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N° 2843

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 juin 2015.

PROPOSITION DE LOI

visant à développer l’entrepreneuriat étudiant,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Pierre DECOOL, Bernard GÉRARD, Damien ABAD, Élie ABOUD, Julien AUBERT, Olivier AUDIBERT TROIN, Xavier BERTRAND, Marcel BONNOT, Gilbert COLLARD, Édouard COURTIAL, Jean-Michel COUVE, Marie-Christine DALLOZ, Marc-Philippe DAUBRESSE, Laurent DEGALLAIX, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, Philippe FOLLIOT, Marie-Louise FORT, Marc FRANCINA, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Annie GENEVARD, Claude GOASGUEN, Philippe GOSSELIN, Arlette GROSSKOST, Meyer HABIB, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Marc LAFFINEUR, Jean LASSALLE, Isabelle LE CALLENNEC, Maurice LEROY, Véronique LOUWAGIE, Thierry MARIANI, Hervé MARITON, Jean-Claude MATHIS, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Dominique NACHURY, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, Paul SALEN, François SCELLIER, Fernand SIRÉ, Éric STRAUMANN, Lionel TARDY, Guy TEISSIER, Dominique TIAN, Patrice VERCHÈRE, Jean-Pierre VIGIER, Philippe VITEL, Michel VOISIN, Marie-Jo ZIMMERMANN, Marc LE FUR et Valérie LACROUTE,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Ambition phare des gouvernements successifs depuis 20 ans, l’entrepreneuriat étudiant est plus que jamais au cœur des préoccupations françaises. Aujourd’hui, 88 % des étudiants en fin de cursus ayant exprimé le souhait d’entreprendre en sont dissuadés à l’idée de la peur de l’échec, d’une pression sociale ou tout simplement à cause de la complexité administrative. Ainsi, seuls 9 % des créateurs d’entreprises en France ont moins de 25 ans. Et lorsque les étudiants désirent simplement travailler pour subvenir à leurs besoins, près de 25 % d’entre eux déclarent que leurs petits boulots sont sans liens avec leurs études, source d’un potentiel décrochage scolaire.

L’objectif est donc d’accroître le passage à l’acte entrepreneurial, tout en évitant le décrochage scolaire des étudiants qui travailleraient en parallèle de leurs études. Pour cela il convient de mettre en place un cadre simplifié et adapté aux travaux réalisés par les étudiants. En effet, force est de constater la complexité et l’incohérence des démarches administratives tant pour les étudiants qui veulent entreprendre que pour ceux qui souhaitent simplement travailler.

À l’heure actuelle, les porteurs de projets peuvent adopter le statut d’auto-entrepreneur. Les étudiants cotisent alors pour les allocations familiales, l’assurance maladie, la formation professionnelle ou encore l’assurance vieillesse. En l’espèce, ces étudiants sont déjà couverts par la sécurité sociale étudiante. En l’état, le statut d’auto-entrepreneur entraîne donc une double cotisation pour les étudiants qui l’adoptent. D’autre part, les étudiants qui souhaitent travailler pendant leurs études sur des problématiques d’entreprises, notamment grâce aux associations de type Junior-Entreprises, ont un statut extrêmement complexe. Ils sont considérés du point de vue fiscal comme des travailleurs indépendants percevant des honoraires, et non des salaires. Mais du point de vue social, la jurisprudence, en reconnaissant en 1988 un lien de subordination entre l’association et les étudiants, a assujetti ces étudiants travailleurs indépendants au régime général de la sécurité sociale.

Ainsi, les premières formations que reçoivent, par exemple, les administrateurs des Junior-Entreprises portent sur les risques inhérents aux éventuels contrôles URSSAF et à la prévention des litiges, en lieu et place d’avoir une formation sur le développement de nouvelles compétences et d’être sensibilisé à l’entrepreneuriat.

Le constat est peu encourageant : le système est ainsi fait qu’il étouffe les initiatives des étudiants.

Pour renforcer cette convergence entre étude et projet et éviter un décrochage scolaire, la présente proposition de loi vise à améliorer notre arsenal législatif sur plusieurs points :

– Elle réaménagera l’emploi du temps des étudiants auto-entrepreneurs afin de concilier études théoriques et mise en pratique.

Comme cela a pu être fait pour les sportifs de haut niveau (article L. 3316 du code de l’éducation – « les établissements scolaires du second degré permettent, selon des formules adaptées, la préparation des élèves en vue de la pratique sportive de haut niveau »), il serait souhaitable qu’une formule adaptée aux étudiants porteurs de projet voit le jour, avec pour finalité d’accompagner tout étudiant dans l’identification et dans la constitution d’un projet personnel et professionnel.

À titre d’exemple, 37 % des étudiants n’ayant pas exercé d’activité rémunérée pendant l’année universitaire, « souhaitaient travailler mais n’avaient pas assez de temps ». 56 % ont préféré « se consacrer entièrement à leurs études ». Cet aménagement d’emploi du temps permettra aux étudiants de bénéficier d’un temps qualifié, sans opérer de compromis entre projets et études.

