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N° 2038

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 juin 2014.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX OUTRE-MER (1)

sur la déclinaison outre-mer du pacte de responsabilité,

PAR

MM. Jean-Claude FRUTEAU et Daniel GIBBES

Députés

——

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation aux outre-mer est composée de : M. Jean-Claude Fruteau, président ; Mme Huguette Bello, Mme Chantal Berthelot, Mme Sonia Lagarde, M. Serge Letchimy, M. Didier Quentin vice-présidents ; Mme Brigitte Allain, M. Dominique Bussereau, M. Bernard Lesterlin, secrétaires ; M. Ibrahim Aboubacar, M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, Mme Pascale Boistard, M. Jean-Jacques Bridey, M. Ary Chalus, M. Alain Chrétien, M. Édouard Courtial, M. René Dosière, Mme Sophie Errante, M. Georges Fenech, M. Hervé Gaymard, M. Daniel Gibbes , M. Philippe Gomes, M. Philippe Gosselin, Mme Geneviève Gosselin, M. Mathieu Hanotin, M. Philippe Houillon, M. Guénhaël Huet, Mme Monique Iborra, M. Éric Jalton, M. Serge Janquin, M. François-Michel Lambert, M. Guillaume Larrivé, M. Patrick Lebreton, M. Gilbert Le Bris, M. Patrick Lemasle, M. Bruno Le Roux, M. Michel Lesage, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Victorin Lurel, M. Thierry Mariani, M. Alfred Marie-Jeanne, M. Hervé Mariton, M. Olivier Marleix, M. Jean-Philippe Nilor, M. Patrick Ollier, Mme Monique Orphé, M. Napole Polutélé, M. Thierry Robert, M. Camille de Rocca Serra, M. Boinali Said, M. Paul Salen, M. François Scellier, M. Gabriel Serville, M. Jonas Tahuaitu, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Gérard Terrier, M. Jean-Paul Tuaiva, M. Jean Jacques Vlody.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. MALGRÉ DES INCITATIONS FORTES CONTENUES DANS LA LOI POUR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES OUTRE-MER, LE NOMBRE D’EMPLOIS CRÉÉS DEMEURE INSUFFISANT 7

A. LES MESURES INSTITUÉES PAR LA LODEOM ET VISANT À SOUTENIR L’ACTIVITÉ DES ENTREPRISES 7

1. Les exonérations de charges sociales 7

a. La règlementation applicable 8

b. Éléments statistiques sur le nombre d’entreprises et de salariés concernés par les exonérations 10

c. Le coût des exonérations 12

2. L’aide au fret 12

3. L’aide à la rénovation hôtelière 13

4. Les zones franches d’activité 13

B. EN DÉPIT DE CES AIDES, LES CRÉATIONS D’EMPLOIS DEMEURENT INSUFFISANTES 15

1. Les exonérations de charges sociales ont participé à la création nette d’emplois dans les DOM de 1998 à 2008 16

2. De 2009 à 2012, les aides de l’État, face à la crise économique, n’ont pas joué un rôle contra-cyclique 16

3. En 2013, en revanche, les aides ont permis l’apparition d’un certain ralentissement dans la progression tendancielle du chômage, même si ce dernier demeure à un niveau élevé 17

II. POUR RELANCER L’ÉCONOMIE, LE GOUVERNEMENT A PRIS LA DÉCISION DE CRÉER DEUX NOUVEAUX DISPOSITIFS QUI NÉCESSITENT CEPENDANT UNE ADAPTATION PARTICULIÈRE DANS LES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER 19

A. LA CRÉATION DE DEUX DISPOSITIFS NOUVEAUX EN 2012 ET EN 2014 19

1. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi 19

2. Le pacte de responsabilité 21

B. MALGRÉ SON CARACTÈRE PROMETTEUR AU NIVEAU NATIONAL, LE PACTE DE RESPONSABILITÉ RISQUE DE N’AVOIR QU’UN IMPACT LIMITÉ DANS LES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER 22

C. FACE À CE FAIBLE IMPACT, IL CONVIENT DE TROUVER D’AUTRES MOYENS POUR BAISSER LES CHARGES QUI PÈSENT SUR LES ENTREPRISES ULTRAMARINES 25

III. INDÉPENDAMMENT DE SA NÉCESSAIRE ADAPTATION À L’OUTRE-MER, LE PACTE DE RESPONSABILITÉ PEUT ÊTRE AUSSI ENRICHI PAR DES DISPOSITIFS NOUVEAUX 29

A. LES MESURES QUI ONT POUR OBJET DE COMPLÉTER LE DISPOSITIF DU CICE 29

1. Le soutien à l’embauche du premier salarié 29

2. Le développement d’une politique contractuelle avec les collectivités d’outre-mer dotées de l’autonomie fiscale 30

B. LES MESURES DE CONSOLIDATION ET D’AMÉLIORATION DE LA LODEOM 31

1. Proroger de cinq ans les abattements dont bénéficient les entreprises dans les zones franches d’activité 31

2. Élargir le régime de l’aide au fret 31

C. LES MESURES DESTINÉES À MAINTENIR LA COMPÉTITIVITÉ OUTRE-MER 32

1. Le maintien du régime de la TVA non perçue récupérable 32

2. L’adaptation du crédit d’impôt développement durable outre-mer en instituant un taux unique de 50 % pour les travaux de rénovation 33

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION 35

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES 55

COMPTES RENDUS DES AUDITIONS DE LA DÉLÉGATION 57

Mesdames, Messieurs,

Le Président de la République, M. François Hollande, le 31 décembre 2013, a décidé l’institution d’un pacte de responsabilité et de solidarité pour abaisser le coût du travail et améliorer la compétitivité des entreprises.

Ce pacte comporte des mesures d’exonération de charges sociales et des mesures fiscales qui seront détaillées dans le corps du présent rapport.

Pour sa mise en place, le Gouvernement a choisi de recourir, d’une part, à un projet de loi de finances rectificative pour 2014 (pour les dispositions fiscales) et, d’autre part, à un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative (pour les exonérations de cotisations).

Le pacte de responsabilité est destiné à avoir un impact considérable dans notre pays, dans la mesure où la dépense fiscale qui est associée à sa mise en œuvre, sur la période 2014-2017, s’élève à 20 milliards d’euros. En outre, si l’on ajoute à cette somme le coût du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) créé à la fin de l’année 2012, la dépense atteint 40 milliards d’euros.

Les régions ultramarines nourrissent, bien évidemment, de fortes attentes à l’égard de ce pacte.

Cependant, il y a fort à craindre, en l’état actuel du dispositif, que les mesures – qui ont un caractère national – ne produisent pas un plein effet dans les départements et les collectivités d’outre-mer.

Cela est vrai principalement pour les exonérations de charges sociales. En effet, il convient d’observer que ces dernières, outre-mer, viennent recouper des exonérations déjà existantes et prévues par la loi pour le développement économique des Outre-mer du 27 mai 2009 ou LODEOM.

C’est ainsi que les baisses de charges prévues par le pacte de responsabilité seront pour partie neutralisées. Ainsi, pour des baisses de charges prévues, au niveau national, à un niveau de 10 milliards d’euros (soit la moitié du coût du pacte, l’autre moitié correspondant aux allègements fiscaux), la part de l’outre-mer ne devrait se monter qu’à une somme variant entre 90 et 110 millions d’euros.

Il n’y a pourtant aucune raison pour que le pacte de responsabilité s’apparente, outre-mer, à une coquille presque vide.

C’est d’ailleurs bien ainsi que l’entend le Président de la République qui a indiqué, lors d’une conférence de presse, le 23 janvier 2014 : « La baisse des charges existe déjà outre-mer, donc, si je la propose pour toutes les entreprises, cela ne fera pas d’avantage significatif pour les entreprises ultramarines […] Je suis prêt à adapter, avec les employeurs d’outre-mer, le pacte de responsabilité à ces territoires ».

Le Président de la République nous a donc encouragés à réfléchir à ce que pourrait être la déclinaison du pacte de responsabilité outre-mer.

Aussi, compte tenu de ces encouragements, nous livrons aujourd’hui la réflexion de la Délégation, sur cette question, dans le présent rapport.

Notre cheminement intellectuel a été le suivant :

– Dans un premier temps, nous avons étudié le dispositif d’aide aux entreprises prévu par la LODEOM et nous avons constaté qu’il contribuait à un soutien très réel du marché de l’emploi.

– Dans un second temps, nous avons étudié le mécanisme du CICE et les différentes mesures contenues dans le pacte de responsabilité. Nous avons observé que, s’agissant des exonérations de charges sociales, il existait un « gap » financier, au détriment de l’outre-mer, de près de 360 millions d’euros.

– Dans un troisième moment, nous avons réfléchi à la possibilité de retrouver cette somme, en l’appliquant toujours au financement de l’allègement du coût du travail.

De ce point de vue, il nous est apparu que les allègements supplémentaires que nous recherchions devaient emprunter un autre canal que celui de la grille des exonérations de charges sociales. En effet, ce type de dispositif – dont le coût, pour la LODEOM, s’élève à plus d’un milliard d’euros par an – est arrivé, semble-t-il, à son efficacité maximale outre-mer.

Nous avons donc pensé que les 360 millions d’euros devaient être obtenus par le biais d’un renforcement du CICE dans les DOM, ce renforcement devant aboutir, en quelque sorte, à l’émergence d’un véritable CICE ultramarin.

– Enfin, dans une dernière étape de la réflexion, il nous a semblé que l’élargissement du CICE ne devait pas empêcher la mise en place d’autres mesures destinées à favoriser la compétitivité des entreprises.

Dans le cadre de ces mesures nouvelles, nous avons souhaité ne pas oublier les collectivités d’outre-mer dotées de l’autonomie fiscale. Car celles-ci ne pourront pas bénéficier, sauf exceptions, de l’accroissement du CICE que nous proposons pour les DOM. En effet, les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution ne disposent pas du CICE et elles ne pourront sans doute pas en disposer du fait des engagements qu’elles ont pris avec l’État, engagements qui portent sur leur redressement financier et sur l’équilibre de leurs finances publiques.

I. MALGRÉ DES INCITATIONS FORTES CONTENUES DANS LA LOI POUR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES OUTRE-MER, LE NOMBRE D’EMPLOIS CRÉÉS DEMEURE INSUFFISANT

La loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des Outre-mer (LODEOM) a prévu un ensemble de mesures destinées à favoriser l’emploi dans les départements et les collectivités d’outre-mer.

Parmi ces mesures, les plus importantes sont les suivantes : l’exonération des cotisations patronales de sécurité sociale, l’aide au fret, l’aide à la rénovation hôtelière et l’institution des zones franches d’activité (ZFA). Elles ont pour objet d’améliorer l’emploi, ou bien en diminuant directement le coût du travail, ou bien en restaurant les marges des entreprises du fait de l’abaissement de certains coûts.

Prises au moment de la crise de 2008/2009, elles n’ont pas permis d’enrayer la montée du chômage jusqu’en 2012. Toutefois, depuis 2013, elles commencent à porter leurs fruits et elles participent, aujourd’hui, au phénomène que l’on constate d’une certaine stabilisation dans le nombre des demandeurs d’emplois.

Pour autant, le nombre des emplois créés en 2013 n’est pas suffisant et le taux de chômage, notamment dans les DOM, reste beaucoup plus élevé que dans l’hexagone.

A. LES MESURES INSTITUÉES PAR LA LODEOM ET VISANT À SOUTENIR L’ACTIVITÉ DES ENTREPRISES

Comme les rapporteurs viennent de l’indiquer, la LODEOM a prévu quatre types de mesures pour favoriser l’emploi et améliorer la rentabilité des entreprises. Ces différentes formes d’aides vont être maintenant examinées en détail.

1. Les exonérations de charges sociales

Depuis 1994, les départements d’outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficient d’un dispositif d’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale plus favorable que celui applicable en métropole.

Le dispositif a été modifié à plusieurs reprises, puis il a été refondu par l’article 25 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 ou LODEOM.

En particulier, les exonérations de charges sociales s’appliquent désormais non seulement aux DOM (Guadeloupe, Guyane, Martinique et La réunion) et à Saint-Pierre-et-Miquelon, mais aussi à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

Enfin, le régime des exonérations a été modifié par l’article 130 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014. Cet article tient compte de la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et il recentre les exonérations sur les plus bas salaires, c’est-à-dire les salaires les plus susceptibles d’être attribués en cas d’embauche.

a. La règlementation applicable

Les entreprises éligibles aux exonérations prévues par la LODEOM se divisent en trois catégories :

– Les entreprises de moins de 11 salariés, quel que soit leur secteur d’activité ;

– Les entreprises qui appartiennent à un certain nombre de secteurs limitativement définis, quel que soit leur effectif (BTP, industrie, restauration, presse, production audiovisuelle, énergies renouvelables, nouvelles technologies de l’information et de la communication, centres d’appel, pêche, cultures marines, aquaculture, agriculture, tourisme, hôtellerie, transport aérien – que ce soient les liaisons entre la métropole et les collectivités territoriales ou les liaisons intérieures – et transport de desserte maritime ou fluvial intérieur) ;

– Les entreprises appartenant à un secteur ou à une localisation prioritaires, quel que soit leur effectif ; les secteurs prioritaires sont la recherche et le développement, les technologies de l’information et de la communication, le tourisme, l’environnement, l’agro-nutrition et les énergies renouvelables ; les localisations prioritaires sont la Guyane et les îles du sud de la Guadeloupe.

Actuellement, pour les entreprises qui bénéficient du CICE, il existe trois dispositifs d’exonération de cotisations sociales :

– le dispositif qui concerne les entreprises de moins de 11 salariés (exonération totale des charges sociales jusqu’à 1,4 SMIC ; entre 1,4 SMIC et 1,8 SMIC, le montant des exonérations est calculé sur la base de 1,4 SMIC ; ensuite, le montant des exonérations décroît de manière linéaire et il devient nul lorsque la rémunération est égale à 2,8 SMIC) ;

– le dispositif qui concerne les entreprises appartenant à la deuxième catégorie d’établissements visée par la LODEOM (exonération totale jusqu’à 1,4 SMIC ; le taux d’exonération décroît ensuite de manière linéaire jusqu’à 2,6 SMIC) ;

– enfin, le dispositif renforcé pour les entreprises qui appartiennent aux secteurs ou aux localisations prioritaires (exonération totale jusqu’à 1,6 SMIC ; de 1,6 SMIC à 2 SMIC, le montant des exonérations est calculé sur la base de 1,6 SMIC ; à partir de 2 SMIC, le montant des exonérations décroît de manière linéaire et devient nul lorsque la rémunération est égale à 3 SMIC).

Par ailleurs, pour les entreprises qui ne bénéficient pas du CICE, les exonérations reposent également sur trois types de règles :

– les dispositions qui concernent les entreprises de moins de 11 salariés (exonération totale des charges sociales jusqu’à 1,4 SMIC ; entre 1,4 et 2,2 SMIC, le montant de l’exonération est calculé sur la base de 1,4 SMIC ; au-delà de 2,2 SMIC, l’exonération est dégressive et elle s’annule à 3,8 SMIC) ;

– celles qui concernent les entreprises relevant de la deuxième catégorie d’établissements visée par la LODEOM (exonération totale jusqu’à 1,4 SMIC ; au-delà, l’exonération est dégressive et elle s’annule à 3,8 SMIC) ;

– enfin, celles qui prévoient une aide renforcée (exonération totale jusqu’à 1,6 SMIC ; entre 1,6 et 2,5 SMIC, l’exonération est limitée à 1,6 SMIC ; au-delà de 2,5 SMIC, l’exonération est dégressive et elle s’annule à 4,5 SMIC).

Il convient de noter que ce système d’exonération des charges sociales, dans la mesure où il aboutit – qu’il soit cumulé ou non avec le CICE – à une dispense totale de cotisation patronale à hauteur de 1,4 ou de 1,6 SMIC, est tout à fait intéressant pour les entreprises. En effet, ces deux seuils correspondent au montant maximum de la majeure partie des salaires qui sont actuellement versés dans les DOM.

Ce phénomène apparaît dans le graphique ci-dessous qui montre qu’en 2013, 61 % des effectifs salariés dans les DOM sont rémunérés à hauteur de 1,4 SMIC et 73 % de ces mêmes effectifs sont rémunérés à hauteur de 1,6 SMIC.

Source : ministère des Outre-mer

b. Éléments statistiques sur le nombre d’entreprises et de salariés concernés par les exonérations

Il n’existe actuellement aucune étude statistique exhaustive et complète sur les entreprises et les salariés concernés par les exonérations de charges prévues par la LODEOM.

Selon les rapporteurs, néanmoins, il paraît vraisemblable de penser qu’en 2013, les exonérations de charges patronales, dans les quatre départements d’outre-mer que sont la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion, ont concerné environ 80 000 entreprises (dont près de 50 000 entreprises unipersonnelles, c’est-à-dire ne disposant d’aucun salarié) et environ 180 000 salariés (les responsables d’entreprises unipersonnelles ne faisant pas partie de cet effectif). Comme le nombre des entreprises s’élève, à la même date, dans ces quatre départements, à 128 000 et celui des emplois salariés à 240 000, ces chiffres représentent environ 62 % des entreprises et environ 75 % des salariés.

Le pourcentage des emplois salariés concernés par les exonérations est un peu supérieur aux deux pourcentages indiqués précédemment et qui sont de 61 % pour les effectifs salariés rémunérés à 1,4 SMIC et de 73 % pour les effectifs salariés rémunérés à 1,6 SMIC. Cela paraît tout à fait normal puisque le champ total des exonérations va jusqu’à 4,5 SMIC. En moyenne, les exonérations concernent donc les salaires qui vont jusqu’à 1,7 SMIC. Mais il ne s’agit bien là que d’une moyenne. En effet, si les plus grosses entreprises font jouer les exonérations pour l’ensemble des salaires qu’elles versent, les plus petites, en revanche, ne sollicitent pas toujours cette aide, faute d’une bonne information. Tel est le cas notamment en Guyane.

Il convient de signaler qu’il existe, par ailleurs, une statistique de l’ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale) qui remonte à 2010 et qui vise les entreprises et les emplois salariés concernés par les exonérations de charges sociales de la LODEOM.

Cette statistique – qui repose sur le comptage individuel des dossiers d’exonération recensés au cours de l’année prise en compte – présente des chiffres différents de ceux qui viennent d’être mentionnés (environ 30 000 entreprises et 300 000 emplois salariés).

Cependant, elle ne paraît pas refléter absolument la réalité actuelle. En effet, d’une part, en 2010, le système d’exonération institué par la LODEOM en est à ses débuts et les entreprises n’ont pas encore toutes utilisé cet avantage ; et d’autre part, indépendamment des destructions d’emplois qui sont intervenus entre 2011 et 2013, on doit tenir compte de la question de la comptabilisation des membres de la famille des exploitants agricoles travaillant à temps partiel sur l’exploitation, cette variable étant extrêmement fluctuante d’une année à l’autre.

