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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 2732

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 avril 2015.

PROPOSITION DE LOI

visant à expérimenter un service civique de défense,

(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Yves FROMION, Lucien DEGAUCHY, Claude GOASGUEN, Fernand SIRÉ, Paul SALEN, Hervé MARITON, Philippe BRIAND, Éric CIOTTI, Patrick HETZEL, Bernard ACCOYER, Marc LE FUR, Lionnel LUCA, Jean-Michel COUVE, Yves FOULON, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Sylvain BERRIOS, Claude GREFF, Jean-Pierre DOOR, Marie-Louise FORT, Philippe GOSSELIN, Jean-Jacques GUILLET, Arlette GROSSKOST, Didier QUENTIN, Olivier AUDIBERT TROIN, Alain MOYNE-BRESSAND, Jean-Marie TÉTART, Philippe VITEL, Jean-François COPÉ, Gilles CARREZ, Laurence ARRIBAGÉ, Étienne BLANC, Alain MARLEIX, Yves ALBARELLO, Marie-Christine DALLOZ, Jean-François MANCEL, Pierre LELLOUCHE, Jean-Pierre VIGIER, Frédéric REISS, Alain LEBOEUF, Marc LAFFINEUR, Alain CHRÉTIEN, Jacques LAMBLIN, Laurent FURST, Jean-Luc REITZER, Alain MARSAUD et Charles-Ange GINESY, Édouard COURTIAL, Guy TEISSIER, Jean-Charles TAUGOURDEAU, François CORNUT-GENTILLE,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Près de dix pour cent des huit cent mille jeunes français composant une tranche d’âge peuvent être considérés en situation d’échec éducatif, en risque ou en voie de marginalisation sociale, ainsi que le font apparaître les statistiques issues des Journées défense et citoyenneté de même que tous les indicateurs sociaux. Si tous ces jeunes ont besoin d’un sérieux accompagnement pour remédier à leurs handicaps, on peut considérer qu’environ trente mille d’entre eux ont besoin d’un encadrement renforcé et adapté pour leur donner une opportunité sérieuse d’insertion sociale.

Sans aucun doute la situation économique très difficile de notre pays, le taux insupportable de chômage chez les moins de vingt-cinq ans constituent-ils des obstacles difficilement surmontables pour les jeunes issus des milieux moins favorisés que l’on retrouve en très forte proportion dans la population des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans en faveur desquels la Nation doit consentir un effort d’insertion vigoureux et responsable.

Les débats qui ont suivi les attentats de début janvier ont remis en évidence deux réalités trop souvent occultées :

L’insuffisante imprégnation d’un certain nombre de jeunes par les valeurs de la République, et plus largement les valeurs et principes de notre société ;

La situation d’échec dans laquelle se trouvent les jeunes qui abordent la vie active sans maîtriser les savoirs fondamentaux.

À cette occasion, beaucoup de voix se sont exprimées pour regretter le service national obligatoire, creuset de mixité, mais aussi d’appropriation des valeurs de discipline, d’engagement et de citoyenneté.

Pour de multiples raisons, il n’est pas raisonnable de revenir sur l’abandon de la conscription. La question se pose cependant de savoir si les armées, compte tenu des qualités propres qui sont les leurs, sont susceptibles d’apporter des réponses aux deux constats faits plus haut.

Outre qu’elles constituent déjà un vecteur d’intégration considérable par le biais des milliers de jeunes accueillis chaque année au sein de leurs forces professionnalisées, nos armées mettent en œuvre avec succès depuis 1961, le Service militaire adapté (SMA) dans les Outre-mer et apportent une contribution indirecte mais importante à l’Établissement public de la Défense (EPIDE) créé en 2005.

Le Service militaire adapté (SMA) comme l’Établissement public d’insertion de la Défense (EPIDE) remplissent efficacement la mission qui leur a été assignée auprès des jeunes en situation de marginalisation, en leur offrant la perspective d’un véritable rebond social. Si une question se pose aujourd’hui au sujet de ces dispositifs, c’est celle de l’accroissement de leurs capacités d’accueil. À cet égard, compte tenu de l’importance de la demande non satisfaite, la capacité de l’EPIDE pourrait être portée à 10 000 places en doublant le nombre d’établissements (de 18 à 36) et en optimisant leur remplissage.

Quant au SMA, conçu spécifiquement pour répondre aux problématiques des territoires ultra-marins, la perspective de son extension à la métropole est pour le moins sujette à discussion. C’est davantage à son renforcement sur ses territoires d’élection qu’il convient de s’interroger afin de répondre aux besoins avérés.

Mais il existe une autre perspective offerte par le service civique créé par la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 modifiant le code du service national.

En effet l’article L. 120-1 dudit code dispose que « Les missions d’intérêt général susceptibles d’être accomplies dans le cadre d’un service civique (…) concourent à des missions de défense et de sécurité civile ou de prévention (…) ».

L’opportunité offerte par l’ouverture du service civique à la défense n’a jamais été saisie. On peut penser que la spécificité du milieu militaire – et donc la nécessité de prévoir des modalités particulières de mise en œuvre du service civique – ont constitué un frein à l’initiative.

