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N° 688

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 février 2013.

PROPOSITION DE LOI

visant à instituer un registre national de donneurs d’organes
en complément du registre actuel des refus et dans le respect
du régime de consentement présumé et à améliorer l’information sur la problématique des dons d’organes,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Marie SERMIER, François VANNSON, Michel HEINRICH, Alain MARTY, Patrice MARTIN-LALANDE, François SCELLIER, Jean-Pierre VIGIER, Yves ALBARELLO, Lionnel LUCA, Claude GREFF, Georges GINESTA, Didier QUENTIN, Jean-Marie TETART, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Denis JACQUAT, Marie-Jo ZIMMERMANN, Philippe COCHET, Étienne BLANC, Guy GEOFFROY, Annie GENEVARD, Claude de GANAY, Laure de LA RAUDIÈRE, Philippe LE RAY, Olivier DASSAULT, Claudine SCHMID, Bérengère POLETTI, Jean-Pierre DECOOL, Jacques Alain BÉNISTI, Damien MESLOT, Bernard PERRUT, Philippe Armand MARTIN, Josette PONS, Marianne DUBOIS, Dominique LE MÈNER, Jean-Luc MOUDENC, Patrick HETZEL et Dominique DORD,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis de nombreuses années, la France souffre chroniquement d’un déficit de dons d’organes. Le nombre de greffes réalisées est largement inférieur aux besoins médicaux puisque nous en avons réalisé en moyenne 4 500 par an sur la période 2005/2008 pour une demande évaluée à 13 000.

La durée d’attente des demandeurs s’allonge conduisant à de nombreux décès. Pour la seule greffe rénale, 201 malades inscrits en liste d’attente sont décédés en 2008 faute de greffe ! Le tourisme médical se développe. Des demandeurs partent se faire greffer à l’étranger, dans des conditions sanitaires et médicales douteuses au mépris de l’éthique humaine. Le trafic clandestin d’organes progresse. On peut aujourd’hui acheter un rein pour 45 000 €, une cornée pour 21 000 €, un cœur pour 96 000 €, un poumon pour 170 000 €, prélevés sur des donneurs parfois non consentants. Un tourisme macabre de transplantations progresse vers certains pays du monde.

Le fait d’être au même niveau déficitaire que bien d’autres pays ne dispense pas pour autant le législateur de rechercher des marges de progrès pour améliorer la situation.

Depuis la loi n° 76-1181 du 22/12/1976, chaque Français est présumé donneur sauf à avoir manifesté son opposition en s’inscrivant sur le fichier national de refus, tenu à jour par l’Agence de la biomédecine (cf. loi n° 94-654 du 23/07/2004). C’est ce que l’on appelle le fichier négatif puisque seuls y sont inscrits ceux qui refusent le prélèvement.

Mais nos concitoyens ignorent cette disposition et le jour venu, les chirurgiens renoncent à prélever sans avoir l’autorisation des proches... Dans plus de 30 % des cas, la famille refuse pour des raisons non médicales (un taux deux fois plus important qu’en Espagne… qui propose une incitation financière aux donneurs). De ce fait, par exemple en 2008, plus de 2 000 greffes de rein ont été perdues.

À l’inverse, certains pays ont fait le choix d’un consentement explicite. C’est-à-dire que le donneur s’inscrit de son vivant sur un fichier précisant qu’il donne son accord pour un prélèvement après son décès. Ainsi, le corps médical connaît parfaitement l’intention du donneur. La famille a alors beaucoup plus de mal à s’opposer à ses dernières volontés. C’est ce type de fichier positif qui a cours en Allemagne, au Danemark, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. Certains diront que le taux de prélèvement n’y est alors pas plus important et qu’il serait donc inopportun de changer de régime de consentement (passer du régime implicite au régime explicite) pour avoir le même résultat ! Mais on ne peut se contenter de cela pour se résigner à ne pas faire mieux…

Le rapport d’information n° 2235 de la mission d’information présidée par Alain CLAEYS et rapportée par Jean LEONETTI sur la révision des « Lois de bioéthique » reconnaît que « l’augmentation du nombre de dons résulte de la combinaison de nombreux facteurs » : la disponibilité des donneurs, l’état de l’opinion (et donc la communication qui la sensibilise). Ce constat est effectivement pertinent et des propositions intéressantes sont d’ailleurs faites sur les points d’information : information des jeunes à travers la JAPD, de l’opinion publique via le réseau des pharmacies…

Le dialogue en famille – « il faut en parler autour de soi » – est plus un vœu qu’une réalité. La volonté du donneur se trouve inhibée par les préjugés, par le malaise que nous avons tous à évoquer la mort future d’un proche ou d’un être cher. De ce fait, on n’en parle pas, pour ne pas indisposer, pour ne pas blesser, et l’on reste dans le « non-dit ». Le jour venu, la famille prend une position qui n’est pas toujours celle du donneur.

