroître son capital ? On peut aussi s’interroger sur le rôle, en France, de la Caisse des dépôts et consignations et des investisseurs privés dans la mise en œuvre du plan d’investissement, alors que les entreprises publiques stratégiques sont en déclin continu depuis de nombreuses années. On vante les mérites de la baisse du prix du pétrole et de la dépréciation de l’euro, mais la vraie question est celle du poids respectif de l’économie allemande et de l’économie française en Europe. Enfin, depuis une vingtaine d’années, nous sommes dans un schéma économique où la demande est inférieure à l’offre et on peut se demander comment il sera possible d’attirer des financements dans ces conditions. Au total, je pense que ce plan Juncker ne marchera pas.

Mme Virginie Rozière, députée européenne. Je suis d’accord avec plusieurs des points que les rapporteurs des deux assemblées ont soulevés. Même si ce plan d’investissement intervient trop tardivement, il constitue une rupture bienvenue avec l’ère Barroso, de même que la communication de la Commission sur la mise en œuvre des flexibilités du Pacte de stabilité et de croissance et les interventions récentes de la BCE pour lutter contre la déflation. Selon moi, le financement du plan d’investissement sollicite excessivement le budget de l’Union européenne et devrait être rééquilibré vers la BEI. L’effet levier de 1 à 15 pourrait être atteint grâce à des cofinancements des États membres, mais, pour les encourager, il faudrait aller plus loin en matière de flexibilité du Pacte de stabilité et de croissance. Il me semble en effet important que les projets ne soient pas sélectionnés dans une logique de juste retour. Pour autant, il est nécessaire d’introduire une démarche de contrôle démocratique qui requiert l’implication plus grande du Parlement européen.

M. Philippe Loiseau, député européen. Je regrette que le plan Juncker oublie l’agriculture et les agriculteurs. L’agriculture ne serait-elle pas un investissement stratégique ? Le soutien de ce secteur par le plan d’investissement est d’autant plus indispensable que les agriculteurs français souffrent des conséquences des sanctions européennes contre la Russie, mais aussi de la remise en cause des quotas sur le lait et le sucre.

M. Philip Cordery. Le plan Juncker est le bienvenu, après 10 ans d’austérité à l’échelle de l’Europe et alors que la crise actuelle nous place au bord de la déflation. Selon moi, nous avons davantage besoin d’une intégration plus poussée que d’un repli sur soi.

Je voudrais soulever trois points sur le plan d’investissement : les projets à financer doivent avoir une forte valeur ajoutée en termes de croissance ; il faut mettre l’accent sur la transition énergétique et écologique grâce à des investissements dans les énergies propres ; il convient de ne pas oublier les collectivités territoriales parmi les bénéficiaires du plan.

L’effet de levier retenu ne me semble pas excessif dès lors que les garanties apportées sont suffisantes. Des liquidités abondantes existent aujourd’hui et il convient de les réorienter vers les investissements productifs. La BEI doit prendre plus de risques et prêter sur des marchés à fort potentiel d’investissement.

Je considère qu’un débat doit être engagé sur la pérennisation des investissements, qui nécessite de doter l’Union européenne de ressources propres mais aussi de capacités d’épargne, telles que les plans d’épargne européens. Je me félicite naturellement de ce que la Commission européenne ait pris l’engagement de sortir les éventuels co-financements des États membres du calcul du déficit budgétaire et de la dette publique, mais je regrette que les pays qui ont aujourd’hui le plus besoin de ces investissements soient exclus de la possibilité d’apporter des co-financements, la Grèce, par exemple. Je conclurai en disant que la réussite de ce plan est indispensable.

Mme Karima Delli, députée européenne. Je rappelle qu’il y a déjà eu deux plans de relance, en 2008 et 2012, et qu’il y a donc urgence à ce que le plan Juncker réussisse. Les travaux de la task force mise en place par la Commission européenne et la BEI ont mis en évidence l’existence de 2 000 projets potentiels d’investissement représentant 1 300 milliards d’euros. On peut donc s’interroger sur le caractère suffisant des 315 milliards prévus par le plan. En outre, tous les États membres ne sont pas d’accord sur les priorités à favoriser. Je pense notamment aux priorités environnementales. Il sera donc difficile d’avoir des projets d’envergure européenne, chaque État membre cherchant à pousser ses projets nationaux. Se pose alors la question des modalités de sélection des projets à financer. Il est prévu que le comité de pilotage définisse des priorités stratégiques, mais il est composé d’experts. Il est dès lors indispensable que le Parlement européen, qui est le dépositaire de l’intérêt général européen, puisse avoir une place dans le schéma de gouvernance retenu.

Je rappelle également que les collectivités territoriales n’ont pas été consultées sur les projets que les États membres ont présentés à la task force. Le financement pertinent de projets nécessite de privilégier l’économie réelle au détriment de « l’économie casino » et de s’attaquer avec détermination au problème de l’évasion fiscale qui représente 1 000 milliards d’euros par an, soit de très nombreux projets d’investissement !

La méthode est relativement confuse. On retrouve des projets éligibles au plan d’investissement dans des programmes européens existants. Ce n’est donc pas clair. De même, la volonté affichée d’aller très vite dans le démarrage du plan ne doit pas conduire à méconnaître le respect de la réglementation européenne.

Plus que le plan de la dernière chance, le plan Juncker me paraît être celui de toutes les chances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des budgets du Parlement européen. À titre liminaire, je voudrais insister sur la nécessité de relations beaucoup plus étroites entre les parlementaires nationaux et européens, ce qui contribuerait aussi à rendre l’Europe plus populaire. Il existe, certes, des réunions interparlementaires qui ont lieu au Parlement européen, mais une évaluation objective de ce type de rencontre me paraît nécessaire.

Les commissions ECON et BUDG du Parlement européen vont tenir prochainement une réunion commune pour examiner la proposition de règlement instituant le FEIS. L’objectif du plan Juncker, qui est de relancer la croissance, l’emploi et la compétitivité en Europe, est le bienvenu et le président de la Commission européenne a raison de dire qu’il faut aller vite et se concentrer sur l’essentiel. À ce titre, je soutiens son initiative de retirer du programme de travail de la Commission 80 projets de directives sur 105.

J’accueille avec bienveillance le plan Juncker qui vise à favoriser l’investissement plutôt que les dépenses de fonctionnement, et qui est en lien avec le grand emprunt sur les investissements d’avenir présenté en France en 2010. Ce plan doit être mis à contribution pour orienter les liquidités privées très abondantes vers des investissements productifs. Pour autant, la réalisation de réformes structurelles au sein des États membres reste indispensable au succès du plan.

Les investissements à réaliser doivent dépasser une logique strictement nationale et favoriser des projets supranationaux et transfrontaliers, comme des interconnexions en matière de transport ou d’énergie. Il est indispensable de s’interroger sur l’environnement juridique à même d’assurer la rentabilité des projets financés – je pense à des modifications qu’il conviendrait d’apporter à la directive « Solvabilité II ». Dans un premier temps, la garantie de 8 milliards d’euros apportée par le budget de l’Union européenne sera déterminante. Mais ce montant doit être rapporté à celui de « la dette sournoise » qui apparaît au niveau européen du fait d’un décalage croissant entre les crédits d’engagement et les crédits de paiement. Ainsi l’Union européenne a-t-elle accumulé des factures impayées à hauteur de 5 milliards d’euros en 2010, de 11 milliards en 2011, de 16 milliards en 2012, de 23 milliards en 2013 et de près de 30 milliards en 2014. Il me paraît donc indispensable d’interpeller le gouvernement au moment de l’examen de la contribution française au budget européen.

Les 315 milliards d’euros prévus par le plan d’investissement peuvent constituer un point de départ : si l’opération réussit, il sera possible d’aller au-delà, mais il est nécessaire d’engager le processus le plus rapidement possible, car nous sommes dans l’urgence. Enfin, consulter le Parlement européen sur chaque projet d’investissement réalisé comporte, selon moi, le risque de ralentir considérablement la procédure. Nous devons faire confiance au comité d’investissement prévu par le texte de la Commission.

Le Président Jean Bizet. Pour conclure sur ce point, je souhaiterais mettre en avant les propos saillants des différents intervenants. Le plan Juncker est d’abord un plan politique qui permet de regarder vers l’avenir et de ne pas se focaliser inutilement sur le passé. La compétitivité de l’économie européenne qu’il doit améliorer passe par des avancées sur l’union de l’énergie, le numérique et le marché des capitaux. Il ne pourra réussir que si l’Europe renoue avec la confiance qui, elle-même, requiert une plus grande stabilité juridique. Ce plan a six mois pour réussir. Il s’agit donc, comme on l’a dit, du plan de toutes les chances. Pour réussir, il a besoin de privilégier une logique supranationale et non une logique de juste retour. Mais au-delà de sa mise en œuvre, des questions à long terme se posent comme celles de doter l’Union européenne de ressources propres.

IV. COMMUNICATION DE M. RAZZY HAMMADI ET M. ARNAUD RICHARD SUR LE PLAN JUNCKER DE RELANCE DE L’INVESTISSEMENT DANS L’UNION EUROPÉENNE ET LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT CRÉANT LE FONDS EUROPÉEN POUR LES INVESTISSEMENTS STRATÉGIQUES (COM(2015) 10 FINAL – E 9964)

M. Razzy Hammadi, co-rapporteur. Cette communication est importante. Le plan Juncker appartient à ces actions perçues comme politiques, puis médiatiques, dont il est difficile au final de connaître le contenu exact, le processus, l’ambition et les modalités, ce que nous allons essayer de décrire ici.

Il conviendra donc de compléter cette communication par un rapport rendu avant l’adoption définitive de ce texte, qui contiendra nos préconisations et amendements.

Le plan prend acte d’une situation connue de tous : l’effondrement de l’investissement public ou privé.

Plusieurs raisons expliquent le recul important de l’investissement : le coût élevé du financement bancaire dans certains États, lié au phénomène de « fragmentation financière », l’incertitude chronique qui a caractérisé ces cinq dernières années et le niveau élevé d’endettement. Ainsi que l’a récemment rappelé le FMI, les reprises économiques sans reprises du crédit, et donc de l’investissement privé, sont un phénomène extrêmement rare. Le raffermissement de l’investissement privé est donc la condition du retour à une croissance forte et durable ; du côté de l’investissement public, l’accent mis sur la consolidation budgétaire, ces dernières années, et les réductions des dépenses ont porté de manière disproportionnée sur les dépenses d’investissement.

Si nous devons nous féliciter d’un état d’esprit nouveau à la Commission européenne, la reprise doit beaucoup à la baisse du prix des matières premières en particulier des hydrocarbures et à la baisse de l’Euro, sous l’impulsion de la BCE qui exerce ici des compétences normalement dévolues au Conseil auquel les traités confient la politique de change.

Tous les rapports relatifs au plan Juncker doivent nous interpeller sur la diminution en France des dotations aux collectivités locales. Nous pouvons en effet avoir un débat sur les dotations relatives au fonctionnement mais il faut préserver l’investissement.

Pour financer le plan Juncker, le Fonds européen pour les investissements stratégiques sera doté de 21 milliards d’euros. Le fonds comptera sur les apports de la Commission européenne et de la Banque européenne d’investissement (BEI) et sera géré par cette dernière. Il doit permettre de financer des projets qui n’ont pas pu être financés par la BEI auparavant, mais qui présentent un grand intérêt par leur capacité à relancer l’économie européenne.

Le nouveau Fonds européen pour les investissements stratégiques recevra 5 milliards d’euros de la Banque européenne d’investissement (BEI), la garantie d’une contribution de 8 milliards d’euros de fonds européens existants, contribution susceptible d’être élargie jusqu’à 16 milliards, soit un total de 21 milliards d’euros.

La garantie de 8 milliards d’euros sera injectée sur trois ans et proviendra du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (3,3 milliards), du programme de recherche Horizon 2020 (2,7 milliards) et d’une « marge budgétaire », c’est-à-dire des fonds non utilisés (2 milliards). Par ailleurs la réduction de l’enveloppe du programme –cadre pour la recherche et l’innovation pour financer ce programme nous inquiète.

Le Fonds pour les investissements stratégiques, devrait générer quelque 240 milliards en investissements à long terme et 75 milliards pour les PME et les sociétés de moyenne capitalisation sur deux ans, entre 2015 et 2017, par un « effet de levier » de 15.

Je tiens d’ores et déjà à indiquer que nous essaierons d’améliorer notre connaissance du détail de ces sommes.

J’avais pu émettre des doutes sur le pacte de croissance et d’emploi évalué à 120 milliards d’euros proposé en juin 2012. Force est de reconnaître que le niveau atteint aujourd’hui, avec 180 milliards d’euros en mars 2015, est supérieur aux prévisions.

Les secteurs concernés par ce projet sont essentiellement la transition énergétique, le numérique et les transports. En outre, pour inciter les États à verser leur contribution, il est indiqué qu’il sera tenu compte des versements des États pour l’appréciation des contraintes du pacte de stabilité et de croissance. Il faut noter que le recours au FEIS est prévu par défaut, c’est-à-dire lorsqu’il est impossible d’obtenir un « financement par le marché à des conditions raisonnables » mais que « les projets éligibles peuvent utiliser les fonds structurels ». L’accent est mis également sur les PME (c’est-à-dire de moins de 3 000 salariés) avec 75 milliards d’euros est important.

Mais les crédits dégagés ainsi sont insuffisants pour faire face à des besoins d’infrastructure de l’Union européenne estimés à 1 000 milliards d’euros.

Le plan Juncker vise à faire le lien entre des projets de court et de moyen termes.

À la veille de la COP21 et de la mobilisation de la France et ce qui émerge avec la préparation du 5 + 5 nous devons regretter l’exclusion des projets africains et nord-africains ; c’est en train de devenir une habitude que nous déplorons.

La motivation de la Commission européenne laisse également perplexe.

La Commission affirme qu’il y aura un effet multiplicateur et un impact sur le terrain plus grand qu’une campagne d’investissements conduite par des États isolément. Il s’agit d’une affirmation mal étayée, rien ne prouve que la même politique conduite dans un cadre intergouvernemental ne serait pas plus rapidement mise en œuvre, car l’expérience montre que souvent la lourdeur des procédures de l’Union retarde les décisions.

