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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 2571

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 février 2015.

PROPOSITION DE LOI

visant à garantir l’isolement électronique des détenus
et à renforcer les moyens du renseignement pénitentiaire,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Philippe GOUJON, Éric CIOTTI, Guillaume LARRIVÉ, Jean-François LAMOUR, Georges FENECH, Thierry MARIANI, Jean-Marie SERMIER, Claude GOASGUEN, Édouard COURTIAL, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Jean-Pierre DOOR, Charles-Ange GINESY, Philippe VITEL, Nicolas DHUICQ, Alain SUGUENOT, Jean-Louis CHRIST, Marie-Louise FORT, Patrick HETZEL, Isabelle LE CALLENNEC, Philippe GOSSELIN, Philippe COCHET, Jérôme CHARTIER, Jean-Pierre DECOOL, Alain MOYNE-BRESSAND, Pierre LELLOUCHE, Michel VOISIN, Véronique LOUWAGIE, Jean-Claude MATHIS, Bernard PERRUT, Michel TERROT, Laure de LA RAUDIÈRE, Arlette GROSSKOST, Jean-Claude GUIBAL, David DOUILLET, Laurent FURST, Lionel TARDY, Lionnel LUCA, Damien ABAD, Patrice VERCHÈRE, Marcel BONNOT, Olivier AUDIBERT TROIN, Michel HEINRICH, Jean-Luc REITZER, Julien AUBERT, Bérengère POLETTI, Annie GENEVARD, Alain MARLEIX, Dominique DORD, Valérie LACROUTE, Daniel FASQUELLE, Martial SADDIER et Marc LE FUR,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015 ont provoqué une prise de conscience citoyenne de la nécessité, plus que jamais, de protéger notre nation et les valeurs de liberté, de droits de l’homme et de laïcité que porte la France, contre le terrorisme et l’obscurantisme.

Le parcours des terroristes, de Mohammed Mérah aux frères Kouachi et à Amédy Coulibaly, a fait apparaître l’importance d’Internet dans leur processus d’embrigadement, d’une part, et le prosélytisme des terroristes en milieu carcéral, d’autre part.

Alors que selon le juge antiterroriste Trévidic, un tiers des djihadistes qui reviennent sur le territoire national nourrissent un projet terroriste, les crimes des 7, 8 et 9 janvier rappellent que la fermeté est plus que jamais nécessaire pour faire respecter le droit à la sécurité, première des libertés. À l’heure où près d’un millier de Français sont partis ou en partance pour « faire le Djihad », et où parallèlement les retours des premiers djihadistes se font plus fréquents depuis les frappes aériennes de la coalition en Irak, l’adoption de ces mesures est d’une urgence absolue.

Le Gouvernement a annoncé le 14 janvier l’instauration de mesures d’isolement des détenus condamnés pour terrorisme, que l’UMP appelait de ses vœux depuis plusieurs mois, jusqu’alors sans succès.

Cette proposition de loi vise à compléter la réponse pénale en la matière. Elle vise tout d’abord à améliorer la surveillance des détenus en posant dans son premier volet (articles 1er à 3), le principe de l’interdiction d’utilisation d’un téléphone cellulaire ou d’un accès autonome et non contrôlé à Internet, permettant ainsi de garantir un « isolement électronique des détenus ». L’article 1er procède à une clarification législative en revenant à la lettre de la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il propose ainsi de supprimer la mention « tout autre moyen de communication », formulation présentant le risque de légaliser a posteriori l'utilisation de moyens de communication dont la détention ou l'utilisation est prohibée en prison comme les téléphones mobiles ou l'usage d'une messagerie Internet, introduite par la loi du 26 mai 2014.

Parce que pour des raisons de sécurité il n’est pas souhaitable d’étendre au-delà du courrier postal et de la possibilité de téléphoner avec les téléphones fixes mis à disposition, les moyens de communication avec l’extérieur à la disposition des détenus, les articles 1er à 3 posent cette interdiction. Celle-ci ne portera pas atteinte à leur droit de communiquer avec les personnes autorisées par téléphone fixe à certains horaires, ni de correspondre par voie postale avec celles-ci tout en faisant l’objet d’un contrôle, qui sont déjà prévus par les articles 39 et 40 de la loi pénitentiaire. Elle permettra en revanche de réaliser sur un fondement juridique sûr les interceptions de sécurité nécessaires. Outil indispensable à la préparation d’une évasion, au harcèlement des victimes, aux contacts avec le milieu dont on a cherché à couper le délinquant, porte d’accès vers la consultation des sites Internet notamment djihadistes qui trouvent en prison un terrain propice à l’endoctrinement, le téléphone portable doit être interdit avant tout pour des raisons sécuritaires. Ainsi, les surveillants avaient surpris Mehdi Nemmouche avec un téléphone portable illégalement introduit contenant des images djihadistes. Force est également de constater que depuis l’abandon des fouilles collectives et à la sortie des parloirs, les saisies de téléphones clandestins ont explosé, passant de moins de 5 000 en 2007 à près de 23 500 en 2013. Enfin, cette clarification législative permettra de clore opportunément le débat ouvert par la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, qui a manifesté à plusieurs reprises sa volonté de les légaliser, proposition qui figurait déjà dans le rapport annuel 2013 de cette institution. Bien que le Gouvernement et l’actuelle majorité se soient opposés à plusieurs reprises aux présentes dispositions, alors proposées par voie d’amendement lors de l’examen de la loi du 26 mai 2014 modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou de la loi antiterroriste du 13 novembre 2014, la question des droits des détenus ne peut plus désormais s’appréhender indépendamment de l’exigence de sécurité nationale.

