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N° 2206

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 septembre 2014.

PROPOSITION DE LOI

relative à l’aide médicale d’État,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Éric CIOTTI, Geneviève LEVY, Guénhaël HUET, Jean-Luc REITZER, Philippe HOUILLON, Jacques Alain BÉNISTI, Bernard ACCOYER, Laure de LA RAUDIÈRE, Julien AUBERT, Philippe GOSSELIN, Yves NICOLIN, Guy GEOFFROY, Michel VOISIN, Claude GREFF, Camille de ROCCA SERRA, Alain MARC, Alain MOYNE-BRESSAND, Jean-Claude GUIBAL, Bernard PERRUT, Rémi DELATTE, Guillaume LARRIVÉ, Annie GENEVARD, Jacques LAMBLIN, Dominique TIAN, Patrick HETZEL, Philippe VITEL, Véronique LOUWAGIE, Isabelle LE CALLENNEC, Fernand SIRÉ, Édouard COURTIAL, Étienne BLANC, Damien ABAD, Arlette GROSSKOST, Nicolas DHUICQ, Thierry LAZARO, Jean-Pierre DECOOL, Charles-Ange GINESY, Charles de LA VERPILLIÈRE, Laurent FURST, Marie-Louise FORT, Jean-Jacques GUILLET, Paul SALEN, Alain GEST, Lionnel LUCA, Michel TERROT, Éric STRAUMANN, Laurent WAUQUIEZ, Philippe GOUJON, Virginie DUBY-MULLER, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Anne GROMMERCH, Gérard CHERPION, Jean-Pierre BARBIER, Bérengère POLETTI, Olivier DASSAULT, Valérie LACROUTE, François SCELLIER, Guy TEISSIER, Dominique DORD, Patrice MARTIN-LALANDE, Valérie BOYER, Patrice VERCHÈRE, Christian ESTROSI, Marc LE FUR et Thierry MARIANI,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis sa création en 2000, le nombre de bénéficiaires de l’aide médicale d’État (AME) n’a cessé d’augmenter et les dépenses de l’État enregistrent chaque année une forte progression. Ainsi, le budget alloué à l’aide médicale d’État est passé de 588 à 744 millions d’euros en un an. De plus, le nombre de bénéficiaires accroit, passant de moins de 209 000 en 2011, pour atteindre plus de 282 000 en 2013, soit une augmentation de 35 % en 2 ans. Ces dérives budgétaires ont été pointées par la Cour des comptes qui, dans son rapport sur le budget de l’État 2013, s’inquiétait d’une « insoutenabilité budgétaire ».

De nombreux professionnels de santé dénoncent la multiplication des fraudes. La Ministre de la Santé, Marisol Touraine, a d’ailleurs reconnu que certaines filières de patients venus d’ailleurs seraient, en partie, responsables de cet accroissement de bénéficiaires.

Ces chiffres démontrent la nécessité d’encadrer plus strictement un système qui fait l’objet de nombreuses fraudes et qui pourrait conduire la France à devenir un « hôpital international ».

En effet, s’il faut préserver la double vocation humanitaire et sanitaire du dispositif, il convient de mettre en place des outils de régulation.

Aujourd’hui tous les actes de médecine de ville et hospitaliers sont pris en charge pour le titulaire de l’AME sans aucune avance de frais de sa part. Par conséquent, un titulaire de l’AME se trouve dans une situation plus avantageuse qu’un titulaire de la CMU ou qu’une personne travaillant et cotisant.

Cette situation conduit à un certain nombre d’abus auxquels il convient de mettre fin. L’AME permet aujourd’hui d’obtenir des soins de confort, par exemple la chirurgie esthétique non réparatrice. Ce n’est pas l’objectif de l’AME, qui ne doit répondre qu’à des considérations d’urgence.

Ainsi, l’article 1er propose que pour les étrangers majeurs en situation irrégulière, le « panier de soins » relevant de l’AME soit limité à la prise en charge des soins urgents, vitaux ou nécessaire pour éviter un risque épidémique. Ces soins doivent être dispensés au sein des établissements hospitaliers.

En revanche, pour les enfants mineurs, le « panier de soins » pris en charge reste total, quel que soit le lieu de soins, médecine de ville ou hôpital. Il est en effet indispensable de garantir aux enfants, qui ne sont pas responsables de leur situation illégale, un accès général aux soins.

La loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, a supprimé la possibilité, pour les centres communaux d’action sociale (CCAS), les centres intercommunaux d’action sociale (CIAS) et les associations agréées par le ministère de l’intérieur, de constituer les dossiers relatifs à l’AME créant une entrée unique de l’AME par l’assurance maladie. Ce « guichet unique » avait pour objectif d’améliorer les contrôles afin de lutter contre les fraudes. Le Gouvernement a souhaité, dans la loi de finances rectificative pour 2012 de juillet 2012, revenir sur cet outil en ré-ouvrant cette possibilité.