La statistique ACOSS a permis, en tout cas, de réaliser les histogrammes présentés ci-dessous. Ces histogrammes, communiqués par le ministère des Outre-mer, restent indicatifs sur les pourcentages d’entreprises et de salariés qui utilisent les exonérations de la LODEOM par type de dispositif :

Source : ACOSS et ministère des Outre-mer

Les deux histogrammes appellent les commentaires suivants :

– tout d’abord, on doit noter qu’ils ne sont pas construits de la même manière ; le premier concerne toutes les entreprises qui utilisent les exonérations de charges ; il vise donc aussi les entreprises unipersonnelles ; le second ne concerne que les salariés ; par conséquent, il ne tient pas compte des effectifs des entreprises qui ne sont composées que d’une seule personne ;

– ensuite, on peut relever que les exonérations sont principalement utilisées par les entreprises de moins de 11 salariés ; ce phénomène est tout à fait logique puisque – indépendamment des entreprises unipersonnelles qui sont au nombre d’environ 98 000 dans les quatre DOM étudiés – les entreprises de moins de 10 salariés représentent environ 25 000 établissements ; par ailleurs, elles regroupent le tiers de l’emploi total, c’est-à-dire environ 80 000 salariés ;

– enfin, on peut observer que le secteur renforcé utilise peu les exonérations de charges ; cela est dû au fait qu’il y a encore peu d’entreprises dans ce secteur et, surtout, que ce secteur ne crée pas assez d’emplois ; il faudrait donc certainement améliorer les dispositifs d’aide le concernant.

c. Le coût des exonérations

En application de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, l’État est en principe tenu de compenser aux organismes de sécurité sociale les sommes dont ils n’ont pu être bénéficiaires du fait de la mise en œuvre de politiques d’exonération de charges sociales.

Depuis 2005, la compensation des exonérations de cotisations patronales correspondant à la LODEOM a été confiée au ministère des Outre-mer.

Ainsi, pour 2014, une somme de 1,131 milliard d’euros a été budgétée à cette fin. Elle fait partie des crédits de l’action « soutien aux entreprises » qui est elle-même intégrée au programme 138 « emploi outre-mer » de la mission outre-mer. Cette mission regroupe l’ensemble des dotations inscrites au budget du ministère des Outre-mer.

2. L’aide au fret

L’article 24 de la LODEOM a créé une aide aux entreprises de tous les DOM (y compris Mayotte), de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Wallis-et-Futuna destinée à alléger le coût du fret, c’est-à-dire le coût du transport maritime ou aérien concernant certains types d’importations ou d’exportations.

Les importations susceptibles de donner lieu à l’aide au fret (ou intrants) sont constituées par les marchandises de toute nature qui sont utilisées dans le cadre d’un processus de fabrication locale. Les exportations (ou extrants) sont constituées par les produits qui ont fait l’objet d’un cycle de production locale et qui sont destinés à la commercialisation sur le marché de l’Union européenne.

La règlementation exclut ainsi les simples opérations d’achat et de revente, sans qu’il y ait création de valeur ajoutée.

La base éligible, pour le calcul de l’aide au fret, est constituée par les frais de transport – hors taxes et hors droits de douane – nécessités par les intrants ou les extrants.

Pour les DOM, ainsi que pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin, l’aide au fret est complétée par une aide communautaire, l’allocation additionnelle spécifique de compensation des surcoûts liés aux handicaps des régions ultrapériphériques.

Le montant global maximum de l’aide nationale cumulée à l’aide communautaire ne peut excéder 75 % de la base éligible.

Pour Wallis-et-Futuna et pour Saint-Pierre-et-Miquelon, il n’y a pas de cofinancement communautaire. Les coûts de transport pris en charge sont plafonnés à hauteur des coûts de transport concernant des marchandises équivalentes entre l’hexagone et la collectivité concernée. Le montant global maximum de l’aide correspond à 25 % de la base éligible.

La loi de finances pour 2014 prévoit une dotation de 9 millions d’euros – au sein de l’action « soutien aux entreprises », action qui fait partie du programme 138 « emploi outre-mer » – pour l’aide au fret et l’aide à la rénovation hôtelière. Dans le cadre de cette enveloppe, la part de l’aide au fret représente environ 3 millions d’euros.

On observera que le dispositif de l’aide au fret reste assez mal connu des entreprises ultramarines. Ainsi, en 2011, aucune entreprise martiniquaise n’avait déposé de dossier.

3. L’aide à la rénovation hôtelière

L’article 26 de la LODEOM a créé une aide à la rénovation des établissements hôteliers situés dans les DOM (y compris Mayotte), à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Saint-Martin.

Les travaux qui ouvrent droit à l’aide doivent satisfaire à deux conditions cumulatives : concerner des établissements de plus de 15 ans et être réalisés directement par l’exploitant.

Déterminée par décret en fonction de la catégorie des hôtels, l’aide ne peut excéder 7 500 euros par chambre à rénover, dans la limite de 100 chambres.

En 2012, le nombre d’hôtels ayant bénéficié de cette subvention s’élève à 17 pour un coût de 6,8 millions d’euros. Pour l’année 2014, le montant prévu au titre de l’action « soutien aux entreprises » et affecté à cette aide est légèrement en retrait. Il s’élève à environ 6 millions d’euros.

4. Les zones franches d’activité

La règlementation qui concerne les zones franches d’activité (ZFA) a été créée par l’article 32 de la LODEOM.

Par application de cet article, quatre zones franches ont été instituées en 2009 qui correspondent aux quatre départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de La Réunion.

Dans ces zones franches, il est prévu des allègements d’impôts en faveur des PME portant sur les bénéfices nets, sur la contribution économique territoriale (CET) et sur les taxes foncières (foncier bâti et foncier non bâti).

Certaines PME sont exclues de la règlementation – ainsi les entreprises qui opèrent dans le domaine des services financiers – car l’aide est réservée aux secteurs les plus exposés à la concurrence.

Les taux d’abattement sont de 80 % ou de 50 %, à compter de l’année 2009, en fonction des impôts. Ils font ensuite l’objet d’une réduction progressive pour disparaître totalement en 2018 (et même en 2017, en ce qui concerne les abattements applicables aux bénéfices imposables).

L’abattement sur les bénéfices est subordonné, d’une part, à la réalisation, sur une partie des bénéfices exonérés, de dépenses de formation professionnelle en faveur des personnels de l’entreprise et, d’autre part, au versement d’une contribution au fonds d’appui aux expérimentations en faveur des jeunes (FEJ).

Les abattements sont plafonnés pour éviter les effets d’aubaine et concentrer les aides sur les entreprises en cours de développement. Ainsi, le montant des abattements, hors secteurs ou zones prioritaires, est plafonné à 150 000 euros par an et par entreprise.

Les entreprises appartenant à des secteurs prioritaires ou bien celles qui sont situées dans des zones économiquement défavorisées bénéficient de taux majorés d’abattement. Ces derniers peuvent aller jusqu’à 100 %, notamment dans le cas de la CET. Par ailleurs, le plafond des abattements est alors fixé à 300 000 euros.

Les secteurs prioritaires sont l’agro-nutrition, la recherche, les nouvelles technologies, le tourisme, l’environnement et les énergies renouvelables.

Les zones prioritaires sont au nombre de vingt-trois. En Guadeloupe, il convient de mentionner les communes suivantes : Baillif, Bouillante, Deshaies, Gourbeyre, Pointe-Noire, Trois-Rivières, Vieux-Fort et Vieux-Habitants. En Martinique, il faut citer : L’Ajoupa-Bouillon, Basse-Pointe, Bellefontaine, Case-Pilote, Fonds-Saint-Denis, Grand’Rivière, Le Carbet, Le Lorrain, Le Marigot, Le Morne-Rouge, Le Morne-Vert, Le Prêcheur, Macouba et Saint-Pierre. À La Réunion enfin, c’est la zone dite « Les Hauts » qui a été intégrée au dispositif.

Le tableau ci-dessous synthétise les avantages fiscaux liés aux zones franches d’activité :

Source : ministère des Outre-mer

La dépense fiscale correspondant à l’ensemble de ces avantages est évaluée, en 2014, à 127 millions d’euros.

B. EN DÉPIT DE CES AIDES, LES CRÉATIONS D’EMPLOIS DEMEURENT INSUFFISANTES

Il n’existe pas d’étude statistique présentant l’impact des mesures contenues dans la LODEOM sur l’évolution de l’emploi outre-mer. Néanmoins, compte tenu des études générales sur l’emploi qui sont disponibles, il est possible d’indiquer quelques grandes tendances.

De 1998 à 2008, les politiques publiques, et notamment les mesures d’exonération des charges sociales antérieures à la LODEOM, ont permis une création nette d’emplois dans les départements d’outre-mer.

Puis, de 2009 à 2012, avec l’apparition de la crise économique, la tendance s’est inversée. Les aides aux entreprises prévues par la LODEOM n’ont pas eu d’effets contra-cycliques, même si elles ont très vraisemblablement permis d’atténuer les conséquences du ralentissement de l’économie. La situation de l’emploi dans les DOM se caractérise donc, sur la période, par une hausse importante du chômage.

Enfin, en 2013, on constate un certain ralentissement dans la destruction des emplois. Il est difficile de dire s’il s’agit d’une inversion de tendance ou d’un simple pallier dans le cadre d’une progression continue. Néanmoins, il est certain que les aides aux entreprises prévues par la LODEOM ont joué un rôle dans cette inflexion. Par suite, la question de l’accroissement de ces aides se trouve posée, pour accompagner un éventuel retournement de conjoncture.

1. Les exonérations de charges sociales ont participé à la création nette d’emplois dans les DOM de 1998 à 2008

Au cours de ces dix années, la création d’emplois a été particulièrement dynamique dans les départements d’outre-mer.

En moyenne, chaque année jusqu’en 2008, l’emploi salarié s’est accru de 2,3 % par an dans l’ensemble des DOM (c’est-à-dire la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion). Ce taux est le double de celui de l’hexagone sur la même période (+ 1,1 %).

La Réunion a bénéficié de la plus forte croissance de l’emploi (+ 3,1 % en moyenne par an), suivie de près par la Guyane (+ 2,7 %). Elle a été plus faible en Martinique et en Guadeloupe (respectivement + 1,8 % et + 1,4 %).

L’augmentation de l’emploi est tirée par le secteur marchand. Néanmoins, le secteur principalement non marchand (administration, enseignement, activités pour la santé humaine et action sociale) occupe une place importante dans les économies des DOM. En Guyane, il représente plus d’un emploi sur deux. Dans les autres DOM, la part de l’emploi public représente environ 40 % de la population active.

Les exonérations de charges concernent aussi bien le secteur marchand que le secteur non marchand (par exemple, elles s’appliquent aux établissements publics industriels et commerciaux). Elles ont donc joué un rôle certain dans cette croissance constatée de l’emploi.

2. De 2009 à 2012, les aides de l’État, face à la crise économique, n’ont pas joué un rôle contra-cyclique

Pendant ces quatre années, le marché du travail dans les DOM a connu une dégradation très sensible.

C’est ainsi que la hausse du nombre des demandeurs d’emploi sur la période s’est élevée respectivement à + 10,1 % en Martinique, à + 25,5 % en Guadeloupe, à + 33,3 % en Guyane et à + 62,5 % à La Réunion.

Les aides de l’État ne sont pas parvenues à empêcher la progression des destructions nettes d’emplois en fin d’année.

Néanmoins, ces aides ont certainement contribué à freiner la dégradation de l’emploi qui, sinon, aurait pu – sans doute – être encore plus accentuée.

Parallèlement, le salaire moyen du secteur privé dans les DOM s’est fixé à un niveau inférieur de 9 % à celui de la France métropolitaine. Il est toutefois équivalent au salaire moyen métropolitain hors Île-de-France, où les salaires sont nettement plus élevés.

Nous avons pu constater ce phénomène en étudiant les statistiques correspondant aux exonérations de charges sociales au titre de la LODEOM. Nous avons vu, en effet, que 50 % des salaires concernés par les exonérations étaient égaux à 1,2 SMIC. Or, c’est là précisément le montant du salaire moyen en vigueur dans la France de province.

3. En 2013, en revanche, les aides ont permis l’apparition d’un certain ralentissement dans la progression tendancielle du chômage, même si ce dernier demeure à un niveau élevé

En 2013, les demandes d’emploi non satisfaites continuent de progresser. Néanmoins, elles progressent moins vite que sur la période 2009-2012.

C’est ainsi que, de 2012 à 2013, la hausse des demandes d’emploi s’élève respectivement à + 5 % en Guyane, à + 2,29 % en Martinique, à + 1,69 % en Guadeloupe et à + 1,54 % à La Réunion.

Si, comme on l’a vu plus haut, les exonérations n’ont pas d’effets contra-cycliques, elles ont sans doute participé à cette stabilisation du marché de l’emploi, en accompagnant une reprise – certes modeste mais néanmoins réelle – de l’activité économique.

Pour autant, le taux de chômage, en 2013, demeure élevé dans les départements d’outre-mer.

En 2013, il est respectivement égal à 21,3 % en Guyane, à 22,8 % en Martinique, à 26,2 % en Guadeloupe et à 29 % à La Réunion, quand il se monte à 10,5 % dans l’hexagone.

*

* *

Au total, il ne paraît pas sans fondement de penser que, si l’économie est à la veille d’une phase de retournement conjoncturel, il serait possible d’accélérer la reprise en augmentant le niveau de l’aide publique.

Tel est le sens de la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, à la fin de l’année 2012, et de l’institution du pacte de responsabilité, au cours de l’année 2014.

Il s’agit de mesures de niveau national, mais destinées à avoir – bien évidemment – une incidence sur l’économie des Outre-mer. Les rapporteurs vont donc étudier ces deux dispositifs dans le chapitre qui suit.

II. POUR RELANCER L’ÉCONOMIE, LE GOUVERNEMENT A PRIS LA DÉCISION DE CRÉER DEUX NOUVEAUX DISPOSITIFS QUI NÉCESSITENT CEPENDANT UNE ADAPTATION PARTICULIÈRE DANS LES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER

Compte tenu de la situation qui a été exposée dans le premier chapitre du présent rapport, le Gouvernement a décidé, par le biais de l’article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative, de mettre en place, à partir du 1er janvier 2013, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). En outre, dans le courant de l’année 2014, il a souhaité instituer un pacte de responsabilité avec les entreprises.

Les rapporteurs examineront, tout d’abord, ces deux dispositifs. Puis, ils montreront en quoi certaines mesures du pacte de responsabilité – les mesures nouvelles d’exonération de charges sociales – peuvent paraître insuffisantes pour les collectivités d’outre-mer. Enfin, pour permettre une meilleure déclinaison de ce pacte, notamment dans les DOM, ils feront des propositions destinées à améliorer la règlementation envisagée.

A. LA CRÉATION DE DEUX DISPOSITIFS NOUVEAUX EN 2012 ET EN 2014

Comme les rapporteurs viennent de l’indiquer, les deux dispositifs nouveaux envisagés par le Gouvernement, en 2012 et en 2014, pour favoriser la relance de l’économie, sont le CICE et le pacte de responsabilité.

1. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

Le CICE, institué par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2012, a été codifié à l’article 244 quater C du code général des impôts.

Le dispositif concerne toutes les entreprises qui sont soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu d’après leur bénéfice réel, au titre des rémunérations qu’elles versent à leur personnel salarié.

Le CICE permet aux entreprises de réaliser une économie d’impôt substantielle. Pour 2013, elle équivaut à 4 % de la masse salariale, hors salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC. Pour 2014, ce taux est porté à 6 %.

Du point de vue des territoires intéressés par la mesure, le dispositif est applicable dans toutes les collectivités dont les entreprises sont soumises à la fiscalité d’État, c’est-à-dire les départements d’outre-mer.

S’agissant des entreprises concernées, il convient de remarquer que leur nombre est plus important que celui des entreprises susceptibles de bénéficier des exonérations de la LODEOM. Ainsi, beaucoup d’entreprises sont admises au bénéfice du CICE, alors qu’elles n’étaient pas visées par la LODEOM ou qu’elles ne l’étaient que partiellement (à condition qu’elles disposent de moins de 11 salariés). Parmi les entreprises qui n’étaient pas visées par la LODEOM, on citera les coopératives artisanales, les organismes HLM, les sociétés de crédit immobilier, les unions d’économie sociale mentionnées à l’article 207 du code général des impôts, etc. Parmi celles qui n’étaient visées que partiellement, on citera toutes les entreprises qui appartiennent au secteur du commerce et de la distribution.

Par suite, selon la Fédération des entreprises d’outre-mer (FEDOM), le CICE concerne un nombre de salariés plus important que celui qui relève des exonérations liées à la LODEOM.

La FEDOM estime que cet effectif pourrait se monter actuellement à environ 300 000 personnes pour les quatre départements de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de La Réunion. On note, par ailleurs, que la FEDOM confirme, dans ses statistiques, le chiffre d’environ 180 000 salariés que les rapporteurs avaient déjà identifiés comme bénéficiaires de la LODEOM.

Ces chiffres apparaissent clairement dans le tableau ci-dessous qui place en vis-à-vis les deux catégories de salariés :

 

Nombre de salariés éligibles au CICE

Nombre de salariés éligibles à la LODEOM (hors secteurs prioritaires)

Nombre de salariés éligibles aux secteurs prioritaires

Martinique

73 500

27 500

14 300

Guadeloupe

66 800

27 800

11 300

La Réunion

136 900

55 800

20 100

Guyane

25 000

 

15 800

Total

302 200

111 100 (36,8%)

61 500 (20,3%)

Source : FEDOM

Bien entendu, le dispositif du CICE ne doit pas se borner à alléger les coûts salariaux pour des emplois existants, mais il doit participer aussi à la création d’emplois nouveaux.

Aussi est-il prévu que le montant de la dépense fiscale correspondant au coût du CICE progresse dans le temps, à mesure des créations d’emplois.

De ce point de vue, selon le Gouvernement, la mesure commencera à atteindre sa pleine efficacité avec un montant de 20 milliards d’euros. Ce phénomène se produira à partir de l’année 2017, comme on peut le voir dans le tableau ci-après :

CICE

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Coût budgétaire total (en Mds €)

0,0

9,8

16,3

18,6

21,0

22,5

23,4

24,3

Source : ministère des Outre-mer

Dans le cadre de cette dépense, la part représentative du CICE pour l’outre-mer s’élève à environ 320 millions d’euros en 2013, avec un crédit d’impôt à 4 % (ces 320 millions d’euros sont pris en compte budgétairement au titre de l’année suivante). Elle s’élève à environ 480 millions d’euros en 2014, pour un crédit d’impôt porté à 6 %.

