Accueil > Documents parlementaires > Projets de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

N° 3218

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 novembre 2015.

PROJET DE LOI

autorisant la ratification de l’accord portant création
de la
Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures.

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. Manuel VALLS,

Premier ministre,

par M. Laurent FABIUS,

ministre des affaires étrangères et du développement international.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’AIIB est une banque régionale de développement dont le mandat est de soutenir le développement de l’Asie (incluant l’Asie centrale mais pas la Chine) par le biais de projets d’investissement dans les infrastructures, à des conditions commerciales. Elle vise un capital de 100 Mds USD qui devrait être presque intégralement souscrit dès sa création et dont 20 % seront effectivement appelés initialement, 75 % du capital seront réservés aux membres régionaux mais cette part pourrait être abaissée à 70 % en cas d’adhésion de pays non-régionaux importants.

L’AIIB se veut une structure légère, propre et verte (« lean, clean and green ») et doit fonctionner avec des coûts optimisés. L’AIIB entend collaborer de manière très étroite avec la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement (BASD).

Les statuts de la nouvelle Banque ont fait l’objet d’un processus de négociations entre membres fondateurs potentiels (devenus membres fondateurs depuis la signature de l’accord le 29 juin 2015). La France avait, pendant les négociations, promu une forte coordination entre pays européens et du G7 dans ces négociations et avait d’ailleurs initié une démarche commune G7, finalement abandonnée en raison de divergences trop fortes entre le Royaume-Uni d’un côté et les États-Unis et le Japon de l’autre. La candidature de la France au statut de « membre fondateur potentiel » avait été annoncée conjointement avec l’Allemagne et l’Italie. Les trois premières réunions, auxquelles la France n’a pas participé, ont permis de dessiner un cadre globalement en ligne avec les pratiques des autres banques multilatérales de développement. La France a pris part aux deux dernières réunions de négociations, fin avril à Pékin et fin mai à Singapour, avant la signature des traités constitutifs, qui a eu lieu le 29 juin 2015. La participation de la France en tant que membre fondateur de la Banque lui a permis d’influer sur son mandat, sa stratégie, et le contenu de ses sauvegardes sociales et environnementales.

Les statuts de l’AIIB ont largement été inspirés de ceux de la Banque mondiale et de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement :

Le chapitre premier définit l’objet, les fonctions et les membres de la Banque.

L’article 1er définit l’objet de la Banque, qui est de développer les infrastructures en Asie et d’améliorer la coopération économique régionale, ainsi que les termes « Asie » ou « région » conformément à la classification des Nations unies.

L’article 2 détaille les fonctions de la Banque, lesquelles consistent à promouvoir l’investissement pour permettre une croissance économique harmonieuse et inclusive.

L’article 3 énonce les conditions pour acquérir la qualité de membre de la Banque. Ses membres peuvent être régionaux ou non, le statut de membre fondateur y est détaillé, et la procédure à suivre pour rejoindre la Banque après l’échéance au-delà de laquelle on ne peut plus prétendre au statut de membre fondateur, y est aussi précisée.

Le chapitre II présente la place du capital au sein de la Banque.

L’article 4 fixe le capital total initial de la Banque à 100 Mds USD dont 20 % en parts libérées et 80 % en parts sujettes à appel ; une augmentation de capital peut être décidée par le Conseil des gouverneurs.

L’article 5 stipule que les parts souscrites par chaque membre sont réparties entre 20 % de parts libérées et 80 % de parts sujettes à appel. Le Conseil des gouverneurs fixe le nombre initial de parts d’un membre, peut à sa demande augmenter sa souscription ainsi que réviser le capital social de la Banque, tout en s’assurant que les parts totales des membres régionaux ne représentant pas moins de 75 % du capital total souscrit, sauf décision contraire du Conseil des gouverneurs. Ce dernier procède tous les cinq ans au moins à une révision du capital social de la Banque ; en cas d’augmentation chaque membre dispose d’une possibilité raisonnable de souscrire.

L’article 6 spécifie les modalités de versement des souscriptions. Celui-ci s’échelonne sur cinq ans par cinq versements annuels en dollars, sauf exception. Les droits sont suspendus avant la réception intégrale -par un lieu fixé par l’AIIB- du versement dû. Les modalités d’utilisation des parts sujettes à appel sont détaillées. Un mode de versement alternatif est prévu pour les pays considérés comme moins avancés.