M. Arnaud Richard, co-rapporteur. Je partage l’inquiétude de mon collègue.

Il est exact qu’il est prévu d’aller très vite, au regard des délais bruxellois habituels, et c’est une bonne chose. Cette volonté de vitesse est relayée par la BEI. L’objectif est d’arriver à un dispositif opérationnel d’ici la fin 2015. Mais la BEI est prête à débloquer des fonds en amont, à faire de « l’entreposage » (« warehousing ») sans attendre que la forme juridique du plan Juncker soit constituée. Elle assurera dans un premier temps les financements avec ses fonds propres et, dès que possible, les projets seront transférés au Fonds d’investissement stratégique.

Les États ont d’ores et déjà chacun transmis une série de projets potentiels. Mais cette liste est indicative ; le plan dure trois ans.

Le mécanisme est simple, la BEI examine un projet, s’il répond à ses critères elle le finance. Si ce n’est pas le cas, elle se retourne vers le fonds d’investissement stratégique pour lui demander de garantir le projet. Le budget européen assume alors la charge de risque que la BEI n’aurait pas assumé. Le risque est alors réduit pour tous les investisseurs.

Le Royaume-Uni pourrait bénéficier presque deux fois plus que les autres pays européens des retombées économiques du plan Juncker, selon un rapport d’une agence de notation. Selon cette agence (rapport sur les investissements mondiaux dans les infrastructures publié au mois de janvier), l’impact du plan d’investissements serait environ deux fois plus visible au Royaume-Uni qu’en Allemagne, en France, ou en Italie.

Les chiffres de l’agence de notation ont montré que pour chaque 1,4 euro dépensé dans le secteur public au sein de la zone euro, comme prévu par le plan Juncker, 1,4 euro supplémentaire sera ajouté au PIB sur une période de trois ans. Le Royaume-Uni pourrait multiplier le montant de ses dépenses par 2,5 sur la même période, soit deux fois plus que l’Allemagne (1,2) ou que la France (1,3) et l’Italie (1,4). L’Espagne, quant à elle, pourrait obtenir un coefficient multiplicateur de 2. Les chiffres des pays de la zone euro les plus touchés par la crise, comme le Portugal ou la Grèce, n’ont pas été publiés.

La France enregistre, semble-t-il quelques déconvenues dans la phase de démarrage du Plan Juncker. La presse de la semaine dernière s’est en effet fait l’écho.

Le gouvernement français a dressé une liste de 32 projets pouvant représenter quelque 48 milliards d’euros d’investissements mettant l’accent sur l’innovation et le numérique – secteurs qui comptent pour 40 % du montant des projets –, les usines pilotes de nouvelle génération (pour 15 milliards d’euros) ou le projet de numérisation « à grande échelle en Europe des terminaux et des contenus éducatifs » (6 milliards).

Un vaste programme de rénovation urbaine pour un investissement estimé à 5 milliards d’ici à 2017 (25 milliards en 10 ans) avec pour objectif de « régénérer 200 quartiers populaires parmi les plus dégradés ».

Des programmes transversaux comme la rénovation thermique des logements ou les prêts aux PME qui investissent dans la robotique (1 milliard) ont également été répertoriés.

Du côté des infrastructures, la France souhaiterait utiliser l’enveloppe européenne pour rénover une partie de son réseau ferroviaire et maritime.

Le projet de gazoduc Val de Saône (700 millions d’euros), la liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle Express (300 millions) ou la prolongation de la ligne E du RER vers la Défense font partie des investissements proposés.

Il semblerait que cette liste ne soit pas retenue – au moins dans sa version actuelle – car elle ne remplit pas les trois critères de choix officiels qui étaient les suivants : un projet doit être viable sur le plan économique, convergent avec les priorités stratégiques de la Commission et montrer son « absence d’additionnalité », autrement dit, le fait que le projet n’aurait pas été mené à bonne fin même sans l’aide européenne.

S’agissant de la mise en œuvre du pacte de croissance de 2012, je voudrais rappeler la mise en place des project bonds. La BEI a disposé de 230 millions d’euros à utiliser comme garantie de projets concernant les télécoms, l’énergie et les transports.

Cela lui a permis de garantir les émissions d’obligation de 8 projets, dont une expérience d’Internet à Très Haut Débit en France avec Axione, ou encore en finançant des éoliennes au Royaume-Uni.

Elle a enregistré des déconvenues en Espagne, avec le projet de stockage de gaz Castor qui a été interrompu par décision du gouvernement espagnol en raison d’activité sismique. Tous les investisseurs ont été dédommagés par le gouvernement espagnol.

Une série de projets dans les transports, comme des liaisons routières, mais aussi l’extension du port de Calais qui pourrait faire l’objet d’une émission obligataire, d’une garantie, ou project bond.

La Présidente Danielle Auroi. Merci pour ce point d’étape.

Je voudrais dire que je suis quelque peu déçue par ce « plan Juncker » qui recycle des crédits déjà existants. Nous sommes par ailleurs toujours sur une logique dans laquelle on ne définit pas la croissance. J’aimerais que vous puissiez le faire dans votre prochain rapport, car nous voyons les difficultés d’un développement trop axé sur la technologie ; aussi, me semble-t-il que vous devriez vous interroger sur le financement de l’emploi plutôt que sur celui de la croissance.

Ce n’est pas simplement une formule car ce qui crée de l’emploi aujourd’hui n’est pas nécessairement lié à la croissance, je pense par exemple à l’efficacité énergétique.

Ne faut-il pas mieux s’interroger sur l’innovation qui correspond, elle, à une logique de moyen terme plus solide ?

M. Bruno Gollnisch. Merci à Madame la Présidente ; j’adhère totalement à vos observations. Je voudrais dire que sur la notion de coefficient multiplicateur, je suis très admiratif. Je crois qu’il nous faut revenir à l’admirable fable de La Fontaine, qui date du XVIIème siècle : « Perrette et le pot au lait ».

M. Arnaud Richard. Je partage le sentiment de la Présidente : nous devrions être très enthousiastes devant ce plan. Mais nous devons faire attention, le fait que la liste du Gouvernement français ait été retoquée pose question. Les États semblent laissés à la lisière, ce qui est un peu étonnant. C’est une chance pour l’Europe mais elle ne fera pas toute sa croissance.

La Présidente Danielle Auroi. Il me semble important de faire remonter ces questionnements au Gouvernement mais également vers les instances interparlementaires. Nous voyons bien que des critères ne sont pas pris en compte comme l’explosion de la pauvreté en Allemagne qui était cachée jusqu’à présent. Peut-être que la structure qui assume le suivi de ce plan devrait-elle mettre en place des critères plus précis et plus lisibles qu’actuellement.

M. Arnaud Leroy. L’additionnalité me semble compliquée à mettre en œuvre.

M. Bruno Gollnisch. Je me permets d’attirer votre attention sur un texte figurant à l’ordre du jour qui me paraît d’une grande importance sur le plan de la procédure : la convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement d’enfants.

Je suis intervenu au Parlement européen sur cette affaire : il s’agit d’une convention de droit privé ouverte à la ratification des États mais non aux organisations régionales. Or, la Cour de Justice de l’Union européenne s’est mise en travers de ce processus de ratification au motif de l’existence d’un règlement traitant de cette question. La Cour en déduit que la ratification de cette convention relève de la compétence exclusive de l’Union.

Sur le plan constitutionnel c’est extrêmement grave : cela dépossède de toute compétence le législateur national.

La Présidente Danielle Auroi. Je vous propose, cher collègue, de nous saisir de cette question.

M. Arnaud Richard. Je crois que notre collègue a raison de soulever ce point. Cette question de l’enlèvement d’enfants est très préoccupante et sensible.

La Commission a ensuite approuvé la proposition de règlement COM[2015] 10 final – E 9964.

V. EXAMEN DU RAPPORT D’INFORMATION

La Commission s’est réunie le 17 avril 2015, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

M. Marc Laffineur. Malgré ce brillant rapport, je suis plein d’inquiétudes car les financements nationaux ne s’adressent qu’aux actions conduites dans les États et les problèmes de gouvernance sont considérables.

Je suis inquiet également pour le programme ITER et je suis dubitatif sur l’effet du Plan Juncker d’autant que les taux d’intérêts sont faibles.

Mme Estelle Grelier. Merci pour ce rapport. Il faut reconnaître l’évolution des institutions européennes qui reconnaissent que l’investissement est nécessaire. Mais ce plan est la résultante de la négociation politique ayant conduit au choix du Président de la Commission européenne.

Deuxième point, la garantie par le budget de l’Union revient à emprunter pour le budget communautaire. Le coefficient multiplicateur est discuté et il existe un sous-financement de ce plan. Je ne suis pas pour principe très favorable aux PPP. Le vrai sujet proposé par des financements nationaux est celui de l’absence de vision européenne.

Je pense que le Plan Juncker est un bel objet de communication politique et votre rapport renforce ce sentiment.

La liste proposée me paraît manquer de souffle comme cela est souligné dans ce rapport, bien rédigé sur le plan littéraire.

M. Gilles Savary. Je m’associe à ce concert de louanges sur un sujet qui marque un tournant dans la communication de la Commission européenne. Il y a un message très volontariste de Jean-Claude Juncker, même si le message relève de la parabole biblique de la multiplication des pains.

Nous démarrons de très peu d’argent et nous en investissons beaucoup, cela demandera a être évalué en fin de parcours. Il repose au niveau macroéconomique sur les mêmes mécanismes que les « project bonds » au niveau microéconomique or, ces derniers n’ont pas fait de miracles.

Ils consistent à accorder une garantie publique (BEI et Union européenne) à des investissements privés. Je sors de la Commission qui s’est penchée sur les contrats autoroutiers, qu’il me semble très aventureux de vouloir résilier, cela me fait drôle de retrouver ici les mêmes problématiques.

Si cela peut doper l’investissement, tant mieux. Je suis d’accord avec vous pour refuser le principe des vases communicants, en particulier le risque d’assécher les fonds destinés à l’interconnexion pour aller abonder un maigre budget car on retrancherait de l’investissement à l’investissement, cela va ramener de 12,3 milliards à 8 milliards pour la période septennale des crédits déjà insuffisants au moment où la France souhaite bénéficier des montants représentants 50 % de cette enveloppe pour les projets Lyon-Turin et Canal Seine-Nord, il y aura donc des désillusions.

Je suis réservé sur l’opacité ayant présidé à l’élaboration des projets et je serais d’accord pour qu’il y ait une évaluation du premier train français. Cela nous permettrait de tester l’outil, les « projects bonds » ont très mal fonctionné.

Il me semble que nous devrions émettre le vœu de pouvoir assurer le suivi de ces projets à défaut d’y avoir été associés.

Cela m’intéresse de savoir comment on pourra par ces outils financer des infrastructures massives.

M. Christophe Caresche. On peut disserter à l’infini sur les insuffisances de l’investissement en Europe qui, à l’exception de l’an dernier, s’est maintenu en France. La faiblesse se constate surtout en Allemagne et le Plan Juncker a le mérite de rappeler chacun à ses obligations dans une zone où la coordination économique demeure un défi. S’agissant de la France, je trouve que Gilles Savary a raison et qu’il nous faut assurer le suivi des projets et peut-être pourrions-nous vous donner mission de suivre les projets français.

M. Arnaud Richard. Nous étions ennuyés de parler d’ambiguïté sur ce rapport mais nous sommes rassurés par vos réactions. Dominique Riquier au Parlement européen a également relevé cette inquiétude. La première liste adressée par le Gouvernement français, en plus, a été taclée sur la forme comme sur le fond. Il y a un vrai déficit démocratique. L’évaluation des projets serait une bonne chose. J’entends les propos de Gilles Savary sur les embardées financières et pour compléter les propos de Razzy Hammadi, nous aurons à nous pencher sur la transcription de la directive concessions.

M. Razzi Hammadi. Il est important de relever les deux mérites du Plan Juncker : exister et affirmer des options nouvelles. Je propose d’appeler la Commission européenne pour connaître la liste des dossiers retenus. Nous savons que pour la France, la majeure partie des projets n’auraient pas été retenus.

M. Gilles Savary. Il faut exprimer le souhait d’être associés au suivi et à l’évaluation de ces projets, travail peut-être de longue haleine. Le mode de décision est curieux car d’habitude l’Union européenne est transparente. La procédure est inhabituelle.

Mme Estelle Grelier. Je suis d’accord pour assurer un suivi et peut-être faudrait-il auditionner le SGAE.

M. Christophe Caresche. En conséquence, je propose que la commission des Affaires européennes adopte les conclusions proposées par les rapporteurs.

La commission a ensuite adopté à l’unanimité les conclusions suivantes :

CONCLUSIONS ADOPTÉES

La commission des Affaires européennes,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des Régions et à la Banque européenne d'investissement, du 26 novembre 2014, intitulée « Un plan d'investissement pour l'Europe » (COM (2014) 903 final),

Vu les conclusions du Conseil européen du 18 décembre 2014, en particulier les paragraphes 1 et 2,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, du 13 janvier 2015, sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques et modifiant les règlements (UE) no 1291/2013 et (UE) no 1316/2013 (COM (2015) 10 final),

Vu le projet de budget rectificatif no 1 au budget général 2015, du 13 janvier 2015, accompagnant la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques et modifiant les règlements (UE) no 1291/2013 et (UE) no 1316/2013 (COM (2015) 11 final),

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des Régions et à la Banque européenne d'investissement, du 13 janvier 2015, intitulée « Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles existantes du Pacte de stabilité et de croissance » (COM (2015) 12 final),

1. Se félicite que la stratégie de croissance proposée par la Commission européenne propose de renforcer l’investissement en Europe par la mobilisation de ressources publiques et privées susceptibles d’atteindre un montant de 315 milliards d’euros sur trois ans.

2. Partage les sentiments exprimés par la Commission européenne aux termes desquels les investissements doivent être économiquement viables, suffisamment avancés pour pouvoir être évalués, apporter une valeur ajoutée et être conformes aux priorités de l’Union, en particulier en matière d’environnement.

3. Relève qu’au regard de la subsidiarité, ce texte n’appelle pas de réserves particulières.

4. Émet des réserves sur l’affirmation de la Commission européenne selon laquelle ce fonds aura un effet multiplicateur et un impact sur le terrain plus grand qu’une campagne d’investissements conduite par des États isolément. Cette dernière n’est pas étayée par une analyse économique suffisamment solide et semble traduire une volonté de substitution de l’action de l’Union européenne à celle des États membres alors que l’efficacité implique solidarité et coopération entre l’Union européenne et les États membres.

