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N° 1006

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 avril 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

déposé

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,

en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)

sur le rôle de la justice en matière commerciale,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Cécile UNTERMAIER ET M. Marcel BONNOT,

Députés.

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La mission d’information sur le rôle de la justice en matière commerciale est composée de :

Mme Cécile Untermaier, rapporteure ; M. Marcel Bonnot, co-rapporteur ; M. Gilles Bourdouleix, Mme Colette Capdevielle, MM. Jean-Michel Clément, Hugues Fourage, Daniel Gibbes, Yves Goasdoué, Philippe Houillon, Sébastien Huyghe, Pierre-Yves Le Borgn’, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Elisabeth Pochon, M. François Vannson, membres.

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : RÉFORMER, SANS STIGMATISER, LE STATUT, LA FORMATION ET LE RÔLE DES ACTEURS DE LA JUSTICE COMMERCIALE 12

A. CONFORTER LA LÉGITIMITÉ DES JUGES CONSULAIRES PAR LE MODE D’ÉLECTION, UN STATUT ET UNE DÉONTOLOGIE 12

1. Garantir l’ouverture et la transparence de l’élection des juges consulaires 12

a) Restaurer les fondements d’une légitimité aujourd’hui fragile 13

b) Renouveler le corps électoral et les conditions d’organisation du scrutin pour dépasser les corporatismes 15

c) Organiser un recrutement de nature à assurer la diversité des vocations et des compétences 19

2. Donner aux juges consulaires un véritable statut 21

3. Renforcer les règles déontologiques applicables aux juges consulaires 24

a) Favoriser l’édiction d’un code déontologique 24

b) Solenniser la prestation d’un serment 25

c) Instituer une déclaration d’intérêts, une déclaration d’indépendance et envisager la mise en place d’un magistrat référent 26

B. ÉTOFFER LA FORMATION DES JUGES CONSULAIRES ET DES MAGISTRATS PROFESSIONNELS 29

1. Rendre obligatoire et enrichir la formation initiale et continue des juges consulaires 29

a) Une formation facultative, aléatoire et souvent peu organisée 29

b) L’impérieuse nécessité d’une formation obligatoire, gratuite et contrôlée 32

2. Mieux spécialiser les magistrats professionnels sur les questions économiques et financières 37

3. Adapter la formation initiale des mandataires de justice afin de favoriser l’ouverture de la profession 40

a) Des professions en sous-effectif malgré l’absence de numerus clausus 41

b) Une formation exigeante au risque d’être décourageante 41

c) Des pistes à explorer pour ouvrir et promouvoir ces professions 43

C. MIEUX IMPLIQUER LES DIFFÉRENTS ACTEURS DE LA JUSTICE COMMERCIALE DANS DES DISPOSITIFS RÉNOVÉS DE DÉTECTION ET D’ANTICIPATION DES DIFFICULTÉS DES ENTREPRISES 44

1. Garantir une meilleure confidentialité au niveau de la phase de prévention des difficultés des entreprises 44

a) Mettre en place, au niveau national, un accès anonymisé aux dispositifs de prévention par un numéro vert 45

b) Créer des sanctions civiles voire pénales pour la violation de la confidentialité du mandat ad hoc et de la procédure de conciliation 45

c) Aménager les modalités de publicité des comptes annuels dans le respect du cadre juridique européen 47

2. Étendre et renforcer les obligations de signalement des difficultés des entreprises 50

a) Les procédures d’alerte actuelles et leurs améliorations possibles 50

b) Mettre un devoir d’alerte à la charge des experts-comptables 55

c) Reconnaître aux experts-comptables un privilège au titre de leurs créances d’honoraires 57

3. Rationaliser les dispositifs de prévention des difficultés des entreprises 59

a) Mieux coordonner les différents dispositifs de prévention des difficultés des entreprises 59

b) Préciser le cadre juridique du positionnement et de l’intervention des commissaires au redressement productif 63

SECONDE PARTIE : RÉNOVER L’ORGANISATION DES PROCÉDURES COMMERCIALES DANS UN SOUCI DE BONNE ADMINISTRATION DE LA JUSTICE 66

A. FAVORISER L’IMPARTIALITÉ OBJECTIVE EN PRÉVENANT UNE PROXIMITÉ HORS DE PROPOS ENTRE LE JUGE ET LE JUSTICIABLE 67

1. Prendre la mesure des disparités territoriales entre tribunaux de commerce 67

2. Établir un maillage garantissant à la fois une distance appropriée entre le juge et le justiciable et une pratique gage de l’efficacité 68

B. METTRE LES PROCÉDURES RELEVANT DU CONTENTIEUX GÉNÉRAL À L’ABRI DU SOUPÇON, EN PREMIÈRE INSTANCE COMME EN APPEL 71

1. Assurer une présence systématique du parquet aux audiences commerciales et renforcer ses moyens 71

2. Faciliter la procédure de dépaysement à la demande des parties 74

3. Ouvrir aux parties le droit de demander à être jugées par une formation mixte 77

C. RENDRE LE TRAITEMENT DES PROCÉDURES COLLECTIVES PLUS EFFICACE, EN PREMIÈRE INSTANCE COMME EN APPEL 81

1. Faciliter la procédure de « dépaysement » en l’accordant, de droit, aux parties qui la demandent 83

2. Reconnaître à des pôles spécialisés une compétence exclusive pour les procédures particulièrement complexes et sensibles 84

a) Un constat commun : la nécessité de créer des pôles spécialisés en matière de procédures collectives 84

b) Première option : des formations de jugement spécialisées exclusivement composées de juges consulaires en première instance 87

c) Seconde option : la mixité des formations de jugement spécialisées, en première instance comme en appel 88

3. Dans un souci d’optimisation des chances de succès de la procédure collective, adapter les modalités de rémunération des mandataires de justice 91

CONCLUSION 98

EXAMEN EN COMMISSION 101

LISTE DES PROPOSITIONS 115

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES 120

ANNEXE N° 1 : CARTE DES JURIDICTIONS COMMERCIALES 128

ANNEXE N° 2 : LIVRET DE DÉONTOLOGIE DES JUGES CONSULAIRES 129

ANNEXE N° 3 : SERMENT DES JUGES CONSULAIRES 138

ANNEXE N° 4 : LIVRET DE FORMATION DES JUGES CONSULAIRES 141

ANNEXE N° 5 : FORMATION ÉCONOMIQUE DES MAGISTRATS PROFESSIONNELS 145

ANNEXE N° 6 : STATISTIQUES RELATIVES AUX ADMINISTRATEURS ET MANDATAIRES JUDICIAIRES 147

ANNEXE N° 7 : L’ASSURANCE SANTÉ ENTREPRISE 151

ANNEXE N° 8 : CARTE DES JIRS 155

ANNEXE N°9 : MODALITÉS DE RÉMUNÉRATION DES ADMINISTRATEURS ET MANDATAIRES JUDICIAIRES. 156

MESDAMES, MESSIEURS,

Bien des spéculations ont entouré les motifs qui ont présidé à la création, par la commission des Lois, d’une mission d’information sur le rôle de la justice en matière commerciale. Certains ont pu craindre que, nourrie d’a priori, elle dresse un réquisitoire sans appel à l’encontre des fondements mêmes de l’organisation des juridictions commerciales en France.

Le présent rapport entend apporter un démenti à ces interrogations inquiètes. Si la mission n’ignore pas les affaires graves qui, dans un passé ancien ou récent, ont pu agiter le monde de la justice commerciale, elle mesure parfaitement les services rendus par les juridictions commerciales au cours des cinq derniers siècles.

Depuis 1563 (2), la justice en matière commerciale est rendue en France, en première instance, par des juridictions d’exception : les tribunaux de commerce. Les tribunaux de grande instance restent les juridictions de droit commun en matière commerciale, puisque, comme le prévoit l’article L. 721-2 du code de commerce, « dans les circonscriptions où il n'est pas établi de tribunal de commerce, le tribunal de grande instance connaît des matières attribuées aux tribunaux de commerce ». Partant, il convient de ne pas négliger le rôle majeur qu’ont à jouer les magistrats professionnels, et notamment les premiers présidents des cours d’appel, dans la mise en œuvre de la justice commerciale.

Les premiers tribunaux de commerce sont apparus dès 1419 et leur l’organisation a peu été réformée depuis cette lointaine époque… alors que, dans le même temps, la France et le monde sont passés d’un droit commercial, construit autour du commerçant, à un droit des affaires, axé sur la notion d’entreprise, et enfin à un droit économique tout entier fondé sur le marché. Cette stabilité institutionnelle des tribunaux de commerce contraste avec l’ampleur de l’évolution des litiges dont ils ont à connaître. L’économie a aujourd’hui dépassé une justice marquée par le poids de l’histoire.

Peu affectés par la loi des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire qui a instauré le principe d’élection des juges de l’ordre judiciaire, ces tribunaux sont composés de juges non-professionnels : des commerçants, élus par leurs pairs, qui tirent une double légitimité de leur élection et de leur connaissance intime des milieux économiques ainsi que des techniques et pratiques commerciales. Cette double légitimité est aujourd’hui mise à l’épreuve par le fort taux d’abstention aux élections consulaires (80 % en moyenne) et par la technicité croissante du contentieux commercial.

Par ailleurs, cette organisation de la justice commerciale n’a pas été retenue sur l’ensemble du territoire. Lorsque l’Alsace et la Moselle ont été réintégrées au territoire français, le choix a été offert aux Alsaciens et aux Mosellans de conserver les éléments du droit allemand qui leur paraissaient avantageux. C’est ainsi qu’une organisation échevinée des juridictions commerciales, mêlant juges professionnels et juges non-professionnels, a été préférée dans les départements d’Alsace et de Moselle. L’échevinage a également été retenu dans les départements d’outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

Au sein même des juridictions consulaires, l’uniformité est loin d’être la règle. Se gardant de toute généralisation hâtive, la mission n’ignore pas que la pratique de la justice commerciale dans les « gros » tribunaux de commerce de Paris, Nanterre, Lyon et Marseille, diffère de celle qui prévaut dans des juridictions de taille moyenne, comme celles de Rennes ou de Toulouse, et elle n’a que peu en commun avec celle que connaissent la majorité de nos concitoyens dans les « petits » tribunaux qui quadrillent le territoire.

Cette justice « à deux ou trois vitesses » est réputée rapide, ayant le sens de l’urgence et de la disponibilité (3). Quelques chiffres témoignent de cette célérité, puisqu’en 2012, la France comptait :

– 135 (4) tribunaux de commerce qui ont rendu 1 006 131 décisions et achevé le traitement des affaires en 5,4 mois (en moyenne) ;

– 3100 juges qui, en moyenne, ont chacun rendu 325 décisions ;

– 250 greffiers des tribunaux de commerce qui ont traité et conservé les 1 006 131 décisions rendues, traité 3 197 876 actes et inscrit environ 700 000 sûretés ;

– 2 300 salariés de greffe qui ont délivré environ 13 millions de documents, procédé à environ 100 000 mises à jour quotidiennes des registres.

Peu coûteuse, car fondée sur le bénévolat, la justice commerciale est également louée pour sa proximité avec le justiciable. Cette proximité entre le justiciable et le juge commerçant est non seulement géographique mais aussi sociologique : les acteurs économiques sont jugés par leurs pairs. On fait souvent crédit à cette proximité de favoriser la conception de solutions pragmatiques et l’élaboration d’une jurisprudence créative et innovante.

Mais cette proximité entre le juge commerçant et le justiciable est à double tranchant : autant elle peut favoriser l’élaboration de solutions adaptées non seulement en droit, mais aussi au regard des enjeux économiques, autant elle peut également favoriser des connivences et des conflits d’intérêts susceptibles d’entamer, voire d’anéantir la confiance du justiciable en son juge. Quand le justiciable connaît des difficultés, une proximité excessive avec le juge peut être de nature à susciter chez lui un sentiment de honte et d’appréhension qui le dissuade de franchir les portes du tribunal. Et souvent le justiciable ne franchit ces portes que quand il se sait condamné.

La justice commerciale souffre aussi de difficultés à établir son impartialité objective et d’une propension, loin d’être généralisée, mais quelquefois bien réelle, à fonctionner « en vase clos ». La motivation lacunaire de jugements parfois rendus en équité reflète souvent les insuffisances de la formation des juges commerçants qui, dans certains cas, se reposent sur les magistrats du parquet ou sur des greffiers dont le rôle tend à devenir exorbitant.

C’est une des raisons pour lesquelles cette justice est de plus en plus concurrencée par des modes de règlement alternatifs des litiges, au premier rang desquels l’arbitrage. En effet, sous réserve de quelques cas précis, les tribunaux de commerce n’ont pas le monopole des contentieux : les opérateurs économiques sont libres de choisir non seulement le droit applicable mais aussi le tribunal, souvent arbitral, chargé de dire le droit. L’arbitrage prospère ainsi sur les insuffisances de la justice consulaire (5).

Dans un contexte de « guerre économique » mondiale, les systèmes judiciaires sont utilisés comme des leviers de promotion des économies nationales et constituent des armes précieuses aux mains des États ou des organisations régionales en compétition. Sous cet angle, l’organisation française de la justice commerciale, qui est unique en Europe, peut constituer un handicap plus qu’un atout.

Animée par les mêmes motivations que celles qui sous-tendent les engagements du Président de la République, M. François Hollande, et le « Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi » (6) , la mission a pleinement conscience de la nécessité de pérenniser et de promouvoir la justice commerciale « à la française ». Mais pour y parvenir, il apparaît nécessaire de la réformer afin de la rendre plus attractive, plus compétitive et mieux adaptée aux enjeux économiques contemporains, dans un contexte de crise particulièrement difficile pour nos entreprises.

Deux gardes des Sceaux se sont attelés à cette tâche, au cours des trente dernières années : d’abord M. Robert Badinter en 1985, puis Mme Élisabeth Guigou en 2001. De nombreux rapports ont été écrits, qui plaidaient pour une rénovation du rôle de la justice en matière commerciale (7). Parmi ces rapports, celui de MM. François Colcombet et Arnaud Montebourg, établi à la suite de scandales dont la véracité a été démontrée, préconisait d’étendre à l’ensemble des juridictions commerciales du territoire l’organisation échevinée qui existe en Alsace-Moselle et de spécialiser une juridiction commerciale par département dans le contentieux des procédures collectives (8).

Consciente des évolutions qui ont eu lieu au cours des quinze dernières années, la mission s’est attachée à aborder les enjeux liés à la définition du rôle de la justice en matière commerciale sans aucune idée préconçue, faisant sienne la devise « réformer sans stigmatiser » (9).

Quoique contrainte par les délais qui lui étaient impartis, la mission a mené une vaste réflexion, réalisant deux déplacements en province (l’un à Poitiers, l’autre à Montbéliard), recevant à l’Assemblée nationale la quasi-totalité des acteurs concernés par le champ de ses travaux, à l’occasion de neuf tables rondes et de onze auditions, et examinant en détail les nombreuses contributions écrites qui lui ont été fournies soit par les rares organismes qui, faute de temps, n’ont pu être entendus dans un cadre formel, soit par les nombreux justiciables qui ont fait part de leur expérience de la justice commerciale.

Ces travaux ont permis à la mission de se rendre compte que la justice commerciale, contrairement à des reproches trop facilement véhiculés quant à son impartialité et sa compétence, remplit en général sa fonction d’une façon satisfaisante. Toutefois, quel que soit le pan de la justice concernée, il est toujours possible d’améliorer son fonctionnement et l’efficacité que le justiciable est en droit d’en attendre. C’est dans cet esprit que nous avons appréhendé la mission qui nous a été confiée. Ainsi est-il tenté de dégager des pistes, de formuler des propositions pour rendre cette justice commerciale « à la française » plus sûre, plus attractive et aussi opérationnelle que possible de façon à mieux appréhender les enjeux économiques actuels et futurs dans une conjoncture des plus tendues pour nos entreprises.

Vos rapporteurs invitent ainsi à entreprendre une nécessaire et urgente réforme du statut, de la formation et du rôle des acteurs de la justice commerciale, ainsi que de l’organisation des procédures de cette justice.

PREMIÈRE PARTIE : RÉFORMER, SANS STIGMATISER, LE STATUT, LA FORMATION ET LE RÔLE DES ACTEURS DE LA JUSTICE COMMERCIALE

À bien des égards, la justice commerciale se présente comme une exception française. Chez nos principaux partenaires économiques, les litiges de cette sorte ne relèvent pas nécessairement de la compétence en effet d’un tribunal particulier. Cette singularité trouve ses origines dans une histoire dont les membres des tribunaux de commerce, à l’évidence, se sentent les dépositaires.

Pour autant, il apparaît à tous que cet enracinement dans le passé national ne saurait tenir lieu de viatique car une institution, quelle qu’elle soit, doit justifier de sa capacité à répondre à un besoin. Pour les juridictions commerciales, comme pour les autres juridictions, il s’agit de régler les litiges et concilier des intérêts par des décisions fondées et motivées en droit, rendues par des juges disposant d’un statut, d’une déontologie et d’une formation qui les mettent à l’abri de tout soupçon de partialité et leur confèrent une compétence indiscutable.

Se gardant de tout amalgame et de toute défiance, la mission entend mettre en exergue trois défis que, pour l’avenir, doivent relever non seulement les tribunaux de commerce mais également ceux qui concourent au fonctionnement de la justice commerciale : en premier lieu, conforter la légitimité des juges consulaires par un statut et une déontologie ; en deuxième lieu, affirmer une compétence fondée sur la formation des juges consulaires et des magistrats professionnels ; en dernier lieu, renforcer le rôle des greffiers des tribunaux de commerce et des experts comptables dans les dispositifs de détection et d’anticipation des difficultés des entreprises.

A. CONFORTER LA LÉGITIMITÉ DES JUGES CONSULAIRES PAR LE MODE D’ÉLECTION, UN STATUT ET UNE DÉONTOLOGIE

Cet objectif suppose une rénovation non seulement des conditions dans lesquelles les juges consulaires sont désignés mais également du cadre dans lequel ils exercent leur mandat.

1. Garantir l’ouverture et la transparence de l’élection des juges consulaires

Aussi évidente qu’elle puisse paraître, cette exigence revêt une importance toute particulière. Certes, l’élection ne constitue pas une spécificité des tribunaux de commerce. Pour être peu courante dans notre pays, cette procédure vaut en effet pour le recrutement des membres des conseils de prud’homme (10) et ceux des conseils des tribunaux paritaires de baux ruraux (11).

Toutefois, depuis la Révolution, la désignation par un corps électoral formé de commerçants et de chefs d’entreprises représente, pour les juges consulaires, le fondement premier de la légitimité qu’ils revendiquent. Il importe de redonner à cette procédure une réalité.

a) Restaurer les fondements d’une légitimité aujourd’hui fragile

En application des dispositions des articles L.722-6 et suivants du code de commerce, telles qu’elles sont interprétées par le Conseil constitutionnel (12), les juges des tribunaux de commerce exercent une fonction publique élective. Ils sont élus pour un premier mandat de deux ans, mandat renouvelable trois fois par période de quatre ans dans le même tribunal ou dans un autre tribunal de commerce, dans la limite fixée à l’article L. 723-7 du code de commerce.

L’élection repose sur la mise en œuvre d’un scrutin indirect à deux degrés, les juges étant formellement désignés par des délégués consulaires.

En application des articles L. 713-6 et suivants du code de commerce, ces délégués consulaires, électeurs des juges consulaires, sont élus pour 5 ans, au scrutin uninominal (avec possibilité de déclaration commune des candidatures), dans la circonscription de chaque chambre de commerce et d’industrie (CCI). Les élections se déroulent en même temps que celle des membres des CCI.

Ce mode de désignation repose sur une logique : les juges consulaires doivent, par les modalités de leur recrutement, entretenir une certaine proximité avec les litiges qu’ils ont vocation à trancher. Étant choisis parmi leurs pairs qu’ils jugent, ils sont censés être mieux à même de rendre des décisions pertinentes.

Or, il s’avère que l’élection n’offre plus aujourd’hui un fondement suffisant pour asseoir la légitimité des tribunaux de commerce.

Ceci tient d’une part à la faiblesse de la participation aux scrutins organisés afin de choisir les juges consulaires. D’après le Club Droit, Justice et Sécurité (13), le taux de participation des délégués aux élections consulaires ne dépasserait pas les 20% des électeurs.

D’autre part, le choix des juges consulaires repose assez largement sur des pratiques de cooptation.

De différents rapports dont celui du Club « Droits, justice et sécurités » (14) et des tables rondes organisées par la mission, il ressort ainsi que les présidents des tribunaux de commerce jouent un rôle décisif dans la désignation des candidats. Dans son rapport annuel 2010 (15), le Conseil national des tribunaux de commerce établissait ainsi que « dans la plupart des cas, c’est actuellement le président du tribunal de commerce qui, connaissant le nombre de postes à pourvoir, active les recherches au travers des réseaux et des syndicats professionnels. ». De fait, on constate souvent une stricte égalité entre le nombre des candidats se présentant aux élections des juges consulaires et celui des sièges à pourvoir. Par ailleurs, le fait que les anciens présidents des tribunaux possèdent la qualité d’électeurs en droit ajoute encore à l’impression de scrutins placés sous influence.

Enfin, la légitimité tirée de l’élection apparaît d’autant plus susceptible de remise en cause que le scrutin aboutit à une surreprésentation de certaines catégories du corps électoral des juges consulaires.

Ainsi, dans son rapport précité de 2010, le Conseil national des tribunaux de commerce soulignait qu’« il n’y avait pas assez d’ouverture sur l’ensemble des entreprises et des commerçants, avec l’exclusion fréquente de ceux qui ne sont pas syndiqués ou de ceux qui n’appartiennent pas à des réseaux » (16). D’après le Club « Droits, Justice et Sécurités » (17), on peut constater une surreprésentation des cadres dirigeants et une sous-représentation des commerçants. Cette analyse rejoint celle développée par certaines personnes reçues par la mission. Par exemple, M. François Colcombet, ancien magistrat et ancien député (18), a tenu à mettre en lumière une forte présence de certains établissements bancaires et de certaines entreprises en quête d’information sur d’éventuelles difficultés de leurs clients ou concurrents (19).

Certes, cette situation ne prévaut pas dans tous les tribunaux de commerce, la composition de certains d’entre eux pouvant se caractériser par une relative diversité. Ainsi, d’après les éléments communiqués par M. Emmanuel de Bodman, son président (20), il en va par exemple ainsi du tribunal de commerce de la Rochelle, juridiction formée de 24 juges (21 hommes et 3 femmes), dont 13 sont en activité, 11 en retraite ou assimilés. Dans cet effectif, on recense 16 patrons et 8 cadres, les professions exercées ou ayant été exercées apparaissant très diverses (entre agent immobilier, pharmacien, opticiens, 3 experts comptables, 2 patrons de supermarché, plusieurs cadres dirigeants de filiales industrielles d’entreprises nationales ou internationales, etc.).

Néanmoins, la convergence des critiques quant à la réalité du choix offert par le processus électoral conduit nécessairement à s’interroger sur les moyens de favoriser un renouvellement du corps électoral des juges consulaires.

b) Renouveler le corps électoral et les conditions d’organisation du scrutin pour dépasser les corporatismes

En application des articles L. 713-6 et suivants du code de commerce, le corps électoral des délégués consulaires se compose aujourd’hui :

–  des commerçants immatriculés au registre du commerce et des sociétés (RCS) dans la circonscription de la chambre de commerce et d’industrie concernée ;

–  des chefs d’entreprise inscrits au répertoire des métiers et immatriculés au RCS ;

–  des conjoints collaborateurs inscrits au RCS dans la circonscription de la chambre de commerce et d’industrie concernée ;

–  des présidents-directeurs généraux, présidents ou membres de directoires, présidents de conseils de surveillance, présidents ou membres de conseils d’administration, présidents de société par action simplifiée de la circonscription concernée;

–  des directeurs généraux dans les SA ;

–  des gérants de SARL ou cogérants ;

–  des représentants désignés expressément pour les sociétés en commandite et les sociétés en nom collectif ;

–  des présidents ou membres de conseils d’administration ou directeurs d’un établissement public à caractère industriel et commercial ;

–  des cadres employés dans la circonscription de la CCI concernée par les électeurs ci-dessus exerçant des fonctions impliquant des responsabilités de direction commerciale, technique ou administrative de l’entreprise ou de l’établissement.

Pour prétendre à la qualité d’électeur, ces personnes doivent remplir les conditions suivantes (énoncées à l’article L. 713-9 du code du commerce) (21) :

1° être de nationalité française (ou ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen), âgé de dix-huit ans accomplis, jouir de ses droits civils et politiques et n'être dans aucun cas d'incapacité prévu par la loi ;

2° n'avoir pas été l'auteur de faits ayant donné lieu à une condamnation pénale pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs ;

3° n'avoir pas été frappé depuis moins de quinze ans à compter du jour où la décision les ayant prononcées est devenue définitive, de faillite personnelle ou d'une des mesures d'interdiction ou de déchéance prévues au livre VI du code du commerce, à la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises ou à la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les banqueroutes ;

4° ne pas être frappé d'une peine d'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27 du code pénal, d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.

5° ne pas avoir été condamné à des peines, déchéances ou sanctions prononcées en vertu de législations en vigueur dans les États membres de la Communauté européenne ou dans les États parties à l'accord sur l'Espace économique européen équivalentes à celles visées aux 2°, 3° et 4°.

Manifestement, cette définition du corps électoral des juges consulaires et les procédures de leur élection ne correspondent plus nécessairement au rôle que jouent ou pourraient jouer les tribunaux de commerce et ne concourt pas suffisamment à leur légitimité.

S’agissant des modalités de leur élection, il est loisible de s’interroger sur l’organisation d’une procédure à deux degrés, autrement dit sur l’utilité du maintien des délégués consulaires.

Certes, avec certaines personnes entendues par la mission, il pourrait être estimé que l’organisation d’une désignation directe des juges consulaires, au scrutin de liste, pourrait conduire à une politisation de leur désignation préjudiciable à leur impartialité. Cela étant, ainsi que le montre le rapport du Conseil national des tribunaux de commerce (22), l’existence de pratiques de cooptation tend à dissuader les délégués consulaires de prendre part à l’élection des juges consulaires, leur fonction se limitant à celle de grands électeurs.

Dans ces conditions, la mission préconise la suppression du double degré dans l’élection des juges des tribunaux de commerce. À tout le moins, elle retient l’idée formulée à plusieurs reprises par de nombreuses personnes entendues dans le cadre de ses tables rondes de confier l’élection des juges consulaires aux membres des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers.

Ce faisant, la mission estime que pourrait être maintenue une modalité de désignation des juges consulaires qui permette une connaissance réelle et pratique des litiges que les tribunaux de commerce ont à trancher. Le maintien d’un double degré pourrait également garantir la crédibilité du processus électoral en réduisant le risque de candidatures fantaisistes.

Si un second degré devait être maintenu dans le processus électoral, la mission préconise de remplacer le titre de délégué consulaire porté par les électeurs des juges des tribunaux de commerce. Celui-ci introduit en effet une confusion avec la fonction exercée par les membres des chambres de commerce et d’industrie. La mission reprend volontiers à son compte l’idée développée devant elle (23) que les personnes participant à la désignation des juges des tribunaux de commerce portent le nom de « grands électeurs ».

Proposition n° 1 : confier l’élection des juges consulaires directement aux membres des chambres de commerce et d’industrie et aux personnes inscrites sur le registre des chambres de métier.

Pour ce qui est du corps électoral, les compétences exercées par les tribunaux de commerce plaident en faveur de l’octroi de la qualité d’électeurs à de nouvelles catégories socioprofessionnelles.

En droit, la juridiction des tribunaux de commerce ne s’exerce pas que sur les seuls commerçants et chefs d’entreprises. En application notamment de l’article L. 721-3 du code de commerce, les juges consulaires connaissent :

« 1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit ou entre eux ;

2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;

3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes. »

En application de l’article L. 721-4 du même code, les tribunaux de commerce connaissent également « des billets à ordre portant en même temps des signatures de commerçants et de non-commerçants ». C’est dire que la compétence des juges consulaires dépend moins de la qualité de commerçant que de la nature des actes objets aux litiges qu’ils examinent ainsi que la forme commerciale des parties.

Dans ces conditions, la mission préconise d’intégrer les artisans au corps électoral des juges consulaires et à la catégorie des éligibles.

Il ressort des auditions et tables rondes qu’elle a pu organiser que cette mesure – au demeurant objet d’un assez large consensus – se justifie pleinement par les formes commerciales que revêt aujourd’hui l’activité de cette profession.

Il est du reste à noter que l’Assemblée des chambres des métiers et de l’artisanat se déclare favorable à cette évolution dans la mesure où, dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, aux termes de la jurisprudence relative aux dispositions de l’article L. 621-2 du code de commerce (relatives à la procédure de sauvegarde), les artisans peuvent entrer dans le champ de compétence des tribunaux de commerce. Entendu par la mission (24), M. François Moutot, directeur général de l’Assemblée permanente des chambres des métiers et de l’artisanat (APCMA), a ainsi indiqué que la participation des artisans à l’élection des juges et l’éligibilité de chefs d’entreprises artisanales inscrits au registre des métiers assureraient au monde de l’artisanat l’entier bénéfice des procédures de prévention et de conciliation mises en œuvre par les tribunaux de commerce. Il ressort également de sa réponse au questionnaire qui lui a été adressé que l’ACPMA envisage favorablement que les membres en exercice de la Chambre des Métiers de l’Artisanat (CMA) dont le siège est situé dans le ressort de la juridiction participent au collège électoral.

Proposition n° 2 : intégrer au corps électoral et rendre éligibles aux fonctions de juges des tribunaux de commerce les chefs d’entreprises artisanales immatriculés au registre des métiers.

En revanche, quoique cette position ait pu être défendue devant elle, dans l’immédiat, la mission ne juge pas indispensable d’inclure les agriculteurs dans le corps électoral des tribunaux de commerce.

Cette conclusion tient d’une part aux spécificités que conservent les exploitations agricoles même si, dans leurs activités, elles adoptent des méthodes de gestion et subissent des contraintes semblables à celles des sociétés commerciales. D’autre part, la mission considère que les tribunaux de grande instance et les tribunaux des baux ruraux (25) dont relève ce corps de métier possèdent une meilleure connaissance du sujet ainsi que des méthodes éprouvées pour régler les litiges et les difficultés que les agriculteurs peuvent connaître.

Cependant, ainsi que l’y ont incité un certain nombre de ses interlocuteurs, la mission n’écarte pas la perspective de faire relever d’une même juridiction agriculteurs, artisans ou commerçants. Dans un souci de bonne administration de la justice, on pourrait parfaitement concevoir l’idée de tribunaux des affaires économiques, c’est-à-dire des juridictions compétentes sur l’ensemble des contentieux de cette nature, indépendamment de la qualité des parties.

c) Organiser un recrutement de nature à assurer la diversité des vocations et des compétences

Dans sa décision n° 2012-241QPC du 4 mai 2012 (26), le Conseil constitutionnel a affirmé la compétence du législateur pour modifier « les dispositions relatives aux conditions d’accès au mandat des juges des tribunaux de commerce afin de renforcer les exigences de capacités nécessaires à l’exercice de ces fonctions juridictionnelles ».

Garantir que les juges consulaires élus disposent des compétences nécessaires à l’exercice de leurs fonctions constitue à l’évidence une préoccupation tout aussi importante que celle de la transparence de la procédure élective. En effet, la légitimité des tribunaux de commerce à juger repose aujourd’hui non seulement sur l’élection mais également sur la capacité à comprendre et trancher les litiges dont ils sont saisis. Ceci implique une formation initiale adéquate mais surtout des aptitudes personnelles à suivre éventuellement une formation dès la prise des fonctions et tout au long de l’exercice du mandat.

De fait, sur le terrain, certains tribunaux de commerce et acteurs locaux mettent déjà en œuvre des procédures informelles qui peuvent s’apparenter à une sorte de « présélection » des futurs juges des tribunaux de commerce.

Il ressort ainsi de l’audition par la mission (27) des représentants du MEDEF que les antennes locales de cette organisation représentative des employeurs mènent des actions de sensibilisation destinées à élargir le vivier des candidats à l’élection des juges consulaires. De la même manière, il arrive qu’au sein des tribunaux de commerce, à l’exemple de celui de Saintes (28), des présidents reçoivent en entretien des candidats potentiels afin de les mettre au fait des exigences et des obligations du mandat de juge consulaire.

D’après les informations recueillies à l’occasion de la table ronde réunissant des représentants des chambres de commerce, d’agriculture et de l’artisanat (29), le Tribunal de commerce de Lyon a créé un examen destiné à susciter des candidatures de personnes aptes à exercer le mandat de juge consulaire. Cet examen mesure l’engagement des candidats, leurs motivations ainsi que leurs compétences de synthèse et d’analyse au moyen d’un petit test élaboré au sein du tribunal. Selon M. Philippe Grillot, président de la CCI de Lyon, ancien président du Tribunal de commerce de Lyon, cette procédure d’évaluation préalable aurait contribué à une augmentation du nombre de candidatures telle que celui-ci est égal à deux ou trois fois le nombre des sièges soumis à élection.

Au vu de ces résultats, il apparaît souhaitable que cette dernière démarche soit encouragée, même si la réalisation d’une évaluation préalable de la capacité des candidats, par le seul biais d’un examen, peut ne pas être pertinente sur tous les points du territoire, compte tenu des moyens des tribunaux de commerce et du vivier des candidats.

La mission considère, en tout cas, que les candidatures aux sièges des tribunaux de commerce doivent donner lieu à une évaluation par des commissions chargées d’apprécier la motivation, les aptitudes et la diversité des candidats sur la base de critères transparents et préétablis.

Créées près de chaque cour d’appel, ces commissions seraient formées de juges professionnels et de juges consulaires. Elles auraient pour mission d’amener les candidats, dans le cadre d’un entretien d’évaluation, à prendre la mesure des exigences attachées à l’exercice des fonctions qu’ils briguent et, ainsi, d’éprouver leur motivation à les exercer. Les commissions pourraient établir les listes de candidats à l’élection en raison de leur aptitude qui seraient ensuite soumises à l’élection.

Par cette procédure, la mission entend favoriser en outre la diversité des candidatures du point de vue des secteurs dans lesquels les candidats exercent leur activité et de leur implantation géographique. Il importe en effet que l’élection permette une réelle proximité entre les juges consulaires élus et les milieux socioprofessionnels dont ils tranchent les litiges et ne se solde pas par des phénomènes de surreprésentation. Ainsi que l’a souligné M. Frédéric Barbin, président du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (30), il faut envisager par l’instrument d’une liste d’aptitude une diversification du recrutement des juges consulaires qui permette une meilleure représentation de l’industrie, du petit commerce et de l’artisanat dans la composition des chambres des tribunaux de commerce.

Proposition n° 3 : instituer des commissions près des cours d’appel formées de juges professionnels et de juges consulaires ayant pour mission d’évaluer la capacité des candidats aux fonctions de juges des tribunaux de commerce et d’établir des listes d’aptitude.

2. Donner aux juges consulaires un véritable statut

La spécificité des tribunaux de commerce ne doit pas conduire à écarter les exigences qui pèsent aujourd’hui sur le fonctionnement de toute juridiction.

Dans sa décision n° 2012-241QPC du 4 mai 2012 (31), le Conseil constitutionnel a certes affirmé que « les juges des tribunaux de commerce […] ne sont pas soumis au statut des magistrats et ne sont pas placés dans une situation identique à celle des magistrats. » Sur cette considération, il a écarté le moyen suivant lequel le régime de l’action disciplinaire applicable aux juges consulaires devait être identique à celui applicable aux magistrats.

Cela étant, il a également rappelé qu’« en application du second alinéa de l’article L. 721-1 du code de commerce, les tribunaux de commerce sont soumis aux dispositions, communes à toutes les juridictions, du livre premier du code de l’organisation judiciaire ».

Dès lors, il convient de donner aux tribunaux de commerce un véritable statut qui les place dans un cadre de droits et d’obligations comparables à celui propre à la magistrature.

Cette notion de statut renvoie d’abord à un corps de règles qui encadrent les conditions d’exercice d’une fonction, les procédures suivies devant un organisme. Sur ce plan, le fait que les tribunaux de commerce entrent dans le champ d’application du livre premier du code de l’organisation judiciaire contribue en droit à les intégrer dans l’ordre judiciaire et donc à leur donner un statut. De même, les dispositions du titre II du livre VII du code de commerce forment en soi un statut dans la mesure où elles traitent de la compétence, de l’organisation et du fonctionnement, du mandat des membres de ces juridictions, ainsi que de leur régime disciplinaire.

En dehors des conditions d’éligibilité, le code de commerce demeure relativement silencieux concernant l’existence d’incompatibilités applicables au mandat de juge d’un tribunal de commerce. L’article L. 723-8 dispose seulement qu’« un juge d’un tribunal de commerce ne peut être simultanément membre d’un conseil de prud’hommes ou juge d’un autre tribunal. »

Le souci de garantir l’indépendance et l’impartialité implique nécessairement d’étendre le champ de ces incompatibilités applicables aux juges des tribunaux de commerce sur le modèle du statut de la magistrature.

Pour les magistrats professionnels, l’article 9 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 (32) prévoit une incompatibilité :

– avec l’exercice d’un mandat électif au Parlement, au Parlement européen, dans des assemblées de collectivités et territoires d’outre-mer ou de collectivités locales ;

– dans le cas où la juridiction dans laquelle un magistrat est nommé se trouve pour tout ou partie du département dont son conjoint est député ou sénateur ;

– dans une juridiction dans le ressort de laquelle un magistrat aura exercé depuis moins de cinq ans, une fonction publique élective ou fait acte de candidature à l’un de ces mandats, à l’exception du mandat de représentant au Parlement européen, depuis moins de trois ans.

L’article 9-1 de la même ordonnance énonce des incompatibilités entre les fonctions de magistrat et l’exercice des professions d’avocats, d’avoué, de notaire, d’huissier de justice, de greffier de tribunal de commerce, d’administrateur judiciaire ou de mandataire-liquidateur. L’incompatibilité vaut également pour les personnes qui auraient travaillé au service d’un membre de ces professions dans le ressort d’une juridiction où ils ont exercé leurs fonctions depuis moins de cinq ans.

En s’inspirant de ce dispositif, la loi pourrait établir une incompatibilité entre, d’une part, des fonctions de juge d’un tribunal de commerce et, d’autre part, des mandats électifs et l’exercice de professions avec lesquelles les tribunaux de commerce entretiennent des rapports nécessaires telles que les mandataires et les administrateurs de justice. Dans ce dernier cas, il conviendrait de prévoir qu’un juge des tribunaux de commerce ne peut exercer ces activités pendant un délai raisonnable, par exemple, un délai de cinq ans, après la fin de son mandat.

