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PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement du Royaume de Belgique relatif à la coopération

transfrontalière en matière policière et douanière

NOR : MAEJ1406871L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I. - Situation de référence et objectifs de l’accord

A la suite de l’entrée en vigueur effective de la Convention d’application de l’accord de Schengen (CAAS)1 en mars 1995, la France avait élaboré un modèle d’accord-type de coopération transfrontalière en matière policière et douanière (ACTPD), afin de décliner les dispositions de la CAAS sur une base bilatérale et de permettre une coopération le cas échéant plus avancée que celle permise par ce socle multilatéral. Six accords de ce type ont au total été signés avec chacun de nos partenaires limitrophes entre 1997 et 20012.

C’est dans ce contexte qu’avait été signé à Tournai, le 05 mars 2001, l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière. Cet accord, complété par un échange de lettres signées à Paris et à Bruxelles le 10 juin 2002 et relatives à la mise en œuvre de patrouilles mixtes transfrontalières, a offert un premier cadre juridique intégré et moderne à la coopération transfrontalière franco-belge en matière policière et douanière, qui s’appuyait précédemment sur une sédimentation de textes partiels et disparates.

Parallèlement, la coopération douanière avait également connu des avancées substantielles au travers de la Convention dite de Naples II3.

Le développement dans la dernière décennie d’outils de coopération policière plus ambitieux, dans le cadre de l’Union européenne ou sur une base multilatérale, a fait ressortir corrélativement un besoin d’adaptation et de renforcement du dispositif prévu par cet accord de Tournai. La période 2010-2012 a en outre été marquée par un regain de la délinquance perçue en zone frontalière (cette tendance n’a pour mémoire pu être objectivée de manière univoque côté français) et plusieurs faits divers ont particulièrement cristallisé l’attention de l’opinion publique belge sur cette question.

Dès lors, les ministres de l’Intérieur des deux pays sont convenus en septembre 2012 d’ouvrir une réflexion bilatérale en vue de l’amélioration voire de la refondation du cadre juridique de la coopération policière et douanière transfrontalière. La conclusion d’un nouvel ACTPD s’est imposée comme la solution la plus opportune pour donner une nouvelle impulsion à cette coopération. Les négociations bilatérales, menées à bien en quelques mois, ont abouti à la signature à Tournai le 18 mars 2013 du nouvel ACTPD franco-belge, communément désigné comme l’accord « Tournai II ».

Les lignes de force du nouvel accord peuvent être résumées autour de trois idées-maitresses, qui ont scandé le travail de conception des négociateurs des deux Etats.

- La première priorité était d’offrir à la coopération policière transfrontalière franco-belge les outils juridiques les plus modernes et les plus ambitieux, en s’appuyant notamment sur le corpus de la coopération policière européenne et en s’inspirant d’autres accords bi-ou multilatéraux.

- Le deuxième objectif majeur était de garantir la plus grande latitude opérationnelle aux services et unités dans la zone de compétence commune, tout en s’assurant de la robustesse du cadre juridique dont ils disposeraient et en veillant à la sécurité juridique des agents appelés à mettre en œuvre l’accord.

- Un troisième objectif s’est subsidiairement ajouté aux deux précédents, de manière incidente : l’extension aux administrations douanières des deux pays du bénéfice d’instruments de coopération initialement conçus dans le cadre de l’Union européenne pour la seule coopération policière.

II. - Conséquences estimées de la mise en œuvre de l’accord

- Conséquences économiques

S’il est difficile, compte tenu des raisons évoquées supra, d’estimer avec certitude les conséquences économiques de certaines tendances de la délinquance transfrontalière (dont certaines s’avèrent au demeurant putatives), il appert que certains types de délits acquisitifs et de violences prédatrices (vols de voiture avec violence, saucissonnages, etc.) constituaient l’essentiel des faits divers les plus médiatisés et que certains d’entre eux avaient particulièrement frappé l’opinion publique et les acteurs économiques locaux. Le préjudice pour l’économie locale des deux pays et pour la dynamique des flux frontaliers ne peut, par nature, être quantifié, mais il ne peut être négligé, notamment du côté belge de la frontière.