5. S’interroge sur la portée du considérant 15 de la proposition de règlement qui indique que le recours au FEIS est prévu par défaut, c’est-à-dire lorsqu’il est impossible d’obtenir un « financement par le marché à des conditions raisonnables » et craint que cette affirmation ne donne à penser que le FEIS ne soit réservé qu’à des investissements intrinsèquement risqués, rendant ainsi plus difficile les partenariats avec le secteur privé.

6. Souhaite que l’affirmation du considérant 22 de la proposition de règlement, selon laquelle les projets doivent respecter les règles en matière d’aides d’État, soit précisée, car la garantie de la puissance publique est considérée par la jurisprudence de la Cour de Justice comme une aide d’État. Cette affirmation pourrait être de nature à exclure de fait le secteur privé du bénéfice de ce plan, ce qui n’est à l’évidence pas le but recherché. Aussi conviendrait-il de préciser ce point et l’articulation entre l’octroi des garanties du FEIS et la législation relative aux aides d’État.

7. Préconise qu’une priorité forte soit donnée, dans les projets d’investissement soutenus par le plan Juncker, aux investissements participant à la transition énergétique.

8. Souligne que la croissance en Europe dépend également de son environnement et que l’Afrique, avec un taux de croissance moyen de 5 %, et le bassin méditerranéen peuvent être des relais de croissance et suggère d’élargir le champ d’action de la plateforme de conseil à l’extérieur de l’Union européenne. Il serait utile que la plateforme européenne de conseil en investissement, ayant vocation à être un guichet unique pour les questions relatives à l’assistance technique aux investissements, puisse en particulier aider à l’électrification de l’Afrique.

9. N’est pas favorable à la réduction de l’enveloppe du programme –cadre pour la recherche et l’innovation faute de garanties sur le maintien au niveau actuel des fonds affectés à la recherche et à l’innovation (considérant 29 de la proposition de règlement).

10. Souhaite que le droit de veto de la Commission et de la BEI au sein du Comité de pilotage prévu à l’article 3§3 de la proposition de règlement qui est de nature à dissuader la souscription de partenaires aussi, soit encadré et réservé à quelques situations très précises.

11. Préconise que, dès lors que les États sont invités à souscrire à ce fonds, les rapports de la BEI ne soient pas adressés exclusivement à la Commission mais également au Conseil, au Parlement européen et aux gouvernements et aux parlements des États ayant souscrit au FEIS.

12. Souhaite qu’au paragraphe 4 de l’article 11 de la proposition de règlement, soit insérée une disposition indiquant que la Commission peut, sur leur demande, faire rapport aux gouvernements nationaux ayant contribué au FEIS et que le directeur exécutif puisse être auditionné par les parlements nationaux des États ayant souscrit au FEIS. Il est logique que les parlements nationaux puissent contrôler l’usage des fonds qu’ils auront accepté de verser au FEIS.

13. Est défavorable à l’abondement du FEIS par des crédits provenant de fonds destinés à financer des travaux d’interconnexion et d’infrastructures en Europe, ou de la recherche, en particulier le programme ITER.

14. Prend acte que les difficultés d’accès au FEIS proviennent, pour la France, de l’absence de transposition rapide des directives relatives aux concessions. Il appartient aux Pouvoirs publics français de régler rapidement cette question.

15. Décide un suivi parlementaire de l’exécution en France du « plan Juncker ».

ANNEXES

ANNEXE NO 1 : PRÉSENTATION DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE EN FAVEUR DE LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE (SOURCE COMMISSION EUROPÉENNE)

(25)

Le pacte pour la croissance et l’emploi adopté par les chefs d’État et de gouvernement lors du Conseil européen de juin 2012 contient toute une série de mesures visant à aider l’Europe à sortir de la crise économique et financière, et à créer une croissance intelligente, durable, inclusive, économe en ressources et créatrice d’emplois. Le présent rapport et l’annexe qui l’accompagne font le point sur les progrès accomplis et mettent en lumière les domaines dans lesquels il convient de redoubler d’efforts en vue de promouvoir la croissance et l’emploi.

Tandis que les perspectives de croissance de l’Europe demeurent incertaines et que le chômage atteint des niveaux inacceptables, particulièrement chez les jeunes, il est plus urgent que jamais de prendre des mesures décisives pour libérer le potentiel européen en matière de croissance et d’emploi. Les mesures à effet rapide en faveur de la croissance constituent un élément complémentaire indispensable aux efforts déployés pour s’attaquer aux racines de la crise, assainir les finances publiques, mettre en place les instruments visant à renforcer la coordination des politiques économiques, préserver la stabilité financière et approfondir l’union économique et monétaire.

La mise en œuvre du pacte pour la croissance et l’emploi relève de la responsabilité de tous. En entreprenant les réformes essentielles au niveau national, telles que décrites dans les propositions de recommandations par pays établies par la Commission, les États membres peuvent franchir une étape décisive sur la voie d’une économie européenne plus compétitive, plus dynamique et plus flexible. L’Union appuie ces réformes et les complète de multiples façons, qui vont du travail mené actuellement afin d’exploiter toutes les possibilités du marché unique en matière de croissance jusqu’aux financements sur le budget de l’UE, destinés à soutenir la croissance et les investissements en Europe.

Dans tous les domaines du pacte, la Commission a présenté des stratégies et des propositions claires, axées sur la croissance et l’emploi. La priorité est désormais à la mise en œuvre. Ainsi qu’on peut le voir dans le présent rapport, certaines des propositions de la Commission ont été adoptées, mais de nombreuses autres n’ont pas encore fait l’objet d’un accord ou doivent encore être mises en œuvre. En raison de ces retards, des possibilités commerciales se perdent et des emplois bien nécessaires ne sont pas créés.

À cet égard, le CFP est un exemple éloquent. Il représente un fonds d’investissement de près de mille milliards d’euros (960 milliards d’EUR exactement), qui, s’il est accepté́, donnera une impulsion bienvenue à l’économie européenne dès le 1er janvier 2014. Toutefois, si le Parlement européen et le Conseil ne parviennent pas à un accord définitif sur le CFP et sur tous les programmes d’investissement destinés à sa mise en œuvre, les fonds n’arriveront pas là où ils sont nécessaires au moment voulu.

Le pacte est le reflet d’un consensus européen sur les mesures à adopter. Désormais, un autre consensus est nécessaire pour assurer le suivi et la mise en œuvre sans délai des actions qui ont été approuvées. La Commission continuera à présenter les propositions qui s’imposent et à collaborer avec les États membres afin de combiner les efforts européens et nationaux au sein d’un partenariat pour la croissance.

Réformer l’économie européenne

La réforme et la modernisation de l’économie européenne restent au centre de la stratégie de croissance Europe 2020 et constituent une condition de la prospérité et de la stabilité à l’avenir. Dans le cadre du semestre européen, la Commission collabore avec les États membres afin de dégager les priorités absolues de réforme et d’assurer que la forte interdépendance des économies nationales est pleinement prise en compte.

La Commission a mis en lumière les priorités essentielles de réforme dans son examen annuel de la croissance et ses recommandations par pays pour 2013. L’expérience de la mise en œuvre en 2012 est mitigée : l’analyse de la Commission montre que les États membres pourraient faire davantage d’efforts pour s’entraider sur la voie du retour à la croissance et pour faire sortir l’Europe de la crise. Des progrès ont été réalisés mais à des degrés divers et le rythme des réformes n’est pas encore à la hauteur des défis de croissance et de compétitivité auxquels l’Europe est confrontée. Les priorités de réforme pour 2013 restent donc identiques à celles de 2012 : procéder à un assainissement budgétaire différencié propice à la croissance, rétablir l’activité normale de prêts à l’économie, promouvoir la croissance et la compétitivité pour aujourd’hui et demain, lutter contre le chômage et prendre des mesures pour faire face aux retombées sociales de la crise, et moderniser l’administration publique.

Le soutien appuyé du Conseil européen de juin aux recommandations par pays doit être suivi rapidement par leur adoption formelle par le Conseil et une mise en œuvre immédiate et déterminée au niveau national.

Libérer le potentiel de croissance du marché unique

Le marché unique constitue un moteur de croissance unique et puissant. La Commission a proposé deux trains de réforme ambitieux du marché unique qui devraient permettre d’aller plus loin. Toutefois, les progrès enregistrés jusqu’ici n’ont pas été à la hauteur des attentes.

La Commission a maintenant présenté les 12 propositions prioritaires de l’acte pour le marché unique I. Le Conseil européen avait fixé l’échéance à décembre 2012 pour les approuver au niveau européen. Or à ce jour, seules 7 d’entre elles ont été approuvées, dont le brevet unitaire qui, une fois mis en œuvre, réduira les coûts d’obtention d’une protection par brevet dans l’UE de 80 %, ce qui dopera l’innovation et contribuera à la croissance économique. En revanche, 5 mesures qui recèlent un immense potentiel pour stimuler l’économie sont encore en cours d’examen alors que le délai a expiré. Il s’agit notamment de propositions clés relatives aux marchés publics, sur lesquelles un accord entre le Parlement européen et le Conseil semble pouvoir être obtenu. Les avantages potentiels pour l’économie de l’UE sont importants : par exemple, si le coût des marchés publics soumis aux directives de l’Union européenne pouvait être réduit de 5 % d’ici 2020, le PIB et l’emploi dans l’UE pourraient augmenter de 0,1 % à 0,2 %.

Il est également nécessaire de passer à la vitesse supérieure pour les 12 mesures qui composent l’acte pour le marché unique II. La plupart de ces propositions ont été soumises et la Commission présentera celles qui restent au cours des prochaines semaines. Si l’on veut respecter l’échéance de 2014, il faut que toutes les parties concernées fournissent des efforts considérables. Pour parvenir à un accord sur des propositions clés comme la réforme des règles en matière d’insolvabilité, le quatrième paquet ferroviaire, la sécurité des produits ou les infrastructures large bande à haut débit, il faudra réunir une somme de travail considérable et une volonté politique forte.

Bien entendu, un accord au niveau de l’Union ne réglera pas tout, car une grande partie du potentiel inexploité du marché unique réside dans l’incapacité à mettre en œuvre correctement et rapidement ce qui a été convenu. Par exemple, la mise en œuvre de la directive sur les services a déjà fait augmenter le PIB de l’UE de 0,8 %, mais l’analyse de la Commission montre que si les États membres supprimaient les restrictions restantes, le gain économique pourrait être trois fois plus important, soit une augmentation d’environ 2,6 % du PIB de l’UE. Il importe donc d’insister à nouveau sur la mise en œuvre au niveau national, qui constitue une partie déterminante de la stratégie de croissance de l’Europe. En juin 2012, la Commission a défini un certain nombre de mesures concrètes à prendre pour améliorer la gouvernance du marché unique et la mise en œuvre de la directive sur les services.

Réaliser un marché unique numérique

Le Conseil européen a fixé le délai pour la réalisation d’un marché unique numérique à 2015. Selon certaines études, la mise en œuvre intégrale de la stratégie numérique pour l’Europe pourrait accroître le PIB de 5 %, ou 1 500 EUR par personne, sur les huit prochaines années, grâce à des mesures portant notamment sur le relèvement du niveau de compétences numériques de la population active et la réforme des conditions-cadres pour l’économie de l’internet. Sans une action paneuropéenne, jusqu’à un million d’emplois numériques risquent de ne pas être pourvus d’ici à 2015. En outre, il serait possible de créer 1,2 million d’emplois grâce à la construction d’infrastructures. Si l’on considère l’ensemble de l’économie, 3,8 millions de nouveaux emplois pourraient ainsi être créés à long terme. Les enjeux sont donc très élevés.

Alors que l’échéance de 2015 approche à grands pas, il est nécessaire d’accélérer le rythme auquel les mesures sont actuellement examinées par le Parlement européen et le Conseil, et notamment la modernisation de certains domaines essentiels du droit d’auteur comme la gestion collective des droits, ainsi que les propositions relatives aux infrastructures large bande à haut débit et à l’identification électronique et aux signatures électroniques. Le volet numérique du mécanisme pour l’interconnexion en Europe, une fois qu’il aura été adopté, contribuera également à catalyser les investissements dans la large bande et à l’essor des services numériques.

La Commission présentera d’autres propositions afin de créer un marché unique des télécommunications avant la réunion d’octobre du Conseil européen.

Achever le marché intérieur de l’énergie

Le Conseil européen de mai a souligné́ l’importance de mettre en place, d’ici 2014, un marché intérieur de l’énergie pleinement opérationnel, interconnecté et intégré afin de renforcer la concurrence tarifaire, de mettre un terme à l’isolement énergétique de certaines régions et d’apporter une réponse coordonnée aux crises d’approvisionnement.

La mise en œuvre est toutefois plus lente que prévu. Par exemple, comme la Commission l’a souligné́ dans sa récente communication sur l’achèvement du marché intérieur de l’énergie, le troisième paquet « Énergie », qui est entré en vigueur en 2009, doit encore être mis en œuvre dans de nombreux États membres. D’après les travaux en cours sur le coût qui résulte de l’absence d’un marché intégré de l’énergie pour le gaz, les avantages de la pleine mise en œuvre du troisième paquet « Énergie » pourraient se chiffrer à 8 milliards d’EUR par an en 2015 par rapport à 2012 (scénario de base). Ces avantages pourraient même atteindre 30 milliards d’EUR par an si l’Europe avait un marché pleinement intégré. En ce qui concerne l’électricité, l’avantage de l’intégration permettrait une réduction maximale des coûts annuels de 35 milliards d’EUR.

Il est indispensable de compléter les réseaux européens de gaz et d’électricité afin de pouvoir achever le marché intérieur de l’énergie. Pour ce faire, il faut encore intensifier les investissements publics et privés. Selon certaines estimations, jusqu’à 1 000 milliards d’EUR d’investissements sont nécessaires d’ici à 2020. Un accord rapide sur le mécanisme pour l’interconnexion en Europe fournira une incitation puissante pour ces investissements.