 Proposition n° 4 : établir des incompatibilités entre les fonctions de juge d’un tribunal de commerce et l’exercice d’un mandat électif ou d’une activité entretenant des rapports réguliers avec le tribunal dans le cadre du fonctionnement de la justice commerciale.

Par ailleurs, il n’ y a pas dans le droit actuel un autre élément qui caractérise la notion de statut, c'est-à-dire un véritable organe disciplinaire de nature à faire respecter les règles qui s’imposent aux membres d’un corps ou d’une juridiction, éventuellement par l’application de sanctions.

En l’état, cette fonction revient formellement à la commission nationale de discipline instituée par l’article L.724-2 du code de commerce.

Présidée par un président de chambre à la Cour de cassation, cet organisme compte sept autres membres :

– un membre du Conseil d’État ;

– deux magistrats du siège désignés par le premier président de la Cour de cassation (sur une liste établie par les premiers présidents des cours d’appel) ;

– quatre juges des tribunaux de commerce élus par l’ensemble des présidents des tribunaux de commerce.

La commission nationale de discipline se prononce sur les cas de faute disciplinaire, cette notion étant définie par l’article L. 724-1 du code de commerce comme constituée par « tout manquement d’un juge d’un tribunal de commerce à l’honneur, la probité, à la dignité et aux devoirs de sa charge ». Ses décisions ne sont susceptibles de recours que devant la Cour de cassation. L’article L. 724-4 du code de commerce précise qu’en cas de faute disciplinaire, la commission peut prononcer la suspension d’un juge consulaire pour une durée renouvelable de six mois.

Cela étant, ce régime disciplinaire semble devoir d’autant moins s’appliquer que la commission nationale de discipline ne peut être saisie que par le Garde des Sceaux. De surcroît, aux termes de l’article L. 724-4 du code de commerce, la commission nationale ne peut prononcer une suspension que sur proposition du ministre de la Justice.

En outre, il convient de souligner que l’échelle des sanctions n’offre qu’un choix limité qui présente un caractère quelque peu dissuasif. En application de l’article L. 724-3 du code précité, la commission nationale ne peut en effet prononcer que le blâme ou la déchéance. Suivant le mot d’une personne entendue par la mission, la commission ne peut donc que donner une caresse ou infliger la mort.

Aussi la mission préconise-t-elle de permettre aux justiciables de saisir plus directement la commission nationale de discipline.

Cette saisine pourrait être inspirée de la procédure prévue à l’article 50-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 (33), laquelle permet à tout justiciable de saisir le Conseil supérieur de la magistrature dès lors qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire le concernant, il estime que le comportement adopté par un magistrat du siège dans l’exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire. Dans ce cadre, il conviendrait cependant d’organiser la procédure de sorte que les plaintes dont serait saisie la commission nationale ne servent pas de moyens dilatoires ou de pression à l’encontre des juges consulaires. À cet effet, un premier examen pourrait être confié aux premiers présidents de cour d’appel.

La mission préconise également de conférer à la commission nationale de discipline le pouvoir autonome de prononcer des sanctions suivant une échelle plus large instituée par le législateur.

À cet effet, la commission pourrait infliger des sanctions au vu de l’examen des dossiers qui lui seraient transmis et non plus seulement sur proposition du Garde des Sceaux, comme le prévoit le droit actuel. L’échelle des sanctions devrait comporter des mesures intermédiaires en termes de durée ou d’effet concernant l’exercice des fonctions de juge d’un tribunal de commerce.

 Proposition n° 5 : permettre la saisine directe, par les justiciables, de la commission nationale de discipline et la doter d’un pouvoir autonome de sanction sur le modèle du Conseil supérieur de la magistrature.

Étoffer l’échelle des sanctions que la commission nationale de discipline peut prononcer.

3. Renforcer les règles déontologiques applicables aux juges consulaires

Identifié par l’ensemble des personnes entendues par la mission comme un impératif, ce renforcement constitue à l’évidence une exigence afin de garantir l’égale qualité de la justice rendue par les tribunaux de commerce. L’adoption et le partage de règles de comportement exemplaires doit contribuer à prévenir des dérives d’autant plus regrettables qu’elles entachent l’engagement désintéressé de l’immense majorité des juges consulaires.

Dans cet esprit, la mission tient à saluer les premières initiatives prises notamment sous l’influence de la Conférence générale des juges consulaires de France et à souligner l’importance de la problématique des conflits d’intérêts.

a) Favoriser l’édiction d’un code déontologique

En premier lieu, la mission soutient l’établissement et la promotion d’un guide de déontologie s’adressant en particulier aux juges des tribunaux de commerce.

D’après les éléments communiqués à la mission par M. Jean-Bertrand Drummen, président de la Conférence générale des juges consulaires de France (34), celle-ci a établi un recueil qui codifie les règles déontologiques ayant vocation à s’appliquer aux juges des tribunaux de commerce (35). Ce guide de bonnes pratiques devrait s’inspirer en partie du recueil des obligations déontologiques des magistrats publié par le Conseil supérieur de la magistrature en application de la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 (36).

Ce document ainsi modifié semble pouvoir recueillir l’assentiment de la Chancellerie, laquelle a installé un groupe de travail sur les acteurs et les juridictions des procédures collectives qui, en son sein, comprend un sous-groupe consacré à la déontologie, au statut et la formation (37).

Du point de vue de la mission, comme pour les magistrats, ce recueil devrait constituer un véritable code de déontologie applicable aux tribunaux de commerce et décrire, de manière concrète, les conduites résultant des exigences éthiques qui découlent de la spécificité de leur office en fonction des situations institutionnelles, fonctionnelles et personnelles dans lesquelles les juges consulaires peuvent se trouver. Il devrait mettre l’accent sur les moyens de prévenir les situations constitutives d’un conflit d’intérêt.

Il appartiendra ensuite à la Conférence nationale des tribunaux de commerce, comme aux présidents de chacun des tribunaux de commerce, d’assurer la pleine diffusion de ce code et d’en assurer l’actualisation autant que nécessaire.

Proposition n° 6 : favoriser l’établissement, l’actualisation régulière et la diffusion d’un véritable code déontologique qui décrive, de manière concrète, les conduites résultant des exigences éthiques, en particulier celles qui découlent de la spécificité de l’office de juge d’un tribunal de commerce.

b) Solenniser la prestation d’un serment

En second lieu, la mission estime qu’il conviendrait de rendre la prestation de serment aussi solennelle que pour les magistrats du siège.

En application de l’article L. 722-7 du code de commerce, les juges des tribunaux de commerce prêtent un serment avant leur prise de fonctions dont la formule est la suivante : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un juge digne et loyal. » Le même article précise que le serment est reçu par la cour d’appel, lorsque le tribunal de commerce est établi au siège de la cour d’appel et, dans les autres cas, par le tribunal de grande instance dans le ressort duquel le tribunal de commerce a son siège.

En cela, les juges des tribunaux de commerce défèrent à une obligation similaire à celle à laquelle se soumettent les magistrats (38). On notera même que le serment que ces derniers prêtent lors de leur nomination à un premier poste et avant la prise de fonctions présente de grandes similitudes dans sa formulation. Chaque magistrat doit en effet jurer « de bien et fidèlement remplir [ses] fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de [se] conduire en tout comme digne et loyal magistrat ».

À l’occasion de la table ronde des juges consulaires (39), M. Jean-Bertrand Drummen, président de la Conférence générale des juges consulaires de France, a indiqué que le serment applicable aux juges consulaires était diffusé auprès des 134 tribunaux de commerce par la Conférence.

La mission ne peut que se féliciter de cette initiative et inciter à ce que la prestation de serment revête le caractère le plus solennel.

Proposition n° 7 : assurer la diffusion et la solennité du serment que les juges des tribunaux de commerce doivent prêter en application de l’article L. 722-7 du code de commerce.

Mais au-delà de ces initiatives, la mission estime que les tribunaux de commerce devraient, dans l’optique développée par leur conseil national, se doter des instruments d’une autodiscipline fondée sur la transparence et le primat de la déontologie.

c) Instituer une déclaration d’intérêts, une déclaration d’indépendance et envisager la mise en place d’un magistrat référent

À cet effet, la mission présente une première proposition qui consisterait à créer, pour les juges des tribunaux de commerce, l’obligation de remplir une déclaration d’intérêts régulièrement actualisée.

Défendue notamment par le Club « Droits, Justice et Sécurités » (40) et recueillant l’assentiment de l’ensemble des personnes entendues par la mission, cette déclaration ferait état des intérêts financiers (créance, dette, liens d’affaire ou de commerce) détenus par les juges consulaires, énumérerait les fonctions qu’ils exercent dans le cadre d’une activité économique et financière, ainsi que tout mandat qu’ils détiennent au sein d’une société civile ou d’une personne morale menant une activité à caractère commercial. Cette obligation s’appliquerait, a fortiori, aux présidents des tribunaux de commerce.

La déclaration serait adressée au président du tribunal de commerce ou au premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle se trouve le tribunal (pour son président) mais également au parquet près du tribunal de commerce et de la cour d’appel. Elle pourrait être établie à l’occasion de la prise des fonctions et du renouvellement du mandat d’un juge de tribunal de commerce. Les parties à une procédure devant le tribunal de commerce pourraient demander à en prendre connaissance.

Du point de vue de la mission, ce dispositif apparaît de nature à favoriser la prévention des conflits d’intérêts. En effet, les éléments contenus dans la déclaration pourraient permettre aux justiciables comme au parquet de demander la récusation d’un juge ou le dépaysement d’une affaire dès lors que les intérêts d’un membre ou des membres des formations de jugement seraient de nature à remettre en cause son impartialité objective ou l’apparence de son impartialité et de son indépendance.

Proposition n° 8 : rendre obligatoire pour les juges des tribunaux de commerce l’établissement d’une déclaration d’intérêts à l’occasion de leur prise de fonction et du renouvellement de leur mandat.

Suivant une même logique, la mission défend une seconde proposition tendant à créer une déclaration obligatoire d’indépendance inspirée des pratiques ayant cours dans le cadre des procédures d’arbitrage.

Ce dispositif pourrait ainsi s’inspirer des dispositions de l’article 1456 du code de procédure civile. Cet article dispose qu’« il appartient à l'arbitre, avant d'accepter sa mission, de révéler toute circonstance susceptible d'affecter son indépendance ou son impartialité. Il lui est également fait obligation de révéler sans délai toute circonstance de même nature qui pourrait naître après l'acceptation de sa mission. En cas de différend sur le maintien de l'arbitre, la difficulté est réglée par la personne chargée d'organiser l'arbitrage ou, à défaut, tranchée par le juge d'appui, saisi dans le mois qui suit la révélation ou la découverte du fait litigieux. »

Dans tous les systèmes juridiques et dans tous les centres d'arbitrage, cette obligation est affirmée. À titre d’exemple, l’article 11 du règlement d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) impose à l’arbitre de faire connaître à l’institution, à la fois au moment de sa nomination et tout au long de sa mission « tout fait ou circonstance qui pourrait être de nature à mettre en cause son indépendance dans l’esprit des parties, ainsi que les circonstances qui pourraient faire naître des doutes raisonnables quant à son impartialité ». Cette exigence est présente à l’article 11 du règlement d’arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), à l’article 9 des règles suisses d’arbitrage (version 2012), à l’article 5.2 du règlement de la London court of international arbitration (LCIA), à l’article 10.4 du règlement d’arbitrage du Singapore international arbitration centre (SIAC), ou encore à l’article 29 du règlement d’arbitrage du China international economic and trade arbitration commission (CIETAC).

Cette déclaration ne saurait cependant devenir une formalité source d’alourdissement du cours de la justice en matière commerciale.

Si cette mesure devait être retenue par les pouvoirs publics, la mission estime possible d’envisager l’établissement d’une déclaration de quelques lignes attestant de l’indépendance du juge, celui-ci ayant par principe l’obligation de signaler tout changement dans sa situation qui motiverait la communication d’informations plus détaillées. De même que la déclaration d’intérêt, la déclaration d’indépendance devrait être consignée par le président du tribunal de commerce, adressée au parquet et accessible aux parties.

Proposition n° 9 : créer pour les juges des tribunaux de commerce l’obligation d’attester de leur indépendance par une courte déclaration signée au début de chaque instance à laquelle ils prennent part.

Par ailleurs, la mission préconise d’envisager la désignation, au sein de chaque tribunal de commerce, d’un juge référent chargé de fournir aux juges consulaires une expertise sur les règles de la déontologie et de la procédure civile.

De fait, la mission note que cette fonction existe de manière concrète dans certaines juridictions. Ainsi, au cours de son déplacement à Poitiers (41), le président du tribunal de commerce de Saintes lui a indiqué que des juges consulaires jouaient déjà un rôle analogue dans le fonctionnement de son tribunal, le souci du respect d’une déontologie faisant l’objet d’un questionnement quotidien.

Ainsi que l’ont suggéré un certain nombre des personnes entendues par la mission, ce juge référent pourrait être interrogé en cas de difficulté procédurale et entretenir, avec les juges consulaires et surtout avec le président du tribunal de commerce, un dialogue constant sur les questions de déontologie. Dans ce même esprit, suivant la proposition formulée par M. Dominique Gaschard, premier président de la Cour d’appel de Poitiers (42), la désignation d’un juge consulaire référent dans chaque tribunal de commerce pourrait être accompagnée de la création d’un conseil consultatif de déontologie auquel les juges des tribunaux de commerce pourraient s’adresser de manière anonyme. On peut également retenir l’idée avancée par l’Union syndicale des magistrats de désigner ce juge référent soit au sein de la commission de discipline, soit au niveau régional au sein de la cour d’appel (43).

La mission n’ignore pas que l’institution de la fonction de juge référent ne va pas de soi. Ainsi que l’ont relevé certaines des personnes interrogées en tant que spécialistes de la justice consulaire (44), la possibilité d’un alourdissement de la procédure devant les tribunaux de commerce ne peut être complètement écartée.

La mission considère que le juge référent recruté parmi les juges d’un tribunal de commerce ne devrait pas nécessairement disposer d’un pouvoir coercitif à l’encontre de ses pairs mais se voir reconnu institutionnellement dans le fonctionnement de la juridiction le rôle d’interlocuteur privilégié, autorisé à remettre des avis aux présidents des tribunaux de commerce sur le respect des principes déontologiques (45).

Proposition n° 10 : désigner au sein de chaque tribunal de commerce un juge consulaire référent, chargé de remettre des avis aux présidents de ces juridictions et pouvant être consulté par les juges du tribunal de commerce sur toute question relative au respect des principes déontologiques.

B. ÉTOFFER LA FORMATION DES JUGES CONSULAIRES ET DES MAGISTRATS PROFESSIONNELS

Une meilleure appréhension des enjeux et des règles déontologiques par les juges consulaires passe par leur meilleure sensibilisation sur ces questions au stade de leur formation initiale et continue, qui, aujourd’hui facultative, devrait être rendue obligatoire et approfondie, de la même façon que la formation des magistrats professionnels en matière économique et financière doit être développée.

1. Rendre obligatoire et enrichir la formation initiale et continue des juges consulaires

a) Une formation facultative, aléatoire et souvent peu organisée

Une fois élus, les juges consulaires se voient offrir la possibilité de suivre, dans neuf centres régionaux regroupant plusieurs cours d’appel, une formation initiale de neuf jours, comprenant huit modules de un à deux jours et portant notamment sur la déontologie, l’organisation judiciaire, la rédaction des jugements, la procédure civile, le droit des contrats et des garanties. À ces modules peuvent s’ajouter des modules spécifiques, par exemple pour les juges consulaires appelés à exercer la présidence d’un tribunal de commerce ou d’une chambre au sein d’un tribunal de commerce, à statuer en référé ou encore à assurer, en procédure collective, les missions de juge-commissaire (module spécifique de deux jours). Sont ainsi proposés des modules portant sur la prévention des difficultés des entreprises, sur les procédures collectives ou encore sur les modes alternatifs de résolution des conflits (médiation et conciliation judiciaires).

Cette formation est dispensée par un binôme composé d’un magistrat professionnel et d’un juge consulaire, dans l’année qui suit l’élection des juges consulaires (de novembre 2012 à novembre 2013, par exemple), étant précisé que les trois premiers des huit modules minimaux de formation sont proposés aux nouveaux juges consulaires avant leur prise de fonctions.

Le suivi de cette formation initiale n’est qu’une simple faculté : il repose sur le volontariat.

S’ils le souhaitent – mais c’est, là encore, une simple faculté –, les juges consulaires peuvent suivre les modules de formation continue proposés aux magistrats professionnels.

Les frais (notamment de transport et d’hébergement) liés au suivi des formations initiale et continue sont en principe supportés par les juges consulaires eux-mêmes – sauf lorsqu’il s’agit de retraités ou de chefs d’entreprises unipersonnelles, auquel cas ces frais peuvent être pris en charge par le ministère de la Justice.

Jusqu’en 2005, la formation des juges consulaires était assurée par un centre d’études et de formation des juridictions commerciales (CEFJC), implanté à Tours.

Depuis 2005, une formation initiale et continue est proposée aux juges consulaires par l’École nationale de la magistrature (ENM) (46), dans le cadre d’accords passés entre cette École et la Conférence générale des juges consulaires de France en 2003, à la suite du rapport remis au garde des Sceaux par le groupe de travail sur la formation des juges consulaires, présidé par le professeur Serge Guinchard (47). Toutefois, le dispositif de formation des juges consulaires n’est devenu opérationnel qu’à compter de 2009, une fois accomplie la réforme de l’ENM. Depuis cette date, l’ENM consacre 2,5 équivalents temps plein travaillé (ETPT) et un budget annuel d’environ 450 000 euros à la formation des juges consulaires (48).

Depuis 2010, l’ENM, où deux juges consulaires enseignent, et la Conférence générale des juges consulaires de France s’efforcent de concevoir et de déployer un dispositif de formation qui soit conforme aux préconisations du rapport produit en 2003 par le groupe de travail sur la formation des juges consulaires, et qui soit uniformisé sur l’ensemble du territoire.

En 2011, 149 sessions de formation ont été organisées à l’attention des juges consulaires :

–  92 sessions de formation initiale au cours desquelles 663 nouveaux juges consulaires ont été formés ;

–  57 sessions de formation continue dispensées à 1 455 juges consulaires (49).

En 2012, d’après les chiffres fournis par M. Marco Scuccimara, sous-directeur des formations professionnelles spécialisées à l’ENM, environ 1 800 des 3 100 juges consulaires que compte le pays, soit environ 58 % d’entre eux, ont suivi au moins une action de formation dispensée par l’ENM, alors qu’en 2008, seuls 900 des quelque 3 100 juges consulaires exerçant en France avaient suivi une telle action de formation (50).

M. Yves Lelièvre, président de la commission « déontologie » du Conseil national des tribunaux de commerce (CNTC), a expliqué que ce Conseil réfléchissait, depuis juin 2010, à l’amélioration et à la modernisation de cette formation (51) :

–  sur le fond : renforcement des dispositifs de sensibilisation aux enjeux éthiques et déontologiques, accroissement de la part de la formation dédiée au droit européen et au droit international privé, création d’une charte des formateurs garantissant une mise à jour des programmes (formation sur le décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010 relatif à la conciliation et à la procédure orale en matière civile, commerciale et sociale, ainsi que sur le décret n° 2012-1451 du 24 décembre 2012 relatif à l'expertise et à l'instruction des affaires devant les juridictions judiciaires) (52) ;

–  sur la forme : méthode plus participative, développement du « e-learning », proposition faite aux juges consulaires d’assister à des audiences de chambres économiques dans le cadre de stages en juridiction (cours d’appel ou Cour de cassation).

D’après M. Samuel Vuelta-Simon, directeur-adjoint de l’ENM, une formation satisfaisante des juges consulaires exigerait environ 2 ETP supplémentaires et un budget annuel d’environ 650 000 euros (53).

Outre la formation initiale et continue proposée par l’ENM, certains tribunaux proposent eux-mêmes une formation destinée à leurs juges. C’est notamment le cas des tribunaux de commerce de Créteil, Versailles et Pontoise qui proposent des actions de formation entre 17 heures et 19 heures. Du point de vue de M. Philippe Béziaud, président honoraire du tribunal de commerce de Pontoise, la formation continue des juges consulaires devrait, comme celle des avocats ou des commissaires aux comptes, être organisée sur un volume horaire minimal de vingt à trente heures sur une période d’un ou deux ans, et les deux tiers de cette formation continue pourraient avoir lieu au sein même du tribunal de commerce, le tiers restant pouvant consister dans le suivi des formations proposées par l’ENM ou dans la participation à des colloques comme les « entretiens de la sauvegarde », organisés à l’initiative de l’Institut français des praticiens des procédures collectives (IFPPC) et de l’association des avocats conseils d’entreprises (54).

La mission estime que la conception de la formation continue des juges consulaires ne peut être le seul fait des tribunaux de commerce et de la Conférence générale des juges consulaires de France. Les magistrats professionnels comme les universitaires doivent prendre pleinement leur part dans l’organisation de cette formation.

b) L’impérieuse nécessité d’une formation obligatoire, gratuite et contrôlée

• Une formation obligatoire

Alors que les magistrats professionnels bénéficient, depuis longtemps, d’une formation initiale obligatoire dispensée par l’ENM (55) et qu’ils sont astreints, depuis 2008, à une formation continue également obligatoire (56), la formation initiale et continue n’est pas obligatoire pour les juges consulaires.

Dans la contribution écrite qu’elle a fournie à la mission, l’Union syndicale des magistrats a fait valoir qu’une formation initiale de neuf jours était « à l’évidence insuffisant[e] pour engranger les connaissances suffisantes en procédure, droit commercial, droit des affaires, droit bancaire, droit de la construction, droit des assurances, et pour acquérir la technique de rédaction et de motivation des décisions ».

D’une manière générale, un large consensus s’est dessiné, tout au long des travaux de la mission, autour de la nécessité de rendre la formation initiale et continue obligatoire pour les juges consulaires. M. Jean-Bertrand Drummen, président de la Conférence générale des juges consulaires de France a accueilli favorablement cette proposition (57), qui avait d’ailleurs déjà été formulée par le Conseil national des tribunaux de commerce dans son rapport annuel de 2010 (58).

Présentant lui-même la formation initiale et continue comme « une ardente obligation pour les juges du commerce » (59), M. Jean-Bertrand Drummen a annoncé la création d’un comité de pilotage chargé d’assurer le déploiement de la formation et la diffusion d’un livret de formation individuel permettant d’en garantir le suivi, la pertinence et le sérieux (60).

Le groupe de travail sur la formation des juges consulaires, présidé par le professeur Serge Guinchard, était parvenu, en 2003, à la conclusion selon laquelle la création d’une obligation de formation initiale et continue pour l’ensemble des juges consulaires nécessitait l’adoption d’un texte de nature législative.

À la question de savoir si la formation devait revêtir un caractère obligatoire pour les juges consulaires, le groupe de travail répondait qu’« en l’état actuel des textes, la légitimité tirée de l’élection induit un droit à l’exercice des fonctions de juge consulaire, spécialement de la mission juridictionnelle, sans examen d’aptitude », car « qui dit obligation, dit sanction en effet ; et quelle sanction faudrait-il attacher à cette obligation, en cas d’inexécution, si ce n’est l’interdiction d’exercice des fonctions ? » (61). Dans son rapport, le groupe de travail faisait état de la pratique du tribunal de commerce de Paris qui avait mis en place une formation pour tous les nouveaux juges, dès le lendemain de leur élection, et qui l’avait assortie d’un examen conduisant, en cas de réussite, à la délivrance d’un certificat d’aptitude aux fonctions de juge-rapporteur, le juge qui refusait de passer cet examen ou qui échouait se voyant affecter à une formation collégiale sans avoir à traiter de dossier en propre. Mais le groupe de travail soulignait que « cette pratique mériterait une clarification législative ou réglementaire », car « en l’état actuel des textes, sa légalité est douteuse : nul juge élu ne peut, aujourd’hui, se voir interdire l’exercice plein et entier des fonctions juridictionnelles, en contradiction avec le principe d’égalité entre tous ceux qui ont été élus selon les mêmes conditions d’éligibilité légales, pour refus de suivre une formation et/ou de passer un examen d’aptitude que ni la Constitution, ni aucune loi ne prévoit ni n’organise » (62).

À défaut de modification législative, le groupe de travail sur la formation des juges consulaires estimait qu’à tout le moins, il était envisageable d’exiger une formation préalable pour l’accès à certaines fonctions qui ne sont pas accordées de plein droit à tous les juges élus, comme la fonction de juge-commissaire.

Mais le groupe de travail suggérait aussi de modifier la loi pour prévoir une installation des juges nouvellement élus qui serait distincte de l’élection et différée jusqu’à ce que soient acquises les connaissances nécessaires à l’exercice des fonctions de juge consulaire, niveau de connaissances qui serait sanctionné par un certificat d’aptitude. Et le groupe de travail d’ajouter : « cela supposerait, outre une modification législative dont il faudra s’assurer de la constitutionnalité, qu’en pratique la formation de tous les juges nouvellement élus puisse avoir lieu au cours du dernier trimestre de l’année civile, ce qui posera la question de l’organisation matérielle de celle-ci » (63).

Vos rapporteurs invitent à explorer cette piste pour que soit inscrite dans la loi l’obligation des juges consulaires de suivre une formation initiale et continue.

Proposition n° 11 : rendre la formation initiale et continue obligatoire pour les juges consulaires.

• Une formation gratuite

Dès lors que cette formation initiale et continue serait rendue obligatoire, elle devrait, aux yeux de vos rapporteurs, être gratuite. Comme le note le Conseil national des tribunaux de commerce, dans son rapport pour l’année 2010, « il serait légitime que les juges qui sont encore actifs puissent avoir le remboursement des frais occasionnés par les formations continues qu’ils sont amenés à suivre (peut-être dans la limite d’un nombre objectif de formations continues par an) ».

Il convient donc d’assurer le dédommagement des juges consulaires qui exposent des frais (de transport, d’hébergement, etc) pour suivre des formations. D’après M. Yves Lelièvre, président du tribunal de commerce de Nanterre, cette indemnisation serait de nature à favoriser fortement l’assiduité des juges consulaires aux séances de formation.

Sous réserve d’une étude d’impact permettant une évaluation plus précise, les coûts résultant de l’indemnisation du suivi de la formation initiale et continue pourraient être supportés par les chambres de commerce et d’industrie ainsi que par les chambres des métiers et de l’artisanat, si le corps électoral des juges consulaires devait être ouvert aux artisans. C’est d’ailleurs en ce sens qu’allait un projet envisagé jadis à l’ENM (64). Les coûts de cette formation seraient d’autant moins élevés qu’elle pourrait, par exemple, être assurée en partie par des magistrats honoraires et par des universitaires émérites, rémunérés à la vacation.

Vos rapporteurs suggèrent d’étudier une éventuelle prise en charge partielle des coûts de cette formation initiale et continue par les greffiers des tribunaux de commerce, à raison d’un très faible pourcentage des tarifs de leurs actes. En effet, les greffiers tireront inévitablement un bénéfice de cette formation.

• Une formation décentralisée

Gratuite, cette formation gagnerait aussi à être diversifiée et décentralisée. Dans la contribution écrite qu’il a fournie à la mission, le Syndicat de la magistrature suggère que la formation des juges consulaires soit organisée « de manière déconcentrée, en concertation avec les présidents des chambres commerciales des cours d’appel ».

Vos rapporteurs encouragent les actions de formation réalisées au niveau des cours d’appel. Lors de son déplacement à Montbéliard, le 1er mars dernier, la mission a pris connaissance, avec satisfaction, de la pratique mise en place par la cour d’appel et le tribunal de commerce de Besançon. Chaque année, les juges consulaires exerçant leurs fonctions dans le ressort de cette cour d’appel effectuent un stage auprès de la chambre commerciale de ladite cour et, dans ce cadre, siègent aux côtés des juges professionnels. Ils assistent tant aux débats qu’aux délibérés dans des affaires dont on leur demande d’avoir pris connaissance au préalable, grâce aux dossiers qui leur sont transmis quelques semaines avant le stage.

Au-delà de ce cas précis, vos rapporteurs tiennent à souligner le rôle majeur que doivent jouer les premiers présidents des cours d’appel dans la définition des politiques de formation des juges consulaires, en lien avec l’ENM et la Conférence générale des juges consulaires de France. Le programme de la formation initiale et continue qu’auront à suivre les juges consulaires devrait être ensuite arrêté par le ministère de la Justice, sur proposition de l’ENM et en concertation avec les premiers présidents des cours d’appel. C’est d’ailleurs à ces derniers que devrait être confié, en lien avec les présidents des tribunaux de commerce, le soin d’évaluer et de contrôler le suivi de cette formation.

• Une formation évaluée et contrôlée

Comme l’a expliqué devant la mission M. Marco Scuccimara, sous-directeur des formations professionnelles spécialisés à l’ENM, l’enjeu est de contrôler l’assiduité des juges consulaires aux formations initiales et continues.

Afin d’assurer ce contrôle, la Conférence générale des juges consulaires de France a mis au point un livret de formation qui, à terme, devrait permettre d’organiser une évaluation de la formation suivie.

Le contrôle du suivi de la formation initiale et continue des juges consulaires devraient être effectués, au niveau national et à un rythme annuel, par les premiers présidents des cours d’appel.

Vos rapporteurs sont favorables à ce qu’une fois devenu obligatoire, le suivi de la formation initiale et continue fasse l’objet d’une évaluation (au moyen d’un questionnaire d’évaluation ou d’une certification).

À cet égard, il serait possible de s’inspirer des pratiques adoptées, en interne, par le tribunal de commerce de Paris qui a mis en place des examens d’aptitude aux fonctions de juge-rapporteur depuis une dizaine d’années et, depuis 2012, un certificat d’aptitude aux fonctions de juge-commissaire (65).

Si le tribunal de commerce de Paris a choisi de sanctionner le suivi des formations par un examen d’aptitude et par l’impossibilité pour les juges consulaires défaillants à l’examen de traiter des dossiers en propre, M. Philippe Béziaud, président honoraire du tribunal de commerce de Pontoise, a, de son côté, suggéré de sanctionner le défaut de suivi des formations par une interdiction pour les juges consulaires fautifs de se porter candidat à une nouvelle élection (66).

Si l’on devait retenir l’idée qui a été avancée en 2003 par le groupe de travail sur la formation des juges consulaires et qui consiste d’une part à dissocier l’élection des juges consulaires de leur installation, et, d’autre part, à subordonner leur installation à l’exécution de leur obligation de formation, alors la sanction logique du défaut de suivi de la formation initiale serait la non-installation du juge consulaire élu.

Si, une fois son obligation de formation initiale acquittée, un juge consulaire venait à ne pas respecter son obligation de formation continue, alors il serait concevable que ce manquement soit sanctionné par une suspension provisoire : dans l’attente des suites disciplinaires que pourrait donner la Commission nationale de discipline prévue par l’article L. 724-2 du code de commerce, le juge consulaire fautif ne pourrait plus siéger au sein du tribunal de commerce.

Il est vrai que, tout en déplorant que ce soient « toujours les mêmes » qui assistent aux sessions de formation, le Conseil national des tribunaux de commerce indiquait, dans son rapport pour l’année 2010, que « le mandat des juges consulaires étant électif, il n’y a[vait] pas de texte qui [pût] conditionner leur éligibilité à un nouveau mandat sur des critères de suivi de sessions de formation ».

C’est précisément ce texte que vos rapporteurs appellent à adopter.

Proposition n° 12 : indemniser, évaluer et sanctionner le suivi de la formation initiale et continue imposé aux juges consulaires.

M. Samuel Vuelta-Simon, directeur-adjoint de l’ENM, a indiqué à la mission que le dispositif de formation des juges consulaires, tel qu’il a été mis en œuvre depuis 2010, avait permis de développer une synergie entre magistrats professionnels et juges consulaires : en effet, si, au stade de leur formation initiale, les juges consulaires ne sont pas mêlés aux magistrats professionnels, ils le sont dans le cadre de leur formation continue, qui est commune à celle des magistrats professionnels (67).

Du point de vue de vos rapporteurs, cette synergie pourrait être encore plus forte si les magistrats professionnels bénéficiaient d’une formation plus approfondie sur les questions économiques et financières.

2. Mieux spécialiser les magistrats professionnels sur les questions économiques et financières

En décembre 2012, un rapport intitulé Les juges et l’économie : une défiance française soutient que les magistrats se méfieraient nettement plus des entreprises que la moyenne de nos concitoyens, et qu’ils seraient nettement plus défiants à l’égard de l’économie de marché que les autres employés du secteur public (68).

L’enquête révèle que la formation des magistrats joue un rôle déterminant dans leur approche des enjeux économiques et que la réalisation d’un stage en entreprise façonne en grande partie l’opinion que les juges se forgent du monde des affaires. Les magistrats ayant accompli un stage en entreprise sont 2,6 fois plus prompts que les autres à laisser davantage de libertés aux entreprises. Ceux qui ont suivi une formation initiale en économie le sont 2,5 fois plus. Et ceux qui ont à la fois bénéficié d’une formation économique (ou comptable) et d’une expérience professionnelle en entreprise le sont 4 fois plus (69).

Les auteurs du rapport expliquent la « défiance » des juges à l’égard de l’économie par les lacunes de leur formation initiale et continue : « il n’existe aucune formation à l’économie, même minimale, alors que certains de ces juges sont amenés dans leur carrière à se prononcer sur la situation économique, financière et sociale des entreprises » (70).

Mme Marie-Jeanne Ody, secrétaire nationale de l’Union syndicale des magistrats, a admis devant la mission qu’aujourd’hui la plupart des magistrats ne découvrent la matière commerciale que lorsqu’ils sont affectés dans une cour d’appel (71).

La formation initiale dispensée par l’ENM est quasi-exclusivement juridique et qu’un seul des pôles d’enseignement de cette école aborde le sujet de la vie de l’entreprise. Ce pôle d’enseignement comprend, pour la promotion 2012 du concours de l’ENM :

–  une « sensibilisation au contexte socio-économique » ;

–  une initiation à la comptabilité et à l’analyse financière ;

– une découverte de l’entreprise et en particulier de son environnement (mondialisation), de son financement, de ses fonctions essentielles, et de ses collaborateurs (management, dialogue social, risques psycho-sociaux) (72).

Comme l’a justement rappelé M. Samuel Vuelta-Simon, directeur-adjoint de l’ENM, des efforts sont entrepris pour faire une plus grande place aux questions économiques et financières dans la formation initiale et continue des magistrats professionnels.

Ainsi, le pôle de formation sur la vie économique a développé une pédagogie alternant des conférences de chefs d’entreprise, de représentants d’écoles de commerce, de syndicats de salariés et d’employeurs, de petites et grandes entreprises, des ateliers et tables rondes et des visites d’entreprises. D’après M. Samuel Vuelta-Simon, plus de 300 magistrats se sont inscrits pour effectuer un stage en entreprise au cours de l’année 2013 (73). L’ENM compte en effet expérimenter des stages croisés dans le cadre desquels les chefs d’entreprise viendront passer trois jours dans les tribunaux tandis que les magistrats iront passer trois jours dans les entreprises.

Ces initiatives ne sont pas suffisantes aux yeux du Syndicat de la magistrature, qui, dans la contribution écrite qu’il a fournie à la mission, appelle de ses vœux un élargissement de l’offre de formation continue de l’ENM et un développement des formations conjointes associant magistrats professionnels et juges consulaires.

Si l’ENM semble avoir désormais l’ambition de former un « magistrat de l’entreprise », à même d’appréhender les enjeux à la fois sociaux et commerciaux auxquels les acteurs économiques font face, vos rapporteurs pensent qu’il faut aller plus loin encore dans la spécialisation des magistrats professionnels et qu’il faut créer des filières au sein de la magistrature pour favoriser cette spécialisation.

Vos rapporteurs n’ignorent pas les nécessités d’aménagement du statut de la magistrature qui découlent de la création de filières. Ces dernières sont inspirées par une logique qui remet en cause à la fois la polyvalence qu’on exige aujourd’hui des magistrats et la latitude dont jouissent les présidents de juridiction pour composer les formations de jugement au gré des vacances de poste (74).

Toutefois la spécialisation des magistrats, du siège comme du parquet, est l’une des conditions de l’amélioration du service public de la justice, particulièrement en matière commerciale.

Si, comme l’a expliqué devant la mission M. Jean-Claude Magendie, premier président honoraire de la cour d’appel de Paris, l’institution de la magistrature n’a pas la culture des filières et de la spécialisation, le développement de cette culture est néanmoins, de l’aveu même de M. Jean-Claude Magendie, la condition d’une justice de qualité (75).

M. Pascal Montfort, secrétaire national du Syndicat de la magistrature, a ajouté que, si l’on veut qu’en matière commerciale, le parquet puisse porter la voix de l’ordre public économique, il faut que les magistrats du parquet disposent de connaissances en matière de macro-économie mais aussi en matière de micro-économie – connaissances que les rencontres avec des acteurs économiques proposées par l’ENM dans le cadre de la formation initiale ne sont pas à même d’apporter (76).

Proposition n° 13 : aménager le statut de la magistrature pour permettre la création de filières de magistrats spécialisés dans les domaines économique et financier.

Dans ce cadre, il conviendrait de favoriser l’accès des juges consulaires au statut de magistrat professionnel, notamment par le biais du recrutement « au tour extérieur », c’est-à-dire sur dossier et hors concours. Rappelons que, pour une intégration directe dans le corps judiciaire, la recevabilité de la candidature est soumise, par les articles 22 et 23 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, aux conditions suivantes :

–  avoir 35 ans au moins ;

–  être titulaire d’un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à 4 années d'études après le baccalauréat ;

–  justifier de 7 années au moins d'exercice professionnel (pour le 2nd grade) ou de 17 années au moins d'exercice professionnel (pour le 1er grade).

Aux yeux de vos rapporteurs, le fait d’avoir exercé les fonctions de juge consulaire pendant un nombre minimal d’années, qui reste à définir, devrait être pris en compte parmi les critères de recevabilité des candidatures au recrutement hors concours des magistrats professionnels. Il conviendrait donc de modifier en conséquence l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Proposition n° 14 : favoriser l’accès des juges consulaires au statut de magistrat professionnel par le biais du recrutement hors concours.

3. Adapter la formation initiale des mandataires de justice afin de favoriser l’ouverture de la profession

Les administrateurs et mandataires judiciaires sont souvent des professionnels compétents, connus et reconnus – compétence que le caractère réglementé de leur profession contribue à garantir.

