Accueil > Documents parlementaires > Projets de loi > Etudes d'impact
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


PROJET DE LOI

autorisant l’approbation du quatrième avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché

de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance

administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune

NOR : MAEJ1508822L/Bleue-1

-----

ÉTUDE D’IMPACT

I. - Situation de référence et objectifs de l’accord1

La France et le Luxembourg sont liés par une convention tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 1er avril 1958 et modifiée par trois avenants, signés les 8 septembre 1970, 24 novembre 2006 et 3 juin 2009.

- L’apport de l’avenant de 1970

L’avenant du 8 septembre 1970 avait principalement pour objet de régler un certain nombre de points concernant notamment le régime des sociétés affiliées, la situation au regard de l'impôt de distribution des sociétés luxembourgeoises exerçant une activité en France, le régime d'imposition des intérêts et des redevances versées au titre de la propriété industrielle, artistique ou littéraire ainsi que le régime applicable aux rémunérations des travailleurs frontaliers.

- Le contexte à la suite de la signature de l’avenant de 2006

Le deuxième avenant du 24 novembre 2006 a notamment mis fin aux situations de doubles exonérations en cas d’exploitation ou de cessions d’immeubles situés en France et détenus directement par des résidents luxembourgeois.

Jusqu’alors, en l'absence d’une règle particulière, le Conseil d'État jugeait qu'il y avait lieu d'appliquer la définition du droit interne qui assimile les revenus des immeubles possédés par une entreprise, y compris les plus-values de cession de biens immobiliers, à des bénéfices d’entreprise (CE, 9e et 8e s.-s., n°79971, SARL «  Investissement agricole et forestier »2). Dès lors, les revenus immobiliers, y compris les plus-values, d'une société de capitaux luxembourgeoise ne relevaient pas de l'article 3 (revenus immobiliers) mais de l’article 4 de la convention (revenus d'entreprise). Par conséquent, en l'absence d'établissement stable d’une société luxembourgeoise en France, les revenus perçus par cette dernière étaient imposables seulement au Luxembourg.

Ayant une interprétation opposée, le Luxembourg considérait ces revenus comme immobiliers donc imposables au lieu de situation de l’immeuble et ne les soumettait pas à l’imposition des bénéfices d’entreprise, créant de fait des situations de double exonération en cas de cession d'un immeuble situé en France par un résident luxembourgeois.

L’avenant de 2006 est donc venu rectifier en partie cette situation en précisant que les plus-values de cessions d’immeubles sont considérées comme des revenus immobiliers.

À cette époque toutefois, le Luxembourg n’a pas accédé à la demande de la France de procéder de la même manière s’agissant de la cession de parts de sociétés à prépondérance immobilière détenus directement ou indirectement par l’interposition d’une ou plusieurs entités.

Dès lors, au regard du droit français, les plus-values de cessions de parts de société à prépondérance immobilière continuaient à être imposables dans la catégorie des bénéfices d’entreprise dans l’Etat du siège de la société et non comme revenus immobiliers dans celui de situation des biens.

Depuis lors, un recours accru à l’interposition de sociétés permettant d’échapper à l’imposition des plus-values immobilières en France a été observé.

- Les apports de l’avenant de 2009 

L’avenant du 3 juin 2009 s’est inscrit dans le contexte des suites de la conférence ministérielle de Paris du 21 octobre 2008 et de la volonté manifestée par les Etats du G20, à l’occasion des réunions des 1er et 2 avril 2009, d’améliorer la coopération entre les Etats en matière d’échange d’informations fiscales pour lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscales.

Modifiant l’article 22 de la convention3, cet avenant a constitué une avancée majeure dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, en permettant à la France d’obtenir des renseignements de la part des autorités luxembourgeoises sans limitation sur la nature des impôts, des personnes et des renseignements visés par la demande de renseignements. 

- L’avenant du 5 septembre 2014, un objectif affirmé de lutte contre l’évasion fiscale 

Ce nouvel avenant, résultat d’une demande de la France, vise à mettre un terme à des schémas d’optimisation reposant sur des cessions de parts de sociétés détenant des biens immobiliers en France, directement ou par le biais d’entités interposées.

En pratique, il a pour objet d’ajouter à l’article 3 relatif aux revenus immobiliers de la convention en vigueur une disposition couvrant les sociétés à prépondérance immobilière. Il vient ainsi compléter l’avenant de 2006.

Désormais, les gains provenant de l'aliénation d'actions, de parts ou autres droits dans une société ou une personne morale, quelle que soit sa résidence, dont l'actif ou les biens sont principalement constitués d'immeubles situés en France ou de droits portant sur ces derniers y seront imposables.