Achever l’espace européen de la recherche

Une reprise économique durable nécessite des capacités de recherche et d’innovation de premier plan au niveau mondial, qui puissent s’appuyer sur une base scientifique publique solide, susceptibles de produire d’excellents résultats sur le marché pour s’attaquer aux grandes questions qui ont une incidence sur la vie des citoyens européens. La construction d’une union de l’innovation est au cœur de la mise en place d’une économie dynamique, mue par des idées fortes et concurrentielle sur les nouveaux marchés des produits et services à forte intensité de connaissance, créatrice de croissance et d’emplois de qualité. Pour y parvenir, l’Europe doit accroître l’efficacité, l’efficience et l’excellence de son système de recherche publique.

Un calendrier ambitieux a été fixé qui prévoit l’achèvement de l’espace européen de la recherche (EER) d’ici 2014. Selon les estimations de la Commission, la combinaison de l’achèvement de l’EER et de la mise en œuvre du nouveau programme de financement de la recherche et de l’innovation de l’UE — Horizon 2020 — pourrait donner lieu à un supplément de croissance de 1 % et à près d’un million de nouveaux emplois par an d’ici 2030.

Les progrès accomplis jusqu’à présent ne sont pas négligeables. Par exemple, le brevet unitaire a été adopté par 25 États membres au titre de la coopération renforcée. Toutefois, l’Europe est encore loin de constituer un espace de recherche unifié. Le Parlement européen et le Conseil doivent à présent se mettre d’accord d’urgence sur les nouveaux programmes Horizon 2020 et COSME afin de soutenir les investissements dans la recherche et l’innovation dans le cadre du prochain CFP. Les communications de la Commission sur les technologies clés génériques et sur la modernisation de la politique industrielle demandent également un suivi attentif au niveau de l’UE et au niveau national.

La Commission fera rapport sur l’achèvement de l’espace européen de la recherche et sur les investissements et les réformes de l’économie de l’innovation pour la réunion d’octobre du Conseil européen.

Investir dans la croissance

Le train de mesures d’investissement, d’une valeur de 120 milliards d’EUR, exposé dans le pacte, est en place mais n’a pas encore été pleinement exploité.

Avec un engagement supplémentaire de 54,2 milliards d’EUR en mars de cette année, la Commission a maintenant affecté la totalité du budget de la politique de cohésion de l’UE — 346 milliards d’EUR — pour les programmes 2007-2013, en vue de soutenir les projets de création de croissance et d’emplois dans les États membres. La Commission a également collaboré étroitement avec les États membres, par exemple par l’intermédiaire des équipes d’action pour l’emploi des jeunes, afin de veiller à ce que ce financement se concentre sur les grandes priorités en matière de croissance. Plus de 39,2 milliards d’EUR, soit 11 % de la totalité des fonds, ont été reprogrammés à la fin du mois de mai 2013 pour répondre aux besoins les plus pressants. La Commission a également approuvé des réductions des exigences en matière de cofinancement national pour certains États membres afin de garantir que les fonds de l’UE continuent à affluer, même lorsque les budgets nationaux sont sous tension.

La capacité des investissements financés par les fonds structurels de l’UE à redynamiser l’économie européenne dépend à la fois de la mise en œuvre de projets de qualité dans les États membres et de la disponibilité de crédits pour que la Commission effectue les paiements à leur échéance. Les États membres devraient donc se concentrer sur la pleine mise en œuvre des programmes actuels et le Parlement européen et le Conseil devraient se mettre d’accord sur le budget rectificatif pour 2013 sans délai.

Le prochain cadre financier pluriannuel devrait entrer en application le 1er janvier 2014. La préparation des programmes de la prochaine génération représente une occasion unique pour mettre les fonds structurels et d’investissement de l’UE au service de la croissance et de la création d’emplois, à très court terme, et pour dynamiser les processus nationaux de réforme. Tout retard dans ces nouveaux programmes serait fort dommageable pour la confiance. Il est dès lors prioritaire et urgent de parvenir à un accord définitif sur le prochain CFP et sur ses programmes de mise en œuvre.

La décision d’augmenter le capital de la BEI de 10 milliards d’EUR a marqué une étape positive pour le financement de l’économie réelle et la restauration de la croissance et de la confiance. L’objectif de cette augmentation du capital de la BEI est d’accroître sa capacité totale de prêt de 60 milliards d’EUR, ce qui permettra jusqu’à 180 milliards d’EUR d’investissements supplémentaires, répartis dans l’ensemble de l’UE, y compris dans les pays les plus vulnérables. La Commission a collaboré étroitement avec la BEI en vue de réaliser cette augmentation de capital et de convenir de domaines prioritaires (qui reflètent les objectifs de la stratégie Europe 2020) sur lesquels se concentrera le renforcement de l’activité de prêt. La Commission collabore également avec la BEI afin de concevoir des instruments conjoints de soutien des prêts aux PME.

Élaborer une politique fiscale favorable à la croissance

Une politique fiscale progressiste et des systèmes fiscaux efficaces peuvent constituer un moteur important de croissance et de justice sociale, et faciliter les nécessaires assainissements budgétaires. C’est pourquoi la réforme des systèmes fiscaux est mise en avant pour de nombreux États membres dans les recommandations par pays. Il faut consentir davantage d’efforts pour déplacer la pression fiscale du travail vers des bases fiscales moins distorsives comme la consommation, l’environnement ou l’impôt foncier, afin d’élargir la base d’imposition, de lutter contre les problèmes de respect des obligations fiscales et d’améliorer l’efficacité de l’administration fiscale.

Compte tenu de la plus grande intégration des économies européennes et du volume élevé de transactions transfrontières, ces réformes nationales doivent s’accompagner d’une coopération de plus en plus étroite entre les administrations fiscales nationales. La Commission a proposé d’étendre le système actuel d’échange automatique d’informations à la totalité des revenus d’ici à 2015. Cela sera particulièrement important pour la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, pour laquelle un plan d’action a été proposé, qui comprend notamment des propositions visant à renforcer la coopération entre les États membres.

Le récent accord sur les mandats de négociation avec des pays tiers au sujet de la fiscalité de l’épargne constitue une évolution positive, mais l’accord sur les révisions de la directive relative à la fiscalité de l’épargne doit encore suivre et nombre de propositions majeures de la Commission, telles que l’assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés et la fiscalité de l’énergie, progressent trop lentement.

Il est également temps d’accélérer les travaux en cours dans le domaine de la taxe sur les transactions financières, qui permettra d’obtenir du secteur financier une contribution équitable aux coûts de la crise.

Créer des emplois et un véritable marché européen de l’emploi

La Commission a présenté plusieurs initiatives destinées à favoriser la mobilité professionnelle et à contribuer à créer un véritable marché européen du travail. Ainsi, en octobre 2012, la Commission a adopté une décision visant à moderniser le réseau EURES et elle a adopté une directive pour aider les travailleurs à exercer leurs droits dans le contexte de la liberté de circulation, qui vise à favoriser l’intégration des travailleurs dans leur nouvelle société. Tout récemment, la Commission a adopté une décision de formalisation du réseau existant des services publics de l’emploi, qui aidera à renforcer la coordination des politiques d’emploi au niveau de l’UE.

Le taux de chômage élevé, particulièrement chez les jeunes, représente l’un des défis économiques et sociaux les plus graves auxquels l’Europe est confrontée. Ainsi qu’il est décrit dans le rapport d’accompagnement sur l’emploi des jeunes, le chômage des jeunes a atteint des niveaux inacceptables et des actions urgentes, tant au niveau national qu’au niveau européen, sont nécessaires pour aider les jeunes à réintégrer le monde du travail, de l’enseignement ou de la formation.

La Commission a adopté un paquet en faveur de l’emploi des jeunes en décembre dernier, qui proposait une « garantie pour la jeunesse ». Le Conseil a approuvé cette « garantie pour la jeunesse », qui doit à présent être mise en œuvre au niveau national et sera soutenue par les fonds structurels de l’UE. Pour être prêt pour le début de 2014, un accord devra rapidement être obtenu sur les nouveaux règlements relatifs aux fonds structurels et sur l’initiative pour l’emploi des jeunes (dotée de 6 milliards d’EUR). Les États membres et la Commission sont en train de mettre la dernière main à leurs accords de partenariat et aux programmes opérationnels pour la prochaine période, ce qui devrait permettre de concentrer le financement sur les priorités immédiates en matière de création de croissance et d’emplois.

En outre, la communication sur l’éducation et les compétences doit faire l’objet d’un suivi au niveau de l’UE et au niveau national, et il convient de progresser encore sur les mesures favorables à la mobilité comme celles relatives à la portabilité des droits à pension ou à la reconnaissance des qualifications professionnelles, pour contribuer à la construction d’un véritable marché européen de l’emploi.

Exploiter le potentiel de croissance des échanges

De nombreux progrès ont été accomplis ces derniers mois en vue d’exploiter le potentiel de croissance des échanges. Parallèlement aux négociations en cours avec un certain nombre de partenaires internationaux clés, des négociations seront entamées prochainement avec les États-Unis maintenant fois que le projet de directives de négociation présenté par la Commission a été adopté. Ces négociations offrent d’énormes possibilités en termes de croissance et d’emploi : un accord commercial

entre l’Union européenne et les États-Unis, qui constituerait l’accord bilatéral le plus important encore jamais négocié, pourrait accroître de 0,5 % la production économique annuelle de l’Union.

Les travaux sur la proposition de la Commission relative à l’accès aux marchés publics des pays tiers doivent encore obtenir l’accord du Conseil et du Parlement européen. Il serait nécessaire d’accélérer. Cette mesure vise à faire en sorte que toutes les entreprises, européennes ou non, soient sur un pied d’égalité lorsqu’elles sont en concurrence sur le lucratif marché des appels d’offres publics de l’UE.

Créer un cadre réglementaire approprié pour la croissance

La réglementation intelligente est une responsabilité conjointe de la Commission et des États membres. Qu’il s’agisse de son système très performant d’analyse d’impact ou de l’évaluation de la législation de l’UE en vigueur, la Commission a intensifié ses efforts pour que l’UE poursuive ses objectifs de manière à ne pas représenter une charge excessive pour les entreprises, les administrations publiques et les citoyens européens. Pour leur part, le Parlement européen et le Conseil doivent être vigilants lorsqu’ils modifient les propositions de la Commission et les États membres devraient éviter de créer des charges supplémentaires lors de la mise en œuvre de la réglementation européenne.

La Commission a formulé une série de propositions de réduction de la charge administrative, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, et elle a déjà atteint l’objectif qu’elle s’était fixé de réduire de 25 % la charge administrative qui découle de la législation de l’UE. Les mesures adoptées au niveau de l’UE jusqu’en décembre 2012 ont permis aux entreprises de réaliser des économies à hauteur de 30,8 milliards d’EUR par an, mais les propositions de la Commission présentent un potentiel total de réduction des charges qui avoisine les 41 milliards d’EUR. Le Parlement européen et le Conseil doivent donc encore poursuivre leurs efforts.

Le programme REFIT de la Commission et le tableau de bord concernant les PME permettront de garder constamment un œil sur les charges, tandis que la Commission assurera le suivi des préoccupations exprimées par les PME à l’occasion de l’exercice « top 10 », comme annoncé dans la communication d’accompagnement.

Parmi les améliorations du cadre réglementaire figure également le plan d’action « Entrepreneuriat 2020 », qui doit faire l’objet d’un suivi au niveau de l’Union et au niveau national. Il est important que les propositions ambitieuses de la Commission soient préservées par le Conseil et pleinement mises en œuvre dans les États membres.

Approfondir l’UEM et promouvoir la stabilité financière

La stabilité est une condition préalable à une croissance durable. L’achèvement de l’architecture de l’union économique et monétaire (UEM), et en particulier de l’union bancaire, sera essentiel pour garantir la croissance future et prévenir la résurgence des déséquilibres.

La mise en œuvre du mécanisme de surveillance unique et des progrès rapides sur la proposition à venir de la Commission en vue d’un mécanisme de résolution unique sont deux composants essentiels de ce processus. La Commission a exposé une vision globale pour l’approfondissement de l’UEM dans le projet détaillé pour une UEM véritable et approfondie et a ensuite exposé comment il serait possible de mettre en place une plus grande coordination préalable et un instrument de convergence et de compétitivité.

Il est important de poursuivre les efforts sur tous ces fronts si l’on veut garantir que la reprise économique en Europe s’appuie sur les fondations les plus solides possibles.

***

Un an après que les chefs d’État et de gouvernement ont approuvé le pacte pour la croissance et l’emploi, le consensus européen entre les États membres et les institutions européennes doit se traduire en résultats concrets pour la croissance et l’emploi. La Commission européenne continuera à jouer pleinement son rôle et invite :

• le Conseil européen à réaffirmer l’urgence de la mise en œuvre de tous les aspects du pacte pour la croissance et l’emploi ;

• les États membres à poursuivre leurs efforts de réforme avec courage et détermination, conformément aux recommandations par pays qui seront adoptées en juillet 2013 ; et

• le Parlement européen et le Conseil à accélérer l’adoption des propositions les plus susceptibles de dynamiser la croissance.

ANNEXE NO 2 : LISTE DES PROJETS DRESSÉE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE ET LES ÉTATS MEMBRES (SOURCE SITE INTERNET DE LA BEI, EXTRAIT LISTE DES PROJETS FRANÇAIS)

La liste complète de l’ensemble des projets soumis à la task force se trouve à partir du lien suivant : http ://ec.europa.eu/priorities/jobs-growthinvestment/plan/docs/project-list

MISE AEN ŒUVRE DU PACTE POUR LA CROISSA

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ANNEXE NO 3 : MISE EN œUVRE DU PACTE POUR LA CROISSANCE ET L’EMPLOI

RAPPORT AU CONSEIL EUROPÉEN DE LA COMMISSION EUROPEENNE, 18 - 19 OCTOBRE 2012

Le pacte pour la croissance et l’emploi adopté par les chefs d’État ou de gouvernement lors du Conseil européen de juin fait partie intégrante de la réponse de l’Union européenne à la crise économique et financière. Il complète et renforce les efforts actuellement déployés pour rétablir la stabilité financière et approfondir l’union économique et monétaire. Les mesures déterminées d’aujourd’hui visant à favoriser la croissance, à créer des emplois et à redynamiser l’économie de l’Europe porteront leurs fruits dans les décennies à venir.

La Commission a soumis un large éventail de propositions de nature à favoriser la croissance, qui font partie du pacte pour la croissance et l’emploi, et travaille main dans la main avec le Parlement européen et le Conseil afin d’en assurer l’adoption et la mise en œuvre rapides de sorte que leurs résultats positifs se fassent ressentir le plus rapidement possible dans l’économie.

