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N° 854

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 mars 2013.

PROPOSITION DE LOI

visant à mieux répartir la charge des travaux
prescrits aux propriétaires dans le cadre d’un plan
de prévention des risques technologiques,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Damien MESLOT,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Tirant les enseignements de la catastrophe survenue dans l’usine AZF de Toulouse en 2001, la loi Bachelot du 30 juillet 2003 (1) a imposé à l’État d’élaborer des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) afin de délimiter et d’anticiper les effets des accidents susceptibles de se produire dans les installations industrielles classées Seveso seuil haut.

Ces PPRT déterminent un périmètre d’exposition aux risques, au sein duquel diverses mesures peuvent être prescrites, en fonction du type de risques, de leur gravité, de leur probabilité et de leur cinétique.

Le IV de l’article L. 515-16 du code de l’environnement prévoit en particulier que les PPRT peuvent « prescrire les mesures de protection des populations face aux risques encourus, relatives à l’aménagement, l’utilisation ou l’exploitation des constructions, des ouvrages, des installations et des voies de communication existant à la date d’approbation du plan, qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants et utilisateurs dans les délais que le plan détermine (…). »

Les propriétaires de constructions situées dans le périmètre d’exposition aux risques peuvent donc se voir imposer des travaux d’un montant substantiel, alors même que l’approbation du PPRT, voire l’implantation de l’installation classée, est postérieure à la construction ou à l’acquisition de leur logement, et qu’ils ne sont en rien responsables des risques attachés à la proximité de cette installation.

L’acceptabilité sociale de cette obligation de travaux est d’autant plus faible que les populations résidant à proximité des sites industriels appartiennent rarement aux couches sociales les plus favorisées.

Les aides dont bénéficient les propriétaires d’habitations sont, pour l’heure, insuffisantes. Un crédit d’impôt sur les dépenses engagées par eux dans ce cadre a été institué par la loi de finances pour 2005 (2), avec un taux initial fixé à 15 %, les dépenses étant prises en compte dans la limite de 10 000 euros pour un couple. Ce taux a été porté à 40 % par la loi « Grenelle 2 » (3), avec un plafond de dépenses de 30 000 euros, avant d’être ramené à 30 %, pour 20 000 euros de dépenses maximum, en 2012. La loi de finances pour 2013 (4) a de nouveau porté le taux du crédit à 40 %, tout en maintenant le plafond de dépenses à 20 000 euros pour un couple.

À l’heure actuelle, 60 % du montant des travaux prescrits dans le cadre d’un PPRT restent donc par principe à la charge des propriétaires. Cette prise en charge insuffisante engendre des blocages, non seulement dans la réalisation des travaux, mais plus en amont dans la procédure d’approbation du PPRT, les élus locaux étant conscients des difficultés de financement parfois insurmontables entraînées par son entrée en vigueur. Ces retards placent les populations résidentes des zones à risques en situation de vulnérabilité.

Conscients de cette impasse, les représentants des principales industries concernées (5) et l’Association des maires de France (AMF) sont parvenus le 21 mars 2012 à un accord qui prévoit un financement, à parité par l’entreprise à l’origine du risque et la ou les collectivités percevant la cotisation économique territoriale de l’entreprise, de 50 % des dépenses engagées par le propriétaire, plafonnées à 20 000 euros pour un couple.

Cet accord n’est cependant pas contraignant ; il se contente de formuler des recommandations à destination des entreprises et collectivités. Aussi, afin de garantir son application, l’article 104 de la loi de finances pour 2013 en a repris les principales dispositions. Or, cet article a été censuré par le Conseil constitutionnel, lequel a considéré, dans sa décision du 29 décembre 2012 (6), que de telles dispositions n’avaient pas leur place en loi de finances.

Aussi, j’ai souhaité déposer cette proposition de loi afin de permettre aux riverains situés en zone PPRT que 90 % de leurs dépenses de renforcement soient prises en charge par l’État contre 40 % aujourd’hui.

