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N° 3621

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 mars 2016.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur l’avenir des filières d’élevage

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Annick LE LOCH et M. Thierry BENOIT,

Députés

——

La mission d’information sur l’avenir des filières d’élevage est composée de : M. Damien Abad, président ; Mme Annick Le Loch et M. Thierry Benoit, rapporteurs ; Mme Brigitte Allain, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. André Chassaigne, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Yannick Moreau et M. Hervé Pellois

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 11

PREMIÈRE PARTIE : PORTRAIT DES FILIÈRES D’ÉLEVAGE, IDENTITÉ ÉCONOMIQUE ET PAYSAGÈRE FRANÇAISE 13

I. LA FILIÈRE VIANDE BOVINE 14

A. LA FRANCE EST RICHE DE SA DIVERSITÉ 14

1. Le cheptel bovin français, premier cheptel européen 14

a. Le cheptel laitier 15

b. Le cheptel allaitant 16

2. Une balance commerciale déterminée par une spécialité de naisseurs 16

B. UNE FILIÈRE DISPERSÉE 17

1. Le manque de segmentation des productions 17

2. De l’amont à l’aval : une multitude d’acteurs mais une organisation toujours défaillante 18

II. LA FILIÈRE LAITIÈRE 19

A. DES EXPLOITATIONS LAITIÈRES FRAGILES 19

1. La géographie de la production laitière 19

2. Le nombre d’exploitations laitières a diminué de moitié en vingt ans 21

3. Pourtant, les volumes de production ont augmenté 21

B. UNE SITUATION ÉCONOMIQUE SANS PRÉCÉDENT 22

1. La gestion de la fin des quotas laitiers 22

2. Les exportations 23

C. DE NOMBREUX ATOUTS 24

1. Une diversité des produits sans équivalent dans le monde 24

2. Une industrie agroalimentaire forte à l’export 26

III. LA FILIÈRE PORCINE 27

A. UNE FILIÈRE EN PÉRIL 27

1. L’essoufflement de la production 27

a. La baisse du cheptel et de la production 27

b. L’Ouest, premier bassin de production porcine française 28

2. Le problème des coûts 30

a. Des coûts de production élevés, fortement dépendants du prix des aliments 30

b. Des abattoirs moins compétitifs 30

3. Le problème des prix : le déséquilibre de l’offre et de la demande 31

a. La formation des prix 31

b. L’absence de stratégie commune : les divers acteurs de la filière 31

B. UN MARCHÉ COMPLEXE 32

1. La diversité des produits détermine les échanges 32

2. Un marché mondial, une concurrence européenne 35

a. Les exportations françaises peinent à pénétrer le marché mondial 35

b. Les embargos russes 35

c. Le marché intérieur est concurrencé par des importations européennes 36

d. Un étiquetage insuffisant 37

IV. LA FILIÈRE AVICOLE 38

A. UN SECTEUR TIRÉ PAR LA HAUSSE DE LA CONSOMMATION ET DE L’EXPORTATION 38

1. Un secteur qui résiste mieux que les autres filières d’élevage 38

2. La segmentation des productions 38

3. Les attentes du marché : consommation et exportation 39

B. LE BESOIN DE MODERNISATION 40

1. Des coûts de production élevés pour les produits standards 40

2. Le besoin d’agrandissement et de modernisation de bâtiments vieillissants 40

C. UNE FILIÈRE EN PROIE AUX ÉPIDÉMIES DE GRIPPE 40

V. LA FILIÈRE OVINE 41

A. UNE PRODUCTION MARGINALE LONGTEMPS DÉLAISSÉE PAR LES POUVOIRS PUBLICS 41

1. Une production qui ne couvre que 45 % de la consommation nationale 41

2. Un cheptel présent sur l’ensemble du territoire national, source d’aménités positives 42

3. L’après « transhumance du désespoir » 42

B. UNE PRODUCTION INTRINSÈQUEMENT DIFFICILE 43

1. Un faible rendement 44

2. Des coûts de production élevés 44

3. Un cheptel touché par les maladies et les prédateurs 44

4. Les progrès génétiques 45

DEUXIÈME PARTIE : DES DIFFICULTÉS COMMUNES 47

I. LES RAISONS SOCIO-ÉCONOMIQUES DE LA DÉPRIME 47

A. LA CONSOMMATION 47

1. Une consommation mondiale en hausse 47

2. Une consommation nationale en baisse 48

3. Prix et habitudes de consommation 49

B. UNE MULTITUDE DE RISQUES À MAÎTRISER 50

1. La question sanitaire 50

a. Les crises sanitaires 50

b. L’argument santé 51

2. La question environnementale 52

a. L’impact environnemental des productions animales 52

b. La réglementation relative aux installations classées 54

3. Les préoccupations sur le bien-être animal 55

a. Le droit existant 55

b. Le cas inquiétant des abattoirs 56

II. DES RÉSULTATS ÉCONOMIQUES FAIBLES : UN RAPPORT ENTRE CHARGES ET REVENUS DEVENU ERRATIQUE 57

A. DES RÉSULTATS ÉCONOMIQUES FAIBLES 57

1. Des coûts de production différenciés entre les filières 57

a. Production laitière 57

b. Production de viande bovine 58

c. Production de porcs 59

d. Exploitation de volailles 61

2. Le poids des charges 62

3. Un endettement élevé 63

4. La baisse du prix des productions 64

a. Les cours du lait de vache 64

b. Les cours de la viande bovine 65

c. Les cours du porc 65

d. Les cours du poulet de chair standard 66

B. DES REVENUS BAS 67

1. Le constat : la baisse du revenu des exploitants 67

a. Le résultat courant avant impôt 67

b. L’importance des subventions 67

2. La conséquence : la conversion des terres et la faible attractivité du métier 69

a. La conversion des terres 69

b. La faible attractivité du métier d’éleveur et le problème de l’installation des jeunes 69

III. DES RELATIONS PROFESSIONNELLES ET COMMERCIALES DIFFICILES 70

A. LA TRANSFORMATION AGROALIMENTAIRE : UN MARCHÉ MONDIAL, UN ENJEU TERRITORIAL 70

1. Les abattoirs 70

2. De nombreuses petites et moyennes entreprises agroalimentaires 71

3. Le prix de la concentration 72

B. LA COMMERCIALISATION 72

1. La boucherie traditionnelle en déclin 72

2. L’importance de la restauration hors domicile 74

3. Les grandes et moyennes surfaces (GMS) en expansion 75

a. Concentration et centrales d’achat 75

b. Des outils industriels intégrés à la grande distribution 76

C. LA DÉFIANCE ENTRE ACTEURS DE LA FILIÈRE PÉNALISE LES PRODUCTEURS 77

1. Un partage de la valeur ajoutée défavorable aux éleveurs 77

2. Des organisations interprofessionnelles affaiblies 79

IV. LE SECTEUR DE L’ÉLEVAGE A POURTANT ÉTÉ LARGEMENT ENCADRÉ ET SOUTENU PAR LES POUVOIRS PUBLICS 80

A. AU NIVEAU EUROPÉEN 80

1. La politique agricole commune 80

a. Les outils d’intervention 81

b. Les outils d’amélioration du fonctionnement de la filière 83

2. La France est le premier bénéficiaire du budget de la PAC 83

B. AU NIVEAU NATIONAL 84

1. Une fiscalité avantageuse 84

2. Le plan d’urgence du Gouvernement 84

TROISIÈME PARTIE : L’ÉCLAIRAGE EUROPÉEN 87

I. L’ESPAGNE 87

A. UN SECTEUR PORCIN TRÈS COMPÉTITIF, CONCURRENT DES PRODUCTIONS FRANÇAISES 87

1. Caractéristiques 87

a. Le deuxième producteur européen de porcs 87

b. Une stratégie exportatrice 89

c. Le modèle intégré : « El Pozo Alimentación » 90

2. Les clés de la compétitivité espagnole 90

a. Les structures 90

b. L’innovation 91

c. Le coût de la main-d’œuvre et la flexibilité du travail 92

B. UN SECTEUR BOVIN LAITIER COMPARABLE À CELUI DE LA FRANCE 93

1. Caractéristiques 93

a. Une production extensive et intensive à la fois 93

b. Une faible transformation 94

c. L’Espagne est importatrice nette 95

2. Conjoncture 96

a. Un secteur en crise 96

b. La gestion de la fin des quotas 96

C. UN SECTEUR BOVIN VIANDE ATOMISÉ 97

1. Caractéristiques 97

2. Conjoncture 98

D. UN SECTEUR AVICOLE EXPORTATEUR 98

E. UN SECTEUR OVIN EN RÉGRESSION 98

II. L’ALLEMAGNE 99

A. LES ÉLEVAGES ALLEMANDS : SPÉCIALISATION ET EXPORTATIONS 99

1. Géographie et restructuration 99

2. La filière porcine « plaque tournante de l’Union européenne »  102

3. La filière bovine 103

4. La filière avicole 103

B. UNE PUISSANCE EN MUTATION 104

1. Une main-d’œuvre à bas coûts 104

a. Les travailleurs détachés 104

b. La mise en place récente d’un salaire minimum 104

2. La préoccupation environnementale et du bien-être animal 105

QUATRIÈME PARTIE : LES RAISONS D’ESPÉRER 107

I. MIEUX S’ORGANISER, RÉGULER LA PRODUCTION ET RÉÉQUILIBRER LES RELATIONS COMMERCIALES 107

A. MIEUX S’ORGANISER 107

1. Relancer les interprofessions et favoriser les regroupements de producteurs pour définir une stratégie 107

2. Réinvestir la coopération agricole 108

3. Mettre en place des stratégies régionales 108

B. RÉAGIR À LA CRISE ET RÉGULER LA PRODUCTION EUROPÉENNE 109

1. Accroître les aides d’urgence 109

2. Mobiliser les outils d’intervention européens 109

3. Développer l’offre de produits alimentaires issus des secteurs en crise 111

C. ASSAINIR LES RELATIONS COMMERCIALES 111

1. Soutenir les initiatives individuelles et les généraliser 111

2. Mieux prendre en compte l’intérêt du producteur dans les négociations commerciales et faire respecter la législation relative aux relations commerciales 113

3. Agir au niveau européen 115

II. PRÉPARER L’AVENIR ET ANTICIPER 116

A. DIVERSIFIER LES SOURCES DE REVENUS 116

1. Diversifier les productions 116

2. Développer les revenus complémentaires 117

a. Le prolongement de l’activité à la ferme 117

b. La méthanisation 117

3. Favoriser les services de remplacement 117

B. FAVORISER L’INSTALLATION DES JEUNES AGRICULTEURS 118

C. GARDER SON INDÉPENDANCE ÉCONOMIQUE 118

D. ACCROÎTRE LA RÉSILIENCE DES EXPLOITATIONS D’ÉLEVAGE EN RÉORIENTANT LA PAC VERS DES MÉCANISMES ASSURANTIELS 119

III. RENFORCER LA COMPÉTITIVITÉ 121

A. SIMPLIFIER 121

B. INVESTIR 122

C. HARMONISER LA FISCALITÉ EUROPÉENNE 122

D. SEGMENTER ET CRÉER DE LA VALEUR 123

1. Mettre en avant la traçabilité et les aménités positives de l’élevage 123

2. Les signes de la qualité et de l’origine (SIQO) sont source de valeur ajoutée 124

3. Développer l’étiquetage 126

E. N’ÉCARTER AUCUN MARCHÉ 128

1. Développer la proximité et les circuits courts 128

2. Mieux pénétrer le marché de la restauration hors domicile 129

3. Conquérir de nouveaux marchés à l’export 129

a. Lever les embargos et conquérir de nouveaux marchés 129

b. Préserver les intérêts de l’élevage français dans la négociation du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) 130

CONCLUSION 133

EXAMEN DU RAPPORT EN COMMISSION 135

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS 161

CONTRIBUTION DE MM. THIERRY BENOIT, PHILIPPE VIGIER ET CHARLES DE COURSON 167

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 177

INTRODUCTION

D’après un sondage de l’Institut français de l’opinion publique (IFOP) pour le média « Atlantico », en juillet 2015, 86 % des Français soutenaient la mobilisation des éleveurs. Le modèle de l’exploitation familiale de polyculture-élevage façonne le paysage français ; les structures d’élevage, plus intensives, sont le premier maillon d’une chaîne agroalimentaire pourvoyeuse d’emplois dans des régions dont elles constituent l’identité économique. Les Français sont attachés à leurs éleveurs.

La France est en effet un grand pays d’élevage. Ce secteur représente un chiffre d’affaires de 26,9 Md€ (1) soit 37 % de la production agricole française.

Au sein de l’Union européenne, la France se place au premier rang pour les bovins viande (19 % de la production), les œufs (14 %) et le poulet (14 %), au deuxième rang pour le lait (17 %), au quatrième rang pour le porc (9 %) et au cinquième rang pour les ovins (8 %). Ces productions constituent le périmètre de la mission d’information. Mais la production française est, depuis plusieurs années, en stagnation, voire en baisse, notamment au regard du dynamisme des autres bassins de production européens. Depuis le recensement de 1979, on a constaté un recul d’environ un million d’« unités gros bétail » (UGB) (2) de vaches, brebis et chèvres tous les dix ans ainsi qu’un recul de la surface agricole qui leur est consacrée. Les cheptels diminuent et se concentrent chez un nombre plus restreint d’exploitants.

En 2013, 53 % des exploitations agricoles avaient une activité d’élevage en France. L’élevage contribue au maintien du tissu économique rural et à l’entretien des paysages sur l’ensemble du territoire. La recherche de la souveraineté alimentaire et le souci de préserver l’emploi ont favorisé le développement des filières d’élevage. Les éleveurs ont l’ambition de mettre à la disposition de la population une nourriture de qualité en percevant un revenu de leur activité. Mais ces deux objectifs sont mis à mal par la multiplication des critiques à l’égard de cette activité pourtant très diverse et par les difficultés économiques du secteur qui traverse une crise sans précédent. Les prix de vente des productions sont souvent inférieurs aux coûts de production et rares sont les éleveurs qui parviennent à se verser un revenu supérieur au SMIC (3). À titre d’exemple, les éleveurs porcins ont perçu en 2014 un revenu moyen par actif salarié et avant impôt de 11 890 €, en baisse de 59 % par rapport à 2013 (4).

François Purseigle, sociologue du monde agricole, résume parfaitement la situation de l’agriculture française (5). Elle est selon lui effacée – les agriculteurs sont peu nombreux et seuls sur leur exploitation –, éclatée – elle renvoie à une grande diversité de situations –, fragilisée, les écarts de revenus sont de un à cinq, économiquement assujettie et précarisée, socialement déclassée et de plus en plus controversée dans ses pratiques.

Les éleveurs français ont pourtant toujours répondu aux défis des volumes de production, de la qualité, de la technique, du respect des normes sanitaires et environnementales. Ils ont su en permanence évoluer pour satisfaire les demandes qui leur étaient adressées.

Comment la France a-t-elle été rattrapée par ses concurrents européens ? Comment en est-on arrivé à des prix de vente des productions aussi bas, au mépris du travail des éleveurs ? Quelle stratégie de long terme adopter pour inverser la tendance déflationniste des prix des productions et, au-delà de la volatilité des prix, assurer un revenu digne aux éleveurs ?

La crise est bien réelle mais le rôle du politique est d’appréhender la réalité socio-économique d’aujourd’hui pour mieux anticiper les défis de demain, en identifiant les atouts du secteur pour mieux les consolider. L’ambition de ce rapport est de retrouver une vision stratégique partagée pour les filières d’élevage.

La France est riche de la diversité de ses exploitations d’élevage. Cette richesse se traduit par la qualité et la diversité des produits carnés et laitiers français : présents à l’exportation grâce à la capacité des éleveurs à répondre aux marchés par la quantité et connus mondialement du fait de la faculté de nos producteurs à élaborer des produits de qualité reconnus et protégés. Le modèle intensif breton est à l’origine de la construction d’un bassin économique puissant : cela concerne aussi bien les activités économiques de l’amont (alimentation, matériel agricole) que celles de l’aval (la transformation agroalimentaire) dans le secteur porcin et bovin. Pour autant, ce modèle ne s’est pas développé contre le modèle traditionnel de l’exploitation familiale, de taille plus modeste (en moyenne, une exploitation bovine compte 56 vaches), présent sur l’ensemble du territoire. Il faut voir dans la diversité des exploitations un atout structurant pour nos territoires, de la plaine à la zone de montagne, générateur de retombées économiques importantes mais surtout indispensable à la vitalité de nos territoires ruraux.

Trouvons ici les raisons d’espérer pour la diversité de nos filières d’élevage.

PREMIÈRE PARTIE : PORTRAIT DES FILIÈRES D’ÉLEVAGE, IDENTITÉ ÉCONOMIQUE ET PAYSAGÈRE FRANÇAISE

COMPOSITION DES CHEPTELS HERBIVORES EN FRANCE (6:

Source : Composition des cheptels herbivores par canton, en UGB (unités gros bovins)

I. LA FILIÈRE VIANDE BOVINE

A. LA FRANCE EST RICHE DE SA DIVERSITÉ

Définitions

– Vaches : bovins femelles qui ont déjà vêlé au moins une fois. Le premier vêlage a lieu en général à l’âge de trois ans pour une race à viande et à l’âge de deux ans pour une race laitière.

– Génisses : bovins femelles qui n’ont pas encore vêlé.

– Taureaux : bovins mâles utilisés comme reproducteurs.

– Taurillons : bovins mâles, à croissance rapide, abattus en général entre 18 et 24 mois. Les taurillons sont également appelés « jeunes bovins ».

– Bœufs : bovins mâles castrés, engraissés pendant une durée plus longue, et abattus en général vers 36 mois.

– Veaux : bovins mâles ou femelles jusqu’à l’âge de 8 mois, âge du sevrage.

1. Le cheptel bovin français, premier cheptel européen

En 2014, on comptait 203 000 exploitations détentrices de bovins (7). Les trois quarts de ces exploitations (146 000) détenaient plus de cinq vaches. Le cheptel moyen par exploitation s’établissait à 56 vaches. Seulement 7 % des exploitations détenaient plus de 100 vaches.

La France compte un cheptel de 19,26 millions de bovins dont 3,7 millions de vaches laitières et 4,09 millions de vaches allaitantes. Le reste du cheptel est constitué des mâles et des femelles qui ne sont pas en âge de se reproduire. Les abattages de bovins français représentent 19 % des abattages européens, soit 1,4 million de tonnes équivalent carcasse. La France est le premier producteur européen.

La géographie des cheptels est sensiblement différente en fonction de la race mais parce qu’il s’agit d’un élevage herbivore, la production bovine joue un rôle très important dans la vitalité et l’aménagement des territoires. Les terres agricoles françaises sont valorisées à hauteur de 47 % sous forme de fourrages (45,6 M de tonnes d’herbe et 16 M de tonnes de maïs fourrager).

RÉPARTITION RÉGIONALE DU CHEPTEL REPRODUCTEUR FRANÇAIS
AU 1ER JANVIER 2015 (
8:

Source : Institut de l’élevage, Chiffres clés 2015.

La tendance, ces cinquante dernières années, est à la spécialisation des territoires. La production bovine est assez concentrée dans le grand ouest.

a. Le cheptel laitier

Parmi les 146 000 exploitations de plus de 5 vaches, 71 000 exploitations détiennent des vaches laitières. Le cheptel compte 3,7 millions de vaches laitières. La race principale est la Prim’holstein (32 % du cheptel bovin total).

Lorsqu’elles arrivent au terme de leur production de lait, les vaches laitières sont commercialisées pour leur viande après une période d’engraissement qui dure entre deux et quatre mois : elles sont alors appelées « vache de réforme ». Ces vaches de réforme représentent plus de la moitié de la consommation de viande bovine française.

b. Le cheptel allaitant

Parmi les 146 000 exploitations de plus de 5 vaches, 94 000 exploitations détiennent des vaches allaitantes. On compte 4,09 millions de vaches allaitantes.

Ces vaches allaitantes sont des races bovines exclusivement destinées à la production de viande, et reconnues pour leurs qualités bouchères. Ces races sont la Charolaise (19 %), la Limousine (14 %), la Blonde d’Aquitaine (6 %) et les races rustiques telles que la Salers (3 %) ou l’Aubrac (2 %).

La Normande (5 %) et la Montbéliarde (8 %) sont considérées comme des races mixtes. Ces deux races mélangent les caractéristiques des cheptels laitier et allaitant.

Les races laitières ou mixtes (notamment la Normande) sont en diminution par rapport aux races à viande depuis 10 ans environ. Avec l’instauration des quotas laitiers en 1984 (qui ont limité la production de lait de vache), de nombreux cheptels laitiers se sont convertis en cheptels allaitants.

2. Une balance commerciale déterminée par une spécialité de naisseurs

Chaque Français consomme en moyenne 24,1 kilogrammes équivalent carcasse par an, ce qui représente un total de 1,58 tonne.

La France assure 92 % de son approvisionnement en viande bovine. Dans le détail, la France exporte 16,6 % de sa production de viande bovine et de bétail gras et importe 23 % de sa consommation.

La France est spécialisée en exploitations de naisseurs : elle exporte plus de la moitié des veaux mâles qui naissent chaque année dans ses exploitations. Ces broutards qui sont des bovins maigres destinés à l’engraissement sont issus du troupeau allaitant. Ils sont vendus maigres à d’autres éleveurs quand ils ont entre huit et douze mois. Les échanges d’animaux vivants concernent par conséquent essentiellement les broutards (de plus de 160 kilogrammes). La France en exporte 955 000 (dont 750 000 vers l’Italie, en diminution de 5 % en 2015, 143 000 vers l’Espagne et 36 000 vers d’autres pays). Elle exporte 146 000 veaux (de moins de 160 kilogrammes) et en importe 28 000.

Les exploitations spécialisées dans l’engraissement, sont moins nombreuses, contrairement aux grandes exploitations d’élevage d’engraissement existantes dans le nord de l’Europe ou aux États-Unis.

Les naisseurs-engraisseurs qui cumulent les deux métiers sont les plus nombreux.

B. UNE FILIÈRE DISPERSÉE

1. Le manque de segmentation des productions

Outre les différents types de races, un bovin produit de multiples pièces qui se décomposent entre les pièces avant et les pièces arrière. Les pièces arrière, comme les races à viande du cheptel allaitant, sont mieux valorisées.

Mais la montée en puissance de la consommation de produits transformés tels que les steaks hachés et surtout la prédominance des races laitières sur le marché européen tirent les prix de l’ensemble des pièces vers le bas.

Le marché de la viande bovine est très éclaté : bovins maigres / gras, produits standards / haut de gamme, marché intérieur / exportations.

Dès lors, s’opposent deux stratégies : répondre au marché de la transformation par la quantité en adaptant l’offre française aux cours européens qui sont inférieurs aux cours français ou segmenter la production pour valoriser au mieux la diversité des races et des pièces. Vos rapporteurs considèrent que la diversité du cheptel français doit être valorisée.

Le rapport 2013 au Parlement de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires donne la répartition des pièces vendues en grandes et moyennes surfaces (GMS) issues des carcasses bovines.

COEFFICIENTS DE PONDÉRATION DES PIÈCES DE VIANDE VENDUES
EN GRANDES ET MOYENNES SURFACES (GMS) ET COPRODUITS ET PERTES
SELON LEUR POIDS DANS LA CARCASSE

On constate que les vaches de races laitières fournissent une plus grande proportion de viande hachée (36,55 %) que les races allaitantes (26,79 %).

La production laitière a une forte influence sur le prix de la production de viande bovine. Ainsi le rapport du conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux sur la contractualisation dans le secteur bovin de septembre 2015 indique : « [En 2010], "par précaution et pour anticiper", les laitiers ont gardé des vaches, postulant sur la libération des quotas en avril 2015 et une expansion des marchés. Ils démarraient ainsi un cycle de capitalisation animale, qui sera suivi d’une phase de réalisme, conduisant à une recrudescence des abattages laitiers. Cette décapitalisation en cours est génératrice d’une offre de viande bovine à prix bas ».

2. De l’amont à l’aval : une multitude d’acteurs mais une organisation toujours défaillante

La coopération est limitée dans le secteur bovin ; elle ne concerne que 32 % des volumes mis sur le marché. Les autres mises sur le marché sont faites par des négociants, des organisations de production et des marchés aux bestiaux.

Un opérateur du maillon abattage-découpe, le groupe Bigard (il détient notamment la filiale Charal), domine le marché et dicte ses prix à l’ensemble du secteur. Il traite près de 50 % des volumes de viande abattus en France.

L’abattage-découpe comprend plusieurs étapes qui conduisent à la mise sur le marché de produits aux degrés de finition divers.

La première transformation concerne des carcasses fendues et découpées en quartiers qui peuvent déjà être commercialisés vers des grossistes et des bouchers qui assurent la découpe en morceaux et la commercialisation.

La deuxième transformation, consiste pour l’abatteur à poursuivre la transformation de la carcasse en la désossant et en la découpant en muscles prêts à être découpés.

