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N° 851

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 mars 2013.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à instituer une journée nationale de la laïcité,

présentée par Mesdames et Messieurs

Germinal PEIRO, Christian BATAILLE, Jean GLAVANY, Henri EMMANUELLI, Guy-Michel CHAUVEAU, Michel MÉNARD, Brigitte ALLAIN, Jean-Pierre ALLOSSERY, Sylviane ALAUX, Christian ASSAF, Avi ASSOULY, Dominique BAERT, Gérard BAPT, Serge BARDY, Ericka BAREIGTS, Marie-Noëlle BATTISTEL, Philippe BAUMEL, Nicolas BAYS, Catherine BEAUBATIE, Gisèle BIÉMOURET, Jean-Pierre BLAZY, Jean-Luc BLEUNVEN, Daniel BOISSERIE, Christophe BORGEL, Florent BOUDIE, Marie-Odile BOUILLÉ, Christophe BOUILLON, Emeric BRÉHIER, François BROTTES, Isabelle BRUNEAU, Jean-Claude BUISINE, Fanélie CARREY-CONTE, Christophe CASTANER, Jean-Yves CAULLET, Guy CHAMBEFORT, Gérard CHARASSE, Pascal CHERKI, Jean-Michel CLÉMENT, Pascale CROZON, Yves DANIEL, Pascal DEGUILHEM, Florence DELAUNAY, Guy DELCOURT, Carole DELGA, Sophie DESSUS, Fanny DOMBRE COSTE, Jean-Luc DRAPEAU, William DUMAS, Christian ECKERT, Corinne ERHEL, Marie-Hélène FABRE, Martine FAURE, Alain FAURÉ, Richard FERRAND, Christian FRANQUEVILLE, Yann GALUT, Joël GIRAUD, Geneviève GOSSELIN-FLEURY, Pascale GOT, Marc GOUA, Jérôme GUEDJ, Édith GUEUGNEAU, Razzy HAMMADI, Michel ISSINDOU, Henri JIBRAYEL, Philippe KEMEL, Colette LANGLADE, Jean LAUNAY, Michel LEFAIT, Jean-Yves LE DÉAUT, Annick LE LOCH, Lucette LOUSTEAU, Jacqueline MAQUET, Marie-Lou MARCEL, Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, Kléber MESQUIDA, Philippe NAUCHE, Dominique ORLIAC, Michel PAJON, Luce PANE, Hervé PELLOIS, Christine PIRES BEAUNE, Philippe PLISSON, Dominique POTIER, Michel POUZOL, Patrice PRAT, Catherine QUÉRÉ, Marie-Line REYNAUD, Marcel ROGEMONT, Frédéric ROIG, René ROUQUET, Stéphane SAINT-ANDRÉ, Pascal TERRASSE, Gérard TERRIER, Thomas THÉVENOUD, Sylvie TOLMONT, Jean-Louis TOURAINE, Catherine TROALLIC, Jacques VALAX, Fabrice VERDIER, Michel VERGNIER, Jean-Michel VILLAUMÉ et Jean-Jacques VLODY,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La laïcité s’avère en France une valeur particulièrement riche dans sa définition, son histoire et la place qu’elle occupe dans notre Droit. Elle est indissociable de l’idée républicaine et de ses fondements.

Elle incarne d’abord une valeur de liberté et notamment la protection d’une liberté individuelle fondamentale, la liberté de conscience. Elle représente ensuite une valeur d’égalité puisqu’elle assure l’égalité devant la loi des citoyens selon leurs différences spirituelles. Elle suppose l’application du principe d’égalité des droits pour chacun : croyant, non croyant, catholique, protestant, israélite, musulman, athée, agnostique… Enfin, la laïcité est une valeur de fraternité, qui nous permet de vivre ensemble avec nos différences dans le respect de celles-ci, et dans la subordination à la loi républicaine exprimant l’intérêt général et non pas la somme des intérêts particuliers.

À la suite des idées défendues par les Lumières, c’est la Révolution française et l’adoption par l’Assemblée constituante en 1789 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui apparaît comme une étape décisive. Son article 10 dispose que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses ». Pour la première fois sont reconnus la liberté de conscience, l’égal respect de toutes les croyances et la neutralité des Institutions face au choix individuels des personnes. Après la loi sur la liberté des cultes en 1791, c’est la Troisième République qui consolide l’édifice laïque avec l’adoption de nombreux textes, dont les lois de 1881 et 1882 sur l’école publique, gratuite, laïque et obligatoire et surtout la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État.