Si les considérations économiques constituent une préoccupation périphérique au regard de la coopération mise en œuvre, la plus-value éventuelle de l’accord dans ce domaine ne peut être totalement négligée. De ce point de vue, l’accord doit en effet permettre une action tout à fait concrète sur les phénomènes de délinquance locale et notamment sur l’activité délictuelle revêtant un caractère transfrontalier (déplacement de part et d’autre de la frontière, pour tirer partie des différentiels économiques ou juridiques qu’elle génère, ou plus simplement pour échapper aux forces de l’ordre ou blanchir les marchandises ou revenus illicites).

Parmi les outils prévus dans le cadre du nouveau texte, l’identification et l’analyse par le centre de coopération policière et douanière (CCPD) des dynamiques majeures de la criminalité en zone frontalière (missions nouvelles formalisées par l’accord), ou la réalisation par les services et unités opérationnels français et belges d’opérations coordonnées et de patrouilles mixtes conçues dans le cadre d’une approche stratégique globale et conduites selon une logique thématique spécifique, doivent constituer les vecteurs d’une action répressive plus efficace – tant pour anéantir les bases économiques des réseaux criminels locaux que pour prévenir et réprimer leurs interférences sur le tissu économique local.

De manière subsidiaire, l’entrée en vigueur de l’accord devrait compléter l’action conduite par les services centraux des Parties en matière de lutte contre la criminalité organisée (niveau de criminalité qui n’est pas traité en tant que tel dans le cadre des ACTPD). Le renforcement de la coopération transfrontalière en matière de détection des phénomènes criminels émergents et d’identification des réseaux délictueux et la multiplication des initiatives conjointes de répression des réseaux criminels transfrontaliers devraient en effet offrir des capacités supplémentaires de lutte contre l’économie souterraine et contre le blanchiment des avoirs et revenus des réseaux criminels. Ces actions ne pourront que bénéficier qualitativement aux économies des deux pays, compte tenu de l’effet par nature déstabilisateur des flux économiques illicites.

- Conséquences financières

Les implications financières du nouvel accord devraient être nulles ou au plus résiduelles, pour la Partie française, et certaines dispositions de l’accord doivent permettre de créer des synergies – et des économies de coûts de fonctionnement et d’équipement – entre services des deux Etats.

• La France arme un détachement plus important que celui de la Belgique au sein du CCPD, au regard de l’intérêt qu’elle retirait du centre mais aussi compte tenu du fait qu’elle avait promu la prise en compte de nouvelles mission en matière d’analyse prospective et d’aide aux rapprochements et en avait donc anticipé certaines implications. La montée en puissance du centre pourra donc, du point de vue du détachement français, se faire sous plafond d’effectifs et de moyens – l’effort relatif attendu à cet égard incombant principalement à la Partie belge, qui n’honorait pas l’ensemble des effectifs antérieurement prévus.

• Il est plausible que le dispositif des agents de liaison soit davantage utilisé que celui figurant dans l’actuel accord de Tournai ; mais ce mécanisme ne se traduira pas par des charges financières nouvelles pour les finances publiques, sa mise en œuvre se faisant sous plafond des effectifs des services concernés et s’opérant par nature en fonction de leurs propres contraintes et besoins opérationnels (d’ou une plus-value avérée et un emploi optimisé des effectifs disponibles).

• La généralisation des patrouilles mixtes, avancée majeure attendue du nouvel accord, ne se traduira pas par des surcoûts pour les unités et services opérationnels. Il est en revanche important de relever qu’elles ne seront pas utilisées a contrario pour substituer des agents étrangers aux agents territorialement compétents (la coopération bilatérale s’accommodant mal d’une logique sommaire de recherche d’économies), mais bien dans un souci de maximisation des capacités opérationnelles de part et d’autre de la frontière. En ce sens, elles permettront une allocation optimale des effectifs opérationnels disponibles et la recherche de synergies dans leur emploi.