À noter enfin que, dès 2014, il a été envisagé que le coût du crédit d’impôt soit partiellement gagé par des économies budgétaires effectuées sur les différents ministères. Or, il n’est pas certain que le ministère des Outre-mer soit dispensé de cette participation. Il serait cependant dommage que le département subisse une régulation budgétaire au titre du CICE.

2. Le pacte de responsabilité

Le pacte de responsabilité a été annoncé par le Président de la République, M. François Hollande, le 31 décembre 2013.

Tel qu’il est défini actuellement, ce pacte comporte 9 grandes mesures :

– la diminution dégressive des cotisations sociales des salariés les plus modestes jusqu’à hauteur de 1,3 SMIC ; cette disposition prendrait effet en 2015 ;

– la modification du barème de l’impôt sur le revenu, en lissant les effets de seuil, pour éviter les augmentations d’impôt qui pourraient résulter de cette baisse des cotisations ; cette modification, ainsi que celle de tous les barèmes de référence basés sur les revenus fiscaux, s’effectuerait de 2015 à 2017 ;

– la suppression des cotisations patronales (hors cotisations d’assurance chômage) au niveau du SMIC et l’allègement dégressif des charges sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC ; cette mesure prendrait effet en 2015 ;

– la diminution de 1,8 % des charges correspondant à la branche famille de la sécurité sociale pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMIC ; cette disposition s’appliquerait en 2016 ;

– la baisse de 3 % des cotisations familiales des artisans et des commerçants ; cette diminution interviendrait en 2015 ;

– la suppression progressive de la cotisation sociale de solidarité des sociétés (C3S) payée par les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 760 000 euros ; cette cotisation devrait décroître à partir de 2015 et disparaître totalement en 2017 ;

– la diminution progressive de la contribution exceptionnelle acquittée au titre de l’impôt sur les sociétés par les grands groupes (c’est-à-dire ceux qui réalisent plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires par an) ; cette sur-taxation provisoire devrait prendre fin en 2016 ;

– la diminution progressive de l’impôt sur les sociétés ; cet impôt devrait passer de 33,3 % aujourd’hui à 32 % en 2017 et à 28 % en 2020 ;

– enfin, la suppression d’un ensemble de petites taxes à faible rendement.

Le coût des mesures contenues dans le pacte de responsabilité est évalué à environ 20 milliards d’euros sur la période 2014-2017.

Sur ces 20 milliards d’euros, le coût des exonérations de cotisations sociales s’élève à environ 10 milliards d’euros, soit 4,5 milliards d’euros correspondant à la suppression ou à l’allègement des charges sur les bas salaires, 4,5 milliards d’euros à la diminution des charges portant sur les salaires compris entre1,6 et 3,5 SMIC et 1 milliard d’euros correspondant à la baisse de 3 points des cotisations familiales des artisans et des commerçants.

Par ailleurs, à la fin de la période 2014-2017, le montant cumulé des exonérations de charges sociales et du CICE devrait s’élever à 30 milliards d’euros.

Il s’agit là d’un effort tout à fait considérable de la part de l’État en faveur des entreprises.

B. MALGRÉ SON CARACTÈRE PROMETTEUR AU NIVEAU NATIONAL, LE PACTE DE RESPONSABILITÉ RISQUE DE N’AVOIR QU’UN IMPACT LIMITÉ DANS LES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER

Comme on vient de le voir, le CICE – qui représente une aide de près de 20 milliards d’euros en 2017 – paraît très prometteur au niveau national. Par ailleurs – correspondant à une aide pour l’outre-mer de près de 480 millions d’euros en 2014 – le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est une mesure qui semble non moins intéressante pour les DOM.

De même, le pacte de responsabilité – qui représente un coût de près de 20 milliards d’euros à la fin de la période 2014-2017 – paraît riche de promesses au niveau national. Par contre, l’impact réel du pacte de responsabilité outre-mer, et spécialement l’impact des exonérations de cotisations sociales qu’il comporte, paraît beaucoup plus limité.

On rappellera que les mesures fiscales du pacte de responsabilité concernent exclusivement les DOM. En revanche, les mesures d’exonérations de cotisations sociales – qui s’ajoutent en pratique aux exonérations prévues par la LODEOM – concernent non seulement les DOM mais aussi certaines collectivités ultramarines – celles qui, précisément, étaient visées par la LODEOM.

Or, force est de remarquer que les effets du pacte de responsabilité risquent d’être peu importants pour les DOM et pour les COM. En effet :

– la suppression des cotisations sociales patronales prévue par le pacte de responsabilité à hauteur du SMIC existe déjà outre-mer ;

– le barème dégressif national jusqu’à 1,3 SMIC procure un gain qui est totalement neutralisé outre-mer où, jusqu’à 1,4 ou 1,6 SMIC selon les cas, l’exonération est totale et non dégressive ;

– la réduction des cotisations sociales des indépendants existe déjà dans les DOM (ces travailleurs sont exonérés pendant 24 mois de toutes cotisations de sécurité sociale puis ils disposent ensuite, de manière pérenne, d’une assiette de cotisation réduite de moitié pour la partie de leurs revenus qui est inférieure au plafond de la sécurité sociale) ;

– la suppression de la C3S ne va profiter qu’à environ 10 % des entreprises des DOM, c’est-à-dire à un nombre très restreint de redevables ;

– enfin, un taux réduit d’impôt sur les sociétés existe déjà dans les zones franches d’activité (ZFA).

Au total, sur les 20 milliards d’euros de coût que représente le pacte de responsabilité, il paraît difficile d’évaluer financièrement, pour la période 2014-2017, le montant affecté à l’outre-mer. En revanche, sur les 10 milliards d’euros qui correspondent au coût lié aux exonérations de cotisations sociales, il semble possible d’affirmer que la part correspondant aux exonérations complémentaires prévues par le pacte de responsabilité – exonérations qui viennent compléter celles déjà instituées par la LODEOM – s’élève à une somme dont le montant varie entre 90 et 110 millions d’euros.

Cette dépense pour l’État peut également apparaître, de manière visuelle, si l’on observe les deux extrémités du graphique qui figure à la page suivante.

Ce graphique appelle un certain nombre d’observations :

– il synthétise les différents dispositifs d’exonération de charges sociales existant actuellement (dispositif de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale appelé aussi « dispositif Fillon », LODEOM et CICE) ;

– on rappellera, à cet égard, que le « dispositif Fillon » concerne toutes les entreprises à condition que, chaque année, elles procèdent à une négociation sur les salaires ; le dispositif prévoit une exonération des cotisations sociales égale à 28 % du salaire brut dans la limite de 1,6 fois le SMIC ; le dispositif est ainsi moins favorable que celui de la LODEOM, mais il est plus large car il couvre tous les domaines d’activité, alors que la LODEOM ne vise que certains secteurs pour les entreprises dont les effectifs sont supérieurs à 11 salariés ; le « dispositif Fillon » ne peut pas se cumuler avec la LODEOM ; mais il peut se cumuler avec le CICE et avec les exonérations de charges sociales contenues dans le pacte de responsabilité ;

– en abscisse du graphique, on voit les différents plafonds salariaux retenus, exprimés en multiples du SMIC, en fonction des règlementations ; en ordonnée, on voit les différents taux d’exonération applicables, également en fonction des règlementations.

TAUX D’EXONÉRATION CORRESPONDANT
AUX DIFFÉRENTS DISPOSITIFS EXISTANTS

La lecture de ce graphique permet de tirer les conclusions suivantes s’agissant du pacte de responsabilité :

– l’essentiel des effets des mesures d’exonération de cotisations sociales proposées par le pacte de responsabilité sont neutralisés par la LODEOM ; ce phénomène va jusqu’à 3 SMIC en abscisse et jusqu’à 28 % du salaire brut en ordonnée ;

– le pacte de responsabilité produit un profit limité sur la partie strictement plafonnée à 1,6 SMIC en abscisse et qui s’étend, en ordonnée, au-delà de 28 % du salaire brut ; le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale indiquera exactement où se situe le taux maximum, sachant qu’il ne devrait pas dépasser 42 % ;

– enfin, le pacte de responsabilité produit également un gain limité, au niveau de l’allègement des cotisations familiales, sur la partie qui va de 3 à 3,5 SMIC en abscisse (en partant de 1,8 % en ordonnée).

Au total, comme on l’a indiqué ci-dessus, l’ensemble peut être évalué à une somme qui oscille entre 90 et 110 millions d’euros.

C. FACE À CE FAIBLE IMPACT, IL CONVIENT DE TROUVER D’AUTRES MOYENS POUR BAISSER LES CHARGES QUI PÈSENT SUR LES ENTREPRISES ULTRAMARINES

Selon les rapporteurs, les effets du pacte de responsabilité, considérés sous l’angle du gain apporté par les exonérations de charges sociales, ne peuvent se limiter, outre-mer, à un avantage qui varie entre 90 et 110 millions d’euros.

Il convient de rappeler que le rapport entre la population des DOM et celle de la France entière est de 3,2 %. Il ne serait donc pas anormal de considérer que ce ratio pourrait être utilisé pour calculer le montant que devraient percevoir les DOM au titre des baisses de charges. En ce cas, sur les 30 milliards de baisses nouvelles prévues par le Gouvernement (CICE et exonérations de charges liées au pacte de responsabilité), les DOM devraient se voir attribuer 960 millions d’euros. De ce montant, il convient, bien sûr, de déduire les 480 millions d’euros qui correspondent à la dépense fiscale du CICE et les 90 millions d’euros qui correspondent aux exonérations du pacte de responsabilité. Ainsi, le solde susceptible d’être attribué à l’outre-mer pourrait donc se monter à 390 millions d’euros.

Sans vouloir forcément, par réalisme budgétaire, obtenir l’intégralité de cette somme, les rapporteurs estiment qu’il serait bon que l’outre-mer puisse bénéficier d’une dépense fiscale de 360 millions d’euros au titre des exonérations de charges.

Pour réaliser cet objectif, il est nécessaire de trouver d’autres moyens que ceux qui ont été envisagés jusqu’à présent pour baisser les charges qui pèsent sur les entreprises ultramarines. C’est dans cette perspective que les rapporteurs envisagent une augmentation du taux du CICE.

Pour l’instant, outre-mer, le taux du CICE, ainsi que ses bénéficiaires, sont les mêmes que ceux qui ont été prévus au niveau national.

Pour l’avenir, on pourrait prévoir un taux particulier pour l’outre-mer, distinct du taux applicable dans l’hexagone, et un ou deux taux différenciés pour les secteurs éligibles à la LODEOM.

Le taux général pour l’outre-mer pourrait ainsi être fixé à 9 %. C’est là également la proposition de la FEDOM, avec cette réserve que cette dernière n’envisageait ce taux de 9 % que pour les salariés éligibles aux exonérations de cotisations prévues par la LODEOM, hors secteurs prioritaires. Le coût de cette mesure, selon le Gouvernement, est de l’ordre de 160 millions d’euros.

Par ailleurs, on pourrait prévoir un taux majoré de 13 % pour les secteurs renforcés de la LODEOM.

Enfin, dans le cadre de ces secteurs renforcés, on pourrait prévoir un taux de 19 % pour le secteur du tourisme.

Le tourisme outre-mer souffre, en effet, de trois handicaps principaux : une forte concurrence régionale (par exemple, la Martinique et la Guadeloupe sont concurrencées par Cuba, La Réunion est concurrencée par l’île Maurice, etc.) ; un coût plus élevé pour la main d’œuvre vis-à-vis des compétiteurs étrangers ; et enfin, le caractère souvent ancien des hôtels.

En revanche, il s’agit aussi d’un secteur porteur d’importantes promesses de développement, à cause de la croissance du tourisme international (1,1 milliard d’arrivées dans le monde en 2013, soit une hausse de + 5 % par rapport à 2012) et à cause de l’assouplissement de l’octroi des visas (de la part de la Chine notamment).

Il paraît donc tout à fait légitime d’aider ce secteur qui connaît actuellement un « phénomène de ciseaux » entre ses perspectives de développement – qui sont grandes – et ses handicaps outre-mer – qui sont également importants.

Pour mémoire, le nombre de salariés du secteur du tourisme éligibles aux exonérations de charges sociales prévues par la LODEOM et qui pourraient aussi être concernés par ce taux de 19 % – indépendamment des créations d’emplois que le CICE majoré pourrait favoriser dans ce domaine d’activité – se monte à environ 18 000 personnes. Ce chiffre apparaît dans la dernière colonne du tableau ci-dessous :

 

Nombre de salariés éligibles au CICE

Nombre de salariés éligibles à la LODEOM (hors secteurs prioritaires)

Nombre de salariés éligibles aux secteurs prioritaires
(hors tourisme)

Nombre de salariés du secteur tourisme

Martinique

73 500

27 500

9 300

5 000

Guadeloupe

66 800

27 800

6 600

4 700

La Réunion

136 900

55 800

13 100

7 000

Guyane

25 000

 

14 200

1 600

Total

302 200

111 100 (36,8%)

43 200 (14,3%)

18 300 (6%)

Source : FEDOM

La FEDOM – qui est également favorable à ces deux dernières propositions, c’est-à-dire à un taux majoré de 13 % pour les secteurs prioritaires de la LODEOM et, au sein de ces secteurs, à un taux spécifique de 19 % pour le tourisme – chiffre le coût de ces deux mesures à environ 200 millions d’euros.

Au total, le CICE passerait donc de 6 à 9 % pour l’outre-mer. Il passerait à 13 % pour les secteurs prioritaires de la LODEOM, sauf le tourisme. Et il passerait à 19 % dans ce dernier domaine. L’ensemble représente une dépense fiscale de 360 millions d’euros.

Proposition 1. Faire passer, outre-mer, le taux du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi de 6 à 9 % ; ce taux sera porté à 13 % pour les secteurs prioritaires de la LODEOM, sauf le tourisme où il sera fixé à 19 %.

*

* *

Indépendamment des exonérations de cotisations sociales, d’autres mesures intéressant les entreprises peuvent aussi trouver leur place au sein du pacte de responsabilité. Ce sont ces autres dispositions que les rapporteurs vont examiner à présent.

III. INDÉPENDAMMENT DE SA NÉCESSAIRE ADAPTATION À L’OUTRE-MER, LE PACTE DE RESPONSABILITÉ PEUT ÊTRE AUSSI ENRICHI PAR DES DISPOSITIFS NOUVEAUX

Outre l’institution d’un CICE renforcé, on peut distinguer trois types de mesures qui pourraient concourir à améliorer les effets du pacte de responsabilité outre-mer.

Il s’agit, tout d’abord, de mesures qui ont pour objet de compléter le dispositif du CICE lui-même ; ensuite, de mesures de consolidation et d’amélioration de la LODEOM ; et enfin, de mesures destinées à maintenir la compétitivité outre-mer.

A. LES MESURES QUI ONT POUR OBJET DE COMPLÉTER LE DISPOSITIF DU CICE

L’extension du CICE peut marquer le pas dans certains DOM (par exemple la Guyane) à cause du problème de l’avance des frais correspondant aux coûts salariaux. Bien sûr, les entreprises peuvent prétendre au préfinancement du CICE par le biais d’un crédit de trésorerie attribué par Oséo, la filiale de la Banque publique d’investissement (BPI). Cependant, les formalités pour obtenir ce prêt peuvent dérouter les micro-entreprises ou les PME.

Par ailleurs, on doit relever que le CICE n’est pas applicable dans les collectivités publiques dotées de l’autonomie fiscale (par exemple, l’île de Saint-Martin).

Il est donc nécessaire, en appui au CICE, ou de manière subsidiaire à ce dispositif, lorsqu’il n’est pas applicable, de prévoir des mesures adaptées à la situation locale.

Les mesures proposées par les rapporteurs sont de deux sortes : le soutien à l’embauche du premier salarié par les très petites entreprises et le développement d’une politique contractuelle avec les collectivités publiques régies par l’article 74 de la Constitution.

1. Le soutien à l’embauche du premier salarié

Comme cela a été indiqué précédemment, on peut dénombrer environ 98 000 entreprises unipersonnelles dans les quatre DOM que sont la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion, entreprises qui ne disposent d’aucun salarié mais qui pourraient constituer des viviers d’emplois.

Les embauches que ces entreprises pourraient effectuer sont éligibles aux différentes exonérations fiscales existantes et au CICE. Néanmoins, les chefs d’entreprise hésitent à procéder à un premier recrutement.

Il faut donc les aider à prendre cette décision en agissant concomitamment sur quatre facteurs : la capacité de gestion de l’entrepreneur ; la capacité économique de l’entreprise à supporter une augmentation de ses charges fixes, compte tenu de ses perspectives de développement ; l’aptitude de l’entrepreneur à reconfigurer l’outil de production pour l’adapter à la présence de nouveaux actifs ; et enfin, l’allègement, au moins provisoire, des coûts salariaux restant à la charge de l’entreprise, malgré les exonérations ou les déductions fiscales.

Par suite, il faut créer un accompagnement, financé par l’État, pour ces petites entreprises. Cet accompagnement, de la même manière, pourrait comporter quatre prestations : une aide pour évaluer le potentiel et les besoins de l’entreprise ; une aide dans le cadre de la démarche de recrutement ; un soutien pour la gestion administrative du salarié recruté et enfin, l’attribution de prêts d’honneur.

La mesure pourrait s’inscrire dans le cadre de la convention « Agir pour l’emploi et la création d’activité », actuellement négociée entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations. En effet, en se plaçant du point de vue des salariés susceptibles d’être recrutés, elle pourrait être ciblée sur l’embauche de jeunes demandeurs d’emplois inscrits localement et comporter une orientation en faveur des bénéficiaires des minima sociaux.

Proposition 2. Prévoir un dispositif en faveur des entreprises unipersonnelles pour faciliter l’embauche de leur premier salarié.

2. Le développement d’une politique contractuelle avec les collectivités d’outre-mer dotées de l’autonomie fiscale

Les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution ne disposent pas du CICE, dans la mesure où leurs entreprises ne sont pas soumises aux impôts d’État.

Certes, elles pourraient l’instituer, en introduisant ce dispositif dans leur règlementation. Mais il convient d’observer que la dépense fiscale qui en résulterait risquerait aussi de compromettre l’équilibre de leurs finances publiques – un équilibre souvent fragile. D’autre part, la mise en place de ce dispositif pourrait être parfois contraire à des accords passés avec l’État et comportant des engagements précis de la part des COM en matière de dépenses et de recettes.

Pour éviter cependant qu’avec l’absence du CICE une opportunité de développement ne soit perdue pour les entreprises, il conviendrait que les collectivités d’outre-mer puissent contracter avec l’État sur des objectifs précis dont le montant pourrait compenser la dépense fiscale non réalisée.

Ces objectifs pourraient porter sur tous les aspects du développement économique régional. En outre, ils pourraient être assortis d’études d’impact reposant sur des analyses statistiques précises. En effet, en règle générale, les études statistiques produites par les pouvoirs publics et concernant les collectivités d’outre-mer – notamment Saint-Martin – demeurent souvent insuffisantes.

