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N
° 
1244

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 juillet 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
ET LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

sur l’exécution des crédits 2012 du programme 146 « Équipement des forces »

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Jean-Jacques Bridey et François Cornut-Gentille

Députés

——

SOMMAIRE

___

Pages

I. UNE NOUVELLE DÉMARCHE ASSOCIÉE À L’ANALYSE DE LA LOI DE RÉGLEMENT, QUI RÉVÈLE DE NOMBREUX ÉCARTS ENTRE PRÉVISION ET EXÉCUTION 7

A. LA VOLONTÉ DE RENFORCER LE CONTRÔLE DU PARLEMENT SUR LA RÉALITÉ DE L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 7

B. LES PRATIQUES DE GESTION EN COURS D’ANNÉE NE FONT PAS L’OBJET D’UNE INFORMATION SUFFISANTE PAR RAPPORT À LEUR AMPLEUR 7

C. L’INFORMATION DU PARLEMENT PASSE ÉGALEMENT PAR UN CONTRÔLE APPROFONDI SUR LES EXPORTATIONS D’ARMEMENT 11

II. UNE EXÉCUTION 2012 MARQUÉE PAR UNE FORTE DIMINUTION DES RESSOURCES BUDGÉTAIRES ET LE GEL DES ENGAGEMENTS 15

A. UNE FORTE DIMINUTION DES ENGAGEMENTS DANS L’ATTENTE DES ORIENTATIONS DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 2014-2019 15

B. DES RESSOURCES EXCEPTIONNELLES SUPÉRIEURES AUX PRÉVISIONS MALGRÉ UN RETARD CONSÉQUENT 19

C. UN SCHÉMA D’EMPLOIS GLOBALEMENT RESPECTÉ 20

III. UN EFFORT DE MODERNISATION RÉEL MAIS DIFFÉRENCIÉ 23

A. LA DGA A POURSUIVI SA RESTRUCTURATION 23

B. LE MAINTIEN DES LIVRAISONS À UN NIVEAU SOUTENU 25

C. CE BUDGET D’ATTENTE A CONDUIT AU DÉCALAGE DE NOMBREUX PROGRAMMES QUI CONCERNENT PARTICULIÈREMENT L’ARMÉE DE TERRE 27

ANNEXES 29

ANNEXE 1 : Tableau des livraisons intervenant en 2012 29

ANNEXE 2 : Programmes faisant l’objet de commandes en 2012 30

COMPTE RENDU D’AUDITION 31

Le programme 146 Équipement des forces a pour objet de mettre à disposition des armées les matériels et armements nécessaires à la réalisation de leurs missions. Ses objectifs découlent des orientations stratégiques déclinées dans le cadre des lois de programmation militaire.

Il représente une part considérable des dépenses d’investissement du budget de l’État et constitue le deuxième programme de la mission Défense, en volume, après le programme 178 Préparation et emploi des forces. Le programme 146 concourt ainsi au développement et au maintien des savoir-faire industriels français dans le domaine de la défense. Il est placé sous la double tutelle du chef d’état-major des armées (CEMA) et du délégué général pour l’armement (DGA), qui président ensemble le comité directeur du programme au cours duquel sont rendus les arbitrages et fixés les objectifs de performance.

I. UNE NOUVELLE DÉMARCHE ASSOCIÉE À L’ANALYSE DE LA LOI DE RÉGLEMENT, QUI RÉVÈLE DE NOMBREUX ÉCARTS ENTRE PRÉVISION ET EXÉCUTION

A. LA VOLONTÉ DE RENFORCER LE CONTRÔLE DU PARLEMENT SUR LA RÉALITÉ DE L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE

À la suite à une initiative conjointe de M. François Cornut-Gentille et de M. Christian Eckert (remplacé par M. Régis Juanico après la nomination de M. Eckert comme rapporteur général du budget au sein de la Commission des finances), à la demande du Président de l’Assemblée nationale, la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale a décidé de renforcer le travail de contrôle mené par les parlementaires dans le cadre de la loi de règlement des comptes.

Il a donc été convenu qu’au moment de l’examen des comptes définitifs de l’année précédente, un nombre restreint de thèmes (trois thèmes ont été retenus pour l’examen des comptes de 2012) ferait l’objet d’une analyse approfondie dépassant le cadre traditionnel du commentaire par les rapporteurs spéciaux des rapports annuels de performances (RAP) fournis par les ministères.

En outre, cette initiative permet de réunir le rapporteur spécial en charge du thème examiné au sein de la commission des finances et le rapporteur pour avis au sein de la commission concernée.

Pour le présent rapport, qui concerne l’exécution des crédits d’équipements du ministère de la Défense pour l’année 2012, il s’agit, pour la commission des finances, de M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial des crédits des programmes 144 et 146, et de M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis des crédits du programme 146 pour la commission de la défense.

B. LES PRATIQUES DE GESTION EN COURS D’ANNÉE NE FONT PAS L’OBJET D’UNE INFORMATION SUFFISANTE PAR RAPPORT À LEUR AMPLEUR

Le programme 146 Équipement des forces comprend cinq actions de politique publique qui regroupent les opérations d’armement visant l’équipement des forces terrestres, navales, aériennes et spatiales.

L’analyse de l’exécution des crédits du programme 146, dont le détail figure en deuxième partie du présent rapport, montre que d’importants mouvements de crédits ont eu lieu en cours d’exercice 2012, parfois pour plusieurs dizaines de millions d’euros, sans que ne soient expliquées, au sein du RAP, les raisons qui ont poussé les responsables de programme à recourir ainsi à la fongibilité. En effet, s’il est satisfaisant de constater que ceux-ci n’hésitent pas à recourir au principe de « gestion mutualisée des crédits », qui leur est ouvert par la LOLF, il serait souhaitable que le Parlement puisse disposer d’éléments d’appréciation relatifs aux choix ainsi opérés par les deux responsables de programme.

À titre d’illustration, la sous-action visant le développement des avions de transport de type Casa, est passée d’une absence totale de crédits en loi de finances initiale (LFI) pour 2012 à 75 millions d’euros de consommation effective en fin d’année sans qu’une explication ne soit donnée. Or, les retards constatés dans la livraison de l’A 400 M étaient déjà connus au moment de la présentation du projet de loi de finances et auraient donc pu être anticipés.

Ce constat peut également être fait en sens inverse : le programme « Scalp naval » n’a bénéficié que de 133 millions d’euros sur l’année alors que la LFI pour 2012 l’avait doté de 180 millions d’euros. Dans ce cas, 47 millions d’euros n’ont ainsi pas été consommés conformément à la prévision initiale sans que des explications, même de caractère général, ne soient données au sein des documents budgétaires.

Au niveau des crédits de paiement, ces décalages sont extrêmement nombreux ce qui nuit à la sincérité du budget présenté devant le Parlement.

PRINCIPAUX ÉCARTS ENTRE LA LFI 2012
ET LA CONSOMMATION FINALE DES CRÉDITS DE PAIEMENT

Principaux programmes

Crédits de paiement inscrits en LFI pour 2012 (en M€)

Crédits de paiement consommés en 2012 (en M€)

Écarts justifiés par « l’application du principe de gestion mutualisée des ressources au niveau du programme 146. »

En M€

% / CP inscrits en LFI

SNLE NG

28

29,1

1,1

3,93

M51

646,9

622,9

-23,9

-3,71

Adaptation M51

106,3

131,9

25,5

24,08

ASMPA

51,2

43,3

-7,8

-15,43

Simulation numérique

645,3

689,1

43,8

6,79

Autres opérations composante aéroportée

12,5

10,3

-2,1

-17,60

Autres opérations composante océanique

61,9

46,3

-15,6

-25,20

Autres opérations nucléaire

334,7

350,4

15,7

4,69

Soutien et MCO dissuasion

513

471

-41

-8,19

MUSIS

133,5

179,5

43

34,46

A400M

172,8

129,8

-43

-24,88

CN235

0

75

75

création

NH90

457,3

229,1

-228,1

-49,90

SCALP naval

188,6

137,1

-51,4

-27,31

AASM

37,6

45,8

8,1

21,81

RAFALE

1575,7

1582,2

6,5

0,41

CAESAR

7,3

8,6

1,2

17,81

FELIN

114,3

134,2

19,9

17,41

VBCI

293,4

287,3

6

-2,08

TIGRE

179,4

145,3

-34,1

-19,01

MU 90

3,1

7,2

4,1

132,26

FREMM

556,6

467,8

-88,7

-15,95

Barracuda

621,1

568,1

-53

-8,53

MICA

11,7

23,9

12,2

104,27

HORIZON

22,1

30,3

8,1

37,10

PAAMS

11,1

17,6

6,5

58,56

Source : Rapport annuel de performances pour 2012.

De la même manière, pour un certain nombre de programmes, le RAP 2012 explique les décalages entre livraisons prévues et livraisons réellement effectuées par des retards ou des difficultés industriels, sans en détailler la nature et le degré. Or, sous cette formule, sont analysées des situations très diverses. Les plus alarmantes sont celles qui n’aboutissent à aucune livraison, malgré la programmation. Deux programmes sont concernés : le radar HMA et le système DETECBIO. Pour ce dernier programme, cela est d’autant plus grave qu’il s’agit de la capacité des armées à détecter et à identifier les agents biologiques présents dans l’environnement en cours d’opération.

Les explications données lors de l’audition des responsables de la DGA et de l’État-major ont été trop générales : si certains écarts sont peu significatifs ; d’autres sont beaucoup plus importants (programme ASTRIDE – Accès par Satellite et par Transmissions hertziennes au Réseau de zone et à l’Intranet de l’Espace de bataille –, retards de livraison des hélicoptères de type NH 90, programme de missiles Exocet MM40) et auraient mérité des explications particulières quant aux causes des retards observés.

PRINCIPAUX RETARDS CONSTATÉS DANS LES LIVRAISONS D’ÉQUIPEMENTS

(en exemplaires)

Principaux programmes

Livraisons inscrites en LFI pour 2012

Livraisons effectuées en 2012

Écarts justifiés par « des retards ou des difficultés industriels. »

Radar HMA

3

0

– 3

ASTRIDE phase 2

51

40

– 11

COUGAR rénové

4

1

– 3

NH 90 NFH

4

2

– 2

Exocet MM40

16

12

– 4

CARACAL

3

2

– 1

SAMP/T

2

1

–1

DETECBIO

3

0

– 3

Source : données compilées issues du RAP 2012.

Les cinq actions qui composent le programme 146 ne sont cependant pas affectées de manière identique par le faible taux d’exécution des autorisations d’engagement constaté sur l’ensemble du programme (cf. partie II).

À titre d’exemple, l’action n° 11 « Préparation et conduite des opérations d’armement », dont la finalité est d’assurer la maîtrise d’ouvrage des programmes et des opérations d’armement, n’est pas concernée par les annulations d’AE.

À l’inverse, les actions n°s 5, 6, 7 et 10 concentrent l’essentiel des engagements non consommés. La dissuasion n’a pas été entièrement épargnée puisque seuls 2,05 milliards d’euros, sur les 3,12 milliards d’euros autorisés en LFI, ont été utilisés sur l’action n° 6 « dissuasion ». De la même manière l’action n° 7 « commandement et maîtrise de l’information » ne représente que 349,6 millions d’euros consommés contre 1 512 millions d’euros autorisés en LFI. Enfin, pour l’action n° 10 « protection et sauvegarde », le montant consommé en AE est de 50,5 millions d’euros pour une autorisation initiale de 1 185 millions d’euros.