• Le développement d’une coopération en matière de mise à disposition de capacités ou de matériels spécifiques et la promotion d’acquisitions communes de véhicules ou d’équipements doivent en revanche permettre aux unités et services opérationnels de réaliser de manière très directe des économies budgétaires (coûts d’acquisition primaire) ou d’optimiser les dépenses de fonctionnement qui leur incombent (coûts d’entretien, de maintien en condition opérationnelle et d’obsolescence). Cet axe de coopération pourrait constituer un réel gisement d’économie pour les services et unités concernés, mais il leur revient de déterminer les situations et projets où ces dispositions pourraient le plus utilement être mises en œuvre.

- Conséquences sociales

A l’instar des conséquences économiques de l’accord, les effets sociaux attendus de sa mise en œuvre – de nature essentiellement qualitative – sont difficilement mesurables, mais ils n’en constituent pas moins un enjeu réel pour la mise en œuvre du nouvel accord. L’évolution insatisfaisante de certaines formes de criminalité en zone frontalière et la forte visibilité qui a été accordée à certains faits (quelle que soit par ailleurs leur gravité relative) avaient provoqué un certain émoi dans l’esprit des populations frontalières et appelaient a minima le développement d’une stratégie d’endiguement et de prévention expédiente. La mise en œuvre d’une réponse robuste était par ailleurs devenue d’autant plus nécessaire que le thème de la montée présumée de l’insécurité en zone frontalière était instrumentalisé par différentes formations politiques et certaines organisations professionnelles et s’avérait profondément délétère pour la coopération transfrontalière dans son ensemble.

De ce point de vue, la signature du nouvel accord a adressé un signal extrêmement clair de la détermination des autorités politiques des deux Etats à agir avec fermeté contre la délinquance en zone frontalière et à mobiliser l’ensemble des instruments de politique publique idoines – sur une base nationale comme dans le cadre de la coopération bilatérale – pour assurer le plus haut degré de sécurité des personnes et des biens dans la zone frontalière commune. L’effet positif du texte pour la ré-assurance des populations frontalières est de ce point de vue indéniable.

Au-delà de ces effets de court terme, l’entrée en vigueur de l’accord et la pleine utilisation sur la durée des différents instruments de coopération et d’action commune qu’il établit seront indispensables pour pérenniser ces effets de l’accord et leur donner un fondement tout à fait tangible. Les effets attendus sur ce point sont d’autant plus notables que les ACTPD s’attachent en priorité à la petite et moyenne délinquance en zone frontalière, soit les formes d’activités délictuelles revêtant la plus forte visibilité pour les citoyens au quotidien.

Enfin, cet accord n’a aucun impact sur la parité hommes-femmes.

- Conséquences environnementales

Sans objet.

- Conséquences juridiques

Comme relevé supra, les ACTPD se fondent historiquement sur l’acquis Schengen, en particulier la CAAS qui fournissait un cadre juridique extrêmement novateur aux Etats-Parties mais les incitait également à réfléchir aux conditions de son propre dépassement et à avancer dans la voie d’une coopération toujours plus intégrée.

Articulation avec le cadre juridique existant et le droit de l’Union européenne

Après ce cycle de perfectionnement de la coopération policière dans l’espace Schengen au travers d’accords bilatéraux (outre les accords signés par la France entre 1997 et 2001, les autres Parties à la CAAS avaient également signé entre elles des ACTPD) et une période de consolidation, un nouveau cycle d’extension de la coopération policière s’est ouvert à partir de 2004 sur un fondement européen. On peut à ce titre citer :

• le traité de Prüm4, conçu ab initio dans une logique de coopération renforcée au sens des traités européens (même si le cadre juridique de ce mécanisme n’avait pas été explicitement mis en œuvre) et visant à permettre un nouveau saut qualitatif de la coopération policière par l’action d’une avant-garde ;

• la décision-cadre dite « initiative suédoise » de 20065, visant à faciliter les échanges d’informations au titre de la coopération policière et posant le principe de disponibilité de l’information policière ;

• les décisions 2008/615/JAI et 2008/616/JAI de 20086, souvent surnommées (quoique de manière partiellement impropre) les « décisions Prüm », qui communautarisent l’essentiel des dispositions du traité de Prüm (quelques rares articles n’ont pas été repris dans les décisions) et prévoient quelques formes de coopération additionnelles ;

• et la décision-cadre 2008/977/JAI7, qui complète et précise le cadre juridique résultant du droit de l’UE pour le champ de la coopération policière.