La troisième transformation, faite par la grande distribution ou par l’industriel abatteur, consiste à conditionner le produit sous barquette, prêt à être consommé.

La quatrième transformation consiste en l’élaboration de produits transformés : plats préparés, charcuterie, conserves etc.

Le rapport 2015 de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires détaille la répartition de la marge brute à chaque stade de la transformation. L’industrie de la transformation mais surtout les grandes et moyennes surfaces ont reconstitué leurs marges en 2014, au détriment de la rémunération de la matière première à l’éleveur qui a perdu, en un an seulement, 33 centimes au kilogramme.

Source : OFPM d’après FranceAgriMer, SNIV, SNCP, FNICGV, Kantar Worldpanel

Chaque maillon de la filière doit, pour exister, dégager de la valeur ajoutée.

II. LA FILIÈRE LAITIÈRE

A. DES EXPLOITATIONS LAITIÈRES FRAGILES

1. La géographie de la production laitière

La France laitière est très dense et très diverse. La localisation de la production laitière française se concentre sur le « croissant laitier » qui s’étend de l’Ouest (Pays de la Loire / Bretagne) à l’Est.

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Les quotas laitiers européens (voir infra) en vigueur entre 1984 et 2015 ont conforté cette géographie en associant les droits à produire aux territoires. En France, à l’objectif de maîtrise de la production prévue par les textes européens s’est en effet ajoutée une volonté politique et professionnelle d’opter pour un système de limitation des volumes de production axé sur la conservation du lien aux territoires. Le ministère de l’agriculture et les professionnels font alors le choix de gérer les quotas au niveau départemental, chaque producteur détenant un droit à produire individuel. D’où la faible mobilité des volumes entre départements, qui a permis de conserver, dans les différentes régions françaises, une activité laitière dynamique et structurante.

2. Le nombre d’exploitations laitières a diminué de moitié en vingt ans

En près de vingt ans, le nombre d’exploitations laitières a diminué de moitié, passant d’un peu moins de 160 000 exploitations en 1995 à 70 568 en 2013. Elles étaient 370 000 en 1984. Ce sont essentiellement les exploitants individuels qui, au fil des crises successives de la filière, disparaissent, laissant la place à des structures plus grandes qui rachètent les plus petites. La production de lait emploie 200 000 personnes.

À l’occasion de la table ronde sur la filière lait organisée par vos rapporteurs en octobre 2015, un responsable de la Confédération paysanne, syndicat agricole, livrait un terrible constat sur la disparition de près de 5 000 exploitations laitières chaque année : « il n’y a pas d’autre secteur en France qui connaît la même restructuration dans un tel silence ».

Cette tendance devrait se poursuivre dans les années à venir : selon la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) la pyramide des âges impliquera que, d’ici dix ans, une exploitation laitière sur deux changera de propriétaire.

Les exploitations en zones de montagne dites « à handicap naturel » se sont maintenues grâce au développement d’aides spécifiques, surtout d’origine communautaire : l’indemnité compensatrice de handicap naturel (ICHN). Les élevages des zones de montagne sont déterminants dans la sauvegarde du tissu économique de ces territoires.

3. Pourtant, les volumes de production ont augmenté

Les volumes de production des éleveurs ont beaucoup augmenté du fait de deux facteurs.

Le premier facteur est le fait que chaque vache laitière produit aujourd’hui 1 100 litres de lait en plus par an que ce que cette même vache produisait il y a 10 ans. Une vache produit en moyenne aujourd’hui 6 800 litres de lait par an.

Le second facteur est que toute cessation d’activité s’accompagnait jusqu’en 2015 d’une redistribution des quotas entre les exploitations restantes. En 2010, chaque exploitation a produit une moyenne annuelle de 318 000 litres contre 150 000 litres en 1995 (9). Le nombre de grandes exploitations, produisant plus de 600 000 litres par an est en progression.

B. UNE SITUATION ÉCONOMIQUE SANS PRÉCÉDENT

1. La gestion de la fin des quotas laitiers

Instaurés par la Commission européenne en 1984 dans le cadre de l’organisation commune du marché (OCM) lait, les quotas laitiers visaient à remédier à l’excès de l’offre observé sur le marché de la Communauté européenne entre la fin des années 1970 et le début des années 1980. Les producteurs de lait se voyaient garantir un prix pour leurs productions (prix supérieur aux cours mondiaux), indépendamment de la demande. Les quotas étaient attachés à un territoire et, nous l’avons vu, ils ont permis de maintenir les productions d’un grand nombre d’éleveurs.

La forte augmentation de la demande de produits laitiers observée ces dernières années et la volonté de rapprocher les prix européens des cours mondiaux ont conduit à la libéralisation du marché.

Entré en vigueur le 3 octobre 2012, le « paquet lait » (10) a donné la possibilité aux États membres de mettre en place des contrats obligatoires pour aider producteurs et transformateurs à planifier leurs volumes de production et à mieux structurer les filières, grâce aux organisations de producteurs, en vue de préparer les éleveurs et le marché à la fin des quotas.

Les quotas laitiers ont pris fin le 1er avril 2015. Ce changement a déstabilisé le secteur. Dès 2014, les éleveurs ont anticipé la fin des quotas (11) en augmentant leur production. La collecte de lait de vache a atteint en 2014 le niveau record de 24,5 Mds de litres (+ 5,4 % par rapport à 2013) (12).

L’Europe est en situation de surproduction, la crise est mondiale mais particulièrement européenne. Les institutions européennes en ont conscience. La résolution du Parlement européen sur l’avenir du secteur laitier européen : bilan de la mise en œuvre du « paquet lait » (2014/2146(INI)) en témoigne.

Le Parlement européen : « 2. rappelle le rôle important de l’élevage laitier en termes d’aménagement du territoire, d’emplois en zone rurale et de développement économique, environnemental et social de nombreuses régions agricoles européennes ;

« 3. souligne que les producteurs laitiers, et en particulier les petits agriculteurs, sont particulièrement vulnérables aux variations de revenu et aux risques liés aux coûts d’investissement élevés, à la fragilité de la production, à la volatilité des prix des produits laitiers de base, ainsi qu’aux coûts des intrants et de l’énergie, et que la viabilité de la production laitière constitue un défi permanent, car les coûts de production sont souvent proches des prix à la production ou supérieurs à ceux-ci ;

« 4. souligne que les producteurs européens sont confrontés aux coûts élevés des facteurs de production, tels que les aliments pour animaux, et que leur compétitivité par rapport aux producteurs de pays tiers diminue du fait de la réglementation européenne exigeante en matière de bien-être animal et de sécurité alimentaire ; ».

Aujourd’hui, la hausse de la production laitière européenne se poursuit : elle est modérée en France (+1,5 % en janvier 2016 par rapport à l’année précédente) mais importante chez la plupart des autres producteurs européens (+5,6 % en Allemagne, +7,3 % au Danemark, +7,9 % en Pologne, +15,5 % aux Pays-Bas, +17,2 % en Belgique et +19,5 % en Irlande à la même date (13)). Les éleveurs augmentent leur production pour compenser sur leurs revenus la baisse des prix du lait. L’offre de production doit être réduite.

2. Les exportations

L’export a toujours été un débouché naturel de la production laitière française mais il constitue également un vecteur d’instabilité en cas de fermeture d’un marché. Avec les États-Unis, l’Union européenne est le grand bassin laitier excédentaire en mesure de répondre à la demande croissante des grands bassins déficitaires. Cela ouvre des opportunités aux opérateurs, mais cela présente aussi des risques de déséquilibres des marchés. L’ensemble d’une stratégie de filière ne peut se construire sur l’export, source de volatilité des prix.

La Chine a produit en 2014, 42,7 tonnes de lait pour une consommation intérieure de 53,5 tonnes, elle est donc encore importatrice nette, notamment en poudre infantile (157 972 tonnes importées en 2015, en hausse de 45 %, selon les données publiées par la douane chinoise et citées par la veille sanitaire sur la Chine de Business France). 70 % des volumes importés proviennent de l’Union européenne, dont 8,9 % de France. La demande annuelle de lait infantile représenterait 600 000 tonnes en Chine, avec près d’un quart de volumes importés. Avec la fin de la politique de l’enfant unique et les 5 millions de naissances prévues en 2016 par les autorités chinoises, les importations pourraient doubler et atteindre la moitié de la consommation totale.

L’embargo russe sur les produits laitiers (comme sur d’autres productions alimentaires) depuis 2014 et la baisse de la demande chinoise démontrent la vulnérabilité des exportateurs. Les exportations vers ces pays tirent par ailleurs à la baisse les prix français sur le marché intérieur, mettant en péril l’ensemble de la filière. En outre, un pays comme la Chine a des capacités potentielles de production bien supérieures à la France qui peuvent, par le biais de traités de libre-échange, mettre en péril les productions européennes.

L’export est soumis à de nombreux aléas qui fragilisent les producteurs français mais il constitue néanmoins un formidable débouché. Il faut pour cette raison apprendre à s’adapter, rebondir, identifier de nouveaux marchés, ce que la France n’a pas su faire. La diversification des débouchés doit allier réponse à la demande intérieure, prioritaire, et recherche de nouveaux débouchés.

C. DE NOMBREUX ATOUTS

1. Une diversité des produits sans équivalent dans le monde

Le lait est un produit qui forme la base de la consommation alimentaire humaine, dès le plus jeune âge. Si c’est la forme la plus courante de consommation, ce n’est pourtant pas sous la forme du lait conditionné UHT (sous « upérisation à haute température » ou ultra-haute température (14)) qu’il est le plus vendu dans le monde.

Le lait est aussi une matière qui peut être asséchée puis transformée. Sans séchage ou transformation, le lait, périssable et fragile, est peu transportable.

Le lait de vache est dominant et concerne 97 % des volumes de lait. La collecte est une étape clé dans la filière laitière, une vache ne s’arrêtant jamais de produire et le lait devant être transformé dans les 72 heures, la collecte doit avoir lieu tous les deux jours. La traite a lieu deux fois par jour.

Selon le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL), la matière sèche utile collectée dans chacune des grandes familles de produits et ingrédients laitiers est ainsi répartie :

L’UTILISATION DU LAIT POUR LA FABRICATION DE PRODUITS LAITIERS – 2013

G:\COM_ECO\MISSION INFORMATION\150916_Filières d'élevage\LAIT\utilisation-du-lait-pour-la-fabrication-des-produits-laitiers-2013.jpg

N.B. : Matière sèche utile du lait = protéines et matières grasses

Les produits laitiers fabriqués en France en 2010 sont ainsi répartis :

– 1,83 million de tonnes de fromages ;

– 403 000 tonnes de beurre ;

– 563 000 tonnes de lait en poudre ;

– 3,5 milliards de litres de lait conditionné ;

– 2,3 millions de tonnes de yaourts et desserts lactés ;

– 375 000 tonnes de crème ;

– 608 000 tonnes de poudre de lactosérum ;

– 33 000 tonnes de caséine.

2. Une industrie agroalimentaire forte à l’export

Avec un cinquième du chiffre d’affaires du secteur agroalimentaire, le lait français s’appuie sur une industrie de la transformation structurée et fortement exportatrice. On dénombre en France 700 entreprises de transformation laitière, coopératives et non coopératives et employant 40 000 salariés. Outre les petites entreprises locales, le secteur français dispose d’industries leader sur le marché mondial.

Le chiffre d’affaires de l’industrie de la transformation atteint en moyenne 26 Mds € par an (15). Le commerce extérieur des produits laitiers a généré en 2014 un excédent de 3,8 Mds €.

Les 7,3 Mds € de produits laitiers exportés se répartissent en 41 % de fromages, 22 % de lait en poudre et 7 % de yaourts et autres laits fermentés.

Les premières entreprises du secteur sont :

– Lactalis, numéro 1 mondial du lait, qui détient les marques Lactel, Président, Société, Galbani etc. Il collecte près de 15 Mds de litres de lait chaque année dans le monde ;

– Danone : numéro 1 mondial en produits laitiers frais, et numéro 4 mondial du lait. Danone détient les marques Gervais, Jockey, Taillefine, Activia, Danette et Actimel ;

– Savencia (16) : numéro 1 mondial en spécialités fromagères.
Il détient les marques Tartare, Saint Moret, Caprice des Dieux, Boursault, Chamois d’or et Elle & Vire ;

– Sodiaal : premier groupe coopératif français du lait, numéro 2 mondial des produits frais avec Yoplait (à capitaux américains) grâce à ses franchises dans 50 pays. Il détient les marques Candia, Grand lait, Viva et Croissance ;

– Bel : la société se classe dans le top 25 des entreprises mondiales de produits laitiers. Ses marques phares sont : La Vache qui Rit, Kiri, Boursin et Apéricube ;

– Laïta : un important groupe de l’Ouest créé en 2009. Ses marques phares sont Le Paysan Breton, Régilait et Mamie Nova.

III. LA FILIÈRE PORCINE

A. UNE FILIÈRE EN PÉRIL

Définitions

– Cochette : jeune femelle destinée à la reproduction mais qui n’a pas encore eu de porcelets

– Truie : femelle reproductrice ayant eu des porcelets

– Coche : truie reproductrice arrivée en fin de carrière de reproduction et destinée à être abattue

– Verrat : mâle reproducteur

– Porcelet : petit de la truie âgé de quelques semaines

– Porc charcutier : femelle ou mâle castré, élevé pour sa viande

1. L’essoufflement de la production

a. La baisse du cheptel et de la production

La France dispose du troisième cheptel européen avec, en 2014, 13,29 M de porcs. Elle est largement devancée par le cheptel allemand (28,23 M) et espagnol (26,55 M) et ne devance que de peu les cheptels danois (12,7 M), hollandais (12,06 M) et polonais (11,26 M).

En termes de production, la France est également à la troisième place européenne. En 2014, elle a produit 2,2 M de tonnes de porc quand l’Allemagne en produisait 5,04 M, l’Espagne 3,6 M, le Danemark 1,89 M, la Pologne 1,76 M, les Pays-Bas 1,72 M et l’Italie 1,55 M.

Alors que ces pays, à l’exception de la Pologne, ont augmenté leur production entre 2000 et 2014, la France, sur la même période, l’a diminuée de 4 %, après avoir connu une période de stagnation.

L’exploitation de type naisseurs-engraisseurs (17) est le modèle dominant en France : ce type d’exploitation est celui de 46,9 % des exploitations porcines (mais elles regroupent 71,9 % du cheptel français). Ces exploitations comptent en moyenne 190 truies. Les autres exploitations importantes sont celles des post-sevreurs, engraisseurs (16,2 % des exploitations, qui comptent en moyenne 714 porcs à l’engrais ainsi que les exploitations d’engraisseurs (30 % des exploitations) qui comptent en moyenne 1 478 porcs à l’engraissement.

b. L’Ouest, premier bassin de production porcine française

Parmi les vingt premières régions porcines européennes, deux régions sont françaises : la Bretagne (cheptel de 7,4 M de porcs) et le Pays de la Loire (cheptel de 1,58 M de porcs).

La Bretagne est la cinquième région porcine européenne :

CHEPTEL PORCIN EN 2014

5 premières régions européennes (*)

Région

Cheptel, en millions

Densité de porcs au km2 de la surface agricole utile

Sud-Est des Pays-Bas

11,2

1443

Danemark Continental

10,7

516

Basse-saxe (Allemagne)

8,8

341

Catalogne (Espagne)

7,5

740

Bretagne

7,4

437

(*) Source : Institut français du porc (IFIP)

La concentration de la production dans l’Ouest s’est accompagnée d’une concentration industrielle et spatiale dans le secteur de l’abattage et de la découpe. En amont de la production porcine, l’Ouest de la France concentre également 85 % de la production d’aliments composés pour porcs.

La répartition géographique des abattages correspond à la production française :

pt_36.png

Les autres régions européennes productrices disposent de cheptels importants mais la production est beaucoup plus dense et concentrée. Cette concentration est notamment permise par le fait qu’elles se situent dans des zones à faible peuplement où les nuisances qu’impliquent les grands élevages sont moins dénoncées par les riverains.

2. Le problème des coûts

a. Des coûts de production élevés, fortement dépendants du prix des aliments

Source : IFIP

Les coûts en aliment sont déterminants dans la production porcine, en particulier dans les exploitations de naisseurs-engraisseurs où le coût de l’aliment atteint 66 % du coût de production. Dans les exploitations de naisseurs qui vendent les porcelets au sevrage, le coût alimentaire s’élève à 40 %.

D’après l’IFIP, le coût de l’aliment pour porcs charcutiers s’est établi à 251 € la tonne en 2014, en baisse de près de 13 % en un an. Il a en effet reculé sous l’effet de bonnes récoltes céréalières et oléoprotéagineuses mais son niveau reste élevé. De plus, l’année 2015 s’est caractérisée par une forte sécheresse, ce qui renchérit les composants de l’alimentation animale.

Les coûts de production ne dépendent pas tant des bâtiments que de leur équipement technologique.

Plus largement les coûts des installations d’élevage sont proportionnels à la taille des fermes mais surtout à la haute technologie dont elles bénéficient.

b. Des abattoirs moins compétitifs

En France, 218 abattoirs et 150 ateliers de découpe sont habilités par les services vétérinaires à abattre des porcs. Les abattoirs sont en moyenne plus petits que dans le reste de l’Europe (voir infra). L’interprofession porcine appelle de ses vœux une restructuration du secteur de l’abattage et de la découpe par la modernisation et une plus grande concentration.

Le rapport de M. Xavier Ravaux sur la filière abattoirs : synthèse des études et données économiques et sanitaires disponibles fin 2010 (18) indique que « Sur les 95 abattoirs publics abattant des porcs, 27 ont une activité marginale dans cette espèce (moins de 15 % du tonnage). La question doit être posée de la suppression de la chaîne porcs pour se limiter aux investissements productifs et pour éviter une dispersion des équipes. »

Mais ces petits abattoirs publics structurent le territoire et évitent la trop forte concentration des productions.

3. Le problème des prix : le déséquilibre de l’offre et de la demande

a. La formation des prix

En 1975 est créé, à Plérin (Côtes d’Armor), le marché du porc breton (MPB) (19), association qui remplace les différents marchés au cadran qui existaient jusqu’alors. L’objet de ce marché est de regrouper l’offre de porc pour, déjà à l’époque, assurer la transparence des prix des transactions et compenser le moindre rapport de force des producteurs face aux acheteurs.

La vente se fait au cadran c’est-à-dire sur catalogue, sans présentation des animaux avec un prix déterminé par enchères électroniques dégressives, deux fois par semaine.

D’après le site internet du MPB, en 2014, 59 800 porcs y ont été commercialisés chaque semaine par 11 organisations professionnelles, 2 200 éleveurs et 12 acheteurs. Ce marché ne concerne que 15 % des porcs commercialisés en France mais il est directeur pour tous les professionnels français.

Ce marché a l’avantage de la transparence et de la fixation d’un prix unique servant de référence nationale. Mais ce prix est fixé à court terme et il est peu prévisible. Ainsi le retrait de deux acheteurs du MPB en août 2015 et la fermeture de ce marché le 5 octobre suivant durant deux mois ont accentué les difficultés de la filière tout en en révélant ses faiblesses. Les deux acheteurs qui s’étaient retirés, la Cooperl (coopérative) et Bigard (entreprise privée), dominent le marché du porc français et sont déterminants dans la formation du cours du porc.

b. L’absence de stratégie commune : les divers acteurs de la filière

L’organisation de la production porcine en Europe est très variée : la plupart des pays ne disposent d’aucune coordination entre les différents maillons de la filière, qui travaillent individuellement. En Espagne, la production est très intégrée : les producteurs sont sous contrat avec des abatteurs ou des fabricants d’aliments (voir infra). La France s’est quant à elle dotée d’organisations de producteurs. Christine Roguet et Michel Rieu, membres de l’IFIP, dans « Les groupements de producteurs de porcs en France ; une organisation originale » (20), révèlent que leur fonction initiale est double : « (1) diffuser le progrès technique et génétique pour améliorer la compétitivité des élevages et mieux répondre aux besoins de l’aval ; (2) assurer la mise en marché des porcs pour le compte de leurs adhérents. ». Ils ajoutent : « Plus tard ils « ont enrichi leur offre "horizontale" avec divers services : santé animale, financement (garanties, prêts). En outre, ils ont élargi "verticalement" leur champ d’action par des participations stratégiques ou lucratives, à l’aval (abattage-découpe pour garantir leurs débouchés, et transformation) et/ou à l’amont (alimentation animale, génétique, fournitures et équipement d’élevage, gestion des déjections). »

Le taux d’organisation de la production n’a cessé de s’accroître depuis 1972 : les groupements de producteurs étaient alors au nombre de 204 mais ne commercialisaient que 31 % de la production.

En 2014, on dénombre 39 groupements de producteurs (aujourd’hui appelés organisations de producteurs – OP), qui représentent 22,1 millions de porcs charcutiers, soit 91 % de la production abattue en France. Le nombre d’OP n’a cessé de diminuer par le biais de fusions. Elles rassemblent 9 567 adhérents. 83 % de ces OP sont des coopératives et 12 % des sociétés d’intérêt collectif agricole (SICA). Elles sont devenues de véritables entreprises commerciales soumises à la concurrence mais dont l’intérêt doit demeurer celui des exploitants adhérents.

B. UN MARCHÉ COMPLEXE

1. La diversité des produits détermine les échanges

À chaque étape de la transformation du porc se trouvent un marché et un flux commercial.

Ainsi la France, autosuffisante à hauteur de 104 %, est excédentaire à l’exportation de porcs vivants (de 57 milliers de tonnes) (21). Une fois les porcs abattus, elle est excédentaire à l’exportation de carcasses (de 80 milliers de tonnes). C’est aux stades de la découpe et de la transformation que la France devient déficitaire : de 12 milliers de tonnes en pièce découpées (pièces, graisses et longes) et de 19 milliers de tonnes en produits transformés.

LES FLUX PAR MAILLON DE LA FILIÈRE

(en milliers de tonnes équivalent carcasses en 2014 (1))

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(1) Chiffres exprimés en 1000 tec France métropolitaine et DOM.

Carcasses sans panne, rognons, diaphragme, avec tête

Autoconsommation comprise

(2) Hors longe

Source : IFIP d’après SSP-AGRESTE, Eurostat, douanes

Le flux de ces échanges s’explique par le fait que les consommateurs français sont fortement demandeurs de charcuterie, notamment de jambon et de poitrine.

PRODUCTIONS DE CHARCUTERIES

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* Plats préparés, charcuteries pâtissières…

L’importance du secteur économique de la charcuterie caractérise d’ailleurs la France (70 % de la viande de porc commercialisée). Les industriels de la charcuterie ont un rôle moteur dans la commercialisation du porc mais ils ont recours à l’internationalisation de leurs approvisionnements. En raison d’habitudes de consommation différentes et de l’effet saisonnier, l’offre et la demande sont européennes et commercialiser toutes les pièces d’une même carcasse en France est impossible. La France importe donc des jambons et de la poitrine et exporte des pièces destinées à la transformation. À l’inverse, l’Allemagne importe beaucoup de porcelets vivants destinés à l’engraissement afin de mettre à profit la faiblesse du coût de sa main-d’œuvre. Selon une note de l’IFIP (22) « La croissance fulgurante des exportations de pièces désossées fraîches, réfrigérées et décongelées entre 2000 et 2010 (+ 440 % en Allemagne, + 248 % en Espagne, + 7 % en France) révèle une recherche de valeur ajoutée par des produits à fort besoin de main-d’œuvre. »

À titre d’exemple, l’entreprise Fleury Michon, auditionnée par vos rapporteurs, que 70 % des jambons qu’elle produit sont issus de porcs français.

Les charcutiers cherchent logiquement les fournisseurs les moins chers : allemands, danois, espagnols et hollandais disposent de groupes internationaux offensifs sur le marché français.

2. Un marché mondial, une concurrence européenne

a. Les exportations françaises peinent à pénétrer le marché mondial

La production porcine est mondiale. On compte dans le monde en 2013 un cheptel total de 962 M de porcs et une production de 104 M de tonnes. Cette production est dominée par la Chine.

PRODUCTION PORCINE MONDIALE

Cheptel et production porcine (*)

(en millions)

 

Cheptel

(têtes)

Production

(tonnes)

Monde

962,4

104,1

Chine

589,9

67,2

UE à 28

145

22,4

États-Unis

64,8

10,4

Brésil

38,8

3,3

Vietnam

26,3

2,3

Russie

19,1

2,4

(*) Source : IFIP d’après la Food and agriculture organization, USDA, Eurostat

La croissance de la production mondiale est le fait de la Chine (+ 12 % entre 2005 et 2013) et de la Russie (+ 80 % sur la même période). Alors que la production européenne s’est maintenue grâce notamment au dynamisme des productions espagnole (depuis la fin des années 1990, avec une pause en 2009) et allemande (entre 2000 et 2011). Il faut garder à l’esprit qu’en 1990, la production asiatique était équivalente à la production européenne !