L’opposition de la famille se fait aussi dans des moments difficiles. L’analyse rationnelle, l’acceptation de se séparer du corps d’un être cher le temps du prélèvement et de se le voir restitué « non entier » cède le pas à l’émotion et à la douleur. C’est alors trop en demander aux familles.

Il est aussi possible pour le donneur de porter sur lui, avec ses papiers d’identité, une « carte de donneur d’organes et de tissus » mise à disposition par l’Agence de la biomédecine. Mais cette carte ne donne lieu à aucun fichier de suivi et personne ne peut savoir aujourd’hui qui en est porteur ou non. Entre ceux qui ne l’ont pas, ceux qui ne l’ont plus, ceux qui l’ont égarée ou tout simplement laissée à leur domicile, le donneur ne l’a généralement pas sur lui le jour venu. Elle est souvent retrouvée postérieurement, bien trop tard ! Il y a donc lieu de parfaire l’utilisation de cette carte.

Ce rapport n° 2235 reconnaît aussi que le cadre juridique a également son importance. La stagnation du nombre de dons montre qu’il n’est pas forcément le plus efficace. Il est perfectible et son insuffisance doit donc conduire le législateur à le faire évoluer.

En parallèle de toutes les actions nécessaires que l’on peut mener, la présente proposition de loi a pour objectif de rendre ce cadre juridique plus incitatif en conjuguant consentement présumé et consentement explicite.

Le régime du consentement présumé resterait donc la règle. Mais la « carte de donneur d’organes et de tissus » serait alors complétée par un fichier centralisé, géré par l’Agence de la biomédecine, où seraient inscrits tous les donneurs volontaires, porteurs de la carte précitée.

Lors du décès, le service en charge du prélèvement consulterait le fichier négatif puis le fichier positif. En cas d’inscription de la personne décédée sur l’un ou l’autre, la réponse serait immédiate : pas de prélèvement en cas d’inscription sur le fichier national de refus, prélèvement réalisé en cas d’inscription sur le fichier national des donneurs. La famille ne serait alors consultée qu’en l’absence totale d’inscription sur l’un ou l’autre.

La gestion du fichier des donneurs par l’Agence de la biomédecine se ferait naturellement dans le strict respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. La révocation de l’inscription pourrait se faire à tout moment pour préserver le respect de la volonté individuelle du donneur. De même, l’inscription ne serait valable que pour une période limitée. Son renouvellement serait conditionné à une information par l’Agence de la biomédecine – gestionnaire du fichier – qui inviterait alors le donneur à réactiver son inscription. Ainsi, le donneur volontaire serait assuré que sa famille ne « bloque » sa dernière volonté.

L’article 1er institue donc un fichier des donneurs d’organes et de tissus géré par l’Agence de la biomédecine et lui donne une véritable efficacité.

L’article 2 renvoie les modalités d’application à un décret en Conseil d’État.

L’article 3 précise que l’obligation d’information lors des journées d’appel à la défense doit se faire tant sur le registre national de refus que sur celui des donneurs.

L’article 4 instaure une information sur le sujet au sein des lycées et établissements d’enseignement supérieur.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 1232-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Il est instauré un registre national de donneurs d’organes et de tissus sur lequel la personne acceptant de son vivant le prélèvement en application du premier alinéa peut demander son inscription. Cette inscription révocable à tout moment n’est valable que pour une durée limitée, renouvelable expressément par le demandeur.

« Ce registre est tenu à jour par l’Agence de la biomédecine, conformément à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. » ;

2° Le début du troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Le médecin doit directement prendre connaissance et faire application de la volonté du défunt. À défaut d’inscription sur l’un ou l’autre des registres prévus au présent article, le médecin doit s’efforcer de recueillir… (le reste sans changement) ».

Article 2

Au 2° de l’article L. 1232-6 du même code, les mots : « du registre national automatisé prévu au troisième alinéa » sont remplacés par les mots : « des registres nationaux automatisés prévus aux deuxième et troisième alinéas ».

Article 3

À la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 114-3 du code du service national, les mots : « sur le registre national automatisé prévu » sont remplacés par les mots : « ou son accord sur les registres nationaux automatisés prévus ».

Article 4

À la première phrase de l’article L. 312-17-2 du code de l’éducation, les mots : « le registre national automatisé prévu » sont remplacés par les mots : « les registres nationaux automatisés prévus ».


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