L’article 7 explicite les modalités d’émission et de cession applicables aux parts, notamment l’irresponsabilité des membres par rapport aux obligations contractées par la Banque.

L’article 8 définit l’expression « ressources ordinaires » de la Banque, celles-ci comprenant entre autres le capital social autorisé ainsi que les fonds obtenus ou perçus par celle-ci.

Le chapitre III présente les opérations de la Banque.

L’article 9 précise que les ressources sont exclusivement utilisées en conformité avec l’objet et l’exercice des fonctions visés aux articles 1 et 2.

D’après l’article 10, les opérations financières de la banque peuvent être ordinaires et financées par des ressources ordinaires ou spéciales et financées par les ressources des fonds spéciaux. Ces deux opérations apparaissent séparément dans les états financiers et les ressources financières ordinaires ne peuvent être imputées qu’à des opérations ordinaires.

L’article 11 explicite les potentiels bénéficiaires d’opérations de financement de la part de la Banque et la forme que prendront ces opérations. À noter que la Banque peut prêter assistance dans des circonstances particulières à des bénéficiaires non cités dans l’article sous réserve de l’accord du Conseil des gouverneurs.

L’article 12 fixe le montant total de l’encours des opérations financières de la Banque qui ne peut être modifié qu’après une décision du Conseil des gouverneurs, l’augmentation correspondante étant elle-même plafonnée. Le montant des prises de participation décaissées par la Banque est quant à lui fixé sans pouvoir être modifié.

L’article 13 énonce les principes auxquels la Banque doit se conformer en réalisant ses opérations, dont une saine gestion bancaire, un examen approfondi des risques financiers associés et le bon usage des financements prodigués.

L’article 14 stipule que les modalités et les conditions des financements doivent être conformes aux principes de l’article 13 ; une procédure particulière est possible si le bénéficiaire du financement n’est pas membre de la Banque. Le montant des prises de participation de la Banque dans une entreprise est plafonné. Les financements peuvent être accordés dans la monnaie du pays concerné.

L’article 15 détaille les différentes formes d’assistance prodiguées par la Banque et leur imputation en cas de non remboursement.

Le chapitre IV détaille les finances de la Banque.

L’article 16 cite les différents pouvoirs dont dispose la Banque, notamment pour lever des fonds et pour gérer financièrement des titres qu’elle possède. La Banque peut également établir des filiales qui correspondent à son objet et relèvent de ses fonctions.

L’article 17 évoque les modalités d’affectation, de gestion et d’utilisation des fonds spéciaux et définit l’expression « ressources de fonds spéciaux ».

L’article 18 détaille la procédure d’affectation et de répartition entre les membres des revenus nets, procédure se déroulant sous l’égide du Conseil des gouverneurs une fois par an.

L’article 19 stipule que les membres ne peuvent imposer de restriction sur les monnaies utilisées par la Banque au cours de ses opérations financières ; c’est de plus la Banque qui décide du caractère de convertibilité d’une monnaie.

L’article 20 prévoit que la Banque décide du traitement à accorder à d’éventuels retards pour honorer les engagements pris à son encontre ainsi que de l’imputation budgétaire d’éventuelles pertes dans le cadre de ces opérations ; pertes contre l’éventualité desquelles la Banque constitue des provisions.

Le chapitre V fixe les modalités de gouvernance de la Banque.

L’article 21 cite les différentes enceintes de gouvernance de la Banque : le Conseil des gouverneurs, le Conseil d’administration.

L’article 22 dispose que chaque membre de la Banque est représenté par un gouverneur, que ceux-ci se réunissent annuellement et qu’ils ne sont pas rémunérés par la Banque. Tous les pouvoirs sont conférés au Conseil des gouverneurs.

L’article 23 prévoit que tout ou partie de ses pouvoirs peuvent être délégués au Conseil d’administration, à l’exception de certains, les plus importants, détaillés ensuite. Le Conseil des gouverneurs conserve de plus tout pouvoir sur les questions déléguées au Conseil d’administration.

L’article 24 explicite le fonctionnement du Conseil des gouverneurs, réunis de sa propre initiative ou de celle du Conseil d’administration. Le quorum est constitué par la majorité des gouverneurs, si celle-ci représente au moins les deux tiers du total des voix des membres. Il établit les modalités d’interaction entre le Conseil d’administration et le Conseil des gouverneurs qui règle en particulier les procédures autorisant le Conseil d’administration à recueillir le vote des gouverneurs.