Conserver des parts de marché dans un secteur aussi dynamique est un défi permanent. Les Gouvernements chinois et russe visent l’autosuffisance dans les prochaines années et usent de tous les mécanismes à leur disposition pour favoriser leurs productions nationales.

b. Les embargos russes

Le 29 janvier 2014, un embargo sanitaire a été décrété par la Russie, pour l’ensemble des pays de l’Union européenne, en raison de la détection de cas de peste porcine africaine dans l’Est de l’Europe.

Le 7 août 2014, la Russie a mis en place un embargo politique concernant notamment les fruits et légumes, le bœuf, le porc et la volaille en provenance des États-Unis, de l’Union européenne, de l’Australie, du Canada et de la Norvège. Cette mesure a été reconduite le 24 juin 2015, en représailles de la prolongation des sanctions sectorielles européennes.

Les exportations européennes agroalimentaires vers la Russie représentaient un marché annuel de 5,2 Md€. Le marché russe est estimé, pour le porc français, à 100 M€ par an (23). D’après le rapport annuel de l’assemblée générale du MPB 2015, le marché russe représentait 750 000 tonnes et 3,3 % de la production de l’Union européenne. La Russie représentait 20 % des exportations agro-alimentaires de l’Union européenne en 2013.

c. Le marché intérieur est concurrencé par des importations européennes

Nous l’avons vu, la France a été devancée par le volume et le dynamisme de la production européenne qui approvisionne le marché français.

ÉVOLUTION DE LA PRODUCTION PORCINE DES PAYS DE L’UNION EUROPÉENNE

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Source : IFIP d’après Eurostat, Douanes et sources nationales.

Selon l’IFIP, la production européenne devrait poursuivre son augmentation en 2015 et 2016.

Source : IFIP

d. Un étiquetage insuffisant

La réglementation européenne oblige les professionnels à mentionner le pays d’origine des viandes fraîches de bœuf, de porc, de mouton, de chèvre et de volailles mais en ce qui concerne les produits transformés à base de viande, seul l’étiquetage de l’origine de la viande bovine est obligatoire.

La France a créé un logo « Viandes de France » permettant d’identifier, sur la base du volontariat, l’origine de viandes et produits élaborés issus d’animaux nés, élevés, abattus puis découpés et transformés en France. Mais l’utilisation du logo est facultative. En ce qui concerne les produits transformés à base de porcs, non concernés par l’obligation européenne d’étiquetage, d’après une enquête de 2013 d’UFC-Que choisir seulement 43 % des produits étaient étiquetés. D’après l’interprofession porcine (INAPORC) dans une étude sur les « Résultats du suivi de l’étiquetage de l’origine » en décembre 2014, 51,8 % des références concernées par un accord interprofessionnel sur l’étiquetage volontaire de l’origine le respectaient. Le respect de cet accord est en augmentation mais demeure insuffisant.

Alors que les consommateurs y sont favorables, le défaut d’étiquetage de l’origine des produits transformés est regrettable. L’étiquetage permettrait de sensibiliser les consommateurs à l’origine des produits qu’ils consomment et, indirectement, de les orienter vers des produits français.

Un pas a été franchi par la Commission européenne le 14 mars 2016 en autorisant l’expérimentation française de l’étiquetage de l’origine du lait et des viandes dans les plats transformés. Nous y reviendrons.

IV. LA FILIÈRE AVICOLE

A. UN SECTEUR TIRÉ PAR LA HAUSSE DE LA CONSOMMATION ET DE L’EXPORTATION

1. Un secteur qui résiste mieux que les autres filières d’élevage

La filière avicole regroupe les producteurs d’œufs, de foie gras et de volailles de chair.

La France est le premier producteur européen de volailles (1,2 M de tonnes en 2012 (24)) et pourtant, la forte demande intérieure (notamment en poulet) n’est pas couverte par la production française. Plus du quart de la consommation française est importé (25).

La situation des exploitations avicoles était contrastée en 2014 : en volaille de chair, la valeur de la production diminue en raison d’une baisse de prix tandis qu’en filière ponte, la valeur de la production est légèrement en hausse, grâce à l’augmentation du prix des œufs. Au total, sur les deux filières, le revenu moyen des exploitations s’établit à 23 200 euros en 2014 après une mauvaise année 2013, un montant inférieur de 15 % à la moyenne des trois dernières années.

La production de poulets de chair de type « standard » est principalement concentrée sur les régions Bretagne et Pays de la Loire qui détiennent à elles deux plus de 60 % des capacités de production et plus de la moitié des exploitations.

La région Pays de la Loire reste la première région de production de poulets de « qualité » en regroupant un quart des exploitations et plus de 30 % des capacités de production. Les régions du Sud-Ouest de la France, comme l’Aquitaine et Midi-Pyrénées ainsi que Rhône-Alpes abritent quant à elles un nombre important d’exploitations de poulets de chair de « qualité ».

2. La segmentation des productions

Le marché de la chair de volaille de poulet est segmenté en trois types de produits :

– 52 % de poulet standard (poulets élevés en bâtiments fermés, sans accès à un parcours, vendus entre 37 à 44 jours) ;

– 24 % de poulets labellisés ou certifiés : « Label rouge » (de 81 jours au moins qui s’inscrivent dans un cahier des charges qui concerne les souches utilisées, l’accès à un parcours obligatoire, la densité, l’alimentation), AOC (Poulet de Bresse), label agriculture biologique ;

– 24 % de poulet destiné à l’exportation.

Cette segmentation a permis de répondre aux attentes du marché. La situation économique de la filière est relativement bonne grâce à la contractualisation qui en atténue les soubresauts de court terme. De plus, la grande distribution en a fait un produit attractif de grande consommation grâce à un marketing développé et de nombreux produits transformés.

3. Les attentes du marché : consommation et exportation

La consommation de poulet a augmenté de 3 % en 2015 et le dynamisme de la production française (+ 1,5 %) n’a pas été suffisant pour contenir l’augmentation des importations (+ 5,6 %).

La production de poulet progresse quand la production de dinde recule.

L’enjeu est d’être plus présent sur le marché intérieur français qui fait majoritairement appel à l’importation sur le segment des produits découpés (filets, cuisses) destinés au marché des premiers prix, à la restauration et à l’industrie. La filière souhaite reconquérir ce marché en produisant davantage de poulets standards à un prix compétitif.

RÉPARTITION DES PARTS SUR LE MARCHÉ FRANÇAIS
DES PRINCIPALES ENTREPRISES FRANÇAISES (
26)

parts-marche

B. LE BESOIN DE MODERNISATION

1. Des coûts de production élevés pour les produits standards

La filière doit reconquérir le marché intérieur des poulets standards dont l’importation répond à 40 % de la consommation.

Ces poulets standards sont importés des Pays-Bas, d’Allemagne et de Belgique. Les opérateurs étrangers ont réellement conquis le marché français sur ce segment.

La production des volailles de chair est fortement impactée par la volatilité des prix des matières premières composant l’alimentation animale. L’aviculture est très consommatrice de céréales et d’oléo-protéagineux.

Le marché en croissance concerne les poulets de premier prix mais ces poulets impliquent des installations de grande taille soumises à la réglementation contraignante du régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

2. Le besoin d’agrandissement et de modernisation de bâtiments vieillissants

La reconquête du marché intérieur français passe par l’investissement, notamment dans la modernisation des bâtiments vieillissants (23 ans en moyenne) et de taille modérée (1 500 m2 en moyenne) et des abattoirs. Le besoin de modernisation concerne également les accouveurs.

Dans le secteur du poulet comme dans celui de la dinde, les exploitants souhaitent agrandir la taille de leurs élevages et investir pour se moderniser.

De nombreux investissements sont d’ailleurs en cours chez les grands industriels du secteur dans le poulet transformé. « Il y a des besoins d’investissement en fermes de reproduction, en couvoirs, en mécanisation dans les usines, estime Gilles Le Pottier, du comité interprofessionnel de la dinde française, interrogé par Agrapresse (27).

La modernisation passe par la construction de bâtiments économes en énergie, mécanisés, garantissant le bien-être animal et la qualité de l’air.

C. UNE FILIÈRE EN PROIE AUX ÉPIDÉMIES DE GRIPPE

Une épidémie de grippe aviaire (influenza aviaire) sévit avec récurrence en France comme dans le reste du monde.

Les États-Unis ont connu en 2015 une grippe aviaire qui a conduit la Chine à mettre en place un embargo sur les volailles américaines.

Alors que le dernier épisode de grippe aviaire remontait à 2007, celle-ci est réapparue en France en 2015 en Dordogne, puis dans différents autres départements du Sud-Ouest. À la suite de ces contaminations, le ministère de l’agriculture a activé le plan national d’intervention sanitaire d’urgence. Il a interdit « l’expédition d’oiseaux vivants, de poussins d’un jour et d’œufs à couver » produits dans plusieurs centaines de communes à destination des pays européens. En réaction, plusieurs pays ont mis en place un embargo sur tout ou partie des produits avicoles, notamment le Japon, principal acheteur des productions de foie gras français. De nombreux autres pays asiatiques et africains ont pris cette même décision.

Il est trop tôt pour évaluer les conséquences économiques pour la filière mais les ventes au moment des fêtes de fin d’année ont déjà fortement chuté pour le foie gras.

V. LA FILIÈRE OVINE

A. UNE PRODUCTION MARGINALE LONGTEMPS DÉLAISSÉE PAR LES POUVOIRS PUBLICS

1. Une production qui ne couvre que 45 % de la consommation nationale

Selon l’Institut de l’élevage, la consommation de viande ovine en France a atteint 178 000 tonnes en 2014 dont 105 000 tonnes ont été importées. Le taux d’auto-approvisionnement s’élève à 45 % seulement alors que le volume de la consommation de la viande ovine est très en deçà la consommation des autres viandes : 1 587 000 tonnes en 2014.

On comptait en 2014 environ 7,2 millions d’ovins en France. Le cheptel est en baisse continue depuis une vingtaine d’années (– 20 % depuis 2001).

Les principaux pays pourvoyeurs de viande ovine sont le Royaume-Uni (25 %), l’Irlande (11 %), la Nouvelle-Zélande (10 %) et l’Espagne (5 %).

Cependant, le marché de la viande ovine a fortement évolué depuis 2010. Selon FranceAgriMer dans une étude publiée en septembre 2015 (28) : « Dans un contexte de forte décapitalisation en Nouvelle-Zélande et en Europe, la viande de mouton s’est refait une place sur les marchés mondiaux, sous forme de flux de viande vers la Chine ou de flux d’animaux vivants entre l’Union européenne et le golfe Persique. » Les flux du commerce mondial de la viande ovine ont longtemps été polarisés du Sud vers le Nord. Depuis 5 ans, l’augmentation de la demande asiatique et le tassement de la demande européenne ont modifié les flux.

L’étude relève que d’autres facteurs ont joué sur le commerce mondial : les aléas climatiques, « notamment en Océanie, entraînant alternativement un afflux des sorties d’animaux de réforme vers les abattoirs et les marchés extérieurs puis un recul des exportations lors de la reconstitution des cheptels », les taux de change, les embargos sanitaires, l’amélioration des techniques de découpe et de conservation des viandes. L’agneau en provenance de Nouvelle-Zélande est conservé à 2 degrés pendant plusieurs mois, ce qui facilite son exportation.

2. Un cheptel présent sur l’ensemble du territoire national, source d’aménités positives

Définitions :

– l’agneau / l’agnelle : mâle ou femelle de moins de 12 mois.

– le bélier / la brebis : mâle ou femelle de plus de 12 mois.

– le mouton : espèce ovine en général.

Le cheptel ovin comprend une multitude de races et couvre de nombreux territoires français. Ces exploitations entretiennent les paysages français et sont présentes dans les zones les plus reculées et isolées du territoire. 10 % des exploitations sont présentes dans les départements du Roquefort (Aveyron, Lozère, Tarn). Le reste de la production se situe essentiellement dans les Pyrénées-Atlantiques et en Corse.

Les exploitations ayant des ovins étaient au nombre de 44 783 en 2014 contre plus du double en 2000 (95 700).

Ces exploitations ont essentiellement (à 90 %) des brebis allaitantes destinées à la consommation de viande. Les agneaux sont élevés dans l’exploitation dans laquelle ils sont nés. Selon la région, l’élevage se fait en plein air ou en bergerie.

La moitié des exploitations ovines comporte moins de 19 brebis.

3. L’après « transhumance du désespoir »

Il a fallu attendre l’année 2008 et ce que l’on a appelé « la transhumance du désespoir » pour que soit reconnue la situation particulièrement vulnérable de cette production. La filière accusait un important retard de modernisation.

En production ovine et caprine, 140 M€ d’aides couplées d’origine européenne ou nationale sont réservés chaque année : 125 M€ pour l’élevage ovin et 15 M€ pour l’élevage caprin. En production ovine, les éleveurs touchent en moyenne 18 € par brebis (cette aide est réservée aux troupeaux de plus de 50 brebis avec un taux de productivité minimum de 0,4 agneau vendu par brebis). L’aide est abondée par des compléments additionnels de :

– 2 € par brebis jusqu’à la cinq-centième brebis ;

– 6 € par brebis lorsque l’une des conditions suivantes est remplie : taux de productivité de 0,8 agneau vendu par brebis par an au moins ou élevage certifié au titre d’une démarche qualité : agriculture biologique, production sous signe d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) ou certification de conformité produit ou nouveaux producteurs pendant les trois premières années suivant le début de l’activité ;

– 3 € par brebis si l’éleveur s’inscrit dans une démarche de contractualisation, dans le cadre de l’accord interprofessionnel, ou de vente directe.

Ces aides – qui concernent la moitié des exploitations – ont permis de maintenir les productions dans des territoires dits « difficiles », « à handicap naturel » et de compenser des coûts de production élevés (voir infra).

Aujourd’hui, d’après ce qu’a affirmé Michèle Boudoin, présidente de la fédération nationale ovine lors de son audition par vos rapporteurs, « le prix est le seul facteur attractif pour les jeunes ». En effet, le cours du kilo d’agneau payé au producteur est de 6,6 € en moyenne. Le prix des 1 000 litres de lait est à 1 000 €, près de trois fois plus que le cours actuel du lait de vache.

Pour le lait de brebis destiné à la fabrication du Roquefort. Dans ce cas, le prix payé au producteur est bien supérieur. Mais la production de Roquefort ne concerne que 4 800 exploitations, soit 10 % des structures.

18 % de la production est faite sous SIQO, ce qui a un impact à la hausse sur les prix de l’ensemble des productions.

Aujourd’hui, le seul enjeu pour la profession est de maintenir la consommation. Bien que l’agneau ne soit frappé par aucun interdit alimentaire, il est même un plat de fête dans plusieurs religions, sa consommation régresse avec le changement des habitudes alimentaires et le coût de la viande ovine.

B. UNE PRODUCTION INTRINSÈQUEMENT DIFFICILE

La production ovine est une production exigeante soumise à de nombreuses contraintes.

1. Un faible rendement

Le premier facteur de difficulté réside dans le faible rendement de la production. Pour un agneau vif de 34 kg, la carcasse commercialisée ne pèse que 16,8 kg (29). L’Institut de l’élevage détaille ces pertes :

– poids vif : 34 kg

– perte au transport et au ressuyage : 6 %

– poids de la carcasse froide : 17 kg soit un rendement d’abattage de 50 %

– perte de maturation : 1 %

– poids de la carcasse commercialisée : 16,8 kg, dont 80 % de viande nette commercialisable, 10 % de déchets et de gras et 10 % d’os.

2. Des coûts de production élevés

Les coûts de production sont importants. Outre les frais de mécanisation, les charges d’alimentation représentent jusqu’à 70 % des charges de production pour les cheptels en bergerie ; les épisodes de sécheresse rendant ce facteur encore plus sensible quand la production est adaptée aux herbages. Les frais d’élevage ont considérablement augmenté avec la réglementation sanitaire et le système européen d’identification électronique des ovins.

La main-d’œuvre est une autre source de préoccupation. Comme l’a déclaré Michèle Boudoin, « le secteur est gourmand en temps de travail ». La main-d’œuvre est difficile à trouver et le temps de travail plus important que pour les autres filières d’élevage. En élevage bovin, une vache représente une unité gros bétail (UGB), alors qu’en élevage ovin, une UGB représente sept brebis, avec potentiellement sept fois plus d’intervention par animal. L’idée est simple à concevoir : avec des petits formats d’animaux, les contraintes sont plus importantes.

Des conditions de travail difficile nuisent à l’attractivité du métier. 33 % des éleveurs ovins ont plus de 50 ans.

3. Un cheptel touché par les maladies et les prédateurs

La fièvre catarrhale ovine (FCO), également appelée maladie de la langue bleue, est une maladie infectieuse due à un virus transmis essentiellement par des insectes piqueurs (moucherons appelés culicoïdes). 24 sérotypes viraux différents sont répertoriés dans le monde. Les espèces sensibles à la FCO sont les ruminants domestiques (ovins, bovins, caprins) et sauvages. La FCO est d’origine animale et ne contamine pas l’homme mais seulement les ruminants. Elle se propage par les vents.

La FCO a longtemps été considérée comme une maladie exotique, c’est en 2000 qu’elle apparaît en Europe, sur le pourtour méditerranéen. En 2000, la FCO a détruit 8 % du cheptel ovin corse. De nouveaux épisodes se sont produits depuis 2006, sous des sérotypes différents.

Un foyer de FCO a été détecté en France en septembre 2015. Une surveillance renforcée a été mise en place et des mesures ont été prises pour prévenir tout risque éventuel de propagation de la maladie : « l’élevage a été placé sous surveillance renforcée et les mouvements d’animaux ont été bloqués au sein de l’exploitation. De plus, une zone réglementée est constituée d’une zone de protection de 100 km de rayon autour de l’élevage concerné a été définie, elle est entourée d’un zonage de surveillance de 50 km de large. Au sein de la zone réglementée, les troupeaux infectés sont entourés d’un périmètre d’interdiction de 20 km de rayon. » (30).

Les effets de la maladie sur la filière peuvent être la baisse de la production du fait de la baisse de la reproduction des mâles et des femelles, de l’augmentation des charges vétérinaires et la restriction de la circulation des animaux ou des échanges intracommunautaires.

Le loup est une autre source de difficulté. 28 départements sont concernés. La ministre de l’écologie a décidé cet été la création d’une brigade d’appui aux éleveurs, composée de dix agents titulaires du permis de chasse, qui sera chargée de « mieux protéger les troupeaux », notamment « en assurant une présence auprès des éleveurs connaissant une récurrence d’attaques exceptionnelles ». Ils interviendront aussi en appui des agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) dans les opérations d’effarouchements ou de prélèvements ordonnés par l’État. Les derniers arrêtés ministériels autorisent 36 abattages par an (contre 24 en 2014). Ces mesures sont un soulagement pour les éleveurs ovins.

4. Les progrès génétiques

La production ovine se caractérise par une prolificité (31) basse. C’est pour cette raison que les producteurs ont eu beaucoup recours, ces dernières années, à la génétique afin de sélectionner les races facilitant l’agnelage. Les races rustiques sont, en outre, plus prolifiques que les races bouchères.

DEUXIÈME PARTIE : DES DIFFICULTÉS COMMUNES

I. LES RAISONS SOCIO-ÉCONOMIQUES DE LA DÉPRIME

A. LA CONSOMMATION

1. Une consommation mondiale en hausse

La production et la consommation de viande et de produits laitiers augmentent régulièrement depuis une cinquantaine d’années. Selon la Food and agriculture organisation (FAO), cette tendance devrait se poursuivre dans les années à venir, tirée notamment par le développement démographique et l’accroissement du pouvoir d’achat des pays émergents et en développement.

D’après la FAO (32), la production de viande dans le monde est passée de moins de 100 M de tonnes en 1961 à 311 M de tonnes en 2011.

Les pays développés voient leur consommation de viande diminuer mais la croissance de la consommation des pays émergents et en développement est bien plus importante (33). D’où la nécessité, pour les filières d’élevage, de se positionner aussi à l’export.

Le rapport du conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux sur la contractualisation dans le secteur bovin, précité, révèle que : « Les prévisionnistes considèrent que la production mondiale de viande devrait progresser encore de 200 millions de tonnes entre 2010 et 2050 […] pour atteindre 500 millions de tonnes. »

La hausse de la consommation de viande bovine est de 1 % par an mais c’est la consommation des viandes blanches, notamment des volailles (+ 2,1 % par an) qui tire la consommation mondiale. Les volailles sont faciles et peu coûteuses à produire, faciles à préparer et ne sont frappées par aucun interdit religieux.

2. Une consommation nationale en baisse

La consommation française de viande diminue depuis les années 2000 sauf pour la volaille, dont la consommation reste dynamique.

ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION DE VIANDE DES FRANÇAIS

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Les Français sont de grands consommateurs de viande. D’après le panel consommateurs Kantar Worldpanel 2012 pour les achats des ménages, les adultes français consomment en moyenne 55 grammes de viande par jour et les enfants, de 3 à 17 ans, 42 grammes par jour. Toutefois, depuis le pic de consommation à 94,1 kilogrammes en équivalent carcasse (kgec) consommés par habitant en 1998, la consommation baisse chaque année et a atteint 86 kgec par an et par habitant en France, ainsi répartis :

– 25,5 kgec de viande de volaille ;

– 32 kgec de viande de porc ;

– 24,1 kgec de viande bovine (bœuf et veau) ;

– 3,1 kgec de viande ovine ;

– 1,8 kgec de viande chevaline.

3. Prix et habitudes de consommation

Le consommateur français affirme souvent sa volonté de manger moins de viande mais une viande de meilleure qualité. Il la trouve trop chère et de qualité inconstante, non liée à la race. Pourtant, comme l’a affirmé à vos rapporteurs Jean-Michel Schaeffer, président de la Confédération française de l’agriculture, un même consommateur peut manger différentes gammes de volailles : un poulet standard le midi en semaine en dehors du foyer en restauration collective ou commerciale, un poulet intermédiaire le soir en famille et un poulet label rouge ou issu d’une production biologique le dimanche en famille.

Le prix moyen d’achat du kilogramme de viande de boucherie par le consommateur est de 10,58 €, ainsi répartis (34) :

– 12,62 € pour le bœuf, qui représente 41 % de la consommation ;

– 6,97 € pour le porc, qui représente 34 % de la consommation ;

– 14,81 € pour le veau, qui représente 11 % de la consommation ;

– 13,24 € pour l’agneau, qui représente 8 % de la consommation ;

– 8,93 € pour les produits tripiers, qui représentent 5 % de la consommation ;

– 13,81 € pour le cheval, qui représente 1 % de la consommation.

La synthèse de FranceAgriMer de juin 2015 (35) sur l’impact de la crise économique sur la consommation de viandes et les évolutions des comportements alimentaires révèle que la crise économique de 2008 a amplifié cette baisse de la consommation de viandes : les prix ont augmenté et les volumes d’achat ont diminué sur la période 2009-2013.

Cette même étude indique que : « La réduction du pouvoir d’achat oblige les ménages français à des arbitrages dans leurs dépenses. […] Même s’il n’y a pas eu d’arbitrage au détriment des dépenses alimentaires au niveau global, des arbitrages ont été effectués à l’intérieur des différents postes alimentaires [au détriment de la viande et des produits aquatiques]. »

La tendance est également à la réduction du temps de préparation des repas : « les consommateurs sont désormais à la recherche de produits ayant un long délai de conservation, ne demandant pas ou peu de préparation, avec un temps de cuisson réduit et faciles à préparer ». La consommation de viande brute non transformée est en diminution.

Vos rapporteurs sont convaincus que les producteurs et transformateurs français doivent répondre à ces divers marchés.

B. UNE MULTITUDE DE RISQUES À MAÎTRISER

1. La question sanitaire

a. Les crises sanitaires

En matière de sécurité sanitaire, les crises de ces dernières années ont rendu le consommateur suspicieux.

Les crises de la vache folle en 1996 et 2000 ont été à l’origine de décès liés à une variante de la maladie neurodégénérative de Creutzfeldt-Jacob dans plusieurs pays de l’Union européenne. C’est à la suite de cette crise que les premiers systèmes d’étiquetage de l’origine de la viande bovine ont été mis en place.

En février 2013, les États membres de l’Union européenne ont été informés par le RASFF (le système d’alerte rapide de l’UE pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux, selon son acronyme anglais) de la présence de viande de cheval dans des plats cuisinés dont l’étiquetage mentionnait une composition à base de viande bovine. Cette situation résultait d’un étiquetage frauduleux des produits concernés.

Ces épisodes ont conduit les consommateurs à vouloir connaître l’origine des produits carnés qu’ils consomment.

Le système de traçabilité, généralisé depuis 1990, permet la transmission ininterrompue de l’élevage à la distribution, d’informations de nature réglementaire ou volontaire à destination du consommateur, pour assurer sa sécurité alimentaire et l’informer. La procédure de traçabilité s’appuie sur le système d’identification, dotant les animaux d’une carte d’identité individuelle sans laquelle ils ne peuvent circuler. Ce système comprend un numéro d’identification de l’animal (boucle et tatouage), des documents de circulation, un numéro d’abattage et de lot et un étiquetage de la viande.