Proposition 3. Pour compenser l’absence du CICE dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, instaurer, en accord avec l’État, une politique contractuelle débouchant sur la mise en place de véritables schémas de développement économique.

B. LES MESURES DE CONSOLIDATION ET D’AMÉLIORATION DE LA LODEOM

Ces mesures sont au nombre de deux : proroger de cinq ans les abattements fiscaux dont bénéficient les entreprises dans les zones franches d’activité et élargir le régime de l’aide au fret.

1. Proroger de cinq ans les abattements dont bénéficient les entreprises dans les zones franches d’activité

Comme les rapporteurs l’ont indiqué précédemment, il existe des abattements fiscaux spécifiques qui portent sur les bénéfices, sur les bases d’imposition des taxes foncières et sur la contribution économique territoriale et qui concernent les entreprises opérant au sein des zones franches d’activité.

Selon les cas, ces abattements prennent fin en 2017 ou en 2018. Par ailleurs, la dégressivité des taux d’abattement débute à partir de l’année 2015.

Les abattements constituent une aide non négligeable pour les entreprises. Aussi, pourrait-il être intéressant de les proroger, par exemple pour cinq ans.

Cela pourrait se faire en reportant la dégressivité des taux elle-même de 5 ans, c’est-à-dire en la faisant débuter à partir de l’année 2020.

À partir de là, les taux qui s’arrêtent en 2017 seraient reportés en 2022 (impôt sur les bénéfices) et ceux qui s’arrêtent en 2018 seraient reportés en 2023 (autres contributions).

Proposition 4. Reporter de cinq ans (c’est-à-dire à compter de 2020) le début de la dégressivité des taux d’abattement liés aux zones franches d’activité outre-mer.

2. Élargir le régime de l’aide au fret

Comme cela a été exposé plus haut, l’aide au fret est actuellement limitée aux échanges entre l’outre-mer et l’Union européenne.

Cette aide ne favorise donc pas l’intégration des collectivités ultramarines dans leur environnement économique régional. Toutefois, les relations commerciales régionales sont très importantes aussi pour soutenir l’emploi.

Par suite, il pourrait être intéressant d’élargir l’aide au fret à l’ensemble des importations et des exportations, en cessant de réserver cette subvention exclusivement aux produits en provenance ou en direction de l’Union européenne.

Proposition 5. Ne plus réserver l’aide au fret aux importations ou aux exportations en provenance ou en direction de l’Union européenne, mais élargir la subvention à l’ensemble des intrants et des extrants.

C. LES MESURES DESTINÉES À MAINTENIR LA COMPÉTITIVITÉ OUTRE-MER

Les mesures proposées par les rapporteurs sont également au nombre de deux : le maintien du régime de la TVA non perçue récupérable et l’adaptation du crédit d’impôt développement durable outre-mer, en prévoyant l’institution d’un taux unique de 50 % pour les travaux de rénovation.

1. Le maintien du régime de la TVA non perçue récupérable

Cette procédure – née d’une décision ministérielle de 1953 – n’a été codifiée qu’en 2009, dans l’article 295 A du code général des impôts.

Le mécanisme général de la procédure est le suivant : les livraisons ou les importations dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe ou de La Réunion de biens d’investissement neufs et exonérés de la TVA donnent néanmoins lieu à une déduction de cette taxe, lorsque le destinataire de la livraison ou l’importateur est assujetti à la TVA et qu’il dispose d’un établissement dans ces départements.

Jusqu’en 2009 – date de la codification de la procédure – cette dernière était ouverte non seulement aux investissements, mais aussi aux intrants. Cette éligibilité initiale des intrants devait permettre aux entreprises bénéficiaires de baisser le coût de leur production et donc de baisser les prix de vente.

Depuis 2009 – et la reconduction de la procédure pour les seuls investissements – le mécanisme est devenu exclusivement une aide à la formation brute du capital fixe. Le système est d’ailleurs reconnu comme tel par la Commission européenne, puisque le montant de l’aide qu’il procure doit être comptabilisé dans le cumul d’aide maximum autorisé pour chaque investissement.

Le coût total de la dépense fiscale pour cette procédure est actuellement évalué à 100 millions d’euros.

Cette aide semble cependant remise en cause, aujourd’hui, par le ministère du Budget. Une étude est actuellement en cours, conduite par le ministère des Outre-mer, pour évaluer l’impact du dispositif.

Il semble cependant évident que la suppression de la procédure ne pourrait que nuire à la compétitivité des entreprises des DOM.

Proposition 6. Maintenir le régime existant de la TVA non perçue récupérable.

2. L’adaptation du crédit d’impôt développement durable outre-mer en instituant un taux unique de 50 % pour les travaux de rénovation

L’article 200 quater du code général des impôts prévoit un crédit d’impôt développement durable pour les personnes physiques qui procèdent à des travaux d’amélioration énergétique dans leur résidence principale.

Jusqu’en 2014, il y avait dix taux possibles de crédit d’impôt en fonction des revenus imposables des foyers fiscaux. À partir de cette date, les taux ont été ramenés au nombre de deux (25 et 15 %).

Pour relancer le secteur de la rénovation outre-mer – qui est fortement pourvoyeur d’emplois, notamment pour les artisans – il est proposé de modifier la règlementation du crédit d’impôt développement durable en prévoyant qu’il s’étendra, dans les territoires ultramarins, à tous les travaux de rénovation, dans la limite d’un bouquet de travaux précis (études, gros œuvre, charpente, couverture, plomberie, électricité, carrelage, menuiserie, étanchéité et peinture). Le taux unique retenu pour ce bouquet de travaux pourra être de 50 %.

Ce système améliorera naturellement la compétitivité du secteur car le crédit d’impôt compensera le surcoût des travaux de rénovation existant outre-mer et dû à l’éloignement.

Proposition 7. Adapter le crédit d’impôt développement durable à l’outre-mer pour relancer le secteur de la rénovation ; prévoir un taux unique de 50 % pour un bouquet de travaux spécifiquement défini.

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

La Délégation aux outre-mer a examiné le présent rapport d’information au cours de sa réunion du mardi 17 juin 2014.

Monsieur le président Jean-Claude Fruteau. Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle aujourd’hui l’examen du rapport sur la déclinaison outre-mer du pacte de responsabilité. Les deux rapporteurs désignés étaient M. Daniel Gibbes et moi-même. Je vous propose de présenter les deux premières parties du rapport qui forment un tout ; M. Gibbes présentera la troisième partie, c’est-à-dire l’ensemble de nos propositions, sauf celle qui concerne le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) – proposition dont j’aurai parlé au sein de mon exposé.

La première partie du rapport analyse les différentes aides aux entreprises contenues dans la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des Outre-mer (LODEOM) et en particulier les exonérations de charges sociales.

Les exonérations de charges sociales peuvent se combiner, ou non, avec le CICE.

Ainsi, actuellement, outre-mer, en dehors du système lié au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, il existe trois dispositifs d’exonération de cotisations sociales :

– Le dispositif qui concerne les entreprises de moins de 11 salariés (exonération totale des charges sociales jusqu’à 1,4 SMIC ; entre 1,4 et 2,2 SMIC, le montant de l’exonération est calculé sur la base de 1,4 SMIC ; au-delà de 2,2 SMIC, l’exonération est dégressive et elle s’annule à 3,8 SMIC).

– Le dispositif qui concerne les entreprises de plus de 11 salariés (exonération totale jusqu’à 1,4 SMIC ; au-delà, l’exonération est dégressive et elle s’annule à 3,8 SMIC).

– Le dispositif renforcé pour certains secteurs comme l’hôtellerie, le tourisme ou l’agroalimentaire (exonération totale jusqu’à 1,6 SMIC ; entre 1,6 et 2,5 SMIC, l’exonération est limitée à 1,6 SMIC ; au-delà de 2,5 SMIC, l’exonération est dégressive et elle s’annule à 4,5 SMIC).

Par ailleurs, indépendamment de ce système, il est possible de cumuler le CICE et les exonérations fiscales prévues par la LODEOM. En ce cas, les exonérations sont calculées – à nouveau – sur la base d’un triple dispositif :

– Le dispositif qui concerne les entreprises de moins de 11 salariés (exonération totale des charges sociales jusqu’à 1,4 SMIC ; entre1,4 SMIC et 1,8 SMIC, le montant des exonération est calculé sur la base de 1,4 SMIC ; ensuite, le montant des exonérations décroît de manière linéaire et il devient nul lorsque la rémunération est égale à 2,8 SMIC).

– Le dispositif qui concerne plus de 11 salariés (exonération totale jusqu’à 1,4 SMIC ; le taux d’exonération décroit ensuite de manière linéaire jusqu’à 2,6 SMIC).

– Le dispositif renforcé (exonération totale jusqu’à 1,6 SMIC ; de 1,6 SMIC à 2 SMIC, le montant des exonérations est calculé sur la base de 1,6 SMIC ; à partir de 2 SMIC, le montant des exonérations décroît de manière linéaire et devient nul lorsque la rémunération est égale à 3 SMIC).

Pour apprécier cet ensemble de mesures, nous avons buté sur la question des statistiques. Il n’existe pas actuellement de statistiques précises et exhaustives sur les exonérations de charges liées à la LODEOM.

Il est possible, cependant, de donner les éléments d’information suivants :

– Actuellement, on peut penser, en accord avec la FEDOM, que les exonérations (cumulées ou non avec le CICE) concernent 180 000 salariés, c’est-à-dire 75 % des emplois du secteur industriel et agricole des quatre DOM que sont la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion.

– Les entreprises les plus petites (moins de 3 salariés) ne doivent pas demander à bénéficier de ces exonérations faute d’une bonne information ; en revanche, les entreprises plus importantes appliquent systématiquement cette réglementation.

– L’essentiel des bénéficiaires (plus de 80% des entreprises) sont des entreprises de moins de 11 salariés (très vraisemblablement des entreprises qui disposent d’un effectif compris entre 3 et 11 salariés).

– Enfin, le secteur renforcé, par exemple le secteur de l’hôtellerie ou, plus généralement, celui du tourisme, sollicite très peu le bénéfice de ces exonérations.

Au sein du budget du ministère des Outre-mer, il figure une dotation destinée à faire face au remboursement des exonérations de charges en faveur des organismes de sécurité sociale. Cette dotation a été abondée, pour l’année 2014, à hauteur d’un peu plus d’un milliard d’euros. Il s’agit là d’un crédit évaluatif, c’est-à-dire susceptible d’être ajusté, en plus ou en moins, à la dépense effectivement constatée.

Les exonérations ont joué leur rôle pour atténuer les effets de la crise économique qui a frappé les Outre-mer, précisément à partir de l’année 2009.

Néanmoins, en dépit de ce rôle de « stabilisateur économique » que jouent les exonérations de charges sociales, il convient d’observer que le niveau du chômage reste préoccupant dans les départements d’outre-mer.

En 2013, le taux de chômage est de 29 % à La Réunion, de 26,2 % en Guadeloupe, de 22,8 % en Martinique et de 21,3 % en Guyane, quand il est de 10,5 % dans l’hexagone.

Par suite, le Gouvernement a décidé des actions de « relance » en faveur de l’économie, en 2012 et en 2014.

La deuxième partie du rapport étudie ces actions qui sont au nombre de deux : l’institution du CICE et la mise en place du pacte de responsabilité.

J’aborderai, tout d’abord, l’analyse du CICE.

Parallèlement au dispositif applicable aux Outre-mer, le Gouvernement, pour accroître la diminution structurelle du coût du travail au niveau national, a pris la décision, à la fin de l’année 2012, dans le cadre de la discussion de la loi de finances initiale pour 2013, de la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ou CICE (article 244 quater C du CGI).

Le CICE s’adresse à toutes les entreprises et leur permet de réaliser une économie d’impôt substantielle. Pour 2013, cette économie équivaut à 4 % de la masse salariale, hors salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC. Pour 2014, le taux est porté à 6 %.

On remarque ainsi que la portée du CICE est moins large que celle des exonérations de charges de la LODEOM. En effet, le CICE est plafonné aux salaires atteignant 2,5 SMIC. En revanche, les exonérations de la LODEOM peuvent aller jusqu’à 4,5 SMIC.

Par contre, les salariés concernés par le CICE sont plus nombreux que ceux concernés par les exonérations de la LODEOM. En effet, la LODEOM, sauf pour les petites entreprises de moins de 11 salariés, vise seulement le secteur industriel ou agricole, tandis que le CICE concerne aussi les secteurs du commerce, de la distribution, des assurances, des banques, etc.

Par suite, l’effectif des salariés visés dans les DOM est plus important pour le CICE que pour la LODEOM (520 000 salariés pour tout le secteur marchand des DOM contre 260 000 salariés pour le seul secteur industriel ou agricole). Et, mécaniquement, le nombre des salariés qui devraient être effectivement concernés par la mesure est plus vaste.

C’est ainsi que la FEDOM évalue à 300 000 le nombre des salariés qui pourraient bénéficier du CICE en 2013. À noter qu’il s’agit là de la seule statistique dont nous disposions sur cette question. Nous ne disposons malheureusement pas de statistiques publiques.

En termes de débours, la dépense fiscale correspondant au coût du CICE pour les DOM s’élève à 480 millions d’euros en 2014, avec un CICE à 6 %. Bien entendu, il s’agit – ici encore – d’un montant évaluatif qui sera reconsidéré en fonction des charges réelles.

J’en viens maintenant à l’étude du pacte de responsabilité.

Le pacte de responsabilité a été annoncé par le Président de la République, M. François Hollande, le 31 décembre 2013.

Les mesures constitutives du pacte de responsabilité sont inscrites, d’une part, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014 et, d’autre part, dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, également pour 2014.

Les mesures du pacte de responsabilité sont les suivantes :

– Diminution dégressive des cotisations des salariés pour s’arrêter à 1,3 SMIC ;

– Suppression des cotisations patronales au niveau du SMIC et allègement dégressif des charges sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC ;

– Diminution de 1,8 % des charges correspondant à la branche famille de la sécurité sociale pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMIC ;

– Baisse de 3 % des cotisations familiales des artisans et des commerçants ;

– Suppression progressive de la cotisation sociale de solidarité payée par les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 760 000 euros, cette cotisation devant disparaître en 2017 ;

– Diminution progressive de l’impôt sur les sociétés, cet impôt devant passer de 33,33 % aujourd’hui à 28 % en 2020.

Le coût de l’ensemble des mesures, tant fiscales que liées à l’exonération des charges sociales, est fixé à 20 milliards d’euros, mobilisés sur une période qui s’étend de 2014 à 2017.

En revanche, le problème crucial qui se pose aujourd’hui est que le pacte de responsabilité risque de ne profiter que très partiellement aux Outre-mer. En effet :

– La suppression des cotisations sociales patronales prévue par le pacte de responsabilité à hauteur du SMIC existe déjà outre-mer ;

– Le barème dégressif national jusqu’à 1,3 SMIC procure un gain qui est totalement neutralisé outre-mer où, jusqu’à 1,4 ou 1,6 SMIC selon les cas, l’exonération est totale et non dégressive ;

– La réduction des cotisations sociales des indépendants existe déjà dans les DOM (ces travailleurs sont exonérés pendant 24 mois de toutes cotisations de sécurité sociale puis ils disposent ensuite, de manière pérenne, d’une assiette de cotisation réduite de moitié pour la partie de leurs revenus qui est inférieure au plafond de la sécurité sociale) ;

– La suppression de la CSS ne va profiter qu’à environ 10 % des entreprises des DOM, c’est-à-dire à un nombre très restreint de redevables ;

– Enfin, un taux réduit d’impôt sur les sociétés existe déjà dans les Zones franches d’activité (ZFA).

Au total, nous avons évalué le gain du pacte de responsabilité pour les Outre-mer à une somme variant entre 90 et 110 millions d’euros. Rapportée aux 20 milliards d’euros qui correspondent à l’ensemble de la dépense fiscale pour le pacte, on conviendra que cette somme n’est pas très élevée.

Aussi, pour éviter que le pacte de responsabilité ne s’apparente à une coquille presque vide, conviendrait-il de lui donner une déclinaison particulière outre-mer.

Notamment – et c’est là notre première proposition – il serait très certainement possible d’améliorer le dispositif du CICE dans les DOM, puisqu’il s’agit, comme je l’ai indiqué plus haut, d’un mécanisme prometteur, dans la mesure où il vise un ensemble très large d’entreprises et de salariés.

Le dispositif pourrait ainsi être conçu de la manière suivante :

– On pourrait faire passer le taux du CICE de 6 à 9 % pour toutes les entreprises ultramarines ;

– En outre, dans le cas du secteur renforcé tel qu’il est prévu dans la LODEOM, on pourrait le faire passer de 6 à 13 % ;

– Enfin, à l’intérieur du secteur renforcé, on pourrait prévoir un taux spécifique de 19 % pour le secteur du tourisme.

Le secteur du tourisme, comme on l’a vu précédemment en examinant les statistiques concernant les exonérations de charges sociales instituées par la LODEOM, est en effet très faiblement concerné par ces exonérations. Cela provient du fait que ce secteur marque le pas dans les DOM.

Car le tourisme outre-mer souffre de trois handicaps principaux : une forte concurrence régionale (par exemple, Cuba concurrence la Martinique ou la Guadeloupe) ; un coût plus élevé pour la main d’œuvre par rapport aux autres pays compétiteurs ; et enfin, des structures hôtelières plus anciennes.

Par contre, le tourisme est aussi un secteur riche de perspectives. La croissance du tourisme dans le monde dépasse celle de l’économie mondiale avec une augmentation de 4 % des voyages internationaux en 2013. Et d’autre part, on note la libéralisation de l’octroi des visas dans un certain nombre de pays où la demande de déplacements touristiques est forte, comme la Chine.

Il ne paraît donc pas anormal de vouloir soutenir ce secteur dans les Outre-mer. D’où ce taux à 19 %.

Je souhaite enfin qu’au cours des débats qui suivront cette présentation, nous évoquions la possibilité de mettre en œuvre un certain nombre de contreparties et que nous fassions des propositions en ce sens.

Considérant le fait que, dans nos territoires, il existe peu de structuration par branche, il conviendrait, pour assurer ces contreparties, de mettre en œuvre des outils de concertation, sous l’égide du représentant de l’État. Ces outils, qui pourraient être formalisés dans une convention tripartite réunissant l’État, les syndicats patronaux et les syndicats salariés, porteraient sur trois points : la création d’emplois, la revalorisation du pouvoir d’achat et l’investissement locatif.

M. Daniel Gibbes, rapporteur. Mes chers collègues, je prends le relais après notre président, M. Jean-Claude Fruteau, et je souhaite, à présent, vous présenter la troisième partie du rapport, c’est-à-dire celle qui a trait à nos propositions, indépendamment du renforcement du CICE.

