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N° 2519

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2015.

PROPOSITION DE LOI

visant à établir le régime de la séparation de biens
comme régime matrimonial légal,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Alain TOURRET, Gérard CHARASSE, Stéphane CLAIREAUX, Jeanine DUBIÉ, Olivier FALORNI, Paul GIACOBBI, Joël GIRAUD, Gilda HOBERT, Jacques KRABAL, Dominique ORLIAC, Thierry ROBERT et Stéphane SAINT-ANDRÉ,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

À l’heure actuelle, le code civil prévoit que le régime matrimonial qui s’applique automatiquement, en l’absence de tout contrat passé entre les époux, est celui de la communauté de biens réduite aux acquêts.

Cette situation traduit une conception romantique du mariage, mais dénuée de tout réalisme.

Promulgué le 21 mars 1804 par Napoléon Bonaparte, le code civil est aussi le reflet d’une époque où les couples ne divorçaient pas et où les épouses apportaient une dot à des époux seuls aptes à apporter, par leur travail ou leur rente, un revenu au ménage. Enfin, seul l’époux avait pouvoir d'administrer les biens communs et d'en disposer, la femme bénéficiant de quelques mesures de protection.

Or, la législation a peu à peu instauré une égalité entre les époux, en particulier avec la loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 « portant réforme des régimes matrimoniaux », puis avec la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 « relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs ».

Plus précisément, c’est sous l’impulsion de la loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 que le régime matrimonial légal a évolué dans le code civil.

Alors que le régime légal était celui de la communauté de meubles et acquêts depuis 1804, la loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 a disposé que le régime légal, à partir du 1er février 1966, devenait celui de la communauté de biens réduite aux acquêts. Cette évolution est importante et positive car plus protectrice pour les époux en cas de décès de l’un ou de séparation, par exemple, mais elle reste encore insuffisante.

En effet, initialement, le régime matrimonial envisagé en 1804, englobait tous les biens de nature mobilière quelle qu'en soit l'origine : les meubles meublants, les comptes bancaires, les titres et valeurs en bourse, et actions et parts de société, les fonds de commerce notamment. Ainsi ceux provenant d'une succession se trouvaient incorporés dans l'actif commun tout comme ceux achetés avec les économies du ménage. Concernant les biens immobiliers, seuls ceux appartenant aux époux au jour du mariage ou recueillis par succession, donation ou legs leur demeuraient propres.

Actuellement et depuis la loi n° 65-570 du 13 juillet 1965, les mariages prononcés après le 1er février 1966 sont régis sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts. En d’autres termes, entre dans la communauté tout ce qui est investi ou acheté au cours du mariage au moyen des gains et salaires de l'un ou l'autre des époux, des bénéfices réalisés dans le cadre d'une activité libérale ou commerciale, des revenus des biens propres. Restent en revanche en dehors de la communauté tous les biens des époux appartenant à chacun d’entre eux au jour du mariage et ceux qui leur adviennent au cours de celui-ci par succession, donation ou legs.

Autre apport législatif, la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 établit le principe de la gestion concurrente, qui accorde à chaque conjoint le pouvoir d'administrer seul les biens communs, et même d'en disposer – à l’exception du logement familial qui, s’il appartient personnellement à l’un des conjoints, ne pourra être vendu sans le consentement de l’autre.

Si cette loi de 1985 constitue une avancée en particulier pour les femmes qui disposent désormais, au même titre que leur mari, du droit de gérer les affaires courantes du ménage de manière autonome, le texte pose une difficulté de taille en ce qui concerne la gestion des dettes.

En la matière et du fait de l’égalité de pouvoirs instaurée par la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985, la signature d’un seul des deux époux engage tous les biens de la communauté (hormis, bien sûr, les biens du conjoint acquis jusqu’à la date du mariage). Ainsi, les déboires financiers éventuels de l’un des époux sont susceptibles de mettre en péril le patrimoine commun du ménage. De fait, le régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts est un régime matrimonial bien peu protecteur. À ce titre, s’il peut paraître plus attrayant de prime abord, plus égalitaire, il est en réalité bien moins généreux qu’il n’y paraît.

La présente proposition de loi vise donc à assurer aux couples qui décident de se marier un régime matrimonial plus protecteur : celui de la séparation de biens.

Ce régime, qui assure une totale indépendance patrimoniale des époux et qui leur permet d’acquérir un bien en indivision, a l’avantage de protéger chacun d’eux des poursuites des créanciers de son conjoint.

D’autre part, ce régime est le plus simple lors de la dissolution du mariage. La liquidation de ce régime, parce que peu complexe, est la plus économique car elle évite les procès long et coûteux.

Certes, par ailleurs, dans le cadre du régime de la séparation de biens, les bénéfices, gains et salaires de l’un des deux époux ne profitent pas à l’autre, mais rien n’empêche le couple d’ouvrir un compte joint pour la gestion de leurs dépenses courantes et rien n’empêche les donations entre époux en cas de déséquilibre des revenus entre eux. En d’autres termes, la générosité entre époux n’est en rien empêchée par le régime de la séparation de biens. Plus protecteur, ce régime peut donc tout aussi bien s’avérer généreux.

Enfin, le régime de la séparation de biens ne constitue en rien une remise en cause des obligations de secours, d’assistance et de solidarité entre époux et des devoirs qui en découlent au sens des articles 212 à 226 du code civil.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 1387 du code civil est ainsi rédigé :

« La loi régit l'association conjugale, quant aux biens, conformément aux dispositions des articles 1536 et suivants, à défaut de conventions spéciales que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos, pourvu qu'elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs ni aux dispositions qui suivent. »

Article 2

Le premier alinéa de l’article 1536 du même code est ainsi rédigé :

« En l’absence de contrat de mariage, le régime matrimonial légal est celui de la séparation de biens, qui permet à chacun des époux de conserver l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels. »

Article 3

Le début de l’article 1400 du même code est ainsi rédigé :

« Le régime de la communauté peut s’établir contractuellement et est soumis aux règles (le reste sans changement) »


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