Il est rapidement apparu que ces textes, par eux-mêmes et plus encore lorsqu’ils sont combinés, offrent des capacités d’action importantes aux Etats membres de l’UE, moyennant une pleine prise de conscience de leurs mécanismes et l’acquisition des outils techniques éventuellement nécessaires. La mise en œuvre de ce cadre juridique profondément rénové a cependant pu se heurter à certaines difficultés, d’autant que certains Etats subordonnent en principe le plein effet juridique de ces textes (compte tenu du régime juridique sous lequel ont été adoptés les actes européens en cause) à l’adoption de mesures de déclinaison sur une base bilatérale.

La conception du nouvel accord franco-belge a donc pris en compte cette contrainte et s’est efforcée d’apporter une sécurité juridique à l’action des services et unités opérationnels (en modulant le traitement juridique bilatéral des dispositions concernées) tout en soignant la cohérence de ce texte par rapport aux autres ATCPD conclus par la France.

Ainsi :

• l’accord (article 13) s’inspire très directement du dispositif des patrouilles mixtes et des opérations communes établis par le Traité de Prüm (article 24) puis la décision 2008/615/JAI (article 17), pour surmonter les difficultés rencontrées dans l’application des dispositions analogues de l’accord de Tournai (issues de l’échange de lettres additionnel en date du 10 juin 2002) mais aussi pour permettre leur invocation incontestable et pérenne dans la coopération transfrontalière bilatérale ;

• il modernise (article 12) les dispositions de la CAAS en matière de détachement d’agents et permet leur emploi dans un spectre de missions plus étendu (à l’instar de ce que prévoient d’autres outils juridiques) ;

• il sanctuarise (article 14) au plan bilatéral l’applicabilité de la clause d’intervention urgente en cas de danger présent, qui figure dans le Traité de Prüm (article 25) mais n’a pas été reprise dans la décision 2008/615/JAI ;

• il organise (article 15) le régime d’emploi des agents d’une Partie sur le territoire de l’autre Partie, en se nourrissant des dispositions correspondantes de la décision 2008/615/JAI ;

• il clarifie (article 17), en s’inspirant du système robuste retenu dans certains ACTPD, les mécanismes de suivi de la coopération qu’il organise, afin que les autorités et services compétents des Parties – au plan central comme au plan local – exercent pleinement leurs attributions respectives et qu’une réelle complémentarité prévale entre eux ;

• il systématise (article 19) les possibilités de formations et d’exercices communs entre les Parties, en référence aux ACTPD les plus récents ;

• et il étend (article 20) à la zone frontalière franco-belge les possibilités d’emploi de moyens aériens et maritimes pour la réalisation d’opérations policières, qui n’était prévu que dans certains ACTPD.

L’accord vise in fine également à faciliter l’échange d’informations entre services et unités des forces de l’ordre françaises et belges. Cette finalité générale n’a pas fait l’objet d’une déclinaison spécifique dans le domaine de la coopération directe entre services et unités opérationnels, les dispositions de la décision-cadre 2006/960/JAI trouvant à s’appliquer et ayant déjà fait l’objet de mesures nationales de mise en œuvre par chacune des deux Parties8.

En revanche, les dispositions pertinentes de l’accord (articles 5 à 10, l’article 7 constituant la clef de voûte du dispositif) relatives au centre de coopération policière et douanière bilatéral (CCPD) ont été logiquement complétées à l’aune des différents textes juridiques récents cités supra et au regard du cadre juridique régissant cette matière pour chacune des Parties. Il peut par ailleurs être mentionné que le nouvel accord franco-belge n’affectera pas le cadre juridique applicable à terme au CCPD de Luxembourg, dans la mesure où les deux Etats y sont Parties mais ce centre fait l’objet d’un accord quadripartite spécifique9.