Les deux premières mesures que nous préconisons – à savoir le soutien à l’embauche du premier salarié par les très petites entreprises et le développement d’une politique contractuelle avec les collectivités publiques régies par l’article 74 de la Constitution – nous ont été dictées par la prise en considération des deux observations suivantes :

– d’une part, l’extension du CICE peut marquer le pas dans certains DOM (par exemple la Guyane) à cause du problème de l’avance des frais correspondant aux coûts salariaux ; bien sûr, les entreprises peuvent prétendre au préfinancement du CICE par le biais d’un crédit de trésorerie attribué par Oséo, la filiale de la Banque publique d’investissement (BPI) ; cependant, les formalités pour obtenir ce prêt peuvent dérouter les micro-entreprises ou les PME ;

– d’autre part, on doit relever que le CICE n’est pas applicable dans les collectivités publiques dotées de l’autonomie fiscale (par exemple, l’île de Saint-Martin).

Il nous a donc paru nécessaire, en appui au CICE, ou de manière subsidiaire à ce dispositif, lorsqu’il n’est pas applicable, de prévoir des mesures adaptées à la situation locale.

J’évoquerai d’abord la mesure visant à soutenir l’embauche du premier salarié.

Comme cela a été indiqué dans le rapport, il est possible de dénombrer environ 98 000 entreprises unipersonnelles dans les quatre DOM que sont la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion, entreprises qui ne disposent d’aucun salarié mais qui pourraient constituer des viviers d’emplois.

Les embauches que ces entreprises pourraient effectuer sont éligibles aux exonérations fiscales de la LODEOM et au CICE. Néanmoins, les chefs d’entreprise hésitent à procéder à un premier recrutement.

Il faut donc les aider à prendre cette décision en agissant concomitamment sur quatre facteurs : la capacité de gestion de l’entrepreneur ; la capacité économique de l’entreprise à supporter une augmentation de ses charges fixes, compte tenu de ses perspectives de développement ; l’aptitude de l’entrepreneur à reconfigurer l’outil de production pour l’adapter à la présence de nouveaux actifs ; et enfin, l’allégement, au moins provisoire, des coûts salariaux restant à la charge de l’entreprise, malgré les exonérations ou les déductions fiscales.

Par suite, il faut créer un accompagnement, financé par l’État, pour ces petites entreprises. Cet accompagnement, de la même manière, pourrait comporter quatre prestations : une aide pour évaluer le potentiel et les besoins de l’entreprise, une aide dans le cadre de la démarche de recrutement, un soutien pour la gestion administrative du salarié recruté et enfin, l’attribution de prêts d’honneur.

La mesure pourrait s’inscrire dans le cadre de la convention « Agir pour l’emploi et la création d’activité », actuellement négociée entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations. En effet, en se plaçant du point de vue des salariés susceptibles d’être recrutés, elle pourrait être ciblée sur l’embauche de jeunes demandeurs d’emplois inscrits localement et comporter une orientation en faveur des bénéficiaires des minima sociaux.

Telle est donc notre première proposition, mis à part le renforcement du CICE dont a parlé M. le président Fruteau. Dans le rapport, il s’agit de la proposition n° 2.

J’en viens maintenant à la question du développement d’une politique contractuelle avec les collectivités d’outre-mer dotées de l’autonomie fiscale.

Les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution ne disposent pas du CICE, dans la mesure où leurs entreprises ne sont pas soumises aux impôts d’État.

Certes, elles pourraient l’instituer, en introduisant ce dispositif dans leur réglementation. Mais il convient d’observer que la dépense fiscale qui en résulterait risquerait aussi de compromettre l’équilibre de leurs finances publiques – un équilibre souvent fragile. D’autre part, la mise en place de ce dispositif pourrait être parfois contraire à des accords passés avec l’État et comportant des engagements précis de la part des COM en matière de dépenses et de recettes.

Pour éviter cependant qu’avec l’absence du CICE une opportunité de développement ne soit perdue pour les entreprises, il conviendrait que les collectivités d’outre-mer puissent contracter avec l’État sur des objectifs précis dont le montant pourrait compenser la dépense fiscale non réalisée.

Ces objectifs pourraient porter sur tous les aspects du développement économique régional. En outre, ils pourraient être assortis d’études d’impact reposant sur des analyses statistiques précises. En effet, en règle générale, les études statistiques concernant les COM et produites par les pouvoirs publics – par exemple à Saint-Martin – restent souvent insuffisantes.

Le développement d’une politique contractuelle avec l’État concernant les collectivités d’outre-mer constitue la proposition 3 du rapport.

Les deux propositions suivantes ont pour objet de consolider ou d’améliorer des mesures figurant dans la LODEOM. Il s’agit de proroger de cinq ans les abattements fiscaux dont bénéficient les entreprises dans les zones franches d’activité et d’élargir le régime de l’aide au fret.

J’exposerai d’abord la question de la prorogation de cinq ans des abattements dont bénéficient les entreprises dans les zones franches d’activité.

Comme vous le savez, il existe des abattements fiscaux spécifiques qui portent sur les bénéfices, sur les bases d’imposition des taxes foncières et sur la contribution économique territoriale et qui concernent les entreprises opérant au sein des zones franches d’activité.

Selon les cas, ces abattements prennent fin en 2017 ou en 2018. Par ailleurs, la dégressivité des taux d’abattement débute à partir de l’année 2015.

Ces abattements constituent une aide non négligeable pour les entreprises. Aussi, pourrait-il être intéressant de les proroger. Nous avons pensé à une durée de 5 ans.

Cela pourrait se faire en reportant la dégressivité des taux de 5 ans, c’est-à-dire en la faisant débuter en 2020. À partir de là, les taux qui s’arrêtent en 2017 seraient reportés en 2022 (impôt sur les bénéfices) et ceux qui s’arrêtent en 2018 seraient reportés en 2023 (autres contributions). Telle est notre proposition 4.

J’en viens maintenant à l’amélioration du régime de l’aide au fret.

Comme cela est dit dans le rapport, l’aide au fret est actuellement limitée aux échanges entre l’outre-mer et l’Union européenne.

Cette aide ne favorise donc pas l’intégration des collectivités ultramarines dans leur environnement économique régional. Toutefois, les relations commerciales régionales sont très importantes aussi pour soutenir l’emploi.

Par suite, il pourrait être intéressant d’élargir l’aide au fret à l’ensemble des importations et des exportations, en cessant de réserver cette subvention exclusivement aux produits en provenance ou en direction de l’Union européenne. Telle est notre proposition 5.

Enfin, nous avons encore songé à deux propositions pour favoriser la compétitivité des entreprises outre-mer. Il s’agit du maintien du régime de la TVA non perçue récupérable et de l’adaptation du crédit d’impôt développement durable outre-mer, en prévoyant un taux unique de 50 % pour les travaux de rénovation.

Je parlerai tout d’abord du maintien du régime de la TVA non perçue récupérable.

Cette procédure – née d’une décision ministérielle de 1953 – n’a été codifiée qu’en 2009, dans l’article 295 A du code général des impôts.

Le mécanisme général de la procédure est le suivant : les livraisons ou les importations dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe ou de La Réunion de biens d’investissement neufs et exonérés de la TVA donnent néanmoins lieu à une déduction de cette taxe, lorsque le destinataire de la livraison ou l’importateur est assujetti à la TVA et qu’il dispose d’un établissement dans ces départements.

Jusqu’en 2009 – date de la codification de la procédure – cette dernière était ouverte non seulement aux investissements, mais aussi aux intrants. Cette éligibilité initiale des intrants devait permettre aux entreprises bénéficiaires de baisser le coût de leur production et donc de baisser les prix de vente.

Depuis 2009 – et la reconduction de la procédure pour les seuls investissements – le mécanisme est devenu exclusivement une aide à la formation brute du capital fixe. Le système est d’ailleurs reconnu comme tel par la Commission européenne, puisque le montant de l’aide qu’il procure doit être comptabilisé dans le cumul d’aide maximum autorisé pour chaque investissement.

Cette aide semble cependant remise en cause, aujourd’hui, par le ministère du Budget. Une étude est actuellement en cours, conduite par le ministère des Outre-mer, pour évaluer l’impact du dispositif.

Il semble cependant évident que la suppression de la procédure ne pourrait que nuire à la compétitivité des entreprises des DOM.

Notre proposition 6 demande donc le maintien du régime existant de la TVA non perçue récupérable.

Je dirai enfin quelques mots sur l’adaptation du crédit d’impôt développement durable outre-mer, pour favoriser le secteur de la rénovation.

L’article 200 quater du code général des impôts prévoit un crédit d’impôt développement durable pour les personnes physiques qui procèdent à des travaux d’amélioration énergétique dans leur résidence principale.

Jusqu’en 2014, il y avait dix taux possibles de crédit d’impôt en fonction des revenus imposables des foyers fiscaux. À partir de cette date, les taux ont été ramenés au nombre de deux (25 et 15 %).

Pour relancer le secteur de la rénovation outre-mer – qui est fortement pourvoyeur d’emplois, notamment pour les artisans – il est proposé de modifier la réglementation du crédit d’impôt développement durable en prévoyant qu’il s’étendra, dans les territoires ultramarins, à tous les travaux de rénovation, dans la limite d’un bouquet de travaux précis (études, gros œuvre, charpente, couverture, plomberie, électricité, carrelage, menuiserie, étanchéité et peinture). Le taux unique retenu pour ce bouquet de travaux pourra être de 50 %.

Ce système améliorera naturellement la compétitivité du secteur car le crédit d’impôt compensera le surcoût des travaux de rénovation existant outre-mer et dû à l’éloignement. Il constitue donc notre septième et dernière proposition.

Je tiens à dire, pour conclure, que la réalisation de ce rapport d’information a été effectuée dans un délai contraint. Avec le président et les membres de la Délégation, nous avons, dans un premier temps, décidé de respecter ce délai, mais nous avons rapidement envisagé d’élargir notre travail jusqu’à définir un véritable pacte adapté à chacun de nos territoires. C’est ainsi que, dans le rapport, nous avons évoqué la possibilité d’aider le tourisme et les activités de rénovation ; toutefois, dans le cadre de ce pacte à venir, il y aura certainement d’autres secteurs à prendre en compte, par exemple la défiscalisation des activités de démolition, lors de la construction d’immeubles neufs.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Nous avons, en effet, rédigé notre rapport d’information dans un délai relativement bref. Depuis de nombreuses années, nous demandons des évaluations régulières des politiques publiques. Pourtant, aujourd’hui encore, nous manquons de données chiffrées précises dans de nombreux domaines. Ainsi, pour ce rapport, ne disposant pas toujours de statistiques fiables, nous avons dû également recourir à des éléments d’information apportés par un certain nombre d’acteurs économiques.

Ce rapport d’information permettra à notre Délégation de faire des propositions dans le cadre des discussions portant sur le pacte de responsabilité. Personne n’aurait compris qu’elle reste silencieuse. Notre développement économique exigera aussi, nous le savons, des mesures plus globales, mais les départements et les collectivités d’outre-mer se devaient de ne pas laisser passer le train du pacte de responsabilité proposé par le Président de la République, même s’il est dangereux de prendre un train en marche. Nous avons affronté ce danger. Il vous appartient maintenant, mes chers collègues, de nous faire part de vos observations, de poser des questions, d’améliorer le rapport et d’adopter nos propositions, si vous en êtes d’accord, afin que des dispositifs concernant l’outre-mer puissent être insérés dans l’économie du texte, lors des ultimes arbitrages rendus avant sa présentation en séance publique.

M. René Dosière. La démarche qui consiste à évaluer l’impact du pacte de responsabilité et de solidarité outre-mer est intéressante car elle fait apparaître son inadaptation – en particulier l’inadaptation de son volet solidarité – puisque les exonérations fiscales existent déjà dans les DOM et dans certaines collectivités ultramarines.

Le CICE aurait, lui aussi, besoin d’être adapté pour l’outre-mer. Je trouve intéressante votre proposition d’élever le taux du CICE pour le secteur de l’hôtellerie, qui est l’un des vecteurs essentiels du tourisme, mais je ne suis pas certain qu’il soit nécessaire de relever tous les taux. Focaliser notre effort sur l’hôtellerie traduirait mieux, me semble-t-il, la spécificité de l’outre-mer.

Je suis plus réservé sur les mesures en faveur des collectivités qui disposent de l’autonomie fiscale car je considère qu’elles ne peuvent être autonomes et profiter des diminutions d’impôt décidées au niveau national. C’est une question de cohérence. D’autant que, dans la plupart de ces collectivités, le niveau d’imposition est globalement beaucoup plus faible que celui en vigueur en métropole.

Pour ce qui est de l’effet des exonérations de charges sociales sur l’économie ultramarine, je n’ai pas d’avis particulier. Il est clair que le pacte de responsabilité ne peut pas avoir d’effet s’il existe déjà un vaste dispositif d’exonération de charges. Je préfère, pour ma part, que nous renforcions l’impact du CICE sur les finances des Outre-mer, en ciblant un seul secteur d’activité – éventuellement deux, mais pas plus.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Le Président de la République notait, en janvier 2014, que la baisse des charges existait déjà outre-mer et que proposer le pacte de responsabilité à toutes les entreprises ferait disparaître l’avantage significatif dont bénéficient les entreprises ultramarines. Il poursuivait en se disant prêt à adapter le pacte à nos entreprises.

Pour prendre en compte la situation particulière de nos territoires, les gouvernements successifs, quelle que soit leur sensibilité politique, ont pris, au cours des trente dernières années, un certain nombre de dispositions afin d’alléger le coût du travail. L’objectif du CICE est également de baisser ce type de charges pour permettre aux entreprises d’être plus compétitives, et, dans un deuxième temps, de créer des emplois. Il serait juste, cependant, que les entreprises ultramarines conservent un véritable différentiel par rapport à celles de l’hexagone.

Or, tel qu’il a été prévu, le CICE devrait apporter aux départements d’outre-mer entre 90 et 110 millions d’euros sur un dispositif global de 20 à 30 milliards d’euros. Nous considérons que le compte n’y est pas. Plutôt que de défavoriser les Outre-mer par rapport à l’ensemble de la Nation, le Gouvernement devrait suivre l’exemple de l’Union européenne qui applique une politique inégalitaire en faveur des régions ultrapériphériques afin de compenser leurs handicaps.

Pour conserver aux Outre-mer un avantage, nous avons proposé de porter le taux du CICE de 6 à 9 %.

Le tourisme est l’une de nos richesses potentielles, mais nous ne sommes pas en mesure de la mobiliser car nous avons des concurrents. Ainsi, dans l’océan Indien, La Réunion subit la concurrence de l’île Maurice, pour des raisons qui tiennent à une économie, à une histoire différente…

M. Patrick Lebreton. Et aux requins !

M. Jean Jacques Vlody. Les médias français mettent en avant la présence de requins à La Réunion, mais il y a aussi des requins à l’île Maurice !

M. le président Jean-Claude Fruteau. Dans la ligne de ce qu’a déclaré le Président de la République, nous voulons que les Outre-mer conservent un avantage significatif. Nous ne demandons pas plus, loin s’en faut, que les autres territoires.

M. Daniel Gibbes, rapporteur. Les collectivités autonomes fiscalement et qui ne bénéficieront pas du CICE – par exemple Saint-Martin ou Saint-Barthélemy – craignent que l’institution de ce dispositif ne compromette leur équilibre économique. En effet, les entreprises de ces collectivités seront concurrencées par des entreprises qui, implantées dans des DOM, par exemple la Martinique, seront éligibles au CICE. C’est pourquoi, nous avons suggéré que nos territoires, dont les industries sont souvent fragiles, bénéficient également de mesures dont l’effet serait de contrecarrer cette concurrence. Au fond, ce que nous voulons éviter, c’est qu’une réglementation nationale permette à des entreprises françaises de concurrencer d’autres entreprises françaises.

M. Patrick Lebreton. Le pacte de responsabilité est un virage courageux que le Gouvernement fait prendre à sa politique économique après avoir clairement identifié le déficit de compétitivité de nos entreprises. Il propose un véritable partenariat entre la puissance publique et le secteur privé : c’est une petite révolution.

Nos entreprises souffrent de difficultés chroniques et c’est encore plus vrai dans les DOM. Les dispositifs mis en place profitent à nos économies et ont donné lieu à de nombreuses réussites. Pour autant, sont-ils suffisants pour affronter la concurrence régionale, pour assurer la croissance et pour s’attaquer au cancer que constitue le chômage structurel ? Ont-ils réellement permis l’émergence de véritables piliers de développement économique ? J’en doute. C’est sur ce point que nous devons travailler.

Malgré les dispositifs spécifiques à l’outre-mer et malgré le CICE, nos entreprises peinent toujours à dégager des fonds propres et elles souffrent de la concurrence défavorable des pays voisins dans lesquels le coût du travail est très inférieur.

Dans le secteur du tourisme, nos entreprises se trouvent en concurrence directe avec celle des États à bas coût social et fiscal. Les infrastructures hôtelières ne sont pas toutes adaptées et le coût de la main d’œuvre est considérablement plus élevé que celui que l’on constate chez nos compétiteurs.

Il nous faut engager les moyens nécessaires dans un certain nombre de domaines. Pourquoi ne pas prévoir des taux d’exonération adaptés en fonction de la situation concurrentielle de certains secteurs ? Dans cet esprit, je suis favorable à votre proposition de prévoir un taux spécifique de 19 % pour le tourisme.

Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons pas nous contenter d’évaluer les différents dispositifs en fonction seulement de leur coût immédiat. Profitons de l’examen du rapport et de celui des projets de loi qui vont instituer le pacte de responsabilité pour mettre en avant le bénéfice économique et social de chaque mesure qui nous sera proposée.

M. Jean Jacques Vlody. Je voudrais dire à nos collègues de l’hexagone qu’ils doivent absolument prendre conscience d’une chose : les réalités ultramarines ne sont pas des réalités nationales grossies à la loupe. Ce discours doit changer. Certes, l’outre-mer et la Seine-Saint-Denis connaissent un chômage structurel de 30 % et un chômage des jeunes de 60 %. Cependant, le département de Seine-Saint-Denis est situé à quelques minutes de Paris, ses habitants ne sont pas obligés de prendre l’avion et ils ne subissent pas l’isolement ou l’insularité.

Notre président, M. Jean-Claude Fruteau, plaide pour une nouvelle donne dans laquelle l’État doit s’engager. Il existe, aujourd’hui, une disparité d’appréciation entre l’Europe – qui reconnaît les handicaps structurels dont souffrent les régions ultrapériphériques et qui met en place un système que l’on pourrait qualifier de « discrimination positive » – et notre pays qui rejette cette démarche, lui préférant le concept d’égalité réelle. C’est ainsi que la question qui se pose est la suivante : l’égalité républicaine consiste-t-elle à traiter tout le monde de la même manière ou bien consiste-t-elle à donner à tous les mêmes chances ?