Des progrès encourageants ont été accomplis en ce qui concerne certains aspects du pacte pour la croissance et l’emploi depuis le mois de juin ; ainsi par exemple, l’augmentation du capital de la BEI est en cours et des progrès ont été enregistrés en ce qui concerne les emprunts obligataires liés à des projets pilotes. Toutefois, dans d’autres domaines, les résultats ont été décevants et la forte détermination politique des chefs d’État ou de gouvernement et du Parlement européen n’a pas encore débouché sur une intensification des travaux qui devrait permettre d’obtenir rapidement des résultats sur le terrain.

Le présent rapport et l’annexe qui l’accompagne font le point sur les progrès accomplis et mettent en lumière les domaines dans lesquels il convient de redoubler d’efforts en vue de promouvoir activement les possibilités de croissance.

Renforcer la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020 :

Les priorités à mettre en œuvre pour la réforme et la modernisation de l’économie européenne font l’objet d’un large consensus. L’adoption, par le Conseil, des recommandations par pays pour 2012 doit maintenant être suivie par une action déterminée au niveau national pour mettre ces recommandations en pratique. Le nouveau système de gouvernance économique européenne s’avère efficace, mais n’est pas terminé : l’accord sur le paquet de deux mesures législatives dit « two pack », visant à renforcer davantage la coordination de la politique budgétaire dans la zone euro, demeure une priorité absolue. Les progrès relatifs aux propositions de la Commission en vue d’une union bancaire et les travaux à plus long terme sur l’union économique et monétaire contribueront à rétablir la confiance dans l’économie et à créer des conditions propices à la croissance.

Approfondir le marché unique :

L’énorme potentiel que représente le marché unique en tant que moteur de la croissance n’a pas encore été pleinement exploité. Les progrès accomplis dans la réalisation des actions clés du premier Acte pour le marché unique ont été inégaux. L’adoption récente de la législation relative à la normalisation est une mesure positive. Les colégislateurs

devraient s’attacher à adopter des propositions clés concernant le brevet unitaire, le capital-risque, les fonds d’investissement social, la comptabilité et les modes alternatifs de résolution des conflits avant la fin de l’année et à accélérer les travaux relatifs à d’autres actions clés, tels que les marchés publics, les qualifications professionnelles, le détachement de travailleurs, la taxation de l’énergie et les signatures électroniques – domaines dans lesquels les progrès n’ont, jusqu’à présent, pas répondu aux attentes. La Commission vient de proposer une nouvelle série de mesures visant à renforcer la croissance dans un second Acte pour le marché unique. Elle a également accéléré ses travaux concernant la mise en œuvre de la directive sur les services, la suppression des dernières restrictions illégales sur les structures ou les capitaux des sociétés et la facilitation de l’accès aux professions réglementées et invite les États membres à participer pleinement à ces travaux.

Interconnecter l’Europe :

Nous avons fixé des échéances ambitieuses, mais réalistes, pour la réalisation du marché unique numérique et du marché intérieur de l’énergie. Les décisions et les mesures que nous prenons aujourd’hui détermineront les résultats que nous pourrons obtenir. La Commission va prochainement présenter un plan d’action détaillant les mesures à prendre par chaque État membre pour parachever le marché intérieur de l’énergie. Ce plan s’appuiera sur les directives en matière d’efficacité énergétique récemment adoptées. De même, la révision à mi-parcours de la stratégie numérique, qui sera publiée avant la fin de l’année, mettra en évidence les domaines dans lesquels des obstacles subsistent et où des mesures doivent être prises. L’accélération des travaux relatifs à la proposition de la Commission sur la gestion collective des droits et les initiatives à venir sur le droit d’auteur et les services audiovisuels constitueront également une contribution majeure. Un accord ambitieux sur le mécanisme pour l’interconnexion en Europe traduira clairement l’intention de la Commission de réaliser les investissements nécessaires en matière d’infrastructures pour l’énergie, le numérique et les transports.

Créer le cadre réglementaire approprié pour la croissance :

La Commission fera rapport, d’ici à la fin de 2012, sur les progrès considérables qui ont été accomplis en matière de réglementation intelligente et s’attellera à réduire davantage encore la charge réglementaire tant au niveau de l’UE qu’au niveau national. Au début de 2013, la Commission présentera un premier rapport sur l’état d’avancement et le tableau de bord des actions en cours pour adapter la réglementation de l’UE aux besoins des PME et des microentreprises.

Construire une Union de l’innovation :

L’innovation est capitale pour la croissance et la compétitivité futures de l’UE. La Commission a exposé comment renforcer l’Espace européen de la recherche et a présenté une stratégie ambitieuse pour les technologies génériques essentielles. Un accord sur les propositions de programmes Horizon 2020 et COSME dans le cadre du prochain CFP offrira aux chercheurs et aux PME l’impulsion dont ils ont tant besoin. Les actions exposées par la Commission dans son récent examen de la politique industrielle de l’UE aideront l’Union européenne à conserver son avance technologique et faciliteront les investissements à un stade précoce du développement de nouvelles technologies.

Investir dans la croissance :

Les mesures de financement de 120 milliards d’euros inscrites dans le pacte pour la croissance et l’emploi offrent d’importantes possibilités pour stimuler la croissance et les investissements du secteur privé. L’augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement est désormais acceptée : 90 % seront disponibles au plus tard en mars 2013. Le programme 2013 de prêts de la BEI reflétera la capacité de prêt accrue. Les premières obligations de l’UE liées à des projets seront lancées dans les mois à venir, dans l’attente de la signature d’un accord de coopération entre la Commission et la BEI à la fin du mois d’octobre. Le Conseil d’administration de la BEI a déjà approuvé une réserve de projets. La Commission continue à travailler avec les États membres en vue de reprogrammer et d’accélérer les dépenses des fonds structurels de l’UE pour soutenir la croissance. Cependant, les décisions à prendre cette année sur la base du budget 2013 et le prochain cadre financier pluriannuel seront révélateurs de l’engagement collectif à investir dans la croissance et la compétitivité. La Commission ne dispose pas de crédits de paiement suffisants pour couvrir les demandes de paiement actuellement soumises par les États membres. Ce sont des obligations légales qui doivent être honorées et les retards dans l’exécution des paiements ne contribueront pas à rétablir la croissance et la confiance en notre économie.

Élaborer une politique fiscale favorable à la croissance :

La Commission a présenté une série de propositions – concernant par exemple la révision de la directive sur la fiscalité des revenus de l’épargne, une assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés, la taxation de l’énergie et les mandats pour la négociation d’accords sur la fiscalité de l’épargne avec des pays tiers – qui, une fois adoptées, contribueront au renforcement des recettes publiques et offriront des opportunités stimulant la croissance et soutenant l’assainissement budgétaire. Toutefois, l’avancement des travaux au Conseil et au Parlement européen demeure insuffisant. La Commission appelle à un engagement renouvelé à progresser dans ce domaine, notamment par la mise en œuvre du plan d’action sur la fraude et l’évasion fiscales comprenant une initiative sur les paradis fiscaux, qui doit être adopté au cours de cette année. Dès que les exigences minimales pour l’adoption d’une taxe sur les transactions financières grâce à une coopération renforcée seront réunies, la Commission présentera une proposition en vue d’une décision d’autorisation.

Créer des emplois et un véritable marché européen de l’emploi :

Les États membres doivent continuer à agir pour faire face aux défis économiques et sociaux posés par le chômage élevé et l’évolution démographique. Le cadre pour le progrès est en place ; il est maintenant essentiel de le mettre en œuvre. La Commission a lancé un ambitieux « paquet emploi » indiquant les principales mesures visant à soutenir la création d’emplois, à rétablir la dynamique du marché du travail et à améliorer la gouvernance de l’UE, et plaide en faveur d’une accélération des travaux sur la portabilité des droits à pension. Au niveau européen, la réforme d’EURES visant à transformer cet outil en une véritable plateforme de recrutement et de placement est en cours et la Commission proposera prochainement une communication invitant à repenser les systèmes éducatifs et un paquet en faveur de l’emploi des jeunes s’appuyant sur l’initiative sur les perspectives d’emploi des jeunes et comprenant des propositions relatives à une garantie pour la jeunesse. Les travaux relatifs à la proposition de la Commission sur les droits des travailleurs détachés doivent être accélérés.

Exploiter le potentiel du commerce :

Des progrès ont été enregistrés dans les négociations commerciales avec un certain nombre de partenaires internationaux. Des accords ont été signés avec le Pérou et la Colombie et les accords avec Singapour et le Canada devraient être finalisés d’ici la fin de l’année. La Commission a proposé des directives de négociation avec le Japon et les négociations se poursuivent avec l’Inde, qui nécessitent un nouvel élan. Les travaux sur les propositions de la Commission relatives à l’accès aux marchés publics des pays tiers devraient également être accélérés.

Dans tous ces domaines, le succès du pacte pour la croissance et l’emploi exigera un partenariat renforcé entre les institutions européennes et les États membres. La Commission européenne continuera à jouer pleinement son rôle et invite notamment :

•  le Conseil européen à confirmer l’urgence de la mise en œuvre de tous les aspects du pacte pour la croissance et l’emploi ;

•  les États membres à poursuivre leurs efforts de réforme avec courage et détermination, conformément aux recommandations par pays adoptées en juillet 2012 ; ainsi que

•  le Parlement européen et le Conseil à accélérer l’adoption des propositions les plus susceptibles de dynamiser la croissance.

Mise en œuvre du pacte pour la croissance et l’emploi : mesures à prendre au niveau des États membres (…).

IP/14/2480

Commission européenne - Communiqué de presse

Offensive en faveur de l’investissement en Europe : la task force de l’UE recense 2 000 projets potentiels pour un montant de 1 300 milliards d’euros

09 décembre 2014

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COMMISSION EUROPÉENNE - BANQUE EUROPÉENNE D'INVESTISSEMENT

Bruxelles/Luxembourg, le 9 décembre 2014

Aujourd’hui, la task force de l’UE sur les investissements a publié un rapport indiquant qu’il existe un potentiel d'investissement significatif en Europe. Ce rapport recense environ 2 000 projets dans toute l'Europe équivalant à près de 1 300 milliards d'euros d'investissements potentiels, dont des projets pour plus de 500 milliards d'euros qui pourraient être mis en œuvre au cours des trois prochaines années. De nombreux projets ne sont actuellement pas réalisés en raison d’obstacles financiers, réglementaires ou autres.

M. Jyrki Katainen, vice-président pour l'emploi, l'investissement et la compétitivité, a déclaré : « Le rapport publié aujourd'hui indique qu'il existe d'énormes besoins d'investissement et des projets viables qui pourraient stimuler la croissance économique et offrir davantage de perspectives d'emploi en Europe. Nous avons connu une discordance entre les investissements disponibles et les projets crédibles sur le terrain. Aujourd’hui, nous faisons un grand pas en avant pour rétablir la confiance des investisseurs et mettre en corrélation investissements et projets. »

M. Werner Hoyer, président de la BEI, a déclaré : « Les travaux de la task force ont permis de démontrer qu'il existe suffisamment de projets d'investissement en Europe. Les États membres ont présenté un grand nombre de propositions sur lesquelles nous pouvons nous baser pour créer une réserve de projets et nous assurer que nous injectons des fonds là où ils pourront le mieux répondre à la demande. Il nous faut à présent évaluer ces projets et sélectionner ceux qui sont économiquement viables et peuvent le mieux stimuler la compétitivité de l'économie européenne. La BEI est disposée à financer les projets figurant sur la liste, ainsi que tout autre projet remplissant les critères appropriés de viabilité et de pertinence stratégique. Il est également urgent de lever les obstacles non financiers significatifs qui ont été recensés par la task force et qui empêchent la réalisation d'investissements dans des projets viables ».

Une réserve transparente de projets d’investissement

Le rapport recommande des mesures immédiates afin de créer une réserve transparente de projets d’investissement. L’identification de projets par la task force est une première étape vers la création d’une réserve novatrice et transparente de projets dans lesquels il est possible d'investir. Cette mesure est essentielle pour rétablir la confiance et encourager les investisseurs à investir et à développer les compétences en Europe. Le manque d’informations crédibles et transparentes sur les projets constitue actuellement un obstacle majeur aux investissements.

L’idée principale consiste à fournir une réserve de projets fiables qui permettront de rétablir la confiance des investisseurs et de dégager des investissements du secteur privé afin de compléter le financement provenant des États membres et de l’UE. Ces projets pourront bénéficier d'un financement du secteur privé uniquement, par l'intermédiaire des États membres ou d’autres sources de financement de l’UE, y compris le nouveau Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI).

La task force s’est concentrée sur des projets dans les principaux domaines porteurs de croissance : la connaissance, l’innovation et l’économie numérique ; l'union de l’énergie, les infrastructures de transport, les infrastructures sociales et les ressources naturelles et l’environnement. Elle a également analysé les investissements pour ce qui est des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), qui forment l'épine dorsale de l'économie de l'Union européenne en matière de création d'emplois, d'innovation et de croissance.

Les listes de projets fournies à la task force par les États membres et la Commission, et qui sont publiées aujourd’hui, constituent un point de départ. Elles ne signifient pas pour autant que d’autres investissements potentiellement viables ne pourront pas être intégrés à un moment donné. Tout projet identifié par la task force devra être évalué de manière approfondie avant de pouvoir bénéficier d’un financement. Il n'y a pas d'engagements financiers automatiques de la part de la Commission européenne ou de la BEI pour des projets recensés par la task force et ceux-ci ne peuvent pas prétendre à un accès préférentiel à des fonds nationaux ou européens.

La task force a recommandé d'entreprendre les actions suivantes :

1. Améliorer l'environnement des entreprises

Il convient d'accorder la priorité à la suppression des obstacles réglementaires et non réglementaires significatifs dans tous les secteurs importants des infrastructures, notamment : l’énergie, les télécommunications, le numérique et les transports,et des obstacles dans les services et sur les marchés de produits, ainsi qu'à d'autres mesures visant à approfondir le marché unique, comme améliorer la réglementation, approfondir les marchés de capitaux ou réduire leur fragmentation. Parallèlement, les États membres doivent continuer à mettre en œuvre des réformes structurelles qui favorisent un environnement prévisible et propice aux entreprises.

