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N° 3213

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 novembre 2015.

PROPOSITION DE LOI

renforçant la lutte contre les rodéos urbains,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Édouard COURTIAL, Damien ABAD, Patrick BALKANY, Jean-Pierre BARBIER, Xavier BERTRAND, Philippe BRIAND, Bernard BROCHAND, Alain CHRÉTIEN, Philippe COCHET, Gérald DARMANIN, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Nicolas DHUICQ, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, David DOUILLET, Daniel FASQUELLE, Marie-Louise FORT, Marc FRANCINA, Annie GENEVARD, Alain GEST, Philippe GOSSELIN, Philippe GOUJON, Jean-Jacques GUILLET, Michel HERBILLON, Jacques LAMBLIN, Marc LE FUR, Dominique LE MENER, Lionnel LUCA, Jean-François MANCEL, Thierry MARIANI, Franck MARLIN, Alain MARSAUD, François de MAZIÈRES, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Yves NICOLIN, Bérengère POLETTI, Axel PONIATOWSKI, Didier QUENTIN, Jean-Luc REITZER, Franck RIESTER, Fernand SIRÉ, Lionel TARDY, Guy TEISSIER, Jean-Marie TÉTART, Patrice VERCHÈRE, Philippe VITEL, Michel VOISIN, Jean-Pierre VIGIER, Laurent WAUQUIEZ, Éric WOERTH et Marie-Jo ZIMMERMANN

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

De nombreuses communes sont confrontées au phénomène des rodéos urbains.

Multipliant les manœuvres périlleuses et les infractions au code de la route, se déplaçant le plus souvent sans casque, voire sans permis, sur des motos ou des quads très souvent volés, au détriment de leur propre sécurité et de celle d’autrui, au mépris de la loi, du code de la route et du respect fondamental du vivre-ensemble, les responsables de ces incivilités restent aujourd’hui largement impunis. Internet leur offre tout à la fois un canal de mise en relation discret et l’opportunité de faire valoir, au sein de leur communauté délinquante, les résultats de leurs escapades.

Les riverains en subissent quotidiennement les conséquences : nuisances sonores, insécurité sur le domaine routier, voire dommages corporels occasionnés par les accidents de la circulation.

L’interception de ces engins nécessite la mise en place d’importantes mesures de sécurité, afin d’éviter, d’une part, de faire courir des risques aux conducteurs et aux forces de l’ordre et, d’autre part, de déclencher des troubles à l’ordre public. Les forces de l’ordre procèdent généralement à des opérations d’envergure permettant des verbalisations multiples. Il faut cependant reconnaître que l’interception et la verbalisation des fauteurs de troubles doit bien souvent être différée pour des raisons de sécurité. C’est alors qu’apparaissent toutes les insuffisances du système.

Le rodéo n’est pas en lui-même une infraction. Seuls peuvent être relevés :

– des infractions au code de la route, telles le non-port du casque, la conduite à vitesse excessive eu égard aux circonstances, ou encore l’utilisation d’un système d’échappement non conforme. Mais on se situe alors très en deçà de la gravité réelle des faits ;

– ou le délit de mise en danger délibérée de la personne d’autrui. Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures graves est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Cette infraction sanctionne le risque créé. Elle présente toutefois l’inconvénient de couvrir un champ beaucoup plus large que le rodéo urbain et de ne pas souligner le trouble à l’ordre public causé par de tels agissements.

À l’heure où une erreur d’étiquetage sur la traçabilité d’un produit est pénalement sanctionnée, un tel vide juridique n’est ni compréhensible, ni acceptable. Notre droit pénal doit se doter d’une incrimination spécifique, qui sanctionne ces comportements à la hauteur de leur gravité.

Le délit de rodéo pourrait trouver sa place dans le code pénal dans le chapitre relatif à la mise en danger des personnes. Il serait défini comme le fait, par plusieurs personnes, usant d’au moins deux véhicules terrestres à moteur, de troubler la tranquillité d’autrui, par la violation manifestement délibérée de leur obligation de sécurité ou de prudence. La seule nuisance en résultant serait punie d’une amende de 3 750 euros. Lorsqu’ils auraient exposé autrui à un risque de mort ou de blessures graves, ces faits seraient punis d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (article 1er).

Il va sans dire que pour éviter toute réitération d’un tel comportement, l’instrument de l’infraction – le véhicule – devrait être confisqué. L’article 223-18 du code pénal prévoit bien une peine complémentaire de confiscation, mais celle-ci reste, en l’état du droit, à la discrétion du juge. Il est donc proposé de la rendre obligatoire. Il est, en effet, de bonne justice que l’auteur d’une infraction qui utilise un véhicule pour mettre en danger autrui en soit obligatoirement privé (article 2).

Force est néanmoins de constater que les règles entourant la confiscation de l’instrument de l’infraction sont aujourd’hui faciles à contourner. En l’état du droit, la confiscation porte sur tous les biens dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition. Ainsi, lorsque le ministère public ne parvient pas à démontrer la mauvaise foi du propriétaire, la confiscation ne peut avoir lieu. Or, si le droit de propriété des tiers doit être respecté, il ne doit pas conduire non plus à des situations d’abus de droit. Il est donc proposé d’inverser la charge de la preuve, en instaurant une présomption de mauvaise foi du propriétaire. Son véhicule pourra donc être confisqué, sauf à ce qu’il apporte la preuve de sa bonne foi (article 3).

Une telle mesure viendrait d’ailleurs faire écho à certaines dispositions existantes. Le législateur a, par exemple, instauré une présomption de légitime défense en faveur de celui qui accomplit un acte pour repousser, de nuit, l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ou pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l’article 223-1 du code pénal, il est inséré un article 223-1-1 ainsi rédigé :

« Art. 223-1-1. – Le fait, par plusieurs personnes, usant d’au moins deux véhicules terrestres à moteur, de troubler la tranquillité d’autrui, par la violation manifestement délibérée de plusieurs obligations particulières de prudence ou de sécurité imposées par la loi ou le règlement, est puni de 3 750 euros d’amende.

« Lorsque ces faits ont exposé directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, ils sont punis d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

Article 2

L’article 223-18 du code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les références : « à l’article 223-1 » sont remplacées par les références : « aux articles 223-1 et 223-1-1 » ;

2° Au 8°, après le mot : « confiscation », il est inséré le mot : « obligatoire » ;

3° Le même 8° est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La juridiction peut toutefois ne pas prononcer cette peine, par une décision spécialement motivée. »

Article 3

À la fin du 8° du même code, les mots : « s’il en est le propriétaire », sont remplacés par les mots : « quel qu’en soit le propriétaire, sauf à ce que celui-ci démontre sa bonne foi. »


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