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N° 4625

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mai 2017.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête relative
aux dysfonctionnements de l’opérateur Orange
concernant la téléphonie fixe,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Messieurs

Pierre MOREL-A-l’HUISSIER, Philippe VIGIER, François ROCHEBLOINE, Stéphane DEMILLY, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Edouard COURTIAL, Patrick HETZEL, Martial SADDIER, Fernand SIRE, Michel VOISIN, Jean-Claude BOUCHET, Jean-Michel COUVE, Guy GEOFFROY, Yves FROMION, Christophe PRIOU et Jean-Luc REITZER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En zone rurale, la ligne téléphonique fixe est l’unique moyen de communication pour les 8 % d’adultes et les 55 % des plus de 70 ans qui n’ont pas de téléphone portable et, pour tous les habitants, le seul moyen d’accès au réseau internet qui passe par la ligne ADSL. Elle est donc indispensable à la vie de ces personnes déjà souvent isolées, et leur permet, au-delà des appels nécessaires à la vie quotidienne et de l’outil de travail qu’elle représente pour certains professionnels, de prévenir les secours en cas d’urgence ou d’accident.

Orange (ex France-Télécom, opérateur historique), a été désignée pour la fourniture de l’ensemble de la composante téléphonie fixe du service universel. En vertu du décret n° 2012-488 du 13 avril 2012 modifiant les obligations des opérateurs de communications électroniques conformément au nouveau cadre réglementaire européen, elle doit répondre à une obligation de service universel, constitué par la possibilité́ pour chaque habitant d’obtenir le raccordement à un réseau téléphonique ouvert au public et la fourniture d’un service téléphonique de qualité, quel que soit son lieu d’habitation. L’article 2 dispose notamment que « l’opérateur prend toutes les mesures appropriées pour assurer l’intégrité́ de ses réseaux et garantir la continuité́ des services fournis ».

Force est de constater que cette obligation de garantir la continuité du service de téléphonie fixe n’est absolument pas respectée par Orange qui abandonne littéralement ses lignes de fil cuivre.

En tant que député de la Lozère, j’en fais chaque jour l’amère expérience : sur les 185 communes qui composent le département (158 avec les communes nouvelles), tous les élus locaux m’ont fait part du même constat : de nombreuses personnes dans leur commune voient régulièrement leur service de téléphonie fixe interrompu pendant 2 semaines à 3 mois, alors même qu’elles continuent à payer leur abonnement. Le service client d’Orange est très difficile à joindre (ce d’autant plus qu’il n’est joignable que par téléphone, ce qui, sans téléphone, s’avère complexe…), et quand un technicien se déplace enfin, il ne change pas le fil cuivre, même lorsque celui-ci est usé à l’extrême, mais fait du bricolage. La ligne se remet alors à fonctionner quelques temps  – tout en créant des problèmes sur d’autres lignes du fait de la réparation hasardeuse et du trop grand nombre de lignes qui dépendent d’un seul fil cuivre – avant de, de nouveau, rendre l’âme.

Outre les conséquences dramatiques pour les abonnés, le manque d’entretien des lignes s’avère être dangereux pour les usagers de la voie publique : fils par terre, poteaux cassés marqués par une étiquette en plastique jaune fixée sur un poteau qui indique qu’il est fragile, etc. Et lorsqu’ils sont remplacés, ceux-ci sont moins solides que les précédents, car Orange a remplacé le pin nordique par l’épicéa, moins cher et moins solide, si bien que les poteaux cassent souvent au bout de moins d’un an.

Le magazine « Que Choisir » de janvier 2017 a largement décrit l’état de délabrement des lignes et poteaux dans un article intitulé « Réseau téléphonique – Chronique d’un abandon programmé », décrivant également la stratégie de l’opérateur consistant à ne pas entretenir son réseau afin de « pousser les consommateurs à basculer vers la fibre optique ». C’est d’ailleurs ce que la Mission sur la transition vers le haut débit et l’extinction du cuivre, présidée par Paul Champsaur, appelait le scénario « au fil de l’eau » dans son rapport de 2014.