De même, il est proposé qu’au cours de leurs années d’études, les étudiants des établissements d’enseignement supérieur sont sensibilisés, au besoin par des formations spécifiques et adaptées, aux formes d’entrepreneuriat ainsi qu’à la connaissance des entités qui promeuvent la création ou la reprise d’entreprise au sein desdits établissements.

– Elle crée un « chèque mission étudiant ».

La pauvreté des étudiants n’est pas un vain mot. L’Observatoire de la vie étudiante publie régulièrement des enquêtes relevant un constat alarmiste : entre le coût des études, les hausses de loyer, la stagnation du montant des bourses, beaucoup d’étudiants admettent « ne pas s’en sortir ». Huit étudiants sur dix ont une activité rémunérée pendant l’année universitaire. Cependant, on se doute que les conséquences de cette activité sur le travail universitaire ne sont pas neutres. Comment concilier le temps de transport pour se rendre à son poste de travail, la pénibilité de l’emploi avec la présence en cours ou les travaux de recherche ?

Si certaines mesures ont déjà été prises, il convient d’aller plus loin, et de développer, pour les étudiants, la possibilité d’être rémunérés pour leur contribution à caractère intellectuel et formateur, en rapport avec les enseignements qui leur sont dispensés, et qui leur serait demandée par des établissements supérieurs ou des « Juniors-Entreprises » dans le cadre de missions réalisées en interne ou pour le compte de tiers. C’est à ce titre que la présente proposition de loi vise à instaurer un « Chèque Mission Étudiant ».

Celui-ci vise à donner un cadre légal à l’emploi étudiant pour des actions formatrices, contribuant à l’employabilité et l’insertion professionnelle des étudiants et qui laisse une grande liberté d’action dans leur mise en œuvre afin que les étudiants puissent concilier travail étudiant et réussite académique.

Afin de prendre en compte l’internationalisation de l’enseignement supérieur et la diversification des cursus de formation, le chèque mission étudiant serait ouvert à tous les étudiants quels que soient leur nationalité ou leur statut.

Dans le cadre de leurs études ou missions, les étudiants ne sont pas liés par un contrat de travail. Les sommes versées aux étudiants n’ont pas le caractère de salaire et le calcul des contributions sociales et fiscales s’appuie sur la même simplicité que celle permise par le statut d’auto-entrepreneur.

La proposition prévoit que la contribution des étudiants à ces études et missions doit avoir une vocation formatrice tant sur le plan intellectuel que social et en rapport avec les enseignements qui leur sont dispensés, les entités missionnant ces étudiants veillant, en outre, à ce que la réalisation du travail soit compatible avec le cursus de l’étudiant.

Assurément, cette initiative permettrait non seulement d’encourager l’entrée des étudiants dans la vie active et de rapprocher le suivi des études de la pratique professionnelle, mais également de développer l’innovation et le transfert de technologies vers les entreprises, notamment vers les PME. Certes, ce système existe déjà pour les Juniors Entreprises. Mais, il serait souhaitable de l’étendre aux établissements d’enseignement supérieur eux-mêmes en rendant le système simple, souple, ouvert, et incitatif pour les étudiants.

– Elle simplifie et redonne de la cohérence aux charges à déclarer.

Aujourd’hui tous les étudiants qui travaillent en parallèle de leurs études cotisent pour l’assurance maladie à hauteur de 0,75 % du régime général. Or l’affiliation au régime étudiant de la sécurité sociale est obligatoire pour tous les étudiants inscrits dans les établissements d’enseignement supérieur ayant entre 16 et 28 ans. Pour l’année universitaire le montant de la cotisation est de 213 euros. Le système est ainsi fait qu’il force les étudiants qui travaillent à cotiser deux fois pour bénéficier d’une couverture dont ils bénéficient déjà dans le cadre de la sécurité sociale étudiante (régime spécifique). Le souhait est donc que l’étudiant déjà couvert puisse ne pas cotiser au régime d’assurance maladie.

De même l’étudiant est aujourd’hui obligé de cotiser à l’assurance chômage alors qu’il ne pourra en bénéficier. En effet, afin de prétendre à une allocation chômage, le demandeur d’emploi doit justifier de 122 jours d’affiliation ou 610 heures de travail au cours des 28 mois qui précèdent la fin du contrat de travail. Un Jour-Étude étant équivalent à 7 heures, un étudiant devra donc réaliser 76 Jours-Études sur les 28 mois précédant sa demande d’ouverture de droit. Aucune association ou établissement compétents pour fournir ce type de mission n’est en mesure de proposer un tel niveau d’activité 

– Elle crée une contribution sociale étudiante pour l’entrepreneuriat dont le but est de financer des projets d’étudiants entrepreneurs.