Les administrateurs judiciaires sont « les mandataires, personnes physiques ou morales, chargés par décision de justice d'administrer les biens d'autrui ou d'exercer des fonctions d'assistance ou de surveillance dans la gestion de ces biens » (77). En d’autres termes, la principale mission des administrateurs judiciaires consiste à sauver des entreprises et des emplois : comme l’explique l’Association syndicale professionnelle des administrateurs judiciaires (ASPAJ) dans la contribution écrite qu’elle a fournie à la mission, « l’administrateur judiciaire se trouve à un carrefour d’intérêts contradictoires qu’il lui appartient de faire converger vers le meilleur dénominateur commun pour assurer la survie de l’entreprise, dans l’intérêt général ». Afin de mener à bien cette mission, l’administrateur judiciaire jouit d’une indépendance tant à l’égard des dirigeants qu’il est chargé par le juge d’assister, qu’à l’égard des autres parties à la procédure (salariés, actionnaires, créanciers, notamment bancaires, clients, fournisseurs, etc).

Les mandataires judiciaires sont « les mandataires, personnes physiques ou morales, chargés par décision de justice de représenter les créanciers et de procéder à la liquidation d'une entreprise » (78). Autrement dit, les mandataires judiciaires sont essentiellement chargés de gérer les conséquences de la disparition d’une entreprise : représentants des créanciers en procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire, ils ont la lourde tâche, en procédure de liquidation judiciaire, de réaliser au mieux les actifs de l’entreprise et d’en répartir le produit entre les créanciers.

a) Des professions en sous-effectif malgré l’absence de numerus clausus

M. Jacques Muller, commissaire au redressement productif, a déploré l’insuffisance du nombre d’administrateurs et de mandataires judiciaires (79). Me Régis Valliot, président de l’ASPAJ, a indiqué que, face à la pénurie, il fallait parfois faire appel à des administrateurs judiciaires installés dans le ressort d’une cour d’appel autre que celle dans le ressort de laquelle était ouverte la procédure collective (80). Corroborant ces constats, l’Union syndicale des magistrats, dans la contribution écrite qu’elle a fournie à la mission, souligne que les mandataires de justice sont en nombre insuffisant, qui plus est en période de crise, « de sorte que les juges ont peu de latitude dans leur choix » ; et de conclure que « cette profession devrait être davantage ouverte pour permettre aux magistrats d’exercer un véritable choix en fonction de la nature des affaires et des compétences de chacun de ces professionnels ».

D’après les chiffres fournis à la mission par le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ), la France comptait, en 2012, 121 administrateurs judiciaires et 317 mandataires judiciaires, ayant une compétence nationale et représentant environ 4 000 emplois (81).

Lors de la table ronde qui, le 5 février 2013, a réuni des représentants des mandataires de justice, l’Association syndicale professionnelle des administrateurs judiciaires (ASPAJ) a insisté sur le fait que le faible nombre de professionnels (438 au total en 2012) ne résultait pas d’un numerus clausus.

b) Une formation exigeante au risque d’être décourageante

Toute personne ayant bénéficié d’une formation en droit, en sciences économiques, en gestion, en comptabilité ou en finance (82) peut se présenter (au maximum trois fois) à un examen donnant accès à un stage professionnel d’une durée de 3 ans au moins et de 6 ans au plus. Ce stage est obligatoirement rémunéré et accompli auprès d'un maître de stage exerçant la profession (83). À son issue est organisé un examen d’aptitude, qui ne peut être présenté que deux fois.

L’examen d’accès au stage est ouvert à tous. Une fois admis à cet examen, les stagiaires n’ont ni titre ni statut. À cet égard, l’ASPAJ a émis le souhait que les stagiaires prêtent serment et bénéficient, dès le début de leur stage, du titre d’administrateur judiciaire.

Les articles L. 811-5 et R. 811-26 du code de commerce dispensent de stage professionnel et d’une partie des épreuves de l’examen d’aptitude, à l'exception de celle portant sur le statut et la déontologie de la profession d'administrateur judiciaire :

–  les avocats, les notaires, les huissiers de justice, les greffiers des tribunaux de commerce, ayant exercé leur profession pendant cinq ans au moins ;

–  les juristes d'entreprise, titulaires d’un diplôme équivalent à bac + 4 en droit, en économie, en gestion ou en comptabilité, et justifiant de quinze ans au moins de pratique professionnelle ;

–  les experts-comptables et les commissaires aux comptes ayant exercé leur profession pendant cinq ans au moins.

Pour les mandataires judiciaires, les articles L. 812-3 et R. 812-14 du code de commerce organisent un système d’équivalence comparable, au bénéfice des avocats, des notaires, des commissaires-priseurs judiciaires, des huissiers de justice, des greffiers des tribunaux de commerce, des experts-comptables et des commissaires aux comptes.

S’il est vrai qu’il n’existe pas de numerus clausus ni de système de « charges » comparable à celles des notaires, l’accès à la profession est néanmoins subordonné, pour les administrateurs judiciaires comme pour les mandataires judiciaires, à l’inscription sur une liste établie par la Commission nationale d’inscription et de discipline prévue par les articles L. 811-2 et L. 812-2 du code de commerce (84), et le Conseil national des administrateurs et des mandataires judiciaires (CNAJMJ) est appelé à donner son avis sur toute nouvelle inscription.

Me Marc Sénéchal, président du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ), a cependant démenti toute tentative d’approche malthusienne de la part de la profession, dont les représentants sont minoritaires dans les jurys des examens d’accès au stage professionnel et d’aptitude à la profession, et même totalement absents des commissions d’inscriptions (85).

Dans la contribution écrite qu’il a fournie à la mission, Me Philippe Delaere, président de l’Association des mandataires de justice (AMJ), explique que le système de « passerelles » entre les professions d’avocat ou d’expert-comptable et celles d’administrateur ou de mandataire judiciaire fonctionne difficilement, et que « les demandes de dispenses de stage et d’examen […] sont rares » parce que « la profession de mandataire se situe dans deux domaines : le droit et le chiffre et [qu’elle] exige à ce titre des connaissances très poussées dans ces deux domaines ». Cette « spécificité dissuasive » peut expliquer la faible diversification des profils.

Selon M. Roger Agniel, président de chambre au tribunal de commerce de Paris, membre de la Commission nationale d’inscription et de discipline des administrateurs judiciaires, le faible nombre de mandataires de justice tient avant tout au faible nombre de personnes intéressées par l’exercice de cette profession (86).

c) Des pistes à explorer pour ouvrir et promouvoir ces professions

Tout en comprenant les enjeux qui président à la concentration des administrateurs et des mandataires judiciaires au sein de structures puissantes, à même de mutualiser les moyens et de développer les expertises (87), vos rapporteurs souhaitent que soit promue l’ouverture des professions.

À cette fin, il serait souhaitable de revoir le contenu de l’examen d’accès au stage professionnel, qui, régi par deux arrêtés du 31 août 2004, comporte des épreuves écrites en droit et comptabilité et une épreuve orale de discussion avec le jury (88).

Il serait également souhaitable de revoir le contenu de l’examen professionnel d’aptitude aux fonctions d’administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire, présenté à l’issue du stage professionnel et qui est défini par deux arrêtés du 22 mars 2006 (89).

Les professions d’administrateur et de mandataire judiciaires devraient être davantage promues dans les établissements d’enseignement supérieur. Les initiatives tendant à faire connaître la profession des étudiants en droit, en sciences économiques, en gestion et en comptabilité doivent être encouragées.

Vos rapporteurs ont notamment vu leur attention attirée par Me Marc Sénéchal sur un diplôme dédié qui, créé en 2007 à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, attire chaque année une vingtaine d’étudiants et qui a inspiré la création de masters professionnels dans des universités de Nice, Montpellier et Toulouse (90). La formation diplômante proposée par l’Université de Paris I comprend un semestre d’enseignement théorique (avec 450 heures de cours) et un semestre de pratique sous la forme d’un stage professionnel dans des études d’administrateurs ou de mandataires judiciaires.

C. MIEUX IMPLIQUER LES DIFFÉRENTS ACTEURS DE LA JUSTICE COMMERCIALE DANS DES DISPOSITIFS RÉNOVÉS DE DÉTECTION ET D’ANTICIPATION DES DIFFICULTÉS DES ENTREPRISES

Vos rapporteurs insistent sur l’enjeu crucial qu’il y a à préserver la confidentialité au stade de la prévention des difficultés des entreprises. À plusieurs reprises, la mission a vu son attention attirée sur le fait qu’en France, le fonds de roulement des entreprises repose, en moyenne, à hauteur de 30 % sur le crédit bancaire et à hauteur de 70 % sur le « crédit fournisseur » (91). Or, pour que les fournisseurs continuent à faire crédit aux entreprises malgré des signes de vulnérabilité et pour que des difficultés, auxquelles il peut encore être remédié, ne s’aggravent pas à la faveur d’une rupture du « crédit fournisseur » (92), il convient de garantir le plus possible la confidentialité des mesures de prévention.

Ces mesures seront d’autant plus efficaces que les experts-comptables seront associés à leur mise en œuvre et que les commissaires au redressement productif auront un rôle mieux identifié au sein de dispositifs qu’il conviendrait par ailleurs de rationaliser.

1. Garantir une meilleure confidentialité au niveau de la phase de prévention des difficultés des entreprises

Vos rapporteurs tiennent à ce que le recours aux dispositifs de prévention ne soit plus perçu comme un acte annonçant la mort prochaine de l’entreprise, mais plutôt comme un acte de gestion presque « courante ». À cette fin, tout doit être mis en œuvre pour faire en sorte que l’utilisation de ces dispositifs se fasse dans la plus grande discrétion.

a) Mettre en place, au niveau national, un accès anonymisé aux dispositifs de prévention par un numéro vert

Vos rapporteurs sont convaincus, comme Me Georges Teboul, membre du Conseil national des Barreaux et président de l’Association « Droit et commerce », de ce que la confidentialité qui est censée entourer les mesures de prévention est très difficile à garantir dans les « petits » tribunaux de commerce (93). N’étant pas assurés que leurs difficultés, souvent passagères et remédiables, resteront confinées dans l’enceinte du tribunal de commerce, certains chefs d’entreprises peuvent éprouver des réticences à faire appel aux tribunaux.

Me Georges Teboul a mis en exergue l’intérêt qu’il y aurait à mieux séparer, ne serait-ce que d’un point de vue symbolique et matériel, les dispositifs de prévention de la sphère des tribunaux de commerce qui, dans l’esprit des chefs d’entreprise, sont souvent associés aux procédures judiciaires.

C’est la raison pour laquelle le choix a été fait à Lyon non seulement de mettre en œuvre le droit d’alerte du président du tribunal de commerce (94) dans des locaux distincts de ceux du tribunal, mais aussi de mettre à la disposition des chefs d’entreprise un numéro vert leur permettant de s’entretenir par téléphone, de façon totalement anonyme et confidentielle, avec des experts de la prévention, comme d’anciens juges consulaires (95). Ce dispositif de numéro vert est le fruit de la collaboration de la chambre de commerce et d’industrie de Lyon, de la chambre des métiers et de l’artisanat du Rhône, de l’Ordre des experts-comptables, du Barreau local, de la chambre des notaires et du tribunal de commerce (96).

Vos rapporteurs encouragent vivement ce dispositif dont ils souhaitent qu’il soit rapidement étendu à l’ensemble du territoire, tant il est susceptible de vaincre les réticences qu’éprouvent souvent les chefs d’entreprise à faire appel au tribunal en amont des difficultés.

Proposition n° 15 : étendre, au niveau national, un dispositif de numéro vert permettant aux chefs d’entreprise de s’entretenir téléphoniquement, dans l’anonymat et le secret les plus complets, avec des experts de la prévention.

b) Créer des sanctions civiles voire pénales pour la violation de la confidentialité du mandat ad hoc et de la procédure de conciliation

Lorsqu'une société commerciale, un groupement d'intérêt économique, ou une entreprise individuelle, commerciale ou artisanale connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de son exploitation, ses dirigeants peuvent demander au président du tribunal de commerce de désigner un mandataire ad hoc, qui peut être choisi sur leur proposition et qui n’est pas nécessairement un mandataire de justice (97). Le président du tribunal de commerce détermine la mission de ce mandataire, à qui il revient en général de favoriser une solution amiable aux difficultés de l’entreprise – et ce dans la plus grande confidentialité (98).

L’article L. 611-15 du code de commerce prévoit en effet que « toute personne qui est appelée […] à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance, est tenue à la confidentialité ».

Ce même texte étend l’obligation de confidentialité à toute personne qui est appelée à une procédure de conciliation ou qui, par ses fonctions, en a connaissance.

Cette procédure de conciliation bénéficie notamment aux « débiteurs exerçant une activité commerciale ou artisanale qui éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours » (99).

Missionné pour favoriser la conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d'un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l'entreprise, voire, le cas échéant, pour présenter toute proposition se rapportant à la sauvegarde de celle-ci, à la poursuite de l'activité économique et au maintien de l'emploi (100), le conciliateur agit dans la plus stricte confidentialité.

Si l’issue de la procédure de conciliation n’est pas confidentielle, lorsque l’entreprise débitrice demande au tribunal de commerce d’homologuer l’accord passé avec ses créanciers et cocontractants (101), elle peut tout aussi bien l’être, si l’entreprise débitrice préfère que cet accord soit simplement « constaté » par le président du tribunal de commerce (102).

Le législateur a donc prévu des garanties permettant de favoriser un règlement amiable des difficultés des entreprises dans la discrétion que requièrent la pérennisation, voire le rebond, de leur activité.

Toutefois, l’obligation de confidentialité prévue par l’article L. 611-15 du code de commerce n’est assortie d’aucune sanction, ce qui n’incite pas les acteurs qui connaissent d’un mandat ad hoc ou d’une procédure de conciliation à préserver le secret qu’exigent ces dispositifs de prévention.

Aussi est-ce la raison pour laquelle vos rapporteurs préconisent d’adopter des textes de nature législative et réglementaire pour faire en sorte que les manquements aux obligations de confidentialité imposées dans le cadre d’un mandat ad hoc ou d’une procédure de conciliation fassent l’objet de sanctions civiles voire pénales.

Proposition n° 16 : sanctionner civilement, voire pénalement, la violation de l’obligation de confidentialité prévue par l’article L. 611-15 du code de commerce pour le mandat ad hoc et la procédure de conciliation.

La sanction civile, voire pénale, ne sera toutefois efficace que si l’on prévient par ailleurs l’usage indu qui peut être fait d’autres dispositifs législatifs et réglementaires, parmi lesquels celui qui oblige bien des entreprises à déposer au greffe du tribunal de commerce leurs comptes annuels.

c) Aménager les modalités de publicité des comptes annuels dans le respect du cadre juridique européen

Les sociétés à responsabilité limitée (SARL) (103), les sociétés par actions (SA) (104) et les sociétés en nom collectif (SNC), lorsque tous les associés indéfiniment responsables sont des SARL ou des SA (105), sont tenues de déposer au greffe du tribunal de commerce, pour être annexés au registre du commerce et des sociétés, les comptes annuels et, le cas échéant, les comptes consolidés, le rapport sur la gestion du groupe, les rapports des commissaires aux comptes sur les comptes annuels et les comptes consolidés, éventuellement complétés de leurs observations sur les modifications apportées par l'assemblée, et ce dans un délai d’un ou deux mois à compter de l'approbation des comptes annuels. Le défaut de dépôt de ces documents au greffe du tribunal de commerce est passible de sanctions pénales, et, plus précisément, de l’amende de 1 500 euros au plus, prévue pour les contraventions de la 5e classe, et pouvant être portée à 3 000 euros en cas de récidive (106).

En revanche, en application de l’article 9 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives, le rapport de gestion (107) n’a pas à être déposé au greffe du tribunal de commerce : il suffit qu’il soit tenu à la disposition de toute personne qui en fait la demande, selon des conditions définies par décret en Conseil d'État.

Cette dispense de dépôt du rapport de gestion (108) a été récemment organisée par le législateur pour tirer parti, en droit interne, de la marge de liberté que laisse l’article 47 § 1 de la directive 78/660/CEE du 25 juillet 1978 relative aux comptes annuels de certaines formes de sociétés.

S’il est vrai que le premier alinéa de cet article 47 § 1 prévoit que « les comptes annuels régulièrement approuvés et le rapport de gestion ainsi que le rapport établi par la personne chargée du contrôle des comptes font l'objet d'une publicité effectuée selon les modes prévus par la législation de chaque État membre », l’alinéa second du même article ajoute que « la législation d'un État membre peut permettre que le rapport de gestion ne fasse pas l'objet de la publicité visée ci-dessus », que « dans ce cas, le rapport de gestion est tenu à la disposition du public au siège de la société dans l'État membre concerné » et qu’« une copie intégrale ou partielle de ce rapport doit pouvoir être obtenue sans frais et sur simple demande ».

Avant l’adoption de la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives, beaucoup d’entreprises françaises étaient contraintes de déposer au greffe du tribunal de commerce un document (le rapport de gestion) pouvant contenir des informations susceptibles de profiter à leurs concurrents, alors même qu’aucune règle européenne ne l’imposait.

Sans supprimer le rapport de gestion, la loi du 22 mars 2012 précitée a permis d’éviter la libre consultation, au greffe du tribunal de commerce, d’informations précieuses pour le développement et le positionnement des entreprises françaises, tout en ménageant à la fois un droit de communication au bénéfice de l’administration fiscale (109) ainsi que la possibilité, pour toute personne intéressée, de consulter le rapport de gestion au siège social de l’entreprise.

Vos rapporteurs estiment qu’il serait souhaitable qu’un dispositif semblable soit mis en œuvre pour les comptes annuels, dans le respect des règles européennes, et notamment de l’article 3 de la directive 68/151/CEE du 9 mars 1968, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers.

Il est vrai que les modalités de publicité du bilan et du « compte de profits et pertes de chaque exercice » (110), qui correspond, en droit interne, aux comptes annuels, sont plus strictes que celles qui entourent le rapport de gestion.

La marge de liberté laissée aux États membres pour définir les conditions de publicité des comptes annuels est réduite par les dispositions de l’article 3 de la directive du 9 mars 1968 qui prévoient que « dans chaque État membre un dossier est ouvert auprès, soit d'un registre central, soit d'un registre du commerce ou registre des sociétés, pour chacune des sociétés qui y sont inscrites », que « tous les actes et toutes les indications qui sont soumis à publicité en vertu de l'article 2 [ce qui comprend le bilan et les comptes annuels] sont versés au dossier ou transcrits au registre », et que « copie intégrale ou partielle de tout acte ou de toute indication visés à l'article 2 doit pouvoir être obtenue par correspondance sans que le coût de cette copie puisse être supérieur au coût administratif ».

Néanmoins, dans le cadre du déploiement d’une armoire numérique sécurisée des entreprises (ou « coffre-fort électronique ») (111), il conviendrait de réfléchir à l’opportunité d’un dispositif qui, tout en maintenant l’obligation de dépôt des comptes annuels au greffe du tribunal de commerce et tout en ménageant la possibilité pour certains acteurs privilégiés (président du tribunal de commerce, parquet, administrations fiscales et sociales) de consulter l’intégralité du contenu de ces comptes, limiterait la publicité entourant le dépôt des comptes à la seule indication que ces derniers ont, ou non, été déposés auprès du greffe du tribunal de commerce, sans révélation du contenu des comptes, auquel toute personne intéressée pourrait cependant avoir accès, non plus au greffe du tribunal de commerce, mais au siège social de l’entreprise concernée.

En d’autres termes, les tiers pourraient obtenir du greffe du tribunal de commerce la seule information que les comptes annuels ont, ou non, été déposés, et, pour connaître le contenu des comptes déposés, ils auraient à s’adresser à l’entreprise concernée, qui serait tenue de faire droit à la demande de consultation. Néanmoins, certains tiers « privilégiés » devraient pouvoir continuer de bénéficier du droit de consulter l’intégralité du contenu des comptes annuels en s’adressant au greffe du tribunal de commerce.

Un tel dispositif, qui permettrait à certains tiers d’obtenir, auprès du greffe du tribunal de commerce, une copie intégrale des comptes annuels, et à d’autres tiers, de n’obtenir qu’une copie partielle, éventuellement limitée à la seule mention de la date d’exécution ou du défaut d’exécution de l’obligation de dépôts des comptes annuels, devrait être conçu de telle façon qu’il soit conforme aux prescriptions de l’article 3 de la directive 68/151/CEE et de l’article 47 § 1 de la directive 78/660/CEE.

Proposition n° 17 : aménager les règles de publicité gouvernant le dépôt des comptes annuels de façon à prévenir leur exploitation par les concurrents.

Si les modalités de consultation des comptes annuels déposés doivent être repensées, vos rapporteurs soulignent que l’obligation de dépôt des comptes annuels pour les entreprises qui y sont aujourd’hui astreintes ne doit pas autant être supprimée, car c’est l’inexécution de cette obligation, souvent annonciatrice des premières difficultés d’une entreprise, qui permet au greffier du tribunal de commerce de saisir le président du même tribunal afin que ce dernier engage, le cas échéant, des démarches de prévention (112).

2. Étendre et renforcer les obligations de signalement des difficultés des entreprises

a) Les procédures d’alerte actuelles et leurs améliorations possibles

Le moment optimal pour déclencher une procédure d’alerte est particulièrement malaisé à déterminer : si la procédure est déclenchée trop tôt, elle risque non pas de prévenir, mais de provoquer des difficultés en suscitant la méfiance des partenaires de l’entreprise (banques, fournisseurs, etc). À l’inverse, si elle est déclenchée trop tard, elle risque de ne pas permettre de remédier aux difficultés. Aussi est-ce la raison pour laquelle le législateur a choisi de retenir une définition générale et souple de la notion d’« élément déclencheur » de la procédure : il s’agit de faits ou de difficultés « de nature à compromettre la continuité de l’exploitation » de l’entreprise, ce que l’on a coutume d’appeler les « clignotants » (comme le défaut de paiement de cotisations fiscales ou sociales).

Si le critère de déclenchement de la procédure d’alerte est unique, les acteurs susceptibles de déclencher la procédure sont, eux, multiples.

• L’alerte à l’initiative du président du tribunal de commerce

L’article L. 232-24 du code de commerce oblige le greffier du tribunal à informer le président dudit tribunal de l’inexécution de l’obligation de dépôt des comptes annuels qu’il pourrait constater.

Toutefois, vos rapporteurs ont pu noter au cours des travaux de la mission que l’exécution par les greffiers de cette obligation était parfois aléatoire.

Néanmoins, nombreux sont les greffiers des tribunaux de commerce qui se conforment à cette obligation et déplorent même son insuffisance. Du point de vue de M. Philippe Bobet, vice-président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC) (113), les greffiers devraient être tenus d’obligations d’information renforcées et étendues :

–  à la fois ratione personae : le parquet et les centres d’information et de prévention des difficultés des entreprises devraient pouvoir bénéficier des informations aujourd’hui communiquées au seul président du tribunal de commerce ;

–  et ratione materiae : l’obligation d’information devrait aussi valoir en cas de multiplication des inscriptions de sûretés et de privilèges (notamment fiscaux) ou encore en cas de multiplication des injonctions de payer – éléments qu’en pratique, nombre de greffiers ont pris l’habitude de signaler au président du tribunal de commerce.

Qui plus est, les greffiers devraient être tenus, par la loi ou, plutôt, par le règlement, de rappeler leur obligation aux entreprises qui ne déposent pas leurs comptes dans les délais légaux. Si certains greffiers ont pris l’initiative de mettre en place des procédures de rappel, de façon totalement gratuite, il ne s’agit là que d’une pratique, dont le caractère louable et bénéfique commande qu’on en fasse une règle.

Ce renforcement des obligations de signalement pesant sur les greffiers des tribunaux de commerce présente un intérêt essentiel quand on sait que 65 % des entreprises qui comptent 0 à 5 salariés et qui ne déposent pas leurs comptes auprès du greffe pendant deux années consécutives font l’objet d’une procédure collective (114).

Proposition n° 18 : renforcer les obligations d’information sur les indices de difficultés des entreprises qui pèsent sur les greffiers des tribunaux de commerce et étendre le champ de leurs bénéficiaires.

Une fois saisi, le président du tribunal est autorisé par l’article L. 611-2, II, du code de commerce à adresser aux dirigeants de la société commerciale fautive une injonction de procéder au dépôt des comptes annuels, à bref délai et sous astreinte.

Si cette injonction n'est pas suivie d'effet dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la signification de l'ordonnance (115), le président du tribunal de commerce peut, « nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, obtenir communication, par les commissaires aux comptes, les membres et représentants du personnel, les administrations publiques, les organismes de sécurité et de prévoyance sociales ainsi que les services chargés de la centralisation des risques bancaires et des incidents de paiement, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière du débiteur » (116).

Le président du tribunal de commerce peut également faire usage de ce droit de communication à l’issue de l’entretien auquel il peut convoquer les dirigeants d’une société commerciale, d’un groupement d’intérêt économique, ou d’une entreprise individuelle, commerciale ou artisanale, lorsqu’il résulte de tout acte, document ou procédure que cette société, ce groupement ou cette entreprise connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l'exploitation (117).

Il peut aussi faire usage de ce droit de communication lorsque les dirigeants convoqués ne se rendent pas à l’entretien qui a pour but d’envisager les mesures propres à redresser la situation (118).

L’article R. 611-11 du code de commerce précise que l’entretien entre les dirigeants de l’entreprise et le président du tribunal de commerce « se tient hors la présence du greffier » et qu’il « donne lieu à l'établissement par le président du tribunal d'un procès-verbal qui ne mentionne que la date et le lieu de l'entretien ainsi que l'identité des personnes présentes » (119).

• L’alerte à l’initiative d’un groupement de prévention agréé

Les groupements de prévention agréés par le préfet de région sont des associations auxquelles peuvent adhérer « toute personne immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ainsi que tout entrepreneur individuel à responsabilité limitée et toute personne morale de droit privé » (120).

Chargé de fournir à ses adhérents, de façon confidentielle, une analyse des informations économiques, comptables et financières que ceux-ci s'engagent à lui transmettre régulièrement, le groupement a aussi pour mission de détecter d’éventuelles difficultés. Lorsqu’il relève des indices en ce sens, il en informe le chef d'entreprise et peut lui proposer l'intervention d'un expert.

• L’alerte à l’initiative des associés ou actionnaires

En application de l’article L. 223-36 du code de commerce, « tout associé non gérant [d’une société à responsabilité limitée] peut, deux fois par exercice, poser par écrit des questions au gérant sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation », et « la réponse du gérant est communiquée au commissaire aux comptes ».

De la même façon, dans les sociétés anonymes, « un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social ou une association [d’actionnaires] (121) peuvent, deux fois par exercice, poser par écrit des questions au président du conseil d'administration ou au directoire sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation », et « la réponse est communiquée au commissaire aux comptes ».

• L’alerte à l’initiative du comité d’entreprise

Le comité d’entreprise bénéficie d’un droit d’alerte économique. L’article L. 2323-78 du code du travail dispose en effet que « lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut demander à l'employeur de lui fournir des explications », en exigeant que la question soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du comité d'entreprise.

Dans l’hypothèse où l'employeur n’aurait pas apporté de réponse suffisante ou lorsque cette réponse confirmerait le caractère préoccupant de la situation, le comité établit un rapport qu’il transmet à l'employeur et au commissaire aux comptes. Ce rapport conclut en émettant un avis sur l'opportunité de saisir de ses conclusions l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance dans les sociétés ou personnes morales qui en sont dotées, ou d'en informer les associés dans les autres formes de sociétés ou les membres dans les groupements d'intérêt économique (122).

Pour pouvoir exercer pleinement son droit d’alerte économique, le comité d’entreprise peut se faire assister, une fois par exercice comptable, d’un expert-comptable ; il peut aussi convoquer le commissaire aux comptes et s'adjoindre avec voix consultative deux salariés de l'entreprise choisis pour leur compétence et en dehors du comité d'entreprise (123).

• L’alerte à l’initiative des commissaires aux comptes

Dans la mesure où le commissaire aux comptes a pour mission, pour certaines personnes morales, de contrôler la régularité et la sincérité des comptes sociaux et des informations délivrées par les dirigeants aux associés et actionnaires, il est particulièrement bien placé pour détecter des signes préoccupants et attirer sur eux l’attention des dirigeants.

C’est la raison pour laquelle le commissaire aux comptes a été investi par le législateur non pas d’un simple droit d’alerte, mais d’un véritable devoir d’alerte lorsqu’il « relève, à l'occasion de l'exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation » (124).

Dans les sociétés anonymes, la mise en œuvre du devoir d’alerte se traduit par une demande d’information auprès du président du conseil d'administration ou du directoire. Dans les sociétés commerciales autrement constituées, la demande d’information est formulée auprès du dirigeant. 

À défaut de réponse sous quinze jours, ou si celle-ci ne permet pas d'être assuré de la continuité de l'exploitation, le commissaire aux comptes invite, par un écrit dont copie est transmise au président du tribunal de commerce, selon le cas, soit le président du conseil d'administration ou le directoire, soit le dirigeant, à faire délibérer sur les faits relevés, selon le cas, soit le conseil d'administration ou le conseil de surveillance, soit une assemblée générale.

Dans les sociétés anonymes, le commissaire aux comptes est convoqué à la séance du conseil d’administration ou de surveillance. La délibération du conseil d'administration ou du conseil de surveillance est communiquée au président du tribunal de commerce et au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel.

Lorsque le conseil d'administration ou le conseil de surveillance n'a pas été réuni pour délibérer sur les faits relevés ou lorsque le commissaire aux comptes n'a pas été convoqué à cette séance ou si le commissaire aux comptes constate qu'en dépit des décisions prises, la continuité de l'exploitation demeure compromise, une assemblée générale est convoquée, en vue de laquelle le commissaire aux comptes établit un rapport spécial qui est présenté à cette assemblée et communiqué au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel.

Dans toutes les sociétés, qu’elles soient anonymes ou pas, si, à l'issue de la réunion de l'assemblée générale, le commissaire aux comptes constate que les décisions prises ne permettent pas d'assurer la continuité de l'exploitation, il informe de ses démarches le président du tribunal de commerce et lui en communique les résultats.

Toutefois, comme l’explique le professeur Françoise Pérochon, « dans la réalité, l’alerte “officielle”, mal ressentie par les dirigeants, est rare » (125). Mme Christine Thin, présidente du Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C), a confirmé ce constat, évoquant la grande prudence des commissaires aux comptes dans la mise en œuvre des procédures d’alerte dont le nombre, pour l’année 2012, est évalué à 2 200 (126).

Qui plus est, quand elle est déclenchée par le commissaire aux comptes, l’alerte est souvent trop tardive, dans la mesure où ce professionnel du chiffre n’intervient qu’au stade du contrôle et de la certification des comptes, et non au stade de leur élaboration. Encore faut-il en outre que cette alerte puisse exister : en effet, les entreprises qui sont situées en-dessous des seuils rendant la désignation d’un commissaire aux comptes obligatoire échappent, pour la plupart, à ce dispositif de prévention… alors que, dans le même temps, l’immense majorité d’entre elles ont recours à un expert-comptable.

b) Mettre un devoir d’alerte à la charge des experts-comptables

Les experts-comptables s’investissent de plus en plus dans les dispositifs favorisant la prévention des difficultés des entreprises.

Vos rapporteurs encouragent les initiatives telles que l’« assurance santé-entreprise » (127), mise en œuvre par le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables (CSOEC) en partenariat avec le Conseil national des Barreaux (CNB), le Centre d’information sur la prévention des difficultés des entreprises, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) et la Compagnie des conseils et experts financiers (CCEF) (128).

Afin de favoriser le recours aux dispositifs de prévention des difficultés des entreprises, cette assurance permet la prise en charge, par un assureur, des honoraires des experts-comptables et des avocats de l’entreprise en difficulté (129), mais aussi ceux des mandataires ad hoc ou des conciliateurs (130).

Par exemple, pour les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 1 million d’euros, l’« assurance santé-entreprise » couvre les honoraires des experts intervenant dans le cadre des dispositifs de prévention dans la limite de 50 000 euros, moyennant le paiement d’une prime d’assurance dont le montant annuel s’élève à 530 euros. Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 5 millions d’euros, le montant de garantie des honoraires s’élève à 50 000 euros et celui de la prime d’assurance à 845 euros par an, et pour les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 20 millions d’euros, ces montants sont respectivement de 30 000 euros et 1 190 euros.

L’« assurance santé-entreprise » est déclenchée :

–  soit en cas de mise en œuvre d’une alerte légale à l’initiative du commissaire aux comptes, des actionnaires ou associés, du comité d’entreprise ou du président du tribunal de commerce ;

– soit en cas d’actionnement du Centre d’information sur la prévention des difficultés des entreprises (CIP) par l’entreprise ;

– soit en cas de saisine de la Commission des chefs des services financiers (CCSF) par l’entreprise ;

– soit en cas d’ouverture d’une procédure de mandat ad hoc, de conciliation ou de sauvergarde.

Ce dispositif d’« assurance santé-entreprise », qui permet l’accès à la prévention, mérite d’être promu.

Toutefois, cette implication pourrait être encore plus poussée si un devoir d’alerte similaire à celui qui pèse sur les commissaires aux comptes était mis à la charge des experts-comptables.

L’idée n’est pas nouvelle : elle avait été suggérée dans le cadre des débats relatifs à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises (131). À l’époque, le député Xavier de Roux, rapporteur du texte de loi, expliquait que « dans la perspective d'une préservation des entreprises et de leurs emplois, l’expert-comptable pourrait […] être appelé à jouer un rôle plus actif vis-à-vis du président du tribunal dans l’exercice de sa mission de détection des difficultés, par la définition d’une forme de devoir d’alerte analogue à celui qui s’impose aux commissaires aux comptes. Une telle orientation serait d’autant plus justifiée que l’expert-comptable, pour les plus petites entreprises, est le premier informé des difficultés prévisibles que traduisent les comptes et les états prévisionnels de financement que son client lui demande souvent d’élaborer » (132). Tirant les conséquences de ses observations, M. Xavier de Roux avait déposé un amendement qui proposait de compléter le texte de l’article L. 611-2 du code de commerce par deux phrases prévoyant que l’expert-comptable d’une personne morale dont les comptes ne sont pas certifiés par un commissaire aux comptes devait informer les dirigeants de cette personne morale des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation et transmettre copie de cette information au président du tribunal compétent. De son point de vue, si l’expert-comptable devait être investi d’un devoir d’alerte analogue à celui du commissaire aux comptes, le formalisme de cette alerte devait être plus simple et plus souple que celui prévu pour l’alerte du commissaire aux comptes, afin de tenir compte de la nature juridique et de la taille des entreprises auprès desquelles intervient l’expert-comptable. La proposition de notre ancien collègue Xavier de Roux ne s’est malheureusement pas retrouvée dans le texte adopté.

Lors de la table ronde qui a réuni des spécialistes de la justice consulaire, le 12 février dernier, M. Xavier de Roux a de nouveau appelé le législateur à confier une mission d’alerte aux experts-comptables. Comme ce dernier, vos rapporteurs sont convaincus que les experts-comptables, qui sont les conseils de proximité des dirigeants des petites et moyennes entreprises, sont souvent les premiers à constater les difficultés, lorsqu’elles se traduisent dans les comptes de l’entreprise.

Vos rapporteurs sont donc favorables à ce que soit mis à la charge des experts-comptables un devoir d’alerte similaire à celui qui pèse sur les commissaires aux comptes.

Ainsi, lorsqu’il relèverait, à l'occasion de l'exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation de l’entreprise, l’expert-comptable serait tenu d’en informer le président du conseil d'administration ou du directoire (s’il s’agit d’une société anonyme) ou le dirigeant (s’il s’agit d’une société commerciale constituée sous une autre forme).

À défaut de réponse sous quinze jours ou si cette réponse ne permettait pas d'être assuré de la continuité de l'exploitation, l’expert-comptable inviterait, par un écrit dont copie serait transmise au président du tribunal de commerce, le président du conseil d'administration ou le directoire ou le dirigeant (selon la forme sociale de l’entreprise), à faire délibérer sur les faits relevés soit le conseil d'administration ou le conseil de surveillance, soit une assemblée générale (selon le cas).

Dans toutes les sociétés, qu’elles soient anonymes ou pas, si, à l'issue de la réunion de l'assemblée générale, l’expert-comptable constatait que les décisions prises ne permettaient pas d'assurer la continuité de l'exploitation, il informerait de ses démarches le président du tribunal de commerce et lui en communiquerait les résultats.

En contrepartie de ces nouvelles obligations, les experts-comptables pourraient se voir reconnaître un privilège au titre de leurs créances d’honoraires impayées.

c) Reconnaître aux experts-comptables un privilège au titre de leurs créances d’honoraires

Bien souvent, les experts-comptables cessent d’apporter leur soutien à l’entreprise en difficulté parce que leurs créances d’honoraires ne sont pas payées. Or ce départ est fort préjudiciable pour l’entreprise car il intervient au moment où elle a le plus besoin de ce professionnel du chiffre.

Au titre de leurs créances d’honoraires restées impayées et antérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective, les experts-comptables devraient pouvoir bénéficier d’un privilège d’un rang équivalent à celui des frais de justice ou immédiatement inférieur à ce dernier.

En effet, les personnes qui, comme les avocats, les administrateurs ou les mandataires judiciaires, les experts, les huissiers ou encore les commissaires-priseurs, concourent à la procédure collective en aidant au recouvrement des créances ou à la poursuite de l’activité du débiteur, bénéficient d’un privilège général portant sur l’ensemble des meubles et des immeubles dudit débiteur (133). Ce privilège garantit le paiement de tous les frais engagés utilement pour la conservation, la liquidation ou la réalisation du patrimoine du débiteur.

Dans la hiérarchie des privilèges portant sur l’actif du débiteur, celui des frais de justice talonne le super-privilège des salariés au titre de leurs rémunérations de toute nature des soixante derniers jours de travail antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective.

Comme M. Philippe Genin, avocat au Barreau de Lyon, ancien bâtonnier, vos rapporteurs pensent que l’octroi d’un privilège aux experts-comptables, pour la garantie du paiement de leurs créances d’honoraires impayées, est de nature à éviter que ces professionnels délaissent leur client au plus mauvais moment (134).

Vos rapporteurs estiment qu’il serait dans l’intérêt des débiteurs en procédure collective :

– soit de reconnaître aux experts-comptables, pour la garantie de leurs créances d’honoraires antérieures (voire aussi postérieures) au jugement d’ouverture, un privilège de rang équivalent ou immédiatement inférieur à celui du privilège des frais de justice ;

– soit d’étendre le bénéfice du privilège des frais de justice aux experts-comptables.

Proposition n° 19 : mettre, à la charge des experts-comptables, un devoir d’alerte similaire à celui qui pèse sur les commissaires aux comptes.

Reconnaître aux experts-comptables un privilège au titre de leurs créances d’honoraires antérieures (voire aussi postérieures) au jugement d’ouverture de la procédure collective.