Pour l’action n° 9 « Engagement et combat », qui est l’action la plus importante du programme sur le plan des moyens financiers, on constate que seuls 1 353 millions d’euros ont été effectivement consommés par rapport aux 2 158 millions d’euros ouverts sur l’année. Cette sous-exécution notable laisse néanmoins apparaître des différences majeures entre les programmes d’armement.

Ainsi, la sous-action « frapper à distance : Rafale » ne devait bénéficier que de 114 millions d’euros en AE, mais a finalement consommé 310 millions d’euros. En effet, compte tenu des engagements de l’État de maintenir la cadence de production de l’industriel à 11 appareils par an, le ministère de la Défense est contraint d’acheter plus d’appareils que prévu lorsqu’il n’y a pas d’exportation. Comme il n’y a pas eu de vente de Rafale à l’étranger, il a été nécessaire d’acheter quatre appareils de plus que prévu tant en 2011 qu’en 2012, ce qui s’est effectué au détriment d’autres matériels.

Aussi la sous-action « Opérer en milieu hostile : Tigre » n’a-t-elle consommé que 27,8 millions d’euros sur les 98,2 millions d’euros autorisés en autorisations d’engagement. C’est toutefois la sous-action « Opérer en milieu hostile – Autres opérations et conduire des opérations spéciales » qui est principalement concernée par un faible taux d’exécution des autorisations d’engagement puisque seuls 221 millions d’euros ont effectivement été engagés sur les 1 315 millions d’euros autorisés en loi de finances initiale.

Par conséquent, l’analyse de l’exécution des crédits par action au sein du programme 146 témoigne d’écarts notables entre les crédits votés par le Parlement et la réalité de l’exécution. Un effort supplémentaire d’explications de la part des responsables de programme apparaît indispensable concernant leur recours à la fongibilité au sein de celui-ci.

C. L’INFORMATION DU PARLEMENT PASSE ÉGALEMENT PAR UN CONTRÔLE APPROFONDI SUR LES EXPORTATIONS D’ARMEMENT

Le rapport sur les exportations d’armement 2012 a été transmis le 20 juillet 2013 aux commissions parlementaires de la défense. Il serait souhaitable que le rapport sur les exportations d’armement soit mis à disposition des Assemblées en même temps que le rapport annuel de performances puisque l’impact des exportations sur les engagements budgétaires est une variable d’importance majeure.

Si les rapporteurs saluent la généralisation de la présentation des données sur une base pluriannuelle et la création de deux nouvelles annexes avec une synthèse par pays des commandes et des livraisons des vingt principaux clients de la France, force est de constater que les prises de commandes ont fortement chuté de 2011 (6,5 milliards d’euros) à 2012 (4,8 milliards d’euros). Cela a un impact budgétaire conséquent puisque les exportations contribuent à alléger la contribution de l’État aux programmes d’armement (notamment dans le cas du Rafale pour lesquels l’État garantit aux constructeurs un volume annuel de commandes).

Source : Rapport au parlement sur les exportations françaises d’armement pour l’année 2012.

À cet égard, si les contrats inférieurs à 200 millions d’euros demeurent stables, le poids des contrats majeurs est prépondérant d’une année sur l’autre. En effet, l’absence de commandes supérieures à 500-600 millions d’euros (telles que la vente de sous-marins au Brésil en 2009 ou encore de bâtiments de projection et de commandement (BPC) à la Russie en 2011), a fait chuter la France du 4e au 5e rang mondial en matière d’exportation d’armements. La France est donc loin de son objectif de 10 milliards d’euros à l’export. Par conséquent, les rapporteurs souhaitent que soit fournies à la Représentation nationale des données plus précises quant à l’organisation des services et aux mécanismes de décision en matière d’exportation d’armement, notamment au sein de la direction générale pour l’armement (DGA). Cela doit se faire parallèlement à l’entrée en vigueur de la licence unique de transfert et d’exportation en 2014.

Source : Rapport au parlement sur les exportations françaises
d’armement pour l’année 2012.

II. UNE EXÉCUTION 2012 MARQUÉE PAR UNE FORTE DIMINUTION DES RESSOURCES BUDGÉTAIRES ET LE GEL DES ENGAGEMENTS

A. UNE FORTE DIMINUTION DES ENGAGEMENTS DANS L’ATTENTE DES ORIENTATIONS DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 2014-2019

Le programme 146 a été doté, en LFI pour 2012, de 11,78 milliards d’euros en AE et de 10,96 milliards d’euros en CP. Les autorisations d’engagement sont en forte baisse par rapport aux crédits votés en LFI pour 2011 (– 15 %) tandis que les crédits de paiement se maintiennent au même niveau (+ 0,2 %).

En cours d’année, ces montants ont cependant évolué à la hausse pour les autorisations d’engagement (passant de 11,78 à 18,29 milliards d’euros, notamment en raison de 7,01 milliards d’euros de report de crédits) et à la baisse pour les crédits de paiement (de 10,96 à 10,57 milliards d’euros).

La consommation finale des crédits se situe à 6,47 milliards d’euros en AE et à 10,53 milliards d’euros en CP.

LE PROGRAMME 146
CHIFFRES CLÉS DE L’EXÉCUTION 2012

(en millions d’euros)

Autorisations

d’engagement

Exécution 2011

LFI 2012

Crédits

disponibles

2012

Exécution 2012

Évolution de la dépense 2011/2012

Titre 2

1 862

1 894

1 904

1 904

+42

Hors titre 2

7 595

9 890

16 387

4 568

-3 027

Total P 146

9 457

11784

18 291

6 472

-2 985

Crédits de paiement

Exécution 2011

LFI 2012

Crédits

disponibles

2012

Exécution 2012

Évolution de la dépense 2011/2012

Titre 2

1 862

1 894

1 904

1 904

+42

Hors titre 2

8 755

9 068

8 667

8 632

-123

Total P 146

10 617

10 962

10 571

10 536

-81

Source : Note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes.

Le fait majeur de l’exécution 2012 sur le programme 146 est donc un niveau d’engagement des AE historiquement bas : 6,47 milliards d’euros sur les 11,78 milliards d’euros ouverts en LFI. Le taux d’exécution en AE est de seulement 55 % par rapport à la LFI. Cela représente un niveau d’engagement inférieur de 5,31 milliards d’euros au montant de la LFI et un recul de 3,03 milliards d’euros par rapport au montant effectivement engagé en 2011 (de 9,45 milliards d’euros à 6,47 milliards d’euros en 2012). On se situe également très loin du pic de 2009 où 19,16 milliards d’euros d’AE avaient été consommés.

AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT OUVERTES SUR L’ANNÉE ET CONSOMMATION FINALE

(En euros)

Numéro et intitulé de l’action/sous action

Titre 2
Dépenses de personnel

Titre 3
Dépenses de fonctionnement

Titre 5
Dépenses d’investissement

Titre 6
Dépenses d’intervention

Total

Ouvertures par voie de FDC et ADP

0

+ 78 840 415

+ 78 840 415

Ouvertures/ annulations (hors FDC et ADP)

+ 10 560 000

+ 6 413 283 567

+ 6 423 843 567

Total des AE ouvertes

1 904 224 546

16 382 003 851

18 286 228 397

Total AE consommés

1 904 099 866

1 315 947 8 791

3 198 525 238

53 104 418

6 471 677 401

Source : rapport annuel de performances.

La principale cause de cette sous-consommation réside dans l’attente de la déclinaison, dans la prochaine loi de programmation militaire (LPM), des orientations stratégiques issues des travaux de révision du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Dans ce contexte, l’exécution de la loi de finances 2012 s’est fondée sur les principes suivants : respect des objectifs de la dissuasion et adoption d’une démarche d’attente sur les opérations conventionnelles.

Par conséquent, les décisions difficilement réversibles de lancement de nouveaux programmes ou d’annulation de programmes en cours ont été évitées : 5,5 milliards d’euros de commandes de matériels qui devaient initialement être passées en 2012 et en 2013 ont été reportées (cf. Partie III). Cela explique également que les reports de crédits en AE, à hauteur de 7,01 milliards d’euros, n’aient pas été consommés. Il convient donc d’assurer une meilleure traçabilité, au sein des documents budgétaires, des reports de crédits et de leur emploi programmé d’une année sur l’autre.

En revanche, le taux d’exécution des crédits de paiement se situe à 99 %. Le programme était doté initialement de 10,96 milliards d’euros en LFI et 10,53 milliards ont effectivement été consommés. En outre, en cours d’année, 397 millions d’euros ont été annulés au titre des CP, portant ainsi les autorisations sur l’année en termes de CP à 10,56 milliards d’euros, soit à un niveau très proche des crédits consommés en 2011 (10,61 milliards d’euros).

La dépense finale au titre des crédits de paiement demeure donc stable entre 2011 et 2012. Pour autant, si l’on compare à l’exercice 2010 où la consommation des CP atteignait en volume 12,02 milliards d’euros, on constate un net recul des moyens consacrés à l’équipement des forces.

CRÉDITS DE PAIEMENT OUVERTS SUR L’ANNÉE ET CONSOMMATION FINALE

(en euros)

Numéro et intitulé de l’action/sous action

Titre 2
Dépenses de personnel

Titre 3
Dépenses de fonctionnement

Titre 5
Dépenses d’investissement

Titre 6
Dépenses d’intervention

Total

Ouvertures par voie de FDC et ADP

0

+ 78 840 415

+ 78 840 415

Ouvertures/ annulations (hors FDC et ADP)

+ 10 560 000

– 486 536 340 -

475 976 340

Total des CP ouvertes

1 904 224 546

8 661 150 998

10 565 375 544

Total CP consommés

1 904 099 866

1 472 620 078

7 131 359 305

27 950 936

10 536 030 185

Source : rapport annuel de performances.

À ce titre, l’hypothèse selon laquelle les économies engendrées par les réformes au niveau de l’ensemble de la mission Défense, avec notamment la suppression de 54 000 emplois entre 2008 et 2015, pourraient être utilisées au profit de l’équipement des forces ne se vérifie pas dans les faits. Cela s’explique par des difficultés récurrentes à stabiliser la masse salariale au sein de la mission Défense. En cas de dérapage, notamment sur le programme 178 Préparation et emploi des forces où se trouve la plus grande part des effectifs, les dépenses hors titre 2 du programme 146, et principalement les dépenses d’investissement (titre 5), jouent régulièrement le rôle de « variable d’ajustement ».