Afin d’être effective sur l’ensemble des situations potentiellement abusives, la rédaction retenue, conforme à la formulation que la France propose systématiquement à ses partenaires, a une portée plus large que celle figurant actuellement dans le modèle de convention de l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Elle tient compte à cet égard des préconisations en cours d’élaboration dans le cadre des travaux de lutte contre l’érosion des bases fiscales et les transferts de bénéfices de l’OCDE qui s’étendent sur 2014 et 2015. Cette nouvelle stipulation couvre non seulement les gains réalisés sur des actions mais aussi ceux qui résultent de l’aliénation d’intérêts dans d’autres entités n’émettant pas ce type de titres (fiducie par exemple).

Le nouvel avenant constitue donc un progrès significatif en cohérence avec le contexte international actuel dans lequel la lutte contre l’évasion fiscale constitue une préoccupation majeure des gouvernements.

II. - Conséquences estimées de la mise en œuvre de l’accord

1. Conséquences économiques et financières

Cet avenant permettra à la France de récupérer le droit d’imposer les gains provenant de l'aliénation d'actions, de parts ou autres droits dans une société ou une personne morale, quelle que soit sa résidence, dont l'actif ou les biens sont constitués principalement d'immeubles situés sur son territoire ou de droits portant sur ces derniers.

Il mettra ainsi fin à de fréquents schémas d’optimisation mis en place par les investisseurs.

Ces nouvelles dispositions auront donc un impact favorable sur les finances publiques, non quantifiable à ce jour.

2. Conséquences juridiques

L’ordonnancement juridique interne n’est pas affecté par cet avenant.

En effet, l’avenant pourra être appliqué dès son entrée en vigueur et ne nécessitera pas de modifier le droit interne.

Au regard de l’articulation avec le droit de l’Union européenne, le texte précise que les stipulations nouvellement introduites dans la convention fiscale s’appliquent sans préjudice des dispositions prévues par la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 20094, telles que transposées dans les droits internes des deux Etats.

Cette précision a été apportée à la demande de la partie luxembourgeoise qui souhaitait initialement que les dispositions nouvelles ne s’appliquent pas en cas de fusion ou d’opération assimilée. Ceci est conforme à notre législation fiscale puisque, dès lors qu'une opération serait dans le champ prévu par la directive "fusions", le prélèvement prévu en droit interne (article 244 bis A du CGI) ne serait en principe pas dû au moment de l'opération.

3. Conséquences administratives

La direction générale des finances publiques (DGFiP), responsable de l’application des conventions fiscales conclues par la France, sera en charge de l’application du présent avenant.

Les modalités administratives d’application du présent avenant seront identiques à celles applicables à l’ensemble des conventions fiscales conclues par la France.

III. - Historique des négociations

Les discussions précédant la signature du présent avenant n’avaient pas permis à l’époque de trouver un accord permettant d’introduire dans la convention franco-luxembourgeoise une disposition prévoyant l’imposition, dans l’État de situation des immeubles, des gains résultant de la cession de participations dans des sociétés à prépondérance immobilière.

Un recours accru à l’interposition de sociétés afin d’échapper à l’imposition des plus-values immobilières en France a été observé depuis lors. C’est dans ce contexte que la France a engagé une nouvelle initiative auprès de la partie luxembourgeoise pour mettre un terme à ce dysfonctionnement.

Les travaux bilatéraux ont débuté en 2011. Le principe de la finalisation des négociations a été acté le 16 mai 2014 à Paris, lors d’une rencontre entre M. Sapin, ministre des Finances et des comptes publics, et son homologue luxembourgeois, M. Gramegna.

Elles ont ainsi permis d’établir un projet d’avenant, signé le 5 septembre par les deux ministres.

IV. - Etat des signatures et ratifications

Le Luxembourg poursuit actuellement sa procédure de ratification.

V. - Déclarations ou réserves

Sans objet.

1 http://legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=19600409&numTexte=&pageDebut=03283&pageFin=

http://legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=19720108&numTexte=&pageDebut=00326&pageFin=

http://legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=20080116&numTexte=13&pageDebut=00805&pageFin=00805

http://legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=20110129&numTexte=6&pageDebut=01870&pageFin=01871

2 http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechExpJuriAdmin&idTexte=CÉTATEXT000007837099&fastReqId=152472387&fastPos=40

3 Rédaction conforme à l’article 26 du modèle de convention de l’OCDE à jour en juillet 2008.

4 Directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, ainsi qu’au transfert du siège statutaire d’une société européenne (SE) ou d’une société coopérative européenne (SCE) d’un État membre à un autre. Texte disponible à l’adresse suivante :

http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:310:0034:0046:FR:PDF


© Assemblée nationale