RÉCAPITULATIF DE LA TRAÇABILITÉ DE LA VIANDE BOVINE

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Source : INTERBEV www.la-viande.fr

La législation européenne en matière sanitaire est l’une des plus strictes au monde. C’est d’ailleurs un des points « durs » de la négociation du volet agricole du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, nous y reviendrons.

b. L’argument santé

D’après les enquêtes du centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), en 2013, plus de 85 % des ménages pensaient que la nourriture a une influence sur leur santé. Ils sont 10 % à éviter la viande rouge et 38 % à privilégier la viande blanche. De nombreux régimes préconisent en effet de consommer plutôt les viandes blanches que les viandes rouges, plus grasses.

Depuis quelques années, les médias se font l’écho d’argumentaires sur le lien entre consommation de protéines animales et santé.

Le programme national nutrition santé (PNNS) est un plan de santé publique visant à améliorer l’état de santé de la population en agissant sur deux de ses déterminants majeurs : la nutrition et l’activité physique. Le PNNS a préconisé une baisse globale de consommation de protéines animales et un rééquilibrage au profit des protéines aquatiques.

Des études mettent plus particulièrement en question la consommation de viande rouge et de charcuterie en établissant un lien avec le développement du cancer (36). L’organisation mondiale pour la santé (OMS) par le biais de son agence, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) (37), a publié en octobre 2015 une évaluation de la cancérogénicité de la consommation de viande rouge et de viandes transformées. La note estime que le danger pour le cancer colorectal est avéré pour la viande transformée, et « probable » pour la viande rouge.

L’évaluation n’apporte aucun élément nouveau mais vient confirmer les conclusions d’un rapport publié en 2011 par le WCRF (World Cancer Research Found). Les ministres français de l’agriculture et de la santé ont rappelé avec vigueur que le risque portait en réalité sur les gros consommateurs de viande. Le chercheur de l’INRA Fabrice Pierre, référent du réseau nutrition cancer (nacre) pour les produits carnés, estime qu’une consommation modérée est sans risque pour la santé humaine.

Dans le contexte de désaffection du consommateur et de banalisation des produits, des initiatives naissent pour rétablir le lien entre santé et consommation de viande. Le label Bleu-blanc-cœur, créé en 2000 pour l’élevage porcin, regroupe un cahier des charges qui rassemble des critères environnementaux, sanitaires et du bien-être et de l’alimentation animale. Il s’appuie sur des études scientifiques et zootechniques qui formulent des recommandations en termes de conditions d’élevage.

2. La question environnementale

a. L’impact environnemental des productions animales

Les discours relatifs à l’impact environnemental de la production et de la consommation de viande se multiplient depuis plusieurs années.

Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) dans son rapport de synthèse de 2014 : « Alléger l’empreinte environnementale de la consommation des Français en 2030 », les produits alimentaires représentent 23 % de l’empreinte carbone, 9 % de l’empreinte énergétique, 55 % des gaz acidifiants et 23 % de l’empreinte eau. Si ces empreintes dépendent du cycle de vie des produits, la production agricole génère la majorité des impacts. Le méthane lié à l’élevage et le protoxyde d’azote associé à la fertilisation ont un pouvoir de réchauffement climatique. Ainsi l’ADEME préconise-t-elle de diminuer la consommation de viande de 10 % par individu moyen de 2007 à 2030.

Toutefois, cet impact est à relativiser. Dans un article sur les « Liens élevage-environnement-développement durable », J.-P. Pradère (38) relève que depuis 2006, l’impact de l’élevage sur l’environnement a été revu à la baisse. Il démontre la faible influence de l’élevage sur la déforestation et l’intérêt des pâturages pour l’environnement.

Par ailleurs, les techniques des méthaniseurs à la ferme permettent de capter le processus biologique de dégradation de la matière organique (effluents d’élevage et déchets agricoles) pour le transformer en méthane, principale composante du biogaz, source d’énergie renouvelable.

Lorsque les conditions sont réunies, c’est plus de 90 % de cette matière organique qui se transforme en méthane (CH4), principale composante du biogaz, source d’énergie renouvelable qui resterait inutilisée sans unités de méthanisation.

La méthanisation nécessite la construction de nombreux bâtiments dont l’imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et à la cotisation foncière des entreprises (CFE) constitue une charge importante au regard de sa rentabilité au démarrage de l’activité. Pour cette raison, la loi de finances pour 2013 avait mis en place une exonération facultative et temporaire (5 ans) de la TFPB. La loi de finances pour 2015 a rendu cette exonération de TFPB automatique et a porté sa durée à 7 ans. Elle a également créé une nouvelle exonération temporaire de CFE. La loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 a étendu la double exonération aux agriculteurs précurseurs ayant mis en place des unités « pionnières » de méthanisation.

Les revenus complémentaires des exploitations agricoles peuvent faire l’objet d’une taxation au titre des bénéfices agricoles pour favoriser, précisément, la pluriactivité. C’est le cas de la vente de biomasse et de la production d’énergie majoritairement issue de produits ou de sous-produits de l’exploitation prévues à l’article 63 du code général des impôts. C’est également le cas de la vente et de la transformation des produits agricoles dans les limites fixées aux articles 75 et 75A du même code : 30 % des revenus et 50 000 €.

Pour le détail des dispositifs fiscaux relatifs aux revenus accessoires, on pourra se reporter au rapport d’information de l’Assemblée nationale sur la fiscalité agricole (39).

Enfin, l’impact des productions animales sur l’environnement est le fait des modes de consommations et des kilomètres que l’on fait parcourir aux denrées alimentaires pour être consommées. Le coût environnemental des transports plaide pour une relocalisation de l’alimentation, conformément aux préconisations du rapport de Brigitte Allain sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et alimentaires du 7 juillet 2015 (40). La proposition de loi de Mme Allain relative à l’ancrage territorial de l’alimentation propose des mesures concrètes pour développer les circuits courts et de proximité, en complément d’autres circuits d’approvisionnements. Elle a été adoptée à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale le 14 mars 2016 et est actuellement en cours de discussion au Sénat.

b. La réglementation relative aux installations classées

Les enjeux environnementaux liés aux élevages prennent souvent le dessus sur les aménités positives créées par ces exploitations, en particulier dans le cas d’exploitations extensives : aménagement du territoire, équilibre rural, prise en charge des coûts d’entretien des paysages.

Les installations d’élevage ont néanmoins des conséquences sur l’environnement : la pollution de l’eau par les effluents qu’ils produisent (stockage ou épandage), les émissions gazeuses (méthane et azote) et les nuisances sonores et olfactives pour les riverains. L’augmentation de la taille des exploitations et l’intensification des activités d’élevage accroissent leur pression sur l’environnement. Parallèlement, le développement des zones urbaines suscite des enjeux de cohabitation entre riverains et agriculteurs.

La législation relative aux installations classées de protection pour l’environnement (ICPE) prévoit que les élevages porcins, bovins et avicoles sont, à partir d’une certaine taille, soumis à un régime d’enregistrement ou d’autorisation administrative.

En application de l’article L. 511-1 du code de l’environnement, les installations classées sont « toutes les installations pouvant présenter des dangers ou des inconvénients pour la commodité, la santé, la sécurité, la salubrité publique, l’agriculture, l’environnement, la conservation des sites et des monuments, ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ».

Les règles applicables aux installations classées d’élevage concernent les règles d’implantation, les règles d’aménagement et les règles d’exploitation.

Le droit français se doit d’être en conformité avec les directives européennes notamment la directive 2010/75/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles et la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.

Constatant la sur-transposition de certaines normes relatives aux ICPE en comparaison avec les autres États européens, le Gouvernement a initié un vaste chantier de simplification.

En décembre 2013, un régime spécifique d’enregistrement a ainsi été créé pour les élevages porcins de plus de 450 animaux (hors installations soumises à la directive sur les émissions industrielles). Ce régime a été étendu aux élevages de volaille entre 30 000 et 40 000 animaux en septembre 2015. Le ministère de l’environnement prévoit une accélération des délais d’instruction des dossiers à cinq mois contre un an auparavant. Le Gouvernement a annoncé un régime similaire pour les élevages laitiers de 151 à 400 vaches.

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a également réduit les délais de recours de un an à quatre mois et supprimé les possibilités de recours une fois l’installation mise en service.

La nomenclature nationale des installations classées concernant l’élevage prévoit aujourd’hui :

– en matière d’élevage porcin : un seuil d’autorisation fixé à 2 000 porcs et 750 truies et un seuil d’enregistrement fixé à 450 animaux en vertu du décret n° 2013-1301 du 27 décembre 2013 ;

– en matière de volaille : un seuil d’autorisation fixé à 40 000 places et un seuil d’enregistrement fixé à 30 000 places en vertu du décret n° 2015-1200 du 29 septembre 2015 alignant lesdits seuils sur ceux de la directive 2010/75/CE précitée ;

– en matière d’élevage bovin : un seuil d’autorisation fixé à 200 vaches laitières et 400 bovins à l’engraissement.

3. Les préoccupations sur le bien-être animal

a. Le droit existant

Le bien-être animal est une préoccupation croissante des populations, renforcée par la médiatisation de certaines conditions d’élevage et d’abattage dont quelques parlementaires se font le relais. Les habitudes alimentaires (végétarisme, véganisme, filières biologiques) modifient les attentes sociétales.

L’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) donne une définition du bien-être animal qui renvoie aux grands principes énoncés par le Farm Animal Welfare Council (FAWC) : ne pas souffrir de faim et de soif, ne pas souffrir de contrainte physique, être indemne de douleurs, de blessures et de maladies, avoir la liberté d’exprimer des comportements normaux, être protégé de la peur et de la détresse. La réglementation internationale (41), communautaire (42) et nationale (43) prévoit des dispositifs juridiques visant à éviter toute souffrance inutile aux animaux et des conditions de vie les meilleures possibles.

En France, la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature a créé la politique de protection animale, en énonçant trois principes fondamentaux :

– l’animal est un être sensible, qui doit être placé dans des conditions compatibles avec ses impératifs biologiques,

– il est interdit d’exercer des mauvais traitements sur les animaux,

– il est interdit d’utiliser des animaux de façon abusive.

La loi n° 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux a modifié le code civil : les animaux, tout en demeurant des biens, ne sont plus assimilés à des choses.

La loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures modifie de nouveau le code civil en qualifiant les animaux comme d’êtres doués de sensibilité :

« Art. 515-14. – Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. »

La loi a fortement évolué mais les attentes sociétales demeurent et contribuent à stigmatiser les élevages en étendant la contestation des conditions d’élevage et d’abattage à la remise en cause de l’existence même de l’élevage.

b. Le cas inquiétant des abattoirs

Deux vidéos ont montré des actes de maltraitance envers des animaux dans les abattoirs du Gard à Alès (octobre 2015) et au Vigan, abattoir certifié bio (février 2016). Le contrôle de ces situations dépend des 2 150 agents du ministère de l’agriculture. Deux enquêtes judiciaires et deux enquêtes de la brigade nationale d’enquête vétérinaire et phytosanitaire ont immédiatement été ouvertes.

Le ministère de l’agriculture a annoncé le déploiement d’un dispositif d’accompagnement technique et de supervision des inspecteurs en abattoir par des référents nationaux. En plus des inspections permanentes qui sont réalisées, tous les abattoirs de boucherie seront supervisés dans un délai maximal de 3 ans.

Ces scandales jettent la suspicion sur l’ensemble des abatteurs alors que ce qui est en cause est l’éthique et la pratique de certaines entreprises et les moyens de l’administration pour les contrôler.

À la demande du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, une commission d’enquête a été créée à l’Assemblée nationale le 22 mars 2016 sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français.

Le secteur pâtit d’un discours négatif qui risque de le condamner définitivement alors que les besoins en viande ne cessent d’augmenter. Il ne faut pas oublier le premier enjeu de l’agriculture : la sécurité alimentaire et le défi de devoir, à l’horizon 2050, nourrir 9 Mds d’êtres humains.

II. DES RÉSULTATS ÉCONOMIQUES FAIBLES : UN RAPPORT ENTRE CHARGES ET REVENUS DEVENU ERRATIQUE

A. DES RÉSULTATS ÉCONOMIQUES FAIBLES

1. Des coûts de production différenciés entre les filières

a. Production laitière

Le coût de production moyen des 1 000 litres de lait était estimé en 2014 à 349 €. Ce coût n’intègre pas le calcul de la rémunération des facteurs autofournis par l’exploitant. Le coût de production dépend essentiellement de la taille de l’exploitation, de son niveau d’endettement et du coût de l’alimentation animale.

COÛT DE PRODUCTION MOYEN DU LAIT DE VACHE
DANS LES EXPLOITATIONS SPÉCIALISÉES

b. Production de viande bovine

En ce qui concerne les éleveurs de viande bovine, les coûts de production diminuent légèrement entre 2013 et 2014, notamment du fait de la baisse du coût de l’alimentation pour animaux mais ces coûts sont toujours supérieurs au prix de vente des bovins, y compris les aides.

COÛT DE PRODUCTION DES BOVINS VIANDE PAR SYSTÈME DE PRODUCTION

D:\Utilisateurs\IFAUCONNIER\Bureau\IDELE bovins viande coût prod.bmpSource : Rapport au Parlement 2015 de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires

Il faut relever que les coûts de production dans le secteur bovin sont difficilement identifiables dans la mesure où ils dépendent de la race et des conditions d’élevage (disponibilité du fourrage, taille de l’exploitation) ainsi que du marché du lait (qui a des conséquences sur le nombre de vaches de réforme).

c. Production de porcs

Selon le rapport au Parlement 2015 de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires : « Sur la période 2009-2014, le coût de production du porc s’établit en moyenne à 1,48 € / kg de carcasse, avec des variations entre 1,28 € en 2010 à 1,67 € en 2014. Le prix du porc est en moyenne de 1,47 € kg allant de 1,29 €kg en 2010 à 1,64 €kg en 2014. Il en résulte une marge nette de – 1 ct/kg en moyenne sur la période 2009-2014, variant entre - 7 ct/kg en 2011 et + 3 ct/kg en 2012. »

COÛT DE PRODUCTION DU PORC

La part de l’alimentation dans le coût de production du porc varie entre 60 et 66 %. Le prix de l’alimentation a enregistré une hausse importante entre août 2010 et janvier 2013 avant de connaître, depuis, une baisse continue. Le prix de cette alimentation répercute le prix mondial des matières premières utilisées en alimentation animale mais avec retard et dans des proportions moins fortes.

d. Exploitation de volailles

COÛT DE PRODUCTION MOYEN DU POULET STANDARD

D:\Utilisateurs\IFAUCONNIER\Bureau\poulets std couts prod14.bmp

Pour ce type d’exploitation également, la charge alimentaire est très élevée.

COÛT DE PRODUCTION MOYEN DU POULET DE LABEL

D:\Utilisateurs\IFAUCONNIER\Bureau\poulets label couts prod14.bmp

2. Le poids des charges

Les syndicats agricoles français et les abatteurs/transformateurs de produits carnés, fortement consommateurs de main-d’œuvre, entendus par vos rapporteurs, dénoncent systématiquement le coût du travail en France.

Les écarts entre pays européens, nos principaux concurrents, sont réels mais ils ont tendance à diminuer, comme le soulignent le rapport n° 2015-009R de l’Inspection générale des affaires sociales et le rapport n° 14143 du conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux sur la réalité des écarts de compétitivité dans les secteurs agricole et agroalimentaire liés au coût du travail avec certains pays européens et analyse des dispositifs de protection sociale des salariés et des non-salariés. La Belgique et les Pays-Bas ont un coût horaire du travail très élevé : respectivement 30 €/h et 28 €/h. La France et l’Allemagne se situent au même niveau, à 20 €/h environ. Mais, ailleurs qu’en France, le recours à des travailleurs détachés, pour lesquels les taux et les assiettes de cotisations sociales restent ceux du pays d’origine, est très répandu. Avec respectivement 17 €/h et 15 €/h, l’Italie et l’Espagne ne sont pas très éloignées du coût horaire français. En revanche, avec un coût horaire de 5 €, la Pologne « dispose d’un avantage comparatif indéniable ». L’avis du Conseil économique, social et environnemental sur les travailleurs détachés présenté le 22 septembre 2015 (44) souligne que : « Le détachement des travailleurs apparaît aujourd’hui comme un mouvement comparable à celui des délocalisations, touchant précisément des activités qui ne peuvent être délocalisées ».

Le détachement des travailleurs dans l’Union européenne permet à un prestataire de services, un groupe ou une entreprise de travail temporaire établi dans un État membre d’employer des travailleurs dans un autre État membre en s’exonérant d’une partie du droit du travail et des régimes d’assurance sociale de ce dernier. Le détachement des travailleurs est organisé par la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services.

Seules garanties pour protéger les travailleurs aux standards du pays où ils sont détachés, la législation européenne laisse subsister un « noyau dur » de règles du pays d’accueil, en particulier la rémunération minimale qui y est en vigueur. L’Allemagne ayant mis en place un salaire minimal, les écarts devraient, à l’avenir, se résorber (pour l’analyse détaillée du cas de l’Allemagne : voir infra).

Les éleveurs français sont victimes d’un véritable dumping social.

3. Un endettement élevé

Les bâtiments sont le premier poste d’investissement chez les éleveurs porcins tandis que le matériel et l’outillage sont prépondérants chez les autres éleveurs.

Une partie des investissements en matériel et bâtiments peut être imposée par la réglementation, notamment en vue d’une mise aux normes des conditions de production.

NIVEAU D’INVESTISSEMENT EN EURO PAR POSTE EN 2014

D:\Utilisateurs\IFAUCONNIER\Bureau\investissements.png

Source : SSP- RICA

Le montant moyen de la dette des exploitations d’élevage est très élevé, en particulier dans l’élevage porcin : l’endettement moyen atteignait, en 2014, 425 000 €, soit un taux d’endettement de 65 %, en hausse de 3 % par rapport à 2013. C’est le niveau le plus élevé de dette par orientation productive. Les éleveurs de volailles et de bovins mixtes ont un montant moyen de dette de l’ordre de 250 000 €. Seuls les éleveurs de bovins viande et d’ovins-caprins ont un niveau moindre d’endettement, respectivement de 116 000 € et 106 000 €.

Malgré ces volumes importants d’investissement et d’endettement, les interprofessions considèrent qu’il faut poursuivre les investissements et la modernisation des exploitations. Or, l’analyse détaillée des exploitations dans la crise actuelle montre que celles qui sont les plus résistantes sont celles qui n’ont pas de charges d’emprunt.

4. La baisse du prix des productions

Cette baisse peut être illustrée par des graphiques.

a. Les cours du lait de vache

Les excédents sur le marché mondial ont orienté les prix du lait à la baisse depuis le mois d’octobre 2014.

Source : SSP – RICA – Commission des comptes de l’agriculture de la Nation

b. Les cours de la viande bovine

Les cours des viandes bovines ont atteint leur point le plus bas entre la fin de l’année 2014 et le début de l’année 2015 ; ils sont remontés jusqu’en août 2015 avant de diminuer à nouveau en conséquence de l’afflux de vaches laitières dans les abattoirs. La décapitalisation du cheptel des vaches allaitantes s’est depuis poursuivie.

Nota : Type de classement pour les bovins et les ovins aussi bien les animaux vifs qu’abattus (E.U.R.O.P).

E : excellente, U : très bonne, R : bonne, O : assez bonne, P : médiocre.

Source : SSP – RICA – Commission des comptes de l’agriculture de la Nation

c. Les cours du porc

Contrairement aux autres pays européens, la fermeture du marché russe n’a pas été compensée en France par le gain de nouveaux marchés, notamment en Asie. Les exportations porcines ont baissé en 2014 et en 2015 ainsi que les cours du marché du porc.

Source : SSP – RICA – Commission des comptes de l’agriculture de la Nation

d. Les cours du poulet de chair standard

Source : SSP – RICA – Commission des comptes de l’agriculture de la Nation

B. DES REVENUS BAS

1. Le constat : la baisse du revenu des exploitants

a. Le résultat courant avant impôt

Les revenus faibles des éleveurs sont notamment la conséquence de coûts de production supérieurs aux prix de vente, y compris en y intégrant les aides.

Le tableau suivant montre la faiblesse du résultat courant avant impôt (RCAI), en particulier pour les élevages porcins qui subissent une baisse de 59 %. Le résultat des éleveurs ovins et caprins augmente mais demeure modéré et inférieur à la moyenne des autres productions. Il faut noter que ces résultats concernent l’année 2014, relativement bonne pour les éleveurs bovins lait (cours du lait moyen à 385 € / 1 000 litres en 2014).

INDICATEUR DE SYNTHÈSE DES RÉSULTATS 2014
ET ÉVOLUTIONS 2013-2014 PAR ORIENTATION

Orientation de la production

Résultat courant avant impôt par actif non salarié

Évolution entre 2013 et 2014 (*)

Bovins lait

24 704

4 %

Bovins viande

18 295

– 1,7 %

Bovins mixte

22 684

– 2,2 %

Ovins et caprins

18 385

22,9 %

Porcins

11 890

– 59,1 %

Volailles

23 994

29,9 %

(*) Évolution calculée en valeur réelle

Source : SSP – RICA- Commission des comptes de l’agriculture de la Nation – 15 décembre 2015

Dans un contexte de forte baisse des prix des productions, la situation des éleveurs s’est dangereusement aggravée en 2015 pour les éleveurs bovins et porcins. Selon le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, en décembre 2015, 40 000 dossiers d’éleveurs en difficulté avaient été déposés auprès des cellules d’urgence. Autre illustration, selon le Conseil national de Cerfrance auditionné par les membres de la mission d’information, 25 à 35 % des exploitations bovines sont en situation de cessation de paiement en Bretagne.

b. L’importance des subventions

D’après la commission des comptes de l’agriculture de la Nation, en 2014, 91 % des exploitations agricoles françaises ont bénéficié d’au moins une subvention. Ce taux atteint 100 % pour les exploitations bovines, ovines et caprines. Elles ont reçu, annuellement et en moyenne, 34 500 € d’aides.

PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES SUBVENTIONS
VERSÉES AUX EXPLOITATIONS AGRICOLES EN EUROS EN 2014,
PAR ORIENTATION PRODUCTIVE

Orientation

Part des exploitations touchant au moins une subvention

Subvention totale moyenne par ayant droit

Part des subventions dans le total produit de l’exercice, y compris subventions

Bovins lait

100 %

32 931

15 %

Bovins viande

100 %

42 724

37 %

Bovins mixte

100 %

49 303

21 %

Ovins et caprins

100 %

40 598

36 %

Porcins

97 %

19 687

5 %

Volailles

82 %

21 661

8 %

Source : SSP – RICA - Commission des comptes de l’agriculture de la Nation – 15 décembre 2015

Les subventions sont majoritairement constituées par des paiements uniques. Viennent ensuite les aides pour le développement rural (notamment pour les bovins viande) et les aides couplées. Compte tenu de la part de ces subventions dans le total produit de l’exercice, elles leur permettent souvent d’avoir un résultat positif.

NATURE DES SUBVENTIONS ACCORDÉES AU COURS DE L’EXERCICE 2014 EN EUROS

D:\Utilisateurs\IFAUCONNIER\Bureau\dd.png

Source : SSP – RICA – Commission des comptes de l’agriculture de la Nation – 15 décembre 2015

2. La conséquence : la conversion des terres et la faible attractivité du métier

a. La conversion des terres

Depuis 1970, les productions végétales concurrencent les productions animales dans les zones de polyculture-élevage dont les sols sont riches. L’herbe a d’abord été remplacée par les fourrages et les céréales puis les exploitations d’élevages se sont converties en exploitations céréalières. Ce sont surtout les zones de plaine qui s’orientent vers les grandes cultures.

La faiblesse des revenus des éleveurs explique en grande partie ces conversions, d’autant plus compte tenu de la lourdeur des investissements nécessaires en matériel et en construction et modernisation des bâtiments d’élevage.

En corrélant le montant des aides à la surface agricole exploitée, le système de la politique agricole commune a également longtemps favorisé les grandes cultures, notamment les céréales et les oléo-protéagineux.

b. La faible attractivité du métier d’éleveur et le problème de l’installation des jeunes

Les conversions des terres agricoles sont également le fait de l’importance des astreintes quotidiennes du travail d’éleveur (traite, alimentation, risques sanitaires liés à la reproduction et au vêlage etc.).

Dans le secteur laitier, la Fédération nationale des producteurs de lait estime que, d’ici à 2025, la moitié des exploitations laitières devra être transmise compte tenu de l’âge des exploitants. Ce problème est commun à l’ensemble des exploitations d’élevage.

Selon les statistiques Agreste de 2010, en 10 ans, le nombre d’installations a baissé de 26 % en France. Le départ à la retraite d’un exploitant conduit le plus souvent au rachat de son exploitation par un voisin qui s’agrandit. Rares sont aujourd’hui les reprises d’exploitations familiales.