Pour les entreprises ultramarines, entreprendre constitue une prouesse de chaque instant. Car entreprendre, dans un territoire ultramarin, c’est opérer sur un marché restreint et en se trouvant confronté à un grand nombre de contraintes. Malgré cela, nous avons des entrepreneurs et des investisseurs qui croient à leur métier. S’ils recourent aux importations, c’est qu’ils manquent de ressources propres. Sans un accompagnement clairement identifié de l’État et de l’Europe pour aider nos entreprises à baisser leurs coûts de production, nous continuerons, dans nos territoires, à consommer des biens importés. C’est un schéma dont nous ne voulons pas parce qu’il nous empêche de créer des emplois.

Les dispositions qui ont été évoquées vont dans le bon sens, en particulier pour les petites entreprises de moins de dix salariés qui représentent 95 % du tissu économique de La Réunion.

Je voudrais à présent vous faire une suggestion de nature à améliorer la compétitivité des entreprises. Les produits industriels fabriqués outre-mer pour les marchés locaux doivent répondre aux normes européennes et françaises. Sauf que nos territoires ne disposent pas de services de certification capables de tester les matériels qui doivent être mis en conformité. Les entreprises doivent donc supporter le coût d’acheminement de ces matériels – et quelquefois aussi les frais de déplacement de certains de leurs personnels accompagnant les équipements – vers la métropole. Et si les produits ne sont pas déclarés conformes lors de leur première présentation, l’industriel doit les réexpédier une nouvelle fois. Je pense donc qu’il faudrait créer une aide financière destinée à aider les entreprises à supporter ce type de coût.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Je propose de faire de cette suggestion la huitième proposition de notre rapport.

M. Jean Jacques Vlody. Nous avons deux possibilités : ou bien installer un bureau de validation sur chaque territoire pour aider les entreprises à se conformer aux normes en vigueur…

M. René Dosière. Ce serait plus simple, en effet.

M. Jean Jacques Vlody. …ou bien accorder des aides aux entreprises pour compenser l’acheminement de leurs produits, sachant que cette solution coûterait plus cher. Cela dit, il ne servirait à rien d’installer un bureau de validation si ce dernier ne dispose pas d’un laboratoire suffisamment compétent pour juger de la conformité des produits.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Je comprends la démarche de notre collègue, M. Jean Jacques Vlody, mais ne nuit-elle pas à la liberté d’entreprendre ? D’autre part, avant d’installer des bureaux d’agrément, ne faudrait-il pas définir clairement les normes que nous voudrions voir appliquer sur nos territoires ?

Vous allez encore me dire que je suis pessimiste, mais quand je considère les chiffres du chômage ou lorsque je me retrouve, en tant que maire, face à de jeunes chômeurs, je me demande à quoi je sers. J’ai peur que nous soyons bientôt confrontés à une explosion sociale.

Les habitants de Saint-Martin, mon cher collègue, ont choisi de vivre dans une collectivité autonome. Si cela leur pose des problèmes, c’est qu’ils n’y étaient pas préparés.

Quant à la Guadeloupe, malgré la LODEOM, elle ne décolle pas. Le chômage des jeunes est croissant, alors même qu’un grand nombre de contrats aidés ont été attribués – ce qui n’est d’ailleurs pas une solution.

M. le président Jean-Claude Fruteau. C’est un pis-aller.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. La Guadeloupe a été beaucoup aidée par le passé pour développer le tourisme, mais nos charges sociales sont toujours trop lourdes et nous avons vu arriver de nouveaux concurrents avec Cuba et Saint-Domingue.

Devenir des départements français nous a permis de nous développer dans le bassin caribéen, mais aujourd’hui, face aux territoires voisins, nous sommes devenus des Français de l’hexagone, avec des charges sociales lourdes et un coût du travail élevé.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Vous avez raison et je souhaite que nous y réfléchissions ensemble. Aujourd’hui, nous nous trouvons dans un carcan, certes doré, mais dont nous devons essayer de sortir.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. J’irai plus loin. Nous aussi, en Guadeloupe, nous subissons la concurrence d’entreprises européennes. Nos entreprises du secteur du BTP nous demandent d’imposer des clauses de protection, mais cela ne nous est pas possible puisque nous faisons partie intégrante du système.

M. Daniel Gibbes, rapporteur. Nous sommes d’accord avec notre collègue, Mme Louis-Carabin.

J’ai évoqué le CICE et la concurrence des îles voisines de Saint-Martin pour illustrer mon regret de voir une loi nationale instaurer une disposition qui peut être en même temps discriminante à l’égard d’un autre territoire français.

Vous avez raison d’élargir la discussion à la Caraïbe, mais c’est une autre question. Lors de notre première réunion, nous avions souligné la nécessité de réagir rapidement, c’est pourquoi les mesures proposées ici relèvent du pacte de responsabilité. Mais nous avons prévu d’élargir notre travail, à partir d’une plus grande concertation, en tenant compte de la spécificité de chaque territoire par rapport à son environnement régional, sachant que certains subissent de plein fouet la concurrence de leurs voisins. Nous devons prendre ces éléments en considération et proposer non plus un pacte de responsabilité, mais un « choc de compétitivité ».

M. René Dosière. Pour répondre à la préoccupation de notre collègue, M. Jean Jacques Vlody, il faudrait que nous parvenions à annuler le surcoût et la distorsion de concurrence qu’entraîne, pour les chefs d’entreprise, l’existence de normes imposées par l’Union européenne.

M. Jean Jacques Vlody. Tout à fait, étant entendu que nous devons respecter les normes qui nous sont imposées, mais que nous pouvons réfléchir aussi aux normes que nous souhaiterions voir appliquées sur notre territoire.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Il s’agit de deux questions distinctes, qui ne sont pas du même niveau. Nous devons engager une réflexion sur la mise en place outre-mer de normes particulières, différentes de celles qui s’imposent à toute l’Europe, mais cela prendra du temps. En attendant, les entreprises ultramarines doivent satisfaire aux normes européennes. C’est pourquoi, dans un premier temps, nous devons mettre en place un dispositif d’accompagnement. Cela dit, nous allons avoir du mal à définir des normes spécifiques car, s’il y a bien un mot qui n’a pas cours en Europe, c’est celui de « dérogation »… Mais cela ne doit pas nous empêcher d’essayer.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Il y va de la survie de nos territoires.

M. Gabriel Serville. Nous devons donc remplacer dans notre dictionnaire le terme de « dérogation » par un autre mot, susceptible d’être validé par nos gouvernants et par les institutions européennes.

Contrairement à mes collègues, je pense qu’il ne faut pas associer le terme de « dérogation » à nos spécificités, mais plutôt parler de nos vérités et de nos réalités.

La sémantique que nous utilisons pour évoquer les Outre-mer embarrasse le représentant de la Guyane que je suis. Car la Guyane n’est pas une île, elle est confrontée à des difficultés qui peuvent ressembler à celles des autres départements et territoires, mais avec des particularités très prégnantes.

Lorsque l’on évoque la Guyane, on pense à la recherche spatiale, au BTP, à la forêt et à la gestion de la biodiversité – tous ces éléments figurant dans la LODEOM à des degrés divers et de façon plus ou moins bien encadrée.

En revanche, prévoir un taux de 19 % pour le secteur du tourisme ne répond pas aux problématiques de la Guyane, qui n’a jamais su en faire un vecteur prépondérant de son développement économique.

De même, les secteurs de la pêche ou de la biodiversité ont du mal à atteindre un niveau de développement optimal. Par ailleurs, les explorations de pétrole dans nos eaux, qui n’ont pas abouti, devront faire l’objet d’une attention particulière.

Au total, il faudrait donc, pour la Guyane, un plan de développement d’ensemble, plutôt que le saupoudrage d’une suite de petites mesures.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, vous avez réalisé un travail excellent qui a le mérite d’exister, mais, eu égard à la situation sociale et économique dramatique que nous connaissons, nous devons nous interroger sur la pertinence des choix que nous sommes en train de faire.

Nous n’exigerons pas, aujourd’hui, du Gouvernement qu’il fasse un grand écart, mais je suggère que notre Délégation puisse mettre à plat, un jour, nos problèmes et qu’elle puisse faire remonter au Gouvernement les solutions que nous souhaiterions leur apporter.

J’espère que nous réussirons à faire comprendre à la représentation nationale que les problèmes que nous rencontrons sous nos latitudes ne peuvent être réduits à des réalités hexagonales ou européennes grossies par un effet de loupe. Ce sont des vérités à part entière qui nécessitent des solutions à part entière. Il ne suffit pas de transférer outre-mer un pacte de responsabilité adapté à l’hexagone. Tant que nous resterons dans cette logique, nous aurons du mal à trouver les réponses justes.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Vous devez comprendre, mon cher collègue, que nous avons sauté dans le train car nous ne voulions pas qu’il parte sans nous. C’est pourquoi nous avons proposé la déclinaison outre-mer du pacte de responsabilité. Lors de notre réunion du 20 mai dernier, nous avons décidé d’approfondir le dispositif en vous demandant de nous faire part de vos réflexions. Je comprends que cela soit frustrant pour vous, mais sachez que nous sommes dans le temps de la réflexion. En attendant le temps de l’action, vous pourrez utiliser le débat législatif pour exprimer ce qui vous paraît le plus adapté pour votre territoire. Nous sommes là pour « marquer le coup », pour rappeler la place des Outre-mer, pour ne pas perdre les avantages concurrentiels dont nous bénéficions et, si possible, pour en obtenir d’autres.

M. Daniel Gibbes, rapporteur. Lorsque notre président, M. Jean-Claude Fruteau, a pris l’initiative de décliner le pacte de responsabilité dans nos territoires, ma première réaction fut de m’y opposer et de réclamer un pacte pour chaque DOM et pour chaque COM. Le président nous a rappelé que nous profitions actuellement d’un certain nombre de dispositions réglementaires qu’il convenait de défendre et d’enrichir. Il a eu raison de le souligner.

Il faut que chacun de nous soit capable de définir la meilleure stratégie de développement économique pour sa collectivité territoriale. Or, aujourd’hui, cette stratégie est souvent dictée par des leviers européens ou par des dispositifs hexagonaux. On développe l’agriculture parce que l’on reçoit des crédits du FSE, ou bien des équipements structurels parce que l’on bénéficie des crédits du FEDER… La situation de nos territoires ne sera prise en compte que lorsque chacun d’entre eux sera doté d’un véritable schéma de développement économique. C’est ce que j’ai essayé de faire à Saint-Martin pour le secteur du tourisme.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Je rappelle également que la LODEOM prévoit des exonérations renforcées pour un certain nombre de territoires. Le travail législatif permettra, sans doute, d’avancer sur ce point.

M. Philippe Houillon. La prise en compte des spécificités de chaque territoire ne signifie pas forcément l’absence de règles transversales. On proposait tout à l’heure d’adapter les normes en fonction de la spécificité des territoires. Je ne suis pas d’accord avec cette préconisation, car ces territoires ont vocation à devenir dynamiques, donc à exporter, et des normes au rabais les empêcheraient de s’inscrire dans le marché européen et mondial, les condamnant au repli sur soi.

M. Gabriel Serville. J’aimerais tant que notre collègue, M. Philippe Houillon, soit notre porte-parole auprès des autres parlementaires de la représentation nationale, car ce qu’il vient de dire est exactement ce que nous ne cessons de répéter depuis plusieurs décennies.

Nos territoires appartiennent avant tout à un bassin de vie. Mon bassin de vie, en tant que Guyanais, n’est ni la France hexagonale ni l’Union européenne, mais l’Amérique du Sud. Mon territoire est voisin du Brésil, du Suriname, et j’ai des relations avec le Guyana, Sainte-Lucie, Saint-Domingue, Trinidad. Nous considérons tous en Guyane qu’exporter dans ce bassin de vie doit être notre priorité.

Je suis favorable à la définition de règles propres à la Guyane, règles qui seraient édictées par la République mais qui s’appliqueraient, de façon intelligente, à un territoire qui n’est précisément pas situé sur le continent européen. La population de la Guyane, son économie, sa sociologie, son climat, sa géographie, sa biodiversité, ne sont pas ceux de l’hexagone. Pourtant, lorsque nous édictons des lois et des règlements, nous partons toujours des réalités hexagonales et européennes pour ensuite les adapter aux configurations de l’outre-mer, qui en général n’ont pas grand-chose à voir.

La représentation nationale doit comprendre que nous ne demandons pas l’autonomie ou l’indépendance. Nous attendons simplement que la République à laquelle nous appartenons se montre plus perspicace et plus intelligente et ne cherche pas à appliquer la même loi partout. Les petites adaptations ont des limites. Quand on considère le taux du chômage dans nos territoires et la dégradation de nos sociétés, on se demande si l’échec de la République n’est pas dû à la cécité qui l’empêche de voir certaines réalités.

M. Napole Polutélé. Je vous remercie, monsieur le président et monsieur le rapporteur, pour le travail que vous avez accompli. Vous dites que nous devons prendre le train en marche ; malheureusement la collectivité de Wallis-et-Futuna est restée en gare car elle ne bénéficie pas de toutes ces mesures dont nous venons de faire l’éloge.

L’aide au fret, en réduisant le coût de la vie, serait une mesure bénéfique pour notre collectivité. Wallis-et-Futuna peut-il bénéficier, d’ores et déjà, de cette aide ?

M. le président Jean-Claude Fruteau. Oui, cette collectivité est inscrite dans le champ d’application de la mesure.

Mes chers collègues, le débat étant maintenant achevé, je vous propose de passer aux votes.

Je mets aux voix les sept propositions du rapport que nous venons de vous présenter, ainsi que la huitième proposition de notre collègue, M. Jean Jacques Vlody, proposition qu’il est possible de formuler de la manière suivante : « Accompagner financièrement ou techniquement les entreprises ultramarines lorsqu’elles sont obligées de prévoir des démarches de certification ».

Les huit propositions sont adoptées à l’unanimité.

Je mets maintenant aux voix le rapport.

Le rapport est adopté à l’unanimité

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES

1. Faire passer, outre-mer, le taux du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi de 6 à 9 % ; ce taux sera porté à 13 % pour les secteurs prioritaires de la LODEOM, sauf le tourisme où il sera fixé à 19 %.

2. Prévoir un dispositif en faveur des entreprises unipersonnelles pour faciliter l’embauche de leur premier salarié.

3. Pour compenser l’absence du CICE dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, instaurer, en accord avec l’État, une politique contractuelle débouchant sur la mise en place de véritables schémas de développement économique.

4. Reporter de cinq ans (c’est-à-dire à compter de 2020) le début de la dégressivité des taux d’abattement liés aux zones franches d’activité outre-mer.

5. Ne plus réserver l’aide au fret aux importations ou aux exportations en provenance ou en direction de l’Union européenne, mais élargir la subvention à l’ensemble des intrants et des extrants.

6. Maintenir le régime existant de la TVA non perçue récupérable.

7. Adapter le crédit d’impôt développement durable à l’outre-mer pour relancer le secteur de la rénovation ; prévoir un taux unique de 50 % pour un bouquet de travaux spécifiquement défini.

8. Accompagner financièrement ou techniquement les entreprises ultramarines lorsqu’elles sont obligées de prévoir des démarches de certification.

COMPTES RENDUS DES AUDITIONS DE LA DÉLÉGATION

Échange de vues sur les mesures souhaitables en faveur des Outre-mer dans la perspective du futur pacte de responsabilité 41

Audition de M. Jean-Pierre Philibert, président de la Fédération des entreprises d’outre-mer (FEDOM), accompagné par Mme Annie Iasnogorodski, déléguée générale, et par M. Philippe Mouchard, nouveau délégué général 48

Échange de vues sur les mesures souhaitables en faveur des Outre-mer
dans la perspective du futur pacte de responsabilité.

Compte rendu de la réunion du mardi 20 mai 2014

M. le président Jean-Claude Fruteau. Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle aujourd’hui un échange de vues sur la déclinaison outre-mer du pacte de responsabilité. Il prévoit aussi la nomination de deux rapporteurs d’information sur cette question.

Avant de vous laisser la parole, je voudrais dire quelques mots à titre de propos liminaires.

Comme vous le savez, en 2009, la loi pour le développement économique des Outre-mer (LODEOM) a institué un certain nombre de mesures destinées à favoriser la création d’emplois dans le secteur marchand. Parmi celles-ci, on distingue les exonérations de charges sociales. Ces exonérations ont été modifiées, au cours de la discussion de la loi de finances initiale pour 2014, pour être recentrées sur les plus bas salaires, c’est-à-dire les salaires qui sont les plus susceptibles d’être attribués en cas d’embauche.

Ainsi, actuellement, outre-mer, en dehors du système lié au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, il existe trois dispositifs d’exonération de cotisations sociales :

– Le dispositif qui concerne les entreprises de moins de 11 salariés (exonération totale des charges sociales jusqu’à 1,4 SMIC ; entre 1,4 et 2,2 SMIC, le montant de l’exonération est calculé sur la base de 1,4 SMIC ; au-delà de 2,2 SMIC, l’exonération est dégressive et elle s’annule à 3,8 SMIC).

– Le dispositif qui concerne les entreprises de plus de 11 salariés (exonération totale jusqu’à 1,4 SMIC ; au-delà, l’exonération est dégressive et elle s’annule à 3,8 SMIC).

– Le dispositif renforcé pour certains secteurs comme l’hôtellerie, le tourisme ou l’agroalimentaire (exonération totale jusqu’à 1,6 SMIC ; entre 1,6 et 2,5 SMIC, l’exonération est limitée à 1,6 SMIC ; au-delà de 2,5 SMIC, l’exonération est dégressive et elle s’annule à 4,5 SMIC).

En dépit de cette règlementation, il convient d’observer que le niveau du chômage reste préoccupant dans les départements d’outre-mer.

En 2013, le taux de chômage est de 26,2 % en Guadeloupe, de 21,3 % en Guyane, de 22,8 % en Martinique et de 29 % à La Réunion, quand il est de 10,5 % dans l’hexagone.

Parallèlement au dispositif applicable aux Outre-mer, le Gouvernement, pour accroître la diminution structurelle du coût du travail au niveau national, a pris la décision, à la fin de l’année 2012, dans le cadre de la discussion de la loi de finances initiale pour 2013, de la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ou CICE (article 244 quater C du CGI).

Le CICE s’adresse à toutes les entreprises et il leur permet de réaliser une économie d’impôt substantielle. Pour 2013, elle équivaut à 4 % de la masse salariale, hors salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC. Pour 2014, ce taux est porté à 6 %.