Du fait de la dangerosité sur la voie publique induite par ce défaut d’entretien, les maires portent sur leurs épaules une responsabilité très lourde, pouvant être poursuivis pour non-assistance à personne en danger. Cela est inconcevable dans la mesure où eux-mêmes se battent au quotidien avec Orange pour que les lignes de leurs communes soient entretenues. En conséquence, un maire d’une commune de Lozère a déposé plainte au pénal à l’encontre d’Orange afin de faire reconnaître sa responsabilité pénale en la matière.

Ce laisser-aller, visible lorsque l’on se promène en zone rurale et que l’on trouve des fils noyés dans la verdure, accrochés à des troncs d’arbre ou des réparations bricolées au ruban adhésif, obère également l’activité économique de ces territoires. En effet, sans ligne téléphonique, pas d’ADSL et donc pas d’internet. Cela pose problème pour tous les professionnels qui en ont besoin au quotidien, notamment les agriculteurs qui doivent remplir leurs déclarations agricoles en ligne.

Les problèmes de connexion ont également affecté les dernières élections présidentielles, alors que la commune de Saint-Bonnet-de-Montauroux en Lozère a rencontré de grandes difficultés pour transmettre les résultats du premier tour du fait d’une ligne défectueuse.

Nous le constatons, la situation est aujourd’hui arrivée à son paroxysme et il est urgent d’agir vraiment.

Dès 2015, suite aux plaintes quotidiennes qui m’étaient parvenues, j’avais pris l’initiative d’écrire à M. Stéphane Richard, Président directeur général d’Orange, afin de l’alerter sur la situation. Celui-ci s’était retranché derrière le fait qu’il y ait un million de kilomètres d’artères de câbles, 15 millions de poteaux et 16 000 nœuds de raccordement.

L’article L 36-7 du code des postes et des communications électroniques confère à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) le pouvoir de contrôler le respect des obligations pour l’opérateur désigné et de sanctionner son manquement.

L’ARCEP a rendu en avril 2016 un rapport alarmant sur l’état du service universel de la téléphonie fixe, constatant que de nombreux indicateurs relatifs à sa qualité ne sont pas conformes au cahier des charges.

Cependant, ce rapport n’a donné lieu qu’à de simples recommandations et aucune sanction n’est aujourd’hui prise à l’encontre d’Orange afin de lui intimer de respecter ses engagements contractuels.

En février 2017, j’ai donc pris l’initiative d’écrire à l’ ARCEP afin de lui faire part de la situation invivable dans laquelle se trouve la Lozère et de lui demander de faire respecter ses obligations par l’opérateur Orange.

Il est aujourd’hui urgent de faire constater par la représentation nationale les dysfonctionnements graves dans la gestion par Orange des lignes de téléphonie fixe, et de mettre en place des sanctions effectives en cas de non-respect de l’obligation de service universel.

La présente proposition de résolution vise donc à instituer une commission d’enquête en application de l’ article 137 du Règlement de l’Assemblée nationale, qui sera chargée de dresser un bilan de la gestion des lignes de téléphonie fixe par Orange et d’en recenser les dysfonctionnements constatés.

À l’issue du rapport de la commission, le Gouvernement sera chargé de mettre en place un plan d’action et des sanctions en cas de non-respect de l’obligation.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article 1er

Une commission d’enquête, composée de trente députés, est instituée en application de l’article 137 du Règlement de l’Assemblée nationale. Cette commission sera chargée de dresser un bilan de la gestion des lignes de téléphonie fixe par Orange et d’en recenser les dysfonctionnements constatés.

Article 2

Le Gouvernement s’engage à présenter un rapport proposant un plan d’action concret afin d’assurer une couverture effective de l’ensemble du territoire en téléphonie fixe et des sanctions en cas de non-respect de l’obligation de service universel, dans l’année qui suit l’adoption de la présente résolution.


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