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N° 479

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 décembre 2012.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à créer une commission d’enquête sur les insuffisances des dispositifs de protection des investisseurs révélées par l’affaire Apollonia, et les suites qu’il convient d’y donner,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Philippe COCHET, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Yves NICOLIN, Jean-Pierre GIRAN, Éric WOERTH, Olivier AUDIBERT-TROIN, Charles de LA VERPILLIÈRE, Jean-Claude GUIBAL, Marianne DUBOIS, Bernard DEFLESSELLES, Bernard PERRUT, Jacques BOMPARD, Yves ALBARELLO, Jean-Luc MOUDENC, Jean LEONETTI, Josette PONS, Christophe GUILLOTEAU, Éric STRAUMANN, Jacques Alain BÉNISTI et Julien AUBERT,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

C’est depuis 2009 et de façon très progressive que la presse s’est fait écho des démêlés judiciaires liés à une vaste escroquerie orchestrée par la société Apollonia, conseil en investissement, avec le concours de plusieurs banques et notaires sur l’ensemble du territoire national.

Plus de 1 000 clients floués, ayant réalisé des investissements dans les résidences de tourisme et étudiantes qui relevaient à l’époque d’un dispositif fiscal très favorable, ont ainsi perdu les économies de toute une vie.

Les victimes, regroupées depuis au sein de l’association ANVI-ASDEVILM, n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme auprès des parlementaires de tout bord sur la situation désespérée dans laquelle nombre d’entre eux se sont retrouvés.

L’affaire Apollonia constitue la plus grande escroquerie immobilière et financière que la France ait jamais connue. Le montant total du préjudice initial pour ses victimes s’élève à plus d’un milliard d’euros, soit à titre de comparaison plus de 300 fois le montant évoqué dans l’affaire désignée comme « La Madoff de Touraine » fin 2011.

Cette affaire, d’une ampleur inédite, a provoqué le surendettement massif de particuliers, jusqu’à 8 millions d’euros pour certains d’entre eux. Elle implique toute une chaîne d’intervenants : non seulement la société Apollonia, mais aussi des promoteurs, des études de notaires, un cabinet d’experts-comptables, des courtiers en prêts immobiliers et enfin des banques.

Après quatre années de procédure, le nombre de mises en examen s’élève en juillet 2012 à 36, dont 13 ex-dirigeants, cadres, directeurs de banque ou courtiers en prêts immobiliers et 5 banques, en tant que personnes morales : CIFRAA, BPI, CFID, Crédit Mutuel Méditerranéen, Crédit Mutuel de l’Étang de Berre.

Ce qui était « l’affaire Apollonia » devient, au fil des années et des révélations apportées par les cadres bancaires entendus par la justice, « le scandale bancaire de l’affaire Apollonia ».

Les biens immobiliers. De 1997 à 2009, la société aixoise Apollonia a commercialisé plus de 4 500 logements, résidences de tourisme ou d’étudiants, exploitables dans le cadre du statut de loueur en meublé professionnel.

L’escroquerie immobilière. Les commerciaux d’Apollonia mettaient en œuvre des techniques de vente très structurées et se chargeaient de toutes les démarches nécessaires à la réalisation de l’acquisition. L’ensemble des intervenants : promoteurs, notaires, banques, avaient été choisis par leurs soins. Des notaires et des banques parmi les plus grandes enseignes nationales, sélectionnés par Apollonia, avaient vocation à apporter sécurité et confiance aux clients.

L’absence de contrôle des banques sur les demandes de prêts. Les commerciaux d’Apollonia recevaient les offres de prêts directement des banques prêteuses. Ils étaient chargés de les faire signer par les acquéreurs et de les renvoyer aux banques qui acceptaient ainsi de n’avoir aucun contact avec les clients auxquels elles ouvraient pourtant un prêt.

De plus, Apollonia n’hésitait pas à présenter une même demande de prêt à plusieurs banques, ce qui aboutissait à des « cas d’acceptation multiples ».

Dans certains cas, les documents étaient falsifiés de manière grossière par les commerciaux d’Apollonia pour cacher les autres prêts et occulter la situation de surendettement. Par ailleurs, des comptes bancaires étaient ouverts à l’insu des clients pour dissimuler certains prêts. Enfin, les prêts étaient accordés sans que soient mises en œuvre les procédures de contrôle les plus élémentaires.

La loi du 10 janvier 1978 dite loi Scrivener, visant la protection des emprunteurs a été violée des centaines de fois, pendant des années.

Le lundi 16 juillet 2012, une première banque est mise en examen en tant que personne morale dans le cadre de l’affaire Apollonia. Dans le courant de la semaine suivante, 5 banques au total sont visées par cette procédure, sous des chefs d’inculpation d’escroquerie en bande organisée ainsi que de complicité et de recel d’escroquerie en bande organisée, ce qui constitue une première judicaire.