Le traitement et la protection des données à caractère personnel et des autres informations fournies par les Parties sont, pour la France, assurés conformément à :

• l’article 68 de la loi n° 78-17 modifiée du 06 janvier 1978 dite « Informatique et Libertés » ;

• l’article 24 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ;

• la directive 95/46/CE du Parlement Européen et du Conseil de l’Union européenne du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

• la décision-cadre 2006/960/JAI précitée ;

• les décisions 2008/615/JAI et 2008/616/JAI précitées ;

• la décision-cadre 2008/977/JAI précitée ;

• ainsi que la convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, adoptée à Strasbourg le 28 janvier 1981, et son Protocole additionnel concernant les autorités de contrôle et les flux transfrontaliers de données, adopté à Strasbourg le 8 novembre 200110.

La Belgique étant membre de l’Union européenne, la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) estime qu’elle dispose d’une législation adéquate en matière de protection des données à caractère personnel11. La Belgique pourra donc se voir transférer de telles données puisqu’elle assure un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes à l’égard du traitement dont ces données font l’objet, comme le prévoit l’article 68 de la loi n°78-17 précitée.

- Conséquences administratives

Le CCPD de Tournai, créé sur le fondement de l’accord de Tournai du 05 mars 2001, verra ses attributions en matière d’assistance opérationnelle aux services et unités de la zone frontalière réaffirmées et marginalement étendues par le nouvel accord, le centre apportant une contribution indéniable à la coopération transfrontalière opérationnelle. Il se verra en outre confié de nouvelles missions en matière d’analyse prospective, sur les tendances générales de la délinquance transfrontalière et ses formes spécifiques, ainsi qu’en matière de support aux investigations et de rapprochements d’informations. La mise en œuvre de l’accord devrait donc se traduire par un accroissement de la charge de travail du centre.

Cette augmentation de charges devrait être d’autant plus sensible que la zone de compétence géographique (la « zone frontalière », définie à l’article 4 de l’accord) connaîtra une expansion côté français avec l’ajout, aux cinq départements relevant initialement de la compétence du CCPD, de quatre nouveaux départements12. La zone frontalière belge ne connaîtra pas en revanche de modifications et restera donc circonscrite aux quatre provinces couvertes par le CCPD depuis 200113.

Pour autant, cet accroissement apparaît en première analyse gérable à effectifs et moyens constants de la Partie française, d’autant que l’accroissement relatif de l’effort du partenaire (les autorités belges se sont engagées à honorer l’intégralité de leur contribution aux effectifs du centre, notamment pour appuyer la montée en puissance de sa mission d’analyse et de prospective) doit apporter un surcroît de capacités au centre. De plus, une réduction significative des tâches incombant au CCPD en matière d’identification de véhicules est attendue à terme, lorsque sera achevée la transposition d’une directive européenne favorisant les échanges d’informations aux fins de lutte contre l’insécurité routière ; cela lui permettra donc de se recentrer sur d’autres aspects de ses missions14.

Il convient pour mémoire de relever, s’agissant de la contribution belge au fonctionnement du centre, que le CCPD dispose de locaux mis à disposition par la Police fédérale belge (relativement fonctionnels mais exigus par rapport aux besoins actuels du centre) et que de nouveaux locaux – plus spacieux et fonctionnels – devraient être livrés à l’horizon 2016 / 2018, dont le centre sera le seul utilisateur.

S’agissant des mécanismes de coopération transfrontalière établis au titre de la coopération directe, il convient tout d’abord de relever que les unités et services compétents au titre du nouvel accord seront plus nombreux. En effet, si la liste des forces compétentes des deux Parties pour la mise en œuvre de l’accord n’a pas changé15, la « zone de compétence commune » de l’accord (article 1er) est en revanche substantiellement étendue : outre quatre nouveaux départements français (sur lesquels la compétence étendue du CCPD de Tournai trouvera également à s’appliquer), elle comprendra ainsi l’ensemble du territoire de l’Etat belge. Notre partenaire a en effet souhaité, au regard de la taille de son territoire national, donner une portée maximale à cette zone afin que les unités et services locaux aient la plus grande latitude opérationnelle possible.