En 2012, cela a conduit à annuler, à travers les lois de finances rectificatives (LFR) du 14 mars 2012, du 16 août 2012 et du 29 décembre 2012, 608 millions d’euros d’AE et 501 millions d’euros de CP sur le hors titre 2 du programme 146, pour contribuer au financement des dérapages de masse salariale (à hauteur de 435 millions d’euros) sur les autres programmes de la mission, ainsi que pour participer à l’effort de redressement des finances publiques. Ces annulations ont porté principalement sur les dépenses d’investissement qui ont dû supporter une annulation de crédits à hauteur de 486,5 millions d’euros. Ainsi, alors que le total des crédits de paiement ouverts sur le titre 5 représentait 8 661 millions d’euros, seuls 7 131 millions d’euros ont effectivement été consommés.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES D’INVESTISSEMENTS
DE LA MISSION DÉFENSE (TITRE 5)

(en millions d’euros)

(CP exécutés)

2009

2010

2011

2012 (PAP)

2012 (Exécution)

Études et recherche amont

86

17

10

0

ND

Moyens de renseignement

139

137

145

138

ND

Total programme 144

225

154

155

138

133

Dissuasion nucléaire

3 131

2 598

2 104

2 250

ND

Forces conventionnelles

5 731

4 903

3 932

5 225

ND

Commandement et maîtrise de l’information

981

781

697

293

ND

Infrastructures d’essai

60

48

33

48

ND

Programmes civils douanes gendarmerie

12

34

39

0

ND

Total programme 146

9 915

8 364

6 805

7 816

7 132

Planification et conduite des opérations

60

34

57

161

ND

Maintien en condition opérationnelle

488

300

453

232

ND

Logistique et soutien interarmées

60

40

54

41

ND

Total programme 178

608

374

564

434

510

Immobilier et infrastructure

256

438

510

494

ND

Restructuration

40

93

281

393

ND

Système d’information de gestion

69

40

28

46

ND

Soutien de la politique de défense

3

5

3

3

ND

Total programme 212

368

576

822

936

788

TOTAL MISSION DÉFENSE

11 116

9 468

8 346

9 324

8 563

Source : note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes.

Il convient donc de s’interroger sur la capacité de l’État à tenir sa trajectoire pluriannuelle en matière de crédits consacrés à l’équipement des forces, car les mesures prises jusqu’ici pour éviter les dérapages de masse salariale n’ont pas eu d’impact significatif.

En outre, il convient de rappeler que les engagements non couverts par des paiements au 31 décembre 2012 sur le programme 146 s’élèvent à 33,9 milliards d’euros, qui concernent principalement les programmes pluriannuels à effet majeur (PEM).

PRÉVISION DE PAIEMENT DES PROGRAMMES D’ÉQUIPEMENTS MAJEURS

(en millions d’euros)

CP

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

 

6 999

7 052

7 666

9 146

10 103

10 884

10 568

10 492

10 323

Source : direction générale de l’armement.

COMMANDES FERMES PASSÉES SUR LES GRANDS CONTRATS D’ARMEMENT

Programme

Volume cible

Dont commande ferme

Avion A400 M

50

50

Avion Rafale

286

180

Sous-marins Barracuda

6

3

Frégates FREMM

11

11

Missile Aster

575

535

Missile de croisière naval

200

200

Hélicoptère NH 90

160

61

Hélicoptère Tigre

80

80

Équipement FELIN

22 588

22 588

Blindé VBCI

630

630

Source : direction générale de l’armement.

Ce montant élevé, supérieur à l’ensemble des crédits annuels moyens de la mission Défense, témoigne du caractère inatteignable de la trajectoire issue de la loi de programmation militaire 2009-2014.

TRAJECTOIRE DES DÉPENSES DE LA MISSION DÉFENSE

(en milliards d’euros)

CP

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

LPM (a)

32,45

32,38

31,51

32,36

33,19

33,85

34,53

Triennal

32,45

32,38

30,72

31,42

31,42

30,15

30,15

Exécution (b)

32,98

31,24

30,23

31,28

31,42

30,15

30,15

Écart (b-a)

0,53

– 1,14

– 1,28

– 1,08

– 1,77

– 3,70

– 4,38

Écart cumulé

0,53

– 0,61

– 1,89

– 2,97

– 4,74

– 8,44

– 12,82

Source : note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes.

B. DES RESSOURCES EXCEPTIONNELLES SUPÉRIEURES AUX PRÉVISIONS MALGRÉ UN RETARD CONSÉQUENT

Les opérations d’armement du programme 146 ont également bénéficié des ressources ouvertes sur le compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien » à hauteur de 450 millions d’euros d’engagement et 938 millions d’euros de paiement.

Ces recettes, correspondant aux redevances acquittées par des opérateurs privés pour l’utilisation des bandes de fréquence libérées par les ministères, sont en partie issues de l’exercice 2011. En effet, 938 millions d’euros ont été perçus au titre de ces redevances en octobre 2011, ce qui n’a permis qu’une utilisation très partielle de celles-ci pour l’année 2011, à hauteur de 89 millions d’euros pour le programme 146 (sur 750 millions d’euros destinés à ce programme dès 2011), les 847 millions d’euros restants étant reportés sur 2012.

En 2012, ce point n’a pas posé de problème puisque la LFI prévoyait 800 millions d’euros au profit du programme 146 et que 938 millions ont été consommés, dont 289 millions d’euros de report de 2011 qui ont été directement affectés à ce programme.

Toutefois, comme le souligne la Cour des comptes dans sa note d’exécution budgétaire pour 2011, « la difficulté du recours à cette ressource dans la programmation budgétaire est que le ministère de la défense ne maîtrise ni son montant ni son calendrier de réalisation, ce qui présente des risques non négligeables ».

En outre, pour abonder les ressources budgétaires par des ressources exceptionnelles, il faut affecter ces nouvelles lignes budgétaires aux paiements de marchés en cours. Si on affectait ces ressources seulement aux nouveaux marchés, elles ne seraient en effet utilisables que pour des paiements futurs. Cela pose des problèmes pratiques et temporels : dans certains cas, comme dans celui du compte d’affectation spéciale « Fréquences »,  le ministère de la Défense a eu recours à des procédures comptables complexes de « refacturation interne », décidées en accord avec la direction du budget, mais dérogatoires par rapport aux procédures prévues par la LOLF. Ce problème se pose de façon générale pour les ressources extrabudgétaires qui ne sont utilisables que si elles sont accompagnées des décisions appropriées pour les rendre « comptablement » assimilables. Ces nouvelles pratiques ne sont en effet pas prévues par les règles de finances publiques actuellement en vigueur.

Deux problèmes majeurs se posent alors : il est difficile de savoir quand interviendront les recettes exceptionnelles et, même lorsqu’elles ont effectivement été enregistrées, leur consommation effective n’est pas assurée. Par conséquent, en 2012, une partie importante des recettes exceptionnelles n’a pu être effectivement consommée.

Les rapporteurs recommandent donc de fiabiliser les procédures d’enregistrement et d’accélérer le circuit de mise à disposition effective des crédits supplémentaires ainsi dégagés pour les crédits d’équipements inscrits sur le programme 146. De manière similaire, il importe que le Parlement puisse bénéficier de plus d’informations sur la ventilation de ces crédits entre actions et sous-actions du programme, dont l’absence empêche de retracer l’utilisation concrète de cette ressource.

C. UN SCHÉMA D’EMPLOIS GLOBALEMENT RESPECTÉ

Le programme 146 rassemble 4 % des effectifs du ministère de la Défense. Les 12 289 personnels se répartissent en 73,3 % de personnel civil et 26,7 % de militaires.

Le schéma d’emplois 2012 était fixé à – 496 équivalents temps plein travaillé (ETPT) décomposés en :

● – 150 ETPT au titre des extensions en année pleine des économies de 2011,

● – 159 ETPT au titre des économies en 2012,

● – 230 ETPT au titre des transferts internes,

● – 1 ETPT au titre des transferts externes,

● + 44 ETPT au titre des créations de poste pour la cyberdéfense.

RÉPARTITION DES EMPLOIS PAR CATÉGORIE

 

Emplois (ETPT)

           

Dépenses

Catégorie d’emplois

Transferts

de gestion

2011

Réalisation 2011

LFI + LFR j Transferts : de gestion 2012 : 2012

Réalisation 2012

Écart

à LFI + LFR

2012

(après transferts de gestion)

Mesures diverses

Impact des schémas d’emploi

Réalisation 2012

(en euros)

 

1

2

3

4

5

5 - (3 + 4)

6

(5-4)-(2-1)-6

 

Catégorie A (personnels civils titulaires et non titulaires)

+2

3 369

3 439

+1

3 464

+24

+341

-245

236 345 393

Catégorie B (personnels civils titulaires et non titulaires)

 

1 812

1 478

 

1 617

+139

-381

+186

90 881 951

Catégorie C (personnels civils titulaires et non titulaires)

 

1 220

1 171

 

1 117

-54

-41

-62

43 538 384

Ouvriers de l’État

 

3 073

2 715

 

2 808

+93

-125

-140

173 781 908

Officiers

 

1 975

1 875

 

1 983

+108

+3

+5

224 682 099

Sous-officiers

 

1 162

1 198

 

1 142

-56

0

-20

74 546 876

Militaires du rang

 

79

69

 

79

+10

0

0

3 574 794

Volontaires

 

80

101

 

79

-22

+3

-4

1 965 042

Total

+2

12 770

12 046

+1

12 289

+243

-200

-280

849 316 447

Source : projet annuel de performances 2012.

Compte tenu des transferts et des mesures de périmètre (– 200), la différence entre les entrées et les sorties s’élève à – 408 ETPT. Hors transferts, la déflation des effectifs du programme 146 a atteint – 208 ETPT. Le schéma d’emplois établi en début d’année est donc globalement respecté.

Cependant, malgré cette déflation notable sur le plan des effectifs, les prévisions de la LFI, tant en termes de dépenses de personnel (titre 2) que de plafond d’emplois, n’ont pu être atteintes. En effet, les dépenses de personnel se sont élevées à 1 904 millions d’euros au lieu de 1 894 millions d’euros prévus par la LFI, pour un total de 12 289 ETPT, soit 243 ETPT de plus par rapport à l’objectif fixé en LFI (12 046 ETPT).

La masse salariale du programme 146 a donc augmenté de 42 millions d’euros entre 2011 et 2012 malgré le transfert des effectifs de soutien vers les programmes 178 et 212, dans le cadre des mutualisations engagées depuis 2009 avec la réforme des bases de défense.

DÉPENSES DE PERSONNEL ET AUTRES TITRES DU PROGRAMME 146

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Total
y.c. FDC et ADP

Crédits de paiement

Total y.c. FDC et ADP

Numéro et intitulé de l’action/ sous-action

Prévision LFI Consommation

Titre 2

Dépenses
de personnel

Autres titres

Titre 2
Dépenses de personnel

Autres titres

Total des crédits prévus en LFI

1 893,66

9 889,87

11 864,91

1 893,66

9 068,84

11 043,88

Ouvertures/ annulations y.c. FDC et ADP

+10,56

+6 492,12

+6 502,68

+ 10,56

- 407,69

-397,13

Total des crédits ouverts

1 904,22

16 382,00

18 286,22

1 904,22

8 661,15

10 565,37

Total des crédits consommés

1 904,09

4 567,57

6 471,67

1 904,09

8 631,93

10 536,03

Source : rapport annuel de performances 2012.

Pour la première fois sur ce programme, on constate donc un léger dérapage de la masse salariale, qui n’a pu être limité à 10 millions d’euros par rapport à la LFI que par des mesures drastiques d’arrêt des recrutements, notamment d’agents contractuels pour la Direction générale de l’armement (DGA). La DGA n’a cependant pas fourni d’explications quant aux raisons de ce dérapage salarial.