2. Élaborer des plans d’investissement nationaux à long terme

Les États membres doivent s'engager politiquement pour élaborer des plans d'investissement stratégiques à long terme et échanger des bonnes pratiques concernant les projets économiquement viables. Ces derniers, ainsi que ceux de la réserve, pourraient être publiés sur des sites web spécialisés.

3. Fournir une assistance technique pour contribuer au développement de projets d’investissement solides

Le rapport recommande que l’UE mette en place une plate-forme consultative sous forme de « guichet unique » offrant un service continu de conseil et d’expertise destiné aux promoteurs de projets, aux investisseurs et aux pouvoirs publics. L’UE devrait également fournir des conseils sur la structuration des projets afin d'aider les promoteurs à attirer des investissements privés supplémentaires dans des projets présentant une valeur ajoutée européenne.

4. Effectuer des évaluations du rapport coûts-bénéfices

Les États membres devraient, pour les projets viables, procéder à des évaluations du rapport coûts-bénéfices pour identifier les solutions les plus efficaces pour la structuration des projets. La Commission et la BEI devraient fournir des conseils et élaborer des lignes directrices en la matière.

5. Promouvoir les instruments financiers innovants

Il est proposé dans le rapport que la Commission européenne et la BEI encouragent l’utilisation d'instruments financiers innovants pour catalyser les investissements privés dans des projets de dimension européenne. Les États membres devraient également accélérer l’utilisation des instruments financiers, en particulier dans le cadre des Fonds structurels et d’investissement européens.

Le rapport de la task force conclut que si on se concentre sur les réformes appropriées, on élargit le rôle du secteur privé et on met en place un marché des infrastructures de l’UE, la croissance économique, la compétitivité, l’emploi et le bien-être social seront stimulés.

Prochaine étape : Le rapport de la task force sera examiné par les ministres de l’économie et des finances (ECOFIN) le 9 décembre et présenté aux chefs d’État et de gouvernement lors du Conseil européen des 18 et 19 décembre.

Contexte : La task force spéciale de l'UE (États membres, Commission européenne, Banque européenne d'investissement) sur les investissements était menée conjointement par la Commission européenne et la Banque européenne d’investissement (BEI) et comptait des représentants de tous les États membres de l'UE. La task force a été mise en place en septembre, à la demande des ministres de l’économie et des finances de l’UE, et elle a été chargée d'identifier des actions concrètes pour stimuler l’investissement, y compris une réserve de projets de portée européenne qui pourraient être viables et seraient réalisés à court et à moyen terme. Cette initiative a été saluée par les dirigeants de l’UE en octobre, qui ont demandé que le rapport leur soit présenté lors de la prochaine réunion du Conseil européen en décembre.

ANNEXE NO 4 : LISTE DES PROJETS FRANÇAIS SOUMIS
À LA « TASK FORCE » DE LA BEI ET
DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
(DÉCEMBRE 2014)



Pays : France Contribution à la Taskforce sur l’Investissement – Exemples de projets et programmes d’investissement

14/11/2014

(source Banque Européenne d’Investissements)

Introduction

Comme prévu dans le calendrier des travaux de la task force, nous présentons une liste indicative de projets et programmes, dans le format demandé, qui selon nous satisfont les critères agréés par la task force (et notamment valeur ajoutée européenne, viabilité économique, projets démarrant dans les trois ans). Cette liste appelle les commentaires suivants :

1- Cette liste est à vocation illustrative, comme évoqué au sein de la Task Force. Elle est donc sans préjudice d’autres projets et programmes dont les autorités françaises seraient amenées à demander le moment venu un financement au titre du plan d’investissement européen (ou d’un autre instrument européen).

2- Etant donné le temps imparti pour constituer la liste, il n'était pas possible de tendre à l'exhaustivité et en particulier d’identifier et d’inclure des projets portés par les collectivités territoriales et les collectivités d’outre-mer susceptibles de remplir les critères. Ensuite, toujours en raison du calendrier très serré, il n’a pas été possible d’associer et de consulter pleinement les différentes parties prenantes sur cette liste (collectivités locales, parlementaires, opérateurs etc). Enfin, certains projets devront être approfondis et affinés. Nous nous réservons donc le droit de compléter et amender cette liste.

3- La liste jointe se caractérise par une proportion importante de programmes plutôt que de projets spécifiques. Nous pensons en effet qu'une relance rapide des investissements en Europe impose de centrer notamment les efforts sur des projets granulaires mais facilement réplicables. C'est par exemple le cas de la rénovation thermique des bâtiments, ou les programmes de prêts aux PME (usine du futur) et de soutien à l'innovation partenariale ("SISME"). Nous sommes convaincus que ce type de programmes peut rapidement être mis en œuvre et produire ses effets, pourvu qu'une organisation adaptée et simple soit mise en place. Notre expérience montre que plus les procédures sont simples et rapides, plus les projets présentés sont de bonne qualité.

4- Certains programmes ne sont qu'esquissés (instituts de recherche technologique européens, usines pilotes KETS par exemple). Nous avons des projets précis en tête, mais ils demanderaient d'être discutés plus avant au niveau européen. Nous transmettons d’ailleurs en annexe des fiches sur ces programmes pour compléter la description succincte qui en est faite dans le tableau.

5- Certains projets, minoritaires, peuvent apparaître coûteux en subventions. Nous les avons sélectionnés tout de même, soit parce que ils offrent un effet de levier rapide et substantiel, soit parce que leur valeur socio-économique apparaît très élevée. C'est le cas notamment de l'injection massive du numérique dans les méthodes éducatives.

6- Une part importante des projets et programmes concernent le développement durable. C'est en effet un thème qui offre de larges opportunités pour concilier effet de relance et intérêt économique à long terme.

7- Nous souhaitons également insister sur l'importance d'inclure, aux côtés des projets d'infrastructures, des volets substantiels de soutiens et incitations aux investissements des entreprises, notamment dans l'industrie, dont la compétitivité est fondamentale pour l'UE.

8- Enfin, un « pipe » de projets d’investissement importants pour la France ne figurent pas dans ce tableau, soit parce qu’un financement « classique » par la BEI est envisagé (pour les hôpitaux par exemple) soit parce qu’un financement sur le budget européen est déjà sérieusement envisagé, notamment au titre du mécanisme européen d’interconnexions (canal Seine Nord et Lyon Turin par exemple), soit encore parce que la France s’est déjà organisée pour en assurer le financement complet pour les 3 prochaines années. Ces sujets, comme les réseaux numériques à très haut débit, constituent néanmoins un investissement clé pour l’Europe et pourraient figurer dans le plan européen.

Secteur

Sous-secteur

Nom du projet

Entité chargée de la mise en œuvre

Description

Inclus dans un programme d’investissement national (oui/non)

Statut

Coût d’investissement total (Md€)

Investissement en 2015 – 2017 (Md€)

Barrières/solutions

I – CONNAISSANCE ET ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

Connaissance et économie numérique

R&D

Publique -R&D privée et innovation

SISME Programme : Smart Innovation for SMEs (cf. annexe)

Ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique

Soutenir des projets collaboratifs de R&D au niveau des EM impliquant au minimum une entreprise, en priorité une PME, et un centre de recherche, portant sur des enjeux d’intérêt

national/européen, et susceptibles d’aboutir à la commercialisation de nouveaux produits et services, créateurs d’emploi et de valeur. La génération de chiffres d’affaires

supplémentaire est estimée à 7 fois en moyenne

l’investissement initial en R&D.

Des liens forts existent avec Horizon 2020 et COSME

Non, mais lié à des actions existantes (pôles de compétitivité, programme PSPC des Investisse-ments d’avenir)

Avant-projet, susceptible d’être lancé rapidement.

0,9 Md€ (si expérimentation sur 3 ans) en France.

0,9 Md€ en France.

De nombreuses PME ont des difficultés d’accès aux financements, ou des ressources internes insuffisantes pour innover.

Pour y remédier, et outre la mise en relation des entreprises avec les centres de recherche, des subventions avec redevance sur chiffre d’affaires induit et prêts à hauteur de 50 % des investissements en R&D. (soit 0,45 Md€ en France sur 3 ans par exemple).

Connaissance et économie numérique

R&D publique – R&D privée et innovation

European technologi-cal

partnership

institutes (cf. annexe)

En France, Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et Ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique

Soutenir des instituts partenariaux (labos publics/groupes d’entreprises) de R&D.

A titre d’exemple, création de l’Institut Européen d’Hydrométallurgie (développement de nouvelles technologies, nouveaux procédés – enjeu des métaux critiques). Cette initiative s’inscrirait dans le prolongement du PEI Matières Premières.

A titre d’exemple, soutenir l’ouverture des données et le Big Data en santé (développement de bases de données fiables UE, de services adaptés aux besoins des patients (investissements matériels et immatériels dans des outils d’anonymisation, documentation des données)

Passage à l’échelle européenne d’un programme français, limité par son aspect national

Au moins un avant-projet existant. Appel à projets nécessaires (procédure compétitive)

2 Mds sur

10 ans

0,4 Md

Cofinancement public à 50 % (subventions plus apport en nature des labos publics)

Pour 10 ETPI : 1Mds sur 10 ans, 0,2 sur 3 ans (subventions)

       

A titre d’exemple, Très Grande Infrastructure de Recherche européenne numérique. (rassemblement des grands centres de données thématiques (santé génomique, environnement, physique, énergie), le réseau et le cloud, et l’apport du calcul haute performance et haut débit) infrastructures de plateformes de données, production d’interfaces applicatives,

         

Connaissance et économie numérique

R&D privée et Innova-tion

Soutien aux investisse-ments dans les usines pilotes de nouvelle génération, notamment sur les technologies clés (cf. annexe)

En France, Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement

Supérieur et de la Recherche et Ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique

Il s’agirait de lancer un plan d’investissement facilitant l’installation sur le territoire européen d’usines pilotes, permettant de transformer en création d’emplois et d’usines de nouvelle génération les investissements initiaux soutenant la R&D et l’innovation. Ces investissements pourraient être en partie ciblés sur les technologies clés génériques (microélectronique, photonique, nanotechnologies, matériaux avancés, procédés de fabrication, biotechnologies). Les pays hors Union Européenne apportent un soutien massif à l’industrialisation des nouvelles technologies. Ce plan serait mis en œuvre en lien étroit avec les actions entreprises par Horizon 2020.

Non, mais liens étroits avec le Programme d’investissem ent d’avenir sur les technologies clés

génériques en France.

Avant-projet,

pouvant

s’appuyer en

France sur

un

programme

existant.

Un

lancement

en 2015 peut

être

envisagé

15 Md€

15 Md€

Des obstacles réglementaires existent pour l’installation et la rénovation d’unités de production (notamment le régime d’aides d’État pour les soutiens publics nationaux), et un lourd besoin de subventions, prêts, garanties de prêts et avances

remboursables existe, de l’ordre de 5 Md€.

Connaissance et économie numérique

R&D publique et privée – Infrastructure TIC

Filières européennes de composants critiques

En France, Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche

Ce projet vise à permettre le développement de filières européennes de composants critiques, notamment dans le spatial, afin de réduire la dépendance de l’Europe vis-à-vis des importations de ces composants. Cette dépendance se traduit aujourd’hui par une perte significative de chiffres d’affaires à l’export de l’industrie européenne vers certains pays.

Liens avec Horizon 2020.

Non, pas actuellement.

Phase d’avant-projet. –

Un lancement en 2015 peut être envisagé

1 Md€ UE.

1 Md€ UE.

Un soutien public sous forme de subvention permettrait d’accroître l’accès autonome de l’Europe aux composants critiques. L’ordre de grandeur du financement européen souhaitable est de 500 M€.

Connaissance et économie numérique

R&D privée et innovation

Fonds de fonds paneuro-péen de capital-risque (cf. annexe)

Groupe BEI et fonds

d’investisse-ment européens

Mise en place d’un fonds de fonds paneuropéen de capital risque susceptible de souscrire dans plusieurs fonds paneuropéens directs en capital risque, de taille suffisamment importante pour pouvoir répondre aux besoins des entreprises industrielles innovantes.

Le ciblage de certaines priorités sectorielles stratégiques pour le développement de l’Europe industrielle (biotechnologies, ingénierie, numérique, valeurs technologiques,) permettrait de développer une stratégie d’investissement paneuropéenne.

La stratégie

d’investissement pourrait faire utilement émerger des ETI européennes dans une stratégie de rapprochement d’entreprises innovantes et rentables des différents EM.

Réponse à un besoin européen en termes de soutien au capital-risque.

Non, pas actuellement.

Ce programme serait complémen-taire à la démarche nationale, sur fonds du Programme des Investisse-ments d’Avenir, de création d’un fonds de fonds multithématique de capital-risque/capital-développe-ment

technologique.

Phase d’avant-projet. –

Un lancement en 2015 peut être envisagé

5 Md€ UE pour initier la mise en œuvre du fonds (apport en capital)

5 Md€ UE pour initier la mise en œuvre du fonds (apport en capital)

Les conclusions du Conseil européen depuis 2011 font régulièrement état de la nécessité de redynamiser le capital-risque en Europe pour répondre à la faiblesse structurelle des investissements en fonds propres par le capital-risque dans les jeunes entreprises et les entreprises innovantes.

Une stratégie d’investissement paneuropéenne pourrait répondre à cette faiblesse structurelle, renforcée par la crise de 2008.

Connaissance et économie numérique

Infrastructure TIC

Création

de

Campus

Universi-taires européens équipés pour et en pointe de la révolution numérique

Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche

Favoriser les investissements numériques au niveau de groupement d’établissements d’enseignement supérieur, éventuellement appartenant à plusieurs EM.

Mise en place de communautés d’établissements d’enseignement supérieur virtuelles en Europe (visioconférences, téléprésence, télétravaux et télé amphithéâtres), notamment grâce à l’installation de la fibre optique très haut débit.

Cet investissement favoriserait la mise en réseau des universités européennes, en accroissant la standardisation des infrastructures et des contenus pédagogiques (MOOCs)

Oui, certaines communautés ont été mises en place (notamment via les Contrats de Plan État/Région), mais les besoins en investissement restent massifs.

Les campus universitaire s pourraient être équipés dans les 2 prochaines années.

0,9 Md€ en France.

0,9 Md€ en France.

Lourds besoins

d’investissements

publics.

Des subventions additionnelles seraient nécessaires pour équiper les universités à la hauteur des besoins.