L’article 1er insère un I bis à l’article L. 515-19 du code de l’environnement qui prévoit la participation paritaire de l’entreprise à l’origine du risque et des collectivités territoriales percevant tout ou partie de la cotisation économique territoriale dans le périmètre couvert par le PPRT aux travaux de renforcement du bâti prescrits aux propriétaires. Cette participation s’élève à 50 % du montant des travaux, et à 10 000 euros au minimum si le coût des travaux excède 20 000 euros. Cela ne vaut que pour les travaux entrepris par le propriétaire dans les cinq ans suivant l’approbation du PPRT.

L’article prévoit également, en l’absence d’accord entre les protagonistes, les règles de partage de la participation entre les différentes collectivités territoriales concernées et leurs groupements, ainsi qu’entre les exploitants s’ils sont plusieurs dans le périmètre du PPRT.

Ces différentes contributions devront être versées au propriétaire au plus tard deux mois après présentation par celui-ci des factures.

L’article 2 modifie l’article 200 quater A du code général des impôts afin de neutraliser l’impact de l’article 1er de la présente proposition de loi sur le calcul du crédit d’impôt sur les dépenses engagées dans le cadre d’un PPRT. Il est ainsi explicitement précisé que les participations prévues à l’article 1er ne sauraient être déduites de l’assiette du crédit d’impôt (I.), et qu’elles ne peuvent faire l’objet d’aucune reprise au titre des remboursements perçus dans le cadre du 8 de l’article 200 quater A (II.).

Il s’agit d’éviter que ne s’opère un effet de substitution entre les participations des collectivités locales et des entreprises et l’aide apportée par l’État via le crédit d’impôt : ces diverses contributions sont bien cumulatives, pour une aide totale représentant 90 % du montant des travaux si ceux-ci n’excèdent pas 20 000 euros pour un couple. La charge pesant sur les propriétaires s’en trouve ainsi considérablement allégée. L’adoption et la mise en œuvre des dispositions des PPRT devraient en être largement facilitées.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après le I de l’article L. 515-19 du code de l’environnement, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« bis. – Les exploitants des installations à l’origine du risque et les collectivités territoriales ou leurs groupements, dès lors qu’ils perçoivent tout ou partie de la contribution économique territoriale dans le périmètre couvert par le plan, participent au financement des travaux prescrits aux personnes physiques propriétaires d’habitation au titre du IV de l’article L. 515-16, sous réserve que ces dépenses de travaux soient payées dans un délai de cinq ans à compter de l’approbation du plan de prévention des risques technologiques prévu à l’article L. 515-15.

« Cette participation minimale, répartie en deux parts égales entre les exploitants des installations à l’origine du risque, d’une part, et les collectivités territoriales ou leurs groupements, d’autre part, finance 50 % du coût des travaux prescrits. Si le coût des travaux excède 20 000 €, la participation minimale est fixée à 10 000 €.

« En l’absence d’accord des collectivités territoriales ou de leurs groupements sur leur contribution respective à cette participation, la contribution leur incombant est répartie au prorata de la part de contribution économique territoriale qu’ils perçoivent des exploitants des installations à l’origine du risque au titre de l’année d’approbation du plan.

« Lorsque plusieurs exploitants figurent dans le périmètre couvert par le plan et en l’absence d’accord sur leur contribution respective à cette participation, le représentant de l’État fixe par arrêté la répartition de la contribution leur incombant.

« Ces différentes contributions sont versées aux propriétaires des habitations au plus tard deux mois après présentation des factures correspondant au montant des travaux prescrits. »

Article 2

L’article 200 quater A du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le b du 1 est complété par les mots : « sans qu’en soit déduit le montant des participations versées, le cas échéant, en application du I bis de l’article L. 515-19 du même code » ;

2° La seconde phrase du 8 est complétée par les mots : « ou lorsque les sommes remboursées ont été versées en application du I bis de l’article L. 515-19 du code de l’environnement ».

Article 3

Les charges qui pourraient résulter pour les collectivités territoriales sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Les charges et pertes de recettes qui pourraient résulter pour l’État sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.

1 () Loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.

2 () Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

3 () Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.

4 () Loi n° 2012-1509 de finances pour 2013.

5 () Union française des industries pétrolières (UFIP) et Union des industries chimiques (UIC).

6 () DC n° 2012-662 du 29 décembre 2012.


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