III. UN EFFORT DE MODERNISATION RÉEL MAIS DIFFÉRENCIÉ

A. LA DGA A POURSUIVI SA RESTRUCTURATION

Forte de près de 10 000 personnels la DGA regroupe une capacité publique d’ingénierie unique en Europe. Elle est l’administration chargée de piloter les travaux de conception, d’acquisition et d’exportation d’armement et prend sa part au mouvement de réforme du ministère.

Le coût d’intervention de la DGA s’est élevé à près d’un milliard d’euros, dont près des deux tiers au titre des rémunérations et charges sociales (RCS), le solde étant réparti entre les frais de fonctionnement et les investissements. Particularité de la DGA, le financement de ses coûts d’intervention est couvert à près de 30 % par des recettes non fiscales, issues notamment de la rémunération versée au titre d’essais effectués par des clients étrangers. Le poste RCS est en légère décroissance, d’un peu moins de 30 millions d’euros, essentiellement du fait des réductions d’effectifs. Il s’agit d’un effort important dans un contexte de renforcement des effectifs dits « de niveau I » (catégorie A).

L’objectif retenu à la suite de la révision générale des politiques publiques et de la loi de programmation militaire était de réduire les effectifs de la direction de 3 236 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Fin 2012, la DGA avait réalisé plus des deux tiers de l’effort qui lui a été demandé, avec près de 2 450 ETPT en moins. Les effectifs de la DGA étaient ainsi de près de 10 400 ETPT fin 2012. Le tableau ci-après décrit la trajectoire de déflation des effectifs sur la période 2008-2013.

ÉVOLUTIONS DE LA TRAJECTOIRE INITIALE DE RÉDUCTION DES EFFECTIFS EN FONCTION DES TRANSFERTS D’ACTIVITÉ, D’EFFECTIFS ET DE MASSE SALARIALE ENTRE LES DIFFÉRENTS PROGRAMMES DE LA MISSION DÉFENSE

(en ETPT)

Programme 146

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Trajectoire initiale

700

646

518

339

382

381

Total cumulé

700

1 346

1 864

2 203

2 585

2 966

Trajectoire corrigée

700

646

490

300

318

342

Total cumulé

700

1 346

1 836

2 136

2 454

2 796

Source : ministère de la Défense.

L’effort est d’autant plus marqué que la direction n’obtient pas l’ouverture des crédits lui permettant de recruter à hauteur de son plafond d’emploi. Ainsi, près de 50 autorisations d’emplois ont été annulées au cours de l’été 2012, sur un total de 312 recrutements prévus au cours de l’année.

Pour l’avenir, la DGA doit poursuivre les objectifs de déflation, auxquels devrait s’ajouter un effort supplémentaire tel qu’annoncé par le nouveau Livre blanc. La LPM devra fixer des objectifs raisonnables, permettant notamment de maintenir à un niveau suffisant le flux de recrutement d’ingénieurs. Il faudra tenir compte de la montée en puissance d’activités nouvelles, notamment la cyberdéfense, domaine pour lequel 44 ETPT ont été recrutés en 2012. Inscrite dans un contexte de rétraction des recrutements, cette ambition pourrait tarir à terme le renouvellement des compétences dans les autres spécialités. Il est donc souhaitable d’isoler de la politique globale de déflation des effectifs les secteurs que le Livre blanc entend renforcer.

La diminution des effectifs s’accompagne d’une réorganisation géographique. Les emprises de la direction ont été progressivement réduites. Le processus de restructuration des emprises s’est achevé à la fin 2012 avec le transfert des activités du laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques (LRBA) de Vernon vers Bruz, la fermeture administrative de l’établissement technique d’Anger ainsi que celle du groupe d’études sous-marines de l’Atlantique (GESMA) de Brest. Enfin, le transfert de ses personnels d’administration centrale vers le site de Balard parachèvera cette restructuration, près de 2 650 personnels étant concernés, entre la mi-2014 et le début 2015.

La fin de la réorganisation des implantations de la DGA invite aujourd’hui à un examen plus précis des gains réels qu’elle a permis. Il est donc souhaitable que le Parlement dispose d’indicateurs précis traduisant l’évolution de l’activité de chacun des sites. Or, à ce stade en effet, les informations communiquées aux parlementaires sont lacunaires.

Sur l’insistance des rapporteurs, il a néanmoins été fourni quelques données. En premier lieu, le chiffre d’affaires de la direction technique, qui pilote l’activité des centres d’essais de la DGA, s’est élevé à 725 millions d’euros en 2012, pour un effectif de 6 160 personnels (en diminution de 2 % par rapport à 2011). Une partie de l’activité de ces centres est conduite au profit de clients externes, français ou étrangers. L’activité se répartit au global comme suit :

– 62% au profit des opérations d’armement (qui relèvent du programme 146) ;

– 15% au profit des études amont (programme 144) ;

– 19% au profit de l’entraînement des forces et d’autres organismes étatiques.

Les prestations payantes représentent quant à elles 4% de l’activité globale. Les rapporteurs considèrent que cette analyse mériterait d’être affinée, centre par centre, afin de mieux appréhender le potentiel de chaque site. De telles données n’ont pas encore été fournies aux rapporteurs alors même que ces activités sont susceptibles de générer des revenus complémentaires importants pour le fonctionnement de la DGA.

En outre, les auditions ont révélé que la DGA ne disposait pas des outils permettant de valoriser l’activité de chacun des sites sur le plan comptable. En effet, l’allocation des moyens humains et budgétaires alloués aux centres et la réforme de ces mêmes centres doivent s’appuyer sur des éléments comptables indiscutables que seule une comptabilité analytique apporte. Des travaux sont en cours pour disposer d’une véritable comptabilité analytique à l’horizon 2015. Toutefois, l’extension de mécanismes de comptabilité analytique à tous les centres d’essai n’est prévue que pour 2018, selon un calendrier qui devrait, aux yeux des rapporteurs, être resserré. On peut regretter cette situation qui ne permet pas à la représentation nationale d’apprécier pleinement les efforts de productivité qui ont été accomplis par la DGA comme la justesse de ceux qui pourraient à nouveau lui être demandés.

B. LE MAINTIEN DES LIVRAISONS À UN NIVEAU SOUTENU

On trouvera en annexe I un tableau récapitulant les principales livraisons intervenues au cours de l’année 2012, ainsi qu’en annexe II un tableau portant sur les commandes.

Ÿ La modernisation de la force de dissuasion nucléaire s’est poursuivie conformément à la programmation. Cette fonction stratégique a été l’objet d’un effort d’investissement constant de la Nation depuis l’origine. Le Président de la République a d’ailleurs confirmé en 2012 la double composante aéroportée et sous-marine de la dissuasion. Pour l’avenir, les cycles d’investissement devraient nécessiter un accroissement de l’effort financier, contrainte dont a tenu compte le nouveau Livre blanc.

S’agissant de la composante aéroportée, l’armée de l’air conduit depuis 2009 le remplacement des missiles air-sol moyenne portée (ASMP) par une nouvelle génération de vecteurs, les missiles air-sol moyenne portée améliorés (ASMP-A). En 2012, les livraisons ont été conformes à la programmation et le ministère de la Défense a notifié les premiers travaux de rénovation du missile. De son côté, celle des avions ravitailleurs KC 135 a été poursuivie.

La composante sous-marine bénéficie également d’une modernisation progressive de ses vecteurs. Les missiles M51 ont été admis au service actif en septembre 2010. L’année 2012 a vu de nouvelles commandes de M51 ainsi que la poursuite de l’adaptation du Triomphant.

Les crédits de paiement dévolus à l’activité du commissariat à l’énergie atomique (près de 1,5 milliard d’euros) ont permis de poursuivre un certain nombre de programmes clefs. Outre la fabrication des charges nucléaires, il a ainsi poursuivi l’installation des outils de simulation pour les prochaines décennies : laser mégajoule, dispositif de radiographie AIRIX, ou encore supercalculateur TERA.

Dans l’ensemble, le bilan de l’année 2012 dans le domaine de la dissuasion est pleinement satisfaisant, les chantiers en cours étant poursuivis selon la planification.

Ÿ Le Livre blanc de 2008 et la programmation de 2009 ont érigé en priorité le renforcement des moyens dévolus à la fonction Connaissance et anticipation. C’est ainsi qu’au cours de l’exercice 2012 le système de force « Commandement et maîtrise de l’information », a bénéficié d’un effort particulier : livraison de sept nacelles de reconnaissance aéroportées de nouvelle génération (Reco NG), d’un C160 Gabriel rénové (une capacité qui a fait la preuve de sa grande utilité dans les opérations au Sahel), d’un segment sol d’observation MUSIS et mise sur orbite d’un premier satellite Pléiades.

De son côté, le système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA) devait connaître une importante rénovation en cours de programmation portant notamment sur la rénovation des systèmes radar qui devait être lancée en 2010-2011. La contrainte budgétaire a poussé le ministère à fractionner les opérations afin de parer aux besoins les plus urgents. C’est ainsi que le ministère de la Défense a commandé en 2012 un nouveau radar de surveillance, destiné à équiper le site de Nice, tandis qu’un contrôle local aérodrome (CLA 2000) et deux radars d’atterrissage mobiles étaient livrés.

Ÿ Les moyens dévolus à la projection de force ont également été renforcés par des livraisons et des commandes. Elles ne permettent toutefois que de limiter un important déficit capacitaire qui ne pourra être comblé qu’une fois livrée la flotte d’A400M. Imputables à une conduite industrielle défaillante, au même titre que ses surcoûts, les retards de ce programme ont nécessité des mesures palliatives, portant notamment sur l’allongement de la durée de vie de C160 Transall ainsi que la commande d’avions de transport léger CN235 Casa, de fabrication espagnole : trois d’entre eux ont été livrés en 2012.

Le programme NH90, après des difficultés, poursuit sa montée en puissance, avec la livraison en 2012 de deux appareils en version navale et de quatre autres dans leur version terrestre. En complément, la flotte gouvernementale a reçu un Falcon 2000.

Ÿ Les programmes majeurs Rafale et Tigre se sont également poursuivis au titre des capacités « Engagement-Combat », avec la livraison de 11 Rafale et quatre Tigre, ainsi que celle de 196 armements air-sol modulaires (AASM).

Au titre du renouvellement des équipements de l’armée de terre, l’année 2012 a vu la livraison de 100 véhicules blindés de combat d’infanterie, de 38 véhicules de haute mobilité, et de six véhicules blindés légers. Celle de plus de 4 000 équipements FELIN permettra d’améliorer sensiblement les capacités de combat des fantassins.

De son côté, la marine a réceptionné la frégate Aquitaine, 12 missiles EXOCET et 15 kits AM 39. Par ailleurs, les premières commandes relatives à l’arrêt technique majeur n° 2 du porte-avions Charles-de-Gaulle ont été lancées.

Ÿ Le système de forces « Protection-Sauvegarde » permet quant à lui de sécuriser les approches maritimes et aériennes du territoire national. C’est à ce titre qu’ont été livrés en 2012 : un système SAMPT, 21 missiles ASTER ainsi que les 85 Mistral rénovés. Ces systèmes d’armes permettent d’assurer la protection sol-air des sites fixes et des forces terrestres. La livraison des 10 derniers missiles air-air MICA s’inscrit au titre de la posture permanente de sûreté aérienne.