Économie digitale et de la connaissance

Infrastruc-ture

TIC

E-éducation

En France : le Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement

Supérieur et de la Recherche

Et le Ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique

Généraliser le numérique dans l’enseignement en déployant à grande échelle en Europe des terminaux et des contenus éducatifs numériques auprès des élèves, des enseignants et des établissements d’enseignement.

Ce projet permettrait de rationaliser les actions prises actuellement sur une base individuelle par les États membres.

Oui, en France, mais uniquement partiellement (collèges).

Phase d’avant – projet – déploiement possible à compter de 2015. Mise en œuvre sur 6 ans.

24 Md€ UE

6 Md€ UE

Ce type de projets requière des financements publics importants, essentiellement sous forme de subventions et, le cas échéant, sous forme de prêts.

Connaissance et économie numérique

R&D privée et Innovation

Investissement dans le développe-ment de la filière industrielle européenne des thérapies géniques

A définir. En France, ministère de la santé et ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique

Les acteurs de la santé ont déjà investis dans le domaine des thérapies géniques (en France, ex. de l’AFM Téléthon) et ont permis de disposer d’un grand portefeuille de candidats médicaments pour des maladies génétiques sans traitement disponible. La construction des premiers sites de production a permis de lancer des essais cliniques. L’enjeu est aujourd’hui d’accélérer le changement d’échelle pour assurer la poursuite des essais cliniques en Europe (financement des études de phase II et III ; augmentation des capacités de production).

Il s’agirait d’assurer l’investissement dans des plates-formes d’industrialisation des thérapies géniques.

Non.

Prolongement d’une infrastructure existante opérationnelle,

développée par l’AFM Téléthon à Evry.

Projet déjà avancé : les collaborations de recherche sont nombreuses, avec des essais multicentri-ques et des capacités de production pour les premiers lots cliniques.

Démonstrateur industriel déjà financé à Evry.

0,4 Md€ UE.

0,3 Md€ UE.

Des prêts de la BEI seraient utiles pour ce projet, en complément des financements privés.

Connaissance et économie numérique

Infrastructure

TIC

Usine du futur : diffusion du numérique dans les PME (cf. annexe)

Banque Européenne d’Investissement

Promouvoir l’intégration de technologies du numérique dans les entreprises (robotique, logiciels, objets connectés, outils de simulation numérique, outils d’échange de données), en recourant aux prêts numériques.

Prolongation d’un dispositif national (plan d’investissement d’avenir).

Oui,

amplification et généralisation d’un programme expérimental

Une année nécessaire pour la mise en place.

1 Md€ en France.

1 Md€ en France.

Des prêts BEI seraient utiles pour soutenir ce programme, dans une logique de cofinancement de 50 %.

La garantie de ces prêts nécessite de l’ordre de 10 % du coût d’investissement total.

Connaissance et économie numérique

Infrastructure

TIC

Equipement numérique des hôpitaux – territoires de soins numériques

Ministère des Affaires Sociales et de la Santé

Promouvoir l’intégration de technologies du numérique au sein des établissements de santé et dans une logique de parcours de soin. (réduction et rationalisation des systèmes d’information de soins ; extension des territoires de soins numériques)

Prolongation d’un dispositif national (plan d’investissement d’avenir).

Oui,

amplification et généralisation d’un programme expérimental

Avant-projet

0,4 Md€

En France.

0,3 Md€ en France.

Des prêts BEI et des subventions seraient utiles pour soutenir ce programme.

II- UNION DE L’ÉNERGIE

Union de l’énergie

Efficacité

énergétique

Plan d’investissement pour la Perfor-mance énergétique des bâtiments publics (cf. annexe)

En France, ministères du logement et du développement durable, collectivités et partenaires privés.

Destiné à réduire la consommation énergétique des bâtiments publics, hors logement social, (10 à 15 % des surfaces, 3 % des émissions de gaz à effet de serre en France), le programme permettrait de financer le développement des contrats de performance énergétique public-privé en drainant des financements privés vers ces projets.

Le programme permettrait donc d’assurer la diffusion du contrat de performance énergétique défini par la directive sur l’efficacité énergétique en ciblant dans un premier temps les bâtiments publics présentant le retour sur investissement le plus rapide.

Non.

Projet.

Jusqu’à 120 Md€ de travaux économique-ment viables pour l’Union européenne

Jusqu’à 40 Md€ par an pour l’Union européenne

Difficulté à financer l’investissement des collectivités publiques.

Le contrat de performance énergétique offre un outil adapté.

Garanties et refinancement de très long terme permettraient d’orienter des fonds privés vers ces contrats pour rendre possible de nombreux projets avec un effet de levier majeur (400 M€ de fonds propres devraient suffire à garantir 100 Md€ de travaux compte tenu du très faible risque de défaut des collectivités locales).

Union de l’énergie

Efficacité énergétique

Rénovation

Thermique des logements des propriétai-res occupants en situation de précarité énergétique

Ministère du logement, de l’égalité des territoires et la ruralité

Agence nationale de l’habitat

Ce projet vise à fournir des incitations financières pour les propriétaires (personnes physiques), sous plafond de ressources, investissant en vue d’accroître

significativement (+25 %) la performance énergétique de leur logement principal. Le programme dispose d’un effet de levier attesté sur la dépense privée des propriétaires pourtant modestes et d’un fort impact sur la structuration de la filière de rénovation du bâtiment et sur l’emploi sur l’ensemble du territoire.

Oui.

Généralisa-tion d’un programme expérimental exemplaire par ses vocations environne-mentale et sociale.

1,45 Md€

1,45 Md€

Absence d’incitations financières ou d’épargne privée suffisantes des ménages concernés pour financer ces investissements dans l’efficacité énergétique des logements.

Les subventions aux propriétaires (personnes physiques) réalisant des travaux en vue d’améliorer la performance énergétique des bâtiments permettraient d’augmenter ces investissements avec un fort levier pour les financements européens (1 pour 5 à 6 sur la base de 125 M€ annuels européens en 2016 et 2017).

Union de l’énergie

Efficacité

énergétique

Usine du futur : Programme d’appui à l’investissement productif concourant à la transition énergétique (cf. annexe)

Banque Européenne d’Investissement

Soutien aux

investissements matériels et immatériels des entreprises engagées dans les projets d’efficacité énergétique, acquisition d’équipements plus performants, systèmes de mesure, de gestion, de télégestion et automatismes, mise en place de procédés de gestion de l’énergie et/ou de process.

Oui, amplification et généralisation d’un programme expérimental.

Une année nécessaire pour la mise en place.

A l’échelle de la France, 1 Md€.

A l’échelle de la France, 1 Md€.

Prêts et garanties de la BEI, dans une logique de cofinancement de 50 %.

La garantie de ces prêts nécessite de l’ordre de 10 % du coût d’investissement total.

Union de l’énergie

Connections et production

Projet de déploiement de réseaux électriques intelligents

En France,

Electricité

Réseau

Distribution

France

(ERDF) et

collectivités

territoriales.

Afin de maîtriser la consommation énergétique en optimisant la gestion des réseaux grâce au numérique, le projet vise à développer les réseaux intelligents d’électricité.

Le projet finance des surcoûts du déploiement de réseaux électriques intelligents sur l’ensemble d’une maille de réseaux électriques (de la très haute tension à la basse tension, hors infrastructures de comptage communicant Linky), voire de dispositifs de maîtrise de la demande en énergie dans les bâtiments équipés de compteurs communicants.

Liens avec la directive sur l’efficacité énergétique.

Oui, plan industriel de la nouvelle France industrielle. Néanmoins, absence de financements à ce stade.

Projet susceptible d’être lancé à court terme.

Ce montant dépendra de

l’ampleur du déploiement : entre 0,2 et 0,8 Md€ à l’échelle de la France. Besoins publics à hauteur de 50 %.

A préciser, potentiellement 0,05 Md€.

Réglementation et régulation désincitative pour les gestionnaires de réseaux, et absence de pérennité des financements publics.

De 75 à 150 M de financements publics (tous financeurs) nécessaires.

Union de l’énergie

Connections et production

Déploiement massif de points de charge rapide pour

véhicules électriques

En France, le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie

Programme européen d’investissements pour le déploiement massif de points de charge normalisés sur le réseau transeuropéen de transport (RTE-T) afin d’accélérer

l’interopérabilité matérielle entre les pays et faciliter la diffusion du véhicule électrique.

 

Mise en œuvre possible dès 2015, sur 5 ans.

0,2 M€ pour 5.000 bornes en France.

0,12 Md€

Ce déploiement massif requière des prêts à long terme à taux réduits ainsi que des garanties.

Union de l’énergie

Connections et production

Réalisation d’une

Intercon-nexion électrique entre la France et l’Espagne pour porter l’échange de capacités de transport à 5.000 MW (THT de Golfe de Gascogne)

Gestionnaires des réseaux d’électricité français et espagnol

Financement d’études et d’équipements industriels (câbles, stations de conversion, contrat de génie civil et de déroulage de câble).

Effet structurant en Europe. Liens avec le MIE-énergie.

Oui.

Lancement des appels d’offres du projet pour une mise en service en 2024.

Possibilité d’une

forte

accélération

1,6 à 1,9 Md€

A affiner

Besoin de prêts à taux bonifiés et de subventions.

Union de l’énergie

Connections et production

Projet de gazoduc Val de Saône

Société GRTgaz

Achats de tubes et travaux de pose du gazoduc Val de Saône permettant la création d’une zone de marché unique de gaz en France. Contribution à la réalisation du corridor Nord-Sud de l’ouest européen.

Oui.

Projet approuvé par le régulateur français en mai 2014. Mise en service

escomptée pour 2018.

0,7 Md€, dont 0,3 Md€ à financer.

0,7 Md€, dont 0,3 Md€ à financer.

Subvention escomptée, par exemple du Mécanisme d’Interconnexion en Europe.

Union de l’énergie

Connections et production

Déploiement de compteurs communicants gaz France

Gaz Réseau

Distribution

France

Financement du déploiement de 11 millions de compteurs communicants gaz en France, permettant de remplacer les relevés semestriels sur place, chez les particuliers comme chez les professionnels. Ce projet permettrait d’améliorer la qualité de la facturation, de renforcer la maîtrise de la demande d’énergie, et de structurer une offre de services numériques.

Réponse à l’objectif européen de déploiement des smart grids.

Oui.

Déploiement à partir de 2016 et ce jusqu’en 2022.

1 Md€

A affiner

Au-delà du prêt de la BEI accordé pour 2014-2018, une subvention permettrait de réduire le coût pour les consommateurs.

Union de l’énergie

Connections et production

Garantie des risques réglemen-taires dans le cadre du déploiement des Energies Renouvela-bles

En France, ministère de l’environnement, du

développement durable et de l’énergie

Destiné à favoriser le développement des énergies renouvelables, le programme vise à garantir les investisseurs contre le risque d’évolution défavorable de la réglementation. Les garanties couvriraient donc la fraction de l’investissement qui ne correspond pas à la construction (couverture de 60 % de l’investissement)

Non

En projet

2 à 3 Mds par an

6 à 9 Md€

Les investisseurs privés hésitent à investir dans le développement des énergies renouvelables en raison de craintes sur le maintien dans la durée des engagements des États membres. Le programme vise donc à garantir les investisseurs privés contre le risque réglementaire. 3,6 à 5,4 Md€ de garanties seraient donc nécessaires pour orienter les capitaux vers ce secteur prioritaire pour l’Union européenne

III- TRANSPORT

Transport

Transport urbain / Nœuds urbains / ferroviaire

Charles-de-Gaulle Express

Ministère de l’Ecologie, du Développeme nt Durable et de l’Energie

Filiale commune entre

Aéroports de Paris et Réseau Ferré de France.

Issu d’un montage original associant une société privée et l’opérateur public d’infrastructures ferroviaires, ce projet vise à améliorer la liaison entre l’aéroport Charles-de-Gaulle (2ème aéroport de l’UE) et Paris et revêt un enjeu crucial pour la structuration du réseau des aéroports européens.

Il permettrait également de répondre à l’un des objectifs fixés par le MIE-transport : « mettre en œuvre des infrastructures de transport dans des nœuds du réseau central, y compris des nœuds urbains ».

Non, pas à ce stade.

Démarrage des travaux possible en 2017 – Mise en service attendue en 2023.

1,6 Md€

0,3 Md€

Insuffisance de financements à long-terme (en partie liée aux risques commerciaux inhérents aux projets d’infrastructure à long-terme de ce type) et montage juridico-financier à finaliser.

Le soutien attendu prendrait la forme de subventions, d’apport en fonds propres et de prêts. Une discussion est par ailleurs nécessaires avec la Commission européenne sur le montage envisagé.

Transport

Transport urbain / Nœuds urbains / ferroviaire

Grand Paris

Express et Eole

Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie

Société du Grand Paris

Syndicat des Transports de la région Ile-de-France

Inséré dans un programme de métro automatique qui vise à relier le quartier d’affaires de la Défense, les deux aéroports internationaux d’Ile-de-France, l’aéroport d’affaire du Bourget, le pôle de recherche du plateau de Saclay et les gares parisiennes, la ligne 15 sud entre le Pont de Sèvres et Noisy/Champs, d’une longueur de 33 km, peut déboucher sur des travaux rapides.

Par ailleurs, la prolongation de la ligne E du RER vers le quartier d’affaires de La Défense contribue aux mêmes objectifs.

Le programme représente un puissant outil reliant l’Europe à la métropole parisienne.

Il permettrait également de répondre à l’un des objectifs fixés par le MIE-transport : « mettre en œuvre des infrastructures de transport dans des nœuds du réseau central, y compris des nœuds urbains ».

Oui.

Accélération très nette des projets.

Démarrage des travaux pour Grand Paris

Express en 2015 – mise en service complète envisagée pour 2030.

Démarrage des travaux pour Eole en 2015 – mise en service envisagée pour 2020.

8,6 Md€

4,2 Md€

Insuffisance de financements à long-terme.

Dans l’attente de la perception de redevances sur les usagers, et en complément de recettes fiscales affectées, un mixage de prêts à taux bas et de subventions s’avère indispensable à l’équilibre financier du projet.

Transport

Corridors et

liens

manquants

Autoroute ferroviaire atlantique

Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie

Réseau Ferré de France

Régions partenaires

Aménager le réseau ferroviaire national entre la région lilloise et le sud de l’Aquitaine et construire deux terminaux (Dourges et Tarnos), bénéficiant au transport ferroviaire de fret et de passagers.