La politique de régulation foncière menée en France depuis les années 60 (loi d’orientation agricole du 5 août 1966) vise à contenir l’agrandissement des exploitations afin de favoriser la reprise d’exploitations existantes et l’installation de jeunes agriculteurs. Les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) œuvrent en ce sens. La loi donne aux SAFER la possibilité de disposer d’un droit de préemption, afin de leur permettre de mener une action cohérente dans le cadre de leurs missions. Elles sont systématiquement informées des projets de vente par les notaires et peuvent acheter à la place de l’acquéreur initial. Le but est alors de revendre à un autre acquéreur dont le projet répond mieux aux enjeux d’aménagement locaux. Le marché foncier accessible aux SAFER représente 276 000 ha. Les acquisitions des SAFER représentent 30 % des surfaces accessibles. La loi d’avenir n° 2014-1170 pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 a renforcé leur capacité d’action en prévoyant qu’elles soient informées lorsque du foncier change de propriétaire sous forme de parts sociales.

PART DES EXPLOITANTS DE MOINS DE 35 ANS ET DE PLUS DE 65 ANS
SUR L’ENSEMBLE DES EXPLOITANTS

Âge des exploitants en 2013

< 35 ans

> 65 ans

Belgique

4 %

21,2 %

France

8,8 %

12,4 %

Allemagne

6,8 %

6,5 %

Espagne

3,7 %

33,3 %

Italie

4,5 %

39,7 %

Pologne

12,1 %

9,6 %

Roumanie

4,7 %

41 %

Moyenne UE

5,9 %

30,6 %

Source : Commission européenne

Beaucoup reste encore à faire pour favoriser l’installation des jeunes.

III. DES RELATIONS PROFESSIONNELLES ET COMMERCIALES DIFFICILES

A. LA TRANSFORMATION AGROALIMENTAIRE : UN MARCHÉ MONDIAL, UN ENJEU TERRITORIAL

1. Les abattoirs

Contrairement aux abattoirs des autres pays européens, souvent intégrés dans des groupes coopératifs, les abattoirs français sont très divers et adoptent des stratégies différenciées.

Les abattoirs de proximité, publics ou privés, constituent un enjeu territorial important. Ces abattoirs abattent près de 25 % de la viande française et commercialisent en général la viande dans un rayon proche. Compte tenu de l’importance du coût du transport des animaux, la répartition de la production dépend du maillage territorial en abattoirs.

Les abattoirs industriels sont en général spécialisés. Ce type d’abattoir abat 75 % des animaux abattus en France. En 2009, douze opérateurs se partageaient 85 % des abattages de porc en France (45). Le groupe Bigard qui a racheté l’entreprise Socopa et la coopérative Cooperl traitent l’essentiel des volumes d’abattage français.

Comme le souligne le rapport du CGAAER « Quel avenir pour la filière porcine ? » : « Le travail essentiel, et la rentabilité, d’une entreprise d’abattage-découpe est de valoriser au mieux les différentes pièces qui composent la carcasse et qui résultent de la découpe. L’accès et la maîtrise des différents marchés des différentes pièces sont essentiels pour obtenir la meilleure valorisation générale d’une carcasse, les différences étant de 1 à 5 centimes par kilo. À cet égard, disposer de gros tonnages en provenance d’une production contrôlée importante constitue l’avantage dont disposent les grands groupes européens ».

Les abattoirs européens sont en effet beaucoup plus compétitifs. Faute de volumes, les abattoirs français mobilisent moins bien les économies d’échelles que leurs voisins européens. Du fait de leurs faibles marges, les investissements sont moindres dans les outils de modernisation des installations d’abattage et de découpe. Les abatteurs français dénoncent le coût du travail français par rapport à leurs concurrents européens dans un secteur qui a beaucoup recours à la main-d’œuvre.

2. De nombreuses petites et moyennes entreprises agroalimentaires

L’industrie agroalimentaire souffre de l’émiettement de sa structure dont les très nombreuses petites et moyennes entreprises (98 % du secteur, qui compte 16 000 entreprises au total, peinent à accéder au niveau international. J.-C. Bureau, L. Fontagné et S. Jean (46) résument ainsi la situation : « Les performances de l’industrie d’aval ne sont d’ailleurs pas neutres pour les producteurs agricoles. […] Globalement, peu de structures de l’agroalimentaire français atteignent une taille pouvant se comparer à celle des « global players » américains, brésiliens et désormais chinois qui dominent de plus en plus les marchés internationalisés. […] Les grandes entreprises du secteur laitier sont techniquement en pointe, mais cela n’a pas empêché la France de produire en dessous de son quota national pendant la campagne 2014‐2015. Dans le secteur de la viande, les entreprises françaises les plus importantes (le privé Bigard en viande bovine, la coopérative Cooperl en viande porcine) ont une taille bien plus faible que celle des leaders mondiaux, chinois, américains et brésiliens. Elles sont aussi bien moins internationales que les groupes hollandais (Vion), danois (Danish Crown) ou espagnols (Campofrio, passé récemment sous contrôle chinois et mexicain). La situation est plus contrastée dans le secteur de la volaille. Les français Doux et LDC sont leaders sur le marché européen et ont une forte tradition d’exportation (Doux) qui assure un débouché aux éleveurs français. Toutefois, cette extraversion était alimentée par les subventions européennes à l’export, aujourd’hui disparues. […] Malgré la diversification de groupes céréaliers et sucriers dans ce secteur, la relative petite taille des groupes industriels français impliqués par rapport aux géants mondiaux risque d’être handicapante ».

Pour autant, ces PME sont au cœur de l’activité économique des territoires. Elles sont proches de bassins de production et en structurent l’économie. Même si les grands groupes agroalimentaires souffrent pendant les négociations, ce sont surtout ces entreprises qui peinent à avoir du poids dans les négociations commerciales avec les distributeurs (voir infra).

3. Le prix de la concentration

En 2014, le secteur agricole et agroalimentaire était le troisième excédent commercial sectoriel de la France (9,3 milliards d’euros) (47). Parmi les produits issus de l’élevage, les produits laitiers sont les produits qui contribuent à l’excédent commercial de la France. Les produits laitiers transformés sont incontestablement l’atout du secteur agroalimentaire français. Ils sont l’exemple d’une industrie qui s’est concentrée mais qui a développé une véritable stratégie économique. Nous l’avons vu, le secteur laitier est fortement contractualisé et structuré autour de coopératives et de grandes entreprises privées.

La contrepartie de cette concentration est que les industries agroalimentaires qui ont du poids dans les échanges internationaux et sur le marché français adoptent une stratégie de compétitivité prix qui accentue les difficultés du monde agricole quand la logique d’une filière plaiderait plutôt pour des partenariats commerciaux. Les coopératives agricoles ont adopté la même stratégie que les entreprises traditionnelles : elles sont pragmatiques dans le jeu de la concurrence économique. La coopération laitière française compte 40 groupes coopératifs et 200 coopératives « fruitières » qui collectent et valorisent le lait produit par les 56 000 associés coopérateurs. Ce secteur coopératif collecte en 35 000 points du territoire, 54 % du lait produit et 45 % du lait transformé et comporte une large diversité de structures, de la très petite coopérative à la coopérative d’envergure internationale. La première coopérative laitière française est Sodiaal Union, présente dans 71 départements.

Ces coopératives se sont adaptées au marché et, comme le souligne l’économiste Maryline Filippi (48) « Si elles n’avaient pas fait le choix de marques fortes, d’implantations internationales, elles ne seraient certainement plus là, comme bon nombre de leurs adhérents ». Vos rapporteurs partagent cette analyse.

B. LA COMMERCIALISATION

1. La boucherie traditionnelle en déclin

Le graphique suivant est une estimation de l’interprofession bovine (Interbev) qui s’appuie sur les données de FranceAgriMer (1980 et 2009). Le volume des débouchés fournis par les GMS et la restauration hors foyer s’est, depuis, encore accru.

COMMERCIALISATION DES PRODUITS CARNÉS

Les boucheries artisanales sont en déclin : on ne compte aujourd’hui plus que 20 000 bouchers artisans, soit moins que les 22 000 bouchers travaillant dans les hypermarchés et supermarchés. Elles sont concurrencées par les grandes enseignes de la distribution. Mais la commercialisation de produits de qualité qui nécessitent un travail technique de découpe doit passer par ces artisans bouchers et charcutiers. La présence de ces artisans, commerçants de proximité, est également fondamentale pour la sauvegarde des centres-villes de nos territoires.

2. L’importance de la restauration hors domicile

La restauration hors foyer représente 20 % de la consommation de produits carnés. Les habitudes alimentaires s’adaptent aux modes de vie plus urbains et plus denses qui favorisent, au déjeuner notamment, la consommation des repas en dehors du foyer. Un repas sur sept est pris hors de ce foyer.

La restauration hors foyer se répartit entre restauration commerciale (2,4 milliards de repas servis chaque année) et restauration collective (3,7 milliards de repas servis chaque année).

RESTAURATION HORS DOMICILE

Source : Restau’Co – 2013.

La restauration commerciale, privée, est fortement dépendante de la qualité des produits servis. Ainsi, elle est fortement consommatrice de pièces arrières, réputées plus nobles mais également plus chères.

D’après le syndicat national de la restauration collective (SNRC) auditionné par vos rapporteurs à l’occasion d’une table ronde sur la restauration collective, 1 restaurant collectif sur 3 est géré par une société de restauration collective dans le cadre d’une gestion concédée. Cela signifie que la préparation et le service des repas sont confiés à une société de restauration collective, extérieure à la structure qui offre ce service à ses usagers ou employés.

D’après Restau’co (réseau des professionnels de la restauration collective en gestion directe), également auditionnés au cours de cette même table ronde, la restauration collective sert plus de 3 milliards de repas par an et concerne 72 700 restaurants. La restauration directe (en régie) concerne 60 % des repas et la gestion concédée 40 %. La gestion directe se répartit entre la restauration médico-sociale (39 %), la restauration scolaire (39 %), la restauration d’entreprise (14 %) et les autres collectivités (8 %).

Selon une enquête du SNRC sur les dix premiers mois de l’année 2014, 56 % de la viande consommée dans la restauration collective était d’origine française (33 % pour les bovins, 80 % pour le porc, 80,3 % pour la volaille). Cette faiblesse des produits français s’explique par le fait que la restauration collective est consommatrice, en de très grandes quantités, de morceaux de l’avant du bœuf faciles à cuisiner. Mais l’approvisionnement de la restauration collective en produits français est en progression. Ainsi pour les dix premiers mois de l’année 2015, la viande d’origine France représente 61,6 % des commandes et le bœuf français 45,3 %.

La restauration hors foyer est un levier d’action important dans la promotion des produits de l’élevage français.

3. Les grandes et moyennes surfaces (GMS) en expansion

a. Concentration et centrales d’achat

Les grandes et moyennes surfaces commercialisent 66 % des produits carnés.

L’alimentation résiste plutôt bien à la concurrence du commerce en ligne, le produit est périssable et le consommateur aime le voir avant de l’acheter. Pour cette raison, la grande distribution en fait un produit d’appel avec des prix bas et des promotions parfois disproportionnées. La législation n’a cessé de favoriser l’implantation de surfaces commerciales qui nuisent aux commerces de proximité auxquels appartiennent les boucheries artisanales.

Le rôle de la grande distribution dans la commercialisation des produits agricoles étant prépondérant, toute modification de la composition de ses acteurs est susceptible d’avoir des conséquences sur l’ensemble de la chaîne alimentaire.

Ces établissements achètent les produits issus de l’élevage par l’intermédiaire de centrales d’achats. Selon l’INSEE, une centrale d’achat est une structure gérant les achats de ses affiliés qui peuvent être des détaillants ou des grossistes. Les centrales d’achats étudient les produits, recherchent des fournisseurs et surtout négocient les achats. La France compte principalement quatre grands acheteurs qui représentent ensemble plus de 90 % du marché : Casino-ITM entreprises (49) (25,9 %), Auchan-Système U (25,1 %), Carrefour/Cora (21,6 %) et Leclerc (19,9 %) (50). Elles visent à obtenir une puissance d’achat importante en quantités pour négocier les prix à la baisse.

Comme le relève le rapport d’information du 7 octobre 2015 sur la mise en application de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation d’Annick Le Loch et Philippe Armand Martin : « Depuis plus de deux ans maintenant s’est enclenchée une guerre des prix au sein de la grande distribution qui a abouti à une forte baisse des tarifs pratiqués par les distributeurs. De nombreux producteurs ou industriels, en particulier les plus petits, se retrouvent ainsi aujourd’hui dans une situation économique extrêmement difficile, leurs marges ayant été réduites à très peu afin de compenser les baisses de tarifs. Cette situation explique en grande partie l’extrême tension qui prévaut dans les négociations commerciales ». Cette loi a pourtant renforcé les pouvoirs de contrôle et de sanction de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de l’Autorité de la concurrence mais de nombreuses pratiques abusivement persistent et échappent encore à leur vigilance.

Les débats se focalisent beaucoup sur les négociations commerciales annuelles mais celles-ci ne concernent qu’une partie des négociations commerciales agricoles. Selon le rapport d’étape du médiateur des relations commerciales agricoles sur les filières bovine et porcine (51) : « Les modes d’achat de la grande distribution font que celle-ci achète la viande suivant deux procédures : 30 % des volumes font l’objet de contrats annuels ou infra-annuels, tandis que 70 % des volumes sont achetés au jour le jour sur la base des prix du jour. »

Les achats qui échappent aux contrats sont soumis à une plus forte variation des prix, en fonction des quantités offertes et de l’état du marché.

b. Des outils industriels intégrés à la grande distribution

Certains groupements de producteurs ont des contrats d’exclusivité avec un distributeur. Il arrive qu’un distributeur fasse également le choix stratégique de détenir son propre outil industriel d’abattage et de transformation. Cette intégration permet de garantir au distributeur une partie de ses approvisionnements. Cette recomposition du paysage industriel et commercial français de l’intégration de l’amont par l’aval concerne en France les enseignes Les Mousquetaire (Intermarché, Netto, etc.) et E. Leclerc.

En 2011, le groupe Les Mousquetaires détenait soixante unités de production dans l’agroalimentaire, notamment des unités d’abattage et de transformation carnée sous l’entreprise SVA Jean Rozé (Société vitréenne d’abattage), acquise à cette date. Le groupe SVA Jean Rozé est un des principaux abatteurs français. Il réalise un chiffre d’affaires de 1,51 Md€ par an (52). Le groupe E. Leclerc (53) est quant à lui propriétaire des abattoirs Kermené.

Ces intégrations permettent aux enseignes de contrôler leur propre approvisionnement et d’éviter de devoir négocier avec les grands industriels du secteur.

C. LA DÉFIANCE ENTRE ACTEURS DE LA FILIÈRE PÉNALISE LES PRODUCTEURS

1. Un partage de la valeur ajoutée défavorable aux éleveurs

Les relations professionnelles et commerciales entre les acteurs d’une même filière agricole, de l’amont (le producteur) à l’aval (le transformateur et le distributeur), sont au cœur des problématiques de l’élevage.

Nous l’avons vu, la chaîne de commercialisation des produits de l’élevage se caractérise d’abord par une multiplicité d’acteurs à la recherche d’une rémunération. Ces nombreux acteurs captent de la valeur ajoutée et, dans la chaîne de valeur de la filière, dépossèdent les producteurs.

En bout de chaîne, le consommateur est attentif au prix et à la qualité des produits qu’il consomme. Au nom de la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs, les enseignes de la grande distribution se mènent une guerre des prix qui, certes, a bénéficié au consommateur mais qui a surtout brouillé les repères sur le prix de la viande et du lait et a détruit de la valeur pour l’ensemble de la chaîne productrice, transformatrice et commerciale.

L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires a été créé par la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Dans son avant-propos, le rapport de l’observatoire au Parlement en 2015 rappelle que sa création a été justifiée par « l’absence de transparence et plus encore de confiance dans les relations entre acteurs au long de la filière ». L’article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime dispose qu’il « a pour mission d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la formation des prix et des marges au cours des transactions au sein de la chaîne de commercialisation des produits alimentaires, qu’il s’agisse de produits de l’agriculture, de la pêche ou de l’aquaculture ».

L’observatoire remet chaque année au Parlement un rapport qui est un document de suivi de la conjoncture agricole et agroalimentaire et de description de la répartition de la valeur ajoutée entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs. Il s’appuie sur l’analyse des coûts de production agricole, des coûts de transformation et des coûts de distribution.

L’observatoire a été créé dans un contexte de forte variabilité des prix agricole et à la suite de l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie qui a exacerbé la concurrence et favorisé certes le pouvoir d’achat des ménages mais également le pouvoir de la grande distribution.

Ce graphique montre la baisse concomitante des prix agricoles, des prix à la consommation et des prix des produits des industries alimentaires.

INDICE DES PRIX AGRICOLES ET DES PRODUITS ALIMENTAIRES

Source : Observatoire des prix et des marges des produits alimentaires sur la base de l’INSEE.

Dans la partie consacrée aux transferts globaux de valeur dans la filière viande bovine, le rapport au Parlement de l’observatoire relevait qu’« après 3 années d’augmentation de recettes (mais d’augmentation en baisse), le maillon élevage a transféré 257 millions d’euros à l’aval en 2014, par rapport à 2013. Ce transfert résulte d’un effet-prix négatif (– 307 M€) non compensé par un moindre effet volume (+ 50 M€) ».

« Trois chiffres résument la situation : l’agriculture a subi globalement un recul de 5 % de ses prix par rapport à 2013, l’industrie agroalimentaire a vu les siens reculer de 2 % et la grande distribution a subi une baisse de ses prix de vente de seulement 0,7 %, « première baisse annuelle observée depuis plusieurs années », [d’après] le président de l’observatoire » (54).

Même avec une légère baisse du prix de vente des produits alimentaires à la consommation, l’aval, c’est-à-dire la distribution et l’industrie, ont vu leurs marges se reconstituer, voire progresser. Dans les grandes et moyennes surfaces, le rayon boucherie est déficitaire mais il constitue un rayon d’appel sur lequel reposent souvent d’importantes charges de personnel.

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Concomitante à une hausse des coûts de production, cette baisse des prix d’achat des productions agricoles est responsable des faibles revenus des exploitants en 2014. Cette tendance devrait se poursuivre en 2015.

Le constat du déséquilibre dans la répartition de la valeur ajoutée dans la chaîne alimentaire n’est pas qu’un problème français, il est partagé par plusieurs pays européens. La concentration des centrales d’achat de la grande distribution et des grandes industries agroalimentaires, notamment laitières, réduit le pouvoir de négociation des producteurs qui, même regroupés en organisations de producteurs et en coopératives, sont dépendants des débouchés qu’elles offrent pour leurs produits. Selon Phil Hogan, commissaire européen à l’agriculture, « La réalité est que les agriculteurs restent le maillon faible » (55) dans les négociations commerciales au sein de la chaîne alimentaire.

Les annonces de la grande distribution de ces derniers mois (engagement de l’été 2015) pour revaloriser les prix de la viande ont été respectées mais ces prix n’ont pas pu être maintenus sur la durée. Les difficultés des négociations commerciales en février 2016 ont montré que les points de blocages étaient nombreux et que le politique ne peut décider à la place des acteurs économiques.

2. Des organisations interprofessionnelles affaiblies

Du constat partagé par plusieurs organisations au cours des auditions organisées par vos rapporteurs, on peut affirmer que la confiance n’existe plus entre les divers maillons d’une même filière.

Selon l’article L. 632-1 du code rural et de la pêche maritime, « les groupements constitués à leur initiative par les organisations professionnelles représentant la production agricole et, selon les cas, la transformation, la commercialisation et la distribution peuvent, s’ils représentent une part significative de ces secteurs d’activité, faire l’objet d’une reconnaissance en qualité d’organisations interprofessionnelles ». Conformément aux règlements européens, les interprofessions ont été créées pour favoriser l’économie d’une même filière et en donner les orientations. Force est de constater que certaines de ces interprofessions sont grippées faute de vision commune entre participants à une même filière.

Au sein de l’interprofession porcine – INAPORC –, on a constaté le départ de la fédération des industriels charcutiers traiteurs (FICT), maillon essentiel de l’interprofession, à la suite de désaccords concernant notamment l’étiquetage des viandes transformées. Au sein de l’interprofession laitière – le CNIEL (56–, la représentation de la distribution fait défaut.

Vos rapporteurs regrettent d’avoir constaté, au cours de différentes tables rondes réunissant chacune des filières, que le dialogue était d’ores et déjà rompu au sein de plusieurs interprofessions.

IV. LE SECTEUR DE L’ÉLEVAGE A POURTANT ÉTÉ LARGEMENT ENCADRÉ ET SOUTENU PAR LES POUVOIRS PUBLICS

A. AU NIVEAU EUROPÉEN

1. La politique agricole commune

L’agriculture a été au cœur de la création de la Communauté européenne. Prévue dès 1957 par le traité de Rome qui institue la Communauté économique européenne, la politique agricole commune (PAC) naît en 1962. Son but est alors de permettre aux citoyens européens de se nourrir à des prix raisonnables tout en assurant aux agriculteurs un niveau de vie suffisant. L’objectif de sécurité alimentaire est vite atteint et, dès le début des années 1970, la productivité de l’agriculture est telle que sont mis en place des outils de maîtrise de la production en fonction du marché. En 1992, la politique de soutien des prix est réduite au profit d’aides financières directes aux agriculteurs. La réforme de 2003 transforme la PAC en profondeur. Sont instaurés : un système de paiement unique découplé (indépendant de la production) par exploitation et la conditionnalité des aides en fonction du respect de normes environnementales, de sécurité alimentaire et de bien-être animal.

La PAC est divisée entre le premier pilier, dédié au soutien des marchés et des revenus agricoles (75,6 % du budget (57)) et le deuxième pilier, consacré au développement rural (24,4 %).

Alors que la politique de concurrence est primordiale dans l’Union européenne, la PAC bénéficie de dispositions dérogatoires. Comme le relève le rapport d’information de Jean Bizet, au nom de la commission des affaires européennes du Sénat sur la politique agricole commune et le droit de la concurrence (58), entre le titre III du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) consacré à la PAC et les articles 101 à 109 au sein du titre VII qui précise les contours du droit de la concurrence, l’article 42 articule ces deux politiques. Il « dispose que les règles de la concurrence ne sont applicables à l’agriculture que "dans la mesure déterminée par le Parlement européen et le Conseil" et en tenant compte des objectifs de la PAC ». L’auteur de ce rapport ajoute : « Il est important de noter que le mot exception n’est pas utilisé. » Cette dérogation concerne l’article 101 du TFUE relatif aux accords d’entreprises et ententes susceptibles de fausser le jeu de la concurrence.

Aussi le secteur agricole est-il régi par une OCM (organisation commune de marché) unique qui décrit la gestion des marchés, les normes de commercialisation des produits, les échanges de l’Union européenne et les instruments d’aide aux marchés agricoles. L’OCM de 2013, actuellement en vigueur (59), propose des instruments d’intervention et d’amélioration du fonctionnement de la filière.

a. Les outils d’intervention

L’intervention comprend des aides directes et à la production, des subventions aux exportations, des quotas, des mesures de stockage public (achat de denrées par la Commission européenne) ou de stockage privé (par les opérateurs économiques avec des compensations financières).

Sous le premier pilier, quatre types d’aides sont disponibles : le paiement jeunes agriculteurs (pour les agriculteurs de moins de 40 ans ou nouvellement installés), le paiement redistributif (à la discrétion des États membres), le paiement de base (à l’hectare) et le paiement vert. Les aides du deuxième pilier sont les aides au développement rural.

Le graphique suivant montre l’accroissement du volume des aides découplées.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

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Source : Commission européenne – La politique agricole commune, une histoire à suivre

Les outils d’intervention sur les marchés sont aujourd’hui considérés comme des « filets de sécurité » mobilisables seulement en cas de crise importante sur les marchés agricoles.

Toujours présentés comme devant être provisoires, les quotas laitiers ont été instaurés en 1984 et ont pris fin en 2015. Ils ont structuré le secteur pendant 31 ans en limitant l’offre de production (voir supra).

Les mesures exceptionnelles qui demeurent sont celles relatives au stockage public et l’aide au stockage privé, prévus aux articles 8 à 21 du règlement (UE) n° 1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles, précité :

– Des achats publics de beurre et de lait écrémé en poudre (60) sont décidés si les marchés chutent en dessous d’un seuil de référence fixé à l’échelle européenne. Les prix de l’intervention publique sont fixés en dessous des coûts de production afin d’éviter que des producteurs produisent pour l’intervention publique. Le prix d’intervention du lait est fixé à 21,7 centimes. La France considère que ce seuil, inchangé depuis 2007, doit être relevé.