3. Rationaliser les dispositifs de prévention des difficultés des entreprises

Le souci d’anticiper les difficultés des entreprises le plus en amont possible a présidé aux dernières réformes des procédures collectives (135), conduisant à une prolifération de dispositifs dont il n’est pas toujours aisé de déceler la cohérence.

a) Mieux coordonner les différents dispositifs de prévention des difficultés des entreprises

Les entreprises où sont détectés des signes de fragilité peuvent recourir à au moins quatre types de dispositifs de prévention dont vos rapporteurs souhaitent qu’ils agissent de façon coordonnée et cohérente.

•  Le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI)

Compétent pour les entreprises de plus de 400 salariés, le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) a pour mission d'aider les entreprises en difficultés à élaborer et mettre en œuvre des solutions permettant d'assurer leur pérennité et leur développement.

Le dispositif du CIRI

Le CIRI coordonne l'ensemble des acteurs privés, industriels ou financiers, des administrations et des opérateurs publics qui peuvent participer à une solution d'ensemble.

Toutes les entreprises ou leurs conseils peuvent saisir le secrétariat général du CIRI, qui est assuré par la direction générale du Trésor, chargée de mettre en œuvre les décisions du CIRI ou du ministère de l'Économie et des Finances. Après une première instruction, le Secrétariat général du CIRI propose, ou non, d'engager l'entreprise dans un processus de négociations.

Menées sous l'égide du CIRI, celles-ci ont pour finalité la conception d’une solution économique équitable et pérenne reposant sur des efforts répartis de façon équilibrée entre toutes les parties prenantes (entreprise, actionnaires historiques ou nouveaux, créanciers…). Le CIRI mène une action de médiation entre l'ensemble des acteurs publics et privés concernés par la situation de l'entreprise.

Sur la base des propositions de son secrétariat général, le CIRI prend collégialement ses décisions lors des réunions de son comité plénier, qui rassemble les treize administrations compétentes pour les entreprises. Ce regroupement de compétences économiques, industrielles, financières, sociales et juridiques permet une concertation sectorielle utile à la prise de décisions des acteurs publics et au suivi des plans de restructuration.

•  Le comité départemental d’examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI)

Les entreprises de moins de 400 salariés peuvent faire appel à des comités départementaux d’examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI), équivalents locaux du CIRI, placés sous la présidence du préfet et sous la vice-présidence du directeur départemental des finances publiques (ex-trésorier-payeur général).

Présentation des CODEFI

Se posant en interlocuteurs uniques, ces CODEFI aident à prévenir et à traiter les difficultés des entreprises éligibles, quels que soient leur secteur d'activité et leur situation juridique, dans la confidentialité la plus totale.

Le secrétariat permanent des CODEFI, assuré par la direction régionale ou départementale des finances publiques, accueille les entreprises de manière confidentielle, afin d'établir un diagnostic permettant d’identifier la nature et l’ampleur des difficultés rencontrées.

À partir de ce diagnostic, le secrétariat permanent du CODEFI peut jouer un rôle de médiateur, en appui éventuel aux mandataires de justice désignés par le tribunal de commerce dans le cadre d’un mandat ad hoc, pour dégager une solution de redressement collective rassemblant les actionnaires, les banques et les principaux clients.

Le CODEFI peut recommander la mobilisation de différents outils publics d’intervention, si le diagnostic établi conclut à des perspectives concrètes de redressement.

Le CODEFI peut faire réaliser un audit à caractère économique, financier ou industriel d’une entreprise et le financer, sous réserve que l’entreprise ne soit pas en état de cessation des paiements (136).

Les audits poursuivent principalement l'un des objectifs suivants :

– valider certains éléments de la situation de l’entreprise (situation financière et commerciale, savoir-faire industriel, capacité à dégager des marges, pertinence de l’outil industriel) ou les hypothèses de redressement économique et financier ;

– établir une situation de trésorerie et un compte prévisionnel.

Le CODEFI peut également mettre en place un prêt dans le cadre du Fonds de développement économique et social (FDES), prêt qui doit uniquement servir à financer l’avenir de l'entreprise, dans le cadre d’un plan de restructuration d'une entreprise qui n’est pas en état de cessation des paiements, ou dans le cadre d’un plan de reprise par voie de cession après dépôt de bilan. Le recours à un tel prêt reste toutefois exceptionnel.

Aux CODEFI s’ajoutent les commissions des chefs des services financiers et des représentants des organismes de recouvrement de sécurité sociale et de l’assurance chômage (CCSF), présidées par les directeurs départementaux des finances publiques.

Ces CCSF peuvent, sous certaines conditions, accorder des plans de règlement de dettes publiques (fiscales et sociales) aux entreprises en difficulté qui ne sont pas en état de cessation des paiements.

•  Les centres d’information et de prévention (CIP)

Les CIP sont des associations composées de professionnels bénévoles soucieux d’aider les chefs d’entreprise et de leur faire prendre conscience de ce que l’anticipation des difficultés est le meilleur moyen de sauver les entreprises.

Composition des CIP

Un CIP national regroupe :

– la profession comptable libérale, représentée par le Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables (CSOEC) et la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) ;

– d’anciens juges des tribunaux de commerce ;

– la profession des avocats représentée par le Conseil national des Barreaux (CNB) ;

– les chambres de commerce et d'industrie représentées par l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI) ;

– les organismes de gestion représentés par l'Inter-fédération des organismes de gestion agrées (OGA).

Au niveau local, les CIP associent :

– le Conseil régional de l’ordre des experts-comptables ;

– la Compagnie régionale des commissaires aux comptes ;

– des associations locales de juges et anciens juges consulaires ;

– des chambres de commerce et d’industrie ;

Les CIP ont également vocation à regrouper :

– des chambres de métiers et d’agriculture ;

– des centres de gestion agréés (CGA) et des associations de gestion agréée (AGA) ;

– des syndicats professionnels tels la CGPME, le MEDEF, ou l’UPA ;

– des représentants des administrations fiscales et sociales : URSSAF, Trésor public, etc. ;

– des représentants des collectivités territoriales : communes, conseils généraux, conseils régionaux, etc. 

Il existe aujourd’hui une quarantaine de CIP territoriaux qui proposent notamment des entretiens gratuits et confidentiels. Les entretiens ont lieu sur rendez-vous, souvent en dehors des locaux du tribunal de commerce et fréquemment à l’initiative de l’expert-comptable de l’entreprise. Le nom du dirigeant et de l’entreprise restent confidentiels et ne sont jamais enregistrés.

Les chefs d’entreprises sont reçus individuellement, ou avec leur conseil s'ils le souhaitent, par des professionnels de la prévention :

– un ancien juge consulaire ;

– un expert-comptable ou commissaire aux comptes ;

– un avocat.

Un représentant de la chambre de commerce et d’industrie locale peut participer aux entretiens pour apporter un éclairage, si c’est utile.

La présence d’un juge consulaire honoraire est censée « dédramatiser » le recours au tribunal de commerce auprès du chef d’entreprise.

Aucun conseil n’est délivré, l’entretien consiste à écouter le chef d’entreprise, puis à dialoguer avec lui afin de mieux cerner les difficultés et leur origine. Les seules informations débattues sont celles apportées par le dirigeant. Dès lors, les intervenants n’ont qu’une vision partielle de l’entreprise et des causes de ses difficultés : ils ne sauraient se substituer aux conseils habituels de celle-ci.

L’objectif est d'informer sur les solutions pratiques existantes pour que le chef d’entreprise prenne les décisions qu’il pourra mettre en œuvre avec son expert-comptable ou son conseil.

•  Les observatoires des difficultés des entreprises mis en place par certains tribunaux de commerce

Outre la faculté de désigner des juges délégués à la prévention, les présidents des tribunaux de commerce ont la possibilité de constituer des observatoires des difficultés des entreprises.

Lors de son déplacement à Montbéliard, le 1er mars dernier, la mission a pu connaître un exemple de ces observatoires. En effet, M. Jacques Dardy, président du tribunal de commerce de Besançon, a décrit l’observatoire mis en place au sein de la juridiction consulaire qu’il préside, dans un souci de meilleure réactivité face aux signes précurseurs de difficultés.

Présentation de l’Observatoire des difficultés des entreprises
du tribunal de commerce de Besançon

Créé en 2008 sur le fondement de l’article L. 611-2 du code de commerce, qui confère au président du tribunal de commerce un droit d’alerte, l’observatoire des difficultés des entreprises du tribunal de commerce de Besançon réunit, dans la plus grande confidentialité :

– le président du tribunal de commerce, qui peut avoir connaissance de difficultés par l’intermédiaire du greffier ;

– le greffier du tribunal de commerce, qui tient le secrétariat de l’observatoire et qui en est légitimement membre puisqu’il a connaissance, grâce à des systèmes d’information et des fichiers synthétiques, des condamnations en référé et au fond, des inscriptions de privilèges des organismes fiscaux et sociaux, de l’état des endettements et du défaut de dépôt des comptes ;

– le procureur de la République, qui peut avoir connaissance de difficultés lorsqu’il est saisi de plaintes pour chèques sans provision ou de réclamations salariales, par exemple ;

– le directeur départemental des finances publiques (ex-trésorier-payeur général), qui peut détecter des difficultés en constatant notamment des impayés d’impôts forfaitaires ;

– le directeur de la succursale locale de la Banque de France, qui est bien placé pour avoir connaissance de difficultés puisqu’il est informé sur les crédits accordés aux entreprises, sur les effets de commerce rejetés et sur les chèques impayés par les entreprises ;

– le directeur de l’URSSAF, qui est souvent le premier à subir des retards dans le paiement des cotisations dues ;

– le receveur divisionnaire des impôts, qui est informé d’un défaut de paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Pour l’heure, le commissaire au redressement productif local n’est pas convié aux réunions de l’observatoire.

Chaque membre de l’observatoire est tenu d’adresser au greffe du tribunal de commerce, au moins quinze jours avant la date de la réunion de l’observatoire, la liste des entreprises dont il souhaite voir la situation examinée. Le greffe adresse à chaque membre de l’observatoire une liste consolidée des entreprises dont la situation va être évoquée, de façon à permettre à tous les participants à la réunion de récolter un maximum d’informations sur tout ou partie d’entre elles.

Lors de la réunion de l’observatoire, chacun des dossiers est examiné, puis :

– classé, si les incidents détectés apparaissent dépourvus d’incidence sur la continuation de l’activité de l’entreprise ;

– soumis à un suivi et à un nouvel examen lors d’une réunion ultérieure de l’observatoire ;

– utilisé pour mettre en œuvre le dispositif d’alerte que le président du tribunal de commerce a la faculté de déclencher.

D’après M. Jacques Dardy, cet observatoire est plus spécialement conçu pour prévenir les difficultés des petites et moyennes entreprises (PME), à la différence des CIP territoriaux, plutôt tournés vers les très petites entreprises (TPE), et du CIRI, exclusivement dédié aux grandes entreprises.

La multiplication des dispositifs de prévention des difficultés des entreprises n’a pas pour autant conduit à rapprocher tous les acteurs susceptibles de rendre ces dispositifs efficaces. Par exemple, vos rapporteurs ont noté que les « assureurs crédit » (137) n’étaient pas toujours associés aux démarches de prévention, alors même que les principaux d’entre eux sont, en France, peu nombreux (138) et bien identifiés. Il n’y aurait donc guère de difficultés à associer des partenaires essentiels des entreprises aux dispositifs locaux de prévention des difficultés, et notamment aux CIP.

La rationalisation des dispositifs de prévention des difficultés des entreprises exige aussi une précision du cadre juridique du positionnement et de l’intervention des commissaires au redressement productif.

b) Préciser le cadre juridique du positionnement et de l’intervention des commissaires au redressement productif

Depuis le mois de juillet 2012, chacune des vingt-deux régions de France est dotée d’un commissaire au redressement productif chargé de jouer le rôle d’interlocuteur privilégié pour les entreprises fragiles et vulnérables et de rendre compte de leur action auprès du préfet de région et du ministre du Redressement productif. Les commissaires au redressement productif s’attachent à intervenir le plus en amont possible des difficultés, bien avant la saisine des tribunaux de commerce, en détectant notamment les entreprises qui perdent des marchés et en s’appuyant sur un réseau coordonné d’acteurs locaux pour favoriser au mieux leur redressement.

Toutefois, d’après M. Jacques Muller, commissaire au redressement productif, la tâche du commissaire consiste, dans 90 % des cas, à accompagner les difficultés des entreprises plutôt qu’à les anticiper et les prévenir (139).

Cette limite tient notamment aux difficultés que rencontrent les commissaires au redressement productif à se positionner par rapport aux différents acteurs.

Les commissaires jouent un rôle complémentaire à celui des administrateurs et mandataires judiciaires, à l’intersection des enjeux sociaux et financiers. Par exemple, pour l’élaboration des plans de cession, ils travaillent en partenariat avec les administrateurs et mandataires judiciaires pour la recherche d’éventuels repreneurs. Me Hélène Bourbouloux, secrétaire du conseil d’administration de la caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, a indiqué que les échanges entre mandataires de justice et commissaires au redressement productif étaient fructueux et fort utiles, dans la mesure où ces commissaires permettent aux mandataires d’avoir un interlocuteur unique lorsqu’il s’agit de s’adresser aux administrations (140).

Les commissaires au redressement productif collaborent également avec les agences de développement économique locales, avec les chambres de commerce et les chambres de métiers et de l’artisanat, ainsi qu’avec les collectivités territoriales (conseils régionaux et généraux, communautés urbaines, etc), avec lesquelles ils organisent des rencontres régulières pour faire le point sur des dossiers sensibles.

Les commissaires n’ont pas de rôle identifié par rapport aux juridictions commerciales (tribunaux de commerce ou chambres commerciales des tribunaux de grande instance, parquet). Aucun texte ne définit leur mission, ni les conditions de leur intervention dans le cadre des procédures collectives.

Qui plus est, la mission de détection des difficultés qui est confiée aux commissaires au redressement productif dans un cadre informel peut parfois doublonner les initiatives prises par les tribunaux de commerce dont certains se sont dotés de cellules de détection et de prévention, hélas souvent méconnues. Les commissaires au redressement productif semblent nouer des relations étroites (et confidentielles) avec les juridictions commerciales en procédure de mandat ad hoc et de conciliation : ils constituent alors le « point d’entrée » dont les magistrats ont besoin pour trouver, dans le système administratif, les informations utiles au redressement de l’entreprise. En revanche, leurs relations avec ces mêmes juridictions ont une proximité et une confidentialité moins marquées en procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires : lors des audiences, les commissaires au redressement productif ne sont pas sollicités pour exprimer leur point de vue.

M. Jean-Bertrand Drummen, président de la Conférence générale des juges consulaires de France, a assuré la mission de la volonté des juges consulaires de développer une relation constructive avec les commissaires au redressement productif (141). Selon lui, « ils peuvent certainement aider le président du tribunal [de commerce] à détecter les entreprises en difficulté » et « leur contribution permettra au président d’agir comme le lui permet l’article L. 611-2 du code de commerce » (142).

Certains commissaires au redressement productif souhaiteraient pouvoir saisir les juridictions commerciales aux fins d’ouverture d’une procédure de mandat ad hoc ou de conciliation.

De leur côté, les juges consulaires, par la voix de M. Jean-Bertrand Drummen, ont exprimé le vœu que la position des commissaires au redressement productif puisse être mieux connue à travers les réquisitions du ministère public (143). À cet effet, il conviendrait de demander aux commissaires au redressement productif de transmettre systématiquement leur avis au parquet.

Pour sa part, Mme Joëlle Simon, directrice des affaires juridiques du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), a proposé de reconnaître au commissaire au redressement productif la qualité d’« amicus curiae » (144).

Vos rapporteurs appellent en conséquence le ministre au Redressement productif, le cas échéant en collaboration avec la garde des Sceaux, ministre de la Justice, à clarifier les conditions d’intervention du commissaire au redressement productif.

Proposition n° 20 : clarifier le positionnement des commissaires au redressement productif en les dotant d’un statut précisant notamment leurs pouvoirs dans le cadre des procédures collectives.

SECONDE PARTIE : RÉNOVER L’ORGANISATION DES PROCÉDURES COMMERCIALES DANS UN SOUCI DE BONNE ADMINISTRATION DE LA JUSTICE

La réforme que la mission appelle de ses vœux ne constitue pas en soi une mise en cause de l’efficacité même des tribunaux de commerce. Nul en effet ne peut raisonnablement contester la rapidité avec laquelle, en moyenne, ces juridictions tranchent les litiges qui leur sont soumis, ni disconvenir de l’engagement et de la grande disponibilité dont les juges consulaires font montre dans l’exercice de leur mandat.

En revanche, il apparaît que l’organisation française de la justice en matière commerciale ne répond pas toujours aux standards du droit processuel, notamment aux exigences d’impartialité qui découlent de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Sur ce point, il ne s’agit pas de procéder à des généralisations hâtives à partir de dérives retentissantes mais finalement isolées. D’ailleurs, dans la décision n° 2012-241 QPC du 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel a jugé que « les dispositions relatives au mandat des juges des tribunaux de commerce instituent les garanties prohibant qu’un juge de tribunal de commerce participe à l’examen d’une affaire dans laquelle il a intérêt, même indirect » et que « l’ensemble de ces dispositions ne porte atteinte ni aux principes d’impartialité et d’indépendance des juridictions ni à la séparation des pouvoirs » (145).

Toutefois, la position du Conseil vis-à-vis des procédures ayant cours devant les tribunaux de commerce présente en réalité davantage de nuances. Dans la décision n° 2012-286 QPC du 7 décembre 2012 (146), le Conseil a ainsi jugé que les articles du code de commerce confiant aux juges consulaires « la faculté de se saisir d’office aux fins d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire méconnaiss[ai]ent les exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789 ». En l’espèce, la décision de censure tient au fait que « ni les dispositions contestées, ni aucune autre disposition ne fixent les garanties légales ayant pour objet d’assurer qu’en se saisissant d’office, le tribunal ne préjuge pas sa position lorsque, à l’issue de la procédure contradictoire, il sera appelé à statuer sur le fond du dossier au vu de l’ensemble des éléments versés au débat par les parties ».

C’est dire que les procédures mises en œuvre devant les tribunaux de commerce ne bénéficient d’aucune présomption de conformité à la Constitution. Dès lors, il appartient au législateur d’entourer ces procédures de toutes les garanties nécessaires au respect du principe d’impartialité, condition d’une justice sereine et incontestable.

C’est cet objectif que la mission poursuit lorsqu’elle met l’accent sur trois pistes de réforme : en premier lieu, favoriser une impartialité objective en prévenant une proximité inappropriée entre le juge et le justiciable ; en deuxième lieu, mettre les procédures relevant du contentieux général à l’abri du soupçon, en première instance comme en appel ; en dernier lieu, rendre le traitement des procédures collectives plus efficace en croisant les regards, en première instance comme en appel.

A. FAVORISER L’IMPARTIALITÉ OBJECTIVE EN PRÉVENANT UNE PROXIMITÉ HORS DE PROPOS ENTRE LE JUGE ET LE JUSTICIABLE 

La proximité entre les tribunaux de commerce et les milieux socioprofessionnels dont ils jugent les litiges concourt sans nul doute au pragmatisme des décisions rendues et à leur adéquation avec les nécessités économiques locales. Cependant, cette proximité peut parfois exposer ces juridictions à une critique redoutable pour leur légitimité : celle d’un conflit d’intérêts potentiel susceptible de porter préjudice à certains justiciables.

Il importe de garantir que dans leur fonctionnement, les tribunaux de commerce satisfont, en toute circonstance, aux exigences qui découlent de l’article 6 de la Convention européenne s’agissant de l’impartialité objective et subjective qui doit caractériser la justice. La notion d’impartialité subjective renvoie à la capacité du juge à conserver une indépendance d’esprit et une neutralité vis-à-vis des litiges qu’il doit examiner. L’impartialité objective se caractérise quant à elle par l’absence d’éléments, par exemple en cas d’intervention antérieure dans le dossier, pouvant laisser présumer dans ce type de situation qu’il y a un doute sérieux quant à l’impartialité du juge, même si, en réalité, le magistrat concerné agirait de manière correcte.

Afin de conjurer le risque de partialité, il apparaît souhaitable de prendre la mesure des disparités de la carte actuelle des tribunaux de commerce afin d’envisager l’établissement d’un maillage garantissant une distance appropriée entre le juge et le justiciable.

1. Prendre la mesure des disparités territoriales entre tribunaux de commerce

On touche ici au problème de la réforme de la carte judiciaire évoquée par un certain nombre de personnes entendues par la mission.

Engagée en 2008 (147), cette réforme s’est traduite par la suppression nette de cinquante tribunaux de commerce. Avec la création au 1er janvier 2013 du tribunal de Lille métropole, né de la fusion des tribunaux de Lille et de Roubaix-Tourcoing (148), le nombre des tribunaux de commerce s’élève à cent trente-quatre tribunaux.

Il s’avère néanmoins que l’œuvre de rationalisation opérée dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire n’atteint pas nécessairement tous ses objectifs. En effet, il subsiste à l’évidence des disparités relativement importantes entre les tribunaux de commerce du point de vue des prestations qu’ils accomplissent et de leurs capacités.

De fait, suivant le constat dressé par plusieurs personnes entendues par la mission, plusieurs types de juridictions peuvent être identifiés sur le territoire qui sont de taille et d’importance inégale (149).

Au premier rang, se placent les quatre grands tribunaux de commerce du pays, à savoir Paris, Nanterre, Lyon et Marseille. Ils correspondent à quatre grandes cours d’appel qui comprennent des chambres spécialisées et des magistrats disposant de compétences pointues.

Viennent ensuite des juridictions d’importance moyenne, établies dans le ressort de cours d’appel qui comprennent des chambres commerciales formées de juges moins spécialisés. Il arrive qu’en leur sein, ce soit un magistrat pénaliste qui accepte d’exercer la fonction de président d’une chambre commerciale.

Enfin, il y a des juridictions à l’échelle du département qui relèvent de cours d’appel moyennes voire petites et dépourvues de chambres commerciales. Dans ces cas, la matière commerciale ressortit à la compétence d’une des chambres civiles, ce qui peut soulever le problème de l’absence de compétences suffisamment spécialisées et diversifiées pour le traitement de certains contentieux très complexes. Se pose également la question d’une distance insuffisante avec des intérêts locaux pour rendre une justice de qualité.

2. Établir un maillage garantissant à la fois une distance appropriée entre le juge et le justiciable et une pratique gage de l’efficacité

D’après les éléments communiqués à la mission par Mme Christiane Taubira, Garde des Sceaux, ministre de la Justice (150), trente-cinq tribunaux de commerce traiteraient près de 8% du contentieux. Ce chiffre révèle à l’évidence une activité assez inégale entre les juridictions et conduit à s’interroger sur le caractère pertinent de leur maillage territorial.

Certes, la mission peut parfaitement convenir que la taille d’une juridiction ne permet pas nécessairement de présumer de la qualité des jugements rendus. Néanmoins, la capacité à trancher les contentieux et à concilier les intérêts parfois complexes requiert une pratique fréquente et l’acquisition d’un savoir-faire par la répétition que rend plus souvent aisé le travail dans une structure disposant d’une taille critique ou d’une implantation plus centrale.

Dans cette optique, la mission préconise d’envisager, sous réserve du maintien d’une juste proximité, un regroupement de certains tribunaux de commerce en fonction des bassins d’emplois et, éventuellement de leur activité contentieuse.

Cette amélioration de la carte judiciaire devrait favoriser la création de tribunaux mieux implantés, au fait des problématiques économiques et sociales locales sous-jacentes dans les litiges qu’il leur reviendrait de trancher. Elle permettrait de répondre aux besoins d’accessibilité de la justice commerciale, sans pour autant que cette proximité ne confine à un renfermement sur des milieux locaux, que l’on peut parfois déceler dans certaines situations.

Afin de mieux atteindre ces deux objectifs d’efficacité et de pratiques impartiales, la mission estime cependant que la remise sur le chantier d’une réforme de la carte judiciaire devrait donner lieu, au préalable, à la réalisation d’une étude d’impact et à une large concertation avec les usagers et les auxiliaires de la justice commerciale.

Proposition n° 21 : envisager une rénovation du maillage territorial des tribunaux de commerce avec les deux objectifs d’efficacité et de pratiques impartiales.

Réaliser à cet effet et au préalable une étude d’impact et une large concertation.

Garantir l’impartialité des tribunaux de commerce implique sans doute d’examiner, sans a priori, les modalités de leur implantation géographique sur le territoire national. Celle-ci conditionne non seulement leur impartialité et leur efficacité mais affecte également la bonne marche de la justice commerciale. En effet, la réforme de la carte des tribunaux de commerce ne saurait être appréhendée sans également prendre en considération l’organisation de deux acteurs majeurs de son fonctionnement : le ministère public et les auxiliaires de justice que constituent les administrateurs et les mandataires judiciaires.

Au-delà, garantir l’impartialité des tribunaux suppose, outre l’établissement d’une distance appropriée avec les justiciables, d’assurer l’effectivité des garanties procédurales sur lesquelles reposent notre droit et ce, afin de mettre les procédures relevant du contentieux général des tribunaux de commerce à l’abri de tout soupçon.

STATISTIQUES DES ACTIVITÉS 2011

Source : Statistiques 2011 – Conférence générale des juges consulaires de France

B. METTRE LES PROCÉDURES RELEVANT DU CONTENTIEUX GÉNÉRAL À L’ABRI DU SOUPÇON, EN PREMIÈRE INSTANCE COMME EN APPEL

À cette fin, il importe de donner à l’ensemble des différentes parties prenantes aux procédures contentieuses les moyens d’une présence ou d’une intervention nécessaire, parfois, à la préservation de la transparence et de l’équité du cours de la justice commerciale.

1. Assurer une présence systématique du parquet aux audiences commerciales et renforcer ses moyens

Il s’agit là d’un objectif qui suscite l’unanimité parmi toutes les personnes entendues par la mission.

Formé de magistrats professionnels, le ministère public représente pour beaucoup une incarnation de l’autorité judiciaire susceptible d’exercer une vigilance sur le respect du droit à un procès équitable et de veiller à la bonne application du droit processuel devant les tribunaux de commerce. La raison d’être du parquet est par définition d’assurer la défense des intérêts de la société en général, des règles de droit processuel et, lorsqu’il s’agit de justice commerciale, de protéger l’ordre public économique.

L’ordre public économique est constitué par l’ensemble des dispositions qui définissent le cadre des relations entre les acteurs économiques. Il est particulièrement important pour assurer un juste équilibre des relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants et entre fournisseurs et distributeurs. Cet équilibre est lui-même une condition de la capacité des entreprises à investir et à innover.

Ainsi, le ministère public joue en droit un rôle essentiel et primordial. En application de l’article 423 du code de procédure civile, « le ministère public, or les cas spécifiés par la loi, peut agir pour la défense de l'ordre public à l'occasion des faits qui portent atteinte à celui-ci ».

D’ailleurs, sur ce fondement, dans un arrêt rendu par sa chambre commerciale le 11 octobre 2011, la Cour de cassation a rappelé la légitimité de l’intervention du parquet même en l’absence de dispositions textuelles expresses (151). Dans trois autres arrêts en date du 11 décembre 2012 (152), la Cour a affirmé que lorsque l’avis du ministère public est requis par la loi, le tribunal ne peut prononcer la résolution d’un plan de redressement sans que le ministère public ait fait connaître son avis. Il ne suffit pas que la procédure lui ait été communiquée. Ce faisant, la Cour de cassation a donné plein effet aux dispositions des articles L. 626-27 I, alinéa 2, et L. 631-19 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises. Ce texte a considérablement accru le nombre des hypothèses dans lesquelles l’avis du ministère public est requis.

Il revient donc au ministère public de veiller à la régularité de la procédure devant les tribunaux de commerce. Dans cette optique, la mission ne peut que se féliciter de ce que le ministère de la Justice ait invité les parquets à remplir ce rôle aussi pleinement que possible, à porter la voix de l’État en tant que garants du respect de l’ordre public économique mais également à dans le traitement des procédures collectives (153).

Les auditions de la ministre de la Justice et de commissaires au redressement productif (154) ont également mis en lumière la nécessité de permettre une meilleure prise en compte de considérations touchant à la sauvegarde de l’emploi et des activités dans le cours de la justice commerciale. Aussi, la mission soutient-elle la démarche esquissée par le Gouvernement qui, depuis des instructions données dès la fin de l’année 2012, consiste à habiliter les procureurs de la République près des tribunaux de commerce ou des cours d’appel à faire une place dans leurs réquisitions aux positions défendues par les commissaires au redressement productif.

Mais si l’on veut confier au ministère public ces missions essentielles et croissantes, encore faut-il que celui-ci dispose des moyens nécessaires à leur accomplissement.

La première question soulevée par les travaux de la mission porte à l’évidence sur la disponibilité d’effectifs suffisants pour le contentieux commercial.

Sur ce point, la capacité des parquets à suivre de manière assidue les audiences et les procédures devant les tribunaux de commerce se révèle très diverse sur l’ensemble du territoire. D’après les éléments qui ont pu être recueillis au cours de son déplacement à Poitiers (155), il apparaît ainsi que dans le ressort de la cour d’appel, le ministère public semble très présent auprès des tribunaux de commerce et vouloir participer autant que possible à leurs audiences. Toutefois, il ressort également des témoignages et des analyses d’autres personnes entendues par la mission qu’une telle participation du ministère public ne constitue pas nécessairement la règle. Ces disparités s’expliquent notamment par l’insuffisance des moyens humains au regard des missions générales assumées par les parquets.

Mais outre cette tension avérée sur les effectifs et des problèmes de disponibilité, il convient également de mettre en exergue une seconde interrogation exprimée par l’ensemble des acteurs de la justice commerciale : celle de l’adéquation des compétences dont disposent les membres du parquet avec celles requises pour une intervention pertinente devant les tribunaux de commerce.

Il ressort en effet des différents éléments recueillis par la mission tout au long de ses travaux que les procureurs et substituts ne possèdent pas toujours une spécialisation suffisante en droit commercial. L’expérience tend ainsi à démontrer que deux à trois années se révèlent souvent nécessaires pour que ces magistrats acquièrent une maîtrise parfaite des procédures et le recul nécessaire à l’exercice de leurs fonctions.

Cette question renvoie à la problématique, déjà évoquée, de la formation initiale des magistrats dans le cadre des enseignements dispensés par l’École nationale de la magistrature (156) mais également à la création, dans le cadre du statut de la magistrature, de filières de spécialisation aux fonctions assumées par les parquetiers auprès des tribunaux de commerce.

Cette mesure doit permettre aux membres du ministère public d’acquérir les compétences nécessaires. Elle vise également à revaloriser le suivi des contentieux et procédures en matière commerciale. De fait, les missions traditionnellement dévolues au parquet ainsi que la culture qui imprègne la formation initiale de ses membres ne les disposent pas nécessairement à porter de l’intérêt pour les procédures mises en œuvre devant les tribunaux de commerce. Il faut y voir une prédilection assez naturelle compte tenu de leur formation pour la matière pénale mais également le besoin de fixer des priorités dans un contexte marqué par une hausse générale des contentieux.

S’agissant de l’inclination pour le droit pénal, la mission estime que l’attention nouvelle portée à la formation devrait contribuer, sur le long terme, à susciter une évolution des comportements et peut-être à donner un nouvel attrait à l’exercice de fonctions en rapport avec la matière commerciale. La question de la priorité accordée à tel ou tel contentieux ressort quant à elle de la volonté politique.

La mission n’ignore pas les contraintes budgétaires pesant sur le service public de la Justice. Pour autant, il lui semble indispensable d’assurer, la présence obligatoire du parquet aux audiences de ces juridictions.

Il ne s’agit là que de tirer les conséquences des nouvelles responsabilités que le législateur lui a confiées dans le fonctionnement de la justice commerciale.

Cela étant, cette recommandation ne doit pas nécessairement conduire à se focaliser uniquement sur une augmentation générale des effectifs du ministère public. La question se pose mais ne saurait être traitée sans que soit concomitamment procédé à l’examen d’une simplification de certaines procédures devant les tribunaux de commerce, lesquelles pourraient ne pas toujours rendre nécessaire une présence aussi exigeante et chronophage du parquet.

Proposition n° 22 : garantir la présence du parquet dans le cadre des audiences et des procédures des tribunaux de commerce.

2. Faciliter la procédure de dépaysement à la demande des parties

En application de l’article L. 721-1 du code de commerce, « les tribunaux de commerce sont soumis aux dispositions, communes à toutes les juridictions, du livre Ier du code de l'organisation judiciaire ». En conséquence, les parties devant ces juridictions peuvent recourir à des procédures destinées à se prémunir contre le risque d’un manque d’impartialité de la formation de jugement.

Il s’agit en premier lieu de la récusation possible d’un juge à la demande des parties. Aux termes de l’article L. 111-6 du code de l’organisation judiciaire, la récusation d’un juge peut être fondée sur plusieurs hypothèses dans lesquelles son impartialité peut être mises en cause du fait d’un conflit d’intérêt ou de ses rapports avec une partie à la procédure.

Les motifs de récusation en matière de procédure civile

En application de l’article L. 111-6 du code de procédure civile, un juge peut être récusé :

« 1° Si lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation ;

Si lui-même ou son conjoint est créancier, débiteur, héritier présomptif ou donataire de l'une des parties ;

Si lui-même ou son conjoint est parent ou allié de l'une des parties ou de son conjoint jusqu'au quatrième degré inclusivement ;

S'il y a eu ou s'il y a procès entre lui ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint ;

S'il a précédemment connu de l'affaire comme juge ou comme arbitre ou s'il a conseillé l'une des parties ;

Si le juge ou son conjoint est chargé d'administrer les biens de l'une des parties ;

S'il existe un lien de subordination entre le juge ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint ;

S'il y a amitié ou inimitié notoire entre le juge et l'une des parties. »

En outre, l’article L. 111-7 du même code prévoit la possibilité pour un juge de se faire remplacer s’il « suppose en sa personne une cause de récusation ou estime en conscience devoir s’abstenir ».

En deuxième lieu, l’article L. 111-8 du même code permet le renvoi d’un contentieux ou d’une procédure « à une autre juridiction de même nature et de même degré (…) pour cause de suspicion légitime, de sûreté publique ou s’il existe des causes de récusation contre plusieurs juges ».

Enfin, on notera que l’article L. 662-2 du code de commerce permet également le renvoi devant un autre tribunal de commerce (compétent dans le ressort de la cour d’appel), lorsqu’un dossier porte sur des mandats ad hoc, des conciliations ou des procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires. D’après l’article, la décision appartient à la cour d’appel compétente ou, le cas échéant, à la Cour de cassation qui peut décider de cette mesure « lorsque les intérêts en présence le justifient ».

En cela, ainsi que l’a établi le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée n° 2012-241 QPC du 4 mai 2012, le droit actuel comporte bien des garanties d’ordre procédural favorisant l’impartialité des tribunaux de commerce.

Néanmoins, il apparaît également que la mise en œuvre pratique de ces garanties demeure tributaire de l’appréciation d’un certain nombre d’acteurs de la procédure.

Ainsi, les articles R. 662- 7 et R. 662-8 du code de commerce organisent une procédure de renvoi qui comporte plusieurs étapes et qui repose sur les décisions du président du tribunal de commerce concerné, du premier président de la cour d’appel et, le cas échéant, du premier président de la Cour de cassation.

En l’occurrence, le premier rôle échoit au président du tribunal saisi qui peut décider un renvoi d’office et transmettre le dossier, par une ordonnance motivée, au premier président de la cour d’appel (dans le ressort de laquelle son tribunal se trouve) ou, éventuellement, au premier président de la Cour de cassation s’il estime que l’affaire relève d’une juridiction du ressort d’une autre cour d’appel.

En application de l’article R. 662-7 précité, la demande de renvoi peut également émaner du ministère public du tribunal saisi ou du tribunal que le parquet estime être compétent. Pour ce faire, le ministère public doit également adresser une requête motivée au premier président de la cour d’appel ou au premier président de la Cour de cassation.

Il appartient ensuite à ces deux magistrats de désigner, dans un délai de dix jours à compter de la réception du dossier, après avis du ministère public, la juridiction qui sera chargée de l’examiner. Le premier président de la cour d’appel peut ordonner la transmission du dossier au premier président de la Cour de cassation s’il estime que « les intérêts en présence justifient le renvoi de l’affaire devant une juridiction du ressort d’une autre cour d’appel ».

Or, du point de vue de votre rapporteure, l’appréciation du critère relatif aux « intérêts en présence » ne garantit pas aux parties d’obtenir le renvoi d’une affaire devant une autre juridiction. Du reste, la procédure prévue à l’article R. 662-7 ne prévoit formellement, en dehors du président du tribunal concerné, que l’intervention possible du ministère public dont on sait qu’en pratique, il ne dispose pas toujours des moyens d’assurer un suivi attentif de la masse des affaires traitées par certains tribunaux de commerce.

Aussi, votre rapporteure préconise-t-elle de reconnaître aux parties aux litiges relevant du contentieux général le droit d’obtenir, sur demande motivée, en début de procédure, le renvoi vers un autre tribunal de commerce.

Dans ce schéma procédural nouveau dont l’établissement appelle une modification de l’article R. 662-7 du code de commerce, les demandeurs ou défendeurs devant les juridictions commerciales adresseraient directement une demande motivée au premier président de la cour d’appel concernée. Celui-ci recueillerait l’avis du président du tribunal de commerce devant lequel le litige a d’abord été porté. Il reviendrait à celui-ci de désigner, dans un délai analogue à celui prévu par le droit actuel, avec l’avis du tribunal de commerce concerné, le tribunal du ressort de la cour auquel serait transmis le traitement de l’affaire en cause. S’il estimait que le dossier relève d’une juridiction se trouvant dans le ressort d’une autre cour d’appel, il saisirait, comme dans le dispositif actuel, le premier président de la Cour de cassation. Ces décisions ne seraient pas susceptibles de recours.

Ce faisant, votre rapporteure entend conforter les garanties procédurales dont peuvent bénéficier les parties prenantes d’une procédure devant les tribunaux de commerce en réduisant les délais nécessaires à leur mise en œuvre. De fait, la réforme qu’elle propose revient à étendre, en matière de contentieux général, le dispositif déjà prévu à l’article R. 662-8 du code de commerce et dont dispose un débiteur en cas de désignation d’un mandataire ad hoc dans le cadre de la prévention des difficultés des entreprises.

Par ailleurs, votre rapporteure veut également lever les obstacles psychologiques qui pourraient amener les parties, dans la crainte d’un refus susceptible de fragiliser leur position dans l’examen ultérieur de leur affaire, à renoncer à une demande de renvoi. Pour autant, il ne s’agit pas de revenir sur le principe essentiel en droit français suivant lequel le justiciable ne saurait prétendre avoir le droit de choisir son juge.

Votre rapporteure propose seulement un dispositif qui répond à un objectif que les représentants des juges consulaires affirment partager : garantir, le cas échéant, l’impartialité du jugement d’une affaire en favorisant, pour autant que cela soit nécessaire, la mise en œuvre des procédures de renvoi devant un autre tribunal de commerce (157).

