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N° 110

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juillet 2012.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer le recours collectif de consommateurs,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean-Pierre GIRAN,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2005, le Président de la République, Jacques Chirac, avait demandé au Gouvernement de proposer une évolution de la législation pour permettre à des groupes de consommateurs et à leurs associations de pouvoir intenter des actions collectives contre les pratiques abusives observées sur certains marchés concurrentiels.

Ces pratiques sont le fait de certains professionnels, heureusement minoritaires, mais dont les agissements sont cause de préjudices pour lesquels les consommateurs ne parviennent pas à obtenir réparation dans de bonnes conditions. En effet, le consommateur renonce généralement à intervenir seul en justice lorsque le montant individuel du préjudice financier est limité.

La seule action ouverte aux associations de consommateurs qui permet de regrouper des actions individuelles de consommateurs, l’action en représentation conjointe, n’a été que très peu utilisée car trop lourde et complexe dans sa mise en œuvre.

Un groupe de travail composé de représentants des consommateurs, de représentants des professionnels et de praticiens du droit avait, en 2005, remis au Gouvernement un rapport préconisant l’introduction dans le code de la consommation d’une nouvelle possibilité d’action en justice dénommée action de groupe.

Ce sont ces suggestions qui sont, en grande partie, formalisées dans cette proposition de loi.

Dans un souci d’efficacité et de simplification, cette proposition de loi entend mettre en place un dispositif au champ d’application très large permettant de prendre en compte tous les cas de litiges pouvant se présenter. Ainsi, la procédure pourra être engagée aussi bien lors de dommages matériels subis par le consommateur ou lors de l’inexécution ou de la mauvaise exécution par un professionnel de ses obligations contractuelles mais aussi de litiges nés lors de la formation du contrat. De même, il est important que les consommateurs victimes de pratiques anti-concurrentielles puissent utiliser l’action de groupe pour faire valoir leurs droits. Enfin, les préjudices physiques nés d’un contrat doivent aussi pouvoir bénéficier de cette nouvelle procédure.

Cette procédure permet donc aux associations agréées de consommateurs d’agir directement pour le compte des victimes sans qu’elles aient à se manifester (option d’exclusion). Ce sont elles qui obtiennent du juge, en cas de responsabilité avérée du professionnel, une grille d’indemnisation à charge pour les associations de dédommager les victimes qui se seront fait connaître.

Afin d’éviter toute dérive, une étape initiale de recevabilité est créée afin de concilier les intérêts des parties et exclure le risque de procédures abusives ou inadaptées. C’est ainsi que le juge pourra déclarées irrecevables toutes demandes manifestement infondées ou fantaisistes et toutes celles qui porteraient injustement atteinte à l’image de l’entreprise

L’indemnisation privilégiée en matière de réparation consiste en une compensation directe et financière distribuée à tous les membres du groupe. La totalité des dommages et intérêts fixés par le juge devra revenir aux victimes par un versement en numéraire ou sous forme d’une réduction à valoir sur la facture suivante. La mise en recouvrement pourra aussi s’accompagner de mesures complémentaires : publicité, affichage, travaux de remise en état.

Au cas où l’identification des membres du groupe n’est pas réalisable, la réparation se fera sur un mode indirect : les solutions compensatoires individuelles étant épuisées, le reliquat servira à financer des actions de terrain dont le lien avec l’objet du recours est manifeste. Le juge, dans sa décision, en donnera le détail ; il rendra ces mesures exécutoires en arrêtant les modalités de leur mise en œuvre et les marges conférées à l’autorité de contrôle.

En cas de transaction entre les parties à l’instance, il conviendra aussi, pour éviter tout chantage ou tout déséquilibre, de la placer sous le regard et le contrôle du juge qui lui accorde son homologation.

Depuis 2005 il y a urgence à légiférer afin de corriger le déséquilibre qui existe entre consommateurs et certaines entreprises usant de leur position. Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons d’adopter, Mesdames, Messieurs, la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le titre II du livre IV du code de la consommation est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« Chapitre III

« Action de groupe

« Art. L. 423-1. – L’action de groupe a pour objet, dans les conditions prévues aux articles L. 423-2 à L. 423-9, de réparer le préjudice matériel et/ou corporel ainsi que le trouble de jouissance subis individuellement par plusieurs consommateurs, personnes physiques, ayant pour origine commune l’inexécution ou la mauvaise exécution par un même professionnel de ses obligations légales ou contractuelles.

« Art. L. 423-2. – L’action est introduite par une association de consommateurs représentative sur le plan national et agréée en l’application de l’article L. 411-1 au nom de tous les consommateurs victimes du professionnel.

« Art. L. 423-3. – Dans le cadre de l’examen de recevabilité, préalable à toute décision au fond, le juge vérifie la présence des conditions suivantes :

« – La réalité et le sérieux du litige ;

« – L’inadéquation d’une procédure conjointe ou d’une procédure avec mandat ;

« – Le caractère commun des questions de droit ou de fait des litiges en présence.

« En cas d’absence de l’une quelconque des conditions suivantes, le juge déclare l’action irrecevable. La décision de recevabilité est susceptible d’un recours devant la cour d’appel du ressort du tribunal de grande instance ayant rendu la décision. Le premier Président fixe la date de l’audience, laquelle doit avoir lieu dans le plus bref délai.

« Art. L. 423-4. – Toute transaction ou renonciation doit être homologuée par le juge qui vérifie qu’elle ne lèse pas les intérêts des parties à l’instance et qu’elle fixe les conditions dans lesquelles les sommes vont être distribuées aux membres du groupe.

« Art. L. 423-5. – Lorsque le juge décide d’indemniser le préjudice subi par les consommateurs, en condamnant le professionnel mis en cause au paiement de dommages et intérêts, il procède :

« – Par voie d’allocation individuelle dans tous les cas où elle est possible. Dans cette hypothèse, il fixe les conditions et délais dans lesquels les consommateurs représentés pourront faire valoir leur droit de créance ;

« – Par voie d’allocation collective dans tous les autres cas.

« Art. L. 423-6. – Les consommateurs ayant subi un dommage objet de l’action mentionnée à l’article L. 423-1 bénéficient de l’interruption de la prescription résultant de l’introduction de l’action de groupe, pendant la durée de la procédure et, au plus tard, jusqu’au jour du prononcé du jugement.

« Art. L. 423-7. – Le juge ordonne, aux frais du professionnel intéressé, la diffusion, par tous moyens appropriés, de l’information sur le jugement afin de permettre aux consommateurs ayant subi un dommage objet de l’action prévue par l’article L. 423-1 d’en avoir connaissance.

« Art. L. 423-8. – Les modalités d’application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 423-9. – Les tribunaux de grande instance appelés à connaître des actions de groupe sont déterminés par décret. »


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