Le CICE est très intéressant outre-mer, car, lorsque les entreprises ont été déclarées éligibles à ce crédit d’impôt, il se cumule avec les exonérations fiscales prévues par la LODEOM, exonérations qui sont calculées – à nouveau – sur la base d’un triple dispositif :

– Le dispositif qui concerne les entreprises de moins de 11 salariés (exonération totale des charges sociales jusqu’à 1,4 SMIC ; entre1,4 SMIC et 1,8 SMIC, le montant des exonérations est calculé sur la base de 1,4 SMIC ; ensuite, le montant des exonérations décroît de manière linéaire et il devient nul lorsque la rémunération est égale à 2,8 SMIC).

– Le dispositif qui concerne plus de 11 salariés (exonération totale jusqu’à 1,4 SMIC ; le taux d’exonération décroit ensuite de manière linéaire jusqu’à 2,6 SMIC).

– Le dispositif renforcé (exonération totale jusqu’à 1,6 SMIC ; de 1,6 SMIC à 2 SMIC, le montant des exonérations est calculé sur la base de 1,6 SMIC ; à partir de 2 SMIC, le montant des exonérations décroît de manière linéaire et devient nul lorsque la rémunération est égale à 3 SMIC).

Cette règlementation doit être complétée, dans un avenir très proche, par l’adoption des mesures qui constituent le pacte de responsabilité.

Selon mes informations, ces mesures constitutives du pacte de responsabilité pourraient être inscrites, d’une part, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014 et d’autre part, éventuellement, dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, également pour 2014. Le texte ou les textes pourraient être adoptés en Conseil des ministres le 18 juin prochain. Ils seraient ensuite examinés, quinze jours plus tard, par l’Assemblée nationale.

Les mesures du pacte de responsabilité pourraient être les suivantes :

– Diminution dégressive des cotisations des salariés pour s’arrêter à 1,3 SMIC ;

– Suppression des cotisations patronales au niveau du SMIC et allègement dégressif des charges sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC ;

– Diminution de 1,8 % des charges correspondant à la branche famille de la sécurité sociale pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMIC ;

– Baisse de 3 % des cotisations familiales des artisans et des commerçants ;

– Suppression progressive de la cotisation sociale de solidarité payée par les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 760 000 euros, cette cotisation devant disparaître en 2017 ;

– Diminution progressive de l’impôt sur les sociétés, cet impôt devant passer de 33,33 % aujourd’hui à 28 % en 2020.

Il convient d’observer que le CICE peut avoir des effets significatifs sur l’emploi dans les départements d’outre-mer. Il s’ajoute en effet, comme je l’ai indiqué, en visant toutes les entreprises qui emploient des salariés dont les salaires ne dépassent pas 2,5 fois le SMIC, aux exonérations de charges liées aux dispositifs établis par la LODEOM. Or, c’est bien ce type de salariat – c’est-à-dire un salariat qui ne dépasse pas 2,5 fois le SMIC – qui est présent majoritairement au sein des entreprises ultramarines.

En revanche, le pacte de responsabilité risque de ne profiter que très partiellement aux DOM. En effet :

– La suppression des cotisations sociales patronales prévue par le pacte de responsabilité à hauteur du SMIC existe déjà outre-mer ;

– Le barème dégressif national jusqu’à 1,3 SMIC procure un gain qui est totalement neutralisé outre-mer où, jusqu’à 1,4 ou 1,6 SMIC selon les cas, l’exonération est totale et non dégressive ;

– La réduction des cotisations sociales des indépendants existe déjà dans les DOM (ces travailleurs sont exonérés pendant 24 mois de toutes cotisations de sécurité sociale puis ils disposent ensuite, de manière pérenne, d’une assiette de cotisation réduite de moitié pour la partie de leurs revenus qui est inférieure au plafond de la sécurité sociale) ;

– La suppression de la CSS ne va profiter qu’à environ 10 % des entreprises des DOM, c’est-à-dire à un nombre très restreint de redevables ;

– Enfin, un taux réduit d’impôt sur les sociétés existe déjà dans les Zones franches d’activité (ZFA).

Aussi, pour éviter que le pacte de responsabilité ne s’apparente à une coquille presque vide, conviendrait-il de lui donner une déclinaison particulière outre-mer.

Notamment, on pourrait très certainement améliorer le dispositif du CICE dans les DOM, puisqu’il s’agit d’un mécanisme prometteur.

On pourrait faire passer son taux de 6 à 9 % ; et même, dans le cas du secteur renforcé tel qu’il est prévu dans la LODEOM, on pourrait le faire passer de 6 à 12 %.

Telles sont les raisons pour lesquelles il me paraît souhaitable que la Délégation se saisisse de ce thème de réflexion et qu’elle désigne deux rapporteurs pour élaborer un rapport d’information.

M. Daniel Gibbes. Je ne veux pas reprendre en détail les mesures contenues dans le pacte de responsabilité, notre président les ayant parfaitement exposées. Je voudrais juste souligner que, selon moi, le pacte de responsabilité pour les Outre-mer doit être un pacte à part entière et non une simple déclinaison de celui que le Gouvernement veut instituer pour l’hexagone.

Pourquoi ? Parce qu’il est impossible de calquer des mesures conçues pour l’hexagone dans les Outre-mer, îlots de richesse dans un environnement régional pauvre et où les coûts de production sont très inférieurs. Un exemple parlant est celui de Saint-Martin, un territoire sans frontières matérialisées, avec un voisin immédiat qui bénéficie de toutes les infrastructures et où le salaire minimum est de 600 dollars par mois.

Viennent se greffer d’autres handicaps, comme l’éloignement, la double insularité ou l’étroitesse des marchés qui justifient que les Outre-mer ont besoin d’une réelle prise en compte des difficultés éprouvées par leurs entreprises.

Sur le plan national, les marges des sociétés sont insuffisantes et constituent un obstacle pour le développement de leurs investissements : ce constat est encore plus prégnant outre-mer où les marges sont en moyenne plus basses que dans l’hexagone.

Les mesures destinées à accroître la compétitivité doivent être adaptées aux Outre-mer, avec une prise en compte précise des différentiels de compétitivité par rapport à la métropole, sinon elles sont condamnées à n’avoir aucun effet dans nos territoires.

Il convient de souligner aussi que les COM, dotées de l’autonomie fiscale, sont très fréquemment exclues des dispositifs d’aide. Par exemple, le CICE n’est applicable ni à Saint-Barthélemy, ni à Saint-Martin.

S’il y avait une augmentation du CICE, il faudrait qu’elle soit conséquente, qu’elle soit égale pour tous sans distinction de secteurs d’activité et que le dispositif bénéficie également aux COM.

Par ailleurs, il faudrait favoriser le développement économique régional, avec des fonds de développement dédiés à la coopération, à la recherche de nouveaux marchés et à la mutualisation de moyens entre professionnels des départements et des collectivités d’outre-mer.

Il faudrait mettre sur pied un véritable schéma de développement touristique en favorisant la coopération inter-îles.

Enfin, il faudrait dédier des dispositifs de type « défiscalisation » à la rénovation hôtelière, au financement des démolitions d’ouvrages – le coût des constructions neuves se renchérissant de manière très significative compte tenu du coût des démolitions – et à l’amélioration des dessertes et des moyens de transport, qu’ils soient maritimes ou aériens.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Vous avez raison d’attirer l’attention sur le fait que les collectivités qui ont une fiscalité propre se trouvent souvent exclues d’un certain nombre de règlementations. En revanche, je n’irai peut-être pas jusqu’à dire, comme vous le faites, qu’il faut élaborer un pacte par territoire. Je pense plus opérant de faire en sorte que les DOM et les COM s’insèrent au mieux dans les différents dispositifs qui nous sont proposés, à mesure que le Gouvernement progresse dans sa réflexion, et que nos travaux soient calés sur le calendrier national.

M. Daniel Gibbes. Le problème, c’est qu’alors nos préoccupations sont toujours dominées par les mêmes thèmes ou par les mêmes sujets. Nous sommes conduits à définir nos dispositifs en fonction de ce qui existe dans l’hexagone et non en fonction de nos spécificités. Il en va de même pour notre relation avec l’Europe. Nous définissons nos priorités en fonction des enveloppes qui ont été arrêtées, par exemple le Fonds social européen, et en oubliant nos particularités locales. C’est pour lutter contre ce phénomène d’attractivité que nous avons voulu que l’île de Saint-Martin devienne autonome, notamment par rapport aux deux régions sœurs que sont la Martinique et la Guadeloupe.

M. Patrick Lebreton. Avec le pacte de responsabilité, le Gouvernement a résolument fait le choix d’une politique basée sur la compétitivité des entreprises. Je pense que c'est la bonne voie. Maintenant, il faut réfléchir avec attention aux instruments qui vont être préconisés pour combler les déficits de compétitivité.

S’agissant des exonérations fiscales, il faudrait évaluer les dispositifs existants. Ces outils sont-ils vraiment efficaces pour le développement de l’emploi ? Sont-ils vraiment garants d’une amélioration de l’activité des entreprises ?

La même évaluation devrait avoir lieu pour le CICE. Ce dispositif est-il efficace ? Est-il bien adapté aux comportements des entrepreneurs individuels, notamment outre-mer ?

Je note, en tout cas, qu’au moment des débats sur la défiscalisation des investissements outre-mer, le Gouvernement préconisait l’institution d’un crédit d’impôt pour remplacer, au moins partiellement, les déductions fiscales portant sur l’impôt sur le revenu ou sur l’impôt sur les sociétés. Á l’époque, les entreprises ne semblaient pas toutes très favorables à ce système. Maintenant, la réflexion a fait son chemin et ce mécanisme ne semble plus guère susciter de critiques.

Enfin, je ferais volontiers une proposition audacieuse : pourquoi ne pas envisager qu’une large part des exonérations de cotisations sociales profite directement aux salariés ?

M. le président Jean-Claude Fruteau. Il me semble que le pacte de responsabilité, en prévoyant une mesure d’allègement des cotisations sociales pour les salariés, mesure, il est vrai, dégressive et limitée à 1,3 SMIC, va dans le sens que vous souhaitez. Je partage néanmoins votre sentiment sur l’intérêt qu’il y aurait à aller plus loin en ce domaine.

Pour les collectivités à autonomie fiscale, je pense qu’il faudrait pouvoir conduire, un jour, une réflexion qui permette de mieux connaître les territoires et d’approfondir leurs différences économiques et sociales. Il s’agit là, cependant, d’un travail de longue haleine. Dans l’immédiat, il me paraît important que nous puissions prendre toute notre part dans le débat national sur le pacte de responsabilité – ce qui ne nous empêche pas de bâtir, par la suite, un projet plus global.

M. Philippe Houillon. Ce point de vue me convient assez, dans la mesure où nous sommes pris par le temps.

Il faut se saisir du texte sur le pacte de responsabilité pour l’infléchir et pour faire en sorte qu’il apporte des solutions spécifiques aux problèmes des Outre-mer. Ce faisant, il faudrait pouvoir trouver un dénominateur commun entre tous les DOM et tous les COM – comme le « plus petit commun dénominateur » en mathématiques – pour que les mesures que nous proposerons puissent convenir à tous les territoires, quelles que soient leurs particularités. La réflexion pourra ensuite être approfondie, le moment venu, pour passer à un stade plus vaste : le développement économique de toutes les collectivités ultramarines. Et, dans ce contexte, le rapport que nous aurons réalisé sur le pacte de responsabilité pourra constituer, en quelque sorte, un pré-rapport, permettant de mieux définir les orientations de nos futurs travaux.

Il faudrait aussi faire admettre au Gouvernement qu’il serait bon d’insérer des mesures spécifiques pour l’outre-mer dans le pacte de responsabilité.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Le Premier ministre, que j’ai rencontré ce matin en compagnie de l’ensemble des députés de La Réunion, m’a paru très ouvert sur cette question. C’est la raison pour laquelle il me semble important que nous puissions faire des propositions sur le pacte de responsabilité. En revanche, après l’adoption du texte instituant ce dispositif, il est à craindre qu’il ne s’écoule un certain temps avant que le Gouvernement ne dépose un projet de loi spécifique pour le développement économique des Outre-mer.

M. Daniel Gibbes. Je suis d’accord sur la nomination de deux rapporteurs pour un rapport d’information sur la déclinaison outre-mer du pacte de responsabilité. Néanmoins, je reste attaché, bien entendu, à l’émergence de véritables schémas stratégiques de développement dans les COM, par exemple dans le domaine de l’apprentissage ou de la formation professionnelle.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Il s’agit là, en vérité, de véritables contrats de développement globaux, déclinés par territoires, et concernant aussi bien les aspects économiques et sociaux que les aspects humains. Un tel travail est évidemment très complexe.

M. Jean Jacques Vlody. Dans ce débat, je partage le point de vue de notre président. Il faut se saisir, de manière immédiate, des opportunités offertes par le calendrier législatif. Ensuite, il nous sera certainement possible de conduire d’autres réflexions pour le développement économique des territoires.

Pour le pacte de responsabilité, à défaut de toutes les mesures, il faudrait essayer d’obtenir les financements correspondants.

Une fois ces crédits obtenus, on pourrait cibler les dépenses sur un certain nombre de domaines prioritaires. Je pense à trois secteurs : le pouvoir d’achat des salariés, le financement des conventions collectives – car, dans beaucoup de branches, les conventions collectives ne sont pas intégralement financées (par exemple, pour les projets de carrière) – et enfin, la prise en compte des coûts de la formation professionnelle.

M. le président Jean-Claude Fruteau. S’il n’y a plus de questions, je vous propose maintenant de passer à la désignation des deux rapporteurs.

M. Daniel Gibbes et M. Jean-Claude Fruteau sont désignés, à l’unanimité, rapporteurs d’information.

Audition de M. Jean-Pierre Philibert, président de la Fédération des entreprises d’outre-mer (FEDOM), accompagné par Mme Annie Iasnogorodski, déléguée générale, et par M. Philippe Mouchard, nouveau délégué général.

Compte rendu de l’audition du mardi 3 juin 2014

M. le président Jean-Claude Fruteau. Je suis heureux de vous accueillir, monsieur le président, avec vos collaborateurs, pour un échange de vues sur la déclinaison outre-mer du pacte de responsabilité, notamment sur les mesures qu’il serait intéressant d’y voir figurer.

Lors de sa dernière réunion, la Délégation a désigné deux rapporteurs sur le pacte de responsabilité et sur son éventuelle déclinaison outre-mer : M. Daniel Gibbes, député de Saint-Martin, et moi-même.

Les dispositions du pacte de responsabilité devraient être proposées dans le cadre de deux textes : le projet de loi de finances rectificative pour 2014 et le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, qui pourraient être présentés en Conseil des ministres respectivement le 11 et le 18 juin prochain. Ces deux textes pourraient être examinés par l’Assemblée nationale en séance publique à la fin du mois de juin.

L’objectif de la Délégation est de présenter son rapport vers le 18 juin, afin de faire connaître son sentiment avant l’examen en séance publique de ces deux textes, en particulier du PLFR, qui devrait comporter la plupart des dispositions relatives au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

M. Jean-Pierre Philibert, président de la Fédération des entreprises d’outre-mer. Je suis heureux que nous poursuivions ainsi nos échanges, avec la même liberté de parole. Nous avons obtenu ensemble des résultats concrets, notamment le maintien de la défiscalisation outre-mer. Nous devons beaucoup à la Délégation, qui a mené des travaux de qualité et a fait preuve d’une grande détermination sur cette question.

M. Mouchard, qui a notamment été le coordonnateur de l’Agence française de développement pour l’océan Indien, La Réunion et Mayotte, succède aujourd’hui à Mme Iasnogorodski au poste de délégué général de la FEDOM. Mme Iasnogorodski va diriger notre think tank aux côtés de mon prédécesseur, M. Guy Dupont. Cette structure nous aide à réfléchir aux meilleurs moyens de faire fonctionner les économies ultramarines et à mieux anticiper les réformes concernant les Outre-mer, souvent discutées dans l’urgence. Nous restons trop souvent sur la défensive, notamment vis-à-vis des médias métropolitains, qui continuent à ignorer les réalités et à véhiculer, chaque semaine, des poncifs sur les Outre-mer.

Le Président de la République et le Premier ministre ont annoncé des mesures nouvelles pour les Outre-mer dans le cadre d’une déclinaison du pacte de responsabilité et de solidarité – ce dernier terme a son importance. La ministre des Outre-mer les a confirmées.

Cependant, trois mesures existantes, pourtant indispensables aux économies ultramarines, apparaissent menacées. Il s’agit, d’abord, des abattements appliqués à l’impôt sur les sociétés, à la taxe foncière, à la cotisation foncière des entreprises et à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, tels qu’ils résultent de la loi pour le développement économique des Outre-mer de 2009. Ces abattements étant soumis à dégressivité à compter de 2014, leur taux est appelé à diminuer au cours des quatre prochaines années, jusqu’en 2017. Qui plus est, l’abattement appliqué à l’impôt sur les sociétés est assorti de conditions : l’entreprise doit utiliser une partie du bénéfice exonéré pour réaliser des dépenses de formation professionnelle et verser une contribution au Fonds d’expérimentation pour la jeunesse. Nous souhaitons que ce dispositif, qui a fait ses preuves, soit prorogé au-delà de 2017.

La deuxième mesure menacée est le dispositif dit de la « TVA non perçue récupérable », objet, en ce moment même, d’une enquête du ministère des Finances. Son principal défaut tient à son nom, qui le rend difficilement justifiable aux yeux de ses détracteurs. Il constitue pourtant une aide précieuse à l’investissement, le dispositif ayant été recentré sur les investissements neufs. À notre demande, Bercy a confié à un cabinet privé le soin de réaliser une étude auprès des entreprises disposées à ouvrir leurs livres de comptes. Nous avons mobilisé notre réseau, et cette enquête se déroule dans de bonnes conditions. Nous sollicitons l’attention de la Délégation sur cette question. Vous pourriez notamment demander que l’on vous adresse, en temps et en heure, les conclusions de l’étude.

Troisième disposition susceptible d’être remise en cause : l’aide au fret. Une mission a été confiée à M. le préfet Lacroix sur ce sujet. Il s’agit d’une allocation européenne, à laquelle s’ajoute une aide nationale, qui représente la moitié de son montant. L’allocation européenne est gérée par les régions, alors que l’aide nationale est administrée par l’État. À la Martinique, le dispositif est géré en totalité par l’État. Le Gouvernement souhaite que cette aide, qui s’applique aux échanges entre les Outre-mer et le continent européen, soit recentrée sur le fret régional – par exemple entre les îles de la Caraïbe ou entre La Réunion et Mayotte. Nous y sommes favorables : cela contribuerait au développement des marchés régionaux. Cependant, les conseils régionaux sont très inquiets : ils risquent de récupérer la compétence d’administrer l’aide au fret, sans bénéficier des moyens correspondants. Votre collègue, M Serge Letchimy, a déjà posé plusieurs questions à ce sujet.