Au-delà, comme relevé supra, la refonte profonde des mécanismes de coopération directe recherchée via le nouvel accord franco-belge ne se traduira pas par un accroissement déraisonnable des charges pour les services locaux. Le gain d’efficacité opérationnelle qu’ils en retireront doit en outre être pris en considération, les nouvelles dispositions de l’accord devant leur permettre d’accomplir plus efficacement leurs missions dès lors que celles-ci revêtent un caractère transfrontalier, touchent à des faits de nature transfrontalière ou appellent un traitement conjoint par les services répressifs des deux Etats.

Les autres formes de coopération dans la zone de compétence commune définies dans le nouvel accord visent également à faciliter l’action opérationnelle des unités et services locaux (transits par le territoire de l’Etat de l’autre Partie, conditions de réalisation de certaines missions tels les éloignements de personnes ou les translations judiciaires, etc.) et ne devraient selon toute vraisemblance pas se traduire par de nouvelles charges pour eux.

III. - Historique des négociations

La décision d’ouvrir la négociation d’un nouvel accord franco-belge de coopération transfrontalière en matière policière et douanière a été prise par les ministres de l’Intérieur des deux Etats lors de leur réunion de travail du 06 septembre 2012. Après une phase préparatoire ayant permis à chaque délégation d’identifier différents axes d’amélioration de la coopération et les instruments juridiques susceptibles d’être mis en œuvre à cette fin et d’associer largement l’ensemble des services concernés, un cycle de cinq réunions de travail bilatérales s’est échelonné entre novembre 2012 et février 2013.

Certains sujets initialement proposés par la Partie belge n’ont finalement pas été retenus au terme d’une analyse approfondie de certaines problématiques ou pour des considérations juridiques plus globales. Ainsi :

- l’octroi d’un pouvoir d’interpellation autonome au profit des agents d’une Partie présent sur le territoire de l’Etat de l’autre Partie n’a pas été retenu, compte tenu des principes généraux de l’ordre constitutionnel français16 ;

- l’évolution des conditions juridiques de déclenchement des poursuites transfrontalières (portée opératoire du critère de flagrance et nature des infractions pouvant donner lieu à poursuite) n’a également pas été retenue, dans un souci de sécurité juridique du dispositif et afin de préserver le caractère exceptionnel de la poursuite transfrontalière (mesure exorbitante au regard du droit commun, dont la faculté d’invocation ne doit donc pas être banalisée) ;

- l’intégration dans l’accord de dispositions relevant plus directement du champ de la coopération judiciaire (en matière d’équipes communes d’enquête par exemple) n’a finalement pas été retenue, seuls les aspects proprement policiers de certaines d’entre elles ayant finalement été traités dans le présent accord.

Moyennant des négociations âpres et denses afin de parvenir aux solutions juridiques les plus expédientes, l’accord a pu être négocié dans des délais inhabituellement courts (six mois), ce qui marque bien le souhait des Parties de se donner sans délai les moyens d’une meilleure coopération transfrontalière en matière policière et douanière

IV. - Etat des signatures et ratifications

L’accord a été signé à Tournai le 18 mars 2013. Le Royaume de Belgique vient d’achever sa procédure d’approbation parlementaire (adoption par le Sénat le 27 mars et la Chambre des députés le 23 avril), ce qui témoigne de l’attente qu’il suscite côté belge.

V. - Déclarations ou réserves

Sans objet.

1 Convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les Gouvernements des Etats de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen 19 juin 1990.