Proposition n° 23 de votre rapporteure : reconnaître aux parties aux litiges relevant du contentieux général le droit d’obtenir, en début de procédure, par une demande motivée, le renvoi vers un autre tribunal de commerce.

Pour sa part, votre co-rapporteur doit constater qu’il existe sur ce point une divergence fondamentale d’analyse quant à l’efficacité des procédures existantes et à la portée de la mesure proposée par votre rapporteure.

De son point de vue en effet, la proposition tendant à reconnaître aux parties au litige relevant du contentieux général, la possibilité d’obtenir en début de procédure le renvoi de l’affaire vers un autre tribunal de commerce dans une recherche d’impartialité accomplie parait devoir se heurter, inévitablement, à un principe du droit français qui ne peut être remis en cause selon lequel : le justiciable ne saurait prétendre au choix de son juge.

Cette proposition reviendrait à mettre en place une forme de justice à la carte qui pourrait être perçue le plus souvent par le tribunal initialement saisi comme un désaveu sans fondement et surtout pourrait ouvrir le champs à une forme de manœuvre dilatoire trop systématique dans des dossiers ou la justice pour être efficace doit être également rapide.

Cette proposition parait d’autant moins justifiée que l’arsenal législatif au travers les articles L721-1 du code de commerce, L111-6 du code de l’organisation judiciaire, L1011-7 du même code, L111-8 ainsi que les articles L622-2, R662-7 et R662-8 du code de commerce permettent pour des motifs larges et différents, si notamment les intérêts en présence le justifient, de renvoyer l’affaire devant une autre juridiction. Dans cette optique, votre rapporteur estime qu’il suffit de mettre à profit cet arsenal législatif.

3. Ouvrir aux parties le droit de demander à être jugées par une formation mixte

Aux fins d’assurer les mêmes garanties d’impartialité mais également un partage des compétences entre les membres de la formation de jugement, la mission préconise d’ouvrir aux parties le droit de demander à soumettre leur litige, in limine litis, à une formation de jugement mixte, composée d’un magistrat du siège et de plusieurs juges consulaires en première instance.

La composition d’une telle formation de jugement peut évoquer à certains égards l’organisation des juridictions commerciales reposant sur le principe de l’échevinage. Par ce dernier terme, il faut entendre une formation de jugement composée, dans des proportions diverses, de magistrats professionnels, soumis au statut de la magistrature et nommés par le ministère de la Justice, et de juges consulaires élus.

Rappelons qu’à l’heure actuelle, l’échevinage en matière de justice commerciale ne prévaut que dans quelques parties du territoire national, à raison de circonstances historiques et du respect de particularismes locaux.

Ainsi, à l’occasion du retour à la France de l’Alsace et de la Moselle, les pouvoirs publics ont offert aux habitants de ces trois départements le choix de conserver les éléments du droit allemand en vigueur entre 1871 et 1918 qui leur paraissaient avantageux. C’est ainsi qu’une organisation échevinée des juridictions commerciales, mêlant juges professionnels et juges non-professionnels, a été préférée sur cette portion du territoire qui compte aujourd’hui sept tribunaux de grande instance dotés de chambres commerciales (Metz, Thionville, Sarreguemines, Saverne, Strasbourg, Mulhouse et Colmar). Ces chambres commerciales sont présidées par un juge professionnel qui est entouré de deux juges consulaires assesseurs.

L’échevinage se pratique également aujourd’hui dans les départements d’outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Les territoires ultramarins comptent ainsi neuf tribunaux mixtes de commerce établis à Basse-Terre, à Pointe-à-Pitre, à Fort-de-France, à Cayenne, à Mamoudzou, à Saint-Denis, à Saint-Pierre, à Nouméa et à Papeete.

D’autres juridictions que les juridictions commerciales fonctionnent suivant ce principe. Il s’agit des tribunaux des affaires de la sécurité sociale (TASS), des tribunaux paritaires des baux ruraux, du tribunal du contentieux de l’incapacité, de la cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail ou des tribunaux pour enfants.

Des juridictions françaises reposant sur le principe d’echevinage

• Le tribunal des paritaire des baux ruraux (art. L. 492-1 à L. 492-5 du code rural et de la pêche maritime) : le tribunal est présidé par le juge d’instance et comporte des assesseurs élus répartis en deux sections : bailleurs et preneurs à ferme ; bailleurs et preneurs de baux à métayage ;

• Le tribunal des affaires de sécurité sociale (art. L 142-4 à L. 142-7 du code de la sécurité sociale) : le tribunal est formé de trois membres : un président, magistrat du siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel le tribunal des affaires de sécurité sociale a son siège ou un magistrat honoraire (désigné pour trois ans par ordonnance du premier président de la cour d’appel) ; deux assesseurs, l’un représentant les travailleurs salariés, l’autre représentant les employeurs et travailleurs indépendants (désignés par ordonnance du premier président de la cour d’appel à partir d’une liste établie dans le ressort de chaque tribunal, dressée par l’autorité compétente de l’État, sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives) ;

• Le tribunal du contentieux de l’incapacité (art. L. 143-2 du code de la sécurité sociale) : le tribunal est formé de trois membres : un président, magistrat honoraire de l’ordre administratif ou judiciaire ; un assesseur représentant les travailleurs salariés et un assesseur représentant les employeurs ou travailleurs indépendants (désignés par le premier président de la cour d’appel pour une durée de trois ans, sur des listes dressées par l’autorité compétente de l’État, sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives intéressées.

Dans l’esprit de votre rapporteure, le recours à une formation de jugement mixte, à la demande des parties, s’inscrit dans une même logique que celle qui sous-tend ses propositions tendant à faciliter, lorsque cela se révèle nécessaire, le renvoi d’un dossier devant une autre juridiction. Il s’agit, par une procédure de caractère avant tout subsidiaire, de permettre aux tribunaux de commerce de s’affirmer pleinement, avec leur spécificité, dans le paysage de l’ordre judiciaire.

Sur ce plan, il convient de souligner que devant le tribunal de grande instance, l’article 804 du code de procédure civile permet aux parties, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l’avis relatif au renvoi de l’affaire devant une formation de jugement, de demander qu’une affaire attribuée à un juge unique soit soumise à une formation collégiale.

Votre rapporteure entend transposer ce dispositif en matière de justice commerciale. Elle propose de retenir un délai similaire, à compter de la désignation de la date de l’audience, pour que les parties présentent une demande tendant au jugement de leur affaire par une formation collégiale comprenant un magistrat du siège et des juges consulaires. Le magistrat du siège serait nommé par le premier président de la Cour d’appel. Il faut admettre que ce magistrat disposera de la formation attendue dans le domaine commercial.

Dans ce schéma, votre rapporteure considère que la présidence de la formation de jugement pourrait ne pas nécessairement revenir au magistrat.

Certes, il convient sans doute de s’assurer que la création de formations de jugement mixtes dans lesquelles le magistrat du siège n’exercerait pas les fonctions de président et se trouverait en minorité ne contrevient pas aux principes du bloc de constitutionnalité. Cependant, à la connaissance des membres de la mission, aucune certitude ne semble pouvoir se dégager des décisions que le Conseil constitutionnel a rendues au sujet de la composition et de la présidence des formations de jugement collégiales des tribunaux correctionnels(158).

Du reste, il convient de relever que notre droit comporte des dispositions aux termes desquelles une juridiction reposant sur le principe de l’échevinage peut ne pas être présidée par un magistrat du siège. Il s’agit par exemple des troisième et sixième alinéas de l’article L. 143-2 du code de la sécurité sociale relatif à la composition des tribunaux du contentieux de l’incapacité. Cet article prévoit ainsi en ces deux alinéas que si la présidence ne peut être assumée par un magistrat honoraire de l’ordre administratif ou judiciaire, la fonction peut être exercée par « une personnalité présentant des garanties d’indépendance et d’impartialité, et que sa compétence et son expérience dans les domaines juridiques qualifient pour l’exercice de ces fonctions ».  

Dans un souci de bonne administration de la justice, qui doit conduire à éviter un encombrement des prétoires et à assurer la régulation du traitement des contentieux, votre rapporteure estime également que le recours à une formation de jugement mixte ne serait rendu possible que pour des litiges d’une certaine importance et sur demande motivée des parties.

Les critères déterminant cette notion pourraient être la valeur potentielle du préjudice et de sa réparation ou la complexité particulière au plan technique du dossier à examiner.

Proposition n° 24 de votre rapporteure : à titre subsidiaire, reconnaître, en matière de contentieux général, le droit des parties d’obtenir, sur demande motivée, que le jugement de leur affaire soit confié à une formation mixte composée d’un magistrat du siège et de juges du tribunal de commerce saisi, à raison de la valeur de l’objet du litige ou de sa particulière complexité technique.

Prévoir la possibilité que la formation de jugement soit présidée indifféremment par un magistrat ou un juge consulaire.

S’il peut comprendre et partager dans l’absolu le souci de garantir, en toutes circonstances, le respect du principe d’impartialité, votre co-rapporteur estime pour sa part que la complexité technique des litiges examinés dans le cadre du contentieux général et la nécessaire présence d’un magistrat professionnel ne constituent pas, en soi, des arguments de nature à justifier le recours à une telle formation de jugement.

En matière de contentieux général, les affaires dont ont à connaître les tribunaux de commerce sont essentiellement des affaires portant sur des contrats commerciaux et des demandes en paiement de factures. Or, il est indéniable que ce contentieux est en général parfaitement maîtrisé par les tribunaux de commerce, L’expérience montre de fait que les décisions sont rapidement rendues et ne font l’objet que d’un très faible taux d’infirmation en appel.

Si d’aventure, la présence d’un magistrat professionnel peut ajouter à l’impartialité nécessaire et l’efficacité recherchée, là encore, la seule présence du parquet apparaît suffisante. Il parait en outre plus simple et plus rationnel d’opérer ainsi plutôt que d’aller vers une forme d’échevinage déguisé dont, de tout évidence, le manque de moyens et notamment de magistrats professionnels ne permettrait pas de nourrir de telles ambitions.

Enfin, la possibilité pour le justiciable de demander une modification de la composition du délibéré alourdira le processus, favorisera les manœuvres dilatoires et donnerait un avantage au justiciable qui pourrait en l’occurrence être considéré comme déloyal.

C’est pourquoi votre co-rapporteur considère que cette proposition ne présente aucune utilité et n’améliore en rien le cours de la justice commerciale.

C. RENDRE LE TRAITEMENT DES PROCÉDURES COLLECTIVES PLUS EFFICACE, EN PREMIÈRE INSTANCE COMME EN APPEL

Environ 60 000 procédures collectives sont ouvertes chaque année (159), tandis que, dans le même temps, environ 600 000 entreprises se créent (160) – le ratio entre le nombre d’entreprises créées et le nombre d’entreprises défaillantes étant donc de 10 %.

47 000 procédures collectives (soit environ les deux tiers) concernent des entreprises comptant un salarié ou aucun salarié. 23 000 d’entre elles (soit environ un tiers) concernent des entreprises de plus d’un salarié (161).

92 % des défaillances concernent des entreprises de moins de 9 salariés, parmi lesquelles 71 % affectent des entités employant aucun ou un seul salarié et réalisant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 500 000 euros. Seul 1 % des défaillances concerne des entreprises de plus de 50 salariés (162).

95 % des procédures collectives ouvertes sont des liquidations judiciaires, mais, dans la mesure où l’immense majorité d’entre elles concerne des entreprises ne comptant aucun (ou un seul salarié), c’est en réalité près de 58 % de l’emploi qui est maintenu à l’issue d’une procédure collective, qu’elle soit de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire (163). À titre d’exemple, M. Yves Lelièvre, président du tribunal de commerce de Nanterre, a indiqué qu’en 2012, sa juridiction a traité des procédures de liquidation judiciaire concernant des entreprises employant, au total, 1 600 salariés environ, alors que, dans le même temps, elle a connu de procédures de mandat ad hoc et de conciliation affectant des entreprises employant environ 48 000 salariés (164).

La plupart de ces chiffres n’ont pas été fournis à la mission par les administrations, qui semblent manquer de statistiques en matière de procédures collectives. Du point de vue de la mission, les autorités publiques devraient exiger chaque mois des statistiques permettant de mesurer le pouls des entreprises en difficultés.

Les greffiers des juridictions commerciales seraient les mieux placés pour mettre à jour, mensuellement et au niveau national, des statistiques relatives :

–  au nombre des procédures de prévention ou de traitement des difficultés des entreprises qui ont été ouvertes dans chaque juridiction commerciale (mandats ad hoc, conciliations, sauvegardes, redressements ou liquidations judiciaires), au nombre de procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire soldées par un plan de sauvegarde ou de redressement, et au nombre de procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire converties en procédures de liquidation judiciaire, etc. ;

–  au nombre de liquidations judiciaires prononcées chaque juridiction commerciale (et, le cas échéant, au nombre d’emplois préservés) ainsi qu’à leur proportion par rapport au volume total des procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises qui auront, dans le même temps, été ouvertes par le tribunal.

Ce dispositif permettrait aussi bien à l’État qu’aux collectivités locales d’avoir une meilleure connaissance de l’activité de chacune des juridictions commerciales en matière de procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises.

Il est inspiré d’une proposition faite par la Confédération nationale des entreprises à taille humaine (CNETH). Les autorités publiques doivent suivre avec le plus grand intérêt les démarches de cette association créée en 1999 par M. Didier Loisel, afin de centraliser les plaintes à l'égard des administrateurs et des mandataires judiciaires.

Proposition n° 25 : confier aux greffiers des juridictions commerciales la mission d’établir, au niveau national et à un rythme mensuel, des statistiques sur l’activité de leur juridiction en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises de façon à offrir aux autorités publiques une connaissance chiffrée plus fine de l’efficacité des dispositifs mis en œuvre.

Comme de récentes affaires ont pu l’illustrer, les procédures collectives ne se déroulent pas toujours dans la sérénité que requiert une bonne administration de la justice. La proximité entre le juge et le justiciable n’est pas toujours propice à l’amélioration de la qualité de la justice : elle peut au contraire la desservir.

C’est la raison pour laquelle vos rapporteurs préconisent de faciliter le recours à la procédure de dépaysement qui est d’ores et déjà prévue par le code de commerce en matière de procédures collectives. Qui plus est, dès lors que ces procédures concernent des entreprises ayant atteint une taille critique, vos rapporteurs estiment qu’elles devraient être confiées à des pôles spécialisés ayant compétence exclusive pour en connaître, en première instance comme en appel. Enfin, les procédures collectives gagneraient tant en efficacité qu’en transparence si certains éléments de leur régime étaient réformés, notamment les modalités de rémunération des administrateurs et mandataires judiciaires.

1. Faciliter la procédure de « dépaysement » en l’accordant, de droit, aux parties qui la demandent

À la différence de ce qui prévaut dans le contentieux commercial général, il existe, dans le contentieux des procédures collectives, une procédure de dépaysement relativement souple, dont le régime est prévu aux articles L. 662-2 et R. 662-7 du code de commerce (165).

Cette procédure de dépaysement n’est mise en œuvre qu’à l’initiative du parquet ou du président du tribunal de commerce saisi. Elle ne peut être demandée par les parties.

Or, tout au long des travaux de la mission, bon nombre des personnes entendues ont exprimé le souhait que cette procédure de dépaysement puisse être mise en œuvre, de droit, à la demande des parties à la procédure collective, et notamment à la demande du débiteur à l’encontre duquel est ouverte la procédure.

Il conviendrait donc de modifier l’article R. 662-7 du code de commerce pour ouvrir aux parties le droit de demander la mise en œuvre de la procédure de renvoi prévue par l’article L. 662-2 du même code.

Du point de vue de la mission, le premier président de la cour d’appel ou le premier président de la Cour de cassation, à qui il revient de désigner la juridiction chargée d’examiner l’affaire dont le renvoi a été demandé, devrait se prononcer non pas après avis du seul ministère public, mais après avis conjoint du ministère public et du président du tribunal de commerce initialement saisi.

Proposition n° 26 : faciliter la mise en œuvre de la procédure de renvoi prévue par l’article L. 662-2 du code de commerce en ouvrant la possibilité de la demander aux parties à la procédure collective, et notamment au débiteur.

Si le dépaysement des procédures collectives doit être une faculté ouverte aux parties (166), vos rapporteurs estiment qu’il devrait être obligatoire et automatique dès lors que ces procédures concernent des entreprises ayant atteint une taille définie en termes de total de bilan, de chiffre d’affaires ou d’effectifs salariés.

2. Reconnaître à des pôles spécialisés une compétence exclusive pour les procédures particulièrement complexes et sensibles

La technicité du droit des procédures collectives ne fait que s’accroître, notamment à la faveur de la mondialisation qui conduit les entreprises à déployer leurs activités sur plusieurs sites établis dans plusieurs pays ou continents. En cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre d’entreprises d’une taille relativement importante, les « petits » tribunaux de commerce sont souvent mal armés, aussi bien quantitativement que qualitativement, pour faire face aux enjeux financiers, sociaux et juridiques de procédures où sont en cause non seulement les intérêts du débiteur et de ses créanciers, mais aussi ceux des tiers, au premier rang desquels les salariés (167).

Aussi est-ce la raison pour laquelle vos rapporteurs estiment nécessaire de confier automatiquement à des pôles spécialisés les procédures affectant des entreprises dont le total du bilan, le montant hors taxe du chiffre d’affaires et le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l'exercice dépasseront des seuils qu’il reviendra à un décret en Conseil d’État de définir, le cas échéant après une étude d’impact (168).

a) Un constat commun : la nécessité de créer des pôles spécialisés en matière de procédures collectives

Ces pôles spécialisés comprendraient non seulement des formations de jugement spécialisées en droit national, européen et international des procédures collectives, mais aussi un parquet spécialisé en ces matières. La direction des Affaires civiles et du sceau (DACS) du ministère de la Justice pourrait apporter un appui technique à ces pôles.

De tels pôles spécialisés existent d’ores et déjà en matière pénale. En effet, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a créé des juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS) dans la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées (169).

Mises en place en octobre 2004, les JIRS regroupent des magistrats du parquet et de l’instruction possédant une expérience en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière dans des affaires présentant une grande complexité. Leur critère de compétence est donc double et repose à la fois sur la nature de l’affaire (criminalité organisée ou délinquance financière) et sur son degré de complexité (qui doit être élevé et justifier des investigations poussées). Bénéficiant du soutien d’assistants spécialisés, les pôles spécialisés du parquet et de l’instruction des JIRS disposent en outre de dispositifs novateurs en matière d’enquête (infiltrations, sonorisations, etc.) (170).

Eu égard à l'importance des contentieux traités et aux aspects liés à la coopération transnationale, les articles 706-75 et D. 47-13 du code de procédure pénale ont donné une compétence inter-régionale à huit tribunaux de grande instance (les « JIRS »), implantés à Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rennes, Bordeaux, Nancy et Fort-de-France (171). Cette spécialisation a permis au parquet, formé en six mois environ, d’être beaucoup mieux armé pour faire face aux enjeux des affaires à traiter (172).

En dehors du domaine pénal, le décret n° 2009-1205 du 9 octobre 2009 fixant le siège et le ressort des juridictions en matière de propriété intellectuelle a organisé la spécialisation de certains tribunaux de grande instance qui ont été désignés pour connaître des actions relatives à la propriété littéraire et artistique, aux dessins et modèles, aux marques et aux indications géographiques. Ainsi, l’article D. 211-6-1 du code de l’organisation judiciaire et son tableau annexe prévoient que ces litiges sont confiés aux tribunaux de grande instance de Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rennes, Bordeaux, Nancy, Nanterre et Fort-de-France – soit les huit juridictions auprès desquelles ont été établies les JIRS, auxquelles il faut ajouter Nanterre. Par ailleurs, l’article D. 211-6 du même code précise que « le tribunal de grande instance ayant compétence exclusive pour connaître des actions en matière de brevets d'invention, de certificats d'utilité, de certificats complémentaires de protection et de topographies de produits semi-conducteurs, dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle, est celui de Paris ».

En matière commerciale, il a d’ores et déjà été choisi, pour les questions relatives à certains aspects du droit de la concurrence, de confier les contentieux à des tribunaux de commerce spécialisés en la matière. Le décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 relatif à la spécialisation des juridictions en matière de contestations de nationalité et de pratiques restrictives de concurrence a donné compétence exclusive aux huit juridictions qui accueillent par ailleurs les JIRS (Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rennes, Bordeaux, Nancy et Fort-de-France) pour connaître, en première instance, des contentieux relatifs à l’article L. 442-6 du code de commerce (173). L’article D. 442-3 du même code fait de la cour d’appel de Paris la seule juridiction compétente pour connaître en appel des décisions rendues par ces huit juridictions dans les affaires mettant en cause des pratiques restrictives de la concurrence.

Comme pour la propriété intellectuelle, cette spécialisation de certains tribunaux de commerce a été motivée par le souci d’homogénéiser la jurisprudence des juges du fond qui occupe, en matière de pratiques restrictives de concurrence, une place normative tout aussi importante que celle de la loi et du règlement, puisque les textes de référence laissent une très large place à l’interprétation.

Dans la mesure où il existe d’ores et déjà des tribunaux spécialisés en matière de contentieux de la concurrence et de la propriété intellectuelle et industrielle, il n’apparaît ni choquant ni incohérent d’envisager des juridictions spécialisées en matière de procédures collectives.

Il est vrai que, pour l’heure, cette spécialisation est plus facile à mettre en œuvre dans les tribunaux de commerce de grande taille, comme le tribunal de commerce de Paris, qui s’est doté de chambres spécialisées dans les affaires de concurrence déloyale et dans les litiges ayant trait à la rupture brutale des relations commerciales établies (174).

La création de ces pôles spécialisés pourrait s’appuyer sur le maillage des JIRS (Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rennes, Bordeaux, Nancy et Fort de France), qui a largement été repris pour établir la carte des tribunaux spécialisés dans les contentieux de la propriété intellectuelle et des pratiques restrictives de concurrence, comme cela vient d’être dit.

Toutefois, la mission souligne qu’il faudra veiller à ce que la localisation de ces pôles spécialisés soit définie en cohérence avec celle des bassins d’emploi et à ce qu’elle n’ajoute pas au millefeuille des juridictions.

Par ailleurs, comme l’a signalé M. Jean-Claude Magendie, premier président honoraire de la cour d’appel de Paris, la création de pôles spécialisés dans le contentieux des procédures collectives ne peut être une réponse viable aux préoccupations des acteurs économiques que si elle s’accompagne d’une concentration forte de moyens humains formés et dotés de l’expertise requise (175).

Proposition n° 27 : créer des pôles spécialisés ayant compétence exclusive pour connaître des procédures collectives affectant des entreprises dont le total de bilan, le chiffre d’affaires hors taxe et le nombre moyen de salariés permanents dépassent certains seuils.

b) Première option : des formations de jugement spécialisées exclusivement composées de juges consulaires en première instance

Pour sa part, votre co-rapporteur estime que ces pôles spécialisés devraient être exclusivement composés de juges consulaires désignés par le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle seraient créés ces pôles. Le faible taux d’infirmation des décisions prises par les juges consulaires en matière de procédures collectives montre qu’il est parfaitement inutile de faire intervenir un magistrat professionnel dans les formations de jugement de ces pôles spécialisés. Les juges consulaires sont en effet rompus aux spécificités et aux difficultés de l’exercice, ce qui n’est pas le cas des juges professionnels en général.

Par ailleurs, dès lors que le parquet bénéficiera d’une meilleure formation économique et financière et qu’il disposera, au sein des pôles spécialisés, des effectifs et des moyens nécessaires à sa mission de défense de l’ordre public économique, l’objectif d’un croisement et d’un enrichissement mutuel des points de vue du juriste (représenté par le parquetier) et du commerçant (incarné par le juge) sera satisfait. Il n’y aura donc pas lieu d’introduire des juges professionnels en première instance ni des juges consulaires en appel.

A contrario, outre les difficultés pratiques qu’elle pourrait engendrer, la création de formations de jugement mixtes risquerait de déresponsabiliser, et donc de démotiver, des juges non-professionnels dont l’engagement volontaire et bénévole n’est pas un vain mot. La prise de décision est en effet le moteur de cet engagement et elle fonde le sentiment des juges non-professionnels de servir l’intérêt général. Si le rôle de décideur venait à être retiré aux juges non-professionnels, alors la justice commerciale courrait le risque de perdre les meilleurs d’entre eux.

La proposition faite par votre co-rapporteur correspond, dans les grandes lignes, à ce qu’a suggéré M. Dominique Levêque, qui représentait la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) lors de la table ronde qui a réuni des représentants des professions du chiffre le 6 février dernier. De son point de vue, les procédures collectives affectant des entreprises d’une certaine taille devraient être traitées par une formation collégiale composée de plusieurs juges consulaires choisis dans le ressort de la cour d’appel du lieu de situation de l’entreprise. Cette spécialisation, doublée d’une forme de dépaysement, aurait l’avantage de ne pas remettre en cause l’organisation actuelle de la justice commerciale.

Proposition n° 28 de votre co-rapporteur : créer des formations de jugement spécialisées en matière de procédure collective et composées exclusivement de juges consulaires en première instance et exclusivement de magistrats professionnels en appel.

c) Seconde option : la mixité des formations de jugement spécialisées, en première instance comme en appel

Promouvant un enrichissement réciproque des points de vue du juriste et du commerçant, non seulement lors de l’audience mais aussi lors du délibéré, votre rapporteure estime, de son côté, que, dans un souci de qualité et de bonne administration de la justice, les pôles spécialisés appelés à connaître de certaines procédures collectives devraient être mixtes et composés, en première instance comme en appel, tant de magistrats professionnels que de juges consulaires. Cette mixité aurait l’immense avantage d’allier l’expertise économique à la sécurité juridique.

Présidées par un juge consulaire en première instance, les formations de jugement des pôles spécialisés en matière de procédures collectives seraient présidées par un magistrat professionnel en appel. En première instance, les juges professionnels seraient minoritaires dans la formation de jugement spécialisée. En revanche, en appel, ils seraient majoritaires.

•  La question constitutionnelle

Votre rapporteure n’ignore pas les contraintes constitutionnelles découlant de l’article 66 de la Constitution qui décrit l’autorité judiciaire comme la « gardienne de la liberté individuelle ». Lorsque le législateur a souhaité permettre au président du tribunal de grande instance de composer la formation collégiale du tribunal correctionnel en recourant à des juges de proximité, non-professionnels, susceptibles de siéger en qualité d’assesseur, le Conseil constitutionnel a émis certaines réserves (176). Tout en reconnaissant que l’article 66 de la Constitution n’interdisait pas, par lui-même, que le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté soit exercé par une juridiction pénale de droit commun au sein de laquelle siègeraient des juges non-professionnels (177), le Conseil constitutionnel a décidé que, s’agissant des formations correctionnelles de droit commun, la proportion des juges non-professionnels devait rester minoritaire (178). En conséquence, l’article L. 212-4 du code de l’organisation judiciaire prévoit que « la formation de jugement ne peut comprendre, en matière pénale, une majorité de juges non professionnels » (179), principe que l’article L. 312-3 du même code a étendu à « la formation de jugement de la cour d’appel [qui] ne peut comprendre, en matière pénale, une majorité de juges non-professionnels ».

Dans le cas des tribunaux de grande instance, le principe selon lequel une formation de jugement collégiale ne pouvait comprendre une majorité de juges non professionnels a été étendu à la matière civile par la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles. À compter du 1er janvier 2015, le principe selon lequel les juges professionnels doivent être majoritaires dans une formation de jugement collégiale vaudra également pour la matière civile. Toutefois, l’extension du principe à la matière civile n’a pas concerné les formations de jugement de la cour d’appel.

Par ailleurs, sous réserve de l’interprétation qui pourrait être celle du Conseil constitutionnel, il ne s’impose pas avec la force de l’évidence que la matière commerciale doive être assimilée à la matière pénale au regard de l’exigence qu’une formation de jugement soit composée d’une majorité de juges professionnels pour que soit satisfaite la règle constitutionnelle selon laquelle l’autorité judiciaire assure le respect du principe selon lequel « nul ne peut être arbitrairement détenu ».

Preuve en est que, dans les juridictions commerciales qui pratiquent l’échevinage (en Alsace-Moselle et outre-mer), le juge professionnel qui préside la formation de jugement est minoritaire. Or, jusqu’à ce jour, nul n’a contesté la constitutionnalité de cette organisation.

Pour ce qui est des tribunaux de grande instance du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de Moselle, l’article L. 912-1 du code de l’organisation judiciaire prévoit qu’« en matière de règlement judiciaire, de liquidation des biens, de faillite personnelle, le tribunal de grande instance ou, le cas échéant, la chambre commerciale de ce tribunal, remplit les fonctions attribuées par la loi au tribunal de commerce ». Mais ce sont des dispositions de nature réglementaire qui fixent la composition de la formation de jugement. Les articles D. 731-2 et R. 731-4 du code de commerce précisent respectivement que « le président de la chambre commerciale du tribunal de grande instance est désigné conformément aux règles qui régissent la répartition des magistrats du siège dans les chambres du tribunal » et que « les assesseurs des chambres commerciales sont élus dans les conditions fixées aux articles R. 723-1 à R. 723-31 » du code de commerce, c’est-à-dire dans les conditions prévues pour l’élection des juges consulaires.

Pour ce qui est des neuf tribunaux mixtes de commerce implantés dans les départements d’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et Mayotte), en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, la formation de jugement est composée d’un magistrat, qui la préside, et de trois juges non-professionnels assesseurs, élus dans les mêmes conditions que les juges consulaires.

Si la constitutionnalité de la présence minoritaire des juges professionnels dans les formations de jugement échevinées d’Alsace-Moselle et d’outre-mer n’a pas fait l’objet de contestations jusqu’à ce jour, on ne voit guère pourquoi la présence minoritaire de juges professionnels dans les formations de jugement appelées à connaître, en première instance, de certaines procédures collectives, au sein de pôles spécialisés, encourrait, de son côté, un grief d’inconstitutionnalité.

Il est vrai que, tant en Alsace-Moselle qu’outre-mer, la présidence de la formation de jugement est confiée au magistrat professionnel. Toutefois, il s’agit là d’une règle prévue par des décrets qui pourrait être écartée s’agissant des formations de jugement intervenant en première instance au sein des pôles spécialisés en matière de procédures collectives.

C’est d’ailleurs l’opinion du professeur Thomas Clay, pour qui il n’y aurait guère d’obstacles constitutionnels à ce qu’en matière commerciale, un juge professionnel soit minoritaire et assesseur dans une formation de jugement spécialisée dans le contentieux des procédures collectives, composée d’une majorité de juges non-professionnels et présidée par l’un d’entre eux (180).

•  Une utilité reconnue

Comme l’a expliqué devant la mission M. Xavier Gardrat, secrétaire national du Syndicat de la magistrature, l’approfondissement de la formation des juges consulaires et des magistrats professionnels, si important soit-il, ne peut, à lui seul, constituer une alternative crédible à l’échevinage (181). Jugeant socialement inacceptables et économiquement contre-productifs les dysfonctionnements constatés dans certains tribunaux de commerce, le Syndicat de la magistrature, dans la contribution écrite qu’il a fournie à la mission, présente l’échevinage, en première instance comme en appel, comme la seule façon d’en finir avec l’« aléa économique et social » découlant de l’« aléa juridique » qui résulte lui-même de l’« insuffisance de motivation des jugements », de l’« implication excessive des greffiers dans la rédaction des jugements », du « recours trop fréquent à l’équité » et de l’inégalité des armes favorisant les parties ayant les moyens de se doter d’une représentation juridique de qualité (cabinets d’avocats d’affaires, etc).

Du point de vue de M. Joseph Thouvenel, vice-président de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), l’échevinage des formations de jugement spécialisées appelées à connaître en première instance et en appel de certaines procédures collectives devrait permettre de traiter ces affaires si sensibles avec le recul et l’apaisement nécessaires à une bonne justice (182).

C’est aussi l’une des préconisations des auteurs du Rapport sur la réforme des tribunaux de commerce publié par le club « Droits, justice et sécurités » en décembre 2012. Les auteurs de ce rapport expliquent que « c’est en matière de procédures collectives (au moins au-delà d’un seuil de passif ou de chiffre d’affaires de l’entreprise) que la nécessité de réformer les tribunaux de commerce est la plus pressante et justifie la création de chambres spéciales [et mixtes] des procédures collectives […] ayant une compétence territoriale accrue avec un parquet permanent ». Et les auteurs d’ajouter que « cela permettrait de dépassionner ces procédures et de réduire au maximum les risques de conflits d’intérêts » (183).

Votre rapporteure rejette l’idée que la mixité des formations de jugement spécialisées en matière de procédures collectives conduirait à mettre les juges consulaires « sous tutelle ». Bien au contraire, les juges consulaires spécialisés resteraient majoritaires au sein de la formation de jugement de première instance, qui serait en outre présidée par l’un d’entre eux. Et contrairement à la situation actuelle, ces mêmes juges consulaires pourraient participer aux formations de jugement spécialisées appelées à connaître des appels.

En outre, d’après M. Samuel Vuelta-Simon, directeur-adjoint de l’ENM, la mixité des formations de jugement dans les chambres commerciales des cours d’appel aurait donc une vertu pédagogique en contribuant à enrichir la formation juridique des juges consulaires (184).

De son côté, M. Philippe Béziaud, président honoraire du tribunal de commerce de Pontoise, a estimé qu’il serait tout à fait dans les capacités de certains juges consulaires ayant acquis une solide formation juridique d’être assesseurs dans les formations de jugement en appel (185).

Proposition n° 28 bis de votre rapporteure : créer des formations de jugement spécialisées en matière de procédure collective et ayant une composition mixte, mêlant magistrats professionnels et juges consulaires, en première instance comme en appel.

3. Dans un souci d’optimisation des chances de succès de la procédure collective, adapter les modalités de rémunération des mandataires de justice

Le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ) évalue à 198 591 euros le résultat net moyen d’un administrateur ou d’un mandataire judiciaire, avant paiement de ses charges sociales personnelles (186).

Chiffres relatifs à l’activité et à la rémunération
des administrateurs et mandataires judiciaires

D’après les chiffres fournis à la mission par l’observatoire économique du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ), il apparaît qu’en 2012 :

– chacun des 121 administrateurs judiciaires a traité en moyenne 15 procédures de sauvegarde (contre 11 en 2011) ;

– chacun des 438 administrateurs ou mandataires judiciaires a traité en moyenne 42 procédures de redressement judiciaire (contre 40 en 2011) ;

– chacun des 317 mandataires judiciaires a traité en moyenne 106 procédures de liquidation judiciaire (contre 108 en 2011) (187).

Pour l’année 2011, le chiffre d’affaires total s’élevait :

– à environ 117 millions d’euros pour les administrateurs judiciaires ;

– à environ 310 millions d’euros pour les mandataires judiciaires ;

– à environ 427 millions d’euros pour les deux professions.

Cela représentait, un chiffre d’affaires moyen par professionnel :

– d’environ 983 000 euros pour les administrateurs judiciaires ;

– d’environ 980 000 euros pour les mandataires judiciaires ;

– et d’environ 981 000 euros pour les deux professions (188).

Le président du CNAJMJ, Me Marc Sénéchal, a fait valoir que ce niveau de rémunération était plus faible que celui d’autres acteurs des procédures collectives, comme les avocats, et qu’il était également inférieur à la rémunération moyenne perçue par les mandataires de justice dans les pays voisins de la France, où il n’existe pas de tarif (189).

Au fait de ces données, vos rapporteurs s’interrogent néanmoins sur la lisibilité et la pertinence de la structure du tarif qui préside à la rémunération des administrateurs et mandataires judiciaires.

S’il est vrai que les honoraires des administrateurs et mandataires judiciaires sont soumis au contrôle du juge, à la différence de ceux des avocats ou des experts-comptables, il n’en reste pas moins qu’ils sont déterminés selon des critères complexes et insuffisamment corrélés au résultat de la procédure collective

• Un système de rémunération complexe

Au titre de chacune de leurs diligences, les administrateurs judiciaires perçoivent des rémunérations proportionnelles au nombre de salariés ou au chiffre d’affaires hors taxes de l’entreprise en difficulté, selon un barème fixé par décret (190). La rémunération des mandataires judiciaires obéit à la même logique, à ceci près que sa complexité est plus grande encore puisqu’aux rémunérations variables se mêlent des droits fixes (191).

Vos rapporteurs estiment que, si ces tarifs ont le mérite d’unifier les modalités de rémunération des administrateurs et mandataires judiciaires sur l’ensemble du territoire, ils ont en revanche le défaut d’être difficilement lisibles, et inexistants dans le cadre des procédures de prévention (mandat ad hoc et conciliation).

Mme Joëlle Simon, directrice des affaires juridiques du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), a fait état de critiques émanant essentiellement de petites et moyennes entreprises qui se plaignent du caractère excessif des rémunérations versées aux administrateurs et mandataires judiciaires (192). Ce constat est corroboré par l’Union syndicale des magistrats, qui, dans la contribution écrite qu’elle a fournie à la mission, évoque des « niveaux de rémunération souvent très élevés sans rapport avec le travail réellement fourni ».

Du point de vue de M. Laurent Vallée, ancien directeur des Affaires civiles et du sceau, dès lors que le contexte économique change, la question d’une éventuelle révision des tarifs de rémunération des administrateurs et mandataires judiciaires doit être posée (193).

C’est en ce sens qu’a abondé le Syndicat de la magistrature pour qui une réforme des règles de rémunération de ces professionnels « s’impose pour tenir compte des finalités d’ordre public économique, notamment la pérennisation des emplois et le redressement effectif des sociétés ». M. Joseph Thouvenel, vice-président de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), s’est, lui aussi, déclaré favorable à une telle réforme, estimant que les règles qui président aujourd’hui à la rémunération des administrateurs et mandataires judiciaires n’invitent pas suffisamment à préserver l’emploi (194). Selon lui, ces règles conduisent à ce que le sauvetage ou la mort de l’entreprise soient des opérations neutres pour les mandataires de justice.

• Des contrôles nombreux en théorie et insuffisants en pratique

Outre que les modalités de versement de leurs rémunérations sont encadrées, puisque les sommes qui servent à payer ces honoraires sont versées sur un compte ouvert auprès de la Caisse des dépôts et consignations avant d’être virées sur le compte de leur étude, une fois prise l’ordonnance fixant leur rémunération (195), les administrateurs et les mandataires judiciaires font valoir qu’ils sont soumis à de nombreux contrôles :

–  contrôle potentiel du parquet sur les « balances trimestrielles » de certains comptes déposés auprès de chaque tribunal dans le ressort duquel chaque profession a reçu des missions (196) ;

–  contrôle semestriel de leurs commissaires aux comptes (197) ;

–  contrôles triennaux du Conseil national des administrateurs et des mandataires judiciaires (CNAMJ) qui, sans être un ordre professionnel, diligente des inspections confiées à deux professionnels et un commissaire aux comptes choisis par lui (198) ;

–  contrôles occasionnels d’un magistrat inspecteur coordinateur (à la cour d’appel de Paris) et de magistrats inspecteurs régionaux (dans les cours d’appel de province) (199).