Suivant la proposition, les élèves et étudiants mentionnés à l’article L. 381-4 du code de la sécurité sociale, exerçant parallèlement à leurs études une activité professionnelle, sont assujettis à une contribution sociale étudiante pour l’entrepreneuriat dont le but est de contribuer à financer des projets d’étudiants entrepreneurs. Un décret en Conseil d’État déterminera le montant de la contribution, l’organisme compétent pour la recouvrer ainsi que les conditions d’aide au financement des projets 

Telles sont les dispositions de la proposition de loi que nous vous demandons d’adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l’article L. 611-4 du code de l’éducation sont insérés deux articles L. 611-4-1 et L. 611-4-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 611-4-1. – Les établissements d’enseignement supérieur permettent, selon des formules adaptées, d’aménager l’emploi du temps des étudiants afin de concilier leurs études avec des missions d’entrepreneuriat.

« Art. L. 611-4-2. – Au cours de leurs années d’études, les étudiants des établissements d’enseignement supérieur sont sensibilisés, au besoin par des formations spécifiques et adaptées, aux formes d’entrepreneuriat ainsi qu’à la connaissance des entités qui promeuvent la création ou la reprise d’entreprise au sein desdits établissements. »

Article 2

Les établissements d’enseignement supérieur ou d’enseignement artistique publics ou privés, délivrant des diplômes au nom de l’État, d’intérêt général, à but non lucratif, les associations gérées par des étudiants au sein de ces établissements et ayant pour objet exclusif de proposer aux étudiants de participer à la réalisation de missions à caractère intellectuel et formateur confiées par des professionnels aux dits établissements ou associations, ont la faculté de proposer aux dits étudiants, la réalisation d’études et de missions dans les conditions prévues par les présentes dispositions.

Les étudiants, quels que soient leur nationalité ou leur statut, doivent être inscrits dans les établissements qui leur confient les missions et suivre les enseignements qui leur sont dispensés. S’agissant des associations mentionnées à l’alinéa précédent, ils doivent en outre en être membres.

La contribution des étudiants aux missions menées par lesdits établissements ou associations décrits au premier alinéa doit avoir un caractère intellectuel et formateur et être en rapport avec les enseignements qui leur sont dispensés. Les entités mentionnées au premier alinéa veillent à ce que la réalisation du travail soit compatible avec le cursus de l’étudiant.

Dans le cadre de leurs études ou missions, les étudiants ne sont pas liés par un contrat de travail au sens du livre II de la première partie du code du travail. De même, les sommes versées aux dits étudiants n’ont pas le caractère de salaire au sens de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 12 et suivants du code général des impôts.

À titre dérogatoire, les intéressés sont dispensés du paiement de toute cotisation ou contribution au régime d’assurance maladie ainsi qu’au régime d’assurance chômage dès lors qu’ils bénéficient du régime de sécurité sociale étudiant.

La rémunération des étudiants à l’issue de la mission sera accompagnée d’un bulletin de versement rappelant les prélèvements sociaux et fiscaux libératoires. Les entités mentionnées au premier alinéa établiront de manière périodique un document récapitulatif de l’ensemble des prélèvements sociaux et fiscaux pour la période considérée, le transmettront aux organismes sociaux et fiscaux concernés et assureront le paiement des montants correspondants.

Un décret en Conseil d’État déterminera la durée maximale des missions, le formalisme que devra revêtir l’ordre de mission, le calcul des cotisations et contributions sociales ainsi que les modalités d’application du présent dispositif. »

Article 3

Après l’article L. 381-4 du code de la sécurité sociale est inséré un article L. 381-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 381-4-1. – Dès lors que les élèves et étudiants mentionnés à l’article L. 381-4 exercent parallèlement à leurs études une activité professionnelle, ils sont dispensés de tout paiement de cotisation d’assurance maladie car affiliés au régime de sécurité sociale étudiant obligatoire. Cette exonération de l’assurance maladie est valable tant pendant la période de prise en charge du risque maladie que pendant la période du maintien des droits. »

Article 4

Après l’article L. 5422-12 du code du travail est ajouté un article L. 5422-12-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 5422-12-1. – Les élèves et étudiants mentionnés à l’article L. 381-4 exerçant parallèlement à leurs études une activité professionnelle, sont exonérés au titre de cette dernière activité de toute cotisation au régime d’assurance chômage. »

Article 5

Les élèves et étudiants mentionnés à l’article L. 381-4 du code de la sécurité sociale, exerçant parallèlement à leurs études une activité professionnelle, sont assujettis à une contribution sociale étudiante pour l’entrepreneuriat dont le but est de contribuer à financer des projets d’étudiants entrepreneurs.

Un décret en Conseil d’État détermine le montant de la contribution, l’organisme compétent pour la recouvrer ainsi que les conditions d’aide au financement des projets.

Article 6

La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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