– Des aides au stockage privé sont octroyées si les prix sur l’ensemble des marchés communautaires atteignent un seuil inférieur à un prix de référence tout en risquant de se maintenir à ce niveau. La Commission européenne peut alors décider d’accorder une aide au stockage privé, c’est-à-dire aux producteurs. Cette aide comprend une part pour frais fixes et une part pour les frais d’entreposage. Des aides au stockage concernant le beurre, le lait et la viande de porc ont été mises en œuvre mais, notamment en ce qui concerne le porc, elles ont été peu utilisées par les opérateurs français.

b. Les outils d’amélioration du fonctionnement de la filière

L’OCM unique prévoit également des mesures pour améliorer le fonctionnement des filières. Le règlement déroge à la libre concurrence qui prévaut dans TFUE en permettant le regroupement des producteurs, sur la base du volontariat, en OP (organisations professionnelles). L’objectif est de structurer le secteur de la production en regroupant l’offre afin de rééquilibrer les relations commerciales qu’elle entretient avec les autres acteurs économiques de l’aval.

Le rapport d’information de Jean Bizet sur la politique agricole commune et le droit de la concurrence, précité, en résume les objectifs : « L’OP doit contribuer à la réalisation des objectifs fixés par la réglementation européenne et prouver son utilité par l’ampleur et l’efficacité des services offerts à ses membres. Une OP doit être capable d’exercer effectivement les activités qui lui sont confiées par ses membres. La structure doit avoir notamment pour objet la valorisation de la production agricole de ses membres, l’amélioration de la qualité des produits, le renforcement de l’organisation commerciale des producteurs, ou encore la pérennisation de la production sur un territoire déterminé. Les OP ont pour rôle de réduction des coûts de production et de régulariser les prix à la production. Il s’agit également de renforcer la capacité de négociation des producteurs agricoles dans le cadre strict du respect du droit de la concurrence. »

Les OP et, a fortiori les associations d’OP (AOP) sont un outil fort de stabilisation du secteur par l’organisation de la production.

2. La France est le premier bénéficiaire du budget de la PAC

Pour la période 2014-2020, le budget total de la PAC s’élève à 408,30 Mds€ le premier pilier représente 312,70 Mds€, le deuxième pilier 95,60 Mds€, le reste de l’enveloppe budgétaire est consacré à des soutiens aux exportations.

RÉPARTITION DU BUDGET DE LA PAC 2014-2020

Budget de la PAC 2014/2020 (ue-28)

Total 2014/2020
(Mds€ à prix courants)

%
PAC

Mesures de marchés

17,453

4,3

Paiements directs

291,273

71,3

Mesures de développement rural

95,57

24,4

Total PAC 2014-2020

408,313

100,0

Source : http://www.europarl.europa.eu

La France est le premier bénéficiaire du budget de la PAC qui représente 37,5 % des paiements de l’Union européenne. Dans le cadre de la programmation budgétaire 2014-2020, le budget destiné à la France a été globalement préservé, notamment par rapport aux autres anciens pays membres. La France bénéficie de 9,1 Mds€ par an sur la période (contre 9,3 Mds€ jusqu’en 2013) sur un total de 54 Mds€. La baisse n’est que de 2 %. C’est environ deux fois plus que le budget national français, qui s’élève pour 2016 à 4,7 Mds€ en autorisations d’engagement.

Contrairement aux aides directes et au développement rural, les mesures de marché ne font pas l’objet d’enveloppes budgétaires nationales affectées à l’avance. Ces mesures représentent 4,3 % du budget de la PAC.

En outre, dans le contexte de la crise des filières d’élevage, la Commission européenne a attribué, le 15 septembre 2015, 62,9 M € supplémentaires à la France. Ces crédits de crise ont abondé le plan d’urgence national (voir infra).

B. AU NIVEAU NATIONAL

1. Une fiscalité avantageuse

Pour un panorama exhaustif de la fiscalité agricole applicable aux exploitations d’élevage, vos rapporteurs s’en remettent au rapport d’information de l’Assemblée nationale de M. François André sur la fiscalité agricole (61).

En outre, il convient de relever que le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et le pacte de responsabilité concernent également les secteurs agricole et agroalimentaire. L’ensemble de l’allégement des charges sur le coût du travail permanent et saisonnier atteindra, en 2017, un total de 4,6 Mds€.

Le 17 février 2016, le Premier ministre a également annoncé la baisse de 7 points de charges sociales pour les agriculteurs. Cumulée à la baisse de 3 points des cotisations familiales en vigueur depuis le 1er janvier 2015, cette mesure aboutira à une baisse de cotisations de 10 points. Cette dernière mesure devrait coûter environ 500 M€ au budget de l’État.

L’un de vos rapporteurs, Thierry Benoit, considère que cette fiscalité demeure défaillante et appelle de ses vœux une nouvelle fiscalité agricole permise par l’instauration d’une TVA (taxe sur la valeur ajoutée) sociale.

2. Le plan d’urgence du Gouvernement

Outre les mesures fiscales pérennes, le Gouvernement a mis en place, en 2015 et au début de l’année 2016, des mesures de soutien spécifiques aux filières d’élevage. Ces mesures ont eu pour effet d’alléger les charges des agriculteurs et d’améliorer leur trésorerie dans un contexte particulièrement dégradé.

À l’automne 2015 ont été mises en place des cellules d’urgence qui ont mis en œuvre et centralisé diverses mesures en faveur les éleveurs :

– Fiscalement, des remises gracieuses de taxe sur le foncier non bâti, le report d’échéances d’impôt sur le revenu et sur les sociétés, le choix entre la mensualisation ou le paiement par trimestre de la taxe sur la valeur ajoutée ont été mis en place. 70 000 exonérations ont ainsi été accordées, pour un montant total de 31 M€ ;

– Socialement, trois mesures ont été mises en œuvre. Les agriculteurs ayant eu en 2014 des revenus inférieurs à 4 184 € ont eu la possibilité d’opter pour l’assiette annuelle des revenus au lieu de la moyenne triennale pour le calcul de leurs cotisations sociales. Pour tous les agriculteurs, la cotisation minimum maladie a été réduite à 454 € en 2015 (réduction de 40 % environ). Des prises en charge des cotisations de la mutualité sociale agricole (MSA) sont intervenues pour les éleveurs en 2015. Le coût de ces mesures s’est élevé à 137 M€ en 2015. En 2016, d’autres mesures devraient intervenir : année blanche sociale pour les petits revenus, suppression totale de l’assiette minimum maladie, choix de l’assiette de calcul, etc. ;

– Au niveau bancaire, le budget de l’État a pris en charge une partie des intérêts d’emprunts des éleveurs endettés pour un montant total de 183 M€. Pour les éleveurs qui en font la demande, les prêts bancaires peuvent être restructurés sous la forme d’une « année blanche » leur permettant de ne pas avoir à rembourser leurs annuités bancaires durant une année. 3 000 dossiers ont été recensés.

TROISIÈME PARTIE : L’ÉCLAIRAGE EUROPÉEN

I. L’ESPAGNE

Selon le ministère de l’agriculture, de l’alimentation et de l’environnement espagnol (MAGRAMA), les trois secteurs les plus importants économiquement pour l’agriculture espagnole (62) sont :

– le secteur porcin, le plus important économiquement, qui représente 12,4 % de la production agricole finale et 34,2 % du secteur de l’élevage ;

– le secteur laitier, qui représente 4 % des volumes de lait européens ;

– le secteur bovin, qui représente 5,8 % de la production finale agricole espagnole et 15,35 % du secteur de l’élevage.

L’Espagne se caractérise par une moindre intervention publique, tous secteurs de l’économie confondus. Il n’existe pas, à proprement parler, de politique agricole au niveau national : ce sont les communautés autonomes (63) qui sont responsables de leur politique agricole.

A. UN SECTEUR PORCIN TRÈS COMPÉTITIF, CONCURRENT DES PRODUCTIONS FRANÇAISES

1. Caractéristiques

a. Le deuxième producteur européen de porcs

Le secteur porcin est le secteur de l’élevage espagnol le plus rémunérateur. Avec 26,9 millions de têtes (64), l’Espagne est le deuxième producteur européen de porcs derrière l’Allemagne et le quatrième producteur mondial. 3,59 millions de tonnes de porc ont été produites en 2014. Le développement de la production porcine a accompagné la croissance économique du pays depuis 1990. L’Espagne pourrait, à l’avenir, dépasser le leader allemand.

L’essor de la production est le résultat d’une restructuration du secteur à la suite d’une violente crise sanitaire liée à la peste porcine africaine qui a touché la péninsule ibérique dans les années 1990. Depuis, la production s’est accrue et concentrée. Entre 2007 et 2014, les petites exploitations se sont réduites de 50 % alors que les grandes exploitations de plus de 3 000 porcs ont crû de 20 %.

ÉVOLUTION DE LA PRODUCTION PORCINE ESPAGNOLE

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Les cours du porc sont fixés par huit acheteurs et huit vendeurs à l’issue de négociations hebdomadaires, place Mercolleida à Lérida en Catalogne. Contrairement au marché du porc breton (MPB), la cotation ne peut être suspendue. Toutefois, comme partout en Europe, les prix du porc ont reculé en 2015. Ils ont été en moyenne inférieurs de 10 centimes par rapport aux prix du MPB. À titre d’exemple, le 21 janvier 2016, le porc espagnol était coté à 0,95 € contre 1,09 € à Plérin (65).

Le baromètre INTERPIG a placé l’Espagne en tête des pays les plus compétitifs en sortie d’élevage en Europe. Le coût de production en Catalogne se situait à 1,22 € le kilogramme vif en 2013. Avec la baisse du prix des aliments en 2014, ce coût a diminué à 1,11 € le kilogramme.

Peu productrice de céréales, l’Espagne est fortement dépendante du coût des aliments. Ce coût est important, surtout lorsque, contrairement à la France, le modèle de la polyculture-élevage est peu développé. Outre le fait que l’Espagne est déficitaire en céréales, les périodes de sécheresse ces dernières années ont fait augmenter le cours des céréales.

Avec l’industrie agroalimentaire, le porc espagnol emploie 175 000 salariés et fait travailler 2 millions de personnes.

Facteur socio-culturel majeur, la production porcine, notamment la charcuterie, est très consommée par la population espagnole. Elle est cependant fortement concurrencée par la volaille.

b. Une stratégie exportatrice

Le secteur est autosuffisant à hauteur de 154 % en 2012 (66), ce qui en fait un grand pays exportateur. L’Espagne est le troisième exportateur européen de porc, derrière l’Allemagne et le Danemark. L’Union européenne est elle-même fortement exportatrice puisqu’elle représente 37 % des exportations mondiales.

L’exportation est déterminante dans l’équilibre du secteur (36 % de la production en 2013 (67)). La production de l’Espagne a crû de 8 % de 2003 à 2013 tandis que la consommation interne a reculé de 11 % : ses exportations ont, quant à elles, crû de 84 % sur la même période. La France a augmenté ses achats de porc espagnol de près de 70 % en dix ans. Les importations françaises de porc espagnol ont crû de 7 % en 2015 mais c’est sans commune mesure avec le développement des exportations de l’Espagne vers la Pologne, la Bulgarie et la Roumanie qui ont crû de 40 à 50 % en 2015. Les exportations vers la Chine et la Corée du sud sont également dynamiques. Les industriels ont investi dans des infrastructures de congélation pour satisfaire ces nouveaux marchés.

PROFIL DES ÉCHANGES EXTÉRIEURS ESPAGNOLS EN VALEUR

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L’année 2015 a vu les exportations espagnoles bondir : +17 % sur les neufs premiers mois de l’année (68). En septembre 2015 ces exportations représentaient 890 800 tonnes pour une valeur de 1,95 Md€.

Interrogés sur les conséquences de l’embargo russe, les industriels porcins espagnols rencontrés par vos rapporteurs ont répondu qu’il avait plutôt été un stimulant pour la conquête de nouveaux marchés vers les pays tiers.

La stratégie à l’export est permise par la segmentation de la production et la gestion fine de la valorisation des carcasses. L’Espagne est aussi bien positionnée sur des volumes à bas coût permis par la taille des élevages et les économies d’échelle induites que sur des produits de qualité, haut de gamme, tels que le Pata negra ou l’Ibérico, produits à partir de porc noir. Le porc Ibérico ne représente que 5 % de la production mais fait rayonner l’image de la charcuterie-salaison espagnole à travers le monde.

La production de Serrano (dénomination commune désignant le jambon « de montagne » qui n’est pas nécessairement protégé par un signe de la qualité et de l’origine) bénéficie d’un marketing efficace qui s’appuie sur un bon niveau qualitatif. Certes, les abattoirs espagnols se livrent une guerre sans merci sur le jambon sec mais les niveaux de valorisation permettent à tous de bien se positionner à l’export et du coup d’« écouler » également d’autres pièces qui autrefois ne trouvaient pas preneurs (oreilles et pattes pour les marchés chinois, viande de truie pour l’industrie du pâté en France).

c. Le modèle intégré : « El Pozo Alimentación »

Le groupe espagnol El Pozo alimentación visité par vos rapporteurs est une entreprise agroalimentaire spécialisée dans les produits carnés, en particulier charcutiers. Elle transforme et commercialise des produits carnés essentiellement à base de porc (entre 10 000 et 12 000 porcs abattus chaque jour), de poulet et de dinde. El Pozo appartient au groupe familial agroalimentaire Fuertes.

Le chiffre d’affaires global du groupe a atteint 942 millions d’euros en 2014. El Pozo a augmenté ses ventes en volume de 24,7 % sur l’exercice 2014, soit une augmentation en valeur de 9,1 % par rapport à l’année précédente.

El Pozo fonde sa réussite sur la recherche permanente de compétitivité et de baisse des coûts. Pour cela, l’entreprise s’est concentrée sur la productivité de ses salariés et sur la diffusion de la technologie. Le site d’Alhama de Murcia dispose d’un laboratoire de recherche développement qui comprend 70 salariés.

2. Les clés de la compétitivité espagnole

a. Les structures

L’Espagne compte de nombreuses exploitations qui se sont agrandies avec la forte restructuration du secteur. En dix ans, la concentration s’est accrue : « les dix premiers groupes réalisaient 34 % des volumes en 2003 et 52 % en 2013 » (69). Subsiste aussi un secteur traditionnel en voie de disparition. Les élevages sont dissociés entre des exploitations spécialisées en engraissement et d’autres en naissage. Ces dernières comportent souvent plus de 1 200 truies. L’investissement dans les bâtiments est inférieur aux coûts français et surtout, moins entravé par la législation environnementale.

La production porcine espagnole est fortement intégrée (à hauteur de 80 %). Les intégrateurs (grandes entreprises de production animale) contrôlent la filière de la production d’aliments à l’abattage, puis la transformation. Selon l’IFIP : « en Catalogne, l’intégration domine très largement l’engraissement des porcs, avec 77 % des élevages contre 16 % pour le régime de propriété et 7 % pour le régime de détention en coopératives. A contrario, les truies sont élevées "en propriété" pour 69 % des exploitations, mais on compte 24 % des exportations sous contrats d’intégration (avec des tailles importantes) et 8 % en régime "coopératif" » (70). Selon le ministère de l’agriculture espagnol, rencontré par vos rapporteurs, on distingue trois modèles d’intégration :

1° Un modèle dans lequel l’éleveur est associé à un abattoir transformateur ;

2 Un modèle dans lequel le producteur est associé à une entreprise de génétique qui fournit également l’alimentation ;

3 Un modèle entièrement intégré dans lequel le producteur ne doit fournir que la main-d’œuvre et le bâtiment.

La valeur ajoutée est concentrée entre un petit nombre d’opérateurs. Les intégrateurs passent des contrats avec des éleveurs qui les engagent mutuellement sur plusieurs années à un prix fixe. Les producteurs ne sont donc pas, à court terme, dépendant des achats des industriels puisque ces derniers sont engagés et parties prenantes de la production.

Le secteur industriel est segmenté entre des entreprises moyennes ou grandes, à capitaux familiaux. C’est donc plutôt la structure industrielle qui subit la baisse des prix que les éleveurs eux-mêmes.

b. L’innovation

L’innovation a permis à l’Espagne de gagner en compétitivité ces dernières années. Le secteur a beaucoup investi pour s’adapter à la demande et exporter davantage.

L’innovation et le développement technologique ont accompagné la mise aux normes des exploitations. Les normes européennes sur le bien-être animal ont été l’occasion d’une modernisation générale de la filière en 2013. La performance technique a permis de réduire le coût alimentaire : les quantités sont parfaitement ajustées aux besoins de l’animal. Ainsi, le surcoût alimentaire par rapport aux élevages français s’est réduit de 26 % en 2006 à 9 % en 2013 (71). Il y a 10 ans, pour produire 1 kg de viande de porc il fallait 3,5 kg d’aliments ; aujourd’hui, 2,4 kg à 2,6 kg sont nécessaires. Pour rappel, l’alimentation représente près des deux tiers des coûts de production. Ce gain de coût est d’autant plus important en Espagne que ce pays est très importateur d’aliments composés. L’Espagne est dépendante de l’importation de céréales mais elle a su diversifier ses sources d’approvisionnement avec, outre la France et les États-Unis, les pays de la mer Noire.

L’Espagne a fait le choix de ne pas castrer les porcs. Ceux-ci sont abattus à 95 kilogrammes vif, soit un poids qui permet de se prémunir contre les viandes odorantes.

Enfin, les producteurs espagnols acquièrent de la génétique dans toute l’Europe à des prix compétitifs. Ils disposent également de laboratoires de recherche intégrés à leurs groupes industriels, qui progressent notamment sur l’accroissement du nombre de porcelets par portée : d’après les dirigeants d’El Pozo alimentación rencontrés par vos rapporteurs, il y a 10 ans, une truie donnait naissance à 18 à 20 porcelets par an, aujourd’hui, 30 porcelets.

c. Le coût de la main-d’œuvre et la flexibilité du travail

Le modèle de l’intégration permet à l’Espagne d’obtenir des coûts de production très bas. En outre, l’Espagne bénéficie de coûts salariaux modestes et d’une bonne flexibilité du travail.

Le salaire minimum espagnol s’élève à 760 € par mois, bien inférieur au SMIC français. Une étude de 2012 de l’IFIP évaluait le coût total de la main-d’œuvre pour abattre et élaborer un kilo de porc à 0,07 € / kg en Espagne contre 0,08€/kg en France. Il existe une convention collective d’application générale dans l’industrie de la viande précisant le niveau minimal de rémunération et de protection sociale des salariés. Le recours à une main-d’œuvre étrangère est répandu, même si c’est moins le cas depuis 2008 et la crise économique qui a porté le taux de chômage agricole à 28 %.

La flexibilité de l’organisation du travail permet à l’industrie de la découpe et de l’abattage d’ajuster son activité à la demande et d’éventuellement être en activité 12h par jour, 6 jours par semaine. Depuis la réforme du marché du travail de 2012, la priorité a été donnée à la convention d’entreprise plutôt qu’aux conventions de niveau supérieur, ce qui permet de la flexibilité.

Il n’existe pas de données officielles mais les économistes estiment que le travail dissimulé représente entre 25 et 30 % du volume travaillé dans le secteur de l’agriculture (il concerne surtout les fruits et légumes).

La modération salariale est à relativiser et la tendance est au rapprochement des coûts salariaux européens, notamment avec la généralisation des revenus minimum. Vos rapporteurs considèrent que le rattrapage demeure insuffisant.

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B. UN SECTEUR BOVIN LAITIER COMPARABLE À CELUI DE LA FRANCE

1. Caractéristiques

a. Une production extensive et intensive à la fois

En 2013, le secteur du lait de vache espagnol, qui compte 840 000 vaches, représente en valeur 6,1 % de la production agricole du pays et 17,1 % du secteur de l’élevage. Le chiffre d’affaires s’élève à 2,71 Md€/an en moyenne. Il emploie 30 500 unités de travail annuel au sein de 21 000 exploitations.

Le secteur bovin laitier espagnol est concentré dans les zones humides des communautés autonomes du nord-ouest, qui produisent 80 % du volume national. Le reste de la production est fait sur les plateaux centraux et en bordure méditerranéenne.

Les exploitations espagnoles sont réparties entre le modèle intensif (14 % des exploitations ; 30 % de la production) en Castille et Léon, en Andalousie et Catalogne et le modèle extensif (76 % des exploitations, 54 % de la production) en Asturies, en Cantabrie et en Galice.

Dans le modèle intensif, de grandes exploitations achètent à l’extérieur la quasi-totalité de l’alimentation des animaux : elles sont très sensibles aux variations des cours des matières premières (céréales et soja) mais leur taille et leur adossement à des coopératives d’achat puissantes leur assurent des économies d’échelle. Ces exploitations font preuve d’une bonne compétitivité.

Dans le modèle extensif, des exploitations familiales sont adossées à des surfaces herbagères : du fait de leur faible structuration, elles sont soumises à d’importants frais de collecte du lait. Le modèle longtemps paternaliste a confronté des petits producteurs, ne bénéficiant pas du soutien d’organisations professionnelles, aux industriels. La tendance est au regroupement des producteurs qui ne veulent plus être perçus comme des clients des industriels mais comme des fournisseurs. Les exploitations les plus isolées craignent que l’industrie laitière arrête de collecter le lait dans les zones les plus reculées.

La caractéristique du secteur laitier est la concentration de la production, intensive et sans autonomie alimentaire. La conséquence est une forte sensibilité des exploitations au rapport entre le prix des aliments et le prix du lait. Le secteur bovin laitier a connu le même mouvement de concentration et d’augmentation des volumes de production par exploitation par le biais d’une restructuration au cours de ces vingt dernières années.

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’EXPLOITATIONS
ET DE LA PRODUCTION LAITIÈRE MOYENNE PAR EXPLOITATION

Source : FEGA - SIGLAC

b. Une faible transformation

Le lait cru récolté dans les élevages espagnols est destiné pour les deux tiers à la consommation de lait non transformé, et pour un tiers seulement à la transformation. C’est une des difficultés économiques de la filière laitière espagnole qui fabrique moins de produits à forte valeur ajoutée que le secteur laitier français et ne permet donc pas de pratiquer des prix plus attractifs pour les producteurs. En termes de consommation, le lait liquide est un des produits de base du panier des ménages. Il représente 56 % de la consommation totale des produits laitiers, les fromages ne totalisant que 14 %.

Trois opérateurs français sont très implantés en Espagne : Lactalis Iberia, leader du secteur (1,1 Md€ de chiffre d’affaires en 2014, grâce au rachat du groupe Puleva en 2010) ; Danone (1,01 Md€ de chiffre d’affaires) et les fromageries Bel (seulement 63 M€ de chiffre d’affaires mais elles bénéficient d’une forte image de la marque). Au premier semestre 2015, Bongrain a revendu sa participation dans CAPSA (713 M€ de chiffre d’affaires) et Senoble a cédé son implantation espagnole. Les opérateurs français sont fréquemment la cible du mécontentement des producteurs de lait espagnol, qui estiment que nos opérateurs souhaitent, par des prix d’achat en dessous des coûts de production, provoquer la faillite des exploitations agricoles pour favoriser les importations françaises.

c. L’Espagne est importatrice nette

Le quota national de 6,557 millions de tonnes (2014-2015), soit 4 % de la production de l’UE, ne permettait pas de satisfaire les besoins de la consommation intérieure (estimée à plus de 9 millions de tonnes). L’Espagne a largement recours aux importations de lait (de France, d’Allemagne et des Pays-Bas) ce qui induit une forte pression sur les producteurs. L’Espagne a toujours produit moins que ses besoins, elle est le sixième producteur européen.

À titre d’illustration, la production nationale espagnole est équivalente à la seule production de la coopérative française SODIAAL.

ÉCHANGES DE PRODUITS LAITIERS AVEC LA FRANCE

Source : Datacomex

2. Conjoncture

a. Un secteur en crise

La conjoncture très défavorable du marché laitier européen touche également l’Espagne. En moyenne, le prix du litre de lait est passé de 36,9 centimes en avril 2014 à 30,3 centimes en juin 2015. Par ailleurs, les régions possédant de petites exploitations sont plus durement touchées par la crise actuelle (différentiel de prix de 25 % entre la Galice et l’Andalousie).

Les prix sont différents entre les régions : la Galice et les Canaries sont par exemple en surproduction à 27/28 centimes le litre tandis que l’Andalousie et la communauté autonome de Valence obtiennent des prix plus rémunérateurs à 34 centimes le litre. Les marchés sont régionaux. C’est surtout du lait liquide qui est produit et consommé : les contraintes de transport rendent ainsi difficiles et coûteux les transits. La tendance est au rapprochement des productions des industries de transformation.

Les volumes ont baissé de 4 % sur la période janvier-mai 2015 par rapport à la même période de l’année précédente et en dépit de la fin des quotas. Les producteurs en crise sont surtout ceux qui ont trop investi par rapport à leurs capacités de production. L’Espagne connaît davantage un problème de sous-production que de prix.

b. La gestion de la fin des quotas

Avec la fin des quotas laitiers européens, le ministère de l’agriculture espagnol a mis en place un plan de mesures de soutien au secteur laitier, signé le 23 septembre 2015 (72), qui comprend le recueil d’informations relatives aux coûts de production et aux marges nettes des producteurs. Le recueil des informations devrait permettre aux producteurs et laiteries de prendre les bonnes décisions. Ces informations permettent également de disposer d’indices de prix pour la rédaction des contrats laitiers. À ces informations s’est ajoutée l’obligation de souscrire des contrats de longue durée (au moins un an) entre le producteur et le premier acheteur.