L’article 25 présente la composition du Conseil d’administration, dont les membres sont distincts de ceux du Conseil des gouverneurs. Il fixe leur nombre (douze) et les modalités de leur élection (neuf par les gouverneurs des membres régionaux, trois par les non régionaux, pour deux ans renouvelables). Cet article pose également le principe de non rémunération des administrateurs par la Banque (pour favoriser une structure légère et peu coûteuse). Il prévoit enfin l’existence d’administrateurs suppléants et précise que les administrateurs et leurs suppléants sont des ressortissants des pays membres.

L’article 26 délimite les pouvoirs du Conseil d’administration, responsable des activités générales de la Banque, et prévoit un cadre de délégation de pouvoir du Conseil des gouverneurs au Conseil d’administration.

L’article 27 prévoit les modalités de réunion du Conseil d’administration et ouvre la possibilité pour un pays non représenté de s’y faire représenter sans droit de vote lorsqu’une réunion le concerne « particulièrement ».

L’article 28 présente les modalités de calcul des droits de vote de chaque membre lors des réunions du Conseil des gouverneurs et du Conseil d’administration. Sont également énumérées différentes règles de majorité : majorité des suffrages exprimés ou majorité qualifiée ou majorité spéciale au Conseil des gouverneurs, majorité des suffrages exprimés au Conseil d’administration.

L’article 29 établit les règles d’élection du président de la Banque, qui doit être ressortissant d’un pays membre de la région, et prévoit la possibilité pour le Conseil des gouverneurs de le suspendre ou de le démettre. L’article précise que le Président ne prend pas part au vote, mais lui accorde un droit de vote en cas d’égal partage des voix. Il établit également son autorité hiérarchique.

L’article 30 détaille les modalités de nomination des cadres de la Banque (un à plusieurs vice-présidents), avec un accent mis sur l’ouverture, la transparence et la prise en compte du mérite (ainsi que de l’origine géographique, pour une représentation large) dans le processus de nomination.

L’article 31 encadre la perception de fonds étrangers par la Banque et écarte toute ingérence politique de l’institution ou de son personnel dans les affaires politiques d’un des membres de la Banque ; et inversement, les Membres s’abstiennent de toute tentative d’influence sur le personnel de la Banque. Seules des considérations économiques doivent guider l’action de la Banque.

Le chapitre VI détaille les dispositions générales.

L’article 32 établit le siège de la Banque à Pékin, avec une possibilité d’établir des agences ou bureaux dans d’autres lieux.

L’article 33 précise les points de contact nationaux de la Banque et ses dépositaires désignés par chaque État membre pour le dépôt de ses avoirs.

L’article 34 établit l’anglais comme langue de travail et impose un devoir d’information de la Banque par ses membres et de la Banque à ses membres (notamment sur sa situation financière). Une politique de divulgation de l’information est également prévue pour assurer la transparence des opérations de la Banque vis-à-vis de l’extérieur.

L’article 35 ouvre la possibilité de coopération avec d’autres institutions financières internationales et organisations internationales concernées par le développement économique de la région.

L’article 36 précise les références auxquelles renvoie l’accord ainsi que l’applicabilité de ses dispositions à tous genres.

Le chapitre VII précise les modalités de retrait et de suspension des membres de la Banque.

L’article 37 autorise tout membre à se retirer de la Banque et fixe les conditions de ce retrait.

L’article 38 établit les conditions de suspension d’un membre, en cas de manquement à ses obligations, et sa transformation en retrait au bout d’un an.

L’article 39 établit les règles d’apurement des comptes d’un pays ayant cessé d’être membre et les règles de rachat de ses parts par la Banque.

Le chapitre VIII fixe les modalités d’une éventuelle suspension ou cessation des opérations de la Banque.

L’article 40 autorise la suspension temporaire des opérations de la Banque par le Conseil d’administration en cas d’urgence.

L’article 41 autorise le Conseil des gouverneurs à mettre fin aux activités de la Banque et en présente les conséquences.

L’article 42 définit les modalités de la responsabilité des membres et de la liquidation des créances en cas de cessation des opérations de la Banque.