Enfin, les commandes en « urgence opérations » ont permis d’améliorer l’interopérabilité des forces ainsi que leur protection pour un montant d’environ 3,5 millions d’euros. Ce niveau exceptionnellement bas traduit la bonne qualité des matériels fournis aux forces armées.

C. CE BUDGET D’ATTENTE A CONDUIT AU DÉCALAGE DE NOMBREUX PROGRAMMES QUI CONCERNENT PARTICULIÈREMENT L’ARMÉE DE TERRE

La crise économique et financière a modifié les perspectives budgétaires de la défense, entraînant un tarissement des ressources en crédits de paiement, en partie compensé par le décalage des ressources liées aux cessions de fréquences (cf. I). La non-réalisation de l’exportation du Rafale, sur laquelle tablait la planification, a conduit le Gouvernement à assumer l’acquisition de quatre appareils supplémentaires, afin de garantir une cadence minimale de production de 11 par an. Le financement de cette opération a fait peser une contrainte supplémentaire sur les ressources disponibles.

S’agissant des engagements, la perspective d’un nouveau Livre blanc a incité à limiter les nouvelles acquisitions, compte tenu notamment des incertitudes pesant sur le futur format des armées avec, par exemple, le report de la notification du contrat bâtiment de soutien d’assistance hauturier (BSAH), celui de la mise à niveau de matériels d’écoute ou d’observation (Hawkeye, stations ASTRIDE, Atlantique 2), de la rénovation d’hélicoptères Cougar FAR, le report de la livraison d’un Caracal et d’un Tigre ou encore de nombreux programmes terrestres, tels que la commande de 50 véhicules PVP qui a été abandonnée. Toutes les armées ont certainement été touchées par des restrictions. Mais, en proportion, l’armée de terre semble avoir fourni l’effort le plus important. Ainsi, alors qu’elle bénéficie en moyenne de 20 % de la ressource dévolue à l’équipement, cette dernière a supporté près de 40 % des annulations ou reports de commandes décidés pour 2012.

Les raisons sont multiples. En construction, l’essentiel des programmes concourant à la modernisation de l’armée de terre (hors hélicoptères) ne devait intervenir qu’en deuxième partie de LPM, soit au moment où les effets de la crise ont commencé à se faire ressentir le plus durement. En outre, ses programmes sont en moyenne de tailles plus modestes et s’étirent sur des durées moins longues que ceux intéressant la marine et l’armée de l’air. Le paysage industriel terrestre est fragmenté et l’État n’est pas engagé dans ce domaine dans des contrats de production équivalent au Rafale, à l’A400M ou au Barracuda. Des trois armées, l’armée de terre est celle dont la politique d’équipement connaît en proportion le moins de rigidité et permet le plus facilement d’opérer des ajustements de court terme.

On relève ainsi le report ou l’annulation de nombreux programmes concourant à la modernisation de l’armée de terre, avec en premier lieu celui du lancement de l’étape 1 du programme SCORPION, celui de l’engagement de bons de commande portant sur le porteur polyvalent terrestre ou encore la commande principale du missile moyenne portée (MMP). Le report de deux ans du lancement du véhicule léger tactique polyvalent devrait entraîner un déficit de capacité évalué à 30 % sur ce segment à l’horizon 2016. Autant de capacités fortement attendues par l’armée de terre, dont les équipements connaissent un vieillissement accéléré du fait de ses engagements en opérations extérieures.

Compte tenu du contrat opérationnel dévolu à l’armée de terre par le Livre blanc, la réalisation du programme SCORPION en entrée de la prochaine LPM paraît plus que jamais cruciale.

ANNEXES

ANNEXE 1

Tableau des livraisons intervenant en 2012

1 Frégate multimissions FREMM

1 bâtiment de projection et de commandement (BPC)

1 aéronef spécialisé dans le recueil du renseignement électromagnétique C160 Gabriel rénové

11 avions RAFALE

2 CASA CN 235 - avions cargo

1 Falcon 2000 AUG – avion gouvernemental

7 nacelles de reconnaissance nouvelle génération (RECO NG)

224 armements air-sol modulaires (AASM)

4 036 équipements FELIN

100 blindés VBCI

4 hélicoptères TIGRE de type HAP (Hélicoptères Appui Protection)

3 hélicoptères EC725 CARACAL (relance)

4 hélicoptères NH 90 en version terrestre

2 hélicoptères NH 90 en version marine

3 hélicoptères Cougar rénovés

200 petits véhicules protégés (PVP)

3 systèmes de franchissement (SPRAT)

10 missiles air-air MICA

2 systèmes sol-air moyenne portée terrestres (SAMP/T) de la famille de systèmes sol-air futurs (FSAF)

13 missiles anti-aériens ASTER 30

15 missiles Mistral rénovés

1 500 ensembles de parachutage du combattant (EPC)

37 véhicules à haute mobilité (VHM)

1 système sol pour l’observation spatiale (SSO)

3 radars de poursuite de nouvelle génération (PAR NG/SCCOA3)

17 kits de numérisation (SI Terre)

1 site embarqué (SIC 21)

26 stations segment sol (SYRACUSE III)

51 stations ASTRIDE phase 2

2 systèmes INTRACED

9 systèmes RIFAN étape 2

3500 TEOREM

9 stations navales SSU (TELCOMARSAT)

Source : ministère de la Défense.

ANNEXE 2

Programmes faisant l’objet de commandes en 2012

 

5 rénovations d’hélicoptères RENO Cougar (5 FAR) (1)

34 hélicoptères NH 90 en version terrestre

Production M51.2

Réalisation de l’IPER/Adaptation au M51 du SNLE Le Triomphant (2ème SNLE de type « Le Triomphant » à être adapté).

TRANSOUM – Commande de la conception et de la rénovation des premiers Centres de Transmissions Marine (CTM)

1 radar fixe pour Nice (SCCOA4)

24 kits de numérisation (SI Terre)

2 stations segment sol (SYRACCUSE III)

4 systèmes RIFAN étape 2

2 stations navales SSU (TELCOMARSAT)

1 segment sol MUSIS

1 500 ensembles de parachutage du combattant (EPC)

Source : ministère de la Défense.

COMPTE RENDU D’AUDITION

Audition du mardi 9 juillet 2013

À 11 heures 30 : Général Bruno Le Ray, chef de la division « Plans, programmes et évaluation » de l’état-major des armées, et de M. Christophe Fournier, directeur des plans, des programmes et du budget de la direction générale de l’armement du ministère de la défense.

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, et de M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Jean Launay, secrétaire de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. En attendant que le président de la commission des finances me remplace, il me revient d’ouvrir cette audition conjointe avec la commission de la défense et des forces armées, qui nous permet d’entendre le général Bruno Le Ray, chef de la division « Plans, programmes et évaluation » de l’état-major des armées, et M. Christophe Fournier, directeur des plans, des programmes et du budget de la direction générale de l’armement du ministère de la défense, respectivement accompagnés du capitaine de vaisseau Thierry Durteste, et de l’inspecteur général de l’armement François Mestre, sous-directeur des plans et des programmes à la DGA.

Cette audition fait suite à la décision prise par la Conférence des présidents d’expérimenter la tenue de réunions communes des commissions, portant sur des évaluations de politiques publiques, dans le but de valoriser les discussions intervenant au moment de la loi de règlement et, plus généralement, le rôle d’évaluation de notre assemblée.

À cette fin, deux rapporteurs ont été désignés, M. Jean-Jacques Bridey pour la commission de la défense, et M. François Cornut-Gentille pour la commission des finances, qui ont travaillé dans le cadre de cette mission d’information commune sur l’exécution des crédits 2012 du programme 146 « Équipement des forces ».

Demain, nous tiendrons avec la commission des affaires culturelles et de l’éducation une réunion de même nature consacrée à la politique de soutien au sport professionnel et aux solidarités avec le sport amateur, politique qui fait l’objet d’une évaluation menée par le Gouvernement dans le cadre de la modernisation de l’action publique (MAP). D’ici à la fin du mois, un autre débat de ce type portera sur l’évaluation des zones d’éducation prioritaire.

Mme la présidente Patricia Adam. Je me félicite que le travail mené avec la commission des finances nous permette d’aborder de façon nouvelle l’examen de l’exercice budgétaire. Ce travail est d’autant plus important qu’un projet de loi de programmation militaire (LPM) est en phase finale de préparation, ce qui explique l’absence ce matin de l’amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées, et M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Présenté en Conseil des ministres dans les semaines qui viennent et examiné par le Parlement à la rentrée, le projet de loi de programmation militaire sera déterminant pour le devenir de nos armées. Cette audition nous permet d’ores et déjà de traiter de certains de ses enjeux.

M. Christophe Fournier, directeur des plans, des programmes et du budget de la direction générale de l’armement du ministère de la défense. En guise de préambule, je voudrais souligner le fonctionnement satisfaisant et collégial du copilotage du programme 146, qui me permet de m’exprimer aujourd’hui d’une seule voix avec le général Le Ray.

Nous sommes ici pour vous rendre compte de la gestion de ce programme au cours de l’année 2012, laquelle se présente à bien des égards comme une année de transition. Une démarche de prudence a ainsi été adoptée pour les lancements d’opérations nouvelles et les engagements principaux afin de ne pas préempter les choix du Livre blanc et de la loi de programmation militaire en cours d’élaboration. L’exécution budgétaire 2012 correspond par ailleurs la première année d’utilisation nominale de l’outil comptable Chorus.

J’aborderai successivement l’exécution budgétaire, la conduite des opérations d’armement, et les indicateurs de performances associés, avant de revenir, à la fin de mon exposé, sur la situation du titre 2 du programme 146.

L’exécution budgétaire est en écart relativement sensible par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2012. Cette situation s’explique, pour les engagements, par la phase d’attente que je viens de décrire, et, pour les paiements, par diverses mesures d’annulation ou de gage de crédits de paiements prises par des lois de finances rectificatives (LFR) ou des décrets d’avance.

En 2012, les engagements sur le programme 146 ont atteint 6,2 milliards d’euros alors que la prévision s’élevait à 11,4 milliards d’euros dans la LFI. Ce niveau est exceptionnellement bas par rapport aux années précédentes. Sans remonter à l’année 2009 pour laquelle les engagements représentaient plus de 19 milliards d’euros, on peut rappeler qu’en 2010 et 2011 ces montants dépassaient respectivement 9 et 8 milliards. Nous devons y voir la traduction concrète de la mise en œuvre à l’été 2012 de la phase d’attente que j’ai déjà évoquée. À cet égard, seuls les programmes relevant de la dissuasion ont été totalement exemptés. De nombreux engagements ont en revanche été décalés, comme ceux concernant les missiles anti-navires légers (ANL), le traitement de l’obsolescence des missiles Aster, la réalisation du futur missile anti-chars MMP, la rénovation des avions Atlantique 2, ou la commande d’hélicoptères NH90 pour l’armée de terre, repoussée en 2013. Globalement, le niveau des engagements a été réduit de 5,2 milliards d’euros. Cette régulation a eu pour effet de diminuer le besoin de paiements sur l’année 2012 de 400 millions, ce qui a contribué à limiter la dérive du report de charges que j’évoquerai ultérieurement.