En outre, les formalités à accomplir pour obtenir cette aide découragent les entreprises. D’où la chute des crédits inscrits en loi de finances au titre de l’aide au fret : ils sont passés d’environ 25 millions d’euros, il y a quelques années, à 6 millions en 2014. Les enquêtes sont encore en cours, et aucune décision n’a été prise à ce stade. Nous sollicitons l’attention de la Délégation sur ce point également. Vous pourriez demander au ministère des Finances de vous faire part de l’état de ses réflexions.

Il convient certainement de réaliser des économies, mais la réforme de ces trois dispositifs ne nous paraît pas une bonne piste pour ce faire. Quoi qu’il en soit, l’amélioration de la compétitivité des entreprises ultramarines passe nécessairement par une diminution du coût du travail. Or, il n’est ni possible ni souhaitable de nous engager dans une course aux bas salaires avec les pays voisins. Cela n’a d’ailleurs jamais été la position de la FEDOM. Il convient donc de diminuer les charges. Mme Iasnogorodski va vous présenter les mesures que nous proposons à cet effet.

Mme Annie Iasnogorodski, déléguée générale de la Fédération des entreprises d’outre-mer. Le pacte de responsabilité, tel qu’il est envisagé, prévoit une amplification des exonérations de charges : celles-ci seraient totales au niveau du SMIC, puis dégressives jusqu’à 1,6 SMIC. Mais l’extension de cette mesure aux Outre-mer aurait un impact nul ou très faible. En effet, un très grand nombre d’entreprises ultramarines bénéficient, depuis plusieurs années, d’exonérations plus favorables qui ont été revues par la loi LODEOM. Ainsi, on avait déjà reconnu que le problème de compétitivité était plus aigu outre-mer, les entreprises devant être compétitives non seulement vis-à-vis de la métropole, mais aussi de leur environnement régional, qui est composé pour l’essentiel de pays peu développés, où les salaires sont très bas et les charges quasi inexistantes. Il nous paraît indispensable de maintenir le différentiel entre les aides accordées en métropole et celles qui le sont outre-mer, lors de l’adoption du pacte de responsabilité.

Pour ce faire, nous proposons de jouer sur le dispositif du CICE, qui est, à ce stade, identique en métropole et dans les Outre-mer : mêmes entreprises éligibles, même assiette, même taux.

D’après les annonces, les charges des entreprises françaises devraient être allégées de 30 milliards d’euros au titre du pacte de responsabilité. Les habitants des départements d’outre-mer représentant 3,2 % de la population française, il serait logique que les entreprises ultramarines se voient allouer 3,2 % de ce total, soit 960 millions. Dans la mesure où elles bénéficient déjà d’allègements de charges à hauteur de 480 millions au titre du CICE, il faudrait donc doubler le montant de l’aide actuelle.

Nous suggérons de distinguer trois catégories : les entreprises éligibles au seul CICE ; les entreprises éligibles aux dispositifs de la LODEOM ; les entreprises appartenant aux secteurs particulièrement exposés à la concurrence qui ont été définis comme « prioritaires » par la LODEOM – entre autres, le tourisme, les technologies de l’information et de la communication, l’agriculture et l’agroalimentaire, la recherche et développement. Nous laisserions donc de côté les entreprises non éligibles au CICE.

Nous proposons de garder le même taux de CICE qu’en métropole pour la première catégorie, soit 6 %, mais de la porter à 9 % pour la deuxième catégorie et à 15 % pour la troisième. Compte tenu du nombre de salariés par secteur d’activité, que nous avons obtenu de l’Institut national de la statistique et des études économiques, la mesure coûterait 265 millions d’euros pour la deuxième catégorie et 244 millions pour la troisième, ce qui ferait un total de 509 millions. Ce montant est supérieur à la cible de 480 millions, mais nous avons fait l’hypothèse, pour nos calculs, que tous les salaires étaient inférieurs à 2,5 SMIC – plafond d’éligibilité au CICE –, ce qui n’est pas le cas en réalité.

M. Jean-Pierre Philibert. Il faut également tenir compte de la segmentation de l’emploi outre-mer : la plupart des 302 200 salariés des DOM travaillent dans des entreprises qui n’appartiennent pas aux secteurs exposés ou surexposés à la concurrence, éligibles au seul CICE : la grande distribution, la banque ou les assurances, par exemple. Les entreprises éligibles aux dispositifs de la LODEOM, hors secteurs prioritaires, ne représentent que 111 100 salariés, soit environ 36 % du total. Quant à celles des secteurs prioritaires au sens de la LODEOM, elles ne comptent que 61 500 salariés. Je rappelle que la définition des secteurs prioritaires a fait l’objet de débats nourris, lors de l’examen du projet de loi. Ainsi, le président de la chambre de commerce et d’industrie de La Réunion, M. Ibrahim Patel, aurait souhaité y inclure le petit commerce, secteur pourvoyeur d’emplois.

Mme Annie Iasnogorodski. Nous formulons une proposition alternative qui consisterait à aider plus particulièrement le tourisme, secteur prioritaire le plus exposé à la concurrence, qui emploie 18 300 salariés. Le taux du CICE pourrait n’être relevé qu’à 13 %, et non plus 15 %, pour les entreprises appartenant aux secteurs prioritaires définis par la LODEOM hors tourisme, mais relevé à 19 % pour le seul secteur du tourisme. Le coût total de la mesure serait inchangé : 509 millions d’euros, à supposer que tous les salaires soient inférieurs à 2,5 SMIC.

M. Jean-Pierre Philibert. Nous suggérons de privilégier le secteur du tourisme, car c’est le plus exposé à la concurrence des pays voisins à bas coûts salariaux. Lorsque la ministre des Outre-mer a présenté sa feuille de route, elle a elle-même évoqué des mesures spécifiques pour le tourisme, sans plus de précision à ce stade. Il pourrait notamment s’agir d’aides à la rénovation hôtelière.

Le secteur du tourisme souffre d’une autre difficulté : l’âge moyen des employés y est très élevé, notamment à la Martinique, où il atteint 53 ans. Or, les métiers du tourisme deviennent de plus en plus pénibles, ne serait-ce qu’en raison de l’évolution de la literie, où les lits classiques sont de plus en plus souvent remplacés par des sommiers « king size », autrement plus difficiles à manipuler. C’est pourquoi les hôteliers et la FEDOM ont engagé, notamment à la Martinique, une négociation avec les organisations syndicales et les services de l’État sur des mesures d’aide au départ des salariés âgés ou handicapés. Parallèlement, le secteur recruterait des jeunes nouvellement formés, à raison de 1,1 ou 1,2 pour 1 salarié âgé partant. Ces discussions sont longues et compliquées, mais nous avons bon espoir de les voir aboutir. Les organisations syndicales antillaises, à une exception près, sont plutôt favorables à cette négociation. Nous abordons actuellement la question des compensations et du nombre d’embauches.

Cela étant, si nous augmentons les aides au tourisme, il nous faudra diminuer d’autant les aides aux secteurs prioritaires mais non surexposés. C’est particulièrement le cas du bâtiment : même s’il n’est évidemment pas soumis à la concurrence des pays voisins, il n’en est pas moins indispensable au développement de nos économies. À La Réunion, le secteur du bâtiment n’emploie plus que 14 000 salariés, contre 27 000 en 2009. C’est un secteur qui souffre. Pour l’aider, il faut trouver une formule qui permettrait de jouer sur l’aide au logement intermédiaire. Avant la LODEOM, ce secteur était soutenu par les dispositions de l’article 199 undecies A du code général des impôts qui permettait la défiscalisation au titre du logement libre et intermédiaire. Cela a donné lieu à un certain nombre d’effets d’aubaine auxquels la LODEOM a mis un terme, mais d’une façon très brutale – c’est un domaine dans lequel nous ne savons pas doser, on en sait quelque chose dans le domaine de l’industrie photovoltaïque ; la suppression de la défiscalisation dans ce domaine a totalement déstabilisé le secteur qui était pourtant prometteur en termes d’emplois : nombre de jeunes, souvent très qualifiés, attendaient sur des projets de microcentrales qui ont été réduits à néant, et ont fini par abandonner ce domaine d’activité pour partir en métropole.

Bien que le dispositif soit clos depuis 2009, il reste aujourd’hui 230 millions d’euros de dépenses fiscales au titre de l’article 199 undecies A. Sur ce point, je suis sidéré par le silence de Bercy. Pourquoi ne pas les réutiliser, à des conditions dont nous sommes prêts à débattre, pour redynamiser le secteur du bâtiment ? Il est clair que les lois Duflot et le Scellier ne fonctionnent pas outre-mer. Un investisseur métropolitain a tout intérêt à investir en métropole. Pourquoi irait-il le faire à La Réunion, à la Martinique ou en Guadeloupe ?

M. le président Jean-Claude Fruteau. Je vous remercie pour ces propositions qui doivent être examinées avec la plus grande attention.

M. Boinali Said. Les dispositifs d’accompagnement doivent pouvoir être déclinés en fonction des besoins de chaque territoire ; or, les difficultés et les priorités ne sont pas les mêmes partout. Il faut aider en priorité les secteurs les plus en difficulté, qui ne sont pas forcément les mêmes dans chaque territoire. Comment ajuster les taux en fonction des besoins propres de chaque territoire ? Un DOM n’est pas une entité abstraite et uniforme. Une analyse fine des spécificités de chaque territoire s’impose avant toute décision politique.

Mme Monique Orphé. Le CICE est entré en application le 1er janvier 2013. Avez-vous une idée du nombre de bénéficiaires outre-mer, et plus particulièrement à La Réunion ?

Avez-vous identifié les freins qui empêchent les TPE de l’utiliser ? Comment lever ces freins ?

Quelles pourraient être, selon vous, les contreparties au pacte de responsabilité en matière d’investissement et de création d’emplois en outre-mer ? Avez-vous une idée du nombre d’emplois susceptibles d’être créés ?

Comment appliquer le pacte de solidarité dans nos territoires ?

Mme Éricka Bareigts. Je reprends les questions de mes deux collègues et m’associe à l’approche de M. Boinali Said : les dispositifs figés par la loi ne correspondent pas toujours à la réalité sur le terrain et ne permettent pas d’entraîner une dynamique de territoire. L’économie est quelque chose qui vit, qui évolue en fonction de son environnement, ainsi que des hommes et des femmes qui prennent le risque de créer de l’activité. Figer les choses dans la loi empêche cette dynamique – pour ce qui est des secteurs les plus performants, s’entend : il en est d’autres qu’il vaut mieux cadrer, ne serait-ce que pour éviter certains effets d’aubaine.

Je crois, pour ma part, à la contractualisation territoriale et au développement des engagements territoriaux, à l’instar de ceux que nous avons conclus au niveau européen. Nous ne pouvons plus continuer à mobiliser l’investissement public sans contreparties en termes d’emploi, de dialogue social, de conditions de travail, de formation, d’organisation de la mobilité. Nous devons promouvoir des dispositifs contractuels qui obligent les entreprises à accompagner les jeunes dans l’emploi. Qu’en pensez-vous ?

M. Jean-Pierre Philibert. Vous avez posé des questions essentielles.

Nous sommes extrêmement favorables à ce que vous appelez, Madame Bareigts, la contractualisation, et qui n’est autre que la déclinaison des mesures par territoire. Je ne suis pas moi-même ultramarin, mais, en tant que président de la Fédération, je peux témoigner de la complexité et de l’hétérogénéité des Outre-mer. Prétendre, dans un esprit jacobin, appliquer les mêmes mesures à l’ensemble des territoires n’est certainement pas la meilleure façon d’agit, même s’il est extrêmement compliqué de les adapter à chaque collectivité. La LODEOM a déjà reconnu le principe de secteurs géographiques éligibles : la Guyane, les îles du sud de la Guadeloupe – Marie-Galante, la Désirade, les Saintes.

La chose est donc possible, mais cela relève de la responsabilité des entreprises, des fédérations adhérentes et des élus. Lors de nos discussions sur la défiscalisation, nous avions suggéré que le mécanisme pourrait être différent selon les territoires, car chaque élu sait quelles activités sont véritablement prioritaires dans sa région. Souvenons-nous de la crise qu’a entraînée, à La Réunion, la défiscalisation sur le matériel industriel. Nous avons réfléchi, avec le Gouvernement, votre majorité et la Délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale, à la façon de mieux encadrer le dispositif, mais nous aurions pu aller plus loin.

La situation de l’emploi est différente sur chaque territoire. À Mayotte, par exemple, où le chômage des jeunes atteint des taux insupportables, nous pourrions concevoir des dispositions spécifiques qui, s’inspirant de celle imaginée par la ministre, Mme George Pau-Langevin, pour aider les entreprises à créer leur premier emploi, permettraient d’aider les jeunes à accéder à des emplois marchands – car l’emploi aidé dans le secteur non marchand n’est, reconnaissons-le, qu’un pis-aller.

Cette démarche exige une réflexion colossale. Quoi qu’il en soit, nous ne sommes pas favorables à l’uniformité des dispositions applicables aux Outre-mer. Nous ne serons pas opposés à travailler avec vous et avec le Gouvernement sur cette question.

Madame Orphé, vous connaissez comme moi les difficultés que nous rencontrons pour obtenir les chiffres des bénéficiaires du CICE. Je peux toutefois vous indiquer le nombre des salariés éligibles au crédit d’impôt : 73 500 à la Martinique, 66 800 en Guadeloupe, 136 900 à La Réunion, 25 000 en Guyane, Mayotte n’étant pas intégrée au dispositif.

Quant aux salariés éligibles à la LODEOM, mis à part la Guyane où ils sont tous concernés, ils sont 55 800 à La Réunion, 27 800 en Guadeloupe, 27 500 à la Martinique. Il est étonnant de constater que la Martinique compte un nombre plus important de salariés dans le secteur non éligible, ce qui signifie sans doute qu’on y trouve plus de banques, d’assurances et de grande distribution qu’en Guadeloupe.

Lorsqu’on observe le ratio des salariés du secteur le plus exposé par rapport à l’ensemble des salariés, on s’aperçoit que La Réunion est à la traîne par rapport aux deux DOM antillais. À la Martinique, 73 500 salariés sont éligibles au CICE, contre 27 500 hors secteurs prioritaires et 14 300 éligibles aux secteurs prioritaires – contre 20 100 à La Réunion, soit seulement 6 000 personnes de plus, alors qu’ils devraient logiquement être presque deux fois plus nombreux.

Mme Éricka Bareigts. C’est normal, car, à La Réunion, le secteur le plus prioritaire, à savoir le tourisme, ne fonctionne pas.

M. Jean-Pierre Philibert. Vous avez raison ; pourtant, La Réunion est le seul territoire qui offre un grand nombre de structures d’accueil de qualité, et le problème des visas, notamment avec la Chine, sera bientôt résolu. Quoi qu’il en soit, cette situation ne peut être imputée uniquement à la profession et aux institutionnels du tourisme de La Réunion : nous en sommes tous responsables. J’assiste, ce soir même, à une réunion en présence de Mme Fleur Pellerin. Tout porte à croire que La Réunion y sera représentée par le dixième sous-fifre… Je ne comprends pas les difficultés du secteur touristique dans une île qui a énormément d’atouts sur ce plan.

Pour ce qui est des contreparties du pacte de responsabilité, j’ai toujours dit que le patronat ultramarin jouerait le jeu. Nous sommes parfaitement conscients de nos responsabilités. La FEDOM a signé des conventions avec l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité et le service militaire adapté, pour parfaire la formation initiale et l’insertion des jeunes dans leur territoire, et ces conventions sont suivies d’effets. Ainsi, la première convention que nous avons signée avec un groupe réunionnais et la LADOM a permis à 300 jeunes de suivre une formation avant de trouver un emploi sur leur île. Voilà un exemple concret de notre engagement.

Il existe d’autres possibilités. Les abattements comportent des contreparties qui doivent être répercutées en faveur de l’employabilité. Beaucoup souhaitent leur suppression. Pour ma part, je ne suis pas hostile à leur maintien, voire à leur augmentation. Même si nous ne changeons rien sur le plan institutionnel, le retour de la croissance s’accompagnera, outre-mer, d’un retour de l’emploi plus rapide qu’en métropole. Mais ce n’est pas suffisant. Comme je l’ai indiqué aux membres de la Fédération, il nous faudra nous engager plus avant dans les deux domaines que le Président de la République a définis comme étant les contreparties du pacte de solidarité, à savoir les mesures en faveur de l’emploi et le dialogue social.

Or, le dialogue social outre-mer doit être inventé, ou tout au moins largement amélioré, ce qui relève de la double responsabilité des entreprises et des organisations de salariés. Le dialogue social se traduit trop souvent par un blocage de l’économie – des routes, des ports, des aéroports – quand ce ne sont pas les stations-services.

Des expérimentations sont en cours. À la Martinique, grâce à une instance initiée par un préfet avant 2009, nous avons pu éviter le traumatisme qu’a vécu la Guadeloupe. Le dispositif mis en place depuis deux ans, dans le domaine du tourisme, en faveur des salariés les plus âgés et handicapés, va dans le bon sens et pourrait être dupliqué dans les autres territoires.

Madame la députée, vous regrettez que le CICE ne fonctionne pas dans les TPE, pourtant sa mise en œuvre n’a rien de complexe. Pour calculer l’exonération, il suffit de prendre la déclaration annuelle de données sociales et de lui appliquer le taux en vigueur.

Mme Annie Iasnogorodski. C’est certainement le préfinancement qui ne fonctionne pas, mais la Banque publique d’investissement et l’Agence française de développement commencent à en comprendre le mécanisme. Nous pouvons espérer qu’il fonctionnera mieux.

M. Jean-Pierre Philibert. Je suis d’accord pour qu’on le « booste » un peu…

Mme Monique Orphé. Si je vous ai posé la question, c’est que nous avons demandé un CICE renforcé. Si le CICE est peu utilisé, on risque de ne pas nous l’accorder.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Pour en avoir discuté récemment avec les représentants de l’AFD, j’ai le sentiment que, malgré les difficultés liées à son préfinancement, le crédit d’impôt commence à fonctionner.

Madame, Messieurs, vous devez, comme moi, être frustrés de cette rencontre, car il y avait encore beaucoup à dire sur ce sujet. Nous sommes preneurs de tout document que vous voudrez bien nous communiquer.

M. Jean-Pierre Philibert. Je voudrais ajouter quelques mots : tous les ministres ont mis en place des comités de suivi des politiques publiques outre-mer, mais certains ne se sont jamais réunis. Nous sommes demandeurs de telles initiatives. Nous regrettons par ailleurs que Bercy ne nous communique pas les chiffres et qu’il nous soit aussi difficile d’obtenir ceux de l’INSEE.

M. le président Jean-Claude Fruteau. L’évaluation des politiques publiques ne fonctionne pas parfaitement bien dans notre pays, quel que soit le Gouvernement. C’est un mal français et pas seulement ultramarin.

M. Jean-Pierre Philibert. Mais il est accentué outre-mer.

M. le président Jean-Claude Fruteau. Je vous remercie.


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