L’article 43 prévoit les conditions et modalités de la distribution des actifs entre les membres en cas de cessation d’activité de la Banque.

Le chapitre IX établit les règles en matière de statut, immunités, privilèges et exonérations.

L’article 44 prévoit que chaque État membre accorde les statuts, immunités, privilèges et exonérations définis par les articles suivants.

L’article 45 décrit les capacités juridiques inhérentes à l’attribution de la pleine personnalité morale à la Banque.

L’article 46 pose le principe de l’immunité de juridiction de la Banque et ses exceptions. Il renvoie aux procédures spéciales de la Banque pour le règlement des litiges entre la Banque et ses membres.

L’article 47 pose le principe de l’immunité d’exécution des biens et actifs de la Banque ainsi que l’inviolabilité de ses archives.

L’article 48 pose le principe de l’exemption des actifs de la Banque de toute restriction dans la mesure où cela est nécessaire à l’exercice efficace des fonctions de la Banque.

L’article 49 établit le principe du privilège accordé par chaque membre aux communications de la Banque et des autres membres.

L’article 50 détaille les privilèges et immunités des personnels de la Banque.

L’article 51 pose le principe de l’exonération fiscale de la Banque, de ses avoirs, biens et revenus, ainsi que sur les salaires, émoluments et frais qu’elle verse (sauf contre-indication par un État membre concernant les revenus de ses ressortissants).

L’article 52 autorise la Banque à renoncer à ses privilèges, immunités et exonérations.

Le chapitre X précise les règles d’amendement, d’interprétation et d’arbitrage.

L’article 53 prévoit que seule une majorité qualifiée du Conseil des gouverneurs peut amender le présent accord, sauf pour certains points qui requièrent l’unanimité.

L’article 54 établit la compétence du Conseil d’administration pour toute question d’interprétation du présent accord. Le Conseil des gouverneurs peut être saisi de la question et décide en dernier ressort.

L’article 55 fixe les conditions de l’arbitrage entre la Banque et un ancien membre ou un de ses membres après le terme mis aux opérations de la Banque.

L’article 56 établit le principe de l’accord tacite donné par un membre dont l’accord est requis avant l’action de la Banque, lorsque celui-ci ne s’est pas exprimé dans un délai raisonnable.

Le chapitre XI contient les dispositions finales.

Le chapitre 57 fixe les règles de signature du présent accord et établit la Chine comme son dépositaire.

L’article 58 soumet l’accord à la ratification, à l’acceptation ou à l’approbation des signataires et fixe les modalités de dépôt des instruments. Il fixe la reconnaissance de la qualité de membre de la Banque à la date du dépôt des instruments.

L’article 59 fixe les conditions d’entrée en vigueur de l’accord.

L’article 60 établit le principe et les modalités d’une réunion inaugurale dès l’entrée en vigueur. Il précise de plus, que les textes anglais, chinois et français de l’accord font également foi.

L’accord est constitué de deux annexes :

L’annexe A détaille les souscriptions initiales au capital autorisé pour les pays pouvant devenir membres conformément à l’article 58 ; sont distinguées deux catégories de pays membres : les membres régionaux - section A - et les membres non-régionaux - section B -.

L’annexe B décrit la procédure d’élection des administrateurs de la Banque. Les règles d’organisation y sont explicitées, en particulier le fonctionnement par circonscriptions, le nombre et le mode de désignation des candidats, les différents scrutins ainsi que les privilèges des membres fondateurs.

Le présent accord, qui prévoit une contribution française au capital de la Banque, clairement énoncée dans l’annexe A du texte, engage les finances de l’État. Il accorde, en outre, des privilèges et immunités y compris à des personnels et moyens de la Banque en mission en France et à ce titre, déroge à des dispositions de nature législative.

Telles sont les principales observations qu’appelle l’accord portant création de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (ensemble deux annexes), signé à Pékin le 29 juin 2015, et qui, au vu des dispositions qui précèdent, doit être soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution. 

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères et du développement international,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification de l’accord portant création de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères et du développement international, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée la ratification de l’accord portant création de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (ensemble deux annexes), signé à Pékin le 29 juin 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 13 novembre 2015.

Signé : Manuel VALLS

Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères
et du développement international

Signé :
Laurent FABIUS


© Assemblée nationale