Les paiements sur le programme 146 se sont élevés à 9,6 milliards d’euros, ce qui correspond à l’atteinte de la norme de paiement à quelques milliers d’euros près, et à la
consommation de la quasi-totalité des ressources obtenues, la norme de paiement n’ayant bloqué que 29 millions d’euros.

Sur ces consommations, 8,6 milliards d’euros provenaient de ressources budgétaires, soit 9,1 milliards issus de la loi de finances initiale, amputés de 0,5 milliard d’annulation par les collectifs successifs de février 2012 – 200 millions d’euros au titre du sommet social – et d’août 2012 – 22 millions destinés au financement des priorités gouvernementales –, puis par le décret d’avance à hauteur de 176 millions d’euros, et enfin par la loi de finances rectificative de décembre 2012 qui a soustrait 100 millions d’euros au programme 146 pour financer le titre 2.

En plus de ces ressources budgétaires, 938 millions d’euros ont été consommés sur le compte d’affectation spécial (CAS) Fréquences, ce qui correspond à la norme de dépense autorisée pour 2012. L’utilisation de ce compte d’affectation spécial me semble caractéristique de l’usage de ressources extrabudgétaires au profit de la défense. Pour le CAS Fréquences, on a d’abord constaté une mise en place tardive des ressources – avec environ deux ans de retard par rapport aux prévisions –, puis une difficulté pour une consommation qui nécessite souvent des procédures adaptées donnant lieu à des négociations avec les services du ministère du budget et à une mise en œuvre très complexes. C’est ainsi que 89 millions seulement ont pu être consommés en 2011, et que l’année 2012 a été la première année d’abondement effectivement significatif du programme 146 par ce compte d’affectation spéciale. Ces difficultés pèsent dans notre niveau actuel de report de charges ; elles pèseront encore plus si les procédures que nous avons pu utiliser en 2012 ne sont pas reconduites pour 2013 – ou si elles ne s’appliquent pas à d’autres ressources extrabudgétaires à venir.

Le report de charges s’établit à 1,8 milliard d’euros à la fin de 2012. Il s’est dégradé de 300 000 millions d’euros par rapport à 2011. En 2012, nous avons constaté une rupture des paiements dès le mois de novembre. Une attention particulière a été portée au cas des PME car la capacité de les payer dans un délai minimal constitue une préoccupation forte de la DGA. En 2010 et 2011, en raison des difficultés rencontrées dans l’emploi du nouvel outil comptable Chorus, il avait été nécessaire de mettre en place un dispositif de vigilance en liaison avec la mission PME du ministère, complété par quelques mesures dérogatoires permettant de payer ces entreprises même quand tous les éléments nécessaires n’étaient pas disponibles. En 2012, le dispositif de vigilance a été maintenu, mais les progrès dans l’appropriation de l’outil ont permis de réaliser les paiements d’une manière fluide sans qu’il soit nécessaire de recourir à des mesures dérogatoires.

Le niveau des intérêts moratoires constatés confirme les progrès dans la maîtrise de Chorus. Les 6,9 millions d’euros d’intérêts moratoires en 2012, soit 0,07 % de la dépense, sont historiquement faibles. L’objectif du projet annuel de performance, soit 20 millions d’euros, correspondait à 0,19 % de la dépense. Après deux années perturbées par la mise en place de Chorus – 23,5 et 16,3 millions d’euros d’intérêts moratoires respectivement en 2010 et 2011–, le résultat 2012 traduit une meilleure appropriation de l’outil, la résorption de ses dysfonctionnements de jeunesse, ainsi que des efforts accomplis pour améliorer l’efficacité du processus de liquidation. Il faut toutefois être conscient que la diminution régulière du délai global de paiement pèse sur le montant des intérêts moratoires, qui pourraient augmenter à nouveau dans les années à venir si cette évolution se poursuit.

J’en viens à la conduite des opérations et aux indicateurs de performances de la LOLF. L’examen des indicateurs de performance des opérations d’armement principales sur ces dernières années démontre un effort constant sur la tenue de nos objectifs, tant en matière de coûts et délais, notamment pour la livraison des matériels aux forces, que de performances techniques.

En 2012, la plupart des objectifs des indicateurs de performance sont atteints. Les devis sont maîtrisés : alors que leur plafond d’évolution annuelle moyenne à terminaison était fixé à +1,5 %, le résultat s’est établi à -0,30 %. Les délais le sont aussi : pour un plafond d’évolution annuelle moyenne des délais de réalisation fixé à deux mois, le résultat fin 2012 est de 1,3 mois. Les livraisons valorisées ont été réalisées à près de 95 % pour un objectif de 85 %. Les performances techniques sont également parfaitement maîtrisées et atteignent 99,9 %.

Cependant, l’indicateur de progression dans la réalisation des opérations d’armement principales est nettement au-dessous de l’objectif. Si les jalons du système de forces « Dissuasion » ont été franchis à 100 %, les autres systèmes de forces accusent un retard sensible. Globalement, le niveau de réalisation atteint 65,2 % pour un objectif de 82 %. Toutefois, la plus grande partie de l’écart – plus de quinze points – est due aux décisions d’attente sur les lancements de programmes ou les commandes.

Les commandes passées en 2012 témoignent des principales priorités préservées malgré la phase d’attente. La crédibilité de la dissuasion est évidemment maintenue avec l’IPER-Adaptation au M51 du SNLE Le Triomphant, le lancement de la phase d’orientation de la rénovation à mi-vie du missile ASMP-A, et le marché « Arrêt technique majeur » du porte-avions Charles de Gaulle.

Le système de forces « Connaissance et anticipation » bénéficie également d’une priorité. En 2012, nous avons lancé la réalisation du système d’information des armées, la commande des radars destinés au système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA), et la commande des lancements des deux satellites MUSIS.

La protection des troupes en opération constitue aussi un objectif prioritaire comme en témoigne la notification du marché de brouilleurs BARAGE.

Enfin, le maintien de la compétence de l’industrie et de sa compétitivité à l’export est resté prioritaire avec les travaux de levée de risques du standard Rafale F3R, l’achat de capacité de soutien du service industriel de l’aéronautique (SIAé) pour le programme A400M, et le lancement des travaux du programme « CONTACT étape 1 » – programme de radio destiné à maintenir l’avance technologique de l’industrie française.

Par ailleurs un certain nombre d’acquisitions en procédure accélérée pour des urgences opérationnelles ont été réalisées comme celles d’antennes filaires haute fréquence pour les sous-marins ou de dispositifs destinés à la protection des forces en opération –brouilleurs portables contre les engins explosifs improvisés, équipement d’identification chimique, adaptation d’une mitrailleuse sur hélicoptère Caracal. Ces acquisitions ont toutefois représenté des montants très faibles – 3,5 millions d’euros en 2012 – par rapport à l’ensemble du programme 146, qui sont même en régression importante par rapport aux années précédentes – environ 25 millions d’euros de commandes en urgence opérationnelle.

En 2012, de très nombreuses livraisons ont été effectuées dont je ne citerai que quelques exemples : le premier Rafale avec antenne active, la première frégate multi-missions FREMM Aquitaine, le premier C160 Gabriel rénové, le quarantième et dernier Tigre version HAP, le segment sol du satellite Pléiades, le système sol-air moyenne portée terrestre AMP/T, onze Rafale, un bâtiment de protection et de commandement (BPC), cent véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI), mais aussi 196 missiles AASM et 30 000 masques individuels de protection.

Jusqu’en 2011, la maîtrise du titre 2 du programme 146 a été satisfaisante avec des exécutions équilibrées voire légèrement excédentaires malgré une ressource en diminution régulière. Pour la première fois en 2012, une dérive de 0,5 % par rapport à la LFI est observée. Les dépenses de titre 2 réelles – c’est-à-dire hors fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État – du programme 146 – DGA et budget opérationnel de programme (BOP) d’armées– sont constantes à hauteur de 858,5 millions d’euros, alors que les ressources, soit 848 millions, sont en baisse sur le même périmètre.

Cette dérive s’explique principalement par un déficit sur le BOP DGA – pourtant à l’équilibre depuis 2009 – dû à une difficulté à réaliser le schéma d’emploi prévu en LFI, c’est-à-dire par une sous-exécution de la déflation de personnels prévue. Les dépenses de titre 2 n’ont pas baissé autant que la ressource LFI en recul de 23 millions d’euros par rapport à 2011. D’autres éléments conjoncturels ont contribué à ce déficit comme, par exemple, un recouvrement insuffisant des remboursements liés aux mises à disposition de personnels en raison de difficultés rencontrées avec certaines des fonctionnalités particulières de Chorus. La sous-exécution des déflations d’effectifs en 2012 est symptomatique des difficultés à réaliser les dernières déflations prévues par la RGPP en l’absence de postes sous-jacents identifiés alors que les départs volontaires ralentissent.

Le retard enregistré en 2012 dans la déflation des effectifs de la DGA ne doit cependant pas masquer les résultats obtenus. En effet, depuis 2008, la DGA a effectué des regroupements de centres passant de quinze centres sur vingt et un sites à neuf centres sur quinze sites ce qui a impliqué des fermetures de sites et des transferts d’activités. La DGA a également externalisé massivement son soutien auprès d’autres opérateurs ministériels, même si le fonctionnement de ce dispositif récent reste à rôder sous nombre d’aspects.

À la fin de l’année 2012, la DGA comptait 10 418 équivalents temps plein, soit une réduction de près de 20 % par rapport à 2008. L’effectif de 10 000 personnes devrait être atteint fin 2013.

Général Bruno Le Ray, chef de la division « Plans, programmes et évaluation » de l’état-major des armées. Les armées ont également participé à la réduction des effectifs dans le cadre du programme 146. Depuis l’entrée en vigueur de l’actuelle LPM, leurs centres d’expérimentation ont réduit leurs effectifs de 12%, dépassant ainsi les objectifs initialement fixés dans le cadre de la rationalisation du soutien au sein des bases de défense.

La vocation du programme 146 demeure la mise à disposition d’armements et de matériels au service des opérations, livrés conformément aux prévisions et avec les performances attendues. Il s’agit de garantir dans la durée la mise en service de matériels permettant de remplir à coûts maîtrisés les contrats opérationnels fixés aux forces armées. Ce programme est organisé suivant les cinq systèmes de forces retracés dans les documents de suivi budgétaire, que ce soit le projet annuel de performance ou le rapport annuel de performance (PAP-RAP). Chacun de ces systèmes de forces fédère des moyens qui répondent à des besoins opérationnels dans une logique totalement interarmées.

Le système de forces « Dissuasion » représente la garantie fondamentale de la sécurité nationale. Il est au cœur des moyens qui permettent à la France d’affirmer son autonomie stratégique. Pour la composante océanique, l’année 2012 a été marquée par de nouvelles commandes de missiles M51, et par la commande de l’adaptation au M51 du SNLE Le Triomphant. Pour la composante aéroportée, les premiers travaux de la rénovation de l’ASMP-A ont été notifiés, alors que les travaux de rénovation des ravitailleurs KC-135 se poursuivent.