Le second volet de cette proposition de loi vise à renforcer les moyens du renseignement pénitentiaire, en donnant, par ses articles 4 à 6, les moyens aux services compétents de l’administration pénitentiaire pour procéder à l’interception, l’enregistrement et la transcription des communications électroniques et autres échanges effectués aux moyens de terminaux cellulaires ou Internet clandestins en prison. L’article 4 propose d’autoriser l’administration pénitentiaire à prendre des mesures pour empêcher les détenus de s’adonner au prosélytisme terroriste, comme le refus de délivrance, voire le retrait d’un permis de visite ou le contrôle du courrier postal. Cette mesure avait été supprimée par le Sénat lors de l’examen de la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. L’article 5 autorise tout moyen technique d’interception des informations ou documents visés, en réintroduisant opportunément un dispositif améliorant l’efficacité du renseignement pénitentiaire, supprimé à l’initiative du Gouvernement contre l’avis de la commission des lois et en dépit des mises en garde de l’opposition, lors de l’examen de la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Alors que cette loi a interdit aux terroristes étrangers effectuant un aménagement de peine en milieu ouvert d’entrer en contact avec certains individus, il aurait fallu, en toute logique, appliquer la même règle en milieu fermé. Aussi la suppression, à l’initiative du Gouvernement, des moyens de surveillance des téléphones clandestins et des communications électroniques, réintroduite par le présent article 6, avait-elle été dénoncée par l’opposition comme totalement incohérente.

L’article 6 clôt ce chapitre en proposant au Gouvernement d’élargir la composition du Conseil national du renseignement, fixée dans la partie réglementaire du Code de la Défense, en y intégrant un représentant de l’état-major de sécurité de l’administration pénitentiaire, afin de faciliter la circulation de l’information avec les services de renseignement. La mesure étant de nature réglementaire, la demande d’un rapport sur ce sujet vise à appeler l’attention du Gouvernement sur la nécessité de procéder à cette réforme. L’article 7 constitue le gage financier de cette proposition de loi.

Tel est l’objet de la proposition de loi que nous vous proposons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le deuxième alinéa de l’article 39 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les détenus ne sont pas autorisés à disposer d’un téléphone cellulaire ni de terminaux autonomes de connexion à Internet ».

Article 2

Le second alinéa de l'article 4 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est ainsi modifié : remplacer les mots : « les correspondances et tout autre moyen de communication », par les mots : « , et les correspondances ».

Article 3

Le premier alinéa de l’article 40 de la même loi est complété par une phrase ainsi rédigée : « La correspondance écrite s’entend par voie postale à l’exclusion de la voie électronique. L’accès libre à Internet n’est pas autorisé aux détenus. »

Article 4

La loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est ainsi modifiée :

1° Après le troisième alinéa de l’article 35, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’autorité administrative peut également refuser de délivrer un permis de visite ou retirer celui-ci en cas de prosélytisme avéré en faveur de mouvements ou d’actions tendant à favoriser la violence ou le terrorisme. » ;

2° La première phrase du deuxième alinéa de l’article 40 est complétée par les mots : « , y compris en cas de prosélytisme avéré en faveur de mouvements ou d’actions tendant à favoriser la violence ou le terrorisme ».

Article 5

L’article L. 244-2 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les informations ou documents mentionnés au premier alinéa concernant une personne détenue dans un établissement pénitentiaire peuvent également être recueillis directement et par tout moyen technique par les services compétents de l’administration pénitentiaire.

« La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité dispose d’un accès permanent au dispositif de recueil des informations ou documents mis en œuvre en application du deuxième alinéa afin de procéder aux contrôles nécessaires et notamment de s’assurer que les seules données collectées sont celles mentionnées au même alinéa et qu’elles concernent uniquement des personnes détenues. En cas de manquement, elle adresse une recommandation au ministre chargé de l’administration pénitentiaire. Celui-ci fait connaître à la commission, dans un délai de quinze jours, les mesures prises pour remédier au manquement constaté. » ;

2° Au second alinéa, les mots : « visés à l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « mentionnés aux alinéas précédents ».

Article 6

Au plus tard un an après la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de modifier la composition du conseil national du renseignement afin d’y intégrer un représentant de l’état-major de sécurité de l’administration pénitentiaire.

Article 7

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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