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N° 1263

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 juillet 2013.

PROPOSITION DE LOI

ayant pour objet d’interdire la participation de Français
à des conflits armés hors du territoire de la République
sans accord de la France,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jacques MYARD,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’intervention armée est intimement associée au domaine régalien et au principe de souveraineté. C’est à l’occasion de conflits armés que la puissance souveraine de l’État se manifeste avec le plus de vigueur. L’État assume ses prérogatives régaliennes à travers les forces armées pour assurer la sécurité, la protection de ses intérêts, ses moyens d’intervention sur des théâtres d’opérations étrangers.

Le lien entre l’État et l’armée est particulièrement fort en France où les forces militaires et elles seules ont vocation à incarner la défense de la Nation et les valeurs républicaines qu’elle porte.

Or, on constate depuis peu un phénomène nouveau, en plein essor, par lequel de jeunes Français s’engagent de leur propre initiative à l’étranger en dehors de tout contrôle et cadre juridique du Gouvernement français.

Ces nouvelles formes d’engagements témoignent d’une dynamique inquiétante, dans un contexte où les conflits armés sont de moins en moins interétatiques, et mettent en prise un Gouvernement et des groupes armés internes ou étrangers.

De jeunes Français en nombre croissant, souvent sous l’influence d’une idéologie qu’ils font leur, s’engagent de leur propre chef dans des conflits armés : certains ont combattu en Afghanistan et au Pakistan ; en Irak, au Yémen, en Libye ; d’autres se mobilisent au Mali, une centaine sont en Syrie aujourd’hui.

Un observatoire européen recense des centaines de jeunes venus de toute l’Europe engagés dans ces zones de conflit. Les services français, quant à eux, évaluent à plus d’une centaine les Français combattant à l’extérieur, en particulier en Syrie, ce qui, aux dires mêmes du ministre de l’intérieur M. Valls, est une situation très préoccupante. Selon les experts, le potentiel national pour le djihadisme n’a pas diminué, au contraire a-t-il même augmenté.

Ces sites d’opérations attirent de nombreux Français qui, grâce aux contacts sur internet et à la facilité d’accès de ces pays, peuvent s’engager aisément sur le terrain. Les motivations de ces individus qui combattent à l’étranger auprès de groupes armés sont diverses et cumulent exaltation religieuse, dénigrement des valeurs de la République, aboutissement d’un extrémisme radical les menant à embrasser le djihad.

Les conséquences, multiples, sont graves : ces individus hors contrôle brouillent non seulement l’image de la France, mais ils sont susceptibles de nuire aux intérêts de notre pays, voire d’aller jusqu’à combattre nos armées comme au Mali. Ces Français deviennent des individus aguerris dont la démarche, à leur retour, est la haine de la République et la promotion du communautarisme, poison du vouloir-vivre ensemble et de la cohésion de la Nation.

Il est nécessaire de mettre un coup d’arrêt à ce processus destructeur.

À cet égard, il convient de rappeler que la France a adopté depuis plusieurs années un arsenal législatif pour lutter contre cette dérive qui repose avant tout sur la définition, dans notre droit de l’antiterrorisme, sur le concept « d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». La loi la plus récente, de décembre 2012, sanctionne non seulement la propagande sur internet mais aussi la participation de Français à des camps d’entrainement étrangers.

Néanmoins, le type d’engagement opérationnel, souvent isolé, de ces individus, la complexité et le flou qui entoure certaines situations, comme le montre l’engagement de Français en Syrie aux côtés des forces opposées au régime, sans que leur appartenance au front djihadiste ou d’autres organisations terroristes soit aisément vérifiable, laissent apparaître d’importantes failles dans notre système de protection.

Il importe, en conséquence, de renforcer nos moyens pour lutter contre la participation de Français dans des conflits armés extérieurs, en formulant un principe ferme d’interdiction et en l’assortissant d’une sanction pénale et civile en cas d’infraction.

Aussi est-il souhaitable d’interdire tout engagement d’un Français dans un conflit armé hors du territoire de la République sans l’accord exprès des autorités françaises.

Ceux qui contreviendraient à cette règle encourent une peine de 5 ans de prison, 75 000 euros d’amende et la déchéance de la nationalité française.

Il s’agit d’une infraction qui ne trouverait à s’appliquer que dans les cas où aucune infraction terroriste ne semblerait pouvoir être retenue. Il appartiendra au procureur de la République de retenir l’infraction la plus adaptée.

Ces dispositions s’appliquent dans le cadre des conventions internationales auxquelles la France est partie.

Telle est la proposition de loi que je vous demande, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Avant l’article 421-1 du code pénal, est inséré un article 421-1 A ainsi rédigé :

« Art. 421-1 A. – I. – Le fait pour tout Français de participer directement ou indirectement à des conflits armés hors du territoire de la République en l’absence d’accord exprès des autorités françaises, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

II. – Les personnes physiques coupables de cette infraction encourent également les peines complémentaires suivantes prévues par le code pénal :

1° L’interdiction des droits civiques, civils et de la famille, suivant les modalités prévues par l’article 131-26 ;

2° La diffusion intégrale ou partielle de la décision ou d’un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci dans les conditions prévues par l’article 131-35 ;

3° L’interdiction du séjour, suivant les modalités prévues par l’article 131-31. »

Article 2

L’article 25 du code civil est complété par un 6° ainsi rédigé :

« 6° S’il est condamné pour avoir participé directement ou indirectement à des conflits armés hors du territoire de la République en l’absence d’accord exprès des autorités françaises, en application de l’article 421-1 A du code pénal. »


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