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PROJET DE LOI

autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire

en matière pénale entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement du Royaume du Maroc

NOR : MAEJ1505435L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I. - Situation de référence et objectifs de l’accord

L’entraide judiciaire en matière pénale entre la France et le Maroc bénéficie d’un cadre conventionnel rénové depuis l’adoption, le 18 avril 20081, d’une nouvelle convention d’entraide judiciaire en matière pénale, abrogeant, dans son domaine spécifique, les dispositions de la Convention d’aide mutuelle judiciaire, d’exequatur et d’extradition du 5 octobre 1957.2

La convention bilatérale d’entraide judiciaire du 18 avril 2008, entrée en vigueur le 19 août 2011, a été adoptée afin d’élargir le champ de l’entraide, de fluidifier les échanges entre nos deux pays et d’optimiser leur efficacité, tout en promouvant les techniques les plus modernes de coopération. Elle constitue ainsi un moyen plus efficace de lutte contre la criminalité transnationale.

A l’initiative de la Partie marocaine, des discussions ont été engagées sur les moyens de renforcer  l’échange d’informations entre les Parties, notamment dans le cas de procédures portant sur des faits commis sur le territoire de l’autre Partie et susceptibles d’impliquer des ressortissants de cette dernière.

Le protocole additionnel à la convention, signé le 6 février 2015, tend ainsi à favoriser une coopération plus durable et efficace entre la France et le Maroc, dans le respect du droit interne et des engagements internationaux des deux Parties.

Cet accord est de nature à resserrer les liens avec l’un de nos principaux partenaires.

L’entraide judiciaire en matière pénale entre la France et le Maroc est en effet particulièrement active. Ainsi, le volume d’échanges en ce domaine est en constante augmentation, la grande majorité des demandes étant d’origine française (952 demandes adressées depuis 1998 par la France contre 103 par le Maroc). A titre d’exemple, pour la seule année 2013, 85 demandes avaient été adressées par la France contre 14 par les autorités marocaines. Depuis la suspension de la coopération judiciaire, en février 2014, une centaine de demandes d’entraide émises par les autorités française a été mise en attente3.

Ces chiffres donnent une idée de l’importance du nombre d’affaires judiciaires impliquant la France et le Maroc et de la nécessité de favoriser les échanges d’informations entre les deux pays afin d’assurer la célérité et l’efficacité des investigations à mener.

II. - Conséquences estimées de la mise en œuvre de l’accord

Aucune conséquence économique, financière ou environnementale notable n’est attendue de la mise en œuvre du présent protocole additionnel. Ce dernier n’a par ailleurs aucun impact sur l’égalité entre les hommes et les femmes. En revanche, des conséquences sociales, juridiques et administratives méritent d’être soulignées.

Conséquences sociales 

Ce protocole additionnel, qui promeut l’échange d’informations entre les Parties en vue d’une meilleure administration de la justice, devrait faciliter les investigations transnationales et améliorer l’efficacité des procédures pour l’ensemble des justiciables concernés.

Conséquences juridiques

Le présent protocole additionnel vise à mieux organiser la coopération judiciaire entre les autorités judiciaires françaises et marocaines, notamment dans le cas de procédures pénales engagées sur le territoire d’une Partie concernant des faits commis sur le territoire de l’autre Partie et susceptibles d’impliquer des ressortissants de cette dernière.

Ce protocole est conforme aux exigences de notre droit interne et à nos engagements internationaux. Il n’implique aucune adaptation des dispositions législatives ou règlementaires nationales.

Il est ainsi rappelé dans le nouvel article 23 bis, intitulé « application des conventions internationales », que le dispositif d’information et d’échanges entre les Parties s’inscrit dans le cadre des engagements respectifs de la France et du Maroc, afin de contribuer à la bonne mise en œuvre des conventions qui les lient telles la convention des Nations Unies contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains et dégradants adoptée à New York le 10 décembre 1984 ou la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, adoptée à New York le 15 novembre 2000.

Le nouveau dispositif créé devrait permettre de lutter plus efficacement contre la criminalité transnationale, en effet l’information immédiate de l’autre Partie dans le cas de faits pénalement punissables commis sur le territoire de l’autre Partie dans la commission desquels des ressortissants de cette dernière sont susceptibles d’être impliqués4, en favorisant les échanges entre les Parties, permettra une meilleure conduite des procédures.