Lien avec le MIE-transport, car cet axe permet de relier plus facilement le nord de l’Europe à l’Espagne.

Oui, pour partie.

Contrat de concession signé et études d’aménagement en cours, conclusions de l’enquête publique en septembre

2014, accord de la Commission sur les aides d’État aux concession-naires, et finalisation du plan de financement en cours.

Démarrage des travaux à compter de 2015.

Ouverture du service à compter de 2016.

0,28 Md€

En France, dont 0,05 Md€ attendu du plan.

0,28 Md€

Barrières financières (infrastructures de réseaux impliquant un financement public, en plus des fonds propres du concessionnaire).

Un apport de subventions européennes est attendu car la valeur actuelle nette du projet est négative pour la France mais positive pour l’Europe.

Transport

Corridors et

liens

manquants

Projet d’extension du port de Calais

Conseil régional Nord-Pas de Calais

Premier port français de passagers et premier port continental pour le trafic maritime transmanche de passagers, le port de Calais doit être étendu afin de faire face à l’essor du trafic de passagers escompté au cours des prochaines années.

Ce projet prévoit la construction de nouveaux ouvrages et équipements pour faire face à ces besoins, ainsi que la modernisation des installations (infrastructures de gaz naturel liquéfié, accessibilité multimodale).

Oui, pour l’essentiel.

Premiers travaux envisagés en 2015.

0,7 Md€

en

France.

0,7 Md€ en France.

Les travaux sont prêts à être lancés, une fois le plan de financement finalisé.

Garantie d’emprunt demandée.

Transport

Corridors et

liens

manquants

Plan de rénovation du réseau ferroviaire français

Ministère de l’Ecologie, du Développeme nt Durable et de l’Energie

Réseau Ferré de France

Ce projet vise à assurer le maintien dans la durée des performances sur le réseau ferroviaire français, partie essentielle du réseau ferroviaire européen, par des investissements visant à moderniser le réseau (interopérabilité, renforcement des infrastructures au niveau des nœuds ferroviaires).

Lien avec les corridors européens du MIE-transport.

Oui

Accélération très nette du programme national

40 Md€ d’ici 2025.

5,5 Md€, dont un besoin de financement additionnel de 1,2 Md€.

Enjeux de financements, car l’ingénierie est maîtrisée.

1,2 Md€ nécessaires sous forme de subvention. Ce financement permettrait de lever d’autres sources de financement, tels que des prêts voire des project bonds.

Transport

Transport urbain

Modernisa-tion de la ligne

ferroviaire Serqueux-Gisors.

Réseau Ferré de France

Création d’un itinéraire de fret alternatif permettant de desservir le port du Havre en évitant la voie historique Le Havre – Rouen – Paris en limite de saturation, et permettant de développer les trafics fret du port de Rouen donc le report modal (objectif de transition énergétique). La modernisation de la ligne Serqueux-Gisors assurera

l’interconnexion avec le port du Havre au reste du réseau transeuropéen de transport (corridor transeuropéen Atlantique). Goulet d’étranglement ciblé par le MIE.

Oui.

Le projet devrait être mis en œuvre à court terme. La signature de la convention de financement des travaux est prévue pour février 2016 permettant l’engagement de travaux fin 2016 et une mise en service à l’horizon 2020.

0,3 Md€ en France

0,3 Md€ en France

Le passage en zone urbaine induit des inquiétudes des populations concernées (nuisances sonores, écologiques, environnementales, économiques et sanitaires).

Le principal obstacle au lancement du projet est néanmoins le bouclage du plan de financement, reposant sur des subventions (90 M€) de collectivités publiques : une subvention additionnelle permettrait un effet de levier sur la mobilisation des autres acteurs.

IV- INFRASTRUCTURE SOCIALE

Infrastructure sociale

Education et formation

Accueil des jeunes en apprentis-sage.

En France, Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement

Supérieur et de la Recherche

Ce projet viserait à soutenir la création ou la rénovation de centres de formation et de structures

d’hébergement des apprentis.

Lien étroit avec l’Initiative pour l’emploi des Jeunes et la Garantie Jeunesse.

Oui, mais uniquement partiellement, en France, via un programme d’investisse-ment d’avenir.

Prolonge-ment et renforcement d’initiatives existantes.

5 Md€ UE

A affiner

Ce type de projets nécessite des subventions et prêts.

Infrastruc-tures sociales

Environne-ment construit et services urbains

Fonds d’investissement dans les Grandes Opérations d’Aménagement pour le logement (GOAL)

Etablissements publics d’aménagement

Constitution d’un fonds d’investissement destiné à favoriser la libération de foncier, le financement de voiries, d’ouvrages d’art et d’équipements structurants pour déclencher de grandes opérations

d’aménagement et de production de logements.

Le programme contribuerait significativement à la relance de l’activité et de l’emploi.

L’effet de levier des fonds publics oscille entre 1 pour 20 et 1 pour 50 selon les opérations.

Non.

Discussions préparatoire s sur la création du fonds, lequel porterait toutefois sur des

opérations qui sont intervenues sur une base régulière au cours des dernières années

0,5 Md€

0,5 Md€

Insuffisance des fonds publics et privés disponibles.

Prêts, subventions et fonds propres seraient nécessaires pour déclencher les projets en contribuant à équilibrer le bilan des aménageurs.

Infrastructure

sociale

Environ-nement construit et services urbains

Fonds d’accroissement et de réhabilitation des capacités d’hébergement et d’accueil des populations transfrontalières

En France, Ministère du logement et Société Nationale Immobilière

Afin de répondre aux besoins d’hébergement de migrants et demandeurs d’asile notamment aux frontières, ce projet vise à créer un fonds d’investissement pour financer la création de 10.000 places et la réhabilitation de 20.000 places d’accueil en France.

Oui.

Lancement possible dès 2015.

1,8 Md€

1,8 Md€

Un soutien sous forme de subventions et de prêts au niveau européen permettrait de compléter les contributions nationales et régionales et d’assurer l’équilibre financier du projet.

Infrastructure

sociale

Environ-nement construit et services urbains

Nouveau programme national de renouvellement urbain

En France, Ministères du logement, de la Ville et Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine

Ce programme vise à régénérer 200 quartiers populaires parmi les plus dégradés pour prévenir et enrayer les mécanismes ségrégatifs et favoriser l’inclusion sociale. Le programme finance notamment les projets de rénovation et de reconstruction d’ensembles de logement, comme une meilleure desserte par les transports collectifs des quartiers enclavés

Oui.

Programme initié par la loi de

Programma-tion pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014. Environ 25 % des projets sont prêts mais ne pourront être financés immédiate-ment

25 Md€ sur 10 ans.

5 Md€

Insuffisance à court terme des financements publics pour accélérer les projets déjà prêts.

Ce programme pourrait faire l’objet de prêts de la BEI (performance énergétique des bâtiments) et de project bonds (infrastructures de transport collectifs desservant les quartiers) pour accélérer très fortement les investissements des projets matures.

V – RESSOURCES ET ENVIRONNEMENT

Ressources et environnement

Résilience au change ment climatique

Connais-sance des océans et prévention des submersions marines

Ministère de l’environnement, du

développement durable et de l’énergie

Service Hydrographique National

Météo-France

Ce programme comporterait deux actions : La mise en place d’une flotte océanographique commune appuyée sur un réseau de bouées instrumentées pour mettre en œuvre la directive cadre stratégie pour le milieu marin, pour laquelle un programme de surveillance du milieu et des pressions qui s’y appliquent est requis.

Une action qui gagnerait également à être européanisée visant à mieux anticiper les submersions marines en métropole et dans les outre-mer, en capitalisant sur l’expérience de prévision altimétrique Jason. Les utilisations de ce second projet sont multiples : sécurité de la navigation pour tous les types de navires, évaluation du potentiel des Energies

Oui, de manière expérimental e et partielle.

Projet en cours de définition, pour

poursuivre et amplifier les efforts nationaux

1 Md€ pour la première action sur 10 ans

0,06 Md€ pour la seconde dont 0,02 Md€

sollicités au titre du plan

0,3 Md€ en Europe pour la première action

0,06 Md€ pour la seconde

Une subvention permettrait de créer un effet de levier important.

       

Marines Renouvelables (EMR) sur les territoires en lien avec les futurs exploitants notamment (atterrage des câbles) Problématique européenne de lutte contre le changement climatique, projet Interreg Mapping European Seabed Habitats.

         

Ressources et environnement

Ressources naturelles

Systèmes d’irrigation économes en eau

Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie

Collectivités locales

Agriculteurs

Le programme vise à développer les systèmes d’irrigation enterrés et la réutilisation après retraitement de certaines eaux usées (zones littorales notamment) afin de réduire la consommation d’eau dans l’agriculture, de limiter certains prélèvements.

Non

Mise en œuvre sur trois ans

0,15 Md€ en France.

0,15 Md€ en France.

Appui escompté sous forme de prêts.

ANNEXE N° 5 : STIMULER L’INVESTISSEMENT
PERSPECTIVES ECONOMIQUES DE L’OCDE, VOLUME 2015/1

D:\Utilisateurs\IFREMIOT-MOUTENET\Bureau\(p. 224) Encadré 3.1. Investissements des filiales étrangères des sociétés nationales.png

D:\Utilisateurs\IFREMIOT-MOUTENET\Bureau\(p. 230) Tableau 3.1. Les niveaux d'investissement brut restent faibles.png

D:\Utilisateurs\IFREMIOT-MOUTENET\Bureau\(p. 231) Graphique 3.11. La composition du déficit d'investissement brut varie suivant les pays.png

C:\Users\IFREMIOT-MOUTENET\AppData\Local\Microsoft\Windows\Temporary Internet Files\Content.Outlook\S19LC9MO\(p. 233) Graphique 3.12. Écarts par rapport à la moyenne des dépenses d'investissement mondiales des sociétés.png

C:\Users\IFREMIOT-MOUTENET\AppData\Local\Microsoft\Windows\Temporary Internet Files\Content.Outlook\S19LC9MO\(p. 233) Graphique 3.13. L'investissement d'infrastructures a été faible dans l'ensemble des pays de l'OCDE.png

C:\Users\IFREMIOT-MOUTENET\AppData\Local\Microsoft\Windows\Temporary Internet Files\Content.Outlook\S19LC9MO\(p. 249) Graphique 3.21. La hausse des bénéfices réels des entreprises a été forte aux États-Unis mais moindre.png

1 () La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

2 Au sein de l’Union européenne les pays situés en dehors de la zone euro (en particulier le Royaume Uni et la Pologne) ont un taux de croissance économique sensiblement supérieur à celui de la zone euro.

3 Malte (14,2 %), Luxembourg (5,6 %), Allemagne (3,9 %), Belgique (2,5 %), Estonie (1,4), France (1,4 %), Autriche (1,2 %).

4 Vos rapporteurs sont revenus très inquiets de la situation italienne, où le débat sur l’appartenance de ce pays à la zone euro présente une certaine acuité.

5 Il ne faut pas se méprendre, les Rapporteurs ne sont pas en désaccord sur l’objectif de retour aux équilibres financiers mais sur la durée, qu’ils jugent trop courte, de sa mise en œuvre.

6 Par exemple l’Allemagne.

7 CF. Rapport Henrik Enderlein et Jean Pisani-Ferry : « réformes, investissements et croissance, un agenda pour l’Allemagne, la France et l’Europe », p.57, la Documentation française

8 Rapport n°472, Assemblée Nationale « Peut-on relancer l’économie européenne ? Le pacte pour la croissance et l’emploi du 29 juin 2012 », Razzy Hammadi et Arnaud Richard.

9 Novembre 2014.

10 Cf. Annexe N°4, liste élaborée par la Task force pour la France.

11 Rapport publié le 2 avril 2015.

12 « La BEI a un rôle central à jouer dans la reprise et la croissance en Europe. Ces dernières années, elle a fait la preuve de sa capacité à contribuer à une réponse forte à la crise économique. Nous nous étions engagés à utiliser les 10 milliards d'EUR liés à l'augmentation du capital versé accordée en 2013 pour mobiliser l'investissement dans toute l'Europe et nous sommes en bonne voie pour que l'investissement supplémentaire total généré par cette augmentation soit de l'ordre de 180 milliards d'EUR pour la période 2013-2015 – un objectif qui pourrait même être dépassé » Werner Hoyer, Président de la BEI.

13 Cf. II

14 Axione a développé une plateforme industrielle de mutualisation des infrastructures numériques pour permettre aux opérateurs internet de délivrer leurs services aux entreprises et ménages même dans les zones les moins rentables.

15 Deux autres projets européens en ont déjà profité : une autoroute en Belgique et la connexion d'un parc éolien marin au réseau électrique britannique.

16 Cf. Rapport n°472 précité.

17 Le Président de la République, lors d’une table ronde à Metz en septembre 2014, a déclaré : « J'ai été très surpris de constater que la France ne consommait pas tous les fonds structurels européens et que le pacte de croissance que j'ai pu obtenir en juin 2012, et bien ce n'est pas en France qu'il est le plus utilisé, c'est en Allemagne ».

18 Werner Hoyer, Président de la BEI.

19 Werner Hoyer Président de la BEI.

20 Cf. page 6.

21 Le Projet de Règlement sur le FEIS, initié par la Commission européenne le 13 janvier, a fait l’objet d’une première lecture au Conseil de l’Union européenne (Approche générale arrêtée le 5 mars) et au Parlement européen (Rapport des commissions des Affaires économiques et monétaires et des Budgets adopté le 20 avril). Ces deux institutions ont entamé le 23 avril une première phase de négociation en trilogue qui vise la conclusion d’un accord entre fin mai et juillet. Elles devraient se concentrer sur quelques points essentiels pour lesquels la position du Parlement s’écarte sensiblement du compromis déjà négocié entre le Conseil et la Commission : gouvernance du FEIS, financement des ressources, additionnalité et critères d’éligibilité des projets.

22 Aujourd'hui, la Grèce doit encore rembourser à la BEI plus de 16,9 milliards d'euros de prêts, soit l'équivalent de 9,4  % de son PIB.

23 Les banques promotionnelles nationales (en France la BPI)

24 Les banques promotionnelles nationales (en France la BPI).

25 () Source : Commission européenne « Le Pace pour la croissance et l’emploi : Un an après ». Rapport au Conseil européen, 27 et 28 juin 2013