Pour les quatre autres systèmes de forces, les indicateurs du rapport annuel de performance se situent en dessous des objectifs. Les livraisons de matériels conventionnels ont néanmoins été conformes aux prévisions, témoignant de l’effort financier consenti au début de la période d’application de la LPM en cours, alors que nombre de commandes prévues en 2012 ont été reportées dans l’attente des décisions de programmation.

Le système de forces « Commandement et maîtrise de l’information » contribue à l’autonomie de décision. Il permet de disposer de moyens de recueil de l’information, de transmission et d’exploitation. Les derniers engagements ont confirmé le caractère prioritaire de cette fonction. Les livraisons de sept nacelles de reconnaissance aéroportées, la commande d’un segment sol d’observation MUSIS et la livraison d’un segment sol d’observation ainsi que la mise en orbite du premier satellite Pléiades correspondent à cette priorité. La capacité des bâtiments de la marine nationale à s’intégrer dans un système de transmissions de données tactiques numériques, nécessaire lors du déploiement d’une force maritime – par exemple Atalante ou Harmattan –, a été maintenue. En complément, l’objectif de numérisation des opérations est poursuivi avec les programmes Syracuse, système d’information des armées, et système d’information Terre. La sécurité des systèmes d’information est renforcée grâce aux systèmes INTRACED et TEOREM, de même que le renseignement d’origine électromagnétique au niveau tactique. Les commandes de stations ASTRIDE et RIFAN ont en revanche été reportées dans l’attente des travaux de programmation.

Afin de répondre à la diversité des engagements des forces, le système de forces « Projection-Mobilité-Soutien » rassemble les moyens permettant la projection sur des théâtres d’opérations éloignés de la métropole, la mobilité à l’intérieur des théâtres et le soutien durant toute la durée de l’opération. L’effort de limitation du déficit capacitaire dans le domaine de la projection aérienne a été maintenu avec la livraison de Casa CN-235. La livraison de deux hélicoptères NH90 en version navale, et de quatre appareils en version terrestre, a permis, d’une part, de consolider les moyens de sécurité et de contre-terrorisme maritime et, d’autre part, d’initier la montée en puissance des moyens aéromobiles. La modernisation des équipements des troupes aéroportées est en cours avec le programme « ensemble de parachutage du combattant » (EPC), alors que la capacité de franchissement terrestre a poursuivi son renouvellement avec le programme « système de pose rapide de travures » (SPRAT). Enfin, les vecteurs de projection de forces, qui ont montré leur pertinence comme plateformes aéromobiles lors d’Harmattan et lors des opérations dans le golfe de Guinée, ont été renforcés avec la livraison du troisième BPC. En revanche, les commandes de trente-quatre NH90, la rénovation de Cougar et d’Atlantique 2 ainsi que la commande de bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH) ont été reportées dans l’attente des travaux de programmation.

Le système de forces « Engagement-Combat » permet l’engagement des forces, dans le but d’altérer le potentiel adverse, de contrôler et de maîtriser le théâtre dans toutes ses dimensions. Les commandes et livraisons de matériels dont le besoin et l’efficacité ont été de nouveau mis en évidence sur les théâtres d’opérations, notamment afghan et sahélien, se sont poursuivies. En 2012, les efforts ont porté sur la modernisation de l’aviation de chasse avec le Rafale, et celle des hélicoptères grâce au programme Tigre, sur le renforcement de la mobilité, sur la protection des forces terrestres – avec les programmes VBCI et VHM en particulier – et sur le développement des capacités d’action au combat – avec les programmes FELIN et FREMM.

Enfin, le système de forces « Protection-Sauvegarde » concerne à la fois le théâtre national et les théâtres d’opérations extérieures. Sur le territoire national, ce système de forces permet de disposer des moyens de sécurisation des approches et des espaces aériens et maritimes. En opération, il a pour objectif de protéger et de garantir la liberté d’action des forces engagées contre l’ensemble des menaces conventionnelles ou non. La capacité sol-air a été renforcée avec les programmes SAMP-T et Mistral rénovés, permettant d’assurer la défense sol-air de sites fixes et de la force opérationnelle terrestre. Dans le domaine naval, le système sol-air PAAMS a été qualifié. Le déploiement de la deuxième version du système de surveillance des approches maritimes, SPATIONAV V2, se poursuit. Le maintien de la posture permanente de sûreté ainsi que la capacité à faire respecter une zone d’exclusion aérienne, comme lors de l’opération Harmattan, ont été notamment renforcés avec les livraisons de missiles MICA.

En 2012, les livraisons ont donc été globalement conformes aux prévisions, concrétisant les efforts d’investissement réalisés lors de la LPM en cours. De nombreuses commandes ont été néanmoins suspendues dans l’attente des travaux du Livre blanc. La coresponsabilité du programme, dont il faut bien admettre le caractère parfois dissymétrique, surtout en période de fortes tensions budgétaires, fonctionne. Les aspects à la fois capacitaires et BITD sont au cœur des préoccupations. L’année 2013 se présente comme une période de transition avant l’adoption prochaine d’une nouvelle loi de programmation militaire.

M. François Cornut-Gentille, co-rapporteur. La décision de la Conférence des présidents de mettre en place l’exercice nouveau auquel nous nous livrons ce matin a été préparée par un travail effectué par M. Régis Juanico et moi-même à l’intention du Président de l’Assemblée nationale. Il nous semblait utile qu’au moment de l’examen du projet de loi de règlement, la commission des finances travaille de façon collégiale avec les autres commissions permanentes sur le fonctionnement de l’État et des services. Il ne s’agit ni pour la majorité de décerner un satisfecit au Gouvernement ni pour l’opposition d’exprimer sa défiance, mais plutôt, pour l’ensemble des députés qui accompagnent la réforme de l’État, de comprendre le fonctionnement des services afin de leur permettre de s’améliorer et d’évoluer.

Pour entrer dans le vif du sujet, les réponses des services aux questions posés par les deux rapporteurs dans le cours de leurs travaux m’ont paru quelque peu insuffisantes dans trois domaines.

Si le recours à la fongibilité par les responsables de programme prouve que la LOLF fonctionne, la question mérite tout de même certains éclaircissements d’autant que la fongibilité porte sur plus de 10% des montants – soit plus d’un milliard d’euros. Si j’approuve le principe voulu par le législateur, il me semble néanmoins que nous ne pouvons pas nous contenter des réponses qui nous sont faites. Évoquer de façon générale les retards techniques et les problèmes industriels n’a guère de sens car, selon le programme concerné, la fongibilité peut avoir des causes sans gravité ou d’autres qui posent des problèmes réels. Les chiffres dont nous disposons montrent que, sur certains programmes, les variations dues à la fongibilité peuvent être considérables par rapport à la loi de finances initiale. Nous aimerions disposer d’analyses précises de ces évolutions. Pourquoi la variation s’élève-elle à 135 % pour les torpilles ? Pour ce qui concerne le Casa CN-235, alors que rien n’a été inscrit en LFI, nous en sommes à 75 millions de crédits de paiement ! Il serait normal que la représentation nationale puisse distinguer ce qui relève de la gestion courante, d’une décision justifiée, ou d’un problème sérieux.

Des réponses trop générales ont également été fournies sur les centres d’essais de la DGA. Vous évoquez un « chiffre d’affaires » global, mais nous aimerions pouvoir analyser les coûts de façon fine, centre par centre. Par ailleurs, les prestations payantes représentent 4 % de ce chiffre d’affaires, or nous ne savons pas si elles peuvent progresser, ni si des mutualisations sont possibles. Quelle est la stratégie suivie ? L’état-major est-il impliqué dans les centres d’essais et dans la réflexion sur leur avenir ?

Enfin, dans une période où la stratégie industrielle de l’État est décisive – il envisage même des ventes de participations pour dégager des ressources exceptionnelles –, les réponses qui nous ont été données en la matière nous ont également paru insuffisantes.

M. Jean-Jacques Bridey, co-rapporteur. Parmi les questions que nous vous avions préalablement transmises, l’une portait sur la maîtrise des coûts d’entretien des matériels. Les moyens alloués sont en hausse d’environ 7 % en 2012 alors que la disponibilité des matériels est en baisse. Ce recul de la disponibilité correspond-il à un vieillissement ou s’agit-il d’une adaptation temporaire ? Comment y remédier ?

Vous expliquez par ailleurs le décalage de la livraison de certains d’équipements prévus pour 2012 par des « retards industriels ». Que signifie ce concept ? Comment éviter dans les prochaines années les retards importants qu’ont connus certains programmes ?

En 2012, la DGA n’a pas totalement atteint ses objectifs en termes de « déflation de personnels ». Vous nous avez répondu sur le sujet, mais comment concilier ces objectifs et la nécessité de recruter pour répondre à des besoins nouveaux comme la cyberdéfense ?

M. Christophe Fournier. La loi de finances initiale répartit les crédits de paiement par programme sur la base d’un chiffre à peu près équivalent à 9 milliards d’euros. Or, à ce jour, il faut compter avec 1,5 milliard de report de charges. Bien évidemment les factures correspondant à ce report s’honorent en priorité dès le début de la gestion suivante. Cette année, plus d’un milliard d’euros a ainsi été réglé en deux jours. L’ordre de grandeur de ce report de charges correspond à la distorsion par rapport à la LFI sur laquelle vous nous interrogez. Selon les factures qui restent en stock à la fin de l’année, ce report peut évidemment être très différent d’un programme à l’autre. De plus, il ne faut pas oublier que 10 % d’une LFI correspond à un mois. Il suffit donc d’un retard d’un mois pour qu’une partie significative des paiements glisse d’une année à l’autre.

La DGA a procédé à un regroupement de ses centres d’essais ayant des finalités voisines – quand cela n’a pas été possible géographiquement, cela s’est fait sur le plan du pilotage. Ainsi, le groupe d’études sous-marines (GESMA) de Brest, qui a conservé une implantation dans cette région, est aujourd’hui piloté par DGA Techniques navales. La gestion des centres essai par essai, activité par activité, et investissement par investissement, constitue un enjeu pour la DGA qui souhaite mettre en place une comptabilité analytique actuellement inexistante – elle est parfois embryonnaire dans certains centres.

M. François Cornut-Gentille, co-rapporteur. À quelle échéance ?

M. Christophe Fournier. Des contrats seront passés dès cette année et la mise en place de cette comptabilité analytique sera progressive. Elle concernera certainement une partie des centres d’ici à deux ans, et la totalité d’entre eux d’ici trois à cinq ans.

Les investissements au titre du BOP DGA correspondent essentiellement aujourd’hui au maintien en conditions opérationnelles et en conditions de sécurité des équipements d’essais existants. Les équipements d’essais nouveaux sont pour la plupart financés par les programmes utilisateurs qui peuvent nécessiter la construction d’installations nouvelles.

M. François Cornut-Gentille, co-rapporteur. Le partage de certains coûts avec le privé dans ces centres est-il envisageable ?

M. Christophe Fournier. Cela l’est pour de nombreux centres et pour de nombreuses activités. Plus de la moitié de l’activité de DGA Essais propulseurs à Saclay se fait déjà au profit de l’industrie, y compris dans le domaine civil.

M. François Cornut-Gentille, co-rapporteur. Nous aurions aimé disposer de ces intéressantes informations centre par centre pour alimenter notre réflexion.