En outre, dans le cas de procédures engagées dans une Partie par une personne n’en possédant pas la nationalité et pour des faits commis sur le territoire de l’autre Partie par un de ses ressortissants5, la nouvelle procédure de recueil d’observations permettra à l’autorité judiciaire de la Partie saisie de décider, au vu des éléments éventuellement transmis par l’autre Partie, des suites à donner à la procédure. Compte tenu des éléments d’extranéité présents dans la procédure, l’autorité judiciaire saisie examinera en priorité le renvoi de la procédure à l’autorité judicaire de l’autre Partie6 ou sa clôture. Elle pourra également faire le choix de poursuivre la procédure, par exemple en l’absence de réponse de l’autre Partie. Un tel mécanisme permettra ainsi d’assurer une meilleure administration de la justice et la conduite efficace et diligente des procédures, au regard notamment du principe de territorialité des poursuites, sans préjudice des règles applicables en matière de compétence quasi-universelle7.

Le nouvel article 23 bis s’insère dès lors en toute logique au sein des autres stipulations de la convention bilatérale du 18 avril 2008 relatives aux échanges d’information et vient les compléter, notamment celles relatives à la dénonciation aux fins de poursuite (article 23) et aux échanges spontanés d’informations (article 24).

Conséquences administratives

La transmission des demandes entre les Parties s’effectue entre autorités centrales conformément à l’article 5 de la convention bilatérale du 18 avril 20088. En cas d’urgence, aux termes de l’article 5, paragraphe 2, de la convention, les demandes d’entraide peuvent être adressées directement entre autorités judiciaires, l’original de la demande devant néanmoins être adressé entre autorités centrales.

L’article 23 bis ne modifie pas ce dispositif. L’information et le recueil d’avis prévus aux paragraphes 2 et 3 de l’article 23 bis s’effectueront par le biais des autorités centrales.

III. - Historique des négociations

Les discussions ayant conduit à la signature de ce protocole additionnel ont été initiées à la suite de l’annonce de la Partie marocaine, le 26 février 2014, de suspendre, de manière unilatérale, toute forme de coopération en matière judiciaire entre la France et le Maroc. 

Après plusieurs échanges en vue de compléter la convention bilatérale d’entraide judiciaire du 18 avril 2008, les deux Parties sont parvenues à un consensus sur le texte lors d’une réunion tenue à Paris le 31 janvier 2015.

IV. État des signatures et des ratifications

Le 6 février 2015, l’Ambassadeur de France au Maroc et le ministre marocain de la Justice et des libertés ont signé à Rabat le protocole additionnel à la convention bilatérale d’entraide judiciaire en matière pénale signée le 18 avril 2008. Il est prévu, classiquement, que chaque État notifiera à l’autre l’accomplissement des procédures internes requises pour l’entrée en vigueur de l’accord. Celle-ci interviendra le premier jour du premier mois suivant la réception de la dernière des notifications.

A ce jour, le Maroc n’a pas fait connaître à la Partie française l’accomplissement des procédures exigées par son ordre juridique interne.

1 Entrée en vigueur le 1er juin 2011, Décret n°2011-960 du 16 août 2011 http://legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=20110818&numTexte=2&pageDebut=13986&pageFin=13990

2 Décret n° 60-11 du 12 janvier 1960 http://legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=19600114&numTexte=&pageDebut=00421&pageFin

Une nouvelle convention d’extradition a été signée également le 18 avril 2008 ; elle est entrée en vigueur le 1er juin 2011. Décret n° 2011-961 du 16 août 2011 http://legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=20110818&numTexte=3&pageDebut=13990&pageFin=13993 . En outre, en matière de transfèrement des personnes condamnées, la France et le Maroc sont liés par une convention sur le transfèrement des détenus en date du 10 août 1981, complétée par un avenant signé le 22 octobre 2007 (en attente de publication au JORF).

3 En sens inverse, aucune estimation du nombre de demandes marocaines n’a pu être effectuée.

4 Mécanisme prévu à l’article 23 bis, paragraphe 2.

5 Mécanisme prévu à l’article 23 bis, paragraphes 3 et 4.

6 Sous la forme d’une dénonciation officielle des faits, conformément à l’article 23 de la convention bilatérale d’entraide judiciaire du 18 avril 2008.

7 En droit interne, les articles 689-1 du code de procédure pénale (CPP) à 689-13 CPP fondent la compétence quasi universelle des autorités judiciaires françaises pour certains types d’infractions commises hors du territoire de la République, en application de diverses conventions internationales, telles que la convention de New York du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines et traitements cruels inhumains et dégradants ou encore la convention européenne pour la répression du terrorisme signée à Strasbourg le 27 janvier 1977.

8 En pratique, les transmissions s’effectuent par la voie diplomatique, à la demande des autorités marocaines, afin d’assurer la sécurité des transmissions.


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