La Commission nationale d'inscription et de discipline des administrateurs/mandataires judiciaires peut sanctionner les professionnels « lorsque l’importance des sommes figurant sur un compte “affaires diverses” est révélatrice d’une inertie du liquidateur à qui il appartient d’accomplir toutes les diligences pour affecter ces fonds aux créanciers. De même, la perception d’acomptes successifs et non-conformes à la réglementation applicable peut donner lieu à des poursuites disciplinaires » (200).

Me Marc Sénéchal, président du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ), a fait valoir devant la mission que le système de contrôles auxquels sont soumis ces mandataires de justice constituait un modèle d’inspiration à l’étranger, le mandat de justice « à la française » étant le plus contrôlé d’Europe, aussi bien dans son exercice que dans ses modalités de rémunération (201).

En effet, selon l’Association syndicale professionnelle des administrateurs judiciaires (ASPAJ), les administrateurs judiciaires font l’objet de contrôles réguliers, qui limitent les risques d’indélicatesse. Si ces risques se réalisaient, ils seraient couverts par une assurance collective prenant en charge 25 % de leurs conséquences pécuniaires. Ainsi, les conséquences des agissements fautifs ou imprudents de certains professionnels sont supportées par l’ensemble des membres de la profession, sur leurs propres deniers, dans la limite toutefois d’un plafond défini.

Le caractère régulier des contrôles a paru pour le moins débattu au cours des travaux de la mission (202).

Pour M. Franck Gentin, président du tribunal de commerce de Paris, les contrôles subis par les administrateurs et mandataires judiciaires ne sont pas suffisants (203). Ce dernier a d’ailleurs demandé aux administrateurs et mandataires judiciaires de sa juridiction un rapport sur la vitesse de rotation des fonds qu’ils manipulent (204).

Vos rapporteurs estiment que cette pratique de reddition des comptes devrait être érigée en norme et étendue à l’ensemble du territoire. Les administrateurs et mandataires judiciaires devraient être tenus de remettre chaque année au président du tribunal de commerce et à la direction des services judiciaires du ministère de la Justice un rapport faisant état :

–  du délai moyen de conservation des fonds qui leur sont confiés ;

–  de l’efficacité économique de leur gestion de ces fonds, qui peut notamment être reflétée par le rapport entre le montant des fonds confiés et le chiffre d’affaires réalisé.

Proposition n° 29 : obliger les administrateurs et mandataires judiciaires à fournir chaque année au président du tribunal de commerce et à la direction des services judiciaires du ministère de la Justice un rapport sur la performance économique de leurs diligences (gestion et délai moyen de conservation des fonds, etc.).

• Une réforme possible

Militant pour une évolution du CNAJMJ en instance ordinale, investie d’un pouvoir disciplinaire, Me Marc Sénéchal a tenu à rappeler que les derniers professionnels indélicats renvoyés devant la commission nationale de discipline l’avaient été à l’initiative du CNAJMJ qui ne dispose d’un pouvoir de saisine de ladite commission que depuis 2011 (205).

Répondant aux critiques émises quant aux lacunes du système de rémunération des administrateurs et mandataires judiciaires et des contrôles relatifs aux rémunérations perçues, l’ASPAJ, dans la contribution écrite qu’elle a fournie à la mission, estime que « la rémunération des administrateurs judiciaires se situe dans la moyenne des professions libérales du droit et du chiffre » (206), et fait valoir qu’il est « délicat d’asseoir cette rémunération sur le nombre d’emplois préservés », tout en rappelant que, le plus souvent, dans le processus de mise en compétition des repreneurs, c’est le mieux-disant en nombre d’emplois préservés (et non en termes de prix offert pour les actifs cédés) qui est retenu.

Toutefois, l’ASPAJ a estimé qu’il pouvait être opportun de compléter le texte des articles R. 663-13 et R. 663-31 du code de commerce afin de prévoir que, pour les affaires les plus importantes, la rémunération fixée par un magistrat de la cour d’appel soit déterminée non seulement en fonction des « diligences accomplies » mais aussi au regard « du résultat obtenu ».

Vos rapporteurs approuvent cette proposition qui doit cependant s’inscrire dans une refonte plus globale du système de rémunération des administrateurs et mandataires judiciaires dont la complexité est source d’opacité.

Vos rapporteurs entendent se garder de toute caricature : l’exigence tendant à mieux corréler la rémunération des administrateurs et mandataires judiciaires procède d’une juste appréhension de la situation. Il ne s’agit nullement de jeter le discrédit sur l’ensemble de ces professionnels, dont la formation est exigeante et dont les structures d’exploitation professionnelle, d’une façon générale, sont assez lourdes. Il faut savoir également que nombre de procédures collectives (de l’ordre de 20 000 sur 60 000 par an) sont impécunieuses.

Proposition n° 30 : réformer les modalités de rémunération des administrateurs et des mandataires judiciaires afin de mieux les corréler au résultat obtenu.

CONCLUSION

La conception du rôle de la justice en matière commerciale est en France le fruit d’une tradition multiséculaire. Mais comme l’a dit lui-même M. Jean-Bertrand Drummen, président de la Conférence générale des juges consulaires de France, « cette culture séculaire n’interdit nullement l’évolution » (207).

Cette évolution est aujourd’hui nécessaire et ardemment souhaitée par de nombreux justiciables. Vos rapporteurs pensent, comme M. Jean-Claude Magendie, premier président honoraire de la cour d’appel de Paris, qu’une justice moderne, c’est une justice de très grande qualité dès la première instance (208).

Vos rapporteurs n’ignorent pas la peur du changement que peuvent éprouver certains acteurs de la justice commerciale. C’est sur cette peur qu’on achoppé les projets de réforme de Mme Élisabeth Guigou, en 2001, et de M. Robert Badinter, en 1985.

Néanmoins, ce changement est nécessaire pour la sauvegarde même du modèle français de justice commerciale.

La mission formule un certain nombre de propositions concrètes et opérationnelles qui sont susceptibles d’améliorer la qualité de cette justice et dont elle forme le vœu qu’elles nourrissent les réflexions menées dans le cadre des groupes de travail installés le 5 mars dernier par Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice, afin de préparer un projet de réforme de la justice commerciale. Il paraît indispensable qu’une évaluation des dispositifs mis en place soit prévue.

Par ailleurs, comme M. Robert Badinter l’avait bien compris en son temps, pour être cohérente, une réforme de la justice commerciale doit aller de pair avec une réforme des procédures collectives.

Dans le cadre d’une consultation sur le droit des entreprises en difficulté, la direction des Affaires civiles et du sceau a diffusé, le 21 décembre 2012, un questionnaire sur le livre VI du code de commerce, consacré aux « difficultés des entreprises » (209). À l’occasion de la table ronde qui a réuni, le 29 janvier dernier, des représentants des administrations, M. Laurent Vallée, ancien directeur des Affaires civiles et du sceau, a expliqué que la Chancellerie réfléchissait à des aménagements des procédures de prévention des difficultés des entreprises, et plus particulièrement du mandat ad hoc et de la procédure de conciliation. Cette réflexion s’est concrétisée le 5 mars dernier, par l’installation par Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice, de deux groupes de travail sur la prévention et le traitement des difficultés des entreprises, d’une part, et sur les acteurs et les juridictions des procédures collectives, d’autre part (210).

La représentation nationale doit prendre toute sa part dans ce nouveau chantier. Au gré de leurs travaux, vos rapporteurs ont recueilli des propositions intéressantes formulées par des professionnels confrontés chaque jour aux enjeux de la prévention et du traitement des difficultés des entreprises. Bon nombre d’entre elles portaient en particulier sur la réduction ou l’allongement de certains délais prévus dans le cadre des procédures de conciliation, de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires. Ces questions ne trouvaient pas nécessairement leur place dans le champ des investigations de la mission.

Néanmoins, certaines des préconisations figurant dans le présent rapport constituent une première contribution à la réflexion commune qui a été lancée sur les aménagements souhaitables du régime des procédures collectives. Il appartient à notre Assemblée de donner une plus grande ampleur à cette entreprise, par exemple par la mise en place d’une prochaine mission d’information spécifiquement consacrée aux enjeux liés aux procédures collectives et aux mandataires de justice.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 24 avril 2013, la Commission procède à l’examen du rapport d’information présenté par Mme Cécile Untermaier, rapporteure, et M. Marcel Bonnot, co-rapporteur.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. En l’absence momentanée de notre président, nous continuons le travail de notre commission et allons examiner le rapport de la mission d’information sur le rôle de la justice en matière commerciale, dont les rapporteurs sont Mme Cécile Untermaier et M. Marcel Bonnot.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure. Nous serons brefs, d’autant plus qu’un consensus suffisamment large nous permettra d’éviter, je pense, un certain nombre de discussions sur les trente propositions que nous faisons.

Je souhaiterais rappeler le contexte économique de cette mission : celui d’une crise qui a provoqué un doublement du nombre de liquidations judiciaires. Nous devons nous interroger sur la capacité des dispositifs en place à absorber cette augmentation du nombre de procédures collectives.

Cette mission intervient dans un contexte politique marqué par l’engagement du Président de la République, M. François Hollande, de réorganiser la justice commerciale, et par le rapport de M. Louis Gallois sur la compétitivité de l’industrie française, qui a souligné la nécessité, pour nos entreprises, de bénéficier d’un cadre juridique et d’un système judiciaire performants. Par ailleurs, Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice, prépare un projet de loi dont le dépôt est prévu pour l’automne.

Nous avons entamé cette mission en janvier. Nous avons mené, dans des délais très serrés, un grand nombre d’auditions, reçu une centaine d’intervenants et obtenu des contributions écrites de haut niveau. Cela nous a permis de dégager des orientations qui nous semblent importantes, qui vont ouvrir la voie à la discussion et qui vont sans doute nourrir la réflexion des groupes de travail mis en place par la garde des Sceaux le 5 mars dernier.

Nous formulons trente propositions pour l’avenir de la justice commerciale. Vingt-huit de ces trente propositions ne posent pas de difficulté majeure et répondent à un réel besoin d’adaptation de la justice commerciale.

Les juges consulaires sont, aujourd’hui, réputés élus par leurs pairs. Ils sont en effet élus par des délégués consulaires, dans un dispositif à deux étages qui n’est guère lisible. Nous proposons donc une élection directe par les membres des chambres de commerce et d’industrie et ceux des chambres de métiers et de l’artisanat. Nous souhaitons, en effet, que le corps électoral des juges consulaires soit élargi aux artisans, dans la mesure où les tribunaux de commerce sont appelés à connaître des litiges qui les concernent. Les représentants des chambres des métiers et de l’artisanat sont tout à fait favorables à cette évolution. Cette proposition fait l’objet d’un consensus.

S’agissant des modalités d’élection des juges consulaires, nous avons repris à notre compte les initiatives prises par le tribunal de commerce de Lyon qui soumet les candidats aux fonctions de juge consulaire à l’appréciation d’une commission d’évaluation composée de magistrats professionnels et de juges consulaires. Cette commission examine, sinon la capacité des candidats, du moins leur motivation, et établit une liste de candidats aptes aux fonctions.

S’agissant de la formation des juges consulaires, qui, je le rappelle, exercent leurs fonctions à titre bénévole – ce qui est tout à leur honneur –, il nous semble que les programmes de formation actuels sont nettement insuffisants. Ce n’est pas avec une formation initiale de neuf jours que l’on peut se sentir en capacité d’apporter l’expertise juridique qu’exige le traitement de litiges. Nous proposons une formation complète et dispensée par des universitaires et par des magistrats professionnels, et pas seulement par des professionnels appartenant au microcosme de la justice commerciale. Cette formation devra être validée par la Chancellerie.

Les juges consulaires n’ont pas démontré d’incapacité à juger, mais il faut tendre vers l’exemplarité dans un contexte où le droit commercial se complexifie énormément. La technicité du droit des affaires et du droit international privé exigent le dispositif de formation que nous proposons et pour lequel les juges consulaires ont manifesté de l’intérêt.

Ces mesures ont un coût. Il est toutefois possible d’alléger ce coût en explorant la possibilité de faire intervenir dans ces formations des universitaires émérites et des magistrats honoraires rémunérés à la vacation.

Cette formation que nous voulons obligatoire devra également être gratuite. Il nous a été rapporté qu’aujourd’hui les juges consulaires payaient quelquefois les frais de déplacement et de séjour inhérents au suivi de certaines formations, ce qui est inadmissible.

Dans la mesure où le tribunal de grande instance est le tribunal de droit commun et le tribunal de commerce une juridiction d’exception, il nous a semblé nécessaire de replacer les magistrats professionnels, et plus précisément les premiers présidents des cours d’appel au cœur des dispositifs de formation en leur confiant un rôle de superviseur.

Un autre volet de propositions fait l’objet d’un consensus : celui de la déontologie des juges consulaires. Nous pensons qu’il faut s’orienter vers l’élaboration d’un code de déontologie à l’attention des juges consulaires. L’échelle des sanctions disciplinaires doit être revue. Tout justiciable doit pouvoir saisir la commission nationale de discipline des juges des tribunaux de commerce, et pas seulement le garde des Sceaux. Par ailleurs, dans un souci de lutte contre les conflits d’intérêts, nous proposons d’imposer aux juges consulaires d’établir des déclarations d’intérêts à l’occasion de leur prise de fonction et du renouvellement de leur mandat, ainsi que des déclarations d’indépendance au début de chaque instance dans laquelle ils sont amenés à délibérer qui auront pour effet de permettre aux juges de s’interroger sur la pertinence de leur présence dans une formation de jugement sur une affaire donnée : des conflits peuvent échapper à l’attention des juges sans pour autant qu’ils soient de mauvaise foi.

Nos propositions tendent à opérer un rapprochement entre le statut du juge consulaire et celui du magistrat professionnel.

Nous avons, au cours de cette mission, évoqué les enjeux liés aux procédures collectives qui, à mon sens, mériteraient une mission d’information à part entière, de même que ceux liés mandataires de justice.

En matière de prévention des difficultés des entreprises, nous proposons d’aménager un accès anonymisé aux dispositifs de prévention grâce à un numéro vert. Il s’agirait d’étendre la pratique mise en place par le tribunal de commerce de Lyon. L’anonymat est essentiel pour inciter les chefs d’entreprise à prendre attache auprès des tribunaux de commerce pour prévenir les difficultés.

J’aurai l’occasion de revenir sur les réformes procédurales que nous suggérons. Mais, pour l’heure, je vais laisser la parole à mon collègue Marcel Bonnot, que je remercie pour la qualité du dialogue que nous avons pu avoir au sein d’une mission qui n’était pas si facile à mener, au regard des susceptibilités – fort légitimes bien sûr – des acteurs de la justice commerciale. Des réactions se sont manifestées sans attendre la présentation de ce rapport. Mais notre travail est précisément là pour nourrir la discussion.

M. Marcel Bonnot, rapporteur. Comme Mme la Rapporteure vient de le dire avec beaucoup de conviction et d’objectivité, nous avons essayé de laisser nos états d’âme de côté et d’aborder cette mission en nous dégageant de toute idée préconçue.

Ce rapport recèle un nombre important de propositions sur lesquelles nous nous accordons. Nous sommes d’accord sur la nécessité de revoir les modalités d’élection des juges consulaires, leur formation et leur déontologie.

Nous partageons également le même point de vue s’agissant de la nécessité de renforcer la présence du parquet aux audiences commerciales, qu’elles concernent le contentieux général ou les procédures collectives. Représentant de l’ordre public, le parquet doit apparaître comme la sentinelle du droit dans toutes les audiences.

C’est un socle de propositions important. Si nous réformons les modalités d’élection, la formation initiale et continue des juges consulaires, mais aussi la formation des magistrats professionnels – qui, depuis l’avènement de l’École nationale de la magistrature (ENM), ne se sont guère frottés à la matière économique et financière, car c’était perçu comme une forme de péché –, nous aurons fait, je le pense, la quasi-totalité du parcours de nature à donner un nouveau visage à la justice commerciale. Nous aurons ainsi doté les tribunaux de commerce de l’objectivité et de la sécurité que l’on est en droit d’attendre de toute juridiction.

Parmi les autres points de convergence figure la nécessité d’envisager, après une étude d’impact et une large concertation, une rénovation du maillage territorial des juridictions commerciales. Aujourd’hui, le pays est parsemé de 134 tribunaux de commerce dont les configurations varient selon les bassins d’emploi au sein desquels ils sont situés, si bassin d’emploi il y a.

Nous sommes aussi d’accord pour réformer les modalités de rémunération des administrateurs et mandataires judiciaires afin de mieux les corréler au résultat obtenu. La profession ne semble pas hostile à cette proposition. Il faut garder à l’esprit qu’il s’agit de professionnels qui bénéficient d’une formation particulièrement pointue et qui exercent avec un statut libéral et un personnel qualifié. Ils ont des charges et des structures à faire vivre. Il ne faut pas perdre de vue que, sur 60 000 procédures collectives, près de 20 000 sont impécunieuses. Au sein des 40 000 procédures restantes, les fortunes sont diverses. Il faut donc se méfier de la caricature. Mais je crois que la proposition que nous faisons procède d’une démarche bien comprise.

Nous sommes également d’accord pour faciliter la procédure de dépaysement qui existe aujourd’hui en matière de procédures collectives en ouvrant aux parties, et notamment au débiteur, la possibilité de demander sa mise en œuvre au premier président de la cour d’appel ou de la Cour de cassation. Ce dernier devra désigner la juridiction de renvoi après avoir sollicité l’avis du parquet et du président du tribunal de commerce initialement saisi.

Nous sommes enfin d’accord sur la création de pôles spécialisés ayant compétence exclusive pour connaître de procédures collectives ouvertes à l’encontre d’entreprises dépassant certains seuils en termes de chiffres d’affaires, de total de bilan et de nombre de salariés. La mise en place de ces pôles spécialisés permettrait de mettre fin à certaines suspicions ou inquiétudes, liées notamment à la façon dont des procédures collectives peuvent être menées devant des juridictions commerciales qui ne sont pas toujours armées pour faire face à la technicité de procédures affectant des entreprises d’une certaine importance. Il ne s’agit pas là d’un reproche mais d’un constat. La localisation de ces pôles spécialisés devra être définie en cohérence avec celle des bassins d’emploi.

Comme vous le voyez, il a existé, au cours de cette mission, une grande communauté de vues entre votre rapporteure et votre co-rapporteur. Il subsiste toutefois quelques points de divergence, notamment pour ce qui concerne la composition des formations de jugement au sein des pôles spécialisés en matière de procédures collectives. Pour ma part, j’estime que ces formations de jugement doivent être composées exclusivement de juges consulaires en première instance et exclusivement de magistrats professionnels en appel. La constitution de ces pôles spécialisés va faire appel à des juges consulaires particulièrement rompus au monde de l’économie, de la finance et du commerce. Les magistrats professionnels ne sont pas rompus à ce genre de procédures. Pourquoi faire compliqué quand il est possible de faire simple et efficace ? Dès lors que la formation du juge consulaire aura été améliorée par la mise en œuvre de nos propositions, dès lors que la qualité de ce juge sera garantie non seulement par sa formation, mais aussi par ses modalités d’élection et par ses obligations déontologiques, et dès lors, enfin, que la présence du parquet, véritable sentinelle du droit, sera assurée, pourquoi adjoindre un magistrat professionnel aux formations de jugement des pôles spécialisés ?

Quant aux formations de jugement des pôles spécialisés appelées à connaître des appels, je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’elles soient exclusivement composées de magistrats professionnels. Il faut préciser qu’une infime partie des contentieux des procédures collectives va jusqu’à l’appel.

De la même façon, nos appréciations divergent sur les procédures en matière de contentieux général. Je ne souhaite pas que le dépaysement devienne systématique dans le cadre de ce contentieux. Le droit positif, et plus précisément l’article L. 111-8 du code de l’organisation judiciaire, prévoit d’ores et déjà que le renvoi devant une autre juridiction peut intervenir pour cause de suspicion légitime. La possibilité ouverte aux parties d’obtenir le dépaysement de droit risque de jeter un soupçon de partialité sur les juges consulaires de façon permanente et illégitime. Nous avons constaté au travers de nos auditions que la justice commerciale était globalement rendue d’une façon satisfaisante. Peut-on en dire autant des autres pans de la justice ? Ma longue carrière d’avocat m’amène à être prudent, car il y aurait peut-être beaucoup à dire. On ne peut pas faire preuve d’une exigence exorbitante à l’égard des juges consulaires.

Nos points de vue divergent enfin sur la possibilité ouverte aux parties de demander à voir leur litige tranché par une formation de jugement mixte lorsqu’il présente une particulière complexité technique. À mon avis, il s’agit là d’une façon déguisée d’emprunter le chemin de l’échevinage – gros mot qu’il semble ne pas falloir prononcer. Avons-nous besoin de formations de jugement mêlant juges élus et juges professionnels en matière de contentieux général alors que ce dernier est, en grande partie, constitué de demandes de paiement de factures et d’interprétations de contrats ? Si un projet de loi reprend nos propositions tendant à garantir à la présence du parquet ainsi que celles relatives à l’élection, à la formation et à la déontologie des juges consulaires, ces derniers seront aussi compétents que des magistrats professionnels, s’ils ne le sont pas déjà. À quoi bon s’obstiner à promouvoir la mixité, si ce n’est par réaction face à une ou deux affaires qui ont pu défrayer la chronique ?

Je crois qu’il faut s’abstenir d’adopter des lois à chaque scandale. Nous l’avons fait par le passé. Mea culpa, mea maxima culpa ! Ces lois politiciennes cèdent à une forme de panique. Il faut rassurer. Je ne vois pas l’intérêt, pour le contentieux général, de s’orienter vers la mixité des formations de jugement, si toutes nos propositions relatives à l’élection, à la formation initiale et continue ainsi qu’à la déontologie des juges consulaires sont mises en œuvre.

Les raisons de nos désaccords sont simples et claires, mais elles n’ont pas entamé l’ardeur que ma collègue et moi-même avons mise à mener notre mission avec une objectivité et une compréhension maximales et avec un seul objectif partagé : celui de permettre à la justice commerciale d’évoluer et d’allier à l’avenir sérénité et efficacité.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je vais donner la parole à nos six collègues qui se sont inscrits, en commençant par Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Tout d’abord, je tiens à féliciter l’état d’esprit très constructif dans lequel cette mission a travaillé, dans le but d’améliorer le fonctionnement de la justice commerciale pour le justiciable. Vous proposez des améliorations très pragmatiques, que je qualifierais de « réformes douces ». Certaines sont très originales, d’autres très pragmatiques mais toutes devraient recueillir l’assentiment des professionnels et des usagers des juridictions commerciales.

Comme nous l’avons vu, la justice commerciale telle qu’elle existe en France est unique en son genre. Victime par le passé de critiques malheureusement souvent justifiées, elle a fait de très nombreux efforts pour améliorer son image et son efficacité. Elle reste néanmoins une justice mal connue, fonctionnant en vase clos et trop peu transparente.

Dans le contexte économique actuel, face à la multiplication des procédures collectives, vos propositions apparaissent à la fois pertinentes et adaptées. J’en évoquerai quelques-unes, que je développerai tant leur intérêt le justifie.

Nous nous sommes rendu compte que la cooptation occupe une place trop importante. Il convient donc, comme vous le proposez, de renouveler et d’ouvrir le corps électoral, de confier l’élection des juges consulaires aux membres des chambres de commerce et d’industrie et à ceux des chambres de métiers et de l’artisanat. Il faut en effet intégrer les artisans, qui représentent la « première entreprise de France » et organiser un recrutement de nature à assurer la diversité des compétences et la parité, qui n’est pas toujours respectée dans les tribunaux de commerce.

Il est indispensable que la formation initiale et continue obligatoire des juges consulaires soit de grande qualité, gratuite et contrôlée. En échange – et c’est pour cela que vos propositions n° 23 (permettant le dépaysement in limine litis) et n° 24 (permettant aux parties d’obtenir le jugement par une formation mixte) sont aussi pertinentes –, il faut que les juges consulaires forment et informent les magistrats professionnels qui, même s’ils sont d’excellents juristes, connaissent souvent mal les réalités et les subtilités du monde de l’entreprise. Les quelques stages organisés par l’École nationale de la magistrature (ENM) ne permettent pas aux juges professionnels, qui commencent à exercer très jeunes, de connaître réellement le secteur économique. Dès lors, favoriser l’accès des juges consulaires au statut de magistrat professionnel est une excellente idée, qui contribuera certainement à une meilleure collaboration entre les deux mondes. Cette proposition pourrait d’ailleurs être étendue à bien d’autres professions.

En ce qui concerne l’amélioration de la détection et de l’anticipation pour les entreprises en difficulté, il est évident que la saisine le plus en amont possible est un élément déterminant du sauvetage de l’entreprise, à condition que l’anonymat du chef d’entreprise soit respecté, notamment dans les petites juridictions. Dans le même esprit, vous proposez de clarifier le positionnement des commissaires au redressement productif, en les dotant enfin d’un statut qui précise leurs pouvoirs et attributions dans les procédures collectives. Aujourd’hui, le commissaire au redressement productif n’a pas vraiment de missions dans le cadre des procédures collectives, ce qui constitue un vide juridique qu’il convient de combler. La multiplicité des intervenants dans les procédures collectives ne rime pas avec efficacité et célérité. Pourquoi ne pas transformer le commissaire au redressement productif en référent de la procédure collective ?

S’agissant de la rénovation des procédures, vous dites que la récente et précédente réforme de la carte judiciaire a laissé des traces. Aussi, avant d’agir, organisons la concertation et tirons les leçons du passé. Vous dites qu’il convient de renforcer le rôle du parquet, ce qui est exact, mais cela se heurte à deux obstacles : le manque de moyens humains dans les tribunaux et la quasi-absence de formation.

Parmi les propositions les plus novatrices formulées dans le rapport, beaucoup concernent des droits nouveaux accordés aux parties, qui constituent des avancées certaines. S’agissant de la possibilité, en contentieux général, de renvoyer une affaire vers un autre tribunal du ressort de la cour d’appel, vous avez précisé que la requête introductive présentée avant tout moyen de défense portant sur le fond devrait être motivée et non dilatoire et que l’avis du président serait recueilli. Vous avez donc posé les garanties nécessaires, la procédure étant tout à fait encadrée par les textes.

La proposition n° 24, qui consiste à reconnaître, de manière subsidiaire, en matière de contentieux général, le droit des parties d’obtenir, sur demande motivée, que le jugement de leur affaire soit confié à une formation mixte composée d’un magistrat du siège et de juges du tribunal de commerce saisi, à raison de la valeur de l’objet du litige et de sa particulière complexité technique, est intéressante. C’est une proposition qui consacre enfin la complémentarité entre ces deux catégories de juges. Pourquoi les tribunaux de commerce français seraient-ils les seuls à se priver de la présence de magistrats professionnels ? Bien évidemment, les tribunaux de commerce n’ont pas seulement à connaître d’affaires de factures et de contrats. Ils ont aujourd’hui à se prononcer sur des affaires très complexes, comme les juges consulaires l’ont rapporté devant la mission. Je pense par exemple aux affaires relevant du droit de la concurrence ou de la propriété intellectuelle, qui nécessitent une réponse adaptée.

En France, de très nombreuses juridictions sont organisées sur le modèle de l’échevinage et fonctionnent bien : le tribunal des affaires de sécurité sociale, le tribunal paritaire des baux ruraux, le conseil des prud’hommes lorsqu’il statue en départition en sont des exemples. Le caractère subsidiaire que vous avez prévu est de nature à rassurer.

La création de juridictions spécialisées en matière de procédures collectives dites lourdes est absolument indispensable, comme vous le proposez. À cet égard, les juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS) sont un succès, les magistrats travaillant en équipe, ce qui est tout à fait satisfaisant.

Ce rapport ouvre de nouvelles pistes intéressantes sur le statut des administrateurs judiciaires et sur la réforme des procédures collectives. Il faut que nous nous en saisissions. Je souhaite conclure en insistant sur le fait que ce rapport constitue une excellente base de travail et de réflexion pour le projet de loi qui nous sera présenté prochainement.

M Hugues Fourage. Je pourrais reprendre les conclusions de ma collègue. Je partage tout à fait son avis sur le rapport de la mission d’information.

Je souligne, moi aussi, l’esprit de consensus qui a prévalu dans l’élaboration des propositions de ce rapport. Il y a déjà eu par le passé des rapports d’information consacrés à la justice commerciale. Ils avaient mis en émoi les juges consulaires. Si, aujourd’hui, il ne subsiste, dans le cadre des trente propositions que ce rapport contient, que deux propositions autour desquelles l’accord de toutes les parties n’est pas encore établi, on peut dire qu’à coup sûr, il y a vraiment eu un travail d’étroite collaboration avec tous les acteurs intervenant dans le domaine des tribunaux de commerce – une collaboration ayant pour but de rendre la justice commerciale plus performante.

Je suis tout à fait d’accord sur la proposition qui consiste à élargir la base d’élection des juges aux artisans.

Je partage également l’idée qu’il est nécessaire de mieux prendre en compte, désormais, la formation du juge consulaire et même, plus généralement, tout ce qui concerne ses capacités à exercer sa fonction. C’est là un point central pour la qualité de la justice commerciale et notamment pour la qualité des jugements. Ces derniers sont souvent un peu laconiques. Une meilleure formation des juges devrait permettre de mieux motiver les décisions rendues.

Il faut aussi prêter une grande attention à la question du « dépaysement » des dossiers. Ce point a été évoqué à de nombreuses reprises pendant le déroulement de la mission, notamment pour prévenir les conflits d’intérêt. Dans ce contexte, le « dépaysement » apporte une réponse intéressante, c’est un élément de protection pour le juge lui-même.

S’agissant du ministère public, j’ai eu le sentiment que la justice consulaire appelait de ses vœux un accroissement de la présence des parquets dans la procédure. Les parquets serviraient en quelque sorte de « vigies ».

En ce qui concerne le maillage territorial, il convient de relever qu’il existe actuellement 135 tribunaux de commerce, soit deux par départements. Cela peut être générateur de difficultés, le niveau des affaires traitées par chaque tribunal étant très variable. On pourrait donc effectivement améliorer la carte judiciaire en fonction des besoins et de l’activité contentieuse.

Je reviens un instant sur les propositions 28 et 28 bis, l’une étant présentée par le co-rapporteur et l’autre par le rapporteur. Je me range plutôt du côté de la proposition 28 bis qui consiste à créer des formations de jugement spécialisées en matière de procédure collective. En effet, il me semble qu’il y a, dans cette proposition 28 bis, une cohérence avec la proposition 13 qui a été validée unanimement et qui prévoit l’institution de filières de magistrats spécialisés dans le domaine économique et financier. Si l’ensemble des intervenants semble d’accord pour favoriser la spécialisation, alors il y a lieu que celle-ci intervienne aussi en matière de procédure collective pour des questions de cohérence et de technicité. Par ailleurs, je suis tout à fait d’accord avec le fait que, dans ces filières spécialisées, les magistrats professionnels et les juges consulaires soient associés, en première instance comme en appel. Il n’y aurait pas lieu en effet de séparer les degrés de juridiction en ce domaine.

Plus généralement, s’agissant de la question de l’échevinage, je pense qu’il faut éviter de faire de ce sujet un tabou. À l’heure actuelle, les questions deviennent tellement techniques qu’il peut être très intéressant, dès la première instance, que des magistrats professionnels puissent participer aux formations de jugement.

En revanche, pour ce qui a trait aux différends liés aux procédures collectives, je n’ai pas bien compris l’intérêt éventuel de procéder à des regroupements autour de la notion de « bassins d’emplois ».

M. Jean-Michel Clément. La mission était aussi nécessaire qu’utile. Une justice vieille de cinq siècles, qui a plutôt bien fonctionné jusqu’à ce jour, ne peut qu’être repensée à la lumière des questions qu’elle doit traiter aujourd’hui.

Le monde des affaires et le droit qui l’accompagne sont, comme nous le savons, de plus en plus complexes. De la même manière, les enjeux en termes d’emplois sont considérables. Les exemples d’actualité le démontrent avec force.

On constate, lorsque l’on a été un praticien du droit, les grandes disparités qui existent sur notre territoire entre les tribunaux. Lorsque l’on plaide à Paris, Nanterre ou Lyon, ou dans d’autres régions moins peuplées – ce qu’un président de chambre de la Cour de cassation a appelé la « France économique profonde » –, on constate que la justice est inégalement rendue en fonction de la taille des tribunaux. C’est une réalité, qu’on le veuille ou non.

Notre mission était aussi nécessaire parce que, comme cela a été dit, l’impartialité subjective qui pèse sur certains tribunaux nuit à l’image de l’ensemble de la justice commerciale. Je pense que les problèmes de transparence et de conflits d’intérêts ne sont pas exceptionnels, ce qu’on ne peut que regretter. Certaines affaires ont été fortement médiatisées, notamment dans ma région. Je n’en citerai qu’une, l’affaire « Torelli », par exemple, qui permet d’expliquer la suspicion qui pèse sur les tribunaux de commerce ainsi que l’aversion qui peut être celle des justiciables à l’égard de ces tribunaux.

Je souscris à l’expression de « réformes douces ». J’ajoute que si nous les ajoutons les unes aux autres, elles constitueront un corps de règles intéressant qui pourrait utilement servir aux groupes de travail que la Chancellerie a mis en place.

Je souhaiterais dire aussi que le conservatisme que l’on rencontre parfois sur la question de l’évolution des tribunaux de commerce est discutable. Je pense que la situation actuelle n’est pas acceptable.

En conclusion, je veux dire que je souscris à l’intégralité des propositions du rapport. J’ajoute qu’en regardant la façon dont la justice commerciale fonctionne, nous nous sommes aperçus qu’il était nécessaire d’engager une réflexion sur les procédures collectives. Nous avons beaucoup entendu parler, dans le cadre des auditions, de prévention et d’anticipation. L’anticipation des difficultés doit être la pierre angulaire de notre future réflexion.

M. Yves Goasdoué. Mon intervention va être rapide car beaucoup de choses ont déjà été dites.

Je tenais tout d’abord à remercier la rapporteure et le co-rapporteur : les entretiens organisés par la mission ont été d’une très grande qualité, la pertinence des propos échangés a fait avancer les points de vue et, à l’issue des travaux de la mission, je n’hésite pas à dire que je suis maintenant d’un sentiment différent, que j’ai un regard distinct de celui que j’avais en commençant les auditions.

Nous avons eu affaire à des réactions complexes, nuancées, variables en fonction des situations locales. Nous avons vu aussi des intervenants, tant des juges professionnels que des juges consulaires – Ne tombons pas dans l’angélisme –, qui affirmaient que tout va bien, qu’il ne suffit que d’un peu de formation pour que tout soit réglé et que, sinon, les instances paraissent équilibrées et le système performant, parfaitement organisé pour durer.

En fait, le rapport de la mission a placé le curseur sur un certain nombre de problèmes et en cela il n’est pas une fin mais un début.

Je suis d’accord avec l’idée que le parquet doit faire office de sentinelle.

Pour l’échevinage, les membres de la mission se sont vite rendu compte que l’on ne disposait pas de juges professionnels, à la fois formés et en quantité suffisante, pour les disposer partout où les besoins s’en faisaient sentir.

Enfin, des dossiers restent à creuser. Nous ne nous sommes pas assez penchés, selon moi, sur la prévention. Pas assez non plus sur le rôle des administrateurs et des mandataires judiciaires, spécialement sur la manière dont ils sont recrutés et sur la façon dont ils fonctionnent. La profession est fermée. Elle se coopte et, au bout de trois à six ans de stage dans un cabinet, on a même l’impression que les futurs titulaires de la fonction s’identifient absolument avec les personnes qui les ont recrutés. De plus, quand on sait, avec le nombre des procédures collectives qui n’a fait que croître, qu’il n’y a, en France, que 121 administrateurs judiciaires et 317 mandataires, on est nécessairement frappé par le fait que les juges ne peuvent procéder qu’à des choix restreints.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je suis ô combien en accord avec ce que vous venez de dire. Je donne la parole à M. Jean-Fréderic Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis tout à fait d’accord avec les propos de notre collègue Yves Goasdoué. Je pense qu’il convient également d’aborder la question des liquidateurs judiciaires : leur mode de rémunération doit absolument évoluer pour éviter des difficultés majeures et mettre un terme à la suspicion qui entoure actuellement leurs interventions, même s’ils font bien leur métier.

Nous nous heurtons à un problème confiance parmi les acteurs de l’économie. S’agissant de la justice commerciale, cette confiance doit être évidemment rétablie, en tenant compte de la complexité croissante des litiges qui sont à traiter et de l’importance des risques encourus par les justiciables. Aussi, je suis favorable à tout ce qui contribue au renforcement de la légitimité des acteurs, à la clarification de certaines procédures, à l’affirmation des droits des justiciables et à la professionnalisation des juges.

Même si la rapporteure et le co-rapporteur sont en désaccord sur quelques points, importants mais peu nombreux, je les remercie de ce travail. Nous aurons un certain nombre de débats à conduire lorsque le texte du projet de loi annoncé sera examiné en séance publique. Il me semble cependant que la grande majorité des propositions fait l’objet d’un assentiment général et que la réforme législative de la justice commerciale à venir pourrait trouver un ancrage solide avec un texte voté à une très large majorité. Il y a des gens dévoués, prêts à consacrer du temps à l’exercice des fonctions de juges consulaires. Nous devons travailler à opérer des ajustements nécessaires. Ce rapport est donc le bienvenu.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. La garde des Sceaux envisage, en effet, de déposer à l’automne un projet de loi sur ce sujet, lequel sera l’aboutissement concret du travail fructueux réalisé par la mission d’information. Je vais redonner la parole aux deux rapporteurs pour qu’ils apportent des éléments de conclusion.

M. Marcel Bonnot. Je laisse à la rapporteure le soin de présenter une conclusion. En revanche, je tiens à répondre à certaines observations et questions qui viennent d’être formulées.

En ce qui concerne la notion de bassin d’emploi évoquée pour la mise en place de pôles spécialisés dans le traitement des procédures collectives, je tiens à dire que je vois mal comment de tels pôles pourraient être établis au milieu de nulle part. Ils doivent être installés dans des bassins d’emplois particulièrement importants, là où l’on peut percevoir toute la diversité du contentieux commercial, qu’il s’agisse de contentieux général ou de procédures collectives. Je prendrai volontiers pour exemple le bassin industrieux de Montbéliard. Ce territoire abrite les deux tiers des ressources et des richesses de Franche-Comté et pourrait tout à fait – je le dis sans arrières pensées – être le ressort d’un pôle spécialisé. Les pôles ne doivent pas nécessairement se trouver au siège d’une cour d’appel.

