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PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’accord multilatéral entre autorités compétentes

portant sur l’échange des déclarations pays par pays

NOR : MAEJ1624182L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I. - Situation de référence et objectifs de l’accord

L’intégration de l’économie mondiale, la mobilité croissante du capital ainsi que l’émergence de l’économie numérique ont permis le développement de pratiques d’optimisation et de concurrence fiscale dommageable. Les normes actuelles de la fiscalité internationale ne permettent pas d’y apporter une réponse suffisamment adaptée.

En conséquence, le projet international de lutte contre l'érosion des bases de l'impôt sur les sociétés et les transferts de bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting – BEPS) lancé par le G20 au sommet de Los Cabos en 2012 a conduit à l'établissement par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) d'un ensemble de mesures structurées autour de 15 actions couvrant l’ensemble du champ de la fiscalité internationale1.

L'une d’entre elles, l’action 13 vise à améliorer la transparence et à enrichir les informations à la disposition des administrations pour évaluer les risques liés aux prix de transfert et conduire des vérifications. Les prix de transfert sont les prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées ; l’entreprise associée étant celle qui est sous la dépendance ou possède le contrôle d’une entreprise dans un autre Etat.

L'action 13 a fait l'objet d'un rapport final de l'OCDE, publié en 20152, qui prévoit des normes révisées en matière de documentation des prix de transfert ainsi qu'un mécanisme d'échange d'informations des déclarations pays par pays des plus grandes entreprises multinationales entre les administrations fiscales, sous condition de réciprocité.

La déclaration d’une entreprise multinationale contiendra une série d’informations relatives à la répartition pays par pays des bénéfices du groupe et des agrégats économiques, comptables et fiscaux ainsi que des informations sur la localisation et l'activité des entités le constituant.

Elle devra être déposée par les groupes présentant un chiffre d'affaires annuel supérieur à 750 millions d'euros, seuil fixé par le rapport de 2015 précité3.

Le seuil de 750 millions d’euros permet de couvrir les 10 % d’entreprises multinationales réalisant environ 90 % du chiffre d’affaires mondial. Ce montant pourrait être revu à l’occasion du bilan prévu en 2020 sur la mise en œuvre du dispositif.

La déclaration sera souscrite par l’entité mère ultime du groupe auprès de l’administration fiscale de son Etat de résidence. Dans l’éventualité où cela ne serait pas possible faute de cadre juridique adéquat, elle pourrait désigner une de ses entités implantée dans un autre Etat pour le faire.

À défaut, chaque Etat où est implanté le groupe a la possibilité d’exiger le dépôt de la déclaration pays par pays par l’entité locale lorsque la société mère n’est pas établie dans un Etat mettant en œuvre la norme d’échange automatique en la matière et n’a pas désigné d’entité de substitution.

L’article 1729 F du code général des impôts4 prévoit une sanction fiscale ne pouvant excéder 100 000€ en cas de non-respect de cette obligation déclarative.

Les déclarations seront ensuite échangées entre les différents pays sur le fondement de la convention multilatérale sur l'assistance mutuelle en matière fiscale, des conventions fiscales bilatérales ou des accords bilatéraux d'échange de renseignements fiscaux.

Le présent accord, signé le 27 janvier 2016, a été conclu sur le fondement de l’article 6 de la convention multilatérale sur l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale de l’OCDE et du Conseil de l’Europe du 25 janvier 19885 qui prévoit le principe de l'échange automatique d'informations.

Cette convention est entrée en vigueur pour la France le 1er septembre 2005 et son protocole additionnel du 27 mai 2010, qui a aligné ses dispositions sur le dernier état de la norme de l’OCDE en matière d'échange d'informations, est en vigueur pour la France depuis le 1er avril 20126.

L'accord vient donc organiser l'échange automatique de renseignements prévu par la convention multilatérale.

Un mécanisme similaire sera mis en place dans les cas où l'échange se fera dans le cadre d’instruments juridiques bilatéraux. Des accords identiques à celui-ci seraient alors conclus par la France dans un cadre bilatéral.

II. - Conséquences estimées de sa mise en œuvre

- Conséquences économiques et financières

En France, la législation relative à la déclaration pays par pays dans son ensemble (c’est-à-dire, quel que soit l’Etat d’implantation de l’entité mère étrangère) pourrait concerner environ 200 sociétés mères et viser 1 200 filiales.

Les informations ainsi collectées permettront d’évaluer les risques de transfert de bénéfices au moyen des prix de transfert et d’autres situations d’érosion de la base d’imposition. Une meilleure programmation des contrôles fiscaux en découlera, qui contribuera à en accroître le rendement budgétaire. En effet, en recueillant une large variété d’agrégats économiques, comptables et fiscaux afférents à des entreprises d’envergure très importante, les déclarations pays par pays permettront aux vérificateurs de cibler les contrôles fiscaux sur les dossiers à plus fort enjeux et d’entreprendre les contrôles là où les données chiffrées peuvent laisser présumer l’existence d’une anomalie.