Il est donc proposé, à l’article 2, de rétablir le guichet unique, qui s’est révélé être un outil efficace de lutte contre la fraude.

Afin de bénéficier de l’AME, les ressortissants étrangers en situation irrégulière doivent résider depuis plus de trois mois sur le territoire français et il existe en outre des conditions de ressources (8 593 euros par an, 12 890 euros pour un couple). Or, les fraudes sont très nombreuses. Les contrôles réalisés en 2011 par 106 caisses primaires d’assurance maladie sur un échantillon de 7,58 % des bénéficiaires de l’AME ont permis de déterminer que 51 % d’entre eux avaient fait de fausses déclarations de ressources.

En outre, la lecture du rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGF-IGAS) de décembre 2010 permet de déterminer que ces fraudes sont en augmentation très importante. Par exemple, à la caisse primaire de Paris (environ 40 % des titulaires de l’AME en France), si les personnes bénéficiaires de l’AME ne représentent que 4,1 % des personnes gérées, on constate que 12,4 % des fraudeurs détectés sont des titulaires de l’AME.

L’IGF et l’IGAS ont au final mis en évidence à Paris une surreprésentation des titulaires de l’AME parmi les auteurs de fraudes.

Les enquêtes de police ont aussi démontré que l’AME était utilisée par les réseaux de trafic de médicaments mais aussi de drogue pour alimenter le marché illégal en Subutex (produit de substitution à l’héroïne).

Ainsi, l’article 3 de la proposition de loi propose de prévoir des sanctions en cas de fraudes. Il est prévu d’exclure la personne rendue coupable de fraude du bénéfice de l’aide médicale de l’État pour une durée de dix ans à compter de la date de condamnation.

En outre, afin de lutter contre les réseaux, l’article 3 propose de doubler les pénalités prévues par le code de la sécurité sociale pour les individus organisant ou participant au fonctionnement d’une fraude en bande organisée.

Enfin, l’article 29 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est revenue sur la mise en place du droit de timbre de 30 euros prévu par la loi de finances pour 2011. La perte de recettes entraînée par cette suppression s’élève à 5,2 millions d’euros en année pleine.

En période de difficultés budgétaires, nos concitoyens ne comprennent plus que l’accès aux soins ne soit soumis à aucune participation financière alors même que les efforts qui leurs sont demandés sont de plus en plus nombreux. Selon un sondage réalisé en septembre 2012 par l’IFOP, 62 % des Français désapprouvent la suppression du droit de timbre de 30 euros pour bénéficier de l’AME.

L’article 4 propose donc de soumettre les bénéficiaires de l’AME aux franchises, acquittées par la majorité des assurés sociaux, bénéficiaires de la couverture maladie universelle compris. Cette participation resterait limitée, ne pouvant excéder 50 euros par an.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le premier alinéa de l’article L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« La prise en charge, assortie de la dispense d’avance des frais pour la part ne relevant pas de la participation du bénéficiaire, concerne uniquement les soins urgents dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé de la personne ou d’un enfant à naître ou les soins nécessaires pour éviter un risque épidémique, et qui sont dispensés par les établissements de santé.

« Concernant les enfants mineurs, la prise en charge, assortie de la dispense d’avance des frais pour la part ne relevant pas de la participation du bénéficiaire, concerne, quel que soit le professionnel de santé pratiquant l’acte : ».

Article 2

Les six premiers alinéas de l’article L. 252-1 du code de l’action sociale et des familles sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« La demande d’aide médicale d’État est déposée auprès de l’organisme d’assurance maladie du lieu de résidence de l’intéressé. Cet organisme en assure l’instruction par délégation de l’État. »

Article 3

I. – Après le deuxième alinéa de l’article L. 252-3 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de condamnation pour fausse déclaration, manœuvre ou inobservation des règles du code de l’action sociale et des familles en application de l’article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale, le demandeur est exclu par le représentant de l’État ou son délégataire du bénéfice de l’aide médicale de l’État pour une durée de dix ans à compter de la date de condamnation. »

II. – L’article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le 10° du II est supprimé ;

2° Le III est complété par les mots : « ainsi que dans l’hypothèse de l’organisation ou la participation au fonctionnement d’une fraude en bande organisée ».

Article 4

Après le sixième alinéa de l’article L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sauf lorsque les frais sont engagés au profit d’un mineur ou dans les cas mentionnés aux 1° à 4°, 10°, 11°, 15° et 16° de l’article L. 322-3 du code de la sécurité sociale, les bénéficiaires de l’AME s’acquittent de la franchise prévue au III de l’article L. 322-2 du même code. »


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