Le CIF, par sa quasi-faillite, va mettre en grande difficulté, sinon au chômage près de 2 500 personnes. De plus, du fait d’une déviance de son activité principale qui était – rappelons-le – de « faciliter l’accession à la propriété des ménages à revenus modestes », cette banque, comme de nombreuses autres enseignes françaises (BNP - Crédit Agricole - Crédit Mutuel - HSBCGEMB - Caisse d’Épargne), ont fait plusieurs centaines de victimes.

Ces personnes ont été littéralement spoliées par des crédits « prédateurs », octroyés par le biais du démarchage défiscalisant de la même façon que dans l’affaire Apollonia.

Il semble que la cause de ces dérives soit à rechercher dans l’insuffisance des systèmes de contrôle des banques et l’insuffisance des sanctions appliquées lorsque des manquements graves aux usages prudentiels édictés sont constatés.

À titre d’exemple, pour le CIF, l’Autorité de Contrôle Prudentiel a mis cette banque en demeure pendant des années, en lui reprochant l’extrême fragilité et les dangers de son modèle économique (aucun adossement à une banque de dépôt, totale dépendance vis-à-vis des marchés financiers pour son refinancement). Pour toute réponse, le CIF, établissement financier censé consacrer son activité au « logement social », a choisi de se développer à outrance en finançant de l’immobilier de loisir et d’affaires, au travers de produits largement surévalués (de 2 à 4 fois la valeur du marché), donc potentiellement « toxiques » et ce depuis 10 ans.

Ceci s’est réalisé via des intermédiaires dont l’unique préoccupation était leur propre commission, en dehors de toute considération éthique ou déontologique, voire réglementaire.

L’explosion, programmée car inéluctable, de cette « bulle » immobilière et l’effondrement des remboursements des crédits consentis de manière sauvage et totalement irresponsable qui ont amené des centaines de personnes à une situation de surendettement, ont obligé cette banque et les autres impliquées dans ce « système », à passer le plus discrètement possible, dans leurs bilans, des provisions considérables (plusieurs centaines de millions d’euros pour le CIF), spoliant ainsi leurs actionnaires, générant des tensions sur les marchés financiers, amenant les agences de notation à dégrader ces établissements.

Le CIF et de nombreuses autres banques (Crédit Mutuel, GEMB, Crédit Foncier) se sont défaits de ces créances plus que douteuses qu’elles ont ainsi créées dans la seule préoccupation du « faire du chiffre », en les cédant sur les marchés financiers. Ainsi, la titrisation de ces créances toxiques a eu pour effet de polluer la place financière française, reproduisant l’effet subprimes que l’on a connu aux États-Unis, avec l’effet domino qui s’en est suivi.

Des procédures judiciaires sont en cours, mais il est de la responsabilité de la représentation nationale d’intervenir dans cette affaire et d’examiner les dysfonctionnements survenus mais aussi les insuffisances des procédures existantes visant à assurer la sécurité des emprunts en vue des investissements immobiliers.

Les violations de la loi, constatées dans l’affaire Apollonia portent notamment sur :

– les formalités et les procédures prescrites par la loi Scrivener ;

– les actes notariés, rédigés de manière « industrielle ».

Le Parlement doit impérativement enquêter sur ces dérives car il y va de la crédibilité du système financier, celle des professionnels de la finance et du notariat ainsi que de la sécurité des opérations juridiques, toutes deux capitales pour tous les acteurs de notre économie.

Il lui appartient également de réfléchir sur les suites que cette affaire nécessitera de définir en termes de renforcement des dispositifs de sécurité existants, réclamé de longue date par les associations de consommateurs, tels que la création du fichier positif d’endettement, le renforcement du dispositif Scrivener, la nécessité accrue d’une information claire, compréhensible et documentée des emprunteurs ainsi que le renforcement des pouvoirs de sanction et des moyens alloués aux organismes de contrôle.

Toutes ces questions et celles, majeures, des conséquences de cette affaire sur la confiance des citoyens dans leurs institutions bancaires et notariales justifient la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les mécanismes et les insuffisances de la législation et de la réglementation actuelles qui ont permis la survenance de l’escroquerie à grande échelle orchestrée par les acteurs de l’ « affaire Apollonia ».

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 137 et suivants du règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de 30 membres, chargée d’enquêter sur les mécanismes et les insuffisances de la législation et de la réglementation actuelles qui ont permis la survenance de l’escroquerie à grande échelle orchestrée par les acteurs de l’affaire Apollonia.


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