- Conséquences juridiques

a) Articulation avec les accords ou conventions internationales existantes

Le préambule indique que les Etats signataires doivent être parties à la convention multilatérale de 1988 précitée concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale.

Le présent accord vient donc organiser l’échange automatique de renseignements prévu par la convention multilatérale. En effet, cette dernière ouvre la possibilité de l’échange automatique, sans pour autant le rendre obligatoire et n’en précise pas les modalités.

Ainsi, si l’accord définit les modalités de l’échange automatique prévu par la convention multilatérale, l’ensemble des dispositions de la seconde doivent être respectées dans le cadre de l’application du premier, notamment celles relatives à la protection des données.

Par ailleurs, il convient de noter que cet accord multilatéral constitue un des instruments possibles pour cet échange automatique de renseignements. Des accords analogues seront signés avec des Etats avec lesquels la France est liée par une convention bilatérale en matière fiscale ou par un accord bilatéral d’échange de renseignements en matière fiscale et qui ne sont pas parties à l’accord multilatéral (par exemple les Etats-Unis).

b) Articulation avec le droit de l’Union européenne

L'accord s’inscrit en cohérence avec les travaux européens relatifs à l’échange automatique d’informations. En effet, la dernière révision de la directive du Conseil 2011/16 du 15 février 2011 relative à la coopération administrative7, qui a été adoptée le 25 mai 2016 (directive du Conseil 2016/881 du 25 mai 2016 dite « DAC 4 »), vise à organiser l’échange des déclarations pays par pays entre les Etats membres8.

Cette directive est rédigée dans le respect des principes issus de l’action 13 du plan de l’OCDE. Elle fait expressément référence au rapport final de l’OCDE dans ses considérants.

Le présent accord du 27 janvier 2016 est dès lors parfaitement compatible avec le droit européen.

c) Articulation avec le droit interne

L’article 223 quinquies C du code général des impôts9, introduit par l’article 121 de la loi de finances n°2015-1785 du 29 décembre 2015, prévoit la possibilité, sous condition de réciprocité, d'un échange automatique des déclarations pays par pays avec les Etats ou les territoires ayant conclu avec la France un accord à cet effet.

Un arrêté ministériel établira la liste des Etats ou territoires dotés d’une législation équivalente et ayant conclu avec la France un accord organisant l’échange automatique des déclarations pays par pays.

d) Articulation avec le droit de la protection des données

Les données de la déclaration pays par pays sont relatives à des personnes morales. Ainsi, elles ne constituent pas des données personnelles au sens de la loi n° 78-17 modifiée du 6 janvier 1978.

De même, le droit dérivé de l'Union européenne ne prévoit une protection des données personnelles que pour les seules personnes physiques. La directive n°95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données10 et le règlement (UE) n° 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) énoncent respectivement aux considérants 25 et 14 de leur préambule l'exclusion des personnes morales de leur champ d'application11.

La protection de leur confidentialité sera assurée conformément à l’article 5 de la convention d’assistance mutuelle et dans les conditions du secret professionnel prévues par le livre des procédures fiscales aux articles L. 103 et suivants12 et le code pénal aux articles 226-13 et 226-14.Ces articles prévoient que les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts sont tenus au respect du secret professionnel et ce notamment lorsqu’ils sollicitent d’autres personnes qui en sont dépositaires soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, d’une information à caractère secret.

La section 8 de l’accord du 27 janvier 2016 prévoit en outre :

- la possibilité de suspendre l’échange des données avec un Etat qui ne protégerait pas leur confidentialité ;

- l'obligation pour l’État partie d’adresser au moment de la signature ou le plus tôt possible par la suite une notification contenant un questionnaire portant sur la protection de la confidentialité des données13.

- Conséquences administratives

La direction générale des finances publiques (DGFiP), direction responsable de l’application des conventions fiscales conclues par la France, sera en charge de l’application de l’accord entre autorités compétentes portant sur l’échange des déclarations pays par pays.

La déclaration pays par pays sera produite en même temps que la liasse fiscale, ce qui limitera significativement les coûts de collecte par la DGFiP. De même, la transmission de ces déclarations aux autres Etats parties à l’accord multilatéral sera réalisée à l’aide des outils existants pour l’échange automatique d’informations à des fins fiscales.

- Conséquences sociales et environnementales

L’accord n’emporte aucune conséquence sociale ou environnementale prévisible.