En proposant la création d’une nouvelle forme du service civique, le service civique de défense, cette proposition de loi vise à exploiter plus largement les potentialités du service civique, en l’orientant de façon plus volontariste vers la population des jeunes en réelle difficulté d’insertion citoyenne et professionnelle tout en préservant l’objectif de mixité sociale.

Économie générale du projet

Le service civique de défense (SCD) reprend au plus près les dispositions du service civique en leur apportant les aménagements indispensables. Le service civique de défense (SCD) s’adresse aux jeunes de 18 à 25 ans, de nationalité française. Il s’effectue sur la base du volontariat sur une période continue de six mois, éventuellement reconductible une fois. Ce service se déroule en totalité au sein des formations des forces armées de Terre, de Mer et de l’Air à l’exclusion de celles dont la spécificité est incompatible avec la mesure proposée. Le SCD a pour objectif de former des volontaires Défense, aptes à concourir à l’exécution des missions de défense sur le territoire national, c’est à dire en métropole, dans les Outre-mer et dans la zone d’intérêt économique exclusive. Hors du territoire national les volontaires Défense ne peuvent intervenir sur des théâtres de guerre ou de conflits armés. Ils ne participent pas aux opérations extérieures.

Le service civique de défense comporte une formation initiale d’une durée maximale de deux mois délivrée au sein de l’unité d’affectation ou dans une structure adaptée, prolongée par une phase d’emploi de quatre mois en unité d’affectation. Par unité d’affectation, il faut entendre une structure du niveau régimentaire pour l’armée de Terre ou son équivalent dans la Marine et l’armée de l’Air. Le volontaire défense est formé pour participer à l’ensemble des activités se rapportant à la préparation et à l’emploi des forces opérationnelles ; il contribue aux missions d’entretien des matériels et des équipements d’usage courant en s’initiant à leur emploi, il participe à l’entretien des infrastructures et à leur sécurisation. Au terme de sa formation initiale, l’auxiliaire de défense participe aux missions de sécurisation, de protection et d’intervention au profit des populations. L’exécution du service civique de défense au sein des formations de nos forces armées, en rapport étroit avec les militaires professionnels qui les composent, est une exigence incontournable. C’est un élément essentiel à la motivation des jeunes volontaires en faveur de cette forme de service civique. C’est aussi le moyen, par effet d’osmose, d’inculquer à ces volontaires, les valeurs et les références qui leur font défaut.

L’incorporation des volontaires au sein du service civique de défense s’effectue sur un rythme bimestriel : janvier, mars, mai, septembre et novembre (juillet étant neutralisé). Sur la base d’environ dix mille volontaires par an, chaque incorporation bimestrielle porte sur environ deux mille volontaires.

La répartition de ces volontaires au sein des forces armées doit répondre à un double impératif : ne pas désorganiser le fonctionnement des unités par une charge nouvelle disproportionnée ; préserver une indispensable homogénéité du recrutement au sein d’une même unité pour faciliter la formation et l’emploi des volontaires Défense.

C’est la raison pour laquelle on ne peut envisager l’affectation d’un contingent supérieur à une cinquantaine de volontaires dans une même unité.

En complément du temps qu’ils consacrent aux activités militaires, les volontaires Défense bénéficient de séquences de mise à niveau de leur culture générale : lecture, écrit, calcul afin de posséder au terme de leur contrat de service civique, une connaissance améliorée des enseignements fondamentaux. De plus, les jeunes volontaires bénéficient d’un accompagnement par des organismes spécialisés pour effectuer une évaluation de leurs potentialités et de leurs aspirations en vue de leur permettre d’élaborer leur projet d’insertion dans l’espace social.

Enfin, et il s’agit à la fois d’un élément d’attractivité mais aussi de préparation à l’insertion professionnelle, les volontaires Défense qui n’en disposeraient pas, seraient formés au permis de conduire automobile.

Le recrutement et le statut de volontaire Défense.

La spécificité des emplois militaires impose que le recrutement des volontaires réponde à des conditions précises, tant physiques, qu’intellectuelles et morales. Ces spécifications seront arrêtées par décret.

De même les volontaires doivent bénéficier d’un statut particulier prenant en compte leur double condition de militaire et de volontaire. Ce statut de volontaire du service civique de défense fera l’objet d’un décret.

Les volontaires du service civique bénéficient d’une indemnité versée selon une périodicité mensuelle et de prestations particulières telles que prévues aux articles L. 120-18 et suivants de la loi 2010-241 du 10 mars 2010. De même, ils bénéficient d’un dispositif de protection sociale spécifique prévu par ladite loi. Les caractéristiques s’attachant à l’état de volontaire Défense, qui ne peut être assimilé à celui d’un volontaire du service civique, rendent inappropriées les dispositions en matière d’indemnité et de couverture sociale figurant dans la loi sur le service civique. Des dispositions particulières feront l’objet d’un décret.