2 Ces accords, dérivés de la matrice d’accord élaborée par le Comité de coordination de la politique européenne de sécurité intérieure de l’ex-SGCI, sont, par ordre chronologique : l’accord de Chambéry franco-italien du 03 octobre 1997 ; l’accord de Mondorf franco-allemand du 09 octobre 1997 ; l’accord de Berne franco-suisse du 11 mai 1998 (supplanté depuis par l’accord de Paris du 09 octobre 2007) ; le Traité de Blois franco-espagnol du 07 juillet 1998 ; l’accord de Tournai franco-belge du 05 mars 2001 ; et l’accord de Luxembourg franco-luxembourgeois du 15 octobre 2001.

3 Convention relative à l’assistance mutuelle et à la coopération entre les administrations douanières, signée le 18 décembre 1997 en application de l’article K3 du Traité d’Amsterdam (repris par les articles 82, 83 et 85 du Chapitre IV du titre V du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne).

4 Traité entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, le Royaume d’Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République fédérale d’Autriche relatif à l’approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale, signé à Prüm le 27 mai 2005.

5 Décision-cadre 2006/960/JAI du Conseil de l’UE du 18 décembre 2006 relative à la simplification de l’échange d’informations et de renseignements entre les services répressifs des Etats membres de l’Union européenne.

6 Décision 2008/615/JAI du Conseil de l’UE du 23 juin 2008 relative à l’approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière, et la décision 2008/616/JAI du Conseil de l’UE du 23 juin 2008 relative à la mise en œuvre de la décision 2008/615/JAI.

7 Décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil de l’Union européenne du 27 novembre 2008 relative à la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale.

8 Confer pour la France l’ordonnance n°2011-1069 du 08 septembre 2011 transposant la décision-cadre 2006/960/JAI du Conseil du 18 décembre 2006 relative à la simplification de l’échange d’informations et de renseignements entre les services répressifs des Etats membres de l’Union européenne.

9 Accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, concernant la mise en place et l’exploitation d'un Centre commun de coopération policière et douanière dans la zone frontalière commune, signé à Luxembourg le 24 octobre 2008 (accord ratifié par l’Allemagne et, dernièrement, la Belgique et le Luxembourg).

10 La Belgique a signé et ratifié la première (le 07 mai 1982 et le 28 mai 1993 respectivement). Elle a en outre signé le second, mais n’en a pas encore achevé la ratification.

11 Voir le site Internet de la CNIL : http://www.cnil.fr/pied-de-page/liens/les-autorites-de-controle-dans-le-monde/.

12 Les cinq départements « historiques » de compétence du CCPD étaient ceux directement limitrophes du territoire de l’Etat belge : Aisne, Ardennes, Meurthe-et-Moselle, Meuse et Nord. Les quatre nouveaux départements (Marne, Moselle, Pas-de-Calais et Somme) ont été sélectionnés dans une logique de traitement global de la délinquance en zone frontalière, avec le souci de conserver une aire géographique cohérente et d’éviter une dilution de la spécificité de la zone transfrontalière (cela explique notamment qu’un alignement strict sur l’assiette territoriale des zones de défense et de sécurité n’a pas été jugé opportun).

13 Il s’agit des provinces de la Flandre occidentale, du Hainaut, de Namur et de Luxembourg.

14 Directive 2011/82/UE du Parlement Européen et du Conseil de l’Union européenne du 25 octobre 2011 facilitant l’échange transfrontalier d’'informations concernant les infractions en matière de sécurité routière, transposée côté français par la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 (art. 35) portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable, modifiant l’article L330-2 du code de la route, parue au JO n° 164 du 17 juillet 2013 (rectificatif paru au JO n° 264 du 14 novembre 2013).

15 Il s’agit toujours, pour la Partie française, de la Police nationale, de la Gendarmerie nationale et de la Douane ; et pour la Partie belge de la Police fédérale, de la Police locale et de l’Administration des douanes et accises.

16 Confer notamment la décision n° 91−294 DC du 25 juillet 1991 (relative à la loi autorisant l’approbation de la CAAS) et les avis du Conseil d’Etat 370.452 du 25 novembre 2004 et 373.936 du 21 décembre 2006.


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