Pour la première fois cette dernière organise juridiquement et politiquement avec précision les relations entre la République et les religions. Cette loi affirme et garantit la liberté de conscience, le libre exercice des cultes et le pluralisme religieux, la séparation des Églises et de l’État, la neutralité du pouvoir politique, la primauté des lois républicaines. Même modifiée à plusieurs reprises, elle fixe toujours aujourd’hui une place et une mission fondamentale à la laïcité au sein de la République.

La République française cherche ainsi depuis plus d’un siècle à conjuguer la diversité et l’unité. La laïcité en est alors un instrument essentiel, dans les services publics et en particulier à l’école. C’est elle qui reconnaît les différences, les respecte et les protège mais interdit en revanche qu’une différence ne scinde la communauté des citoyens, une et indivisible. Elle s’efforce aussi de promouvoir ce qui nous rassemble : outre la loi commune, notre histoire, notre identité, nos valeurs, la démocratie, la République, sa devise, son drapeau, son hymne, notre modèle social, notre intelligence collective. La laïcité constitue donc un vecteur du « vivre ensemble » fondé sur un projet collectif qui reconnaît à chacun la liberté de ses choix individuels.

Les Quatrième et Cinquième Républiques ont su apporter de surcroit une consécration constitutionnelle à la laïcité. Aujourd’hui notre Constitution dispose ainsi dans son article premier que « La France est une République (…) laïque ». Ainsi, dans les valeurs culturelles comme dans l’ordre juridique, la laïcité apparaît en France particulièrement installée, reconnue et protégée. Pourtant il semble que depuis quelques années naissent certaines menaces ou atteintes à certains principes qui la structurent.

La tendance à un repli confessionnel, communautariste, ethnique ou identitaire, une forme de délitement du lien social dans certains quartiers ou encore certaines initiatives politiques maladroites ou provocatrices, ont pu malheureusement contribuer à un affaiblissement des valeurs laïques au cours de la dernière décennie. Et en raison de ce « déficit de laïcité », le modèle de l’intégration républicaine traditionnelle a pu alors sembler moins efficace, plus vulnérable et moins crédible.

Des réponses administratives et juridiques ont essayé d’être apportées par les Pouvoirs Publics : rapport de la Commission Stasi sur l’état du principe de laïcité dans la société française en 2003, loi du 15 mars 2004 relative à l’interdiction du port du voile dans les établissements scolaires en application du principe de laïcité, loi du 11 octobre 2010 relative à l’interdiction du voile intégral dans l’espace public notamment.

La nôtre peut apparaitre plus modeste mais cependant très utile pour lutter contre les remises en cause de la laïcité en France. Elle présente l’avantage de la simplicité, de la visibilité et de la pédagogie : consacrer une journée de notre calendrier à la laïcité constituerait assurément un instrument de promotion et de diffusion de la laïcité auprès de chacun de nos concitoyens.

Le Sénat a déjà adopté le 31 mai 2011 avec une très large majorité (183 voix contre 26, seul le Groupe de l’Union Centriste ayant voté contre) une proposition de résolution présentée par le Groupe Socialiste qui institue cette journée nationale de la laïcité. Cette dernière a été fixée au 9 décembre, date anniversaire de la promulgation de la loi de séparation des Églises et de l’État.

Notre proposition de résolution a ainsi pour ambition de compléter le travail accompli par les sénateurs et d’exprimer des positions harmonieuses et symétriques de la part des deux chambres, pour la première fois à gauche concomitamment depuis les débuts de la Cinquième République. Le Parlement français apparaîtrait alors parfaitement à l’unisson sur cette question et afficherait un poids institutionnel et politique particulièrement fort.

Notre initiative parlementaire souhaite par conséquent proclamer avec solennité notre profond attachement au principe constitutionnel de laïcité. Pour cela, elle vise à instituer une journée nationale de la laïcité, ni fériée, ni chômée, garante de la cohésion et de l’idéal républicain et qui permettrait d’installer une marque inédite et un symbole très apparent en faveur de ce grand principe républicain et constitutionnel. Cette journée permettrait notamment l’initiative et l’organisation de manifestations éducatives, associatives, pédagogiques ainsi que la mise en place d’activités proposées par l’État et les collectivités territoriales.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Rappelant que l’article premier de la Constitution dispose que la République est une République laïque,

Considérant que la laïcité doit être un principe fondamental constamment rappelé, car il incarne ce qui nous permet de vivre ensemble, dans le respect des croyances et pratiques religieuses, des opinions et convictions diverses de chacun ;

Demande que la République française instaure une journée nationale de la laïcité, garante de la cohésion républicaine, non fériée ni chômée, fixée au 9 décembre, et permettant chaque année de faire le point sur les différentes actions menées en la matière par les pouvoirs publics, ainsi qu’être l’occasion de manifestations au sein du système associatif et éducatif.


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