De nombreuses manifestations d’éleveurs ont eu lieu en 2015, principalement en Galice, pour protester contre les difficultés du secteur et les prix du lait, inférieurs aux coûts de production. La ministre espagnole de l’agriculture de l’époque, Isabel García Tejerina, a défendu une position similaire à celle défendue par la France devant les institutions européennes, à savoir l’augmentation temporaire des prix d’intervention du lait en poudre écrémé et du beurre, afin de pouvoir procéder à des retraits significatifs de produits et augmenter ainsi les cours au niveau communautaire.

C. UN SECTEUR BOVIN VIANDE ATOMISÉ

1. Caractéristiques

La filière viande bovine ne concerne que 15 % des productions animales espagnoles. Elle a connu une augmentation constante jusqu’en 2004. Depuis, la production est stable voire en régression. En 2015, le cheptel s’établissait à 6 millions de têtes : 850 000 vaches laitières, 2 millions de vaches allaitantes, le reste étant constitué de génisses de renouvellement, de broutards et de bovins à l’engrais.

Comme en France, le nombre d’exploitations a connu une diminution au cours des dix dernières années mais sans pour autant qu’il y ait une chute du volume de production : ces éléments traduisent une plus forte concentration de la production dans des exploitations de taille supérieure. L’Espagne compte 153 000 exploitations (dont 22 000 laitières).

Les exploitations de naissage se situent soit dans le sud-ouest avec de grands troupeaux extensifs en Estrémadure et en Andalousie, soit dans la corniche cantabrique. Ces exploitations sont peu productives car la reproduction et le vêlage se font naturellement. Les races sont disparates et la main-d’œuvre peu qualifiée. Les investissements y sont peu nombreux et le modèle, artisanal, est très dépendant des aides : primes à la vache allaitante et aides pour l’amélioration de la qualité de la viande et la sauvegarde des races pures.

Les activités d’engraissement intensif sont nombreuses en Catalogne et en Aragon, au plus près des zones de production de céréales et des ports de commerce. Ces activités sont intensives et très professionnalisées. Les cycles sont courts, les bovins étant abattus entre 9 et 15 mois pour 200 à 400 kg de carcasse. Le secteur développe des structures peu coûteuses mais est très dépendant du coût des matières premières et des achats de veaux maigres. L’Espagne importe des animaux vivants (près de 600 000 têtes en 2014), essentiellement depuis l’Union européenne. La France en est le premier pays fournisseur : 43,61 % du bétail importé par l’Espagne. Ce bétail est destiné à l’engraissement (la moitié des importations concernent des veaux de moins de 80 kilogrammes) et à la reproduction.

L’Espagne est le cinquième pays producteur de viande bovine en Europe. 22 % de la production bovine carnée espagnole a été exportée en 2014 : 91,16 % de ces exportations se font vers l’Union européenne (essentiellement vers le Portugal), dont 17,78 % vers la France.

2. Conjoncture

La situation économique du secteur est comparable à celle de la France : les prix de vente sont bien inférieurs aux années précédentes mais le ministère de l’agriculture souligne que le faible prix de l’alimentation animale a permis de ne pas trop entamer les marges des producteurs.

La consommation de viande bovine en Espagne est très différente de celle de la France. Les Français mangent surtout du veau et de la viande rouge alors que les Espagnols ne consomment pas du tout de veau blanc, peu de viande bovine mature et majoritairement de la viande de jeunes bovins de boucherie. La consommation de viande de bœuf est en constante diminution ce qui peut s’expliquer, comme dans le reste de l’Europe, par le changement des habitudes alimentaires et par le coût de cette viande, plus élevé que celui des autres viandes. Ce facteur est d’autant plus important en Espagne, pays qui a été très touché par la crise économique depuis 2008. D’après le ministère de l’agriculture espagnol (73), la consommation de viande de bœuf a reculé de 6,02 % en 2014 par rapport à 2013 et de 23 % entre 2008 et 2014.

D. UN SECTEUR AVICOLE EXPORTATEUR

La production est répartie entre la production de viande et celle d’œufs.

Les volailles à viande représentent 15,3 % des animaux élevés, pour un montant de 2,55 Mds d’euros. La viande, pour 95 %, provient d’élevages intégrés qui assurent toutes les phases de la production. Cette viande est surtout destinée au marché local. Les exportations sont destinées aux marchés français et portugais (70 % de l’exportation) et sont aux deux tiers constituées de poulets. Dans ce secteur, l’Espagne est autosuffisante à hauteur de 98,3 %.

Les volailles à œufs représentent 8,17 % des animaux élevés, avec une production de 1,026 million d’œufs. Ce secteur repose à la fois sur les poules en cages, mais également sur d’autres modes d’élevage (plein air, plein air bio, dans des hangars hors cages) qui représentent 40 % du total des fermes. Les exportations sont principalement à destination de la France, de l’Italie et de l’Allemagne.

E. UN SECTEUR OVIN EN RÉGRESSION

L’Espagne partage avec le Royaume-Uni une spécialisation dans le secteur ovin.

La production est répartie entre la production de viande et la production de lait. Cet élevage est en diminution. Il compte pour 8 % des animaux élevés et ne représentait plus que 1,7 % de la production agricole espagnole en 2013.

La production laitière représente pour 13 % de la production espagnole et 25 % de la valeur dégagée. Elle reposait sur 114 902 fermes en 2014. Ce secteur, dépendant des exportations, connaît aussi des améliorations en termes de productivité, avec notamment l’introduction de races étrangères.

La production de viande représente 37,5 % du total produit en Europe. Les 600 000 tonnes produites sont réparties entre les six appellations d’origine géographique. Les exportations se destinent à hauteur de 97 % aux États membres de l’Union européenne et ce secteur a dégagé 147,4 M€ en 2013.

II. L’ALLEMAGNE

A. LES ÉLEVAGES ALLEMANDS : SPÉCIALISATION ET EXPORTATIONS

1. Géographie et restructuration

En Allemagne les fermes se caractérisent par un degré élevé de spécialisation mais qui dépend principalement des régions et des installations de productions. Aujourd’hui, le nombre de petites fermes diminue rapidement, particulièrement dans le sud de l’Allemagne : entre 2007 et 2013, 39 200 éleveurs ont cessé leur activité, soit une baisse de 3 % par an. Le cheptel moyen par exploitation bovine est proche de celui de la France : 57 vaches. En revanche, les exploitations porcines sont bien plus grandes : 1 084 porcs par exploitation en moyenne.

En 2013, l’Allemagne comptait 199 200 exploitations agricoles avec élevage, soit 70 % du nombre total d’exploitations agricoles.

Les cartes suivantes illustrent la concentration régionale d’exploitations d’élevage en Allemagne. Une concentration croissante peut être constatée au nord-ouest de l’Allemagne. Dans cette région, la densité de volailles, de porcs, de bœufs et de vaches laitières est élevée.

CONCENTRATION GÉOGRAPHIQUE DES ÉLEVAGES BOVINS, PORCINS ET DE POULES

Source : Ambassade de France à Berlin

L’ESPACE AGRICOLE ALLEMAND (74)

La production porcine est très présente dans les Länder de l’Ouest, en particulier en Rhénanie et en Basse-Saxe.

LE TABLEAU SUIVANT MONTRE LE NOMBRE MOYEN D’ANIMAUX
PAR TYPE D’EXPLOITATION

 

Lait (données 2015)

Porc (données 2015)

Volaille (données 2013)

Nombre moyen d’animaux par exploitation

75 000 exploitations pour 4,3 M vaches

En moyenne :
57 vaches/exploitation

25 900 exploitations
pour 28,1 M porcs

En moyenne :
1084 porcs/exploitation

58 700 exploitations pour 177 M de volailles

En moyenne :
3015 volailles/exploitation

Exploitations de plus de 200 animaux

3 000 = 3%

concentrant
24 % du cheptel

-

Les poulets de chair viennent quasi exclusivement d’élevages de plus de
10 000 animaux,
et 53 % du cheptel de poules pondeuses sont concentrés dans les 200 plus gros élevages du pays, chacun d’entre eux élevant au minimum 50 000 volailles.

Exploitations de plus de 500 animaux

en 2013 :

500 = 0,6 %

6 500 = 24 %

Exploitations de plus de 1 000 animaux

Effectifs réduits mais assez courant en ex-Allemagne de l’Est

6 700 = 26 %

concentrant 33 % du cheptel

Exploitations de plus de 2 000 animaux

-

2 300 = 9 %

concentrant 24 % du cheptel

Exploitations de plus de 5 000 animaux

-

500 = 2 %

concentrant 19 % du cheptel

Source : Ambassade de France en Allemagne

Depuis 2014, la baisse des prix aux producteurs intensifie une situation économique tendue. En décembre 2015, 7 800 agriculteurs ont sollicité l’aide financière de l’Institut fédéral de l’agriculture et de l’alimentation (BLE).

Selon le rapport annuel 2014/2015 de la fédération des agriculteurs allemands (DBV), rendus publics le 8 décembre 2015, le bénéfice moyen des exploitations a chuté de 35 % par rapport à 2013/2014, pour s’établir à 43 300 € (contre 66 400 € en 2013-2014). En moyenne, un agriculteur arrive à un revenu de 2 500 € bruts par mois, soit 30 000 € par an. L’embargo russe, un ralentissement marqué de la demande dans certains pays d’Asie et, de façon générale, « des marchés internationaux bien approvisionnés » sont à l’origine de cet « écroulement du marché », selon Joachim Rukwied président de la fédération.

L’Allemagne subit les mêmes difficultés que les élevages français mais elle est mieux armée pour y faire face dans la durée.

2. La filière porcine « plaque tournante de l’Union européenne » (75)

La production porcine allemande a augmenté de 29 % entre 2000 et 2014 (76), atteignant à cette date 5,04 millions de tonnes équivalent carcasse (contre 2,2 millions de tonnes en France).

Le secteur de l’engraissement des porcs a fortement augmenté jusqu’en 2014, bien que le nombre de truies ait nettement diminué dans le même temps. En 2015, face à la situation actuelle du marché, le nombre de porcs en Allemagne a baissé jusqu’à 28,23 millions de têtes, ce qui représente le niveau le plus bas de production enregistré depuis 2011.

La filière s’est structurée autour du dispositif QS « Qualität und Sichereit » (qualité et sécurité), le système allemand de certification de tous les produits pour la gestion de la qualité de la viande.

Thierry Pouch, dans « L’Allemagne et sa mutation agricole » analyse le redressement de la production porcine au travers de quatre facteurs.

1° « D’abord une très profonde restructuration des industries d’abattage associée à une compression du coût du travail » (voir infra) ;

2° « [Les] politiques publiques qui ont manifestement été plus enclines à soutenir l’élevage porcin, en particulier sous l’angle de l’assouplissement de la législation environnementale » (voir infra) ;

3° « L’organisation de l’engraissement des porcins a constitué un troisième facteur de succès de la filière. Il s’ensuit qu’une véritable segmentation européenne de la production agricole s’est instaurée depuis les années 2000 » ;

4° « [Le] développement des énergies de substitution. L’intensification des élevages porcins s’est caractérisée par une valorisation des effluents d’élevage sous forme de biogaz permettant de produire de l’électricité, dans le cadre de la nouvelle politique énergétique allemande. Au-delà de la seule filière porcine, les soutiens publics aux productions d’énergies renouvelables par les agriculteurs se sont montés en 2011 à 6 Mds€. » Dans le cadre de son programme de sortie du nucléaire d’ici à 2025, l’Allemagne a mis en place un plan de production d’électricité par la méthanisation des effluents d’élevage. Cette production électrique est très bien rémunérée. Elle permet de diversifier les revenus des agriculteurs qui en ont bien besoin en période de crise.

3. La filière bovine

En 2015, on comptait 12,6 millions de bovins en Allemagne, représentant 12 % de la viande bovine produite dans l’Union européenne. Le cheptel bovin dépend étroitement des effectifs de vaches laitières.

Les effectifs bovins sont en diminution depuis 1990 même si on constate, depuis 2013, un redressement de la production. Selon Thierry Pouch (77), le redressement « est le résultat de progrès techniques appliqués aux élevages, que ce soit dans l’amélioration génétique des races de bovins, dans les composants des aliments destinés au bétail, ou encore dans l’organisation du travail des éleveurs. De plus, le secteur de la viande bovine a pu être le bénéficiaire d’aides à l’investissement, provenant à la fois de l’État fédéral et des aides dites du second pilier de la PAC (dont les dépenses sont destinées au développement rural), aides qui ont contribué à l’agrandissement des élevages de bovins ».

La production laitière allemande a reculé de 17 % entre 1990 et 2011. L’Allemagne produit annuellement 28 millions de tonnes de lait, notamment en Basse-Saxe et en Bavière, qui assurent 50 % de la production nationale. L’Allemagne a fait le choix, en 2006, de rendre cessibles les quotas laitiers, y compris d’un Land à l’autre, (contrairement à la France qui a préféré garantir une production équilibrée sur l’ensemble du territoire), ce qui a eu pour effet une concentration de la production.

Plus de 60 % de la quantité totale de lait produit sont fabriqués par les coopératives laitières. Les fermes comptant plus de 1 000 vaches ne sont pas rares.

4. La filière avicole

En 2013, on comptait en Allemagne près de 177 millions de volailles, deuxième production nationale derrière le porc. Elle est la seule production qui n’a pas régressé après la réunification et, au contraire, elle ne cesse de progresser depuis.

En 2013, le nombre moyen de volailles par ferme s’établissait à 3 015 têtes. Les élevages comportent des bâtiments de 2 000 m2 en moyenne, ce qui permet de fortes économies d’échelle grâce à la concentration des productions. La production avicole (60 % poulet et 40 % dinde) est fortement intégrée à l’aval et la stratégie de la filière clairement tournée vers les exportations qui, selon Thierry Pouch (78), ont augmenté de 543 % entre 1996 et 2012, en particulier vers les Pays-Bas, la France, l’Italie et le Royaume-Uni. L’Allemagne assure 10 % des exportations de l’Union européenne dans cette filière.

B. UNE PUISSANCE EN MUTATION

1. Une main-d’œuvre à bas coûts

a. Les travailleurs détachés

Les travailleurs détachés représentent 18 % de la masse salariale en viande de boucherie et 43 % en viande de volaille. Comme le souligne l’avis du Conseil économique, social et environnemental sur les travailleurs détachés présenté le 22 septembre 2015 (79), « Ce sont les détachements transfrontaliers vers l’Allemagne en provenance de ses voisins de l’Est qui ont le plus fortement augmenté ». Ainsi, « l’industrie allemande des abattoirs a pu profiter d’un afflux de main-d’œuvre bon marché ».

En 2013, l’Allemagne employait 65 % de travailleurs détachés de plus qu’en 2010. Le rapport précité ajoute : « En 2013, selon les statistiques établies par la Commission européenne à partir des formulaires de sécurité sociale, 373 666 détachements avaient été dénombrés sur le territoire allemand (contre environ 225 000 en 2010), tandis que 182 219 détachements avaient été enregistrés à destination de la France (contre un peu plus de 150 000 en 2009). Le décrochage de l’Allemagne du groupe des pays très utilisateurs de main-d’œuvre détachée est à mettre en relation directe avec la progression très nette de la Pologne, la Roumanie et la Hongrie parmi les contributeurs nets à la main-d’œuvre détachée ces mêmes années ».

L’industrie allemande de la viande a pu très largement en bénéficier du fait de l’absence, jusqu’à une période très récente, de salaire minimum.

b. La mise en place récente d’un salaire minimum

L’instauration d’un salaire minimum national est partiellement applicable depuis le 1er janvier 2015 mais un délai d’application ne rendra le dispositif pleinement effectif pour la branche agricole que le 1er janvier 2017. Selon le tableau comparatif des salaires entre les sept pays interrogés et la France annexé au rapport n° 2015-009R de l’Inspection générale des affaires sociales et n° 14143 du conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux sur la réalité des écarts de compétitivité dans les secteurs agricole et agroalimentaire liés au coût du travail avec certains pays européens et analyse des dispositifs de protection sociale des salariés et des non-salariés, le salaire minimum horaire dans l’agriculture en 2015 s’est établi entre 7,20 € et 7,40 € en 2015 et augmentera petit à petit à 9,10 € en 2017. Le secteur découpe et abattage de viande verra le salaire minimum augmenter de 8 € à 9,10 €.

À partir de 2017, les salaires minimaux conventionnels ne pourront plus être inférieurs au salaire minimum national.

Le rapport précité indique que, pour le président de l’Union des agriculteurs allemands (DBV), M. Ruckwied, l’instauration d’un salaire minimum s’accompagne de lourdeurs administratives. Il cherche à obtenir des dérogations pour le secteur agricole et ne manque pas de comparer le salaire minimum allemand au salaire minimum polonais, qui s’élèverait à seulement 2,21 €.

2. La préoccupation environnementale et du bien-être animal

L’augmentation de la production porcine allemande s’est faite au sein d’élevages très intensifs qui ont l’image d’une production industrielle, renforcée par les flux d’animaux vivants en provenance de la France, des Pays-Bas ou du Danemark. La production est géographiquement concentrée.

Les producteurs ont pris conscience de l’importance de l’image de la production porcine chez des consommateurs et des risques de durcissement de la réglementation et de baisse de la consommation. Les consommateurs sont au fait de l’utilisation des antibiotiques, des conditions d’abattage et des conséquences environnementales (odeurs, bruits, éléments pathogènes) de cette production.

Christian Roguet et Michel Rieu ont détaillé dans « La filière porcine allemande face aux demandes de société : des labels privés à l’initiative collective » (80) ces demandes de la société et les réponses de la filière.

Certaines coopératives ont mis en place un étiquetage sur le bien-être animal pour la viande fraîche et les saucisses : « Aktion Tierwohl » (Action bien-être) chez Westfleisch et « Für Mehr Tierschutz » (Pour plus de protection animale) chez Vion. Mais ces labels n’ont pas réussi à dépasser le stade de la niche de marché. L’Allemagne a alors lancé une initiative plus large, en 2012, « Initiative zum Tierwohl » (Bien-être animal) qui associe tous les acteurs de la filière : producteurs, abatteurs, découpeurs, et organisations non gouvernementales (ONG). À terme, cette initiative devrait concerner un porc sur trois.

Les auteurs relèvent quatre facteurs de réussite de ces initiatives : « 1) maintenir le dialogue politique pour éviter un durcissement de la réglementation qui ferait échouer la démarche ; 2) associer les distributeurs pour le financement des surcoûts et les ONG pour une communication crédible ; 3) motiver les éleveurs qui doutent de la pérennité de la compensation des surcoûts ; 4) sensibiliser les consommateurs au fait que le bien-être animal a un prix ».

Les citoyens allemands critiquent le modèle intensif. La critique a trouvé un relais auprès des ministres de l’agriculture de certains Lander et du parti écologiste allemand (Die Grünen). L’Allemagne porte régulièrement cette préoccupation auprès des institutions européennes.

QUATRIÈME PARTIE : LES RAISONS D’ESPÉRER

I. MIEUX S’ORGANISER, RÉGULER LA PRODUCTION ET RÉÉQUILIBRER LES RELATIONS COMMERCIALES

A. MIEUX S’ORGANISER

1. Relancer les interprofessions et favoriser les regroupements de producteurs pour définir une stratégie

Vos rapporteurs ont clairement établi le constat des difficultés des acteurs économiques des différentes filières. Pour faire face, il faut que les interprofessions se réinvestissent dans la construction d’un dialogue qui permettra le rétablissement de la confiance, base de toute relation commerciale. Certes, on ne peut forcer les acteurs économiques au dialogue mais parvenir à maintenir un espace de discussion au sein de chaque filière est essentiel à la compréhension mutuelle des intérêts de chacun.

Proposition : faire en sorte de rétablir le dialogue au sein des organisations interprofessionnelles

Les interprofessions doivent rassembler l’ensemble des maillons d’une filière, du producteur au distributeur.

Les interprofessions peuvent conclure des accords professionnels contraignants pour leurs adhérents. Par décision administrative, ces accords peuvent également être rendus obligatoires, pour une durée limitée, à tous les membres de la filière, même à ceux n’appartenant pas à l’interprofession.

Un élargissement des interprofessions ne forcera pas à la confiance entre les acteurs mais favoriserait, dans un premier temps, le dialogue et la définition de stratégies inclusives des intérêts de chacun pour ne plus subir les stratégies commerciales des concurrents de la France.

Proposition : travailler à des interprofessions « longues », c’est-à-dire, lorsque ce n’est pas déjà le cas, étendre les organisations interprofessionnelles à la distribution et à l’industrie de la transformation

Au-delà de la poursuite des regroupements de producteurs sous la forme d’organisations de producteurs, il convient de renforcer la mise en commun de leurs démarches commerciales. Dans la filière laitière, des producteurs ont créé une association d’organisations de producteurs du Grand Ouest (AOP Grand Ouest (81)) afin de mettre sur le marché, en commun, un plus grand nombre de produits et de mieux peser dans les négociations commerciales. Vos rapporteurs partagent leur volonté de voir reconnue la compétence des OP en matière de négociation contractuelle collective.

Propositions :

– poursuivre le renforcement du rôle des organisations de producteurs et favoriser le développement des associations d’organisations de producteurs ;

– favoriser la création, par les organisations de producteurs, de plateformes de commercialisation communes

Dans la même logique, les interprofessions doivent favoriser le regroupement de l’offre à l’export afin que les producteurs ne partent pas à la conquête de nouveaux marchés avec des petits volumes et un faible pouvoir de négociation.

Proposition : favoriser le regroupement, par les interprofessions, des offres commerciales à l’export et faire en sorte qu’elles créent une stratégie commerciale structurée et pérenne

2. Réinvestir la coopération agricole

Certains éleveurs ont le sentiment que quelques coopératives agricoles font passer leur stratégie commerciale avant l’intérêt de leurs adhérents. Les coopératives sont des instances démocratiques où sont entendues toutes les voix qui s’expriment. Elles représentent la volonté des agriculteurs de se structurer et jouent un rôle déterminant.

Proposition : Encourager les éleveurs à s’investir dans la définition des orientations stratégiques des coopératives dont ils sont membres

3. Mettre en place des stratégies régionales

Les plans régionaux de l’agriculture durable (PRAD) définissent, à l’échelle d’une région, les grandes orientations de la politique agricole agro-alimentaire et agro-industrielle de l’État dans la région, en tenant compte des spécificités des territoires ainsi que de l’ensemble des enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Ces PRAD constituent les outils idéaux pour la définition d’une politique de filière des produits de l’élevage. Mais cette politique régionale doit également être relayée par les professionnels.

Propositions :

– exiger des régions, en lien avec les autres collectivités territoriales, qu’elles mettent en œuvre des stratégies territoriales en faveur de la compétitivité des filières d’élevage

– définir des objectifs de production et une politique de filière par région

– orienter et accompagner les associations de producteurs pour les aider à répondre aux appels d’offres régissant l’approvisionnement de la restauration hors foyer

B. RÉAGIR À LA CRISE ET RÉGULER LA PRODUCTION EUROPÉENNE

1. Accroître les aides d’urgence

Les aides d’urgence constituent le système le plus rapidement mobilisable en cas de crise. Elles sont soumises au règlement de minimis, renégocié en 2013 (82) qui prévoit des « aides octroyées à des entreprises uniques sur une période donnée et [n’excédant] pas un montant fixe déterminé ». En matière agricole, ces aides peuvent concerner des prises en charge de cotisations sociales, des mesures d’allègement des charges financières, ou encore des aides directes aux exploitations touchées par une crise d’une particulière gravité. La réforme a permis de multiplier le plafond des aides par deux (7 500 € auparavant contre 15 000 € aujourd'hui) et d’adapter les plafonds nationaux. Compte tenu de l’ampleur de la crise, ces plafonds devraient pouvoir être de nouveau augmentés.

2. Mobiliser les outils d’intervention européens

Les outils de régulation de la production en cas de crise (voir supra), notamment porcine et laitière, permis par les articles 8 à 21 du Règlement (UE) n° 1308/2013 portant organisation commune des marchés (OCM) des produits agricoles doivent être utilisés. Il faut approfondir cette voie en demandant à la Commission de relever les prix d’intervention publique et les aides au stockage privé. Compte tenu des disparités des prix et du pouvoir d’achat entre États membres, les seuils de référence et les prix d’intervention doivent également pouvoir être révisés.

L’OCM prévoit, notamment dans ses articles 219, 221 et 222, des clauses pour mesures exceptionnelles qui peuvent être activées en cas de crise de surproduction, caractéristique de la crise actuelle.

L’article 219 permet à la Commission de prendre des actes délégués pour parer à des menaces de perturbations du marché, ou pour empêcher une telle situation de s'aggraver, « dès lors que toute autre mesure pouvant être appliquée en vertu du présent règlement apparaît insuffisante ». C'est sur la base de cet article que la Commission a adopté jusqu'ici les mesures destinées à répondre à la situation de crise constatée sur les marchés laitiers : aides directes et mesures exceptionnelles de stockage privé.