M. Christophe Fournier. Nous essaierons de vous fournir la synthèse la plus pertinente possible sur la part d’activités effectuées au profit d’autres clients que le ministère de la défense. Saclay fait évidemment partie des centres ayant la plus grande part d’activité de ce type. Le centre DGA Essais de missiles travaille par exemple principalement pour la défense, même si quelques ministères de la défense étrangers ne disposant pas d’installations comparables l’utilisent.

Général Bruno Le Ray. Monsieur Bridey, le maintien en condition opérationnelle concerne bien le programme 146, mais les chiffres auxquels vous faites allusion correspondent aux dotations d’entretien programmé du programme 178. Les problèmes en question ne sont donc pas spécifiques au programme qui nous occupe.

L’exécution des dépenses d’entretien programmé du matériel depuis l’entrée en vigueur de l’actuelle loi de programmation militaire montre que les ressources n’ont pas été à la hauteur de ce qui était prévu. La dégradation en termes de disponibilité opérationnelle en découle, même si elle ne constitue pas le seul indicateur pertinent – les données d’activités opérationnelles rapportent par exemple le nombre de jours passés en mer, le nombre d’heures de vol… En raison des fortes activités d’opérations extérieures et des montants élevés obtenus au titre des décrets d’avances successifs, cette dégradation est toutefois inférieure à ce que la mauvaise progression des ressources aurait pu provoquer. Elle constitue néanmoins un sujet de préoccupation majeure pour le ministre de la défense et la hiérarchie militaire dans le cadre de la préparation de la future loi de programmation militaire. Dans un premier temps, la situation doit être stabilisée, mais nous devons être conscients que le niveau opérationnel ne pourra pas être rétabli du jour au lendemain. Ces dernières années, les stocks de pièces détachés ont été largement utilisés pour pallier le manque de ressources ; il faut les reconstituer avant de prévoir un rétablissement du niveau d’activité.

Au-delà de l’insuffisance des crédits, confirmée par le rapport conjoint de l’inspection général des finances et du contrôle général des armées, je rappelle qu’en termes de dépenses d’entretien programmé des matériels, la dynamique du « coût des facteurs » se situe en moyenne 1 % au-dessus de l’inflation classique. Si le rythme d’allocation des ressources ne compense pas cette évolution « naturelle » des dépenses, l’efficacité des crédits ne progresse pas, et les besoins générés par l’entretien des matériels de nouvelle génération, souvent plus élevés que pour les matériels anciens, ne peuvent pas être satisfaits.

M. Jean-Jacques Bridey, co-rapporteur. Qu’en est-il des retards industriels ?

M. Christophe Fournier. Les commandes de matériels font l’objet de contrats et de stipulation en matière de délais et des performances. Celles-ci peuvent ne pas être toutes parfaitement satisfaisantes, et les vérifications en la matière peuvent prendre plus de temps que prévu. Il appartient à la DGA d’obtenir que le fournisseur remplisse ses obligations dès lors qu’elles sont techniquement réalisables. Ces situations sont à l’origine de reprises de matériels et de décalages de livraison qui ont un impact sur les décalages des paiements. Pour citer un exemple, l’industriel choisi pour la mise en œuvre du programme de détection et d’identification des agents biologiques Detectbio avait clairement sous-estimé les difficultés liées à la sécurité des installations, ce qui a entraîné des retards.

En clair, si les engagements sont le fait de nos décisions, les paiements se font à la mesure des réalisations.

M. Christophe Guilloteau. L’opération Serval n’a pas du tout été évoquée…

M. le président Gilles Carrez. Elle s’est déroulée en 2013 !

M. Christophe Guilloteau. Nous restons dans le flou en termes de reports et de choix de matériels. Nous avons besoin de vraies réponses pour faire des choix et travailler sur le futur projet de loi de programmation militaire. De nombreuses informations nous sont données, mais je n’y retrouve pas mes petits !

Mme la présidente Patricia Adam. Mon cher collègue, je vous rappelle que M. François Cornut-Gentille et M. Jean-Jacques Bridey présenteront très prochainement leur rapport d’information qui vous permettra de vous y retrouver.

M. Jean-Jacques Bridey, co-rapporteur. Par définition, nos collègues n’ont pas suivi les étapes précédentes de notre travail dont cette audition constitue la phase finale. Avant de rendre notre rapport, nous avons posé des questions complémentaires auxquelles des réponses nous sont apportées ce matin.

M. Joaquim Pueyo. En 2012, les livraisons prévues dans le cadre du programme Scorpion ont-elles eu lieu ? En 2011, nous avions constaté un décalage pour ce qui concerne l’équipement des unités de combat en véhicules blindés modulaires à roues, notamment pour les chars Leclerc rénovés, et les engins blindés roues-canon. Scorpion comportait une première programmation jusqu’en 2015 puis une deuxième jusqu’en 2027.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les reports de paiements paraissent inévitables compte tenu des montants globaux engagés mais sommes-nous en mesure de dissocier ce qui relève des retards industriels ? Dans les autres cas, quelles en sont les causes ? Sont-elles purement financières ?

M. Philippe Vitel. Existe-t-il un lien entre Chorus et les retards de paiements des sous-traitants et des PME ? Tous les moyens ont-ils vraiment été mis en œuvre pour régler ces factures ?

M. Christophe Fournier. Monsieur Guilloteau, aucune livraison n’était prévue dans le cadre du programme Scorpion en 2012. Son lancement en réalisation ne devait avoir lieu qu’en 2013, mais le calendrier précis est en cours d’examen dans le cadre de la préparation de la future loi de programmation militaire.

Madame Dalloz, les reports de charges ne sont pas dus aux retards industriels qui auraient même plutôt tendance à les réduire puisque la présentation des factures est reportée ; ils s’expliquent uniquement par une insuffisance des crédits.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans nos circonscriptions, des particuliers sont confrontés à ce problème : les loyers de gendarmes ne sont plus honorés à partir du mois de septembre…

M. le président Gilles Carrez. Ces dépenses ne relèvent pas vraiment du programme 146 !

M. Christophe Fournier. Monsieur Vitel, nous n’avons pas rencontré en 2012 les difficultés constatées lors de la mise en place de Chorus en 2010 et 2011. La maîtrise de l’outil et du processus de liquidation est suffisante pour que les fournisseurs de l’État soient payés dans des conditions normales, quelle que soit leur taille. Je rappelle toutefois que, sauf si leur activité représente au moins 10% du volume global du contrat, les sous-traitants sont généralement payés par les maîtres d’œuvre qui ne sont pas tenus de respecter les délais imposés par le code des marchés publics.

Général Bruno Le Ray. Nous ne restons pas passifs devant le problème du report de charges. Il ne concerne d’ailleurs pas le seul programme 146 mais aussi, par exemple, les programmes 178 et 212. Motivés par le souci constant de maîtriser ce report et de ne pas le laisser dériver année après année, la DGA et l’état-major des armées gèrent le programme 146 en effectuant des arbitrages sur les commandes.

M. Jean-François Lamour. Pour le transport stratégique et le ravitaillement en vol, la France dispose aujourd’hui à ma connaissance de dix-neuf avions : quatorze ravitailleurs, deux Airbus A340 de location et trois Airbus A310. Selon le Livre blanc, cette flotte doit progressivement être remplacée par douze MRTT (Multi Role Transport Tanker – avions multirôle de ravitaillement en vol et de transport). Que pensez-vous de l’utilisation et de la performance des avions en service, et du passage de dix-neuf à douze appareils ? La flotte actuelle est-elle surdimensionnée ou dans un état qui empêche son utilisation ?

Général Bruno Le Ray. Monsieur le député, dans votre décompte, vous agrégez les avions servant au ravitaillement en vol et ceux destinés au transport stratégique au sens large. Les douze MRTT ne sont destinés qu’au seul ravitaillement en vol : il ne remplace donc que les quatorze ravitailleurs. Nous ne renonçons pas aux A340 et aux A310 qui n’ont pas besoin d’être renouvelés dans un avenir proche contrairement aux trois ravitailleurs KC-135 par exemple – les récentes opérations extérieures ayant montré nos lacunes en matière de ravitaillement en vol.

M. Jean-Jacques Bridey, co-rapporteur. Nous avions interrogé la DGA et l’état-major sur la coopération européenne pour le développement de certains matériels. La France soutient les projets de mutualisation et de partage capacitaire (« Pooling and sharing ») présentés par l’Agence européenne de défense en matière de ravitaillement et de transport de troupes. Ils doivent permettre de faire appel à d’autres armées en cas d’opération extérieures. La dimension de notre flotte sera ainsi ajustée à nos besoins « nationaux » sans que nous ne perdions la capacité de mener ce type d’opérations.

M. Christophe Fournier. Nous travaillons sur l’hypothèse d’un lancement du programme MRTT en 2014. Les discussions sont déjà en cours avec Airbus. Les cibles et les cadences constituent l’un des éléments de la future loi de programmation militaire.

Je rappelle que les MRTT sont une composante essentielle de la dissuasion pour sa composante aéroportée. Ces appareils ont en conséquence certaines particularités qui ne sont pas partagées, ce qui ne les empêche pas de pouvoir ravitailler des avions d’autres flottes dans une opération conjointe – mais nous ne nous satisferions pas totalement d’un ravitaillement par des appareils allemands ou néerlandais lors d’un raid nucléaire.

Plus généralement, il faut se souvenir que la coopération exige à la fois un besoin et un calendrier communs. Pour que la coopération soit efficiente, il faut produire exactement le même matériel, et non de multiples versions légèrement différentes selon les pays participants. La convergence doit donc être très forte pour les caractéristiques du matériel mais aussi pour le calendrier – en particulier celui lié aux ressources financières.

Mme la présidente Patricia Adam. Quelles difficultés rencontrez-vous pour consommer les recettes exceptionnelles ?

M. Christophe Fournier. Sur le plan comptable, ces recettes n’abondent pas directement le programme 146. Environ 90 % des paiements d’une année donnée sont liés à des marchés passés antérieurement et déjà engagés. Pour abonder les ressources budgétaires par des ressources exceptionnelles, il faut donc affecter des paiements de marchés en cours à ces nouvelles lignes budgétaires – si elles ne l’étaient qu’aux nouveaux marchés, elles ne seraient utilisables que pour des paiements futurs.

Dans certains cas, comme dans celui du compte d’affectation spécial Fréquences, il a été indispensable de mettre en place des procédures comptables complexes de « refacturation interne » en accord avec la direction du budget – elles sont en quelque sorte dérogatoires par rapport à l’orthodoxie de la LOLF. En 2011, nous avons consommé 89 millions d’euros alors que le CAS Fréquences disposait de 750 millions d’euros.

Ce problème se pose de façon générale pour les ressources extrabudgétaires qui ne sont utilisables que si elles sont accompagnées des décisions appropriées pour les rendre « comptablement » assimilables. Cela ne va pas nécessairement de soi !

Mme la présidente Patricia Adam. Compte tenu des enjeux à venir, ces précisions sont particulièrement utiles !

M. le président Gilles Carrez. La commission des finances tentera de simplifier ces opérations.

Messieurs, je vous remercie vivement d’avoir répondu à nos questions.

La mission d’information commune autorise la publication du rapport d’information de M. Jean-Jacques Bridey et de M. François Cornut-Gentille sur l’exécution des crédits 2012 du programme 146 « Équipement des forces armées ».


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