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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

     

Ministère des affaires étrangères

     
     
   

PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la sécurité

intérieure entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement de la République de Turquie

NOR : MAEJ1208715L/Bleue-1

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ETUDE D’IMPACT

I. - Situation de référence et objectifs de l’accord ou convention

La coopération franco-turque entre forces de sécurité du ministère de l’Intérieur repose sur un accord de coopération générale signé en 1968 et sur le plan d’action « France-Turquie 2000 » adopté le 20 février 1998. Au vu de l’augmentation des affaires criminelles impliquant les services français et turcs, le service de sécurité intérieur (SSI) a ouvert en mars 1999 ; il compte aujourd’hui quatre personnels du ministère de l’Intérieur (un attaché de sécurité intérieure, un attaché de sécurité intérieure adjoint, un officier de liaison criminalité organisée et un officier de liaison immigration illégale) ainsi que deux agents de droit local, à Ankara et Istanbul.

Aujourd’hui, la coopération, tant technique qu’opérationnelle, est réelle bien que perfectible. Elle s’inscrit principalement dans trois domaines :

• la lutte contre le terrorisme, y compris islamiste, la Turquie restant un point de passage important pour des volontaires au djihad en Afghanistan et/ou Irak ;

• la lutte contre le trafic de produits stupéfiants (la Turquie est une plaque tournante pour le trafic d’opium et d’héroïne en provenance d’Afghanistan et du Pakistan via l’Iran et l’Irak);

• la lutte contre l’immigration illégale (d’après le rapport annuel 2010 de l’agence européenne FRONTEX, 75 % des immigrés illégaux au sein de l’Union Européenne seraient passés par la Turquie).

La signature de l’accord de sécurité intérieure vise à développer la coopération opérationnelle entre les services et à officialiser les échanges qui s’appuient sur des accords obsolètes, n’intégrant pas tous les paramètres de la coopération (l’accord de coopération scientifique et technique entre la République française et la République de Turquie qui date du 29 octobre 1968 par exemple).

II. - Conséquences estimées de la mise en œuvre de l’accord ou convention

- Conséquences économiques

Les conséquences économiques de l’accord ne sont pas mesurables même si celui peut permettre de créer un climat de confiance favorable aux investissements. La lutte contre la contrefaçon prévue par l’accord (article 1.12) participera ainsi de cet effort. En effet, avec l’entrée en vigueur de l’accord, la Turquie, à l’origine d’une importante contrefaçon de produits de luxe français à destination de l’Union européenne, pourrait être amenée à fournir plus de chiffres sur le sujet.

- Conséquences financières

L’accord n’aura pas d’impact sur les finances publiques. Le SSI ne recrutera pas de personnel supplémentaire et le volume de la coopération ne devrait pas évoluer étant donné les contraintes budgétaires actuelles.

- Conséquences environnementales

Elles ne sont pas mesurables même si la lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique fait partie du domaine d’application de l’accord (article 1.6). Seule la mise en œuvre effective d’une coopération opérationnelle dans ce domaine permettra de le mesurer.

- Conséquences juridiques

L’accord stipule explicitement dans son article 2 que « l’ensemble des activités de coopération prévues par le présent accord est mené par chacune des Parties dans le strict respect de sa législation nationale, de ses engagements internationaux et, pour la partie française, de la législation européenne. L’article 2 contient par ailleurs une clause de sauvegarde permettant à chacune des parties de rejeter une demande de coopération si elle l’estime susceptible de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne, à la souveraineté, à la sécurité ou à l’ordre public de son Etat.

L’accord n’entraîne en tout état de cause pas de modification de la législation nationale avec laquelle il s’articule.

Le traitement et la protection des données à caractère personnel et des autres informations fournies par les Parties sont, pour la France, assurés conformément à :

- l’article 24 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ;

- l’article 68 de la loi n° 78-17 modifiée du 6 janvier 1978 dite « Informatique et Libertés » ;

- la directive 95/46/CE du Parlement Européen et du Conseil de l’Union européenne du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

- la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil de l’Union européenne du 27 novembre 2008 relative à la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale ;

- et la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, adoptée à Strasbourg le 28 janvier 19811.