S’agissant de la faculté envisagée, en matière de contentieux général, de permettre de délocaliser une affaire sur la demande d’un justiciable présentée in limine litis, je persiste à craindre qu’une telle mesure favorise des manœuvres dilatoires. On m’objecte que cette procédure serait enfermée dans un temps contraint. Nous sommes dans des matières où il faut aller vite et tout délai peut être préjudiciable. Le temps que l’on laisse passer peut permettre à un débiteur d’organiser bien des choses.

Pour ce qui est enfin de la possibilité donnée à un justiciable de demander à ce que son affaire soit jugée par une formation mixte, je rappelle une fois encore qu’il est un principe que l’on ne saurait fouler aux pieds : il s’agit du principe suivant lequel on ne choisit pas son juge. Nous nous sommes accordés sur l’importance d’une formation initiale et continue qui doit permettre aux juges consulaires et aux magistrats professionnels d’acquérir une maîtrise du droit dans les domaines les plus pointus. Dès lors, pourquoi vouloir adjoindre à un juge consulaire un magistrat professionnel alors que – de surcroît – nous n’avons pas les moyens de cette mesure ? Les autres réformes que nous avons précédemment évoquées se suffisent à elles-mêmes. J’ajoute que les justiciables peuvent toujours interjeter appel et qu’à ce stade de la procédure, ce sont des magistrats professionnels qui siègent.

J’ai connu à la fois une chambre commerciale – dissoute dans le cadre de la réforme engagée par Mme Rachida Dati –, des juridictions reposant sur le principe de l’échevinage, et des tribunaux de commerce dans leur organisation actuelle. Le taux d’infirmation des décisions rendues par ces derniers ne dépasse pas celui des décisions des chambres commerciales ou des formations de jugement échevinées. Il faut se garder de conceptions surannées pour privilégier l’efficacité, la cohérence et la modernité. C’est dans cet esprit que je souscris volontiers à la proposition de créer des pôles spécialisés formés de juges consulaires mais que je ne vois nullement l’utilité de recourir à des formations de jugement mixtes.

Mme Cécile Untermaier. Les juges consulaires sont prêts à adhérer à toutes les propositions de réforme que nous faisons, à l’exception de celles qui permettent à un magistrat professionnel de prendre part au délibéré. Tout le monde est évidemment en faveur de la présence systématique du procureur aux audiences commerciales. Mais lorsque nous envisageons le recours à une formation de jugement mixte, on évoque une mesure de défiance. Au vu de ces réactions, les magistrats professionnels pourraient également s’inquiéter du peu de cas que l’on semble faire de leur formation. Nous allons sans nul doute améliorer la formation des juges consulaires. Pour autant, ce ne sont pas huit à neuf jours de formation, destinés à permettre que la justice soit rendue conformément aux exigences du droit processuel, qui donnent la capacité d’appréhender la complexité du droit international privé, du droit économique ou du droit des affaires . De leur côté, les magistrats professionnels ont fait de longues études, ont passé un concours difficile et ont suivi une formation longue. Mais à l’inverse, accomplir un stage en entreprise ne leur permet pas nécessairement de prétendre avoir une compétence pour répondre à des questions économiques.

Les deux propositions que je formule et sur lesquelles nous divergeons procèdent de l’idée que le meilleur jugement résulte d’un partage des cultures. Nous adoptons une approche mesurée puisque nous estimons que de manière générale, grâce à leur formation, les juges consulaires peuvent parfaitement remplir leur office. Quand il s’agit en revanche de dossiers majeurs, comme des procédures collectives qui peuvent mettre en friche un territoire, il ne me semble pas inconvenant de considérer que ces dossiers ne doivent pas être traités seulement par des juges consulaires. L’intérêt général commande que l’on puisse ouvrir la formation de jugement à des magistrats professionnels qui disposent de compétences que l’on ne peut acquérir dans le cadre de la formation dispensée aux juges consulaires, même si celle-ci doit être de bon niveau et se dérouler sous le contrôle de la Chancellerie. Il faut un croisement des regards.

On m’objecte le faible nombre d’appels sur les décisions rendues par les tribunaux de commerce. Ceci s’explique avant tout par le fait que, dans les procédures collectives, les chefs d’entreprises sont « rincés ». En outre, le faible taux d’infirmation est tributaire de l’inégale qualité de la motivation des jugements rendus en première instance. Dans ces conditions aléatoires, l’appel peut perdre beaucoup de son intérêt. Enfin – c’est là une conviction personnelle –, les justiciables ne sont pas incités à saisir les cours d’appel dans la mesure où les magistrats professionnels qui y siègent sont censés ne rien connaître aux affaires commerciales car ils ne possèdent pas la même culture. Ainsi, les faibles taux d’appel et d’infirmation ne fournissent pas de véritables arguments en faveur du statu quo. Ils révèlent au contraire les difficultés de la situation actuelle, avec des juges consulaires en première instance et des magistrats professionnels en appel.

Je considère que l’on peut organiser une mixité de la formation de jugement dans les cours d’appel. Un juge consulaire peut venir éclairer en appel les magistrats professionnels avec sa compétence en matière économique. À l’inverse, un magistrat professionnel peut se joindre aux juges consulaires en première instance. C’est grâce à ce partage de cultures que nous irons vers des décisions plus transparentes et rendues conformément au principe d’impartialité objective. Nous avons entendu rappeler cette exigence tout au long de nos auditions. La bonne foi ne se décrète pas. Il faut que le justiciable en attente d’un jugement ait le sentiment que la justice sera bien rendue. Pour cela, il faut qu’il sache que ce n’est pas qu’une justice rendue par des pairs, et cela suppose qu’un magistrat professionnel puisse prendre part au délibéré, en particulier en matière de procédures collectives.

Je tiens à redire que la procédure que nous proposons ne permet pas de choisir son juge car c’est le premier président de la cour d’appel qui désignera un tribunal de commerce pour le jugement d’une affaire « délocalisée » Notre proposition ne marque aucune défiance. C’est une mesure de bon sens qui vise à tirer parti des compétences des juges consulaires et des magistrats professionnels pour des affaires qui le justifient par les effets qu’elles peuvent avoir sur des territoires.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. À présent, je soumets aux membres de la Commission la question de l’autorisation de publier le rapport de la mission d’information.

La Commission, à l’unanimité, autorise le dépôt du rapport de la mission d’information sur le rôle de la justice en matière commerciale, en vue de sa publication.

LISTE DES PROPOSITIONS

RÉFORMER, SANS STIGMATISER, LE STATUT, LA FORMATION ET LE RÔLE DES ACTEURS DE LA JUSTICE COMMERCIALE

Proposition n° 1 : confier l’élection des juges consulaires directement aux membres des chambres de commerce et d’industrie et aux personnes inscrites sur le registre des chambres de métier.

Proposition n° 2 : intégrer au corps électoral et rendre éligibles aux fonctions de juges des tribunaux de commerce les chefs d’entreprises artisanale immatriculés au registre des métiers.

Proposition n° 3 : instituer des commissions près des cours d’appel formées de juges professionnels et de juges consulaires ayant pour mission d’évaluer la capacité des candidats aux fonctions de juges des tribunaux de commerce et d’établir des listes d’aptitude.

Proposition n° 4 : établir des incompatibilités entre les fonctions de juge d’un tribunal de commerce et l’exercice d’un mandat électif ou d’une activité entretenant des rapports réguliers avec le tribunal dans le cadre du fonctionnement de la justice commerciale.

 Proposition n° 5 : permettre la saisine directe, par les justiciables, de la commission nationale de discipline et la doter d’un pouvoir autonome de sanction sur le modèle du Conseil supérieur de la magistrature.

Étoffer l’échelle des sanctions que la commission nationale de discipline peut prononcer.

Proposition n° 6 : favoriser l’établissement, l’actualisation régulière et la diffusion d’un véritable code déontologique qui décrive, de manière concrète, les conduites résultant des exigences éthiques, en particulier celles qui découlent de la spécificité de l’office de juge d’un tribunal de commerce.

Proposition n° 7 : assurer la diffusion et la solennité du serment que les juges des tribunaux de commerce doivent prêter en application de l’article L. 722-7 du code de commerce.

Proposition n° 8 : rendre obligatoire pour les juges des tribunaux de commerce l’établissement d’une déclaration d’intérêts à l’occasion de leur prise de fonction et du renouvellement de leur mandat.

Proposition n° 9 : créer pour les juges des tribunaux de commerce l’obligation d’attester de leur indépendance par une courte déclaration signée au début de chaque instance à laquelle ils prennent part.

Proposition n° 10 : désigner au sein de chaque tribunal de commerce un juge consulaire référent, chargé de remettre des avis aux présidents de ces juridictions et pouvant être consulté par les juges du tribunal de commerce sur toute question relative au respect des principes déontologiques.

Proposition n° 11 : rendre la formation initiale et continue obligatoire pour les juges consulaires.

Proposition n° 12 : indemniser, évaluer et sanctionner le suivi de la formation initiale et continue imposé aux juges consulaires.

Proposition n° 13 : aménager le statut de la magistrature pour permettre la création de filières de magistrats spécialisés dans les domaines économique et financier.

Proposition n° 14 : favoriser l’accès des juges consulaires au statut de magistrat professionnel par le biais du recrutement hors concours.

Proposition n° 15 : étendre, au niveau national, un dispositif de numéro vert permettant aux chefs d’entreprise de s’entretenir téléphoniquement, dans l’anonymat et le secret les plus complets, avec des experts de la prévention.

Proposition n° 16 : sanctionner civilement, voire pénalement, la violation de l’obligation de confidentialité prévue par l’article L. 611-15 du code de commerce pour le mandat ad hoc et la procédure de conciliation.

Proposition n° 17 : aménager les règles de publicité gouvernant le dépôt des comptes annuels de façon à prévenir leur exploitation par les concurrents.

Proposition n° 18 : renforcer les obligations d’information sur les indices de difficultés des entreprises qui pèsent sur les greffiers des tribunaux de commerce et étendre le champ de leurs bénéficiaires.

Proposition n° 19 : mettre, à la charge des experts-comptables, un devoir d’alerte similaire à celui qui pèse sur les commissaires aux comptes.

Reconnaître aux experts-comptables un privilège au titre de leurs créances d’honoraires antérieures (voire aussi postérieures) au jugement d’ouverture de la procédure collective.

Proposition n° 20 : clarifier le positionnement des commissaires au redressement productif en les dotant d’un statut précisant notamment leurs pouvoirs dans le cadre des procédures collectives.

RÉNOVER L’ORGANISATION DES PROCÉDURES COMMERCIALES DANS UN SOUCI DE BONNE ADMINISTRATION DE LA JUSTICE

Proposition n° 21 : envisager une rénovation du maillage territorial des tribunaux de commerce avec les deux objectifs d’efficacité et de pratiques impartiales.

Réaliser à cet effet et au préalable une étude d’impact et une large concertation.

Proposition n° 22 : garantir la présence du parquet dans le cadre des audiences et des procédures des tribunaux de commerce.

Proposition n° 23 de votre rapporteure : reconnaître aux parties aux litiges relevant du contentieux général le droit d’obtenir, en début de procédure, par une demande motivée, le renvoi vers un autre tribunal de commerce.

Proposition n° 24 de votre rapporteure : à titre subsidiaire, reconnaître, en matière de contentieux général, le droit des parties d’obtenir, sur demande motivée, que le jugement de leur affaire soit confié à une formation mixte composée d’un magistrat du siège et de juges du tribunal de commerce saisi, à raison de la valeur de l’objet du litige ou de sa particulière complexité technique.

Prévoir la possibilité que la formation de jugement soit présidée indifféremment par un magistrat ou un juge consulaire.

Proposition n° 25 : confier aux greffiers des juridictions commerciales la mission d’établir, au niveau national et à un rythme mensuel, des statistiques sur l’activité de leur juridiction en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises de façon à offrir aux autorités publiques une connaissance chiffrée plus fine de l’efficacité des dispositifs mis en œuvre.

Proposition n° 26 : faciliter la mise en œuvre de la procédure de renvoi prévue par l’article L. 662-2 du code de commerce en ouvrant la possibilité de la demander aux parties à la procédure collective, et notamment au débiteur.

Proposition n° 27 : créer des pôles spécialisés ayant compétence exclusive pour connaître des procédures collectives affectant des entreprises dont le total de bilan, le chiffre d’affaires hors taxe et le nombre moyen de salariés permanents dépassent certains seuils.

Proposition n° 28 de votre co-rapporteur : créer des formations de jugement spécialisées en matière de procédure collective et composées exclusivement de juges consulaires en première instance et exclusivement de magistrats professionnels en appel.

Proposition n° 28 bis de votre rapporteure : créer des formations de jugement spécialisées en matière de procédure collective et ayant une composition mixte, mêlant magistrats professionnels et juges consulaires, en première instance comme en appel.

Proposition n° 29 : obliger les administrateurs et mandataires judiciaires à fournir chaque année au président du tribunal de commerce et à la direction des services judiciaires du ministère de la Justice un rapport sur la performance économique de leurs diligences (gestion et délai moyen de conservation des fonds, etc.).

Proposition n° 30 : réformer les modalités de rémunération des administrateurs et des mandataires judiciaires afin de mieux les corréler au résultat obtenu.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 29 janvier 2013

• Table ronde, ouverte à la presse, réunissant les administrations :

Ministère de la Justice

– M. Laurent Vallée, directeur des affaires civiles et du Sceau et M. Patrick Rossi, chef du bureau du droit de l’économie des entreprises ;

– Mme Véronique Malbec, directrice des services judiciaires et Mme Valérie Amand, chef du bureau du droit de l’organisation judiciaire.

Ministère du Redressement productif

– M. Jacques Muller, commissaire au redressement productif en Alsace ;

– M. Christophe Lerouge, commissaire au redressement productif en Bourgogne.

• Table ronde, ouverte à la presse, réunissant des représentants des juges consulaires :

– M. Jean-Bertrand Drummen, président de la Conférence générale des juges consulaires de France ;

– M. Franck Gentin, président du tribunal de commerce de Paris ;

– M. Yves Lelièvre, président du tribunal de commerce de Nanterre et président de la commission « déontologie » du Conseil national des tribunaux de commerce (CNTC) ;

– M. Jean-Claude Seugé, président honoraire du tribunal de commerce de Versailles et président de la commission « procédure » du Conseil national des tribunaux de commerce (CNTC) ;

– Mme Sabrina Lalaoui, secrétaire générale du Conseil national des tribunaux de commerce.

• Table ronde, ouverte à la presse, sur la formation des juges consulaires :

Conseil national des tribunaux de commerce (CNTC)

– M. Yves Lelièvre, président du tribunal de commerce de Nanterre et président de la commission « déontologie » du Conseil national des tribunaux de commerce (CNTC) ;

– M. Philippe Béziaud, président honoraire du tribunal de commerce de Pontoise.

École nationale de la magistrature (ENM)

– M. Samuel Vuelta-Simon, directeur adjoint ;

– M. Marco Scuccimara, magistrat, sous-directeur des formations professionnelles spécialisées.

Mercredi 30 janvier 2013

• Table ronde, ouverte à la presse, de représentants de syndicats de magistrats :

Syndicat de la magistrature (SM)

– M. Xavier Gardrat, secrétaire national ;

– M. Pascal Montfort, secrétaire national.

Syndicat National Force Ouvrière des Magistrats

– Mme Dominique Hayot, conseillère à la cour d’Appel de Fort-de-France.

• Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Claude Marin, procureur général près la Cour de cassation.

Jeudi 31 janvier 2013

• Table ronde, ouverte à la presse, réunissant des organisations syndicales de salariés :

Confédération française des travailleurs chrétiens – CFTC

– M. Joseph Thouvenel, vice-président.

Mardi 5 février 2013

• Table ronde, ouverte à la presse, réunissant des représentants des mandataires de justice :

Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ)

– Me Marc Sénéchal, président, mandataire judiciaire (Rueil-Malmaison) ;

– Me Xavier Huertas, vice-président, administrateur judiciaire (Nice) ;

– M. Alexandre de Montesquiou, chargé des relations institutionnelles.

Association syndicale professionnelle des administrateurs judiciaires

– Me Régis Valliot, président ;

– Me Vincent Gladel, secrétaire général.

Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires

– Mme Sylvie Devos-Bot, présidente ;

– M. Jean-François Blanc, vice-président ;

– Mme Hélène Bourbouloux, secrétaire du conseil d’administration.

Commission nationale d’inscription et de discipline des administrateurs judiciaires 

– M. Roger Agniel, président de chambre au tribunal de commerce de Paris.

Caisse des dépôts et consignations (CDC)

– Mme Hélène Berenguier, directrice adjointe des clientèles à la direction des services bancaires ;

– Mme Détélina Duteil, chargée de mission ;

– Mme Marie-Michèle Cazenave, responsable du pôle affaires publiques de la Caisse des Dépôts.

 Table ronde, ouverte à la presse, réunissant des représentants des avocats :

Conseil national des Barreaux et Conférence des Bâtonniers

– Me Jean-Louis Cocusse, avocat au Barreau de Paris, membre du Bureau du Conseil national des Barreaux ;

– Me Georges Teboul, avocat au Barreau de Paris, président de l’Association droit et commerce, membre du Conseil national des Barreaux.

Conseil de l’Ordre des avocats de Paris

– Me Antoine Diesbecq, avocat spécialisé en droit commercial, membre du Conseil de l’Ordre.

Association des avocats conseils d’entreprises

– Me William Feugère, président ;

– Me Emmanuel Raskin, président de la commission « procédure ».

Association nationale des avocats pour la sauvegarde des entreprises et leur développement (ANASED)

– Mme Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, présidente.

Confédération nationale des avocats

– Me Jean-Louis Schermann, avocat au Barreau de Paris, président d'honneur.

Syndicat des avocats de France

– Me Bruno Marcus, avocat au Barreau de Bobigny.

Mercredi 6 février 2013

 Table ronde, ouverte à la presse, réunissant des représentants des professions du chiffre :

Conseil supérieur de l’ordre des experts comptables (CSOEC)

– M. Thierry Bellot, expert-comptable et commissaire aux comptes, président d’honneur du CSOEC et président d’honneur du Centre national d’information sur la prévention des difficultés des entreprises (CIP national).

Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C)

– Mme Christine Thin, présidente ;

– M. Nicolas Tronchet, contrôleur.

Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC)

– M. Dominique Levêque, commissaire aux comptes.

 Audition, ouverte à la presse, de représentants du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC) :

– M. Frédéric Barbin, président ;

– M. Philippe Bobet, vice-président et greffier associé du tribunal de commerce Paris.

Jeudi 7 février 2013

 Table ronde, ouverte à la presse, réunissant des représentants des chambres de commerce et de l’artisanat :

Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI)

– M. André Marcon, président de CCI France ;

– M. Philippe Grillot, président de la CCI de Lyon, ancien président du tribunal de commerce de Lyon ;

– M. Jean-Philippe Cavan, responsable au service juridique de l’ACFCI ;

– M. Jérôme Pardigon, responsable des relations institutionnelles.

Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP)

– M. Didier Kling, membre du bureau de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP).

Chambre de commerce internationale (CCI)

– M. Laurent Jaeger, membre du comité consultatif d’ICC France pour la sélection des arbitres.

Assemblée permanente des chambres des métiers et de l’artisanat (APCMA)

– M. François Moutot, directeur général.

 Audition, ouverte à la presse, des représentants du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) :

– M. Michel Guilbaud, directeur général ;

– Mme Joëlle Simon, directrice des affaires juridiques ;

– Mme Ophélie Dujarric, chargée de mission senior à la direction des affaires publiques.

Mardi 12 février 2013

 Audition de représentants de l’Institut français des praticiens des procédures collectives (IFPPC)

– Me Éric Étienne-Martin, président ;

– Me François Legrand, vice-Président ;

– M. Dominique Mélès, secrétaire général ;

– Mme Dominique Dardel, chargée de communication.

 Table ronde, ouverte à la presse, réunissant des spécialistes de la justice consulaire :

– M. Thomas Clay, professeur de droit, président d’honneur du Club « Droits, justice et sécurités » (DJS), co-auteur du rapport du club DJS sur la réforme des tribunaux de commerce ;

– Me Éléonore Caroit, avocat au Barreau de Paris, co-auteur du rapport du club DJS sur la réforme des tribunaux de commerce ;

– M. Xavier de Roux, avocat, ancien député, rapporteur de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

– M. François Colcombet, ancien magistrat et ancien député, rapporteur du projet de loi n° 2545 portant réforme des tribunaux de commerce (2001) ;

– M. Philippe Genin, avocat au barreau de Lyon, ancien bâtonnier.

 Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Claude Magendie, premier président honoraire de la cour d’appel de Paris.

Mercredi 13 février 2013

 Audition, ouverte à la presse, de Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice.

 Audition de représentants de l’Union syndicale des magistrats (USM) :

– Mme Marie-Jeanne Ody, secrétaire nationale de l’USM ;

– M. Gérard Picque, adhérent à l’USM, conseiller à la Cour d’appel de Paris.

Mercredi 20 février 2013

 Audition de M. Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif.

Mercredi 3 avril 2013

 Audition, ouverte à la presse, de représentants des juges consulaires :

– M. Jean-Bertrand Drummen, président de la Conférence générale des juges consulaires de France ;

– M. Franck Gentin, président du tribunal de commerce de Paris.

Déplacements de la mission

Vendredi 22 février 2013 – Déplacement à Poitiers

 Table ronde réunissant des magistrats du siège et du parquet :

– M. Dominique Gaschard, premier président de la Cour d’appel de Poitiers ;

– Mme Élisabeth Jouvenet, président de la 2e chambre civile de la Cour d’appel de Poitiers ;

– Mme Dominique Planquelle, procureur général près de la Cour d’appel de Poitiers ;

– M. François Casassus-Builhe, procureur de la République adjoint près le tribunal de grande instance de Poitiers.

 Table ronde réunissant des administrateurs et mandataires judiciaires :

– Me Frédéric Blanc, mandataire judiciaire ;

– Me Laëtitia Capel, mandataire judiciaire ;

– Me Vincent Rousseau, administrateur judiciaire.

 Table ronde réunissant des représentants des tribunaux de commerce du ressort de la cour d’appel de Poitiers :

– M. Patrick de Lassėe, président du tribunal de commerce de Poitiers ;

– M. Emmanuel de Bodman, président du tribunal de commerce de La Rochelle ;

– M. Roland Tevels, président du tribunal de commerce de Saintes.

 Audition de Mme Maryline Bezaguet, collaboratrice de la Fédération régionale des exploitants agricoles de Poitou-Charentes.

 Audition de M. Michel Verneuil, président de l’Association Léon 16.

 Audition de Me Antoine Montier, mandataire de justice.

Vendredi 1er mars 2013 – Déplacement à Montbéliard

 Table ronde, ouverte à la presse, réunissant des magistrats du parquet :

– Mme Thérèse Brunisso, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montbéliard ;

– M. Alexandre Chevrier, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Belfort ;

– M. Alain Saffar, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Besançon ;

– M. Hervé Robin, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Mulhouse.

 Table ronde, ouverte à la presse, réunissant des juges consulaires :

– M. Joël Bonnef, président du tribunal de commerce de Belfort-Montbéliard, accompagné du vice-président dudit tribunal de commerce, M. Michel Erb ;

– M. Jacques Dardy, président du tribunal de commerce de Besançon.

 Table ronde, ouverte à la presse, réunissant des magistrats du siège :

– M. Bruno Marcelin, président du tribunal de grande instance de Montbéliard ;

– M. Alain Troilo, président de la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Montbéliard.

 Audition, ouverte à la presse, de greffiers des tribunaux de commerce :

– MM. François Boron et Alain Pierrat, greffiers associés, titulaires des greffes des tribunaux de commerce de Belfort et de Besançon.

 Table ronde, ouverte à la presse, sur la prévention et le traitement des difficultés des entreprises :

– Me Philippe Jeannerot, administrateur judiciaire à Versailles, Besançon et Montbéliard ;

– Me Marie-Claude Guyon, mandataire judiciaire à Montbéliard ;

– M. Gilles Cassotti, commissaire au redressement productif.

 Table ronde, ouverte à la presse, réunissant des magistrats de cour d’appel et des avocats :

– M. Jérôme Deharveng, procureur général près la cour d’appel de Besançon ;

– M. Jean-François Thony, procureur général près la cour d’appel de Colmar ;

– Me Philippe Bergeron, avocat à Mulhouse ;

– Me Marie-Christine Vernerey, bâtonnier de l’ordre des avocats à Montbéliard.

ANNEXE N° 1 :
CARTE DES JURIDICTIONS COMMERCIALES

Source : Ministère de l’Intérieur.

ANNEXE N° 2 :
LIVRET DE DÉONTOLOGIE DES JUGES CONSULAIRES

ANNEXE N° 3 :
SERMENT DES JUGES CONSULAIRES

ANNEXE N° 4 :
LIVRET DE FORMATION DES JUGES CONSULAIRES

ANNEXE N° 5 :
FORMATION ÉCONOMIQUE DES MAGISTRATS PROFESSIONNELS

ANNEXE N° 6 :
STATISTIQUES RELATIVES AUX ADMINISTRATEURS
ET MANDATAIRES JUDICIAIRES

STATISTIQUES NATIONALES SUR L’ACTIVITÉDES AJMJ ENTRE 2010 ET 2012

TABLEAU 1. NOMBRE D’AJ ET DE MJ

NOMBRE D’AJ ET DE MJ

ANNÉE

AJ

MJ

AJ ET MJ

2005

118

319

437

2006

112

316

428

2007

111

316

427

2008

108

317

425

2009

108

306

414

2010

118

319

437

2011

119

317

436

2012

121

317

438

En moyenne par an

115

316

431

Source :Observatoire économique du CNAJMJ

TABLEAU 2.NOMBRE DE DÉFAILLANCES PAR DATE D’OUVERTURE DES PROCÉDURES

 

En 2010

En 2011

En 2012

En moyenne par an

En sauvegarde

1 166

1 251

1 762

1 393

En redressement judiciaire

17 786

17 127

18 058

17 657

En liquidation judiciaire

30 981

34 060

33 396

32 812

Nombre total de défaillances

49 933

52 438

53 216

51 862

Source :Observatoire économique du CNAJMJ

TABLEAU 3. SAUVEGARDE

Sauvegarde

En 2010

En 2011

En 2012

Nombre total

1 166

1 251

1 762

Nombre moyen de dossiers par AJ

10

11

15

En sauvegarde, le nombre de dossiers traités en moyenne par an est de 12 par AJ

Source :Observatoire économique du CNAJMJ

TABLEAU 4. REDRESSEMENTS JUDICIAIRES

Redressements judiciaires

En 2010

En 2011

En 2012

Nombre total de RJ

17 786

17 127

18 058

Nombre moyen de dossiers par AJ ou MJ

41

40

42

En redressement judiciaire, le nombre de dossiers traités en moyenne par an est de 41 par AJ OU MJ

Source :Observatoire économique du CNAJMJ

TABLEAU 5. LIQUIDATIONS JUDICIAIRES SANS CONVERSION

Liquidations judiciaires directes

En 2010

En 2011

En 2012

Nombre total de LJ

30 981

34 060

33 396

Nombre moyen de dossier par MJ

98

108

106

En liquidation judiciaire, le nombre de dossiers traités en moyenne par an est de 104 par MJ.

Source :Observatoire économique du CNAJMJ

CA TOTAL PAR ANNÉE, PAR PROFESSION ET GLOBAL ET CA MOYEN PAR ANNÉE, PAR PROFESSION ET GLOBAL

 

CA TOTAL

ANNÉE

AJ

MJ

AJ ET MJ

2005

89 063 089, 47 €

240 772 250,37 €

329 835 339,84 €

2006

97 139 591,00 €

257 245 511,00 €

354 385 102,00 €

2007

99 012 882,00 €

251 633 375,00 €

350 646 257,00 €

2008

108 173 993,00 €

258 100 059,00 €

366 274 052,00 €

2009

118 074 610,00 €

257 197 923,00 €

375 272 533,00 €

2010

129 399 974,00 €

281 858 903,00 €

411 258 877,00 €

2011

117 002 589,81 €

310 695 952,77 €

427 698 542,58 €

 

CA moyen par professionnel

ANNÉE

AJ

MJ

AJ ET MJ

2005

754 771,94 €

754 771,94 €

754 771,94 €

2006

867 317,78 €

814 068,07 €

828 002,57 €

2007

892 007,95 €

796 308,15 €

821 185,61 €

2008

1 001 611,05 €

814 195,77 €

861 821,30 €

2009

1 093 283,43 €

840 516,09 €

906 455,39 €

2010

1 096 609,95 €

883 570,23 €

941 095,83 €

2011

983 215,04 €

980 113,42 €

980 959,96 €

Source :Observatoire économique du CNAJMJ

Source : Activité 2012 du tribunal de commerce de Paris.

ANNEXE N° 7 :
L’ASSURANCE SANTÉ ENTREPRISE

ANNEXE N° 8 :
CARTE DES JIRS

Source : Ministère de l’Intérieur.

ANNEXE N°9 : MODALITÉS DE RÉMUNÉRATION DES ADMINISTRATEURS ET MANDATAIRES JUDICIAIRES.

L’article R. 814-27 du code de commerce prévoit que « la rémunération des administrateurs judiciaires au titre des mandats qui leur sont confiés en matière civile est fixée sur justification de l’accomplissement de leur mission par le président de la juridiction les ayant désignés ».

Le président de la juridiction détermine la rémunération des administrateurs judiciaires selon un barème fixé par décret. En effet, l’article R. 663-3 du code de commerce précise que chacune des diligences accomplies par l’administrateur judiciaire donne lieu à une rémunération qui est exprimée en taux de base (dont le montant est fixé à 100 euros) et qui est proportionnelle au nombre de salariés, au chiffre d’affaires hors taxes, au total du bilan et au prix de cession de l’entreprise ou, le cas échéant, au montant de l’augmentation des fonds propres dûment libérés.

Ainsi un administrateur judiciaire perçoit des rémunérations proportionnelles au nombre de salariés ou au chiffre d’affaires hors taxes de l’entreprise en difficulté :

–  au titre du diagnostic qu’il doit accomplir dans le cadre de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire (article R. 663-4 du code de commerce) ;

– au titre de l’assistance qu’il fournit au débiteur dans le cadre de ces procédures (article R. 663-5 du même code) ;

– au titre de l’exécution de la mission de surveillance qui lui est confiée dans le cadre de ces procédures (article R. 663-6 du même code) ;

– au titre de la mission d’administration de l’entreprise qui lui est dévolue dans le cadre des procédures de redressement ou de liquidation judiciaires (article R. 663-7 du même code) ;

– au titre de l’élaboration du bilan économique, social et environnemental et du concours qu’il apporte au débiteur pour la préparation d’un plan de sauvegarde ou de redressement (article R. 663-9 du même code) ;

– au titre de la réunion des comités de créanciers (article R. 663-10 du même code, qui prévoit un droit fixe de 150 euros par créancier membre d’un comité) ;

– au titre de l’arrêté d’un plan de cession au cours d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires (article R. 663-11 du même code) ;

– au titre de l’augmentation des fonds propres prévue par le plan de sauvegarde ou de redressement (article R. 663-12 du même code).

En fonction de chaque diligence, le taux de base varie :

– selon que l’entreprise en difficulté compte 0 à 5, 6 à 19, 20 à 49, 50 à 149 ou 150 salariés et plus ;

– ou selon que son chiffre d’affaires hors taxes est compris entre 0 et 750 000 euros, 750 000 et 3 millions d’euros, 3 et 7 millions d’euros, 7 et 20 millions d’euros, ou supérieur à 20 millions d’euros;

– ou selon que le prix de cession est compris entre 0 et 15 000 euros, 15 000 et 50 000 euros, 50 000 et 150 000 euros, 150 000 et 300 000 euros, ou supérieur à 300 000 euros.

Toutes les rémunérations dues au titre de chacune des diligences sont susceptibles de se cumuler.

Toutefois, l’article R. 663-13 du code de commerce précise que lorsque le total de la rémunération calculée en application de ce tarif excède 100 000 euros hors taxes, « l’entière rémunération de l'administrateur judiciaire est arrêtée en considération des frais engagés et des diligences accomplies par lui et sans qu'il puisse être fait référence au tarif » susmentionné. Dans ce cas, la rémunération de l'administrateur est arrêtée par le magistrat de la cour d’appel délégué à cette fin par le premier président, au vu d’un état de frais et d’un état descriptif des diligences accomplies, sur proposition du juge-commissaire, et après avis du ministère public et du débiteur. En toute hypothèse, la rémunération ainsi fixée ne peut être inférieure à 100 000 euros hors taxes. L’administrateur judiciaire, le débiteur ou le ministère public peuvent former un recours contre la décision du magistrat de la cour d’appel chargé de liquider la rémunération. Ce recours est porté devant le premier président de la cour d'appel.

La rémunération des mandataires judiciaires obéit à des règles assez semblables.

Les mandataires judiciaires perçoivent des rémunérations fixes :

– s’ils interviennent dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire et s’ils ne sont pas ensuite désignés comme liquidateurs (article R. 663-18 du code de commerce, qui prévoit un droit fixe de 2 500 euros) ;

– s’ils interviennent comme liquidateurs dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire (droit fixe de 2 500 euros prévu par l’article R. 663-19 du même code) – étant précisé qu’en cas de désignation de plusieurs mandataires judiciaires ou de plusieurs liquidateurs, chacun d’entre eux perçoit un droit fixe (article R. 663-20) ;

– au titre de l’enregistrement des créances (article R. 663-22 du même code, qui prévoit un droit fixe de 5 euros par créance inférieure à 150 euros, et de 10 euros par créance supérieure ou égale à 150 euros) ;

– au titre de la vérification des créances autres que salariales, déclarées et enregistrées (article R. 663-23 du même code, qui prévoit un droit fixe de 30 euros par créance dont le montant est compris entre 40 et 150 euros, et un droit fixe de 50 euros par créance dont le montant dépasse 150 euros) ;

– au titre de l’établissement des relevés des créances salariales (article R. 663-24 du même code, qui prévoit un droit fixe de 120 euros par salarié) ;

– au titre de contestations relatives aux créances autres que salariales (droit fixe de 100 euros prévu par l’article R. 663-25 du même code) ;

– au titre de tout contentieux portant sur une demande en revendication ou en restitution et ayant donné lieu à une décision du juge-commissaire (droit fixe de 100 euros prévu par l’article R. 663-25 du même code) ;

– au titre de toute instance introduite ou reprise devant une juridiction prud’homale (droit fixe de 100 euros prévu par l’article R. 663-25 du même code) ;

– au titre des obligations résultant de la cessation d’activité d’une ou plusieurs installations classées pour la protection de l’environnement (droits fixes allant de 500 à 4 500 euros, selon les types d’installations).

À toutes ces rémunérations fixes, qui peuvent se cumuler, s’ajoutent des rémunérations proportionnelles soit au montant cumulé des sommes encaissées par l’ensemble des créanciers ou consignées à la Caisse des dépôts et consignations, soit au chiffre d’affaires hors taxes, soit au prix de cession :

– au titre de la répartition des fonds entre les créanciers (article R. 663-26 du code de commerce renvoyant à l’article R. 663-1, et article R. 663-30) ;

– au titre de la mission d’administration de l’entreprise, en cas de maintien de l’activité (article R. 663-28 du même code) ;

– au titre de la cession des actifs mobiliers corporels et incorporels et de la réalisation des actifs immobiliers incorporels (article R. 663-29 du même code) ;

– au titre de tout encaissement ou recouvrement de créance (article R. 663-29 du même code).

En fonction de chaque diligence, les rémunérations proportionnelles varient :

– selon que le montant des sommes encaissées par les créanciers ou consignées à la Caisse des dépôts et consignations ou le montant des créances recouvrées ou le prix de cession des actifs est compris entre 0 et 15 000 euros, 15 000 et 50 000 euros, 50 000 et 150 000 euros, ou 150 000 et 300 000 euros ou supérieur à 300 000 euros ;

– selon que le chiffre d’affaires hors taxes est compris entre 0 et 150 000 euros, 150 000 et 750 000 euros, ou 750 000 et 3 millions d’euros, ou supérieur à 3 millions d’euros.

Comme les rémunérations fixes, les rémunérations proportionnelles du mandataire judiciaire peuvent être cumulées.

Toutefois, l’article R. 663-31 du code de commerce précise que lorsque le total de la rémunération calculée en application de ce tarif excède 75 000 euros hors taxes, « l’entière rémunération du liquidateur est arrêtée en considération des frais engagés et des diligences accomplies par lui et sans qu'il puisse être fait référence au tarif » susmentionné. Selon la même logique de plafonnement qui prévaut pour les administrateurs judiciaires, la rémunération du mandataire judiciaire-liquidateur est arrêtée par le magistrat de la cour d’appel délégué à cette fin par le premier président, au vu d’un état de frais et d’un état descriptif des diligences accomplies sur proposition du juge-commissaire, après avis du ministère public et du débiteur. En toute hypothèse, la rémunération du mandataire judiciaire-liquidateur ne peut être inférieure à 75 000 euros hors taxes. Néanmoins, le liquidateur, le débiteur et le ministère public peuvent former un recours contre la décision du magistrat de la cour d’appel : ce recours est porté devant le premier président de la cour d’appel.

Ainsi, pour les procédures collectives ouvertes à l’encontre d’entreprises de grande taille, le barème est plafonné et les honoraires des administrateurs et mandataires judiciaires sont fixés au regard des « diligences accomplies », pour reprendre la formule des articles R. 663-13 et R. 633-31 du code de commerce.

Outre les rémunérations fixes ou proportionnelles liées à l’exécution de leurs tâches, les administrateurs et mandataires judiciaires perçoivent des sommes au titre du remboursement des débours exposés dans le cadre de leur mandat, ainsi que des droits de toute nature qu’ils reversent au Trésor, notamment pour le compte de l’entreprise débitrice (211).

Enfin, outre qu’ils jouissent du privilège des frais de justice pour garantir le paiement de leurs créances d’honoraires, les administrateurs et mandataires judiciaires bénéficient d’un dispositif d’indemnisation des dossiers impécunieux, géré par la Caisse des dépôts et consignations (212).

1 () La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

2 () Un édit de 1563, inspiré par le chancelier Michel de l'Hospital, crée une juridiction consulaire à Paris et prévoit qu'il pourra en être créé chaque fois qu'une ville souhaitera en avoir un.

3 () Dans la note qu’il a fournie à la mission, le tribunal de commerce de Paris indique qu’en son sein, 79,2 % des jugements de contentieux ont été prononcés dans un délai de 10 semaines après les débats, au cours de l’année 2012.

4 () En 2013, ce nombre est de 134, à la suite de la fusion des tribunaux de commerce de Lille et de Roubaix-Tourcoing. Voir la carte des juridictions commerciales en annexe n° 1.

