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N° 2134

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 juillet 2014.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer une part réservée des marchés publics
aux entreprises,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Charles TAUGOURDEAU, Georges FENECH, Luc CHATEL, Arlette GROSSKOST, Lionel TARDY, Yves ALBARELLO, Marcel BONNOT, Sébastien HUYGHE, Fernand SIRÉ, Paul SALEN, Véronique LOUWAGIE, Lionnel LUCA, Damien ABAD, Patrice MARTIN-LALANDE, Marc LE FUR, Lucien DEGAUCHY, Rémi DELATTE, Yves FOULON, Dino CINIERI, Jean-Marie TETART, Charles-Ange GINESY, Alain MOYNE-BRESSAND, Laurent FURST, Patrick HETZEL, Bernard GÉRARD, Virginie DUBY-MULLER, Bernard PERRUT, Jean-Sébastien VIALATTE, Philippe GOSSELIN, Yannick MOREAU, Valérie LACROUTE, Sylvain BERRIOS, Jean-Pierre DECOOL, Guénhaël HUET, Guy TEISSIER, Dominique DORD, Olivier MARLEIX et Marie-Louise FORT,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France manque d’une véritable « culture des PME ». C’est pourquoi notre pays est encore loin d’avoir une véritable politique conçue en direction des petites et moyennes entreprises. De fait, leur croissance est freinée et elles ne peuvent jouer un rôle important et avoir un poids réel dans la compétition internationale, contrairement, par exemple, au « Mittelstand » allemand.

Pourtant, de très nombreux rapports, qu’ils soient d’origine parlementaire ou d’organisations diverses, mettent en avant des préconisations qui permettraient de relancer notre économie et de créer du travail sur notre territoire.

Pourquoi dit-on, en France, que les rapports publiés sont toujours excellents, les constats bien étayés et relativement consensuels, et pourquoi au final l’action publique reste si peu audacieuse pour mettre en œuvre des propositions innovantes ?

D’autant que les Français placent désormais très majoritairement leur confiance entre les mains des chefs d’entreprises : 81 % d’entre eux font confiance aux patrons de PME pour sortir la France de la crise (sondage TNS Sofres pour l’Observatoire de la confiance, juin 2013).

La réalité est que ce sont les entreprises qui créent de la richesse dans notre pays. Le développement des TPE, PME et ETI est donc la condition essentielle du retour de la croissance, du travail et donc des emplois.

Parmi les mesures indispensables à une réelle prise en compte des besoins des TPE et des PME, la dixième proposition du rapport Gallois du 5 novembre 2012, commandé par l’actuelle majorité, propose « d’élaborer un équivalent au small business act, comme cadre de cohérence des dispositifs en faveur de la croissance ». Un tel dispositif, mis en place depuis 1953 aux États-Unis, favorise les PME américaines dans un tissu économique dense et vivant.

Dans ce pays, la croyance optimiste dans la réussite individuelle apparaît comme intrinsèquement liée à la civilisation américaine. Cette culture du succès individuel par l’économie s’incarne dans un engagement de la Nation pour soutenir les petites entreprises, qui sont considérées comme le moteur de l’économie et le symbole de la réussite et de la liberté.

Le « Small Business Act » permet d’assurer aux entreprises du pays un accès privilégié aux marchés publics.

La réussite de cette législation est incontestable. Aux États-Unis, chaque année, ce sont environ 25 % des marchés qui sont attribués aux PME.

Dans cette logique, il peut sembler donc opportun d’instaurer une « part réservée » des marchés publics aux entreprises et aux artisans en France. Ainsi, ils pourront plus sereinement asseoir leur existence, avoir les moyens de rivaliser sur un marché concurrentiel, d’innover, de permettre la création et la diffusion de richesses et donc d’embaucher.

Le « Small Business Act » européen adopté en juin 2008 par la Commission va en ce sens. Il a pour but d’ancrer au cœur des politiques de l’UE et partout en Europe le principe consistant à « penser aux PME d’abord ».

Conscient de l’enjeu et de la nécessité d’agir en faveur des entreprises innovantes, la précédente majorité avait déjà agi en ce sens en expérimentant un dispositif analogue entre 2008 et 2013. C’est ce que l’article 26 de la loi de modernisation de l’économie (LME) prévoyait en permettant que les personnes publiques puissent réserver une partie de leurs marchés publics aux PME innovantes, mais sans aucun caractère obligatoire.

Ainsi, il apparaît indispensable de permettre aux TPE et aux PME d’accéder plus facilement à la commande publique.

En effet, les premières commandes sont déterminantes dans le succès d’une entreprise nouvelle. La commande publique pourrait jouer un rôle de catalyseur dans le lancement de produits ou de services innovants.

De plus, se voir attribuer un marché public rend plus aisé, pour une TPE, une PME ou une ETI, l’accès à des investisseurs en fonds propres.

La mise en place d’un tel système ne viendrait pas en opposition avec la législation européenne et son principe de la « concurrence libre et non faussée ».

La présente proposition de loi est en cohérence avec cette exigence : l’appel d’offres est ouvert à tous mais favorise les entreprises françaises.

D’aucuns objectent qu’une telle mesure n’est pas techniquement possible au niveau national. Pourtant, en s’inscrivant dans un « Small Business Act » français intégrant l’échelle européenne, le résultat sera aussi efficace. En effet, la probabilité qu’une PME allemande tente de contracter avec l’administration française reste faible compte tenu de l’éloignement, de la complexité et de la différence de cultures. Mécaniquement, les TPE et PME françaises tireront, en France, tous les bénéfices d’une telle législation.

Ceci est essentiel pour que les TPE, les PME, et les ETI mettent toutes les chances de leur côté. Améliorer leur environnement juridique et administratif pour leur permettre de libérer pleinement leur potentiel de croissance et de création d’emplois doit aussi faire partie des mesures à mettre en place.

Ainsi, l’idée d’une « Small Business Administration », qui instituerait une entité unique pour les TPE, les PME et les ETI et qui serait le seul point d’entrée pour elles, pourrait constituer un volet complémentaire à cette proposition de loi.

Les TPE, PME et ETI, dotées de véritables outils de croissance, sont l’avenir de notre pays et de sa richesse intellectuelle, industrielle et financière. Il ne manque que le courage politique et une volonté sincère pour instaurer cette mesure et faire redémarrer notre pays, en panne de croissance solide et durable.

Tels sont, Mesdames, Messieurs les Députés, les objectifs de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices soumis au code des marchés publics ou à l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics doivent réserver une partie de leurs marchés ou accorder à ces sociétés un traitement préférentiel en cas d’offres équivalentes.

La qualité, les critères sociaux et environnementaux, ainsi que l’innovation doivent avoir un caractère déterminant dans l’attribution de ces marchés.

Article 2

Ceci est applicable aux marchés pour lesquels un avis d’appel à la concurrence a été publié ou pour lesquels une négociation a été engagée après la publication de la présente loi.

Article 3

Le présent dispositif fait l’objet d’une évaluation tous les deux ans à compter de sa promulgation.

Article 4

Les modalités d’application des articles 1 et 2, et celles relatives à l’évaluation du dispositif prévue à l’article 3 sont fixées par décret en Conseil d’État.


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