- Conséquences concernant la parité femmes/hommes

L’accord n’emporte aucune conséquence spécifique sur la parité femmes/hommes.

- Conséquences concernant les jeunes

L’accord n’emporte aucune conséquence spécifique sur les jeunes.

III. - Historique des négociations

L’accord entre autorités compétentes portant sur l’échange des déclarations pays par pays a été élaboré sous l’égide de l’OCDE dans le cadre de l’action 13 du projet BEPS.

Le projet BEPS a été lancé en 2012 lors du sommet du G20 de Los Cabos. Dans le cadre de ces négociations, un premier rapport sur l’action 1314 a été publié en septembre 2014 et les travaux se sont achevés fin2015 avec la publication du rapport final15. Les conclusions du projet BEPS ont été adoptées le 1er octobre 2015 par l’OCDE et approuvées par le G20 au sommet d’Antalya le 16 novembre 2015.

Au cours des négociations, les Etats ont envisagé deux options pour collecter les déclarations pays par pays : soit une obligation déclarative pesant sur la société mère pour le compte du groupe assortie d’une transmission aux Etats d’implantations des filiales et succursales, soit le dépôt local par chaque filiale et succursale.

En février 2015, la première option a finalement été retenue à titre de principe. La seconde n’ayant vocation à intervenir qu’à titre subsidiaire et non obligatoire.

Ce choix s’explique par l’opinion communément admise selon laquelle la société mère, qui centralise la comptabilité consolidée et pilote la stratégie du groupe, est davantage en mesure de collecter les données que les entreprises placées sous sa dépendance.

Il a fallu toutefois envisager la situation d’une implantation de la société mère dans un Etat n’exigeant par le dépôt d’une telle déclaration, de l’absence d’accord avec cet Etat pour organiser l'échange des déclarations pays par pays ou de l’ineffectivité de l’échange de l’information avec cet Etat.

IV. - Etat des signatures et ratifications

L’accord entre autorités compétentes portant sur l’échange des déclarations pays par pays a été signé à Paris le 27 janvier 2016 par M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics et les représentants de l’Afrique du Sud, l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Chili, le Costa Rica, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Japon, le Liechtenstein, le Luxembourg, la Malaisie, le Mexique, le Nigéria, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République slovaque, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Slovénie, la Suède et la Suisse.

Les Bermudes ont également signé cet accord en avril 2016, suivis par le Canada, l’Islande, l’Inde, Israël, la Nouvelle Zélande et la République populaire de Chine en mai 2016 et par l’Argentine, la Corée, Curaçao, la Géorgie, le Sénégal et l’Uruguay en juin 2016.

V. - Déclarations ou réserves

Sans objet.

1 Plan d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices : https://www.oecd.org/fr/ctp/PlanActionBEPS.pdf

2 Documentation des prix de transfert et déclaration pays par pays – action 13, rapport 2015 : http://www.oecd-ilibrary.org/docserver/download/2315382e.pdf?expires=1467620525&id=id&accname=guest&checksum=3C26BE8BBC3268420BAB601DDFEA33C0

3 Ibid. p.24-25

4 Article 1729 F : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=911F5431047D68135295B650E87F34B8.tpdila07v_1?idArticle=LEGIARTI000031753398&cidTexte=LEGITEXT000006069577&dateTexte=20161010&categorieLien=id&oldAction=rechCodeArticle&nbResultRech=1

5 Décret de publication : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000813302&categorieLien=cid / site OCDE : http://www.oecd.org/fr/ctp/echange-de-renseignements-fiscaux/conventionconcernantlassistanceadministrativemutuelleenmatierefiscale.htm

6 https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2012/8/1/MAEJ1229254D/jo/texte

7 Directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le

domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE(JO L 64 du 11.3.2011)

8 Proposition de la Commission européenne : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52016PC0198&from=FR

9 https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006069577&idArticle=LEGIARTI000031753378

10 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:31995L0046

11 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32016R0679

12 https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=7F2A4F22D30A1225BA93F122DA749C11.tpdila09v_1?idSectionTA=LEGISCTA000006163099&cidTexte=LEGITEXT000006069583&dateTexte=20160617

13 https://www.oecd.org/fr/ctp/prix-de-transfert/beps-action-13-dispositif-de-mise-en-oeuvre-des-declarations-pays-par-pays.pdf, pp23-30

14 http://www.oecd.org/fr/ctp/instructions-relatives-a-la-documentation-des-prix-de-transfert-et-aux-declarations-pays-par-pays-9789264225404-fr.htm

15 http://www.oecd.org/fr/ctp/prix-de-transfert/beps-action-13-dispositif-de-mise-en-oeuvre-des-declarations-pays-par-pays.pdf


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