Le service civique de défense doit nécessairement présenter aux jeunes des éléments d’attractivité suffisants pour susciter leur intérêt. Outre les avantages qui accompagnent le contrat de service civique, outre l’obtention gratuite du permis de conduire, on peut proposer :

– L’accès facilité aux emplois civils ou militaires de la défense ;

– L’accès facilité aux emplois des entreprises de défense ;

– L’accès à la réserve opérationnelle ;

– L’accès facilité aux filières de formation professionnelle.

Possibilités dont la mise en œuvre fera l’objet de dispositions particulières.

La prise en compte du service civique de défense par le ministère de la défense.

La création du service civique de défense présente pour le ministère de la défense une charge nouvelle, assortie cependant de contreparties bénéfiques.

Le recrutement, l’accueil des volontaires, leur hébergement, leur équipement ainsi que leur formation, leur encadrement et leur emploi, génèrent des charges nouvelles pour nos armées. Ces charges, non prévues dans la loi de programmation militaire (LPM) et de toute évidence impossibles à intégrer dans le périmètre budgétaire en vigueur, impliquent l’attribution d’une dotation compensatoire au budget de la défense. L’encadrement des volontaires Défense exige le renforcement des unités en personnels officiers et sous-officiers, le recours à des réservistes ne pouvant constituer qu’une réponse marginale. La mise en œuvre du service civique de défense implique donc la suspension, au moins partielle, de la déflation des effectifs de nos forces armées prévue au Livre blanc sur la défense et dans la LPM 2014-2019.

Mais en contrepartie le service civique de défense présente un double intérêt pour la défense. Il constitue d’abord un apport non négligeable en personnel motivé et suffisamment formé pour servir en qualité de force d’appoint dans les unités, ce qui se révèlera fort utile.

Il constituera également, notamment pour l’armée de Terre, un vivier particulièrement appréciable de jeunes en partie formés, motivés, parmi lesquels on pourra puiser avec avantage pour le recrutement de militaires du rang professionnels.

De la même façon les jeunes volontaires Défense seront, au terme de leur service civique de défense, invités à rejoindre la réserve opérationnelle, constituant ainsi un renfort très appréciable. Enfin, et cette facette du projet est particulièrement importante, le service civique de défense constituera une contribution importante au renforcement du lien Armée-Nation en apportant une nouvelle preuve concrète que l’Armée est toujours un véritable creuset de mixité sociale et une remarquable machine d’apprentissage des valeurs républicaines.

Le service civique de défense ainsi proposé est à même d’offrir une perspective à la fois profitable pour les jeunes Français « en mal de République » et pour nos forces armées.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le code du service national est ainsi modifié :

Après le titre Ier bis du livre Ier, il est inséré un titre Ier ter ainsi rédigé :


« TITRE IER TER


« EXPÉRIMENTATION RELATIVE AU SERVICE CIVIQUE
DE DÉFENSE

« Art. L. 120-36-1. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi l’État peut autoriser la création d’un service civique de défense ouvert aux personnes de 18 à 25 ans.

« Art. L. 120-36-2. – Le service civique de défense a pour vocation l’exécution des missions d’intérêt général susceptibles d’être accomplies dans le cadre du service civique défini à l’article L. 120-1

« Art. L. 120-36-3. – Le service civique de défense a pour but de permettre aux personnes volontaires, âgées de dix-huit à vingt-cinq ans, de nationalité française, de concourir à l’exécution de missions de défense au sein des forces armées nationales.

« La personne effectuant un service civique de défense est désignée par l’appellation volontaire Défense. Elle bénéficie d’un statut particulier dont les dispositions sont arrêtées par décret.

« Le service civique de défense d’une durée de six mois, éventuellement reconductible une fois, est effectué en totalité au sein des unités des armées de terre, de mer et de l’air. Les modalités se rapportant à l’effectif des personnes admises au service civique de défense, à leur recrutement, à leur répartition entre les armées de terre, de mer et de l’air sont fixées par décret.

« Le service civique de défense comporte une phase de formation initiale d’une durée maximale de deux mois dispensée au volontaire Défense au sein de son unité d’affectation ou dans une structure adaptée, et une phase d’emploi de quatre mois en unité d’affectation. L’unité d’affectation est du niveau régimentaire dans l’armée de terre ou son équivalent dans la marine nationale et l’armée de l’air.

« Au terme de sa formation initiale le volontaire Défense doit être apte aux missions de sécurisation, de protection et d’intervention au profit des populations. Il participe à l’ensemble des activités se rapportant à la préparation et à l’emploi des forces opérationnelles sur le territoire national, c'est-à-dire en métropole, dans les Outre-mer et dans la zone d’intérêt économique exclusive.

« Hors du territoire national le volontaire Défense ne peut intervenir sur des théâtres de guerre ou de conflit armé. Il ne participe pas aux opérations extérieures.

« Le service civique de défense constitue un moyen d’accès privilégié à la Réserve opérationnelle.

« Art. L. 120-36-4. – La personne volontaire pour un service civique de défense souscrit avec le ministère de la défense, personne morale agréée, un contrat de service civique de défense. Les dispositions du contrat de service civique de défense sont fixées par décret.

« Art. L. 120-36-5. – Les dispositions prévues aux sections 2 à 5 du Titre Ier bis du présent livre ne sont pas applicables au contrat de service civique de défense. »


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