5 () D’après le professeur Thomas Clay (intervention à la table ronde réunissant des spécialistes de la justice consulaire, le 12 février 2013), 98 % du contentieux commercial international est soumis à des arbitres, ce qui tient aussi et surtout à la complexité de ce contentieux et à celle du droit international privé. D’après les chiffres indiqués par l’Union syndicale des magistrats, dans la contribution écrite qu’elle a fournie à la mission, ce sont environ 70 % de l’ensemble des contentieux commerciaux, internes et internationaux, qui échappent aux juridictions consulaires.

6 () Voir : http://www.gouvernement.fr/presse/pacte-national-pour-la-croissance-la-competitivite-et-l-emploi

7 () Parmi ces travaux, on peut citer les suivants :

- Rapport n° 1038 fait au nom de la commission d’enquête sur l’activité et le fonctionnement des tribunaux de commerce par les députés François Colcombet et Arnaud Montebourg, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 juillet 1998 ;

- Rapport d’enquête sur l’organisation et le fonctionnement des tribunaux de commerce établi par des membres de l’Inspection générale des Finances, Ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie, n° 98 M 019 01, juillet 1998 ;

- Rapport n° 2912 fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi n° 2545 portant réforme des tribunaux de commerce, par le député François Colcombet, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er février 2001 ;

- Rapport n° 178 (2001-2002) fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant réforme des tribunaux de commerce, par le sénateur Paul Girod, annexé au procès-verbal de la séance du Sénat du 23 janvier 2002.

8 () Rapport n° 1038 fait au nom de la commission d’enquête sur l’activité et le fonctionnement des tribunaux de commerce par les députés François Colcombet et Arnaud Montebourg, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 juillet 1998, pp. 278-282 et pp. 287-288.

9 () J. - C. Magendie, « Tribunaux de commerce : réformer sans stigmatiser », Les Échos, 18 octobre 2012, p. 12.

10 () Les conseillers sont élus au scrutin de liste à la proportionnelle en application de l’article L. 1141-29 du code du travail.

11 () Les membres des tribunaux sont élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour en application de l’ article L. 492-3 du code rural et de la pêche maritime.

12 () Décision n° 2012-241 QPC du 4 mai 2012, EURL David Ramirez.

13 () Club Droits, Justice et Sécurités, Rapport sur la réforme des tribunaux de commerce, 8 décembre 2012, p. 3.

14 () Club Droits, Justice et Sécurités, Rapport sur la réforme des tribunaux de commerce, 8 décembre 2012, p. 7.

15 () Conseil national des tribunaux de commerce, Rapport annuel 2010 rédigé sous la direction de Monsieur Jacques Raibaut, vice-président du Conseil national des tribunaux de commerce, pp. 8 et 9.

16 () Ibid.

17 () Club Droits, Justice et Sécurités, Rapport sur la réforme des tribunaux de commerce, 8 décembre 2012, p. 8.

18 () Rapporteur du projet de loi n° 2545 portant réforme des tribunaux de commerce (2001).

19 () Table ronde, réunissant des spécialistes de la justice consulaire, le 12 février 2013.

20 () Déplacement de la mission d’information à Poitiers, table ronde des présidents des tribunaux de commerce, 22 février 2013.

21 () En application de l’art. L. 723-3 du code de commerce, la liste électorale est établie par une commission présidée par le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés. En cas de création d'un tribunal de commerce, le premier président de la cour d'appel désigne comme président de la commission un magistrat de l'ordre judiciaire.

22 () Conseil national des tribunaux de commerce, Rapport annuel 2010 rédigé sous la direction de Monsieur Jacques Raibaut, vice-président du Conseil national des tribunaux de commerce, p. 10.

23 () Voir en ce sens les interventions de  MM. André Marcon, président de CCI France, et de M. François Moutot, directeur général de l’Assemblée permanente des chambres des métiers et de l’artisanat (APCMA) au cours de la table ronde réunissant des représentants des chambres de commerce, d’agriculture et de l’artisanat, 7 février 2013.

24 () Table ronde réunissant des représentants des chambres de commerce, d’agriculture et de l’artisanat, le 7 février 2013.

25 () En application de plusieurs dispositions combinés du code rural et de la pêche maritime, Le tribunal des baux ruraux statue sur des conflits concernant par exemple un loyer de fermage, la durée de métayage, la reprise de la terre. Le tribunal de grande instance est compétent pour les conflits relatifs à l’existence et à la nature d’un bail rural. Le tribunal d’instance doit être saisi pour les conflits relatifs au paiement d’un fermage.

26 () Décision n° 2012-241 QPC du 4 mai 2012, EURL David Ramirez, considérant n° 32.

27 () Audition des représentants du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), le 7 février 2013.

28 () Déplacement de la mission d’information à Poitiers, table ronde des présidents des tribunaux de commerce, le 22 février 2013.

29 () Table ronde réunissant des représentants des chambres de commerce, d’agriculture et de l’artisanat, le 7 février 2013.

30 () Table ronde réunissant des représentants des professions du chiffre, le 6 février 2013.

31 () Décision n° 2012-241 QPC du 4 mai 2012, EURL David Ramirez, considérant n° 35.

32 () Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

33 () Article créé par l’article 25 de la loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 relative à l’application de l’article 65 de la Constitution.

34 () Table ronde réunissant des représentants des juges consulaires, le 29 janvier 2013.

35 () Voir le document en annexe n° 2.

36 () Loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats.

37 () Audition de Mme Christiane Taubira, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, le 13 février 2013.

38 () Voir document en annexe n° 3.

39 () Table ronde réunissant des représentants des juges consulaires, le 29 janvier 2013.

40 () Club Droits, Justice et Sécurités, Rapport sur la réforme des tribunaux de commerce, 8 décembre 2012, p. 19.

41 () Déplacement de la mission d’information à Poitiers, table ronde des présidents des tribunaux de commerce, le 22 février 2013.

42 () Déplacement de la mission d’information à Poitiers, table ronde réunissant les magistrats du siège et du parquet, le 22 février 2013.

43 () Contribution écrite fournie à la mission.

44 () Table ronde réunissant des spécialistes de la justice consulaire, le 12 février 2013. Voir en ce sens les interventions de M. Xavier de Roux, avocat, ancien député, rapporteur de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et de  M. Philippe Genin, avocat au barreau de Lyon, ancien bâtonnier.

45 () Voir en ce sens l’intervention de Me Georges Teboul, avocat au Barreau de Paris, président de l’Association droit et commerce, membre du Conseil national des Barreaux, au cours de la table ronde réunissant des représentants des avocats, le 5 février 2013.  

46 () L’ENM était toute désignée pour accomplir cette tâche, dans la mesure l’article 1-1 du décret n° 72-355 du 4 mai 1972, qui la concerne, précise que « l’École nationale de la magistrature a pour missions : […] b) la formation de personnes n’appartenant pas au corps judiciaire et amenées à exercer, dans l’ordre judiciaire, soit des fonctions juridictionnelles, soit celles de délégués du procureur de la République, de médiateurs judiciaires ou de conciliateurs judiciaires ».

47 () S. Guinchard, G. Azibert et N. Fricero, Rapport sur la formation des juges consulaires, remis au garde des Sceaux, ministre de la Justice en avril 2003.

48 () Chiffres fournis par M. Samuel Vuelta-Simon, directeur-adjoint de l’ENM, lors de la table ronde sur la formation des juges consulaires du 29 janvier 2013.

49 () Ces sessions de formation continue prennent des formes diverses (colloques, groupes de travail interactifs, etc.) et font intervenir des universitaires, des magistrats ou des avocats choisis pour leur expertise et pour leurs compétences pédagogiques.

50 () Table ronde sur la formation des juges consulaires, le 29 janvier 2013.

51 () Id.

52 () Dans son rapport annuel de 2010, le Conseil national des tribunaux de commerce projetait de créer une formation générale de « niveau II » comprenant dix jours de formation à destination des juges consulaires ayant déjà un ou deux ans de pratique. Il recommandait par ailleurs d’étoffer le temps consacré, dans la formation initiale et continue, aux questions éthiques et déontologiques, en concrétisant les problématiques grâce à des mises en situation.

53 () Table ronde sur la formation des juges consulaires, le 29 janvier 2013. D’après la contribution écrite fournie à la mission par M. Jean-François Thony, procureur général près la cour d’appel de Colmar, « il suffirait à l’ENM, pour doper la formation des juges consulaires, d’un budget annuel supplémentaire de 100 à 300 euros par juge consulaire ».

54 () Table ronde sur la formation des juges consulaires, le 29 janvier 2013.

55 () Article 1-1 du décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l’École nationale de la magistrature : « l’École nationale de la magistrature a pour missions : a) la formation initiale et continue des magistrats de l’ordre judiciaire français ». Et l’article 40 du même décret ajoute que « les auditeurs de justice recrutés [par la voie des concours de l’ENM] sont affectés à l'École nationale de la magistrature » et que « la durée de leur formation est de trente et un mois ».

56 () L’article 50 du décret du 4 mai 1972 précise que « tout magistrat suit chaque année au moins cinq jours de formation » et que « tout magistrat nommé à des fonctions qu'il n'a jamais exercées auparavant suit en outre, dans les deux mois qui suivent son installation, la formation à la prise de fonctions correspondante. »

57 () Table ronde réunissant des représentants des juges consulaires, le 29 janvier 2013.

58 () Rapport annuel 2010 du Conseil national des tribunaux de commerce (CNTC), projet n° 5 : « élaborer un décret permettant de faire de la formation continue une “obligation” de nature déontologique pour les juges consulaires ». La commission « formation » du CNTC préconisait en outre de confier aux présidents des tribunaux de commerce la responsabilité du suivi effectif des formations par les juges de son tribunal ainsi que de l’organisation d’un entretien annuel permettant de définir les domaines dans lesquels les juges consulaires auraient particulièrement d’une formation adaptée.

59 () Discours de M. Jean-Bertrand Drummen au Congrès national des tribunaux de commerce, le 30 novembre 2012.

60 () Voir le document figurant en annexe n° 4.

61 () S. Guinchard, G. Azibert et N. Fricero, Rapport sur la formation des juges consulaires, remis au garde des Sceaux, ministre de la Justice en avril 2003, p. 9.

62 () Id.

63 () S. Guinchard, G. Azibert et N. Fricero, Rapport sur la formation des juges consulaires, remis au garde des Sceaux, ministre de la Justice en avril 2003, p. 10.

64 () Contribution écrite de M. Jean-François Thony, procureur général près la cour d’appel de Colmar.

65 () Lors de la table ronde qui a réuni des représentants des juges consulaires, le 29 janvier 2013, M. Franck Gentin, président du tribunal de commerce de Paris, a toutefois indiqué que, si le dispositif parisien devait être étendu, les certificats délivrés en cas de succès aux examens devraient, dans un souci de transparence, être délivrés par un organisme distinct du tribunal de commerce.

66 () Table ronde sur la formation des juges consulaires, le 29 janvier 2013.

67 () Table ronde sur la formation des juges consulaires, le 29 janvier 2013.

68 () P. Cahuc, S. Carcillo, Les juges et l’économie : une défiance française, Institut Montaigne, décembre 2012. Les auteurs de cette étude s’appuient sur une enquête réalisée en septembre 2011 auprès d’une population représentative de 305 magistrats et de 940 personnes vivant en France et travaillant dans le secteur public ou privé. Les magistrats ont été interrogés sur leur formation en économie, en sciences sociales, en comptabilité ainsi que sur leur intérêt pour les questions économiques et sur leur opinion sur le rôle de l’État en matière économique ou encore sur la concurrence.

69 () P. Cahuc, S. Carcillo, Les juges et l’économie : une défiance française, Institut Montaigne, décembre 2012, p. 43-45.

70 () Ibid, p. 43.

71 () Audition du 13 février 2013.

72 () Voir le document en annexe n° 5 et le lien suivant :

http://www.enm-justice.fr/_uses/lib/5762/Prog_pedago_2012.pdf

73 () Table ronde sur la formation des juges consulaires, le 29 janvier 2013.

74 () En application de l’article L. 121-3 du code de l’organisation judiciaire, « chaque année, le premier président de la Cour de cassation, le premier président de la cour d'appel, le président du tribunal de grande instance, et le magistrat chargé de la direction et de l'administration du tribunal d'instance répartissent les juges dans les différents services de la juridiction. »

75 () Audition du 12 février 2013.

76 () Table ronde réunissant des représentants de syndicats de magistrats, le 30 janvier 2013.

77 () Article L. 811-1 du code de commerce.

78 () Article L. 812-1 du code de commerce.

79 () Table ronde réunissant des représentants des administrations, le 29 janvier 2013.

80 () Table ronde réunissant des représentants des mandataires de justice, le 5 février 2013.

81 () Voir les documents en annexe n° 6.

82 () Les articles R. 811-7 (pour l’examen d’accès au stage d’administrateur judiciaire) et R. 812-5 (pour l’examen d’accès au stage de mandataire judiciaire) du code de commerce, prévoient que les candidats doivent justifier d’un diplôme en droit, en sciences économiques ou en gestion d’un niveau minimum égal à bac + 4 (Master 1), ou d’un diplôme d'études supérieures comptables et financières (DESCF), ou d’un diplôme d'expertise comptable (DEC) ou d’un certificat d'aptitude aux fonctions de commissaire aux comptes.

83 () Articles R. 811-15 et R. 812-8 du code de commerce.

84 () Les articles L. 811-4 et L. 812-2-2 du code de commerce fixent la composition de cette commission. Présidée par un conseiller à la Cour de cassation, cette commission est composée de membres du Conseil d’État, de la Cour des comptes, de l’Inspection générale des Finances, de magistrats de cours d’appel, de juges consulaires, d’universitaires et de personnalités qualifiées.

85 () Table ronde réunissant des représentants des mandataires de justice, le 5 février 2013.

86 () Table ronde réunissant des représentants des mandataires de justice, le 5 février 2013.

87 () Ces enjeux ont notamment été exposés par la commission présidée par Me Jean-Michel Darrois, dans le rapport sur les professions du droit qui, intitulé « Vers une grande profession du droit », a été remis au précédent Président de la République en avril 2009.

88 () Le nombre d’épreuves écrites est de sept pour les candidats au stage d’administrateur judiciaire : en 2011, l’examen comportait quatre épreuves de dissertation sur le droit national des entreprises en difficulté, sur le droit social lié aux procédures collectives, sur le droit des sociétés et des groupements, et sur le droit des contrats, une épreuve de note de synthèse sur le droit européen et international des entreprises en difficulté, ainsi que deux épreuves pratiques sur le contrôle de gestion et la comptabilité. Le nombre d’épreuves écrites est de six pour les candidats au stage de mandataire judiciaire : en 2011, l’examen comprenait une note de synthèse sur le droit européen et international des entreprises en difficulté, deux dissertations sur le droit national des entreprises en difficultés et le droit des procédures civiles d’exécution, ainsi que deux commentaires d’arrêt sur le droit de la vente et des sûretés et sur le droit social des entreprises en difficulté.

89 () En 2010, l’examen d’aptitude à la profession d’administrateur judiciaire comportait trois épreuves de dissertation sur le droit national des entreprises en difficulté, sur le droit des sociétés et des groupes, sur le droit social, sur le droit et la gestion des contrats, ainsi que deux cas pratique, l’un de comptabilité et l’autre de contrôle de gestion. En 2010, l’examen d’aptitude à la profession de mandataire judiciaire comportait quatre épreuves de dissertation sur le droit national des entreprises en difficulté, sur le droit de la vente et des sûretés, sur le droit des procédures civiles d’exécution, sur le droit social ainsi que deux cas pratiques, dont l’un de comptabilité financière.

90 () Table ronde réunissant des représentants des mandataires de justice, le 5 février 2013.

91 () Ce sont les chiffres estimatifs fournis par Me Régis Valliot, président de l’Association syndicale professionnelle des administrateurs judiciaires (ASPAJ), lors de la table ronde qui a réuni des représentants des mandataires de justice, le 5 février 2013. Dans son rapport pour l’année 2011, l’Observatoire des délais de paiement indiquait que le crédit inter-entreprises représentait en France environ 605 milliards d’euros, soit environ 73 % de la totalité des crédits bancaires utilisés par les entreprises résidentes.

92 () Selon Me Philippe Genin, avocat au barreau de Lyon, l’ouverture d’une procédure de prévention ou de traitement des difficultés des entreprises provoque presque toujours une rupture du « crédit fournisseur » (table ronde réunissant des spécialistes de la justice consulaire, le 12 février 2013).

93 () Table ronde réunissant des représentants des avocats, le 5 février 2013.

94 () Voir infra.

95 () Intervention de M. Philippe Grillot, président de la chambre de commerce et d’industrie de Lyon, lors de la table ronde qui a réuni des représentants des chambres de commerce et d’industrie ainsi que des chambres des métiers et de l’artisanat, le 7 février 2013.

96 () « Difficultés des entreprises : mieux vaut prévenir que guérir », Le Progrès, 2 mai 2012.

97 () Article L. 611-3 du code de commerce. L’article L. 611-13 fixe les cas d’incompatibilité faisant obstacle à la désignation de certaines personnes comme mandataires.

98 () D’après les chiffres fournis à la mission, 1 109 procédures de mandat ad hoc ont été ouvertes en 2011.

99 () Article L. 611-4 du code de commerce. D’après les chiffres fournis à la mission, 854 procédures de conciliation ont été ouvertes en 2011.

100 () Article L. 611-7 du code de commerce.

101 () Article L. 611-8, II, du code de commerce.

102 () Article L. 611-8, I, du code de commerce : « le président du tribunal, sur la requête conjointe des parties, constate leur accord et donne à celui-ci force exécutoire. Il statue au vu d'une déclaration certifiée du débiteur attestant qu'il ne se trouvait pas en cessation des paiements lors de la conclusion de l'accord, ou que ce dernier y met fin. La décision constatant l'accord n'est pas soumise à publication et n'est pas susceptible de recours. Elle met fin à la procédure de conciliation. »

103 () Article L. 232-22 du code de commerce.

104 () Article L. 232-23 du code de commerce.

105 () Article L. 232-21 du code de commerce.

106 () Article R. 247-3 du code de commerce, renvoyant à l’article 131-13 du code pénal.

107 () À l’exception des sociétés à responsabilité limitée (SARL) et des sociétés par actions simplifiées (SAS) dont l'associé unique, personne physique, assume personnellement la gérance ou la présidence, et qui, à la clôture d'un exercice social, ont un total de bilan inférieur à 1 million d’euros, un montant hors taxe du chiffre d'affaires inférieur à 2 millions d’euros et un nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l'exercice inférieur à 20, (article R. 232-1-1 du code de commerce), les sociétés commerciales sont tenues par l’article L. 232-1 du code de commerce d’établir un rapport de gestion exposant « la situation de la société durant l'exercice écoulé, son évolution prévisible, les événements importants survenus entre la date de la clôture de l'exercice et la date à laquelle il est établi, [ainsi que] ses activités en matière de recherche et de développement ». Par ailleurs, les sociétés commerciales qui, à la clôture d'un exercice social, comptent trois cents salariés ou plus ou dont le montant net du chiffre d'affaires, à la même époque, est égal ou supérieur à 18 millions d’euros (article R. 232-2 du même code), sont tenues d'établir une situation de l'actif réalisable et disponible et du passif exigible, un compte de résultat prévisionnel, un tableau de financement en même temps que le bilan annuel et un plan de financement prévisionnel, en application de l’article L. 232-2 du code de commerce.

108 () Cette dispense ne profite pas aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations dans les conditions prévues par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

109 () Article L. 85, alinéa 2, du livre des procédures fiscales.

110 () Article 2, § 1, f de la directive du 9 mars 1968.

111 () Article 62 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives.

112 () Article L. 232-24 du code de commerce : « le greffier, lorsqu'il constate l'inexécution du dépôt prévu au I des articles L. 232-21 à L. 232-23, informe le président du tribunal de commerce pour qu'il puisse faire application du II de l'article L. 611-2. »

113 () Audition des représentants du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC), le 6 février 2013.

114 () Chiffre fourni par M. Frédéric Barbin, président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC), lors de son audition, le 6 février 2013.

115 () Article R. 611-13 du code de commerce.

116 () Article L. 611-2, I, al. 2 et II, al. 2, du code de commerce.

117 () Article L. 611-2, I, al. 2, du code de commerce.

118 () Id.

119 () Sur le devoir d’alerte du président du tribunal de commerce, voir notamment : I. Rohart-Messager, « La prévention-détection par les présidents des tribunaux de commerce », Gazette du Palais, 9 janvier 2010, n° 9, p. 5.

120 () Article L. 611-1 du code de commerce.

121 () L’article L. 225-120, I, du code de commerce dispose que « dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, les actionnaires justifiant d'une inscription nominative depuis au moins deux ans et détenant ensemble au moins 5 % des droits de vote peuvent se regrouper en associations destinées à représenter leurs intérêts au sein de la société ». Le II du même article ajoute que « lorsque le capital de la société est supérieur à 750 000 euros, la part des droits de vote à représenter en application de l'alinéa précédent, est, selon l'importance des droits de vote afférent au capital, réduite ainsi qu'il suit : 1° 4 % entre 750 000 euros et jusqu'à 4 500 000 euros ; 2° 3 % entre 4 500 000 euros et 7 500 000 euros ; 3° 2 % entre 7 500 000 euros et 15 000 000 euros ; 4° 1 % au-delà de 15 000 000 euros. »

122 () Article L. 2323-80 du code du travail.

123 () Article L. 2323-79 du code du travail.

124 () Article L.234-1 du code de commerce, qui organise le devoir d’alerte dans les sociétés commerciales constituées sous forme de sociétés anonymes. Ce devoir d’alerte est également mis à la charge des commissaires aux comptes de sociétés commerciales constituées autrement que sous la forme de sociétés anonymes (article L. 234-2 du code de commerce), de groupements d’intérêt économique (article L. 251-15 du même code) et de personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique (article L. 612-3 du même code).

125 () F. Pérochon, Entreprises en difficulté, LGDJ, 9e éd., octobre 2012, n° 37.

126 () Table ronde réunissant des représentants des professions du chiffre, le 6 février 2013.

127 () Voir le document en annexe n° 7.

128 () Sur ce dispositif, voir également : S. Belinguier, « L’assurance santé-entreprise : prévention et sauvegarde de l’entreprise en difficulté par la couverture des honoraires des “experts de crise” », Gazette du Palais, 22 janvier 2013, n° 22, p. 19.

129 () La prise en charge des honoraires de ces professionnels nécessite toutefois un accord préalable.

130 () La prise en charge des honoraires de ces experts ne nécessite pas d’accord préalable.

131 () Ph. Roussel-Galle, D. Tricot, La réforme du droit des entreprises en difficulté par la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, Litec, 2005, n° 40.

132 () Rapport n° 2095 (XIIe législature) sur le projet de loi (n° 1596) de sauvegarde des entreprises, fait, au nom de la commission des Lois, par M. Xavier de Roux, député, pp. 54-55.

133 () Articles 2331, 1°, et 2375, 1°, du code civil.

134 () Table ronde réunissant des spécialistes de la justice consulaire, le 12 février 2013.

135 () Loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté.

136 () En application de l’article L. 631-1 du code de commerce, l’état de cessation des paiements est défini comme l’impossibilité pour une entreprise de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Il est revenu à la jurisprudence de préciser les notions de « passif exigible » et d’« actif disponible ».

137 () L’assurance-crédit est une forme d’assurance qui garantit les entreprises ou les banques contre les défauts de paiement d’emprunteurs survenus pour des motifs soit qui sont propres à ces débiteurs (insolvabilité), soit qui relèvent de contraintes extérieures, comme les risques politiques dans les contrats d’exportation comportant un crédit client.

138 () La France compte trois principaux « assureurs crédit » : Coface, Atradius et Euler Hermes. À côté de ces trois principaux acteurs, qui se partagent l’essentiel du marché, émergent également Ducroire SA, HCC International, Axa Assurcredit et Groupama Assurance-Crédit.

139 () Table ronde réunissant des représentants des administrations, le 29 janvier 2013.

140 () Table ronde réunissant des représentants des mandataires de justice, le 5 février 2013.

141 () Table ronde réunissant des représentants des juges consulaires, le 29 janvier 2013.

142 () Discours de M. Jean-Bertrand Drummen au Congrès national des tribunaux de commerce, le 30 novembre 2012.

143 () Table ronde réunissant des représentants des juges consulaires, le 29 janvier 2013.

144 () Audition de représentants du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), le 7 février 2013.

145 () Décision n° 2012-241 QPC du 4 mai 2012, EURL David Ramirez, considérant n° 27.

146 () Décision n° 2012-286 QPC du 7 décembre 2012, Société Pyrénées services et autres, considérant n° 6.

147 () Voir les décrets n° 2008-146 du 15 février 2008 et n° 2009-1629 du 23 décembre 2009 modifiant le siège et le ressort des tribunaux de commerce.

148 () Décret n° 2012-1047 du 13 septembre 2012 portant suppression des tribunaux de commerce de Lille et de Roubaix-Tourcoing et création du tribunal de commerce de Lille Métropole.

149 () Voir le document en annexe n° 1.

150 () Audition de Mme Christiane Taubira, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, le 13 février 2013.

151 () C. cass., comm.., 11 octobre 2011, n° 10-21.373.

152 () C. cass., comm., 11 décembre 2012, n° 11-26.555. 

153 () Audition de Mme Christiane Taubira, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, le 13 février 2013.

154 () Table ronde réunissant les administrations, le 29 janvier 2013.  

155 () Déplacement de la mission d’information à Poitiers, table ronde réunissant les magistrats du siège et du parquet, le 22 février 2013.

156 () Voir supra.

157 () Audition de M. Jean-Bertrand Drummen, président de la Conférence générale des juges consulaires de France, et de M. Franck Gentin, président du tribunal de commerce de Paris, le 3 avril 2013.

158 () Voir infra.

159 () D’après les chiffres fournis à la mission par l’observatoire économique du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, 53 216 procédures collectives ont été ouvertes en 2012, dont 1 762 procédures de sauvegarde, 18 058 procédures de redressement judiciaire et 33 396 procédures de liquidation judiciaire (voir le document en annexe n° 6). En Allemagne, seules les entreprises justifiant d’un minimum d’actifs sont éligibles au régime des procédures collectives, ce qui explique que le nombre des défaillances outre-Rhin soit seulement d’environ 25 000.

160 () 622 000 en 2011.

161 () H. Bourbouloux, « Les chiffres trompeurs : halte aux idées reçues ! La boîte à outils du livre VI est performante », Bulletin Joly Entreprises en difficulté, juillet-août 2012, pp. 206-207.

162 () Si l’on rapporte ce chiffre au nombre total d’administrateurs et de mandataires judiciaires, qui était de 438 en 2012, cela signifie qu’en 2012, un administrateur ou un mandataire judiciaire a traité, en moyenne, 1,5 dossier concernant une entreprise de plus de 50 salariés. D’après des estimations fournies à la mission, environ 90 % des dossiers traités par les administrateurs et mandataires judiciaires portent sur des entreprises dépourvues de salariés.

163 () H. Bourbouloux, « Les chiffres trompeurs : halte aux idées reçues ! La boîte à outils du livre VI est performante », Bulletin Joly Entreprises en difficulté, juillet-août 2012, pp. 206-207.

164 () Table ronde réunissant des représentants des juges consulaires, le 29 janvier 2013.

165 () Voir supra.

166 () Il serait également envisageable d’ouvrir la possibilité de demander le dépaysement aux salariés de l’entreprise débitrice et aux commissaires au redressement productif.

167 () Dans la contribution écrite qu’il a fournie à la mission, M. Jean-Claude Marin, procureur général près la Cour de cassation, explique qu’« il pourrait être envisagé une spécialisation, par département ou par ressort de cour d’appel, des tribunaux de commerce qui seraient seuls compétents pour connaître […] des procédures collectives ouvertes dans leur ressort. »

168 () Pour ce qui concerne le nombre moyen de salariés permanents employés au cours de l’exercice, le seuil pourrait, par exemple, être fixé à 300 ou 400 salariés (seuil d’intervention du Comité interministériel de restructuration industrielle - CIRI).

169 () Articles 706-75 et suivants du code de procédure pénale.

170 () Fin 2007, les JIRS comptaient 110 postes de magistrats et 130 fonctionnaires dédiés. Elles s’étaient vues confier 772 affaires dont 75 % pour des faits de grande criminalité et 25 % pour des infraction économiques et financières.

171 () Voir la carte des juridictions inter-régionales spécialisées en annexe n° 8.

172 () Audition du 30 janvier 2013.

173 () Ce texte ouvre des actions en responsabilité :

- en cas d’obtention ou de tentative d'obtention d'avantages injustifiés auprès d'un partenaire commercial ;

-  en cas de soumission d'un partenaire à des obligations créant un déséquilibre significatif entre les parties ;

- en cas d’obtention ou de tentative d’obtention d’avantages préalables à la passation de commande dans engagement de contrepartie écrit ;

-  en cas de rupture brutale des relations commerciales établies ;

-  en cas d’imposition à un partenaire de délais de paiement excessifs ;

-  en cas de compensation d’office de pénalités sur les factures des fournisseurs ;

-  en cas d’absence de communication des conditions générales de vente ;

-  en cas de refus, pour un distributeur, de mentionner sur l'étiquetage d'un produit vendu sous sa marque le nom et l'adresse du fabricant.

174 () Le dispositif légal et réglementaire de spécialisation souhaité par vos rapporteurs est d’autant plus justifié, cohérent et aisé à mettre en place, que, comme l’a indiqué M. Franck Gentin, président du tribunal de commerce de Paris, lors de son audition du 3 avril 2013, cette spécialisation est déjà une réalité. D’après les chiffres fournis à la mission par M. Franck Gentin :

-  le nombre annuel de procédures collectives concernant des entreprises de plus de 300 salariés est inférieur à trente et, en moyenne, seuls trois tribunaux de commerce traitent chaque année plus d’une procédure de ce type ;

-  le nombre annuel de procédures collectives concernant des entreprises de plus de 100 salariés est d’environ 160 et, en moyenne, 100 tribunaux de commerce connaissent chaque année d’une procédure de ce type.

175 () Audition du 12 février 2013.

176 () Conseil constitutionnel, décision n° 2004-510 DC du 20 janvier 2005.

177 () Ibid., considérant n° 16.

178 () Ibid., considérant n° 17. En conséquence, « un seul juge de proximité pourra siéger parmi les trois juges composant le tribunal correctionnel », et « afin d’assurer le respect des exigences constitutionnelles rappelées au considérant n° 17, les autres membres du tribunal devront être des magistrats professionnels. »

179 () Voir également l’article 398, alinéa 5, du code de procédure pénale, qui prévoit que la formation collégiale du tribunal correctionnel ne peut comprendre plus d’un juge non-professionnel.

180 () Table ronde réunissant des spécialistes de la justice consulaire, le 12 février 2013.

181 () Table ronde réunissant des représentants de syndicats de magistrats, le 30 janvier 2013.

182 () Audition du 31 janvier 2013.

183 () Club « Droits, Justice, Sécurité », Rapport sur la réforme des tribunaux de commerce, 8 décembre 2012, p. 17.

184 () Table ronde sur la formation des juges consulaires, le 29 janvier 2013.

185 () Id.

186 () Voir le document en annexe n° 8.

187 () Voir le document en annexe n° 8.

188 () Id.

189 () Table ronde réunissant des représentants des mandataires de justice, le 5 février 2013.

190 () Sur les modalités précises de ce système de rémunérations, voir l’encadré en annexe n° 9.

191 () Id.

192 () Audition des représentants du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), le 7 février 2013.

193 () Table ronde réunissant des représentants des administrations, le 29 janvier 2013.

194 () Audition du 31 janvier 2013.

195 () Lors de la table ronde qui a réuni des représentants des mandataires de justice le 5 février 2013, Mme Hélène Bérenguier, directrice adjointe des clientèles à la direction des services bancaires de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), a détaillé les sommes que les administrateurs et mandataires judiciaires sont tenus de verser sur des comptes ouverts auprès de la CDC, en précisant que toutes les sommes maniées par ces professionnels ne transitent pas nécessairement par les comptes de la CDC. Néanmoins, le paiement des différentes rémunérations dues aux administrateurs et mandataires judiciaires dans le cadre des procédures collectives s’effectue à partir de fonds déjà déposés à la CDC, au titre de diverses obligations de dépôt. Il s’agit là de simples dépôts, et non de consignations.

Ainsi, les administrateurs judiciaires sont tenus de verser sur un compte ouvert auprès de la CDC :

- les sommes provisionnées au titre des commissariats à l’exécution du plan de sauvegarde ou de redressement, qui sont déposées chaque mois et reversées annuellement aux créanciers au titre des dividendes à l’exécution du plan ;

- et les sommes non nécessaires à la poursuite de l’activité, à savoir les sommes reçues d’un tiers et notamment les soldes créditeurs des comptes bancaires clos à l’ouverture de la procédure, les nouveaux fonds apportés par un associé ou un actionnaire à l’entreprise, et les fonds versés par la direction départementale du travail en faveur d’une cellule de reclassement à la suite d’une procédure de licenciement.

Les mandataires judiciaires sont tenus de verser sur un compte ouvert auprès de la CDC :

- les sommes correspondant au prix de cession des actifs lors d’un plan de cession ou d’une liquidation judiciaire ;

- et les sommes correspondant aux avances de salaires de l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS).

196 () L’article L. 811-11 du code de commerce dispose que « les administrateurs judiciaires sont placés sous la surveillance du ministère public ». Il en va de même pour les mandataires judiciaires, par renvoi de l’article L. 812-9 du même code.

197 () L’article L. 811-11-1 du code de commerce prévoit que « les administrateurs judiciaires sont tenus de désigner un commissaire aux comptes qui assure le contrôle de leur comptabilité spéciale et exerce, à ce titre, une mission permanente de contrôle de l'ensemble des fonds, effets, titres et autres valeurs appartenant à autrui, dont les administrateurs judiciaires sont seuls détenteurs en vertu d'un mandat reçu dans l'exercice de leurs fonctions ». L’article L. 811-11-2 du même code ajoute que « les commissaires aux comptes informent […] les autorités auxquelles sont confiées la surveillance, les inspections et le contrôle des administrateurs judiciaires, des résultats de leur mission et signalent les anomalies ou irrégularités dont ils ont connaissance au cours de l'exécution de leur mission ». Ces dispositions sont rendues applicables aux mandataires judiciaires par l’article L. 812-9.

198 () L’article L. 814-2 du code de commerce dispose que « les professions d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire sont représentées auprès des pouvoirs publics par un Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires [CNAJMJ], établissement d'utilité publique doté de la personnalité morale, chargé d'assurer la défense des intérêts collectifs de ces professions. Il incombe, en outre, au conseil national de veiller au respect de leurs obligations par les mandataires de justice, d'organiser leur formation professionnelle, de s'assurer qu'ils se conforment à leur obligation d'entretien et de perfectionnement des connaissances, de contrôler leurs études et de rendre compte de l'accomplissement de ces missions dans un rapport qu'il adresse chaque année au garde des Sceaux, ministre de la justice ». La mission de contrôle des études des administrateurs et mandataires judiciaires qui a été dévolue au CNAJMJ est facilitée par l’obligation faite aux administrateurs et mandataires judiciaires d’établir, « au terme de chaque exercice, une situation financière qu'ils communiquent au Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, au plus tard dans les six mois de la clôture de l'exercice » (articles L. 811-11 et L. 812-9 du code de commerce).

199 () Les articles L. 811-11 et L. 812-9 du code de commerce prévoient que les administrateurs et mandataires judiciaires « sont soumis, dans leur activité professionnelle, à des inspections confiées à l'autorité publique et à l'occasion desquelles ils sont tenus de fournir tous renseignements ou documents utiles sans pouvoir opposer le secret professionnel ». Leurs commissaires aux comptes sont pareillement tenus de déférer aux demandes des personnes chargées du contrôle ou de l'inspection tendant à la communication de tout renseignement recueilli ou de tout document établi dans le cadre de l'exécution de sa mission, sans pouvoir opposer le secret professionnel. La Caisse des dépôts et consignations ne peut pas davantage opposer ce secret et est tenue de déférer aux demandes des personnes chargées de l'inspection qui tendent à la communication de tout renseignement ou document utiles à la connaissance des mouvements de fonds intervenus sur les comptes ouverts dans ses livres au nom de chaque administrateur ou mandataire judiciaire et des sommes qui y sont déposées au titre des mandats sur lesquels porte l'inspection ou le contrôle.

200 () Contribution écrite fournie à la mission par M. Jean-Claude Marin, procureur général près la Cour de cassation.

201 () Table ronde réunissant des représentants des mandataires de justice, le 5 février 2013.

202 () Audition de M. Jean-Claude Marin, procureur général près la Cour de cassation, le 30 janvier 2013. Le haut magistrat a appelé le ministère public à exercer plus pleinement les pouvoirs qui sont les siens en matière de contrôle de la désignation et de la rémunération des administrateurs et mandataires judiciaires. Dans la contribution écrite qu’il a fournie à la mission, il souligne que « la question du choix de tel ou tel mandataire ou administrateur par le tribunal de commerce est une étape importante à la régularité de laquelle le ministère public doit veiller », car « le ministère public doit vérifier que l’équilibre dans le choix des mandataires est assuré ».

203 () Table ronde réunissant des représentants des juges consulaires, le 29 janvier 2013.

204 () D’après M. Franck Gentin, le délai moyen de conservation, par les mandataires de justice, des fonds qui leur sont confiés était de 287 jours en 2012 et de 803 jours en 2011 (table ronde réunissant des représentants des juges consulaires, le 29 janvier 2013).

205 () Table ronde réunissant des représentants des mandataires de justice, le 5 février 2013.

206 () À cette différence près que la clientèle des administrateurs judiciaires (et des mandataires judiciaires) n’est pas cessible comme l’est celle des avocats, des notaires, des huissiers de justice ou des experts-comptables.

207 () Discours de M. Jean-Bertrand Drummen au Congrès national des tribunaux de commerce, le 30 novembre 2012.

208 () Audition du 12 février 2013.

209 () Voir : http://www.justice.gouv.fr/le-ministere-de-la-justice-10017/direction-des-affaires-civiles-et-du-sceau-10023/efficacite-de-la-justice-commerciale-24936.html

210 () Le premier groupe de travail est organisé en deux sous-groupes, l’un sur la prévention, l’autre sur l’amélioration des procédures collectives. Le second groupe de travail comprend trois sous-groupes : le premier sur la déontologie, le statut et la formation des acteurs des procédures collectives ; le deuxième sur l’organisation des juridictions ; et le troisième sur l’amélioration du rôle des administrateurs et mandataires judiciaires.

211 () Articles R. 663-32 et suivants du code de commerce.

212 () Articles R. 663-41 et suivants du code de commerce.


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