La Turquie n’étant pas membre de l’Union européenne, elle ne peut se voir transférer des données à caractère personnel que si elle assure un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes à l’égard du traitement dont ces données font l’objet, comme le prévoit l’article 68 de la loi n° 78-17 précitée. Par ailleurs, la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) estime que la Turquie ne dispose pas d’une législation adéquate en matière de protection des données à caractère personnel2. A ce jour la Turquie n’a de plus pas fait l’objet d’une reconnaissance de protection adéquate par la Commission européenne3.

Dans l’attente, et sous réserve de l’application de l’article 69 de la loi « Informatique et Libertés » qui permet, sous certaines conditions4, le transfert de données à caractère personnel par exception à l'interdiction prévue à l'article 68 précité, l’accord permettra de développer l’échange d’informations autres que les données à caractère personnel.

La signature de ce texte a donc pour principal objectif d’officialiser des échanges déjà réguliers entre les différents services de police. L’échange portera sur des méthodes de travail, des stratégies de lutte contre la criminalité, des analyses des phénomènes criminels, des échanges de bonnes pratiques.

- Conséquences administratives

Néant. Le SSI ne recrutera pas de personnel pour mettre en œuvre cet accord.

III. - Historique des négociations

La signature de cet accord fait suite à de nombreuses propositions, tant de la partie française que de la partie turque. Dès l’adoption, en 1998, du plan d’action « France-Turquie », une première ébauche d’accord fut envoyée par la Turquie. Cette ébauche a fait l’objet de nombreuses modifications, mais, en 2004, elle n’a pas pu aboutir en raison de l’absence de législation turque dans le domaine de la protection des données personnelles.

Relancé dès l’année suivante, suite à la création du nouveau code pénal turc contenant des dispositions spécifiques sur la protection des données et la future mise en place d’une autorité indépendante de supervision de la protection des données individuelles, ce projet d’accord n’a pas pu aboutir pour les mêmes raisons et fut temporairement mis de côté en 2008.

En 2009, les négociations reprenaient et, devant l’absence de réelle avancée dans le domaine de la protection des données personnelles, et afin d’éviter un nouvel échec des négociations, toute référence à ces données fut effacée. Ceci permit, in fine, d’aboutir à la version finale : un accord-cadre de portée très générale ne prévoyant pas expressément l’échange de données individuelles.

IV. - Etat des signatures et ratifications

La version finale a été signée à Ankara le 7 octobre 2011, par les ministres de l’Intérieur français, Monsieur Claude GUEANT, et turc, Monsieur Idris Naim SAHIN. Cet accord n’a pas encore été ratifié par la partie turque.

V. - Déclarations ou réserves :

Aucune déclaration.

Aucune réserve.

1 La Turquie, membre du Conseil de l’Europe, n’a pas signé la Convention du 28 janvier 1981 du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel

2 Voir le site Internet de la CNIL : http://www.cnil.fr/pied-de-page/liens/les-autorites-de-controle-dans-le-monde/.

3 Le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen ont donné le pouvoir à la Commission de décider sur la base de l'article 25(6) de la directive 95/46/CE qu’un pays tiers offre un niveau de protection adéquat en raison de sa législation interne ou des engagements pris au niveau international.

4 L’article 69 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 stipule notamment que «  le responsable d'un traitement peut transférer des données à caractère personnel vers un Etat ne répondant pas aux conditions prévues à l'article 68 si la personne à laquelle se rapportent les données a consenti expressément à leur transfert ou si le transfert est nécessaire à l’une des conditions suivantes : 1° A la sauvegarde de la vie de cette personne ; 2° A la sauvegarde de l'intérêt public ; 3° Au respect d'obligations permettant d'assurer la constatation, l'exercice ou la défense d'un droit en justice ; (…). Il peut également être fait exception à l’interdiction prévue à l'article 68, par décision de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou, s’il s'agit d’un traitement mentionné au I ou au II de l’article 26, par décret en Conseil d’Etat pris après avis motivé et publié de la commission, lorsque le traitement garantit un niveau de protection suffisant de la vie privée ainsi que des libertés et droits fondamentaux des personnes, notamment en raison des clauses contractuelles ou règles internes dont il fait l’objet. (…) ».


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