L’article 221 permet à la Commission de prendre des actes d'exécution susceptibles de déroger aux règles de l'OCM. Il est précisé que de tels actes ne sont adoptés que s'il n'est pas possible d'adopter les mesures nécessaires sur la base de l'article 219.

Enfin, l'article 222 permet à la Commission d’autoriser les organisations de producteurs, leurs associations et les organisations interprofessionnelles reconnues de déroger aux règles de la concurrence en période de déséquilibre grave sur les marchés. Ces actions peuvent être, par exemple, la mise en place de certaines actions et notamment « g) planification temporaire de la production tenant compte de la nature spécifique du cycle de production ». Ces mesures sont prises sur la base du volontariat Le 14 mars 2016, la Commission européenne a autorisé l’utilisation de cette mesure, à la demande de la France. Mais pour qu’elle ait un effet, il faut que cette mesure soit largement suivie et suffisamment incitative. Les autres états membres n’ont pas l’obligation d’y avoir recours.

La responsabilité de l’orientation du volume des productions est entre les mains des producteurs mais, outre les professionnels, de l’échelle régionale à l’échelle européenne, des mécanismes de responsabilisation peuvent être mis en place et associer l’ensemble de ces intervenants à la prise de décision.

L’European Milk Board auditionné par vos rapporteurs a développé la recommandation suivante : la mise en place d’un programme de responsabilisation face au marché. Ce programme, qui allie surveillance et intervention réactive, est destiné à être activé lorsque le marché du lait est déséquilibré. L’observatoire européen du lait, devenu agence de surveillance active, établirait un indice de référence (cours des produits, prix du lait, coûts de production) permettant, en fonction du degré d’alerte, d’activer des mesures réactives de régulation volontaire ou obligatoire de la production.

Propositions :

– relever le plafond de minimis sur les aides d’État permettant la mise en place d’aides d’urgence nationales plus importantes.

– activer, par les États membres et en cas de crise, les outils de régulation de la production existants (articles 8 à 21 et 219, 221 et 222 de l’OCM) ;

– réviser de façon pérenne les seuils de référence et les prix d’intervention en tenant compte des parités de pouvoir d’achat entre États membre ;

– mettre en œuvre, dans les plus brefs délais, un véritable « Programme de responsabilisation face au marché », permettant d’actionner en fonction de l’importance de la chute des prix, des mesures volontaires incitatives et des mesures obligatoires de réduction de la production ;

– doter l’observatoire européen du marché du lait et l’observatoire européen du marché de la viande de moyens opérationnels d’alerte, notamment pour actionner le programme de responsabilisation face au marché.

3. Développer l’offre de produits alimentaires issus des secteurs en crise

À législation inchangée, la seule possibilité offerte au niveau européen pour développer l’offre de produits alimentaires à partir des produits en crise (lait et viande) est la valorisation des stocks d’intervention publique via le Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD). Ce fonds apporte son appui à des dispositifs nationaux d'aide alimentaire ou d'assistance matérielle de base aux personnes les plus démunies par l'intermédiaire d'organisations partenaires agréées par les états membres.

L’article 16 de l’OCM indique que les produits achetés dans le cadre de l'intervention publique peuvent être écoulés en les mettant à disposition du FEAD.

Proposition : provisionner le Fonds européen d’aide aux plus démunis de produits alimentaires directement issus des secteurs en crise.

C. ASSAINIR LES RELATIONS COMMERCIALES

1. Soutenir les initiatives individuelles et les généraliser

L’Autorité de la concurrence a validé le projet d’un fonds de solidarité en faveur des éleveurs de porcs. D’après la fédération du commerce et de la distribution (FCD), cet accord « concernera toutes les parties prenantes (distribution, abattage, charcuterie, restauration collective et commerciale) ». Il serait doté de 100 M€ et géré par l’interprofession porcine. La conclusion de l’accord est toujours attendue et les modalités de versement des aides ne sont pas encore connues.

Ce fonds a pris pour modèle celui opéré au profit de France Filière Pêche (FFP). Il devrait conduire à une revalorisation des prix du porc à hauteur de 10 centimes par kilogramme.

Ce fonds pourrait être étendu aux autres filières de l’élevage, en fonction des indices des prix des produits. Afin que la grande distribution ne soit pas seule à en supporter la charge, une taxe exceptionnelle sur les produits vendus au détail pourrait y être affectée – sur le modèle de la contribution pour une pêche durable, dite « taxe poisson ».

Proposition : officialiser et institutionnaliser un Fonds de soutien à l’élevage notamment abondé par la grande distribution.

Par ailleurs, la plupart des distributeurs mais peu de transformateurs – des petites et moyennes entreprises – ont signé la charte des valeurs laitières de la Fédération nationale des producteurs de lait.

Cette charte a vocation à être une base d’engagements dans les négociations commerciales : « Deux objectifs sont identifiés dans la charte "partager équitablement les risques de volatilité des prix en cherchant des moyens de limiter leurs fluctuations" et à "mieux informer les consommateurs" sur l’origine du lait. En clair, les signataires de cette charte s’attachent à rechercher "une valeur d’équilibre" au lait, permettant aux producteurs laitiers de vivre de leur activité, tout en tenant compte de la fluctuation des cours des matières premières. La finalité de la charte est de mieux rémunérer les producteurs de lait en se basant sur des relations commerciales renouvelées, durables et transparentes » (83). Il est impératif que davantage de transformateurs s’engagent et signent cette charte.

Vos rapporteurs soutiennent de telles initiatives qui témoignent de la volonté de certains opérateurs économiques d’agir dans l’intérêt commun des filières.

2. Mieux prendre en compte l’intérêt du producteur dans les négociations commerciales et faire respecter la législation relative aux relations commerciales

La loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (LME) a libéralisé les relations commerciales en intégrant, dans le prix négocié entre fournisseur et distributeur, les services commerciaux. Auparavant, le distributeur était lié par les conditions générales des ventes (CGV) qui s’imposaient à lui, sans possibilité de les modifier, le fournisseur pouvant invoquer une discrimination pour refuser la modification du contrat. Le distributeur ne pouvait diminuer le coût de ses achats qu’en facturant par ailleurs des services commerciaux (actions commerciales de promotion, par exemple) donnant lieu à des marges arrières. Avec la LME, le prix des produits devient la seule variable d’ajustement des négociations commerciales et les CGV ne sont plus intangibles. La contrepartie de cette plus grande liberté pour les distributeurs est notamment la réduction des délais de paiement à leurs fournisseurs.

Nous l’avons vu, la conséquence de la loi LME a été la plus forte concentration de la distribution. Ce mouvement a accru leur pouvoir de négociation dans les relations commerciales au détriment des entreprises agroalimentaires et surtout, des exploitants agricoles.

L’article 420-2 du code de commerce interdit, dès lors que cela est «  susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence   », qu’une entreprise abuse «  de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve une entreprise cliente ou un fournisseur  ». L’autorité de la concurrence considère que la définition de l’abus de dépendance économique est trop restrictive. Ainsi, par exemple, lorsqu’il constitue le principal acheteur, la perte d’un client peut conduire à compromettre le maintien d’une activité ou rendre vulnérable le fournisseur.

Les agriculteurs ne participent pas aux négociations commerciales annuelles alors qu’ils subissent une forte volatilité de leurs coûts et du prix de leurs productions. Les contrats doivent intégrer les modalités de calcul des prix, les coûts de production et les marges de chaque cocontractant.

Dès lors, deux solutions sont envisageables : intégrer aux contrats le prix qui pourrait être payé au producteur ou, aller jusqu’à faire participer les producteurs aux négociations commerciales en formalisant des contrats tripartites.

Il convient que le prix payé aux producteurs ne soit pas oublié dans les négociations commerciales et la guerre des prix.

Proposition :

– modifier les lois de modernisation de l’économie (LME), de modernisation de l’agriculture (LMA) et consommation précitées, pour permettre des relations commerciales plus transparentes et plus équilibrées. Redéfinir les notions de pratiques restrictives de concurrence, notamment le déséquilibre significatif (article 442-6 du code de commerce)

– redéfinir l’abus de dépendance économique (article 420-2 du code de commerce)

– rendre obligatoire la publication des sanctions contre les pratiques commerciales déloyales (article L.120-1 du code de la consommation)

– rendre obligatoire la mention d’un prix de référence pouvant être payé à l’exploitant agricole dans les conditions générales de vente des contrats passés entre entreprise agroalimentaire et distributeur (article 441-6 du code de commerce)

La solution des contrats tripartites ne peut pas être rendue obligatoire. Elle peut être mise en place de façon spontanée comme c’est déjà le cas dans plusieurs enseignes.

La contractualisation est le seul moyen juridique de garantir une stabilité des approvisionnements, de la qualité et des prix. La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a créé la possibilité de prévoir des clauses de renégociation des contrats de plus de trois mois en cas de changement significatif du prix des productions « affectés par des fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires » (article L. 441-8 du code de commerce). Cette reconnaissance de l’imprévisibilité des contrats est particulièrement utile en matière agricole.

Dans le secteur laitier, la valeur ajoutée est tirée des produits transformés mais, quelle que soit la destination du lait, le prix payé au producteur est souvent invariable.

Proposition : en matière laitière, établir des formules indicatives de calcul du prix des productions prenant en considération la valorisation finale et les coûts des produits de grande consommation

Depuis la fin des quotas laitiers, les offres de cession se sont multipliées et le prix de cette cession renchérit le coût de production. Sans interdire la cessibilité des contrats laitiers, qui doivent pouvoir être transmis entre producteurs, il convient d’interdire leur cession à titre onéreux.

Proposition : interdire la cession de contrats laitiers à titre onéreux

Compte tenu du rapport de force commercial défavorable aux producteurs, il faut promouvoir toute mesure renforçant la transparence afin aussi, de faciliter le travail de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Ses travaux peuvent encore être développés en donnant lieu à des publications plus régulières et en s’inspirant du modèle français pour le développer à l’échelle européenne. Par ailleurs, plusieurs industriels de l’agroalimentaire ne respectent pas l’obligation de dépôt de leurs comptes au tribunal de commerce.

Proposition :

– réformer les statuts de l’Observatoire des marges et des prix et demander la publication d’un rapport semestriel sur l’évolution des prix au Parlement (article L.692-1 du code rural et de la pêche maritime)

– renforcer les sanctions à l’encontre des entreprises agroalimentaires qui ne déposent pas leurs comptes au tribunal de commerce

Afin d’atténuer les déséquilibres induits par la concentration toujours plus forte des enseignes de la grande distribution, la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a renforcé le pouvoir de la DGCCRF et de l’Autorité de la concurrence. Ce pouvoir doit être effectivement utilisé. Parallèlement, vos rapporteurs appellent de leurs vœux un changement des pratiques et des mentalités dans les relations commerciales.

Proposition :

– conformément aux propositions du rapport d’application de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, renforcer les moyens et les effectifs de la DGCCRF et de l’Autorité de la concurrence afin de mieux déceler les pratiques commerciales abusives et déloyales et de faire appliquer pleinement la loi. Faire appliquer la loi sur les clauses de renégociations

– faire cesser la guerre des prix entre enseignes de la grande distribution et changer les pratiques et les mentalités dans les relations commerciales

3. Agir au niveau européen

Grâce à leurs déplacements en Allemagne, en Espagne et à Bruxelles, vos rapporteurs ont pu constater que le problème de la concentration de la distribution et des négociations commerciales était commun à d’autres pays membres de l’Union européenne.

Nous l’avons vu, le commissaire européen à l’agriculture, Phil Hogan, se dit lui-même conscient des dysfonctionnements du secteur. Il a d’ailleurs pris l’initiative de mettre en place une « Agricultural markets task-force (AMTF) », composée d’experts chargés de réfléchir sur les pratiques commerciales déloyales inter-entreprises dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Cette task force rendra ses recommandations sur le sujet avant la fin de l’année 2016.

Proposition : agir pour qu’une solution européenne à la répartition équilibrée de la valeur ajoutée dans la chaîne alimentaire soit trouvée

II. PRÉPARER L’AVENIR ET ANTICIPER

A. DIVERSIFIER LES SOURCES DE REVENUS

1. Diversifier les productions

La spécialisation des élevages permet des économies d’échelles, l’acquisition d’une haute technicité et, au-delà d’un certain seuil, un meilleur pouvoir de négociation lié aux quantités proposées à la vente. Mais les économies d’échelles ne sont pas vraies dans toutes les filières car l’accroissement de la taille de l’élevage peut nécessiter plus d’espace, plus de bâtiments, plus de main-d’œuvre et surtout une plus forte dépendance en aliments. Les exploitations spécialisées peuvent également être tentées de se suréquiper.

Les exploitations françaises sont moins spécialisées que celles de nos voisins européens. En filière laitière, 40 % des exploitations produisent également de la viande et 23 % sont en polyculture-élevage.

Au contraire, la diversification des exploitations permet une plus grande résilience de celles-ci face aux aléas. Dans le cas d’une diversification par plusieurs types de productions, la chute des cours d’une production peut être compensée par une autre production. Elle permet à l’exploitant de diversifier ses revenus. Elle est surtout adaptée aux plus petites exploitations, plus fragiles.

Le prix des céréales est très volatil, il fait l’objet de spéculation, il est dépendant des conditions climatiques. Il constitue le principal poste de dépense pour l’élevage. Le système de polyculture-élevage permet à l’éleveur d’avoir une meilleure autonomie fourragère et de le préserver des aléas liés au coût des céréales. Ce système conjugue intérêt agronomique et économique.

Une vraie réflexion doit être engagée sur la constitution d’une filière territorialisée d’autonomie fourragère. L’accessibilité au foncier et le remembrement des parcelles sont également nécessaires.

Propositions :

– créer une filière territorialisée d’autonomie fourragère ;

– là où il existe, maintenir le modèle de la polyculture-élevage et le pastoralisme

2. Développer les revenus complémentaires

a. Le prolongement de l’activité à la ferme

Les éleveurs ont deux façons de diversifier leurs activités d’élevage :

– l’agrotourisme : hébergement, restauration, loisirs ;

– la transformation de leurs produits. Cette activité consiste à transformer les viandes ou le lait produit pour les vendre en circuit court directement depuis le lieu d’exploitation, « à la ferme ». Les exploitants peuvent confier l’abattage et la découpe des carcasses à un abattoir et récupérer leur viande pour la vente directe au consommateur. En 2010, 6 300 exploitations transformaient leur lait (84) (en fromages, yaourts).

Ces activités mettent en valeur l’éleveur, son exploitation et ses produits et lui permettent, dans le cas de la vente directe de ses produits, de tirer un revenu bien supérieur, la valeur ajoutée liée à la transformation lui revenant entièrement.

Mais ces activités sont chronophages et plus difficiles lorsque l’exploitation ne compte pas de salarié et que le conjoint de l’exploitant travaille à l’extérieur. Ces activités sont le plus souvent assurées en famille.

b. La méthanisation

Des unités de méthanisation valorisant le biogaz peuvent être adossées à des exploitations agricoles. Nous l’avons vu, elles sont particulièrement adaptées aux exploitations d’élevage qui produisent des effluents.

Proposition : soutenir le développement des revenus complémentaires des éleveurs (promotion de l’agro-tourisme, plan pour le développement des protéines végétales, de la méthanisation, de l’autonomie fourragère, industrie du cuir)

3. Favoriser les services de remplacement

Vos rapporteurs ont été particulièrement intéressés par leur audition des services de remplacement. Les services de remplacement sont des associations de groupements d’employeurs à vocation de remplacement, dirigés par des agriculteurs bénévoles. Ces services, qui permettent de favoriser l’agriculture familiale, améliorent la qualité de vie des agriculteurs en organisant leur remplacement durant les congés ou les arrêts maladie. Ils forment les jeunes diplômés agricoles en leur permettant de vivre une première expérience professionnelle et « facilitent la vie » des 73 000 exploitants adhérents.

Ces associations sont en plein développement, elles créent de l’emploi salarié et rendent le métier d’éleveur moins isolé et moins précaire.

La législation fiscale prévoit un crédit d’impôt pour congés qui permet la prise en charge d’un cinquième des heures. Cette prise en charge donne l’impulsion d’un plus grand recours à ces services qui constituent une bouée d’oxygène pour les éleveurs. Pour que les mentalités évoluent encore, il faut que ce dispositif se développe et que l’enfermement social dont sont victimes les éleveurs cesse.

Proposition : promouvoir les services de remplacement, les travailleurs occasionnels et partagés et étendre le crédit d’impôt dédié

B. FAVORISER L’INSTALLATION DES JEUNES AGRICULTEURS

Les jeunes agriculteurs bénéficient d’une dotation d’installation en capital dite « dotation d’installation aux jeunes agriculteurs » (DJA), dont les modalités de versement sont prévues aux articles R. 343-9 à R. 343-12 du code rural et de la pêche maritime. Le montant versé est de l’ordre de 15 000 € par exploitation. L’octroi de cette aide, versée sur une durée de cinq ans, est soumis à plusieurs critères qui s’assimilent à un parcours d’installation. Au terme des cinq années, si ce parcours d’installation n’est pas respecté, l’agriculteur peut être tenu de rembourser l’intégralité de l’aide perçue. Cette sanction s’ajoute à celle de l’échec du projet d’installation et constitue une forme de « double peine ».

Proposition : atténuer et mieux proportionner la sanction de remboursement de la dotation jeunes agriculteurs (DJA)

C. GARDER SON INDÉPENDANCE ÉCONOMIQUE

Le rachat de parts sociales d’exploitations agricoles françaises par des capitaux extérieurs au monde agricole et parfois étrangers risque de convertir nos éleveurs en simple salariés dépossédés de leur cheptel et, plus largement, de leur outil de production. Les investisseurs extérieurs au monde de l’agriculture ne peuvent avoir d’intérêt à investir que si l’exploitation agricole est rentable. D’après Jean Magimel dans « Comment éviter la financiarisation de l’activité agricole » (85), « ce qui semble motiver certains de ces investisseurs c’est la possibilité d’un profit rapide issu du bénéfice de la revente de leurs parts sociales. […] Quand on sait qu’en 2014, en France, le prix moyen des terres agricoles (terres et prés libres non bâtis) était de 5 910 euros l’hectare, il y a de quoi être tenté (source : fédération nationale des SAFER). On peut facilement imaginer les conséquences d’une telle financiarisation de l’activité agricole :

« – disparition progressive des exploitations familiales individuelles et collectives dans lesquelles les capitaux appartiennent à la famille […] ;

« – uniformisation des productions agricoles et abandon des moins lucratives ;

« – retour à la friche des régions les plus difficiles à cultiver et à un ensauvagement les rendant inhabitables ;

« – perte de l’autonomie alimentaire de la France et de l’Union européenne ».

Pour autant, il faut diversifier les sources de financement. Le financement participatif citoyen, tel que le crowdfunding, est une de ces pistes.

Les groupements d’intérêt économique environnemental (GIEE), créés par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt précitée sont une solution mutualisée pour améliorer la compétitivité des exploitations agricoles. L’agriculture doit continuer à être assurée par des exploitants indépendants et non des salariés employés grâce à des capitaux extérieurs. C’est le sens du renforcement des GIEE permis par la loi d’avenir pour l’agriculture. Les GIEE constituent le cadre idéal d’un partenariat entre céréaliers et éleveurs.

Propositions :

– faire connaître et mettre en relation les acteurs du financement participatif et les éleveurs ;

– développer les GIEE, notamment en renforçant les liens entre céréaliers et éleveurs

D. ACCROÎTRE LA RÉSILIENCE DES EXPLOITATIONS D’ÉLEVAGE EN RÉORIENTANT LA PAC VERS DES MÉCANISMES ASSURANTIELS

Nous l’avons vu, la volatilité des prix agricoles est intrinsèque à la nature de ces produits, fortement soumis aux aléas climatiques, au coût des intrants et des matières premières ainsi qu’aux lois de l’offre et de la demande.

Au niveau individuel, les éleveurs ont peu de prise sur les moteurs de la volatilité des prix. Il convient donc de s’interroger sur l’orientation des dépenses publiques vers le renforcement de la résilience des filières d’élevage c’est-à-dire leur capacité à s’adapter aux variations des prix des productions et donc des revenus.

La déduction pour aléas (DPA) (86) a été réformée et assouplie dans ses conditions d’utilisation par la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016. Il est trop tôt pour en évaluer les effets.

C’est au niveau européen que les choses peuvent évoluer. Vos rapporteurs ont auditionné Farm Europe à Bruxelles et ont pris connaissance du positionnement de ce think-tank grâce à deux documents sur les réponses à apporter à la volatilité des prix : « How to tackle price and income volatility for farmers ? An overview of international agricultural policies and instruments » (87) et « Réponse de Farm Europ à la consultation de la Chambre des Lords britannique intitulée : Répondre à la volatilité des prix : bâtir un secteur agricole plus résilient » (88).

Ce dernier document reprend le constat de l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économique) : « La gestion des risques en agriculture est maintenant un outil essentiel pour permettre aux agriculteurs d’anticiper, d’éviter et de réagir aux chocs. Un système de gestion des risques efficace pour l’agriculture permettra de préserver le niveau de vie de ceux qui dépendent de l’agriculture, de renforcer la viabilité des entreprises agricoles, et de créer un environnement qui soutient les investissements dans le secteur agricole. »

Au niveau européen, trois instruments optionnels du second pilier existent :

– des soutiens aux primes d’assurance contre les risques climatiques et sanitaires ;

–  des soutiens aux fonds mutuels destinés à compenser les pertes de production relatives à des événements climatiques et environnementaux ;

– des outils de stabilisation des revenus (IST) compensant de sévères pertes de revenus (au moins 30 % du revenu moyen annuel).

Selon Farm Europe, seulement 600 000 exploitations ont recours à ces mécanismes. Comparativement aux États-Unis qui ont mis en place un Farm bill dont 60 % du budget est orienté vers des mécanismes assurantiels, la PAC ne dédie que 1 % de son budget à ces mécanismes. Le budget de la PAC est majoritairement orienté vers des aides directes aux agriculteurs.

Proposition : profiter de l’examen à mi-parcours de la programmation budgétaire 2014-2020 de la PAC pour mettre en avant la nécessité de réorienter la PAC vers la promotion de mécanismes assurantiels d’atténuation de la volatilité des prix agricoles. Proposer l’adoption d’un mécanisme de sécurisation des marges et des revenus agricoles, dans le cadre du premier pilier, sur le modèle du Farm Bill américain. S’assurer, également, de la pérennisation du budget de la PAC.

III. RENFORCER LA COMPÉTITIVITÉ

A. SIMPLIFIER

Propositions :

– obtenir des institutions européennes un moratoire sur les normes agricoles, notamment environnementales dans le cadre de la directive cadre envisagée par la Commission européenne (réécriture et regroupement des directives sur l’eau, oiseaux, habitats)

– associer les agriculteurs à l’élaboration des nouvelles normes agricoles et environnementales

– imposer un recours systématique aux études d’impact préalables pour toute adoption de nouvelle norme affectant l’agriculture

– stopper la sur-transposition française des directives européennes, notamment en matière environnementale

– mieux organiser et coordonner les contrôles des exploitations agricoles

– permettre aux agriculteurs d’être accompagnés d’un tiers de confiance lors des opérations de contrôles

– obtenir le désarmement des agents publics de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques lors des contrôles des exploitations agricoles (ONEMA)

– créer un formulaire de déclaration unique et un guichet unique pour l’ensemble des démarches administratives (PAC, cahiers de fertilisations, ICPE, etc.)

– poursuivre impérativement le relèvement des seuils des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) pour les gros bovins et les bovins lait et supprimer le système coûteux de déclaration avec contrôle périodique

B. INVESTIR

Les abattoirs français et certaines exploitations souffrent d’un manque de modernisation. Selon l’Institut de l’élevage, les besoins de financement de modernisation des installations s’élèveraient à 1,6 Mds d’euros par an. Les pouvoirs publics français doivent notamment s’engager dans une démarche d’accompagnement à la modernisation des abattoirs sur l’ensemble du territoire national. L’appel à projets du Gouvernement « Reconquête de la compétitivité des outils d’abattage et de découpe » vise à soutenir l’innovation et la mise en place de nouveaux plans d’investissement dans le domaine de l’abattage-découpe de viandes. Ces projets doivent permettre de répondre à l’enjeu de compétitivité et de performance industrielle des opérateurs afin de moderniser les abattoirs et les outils de découpe, développer de nouveaux outils, minimiser leur impact environnemental. Vos rapporteurs soutiennent le développement de ces fonds.

Proposition : maintenir, voire augmenter, après 2016, les fonds du Programme d’Investissements d’Avenir dédiés à la modernisation des abattoirs et ateliers de découpe

Le dernier Salon International de l’Agriculture (édition 2016) a démontré le potentiel des applications numériques lorsqu’elles soutiennent l’agriculture. Des start-up très performantes, représentées au sein de la Ferme digitale, ont mis au point des techniques très innovantes : logiciels gratuits ou payants pour suivre au jour le jour les « paramètres clés de chaque champ (météo, humidité du sol, stade de développement de la culture) », conseils sur applications d'engrais, etc. Les technologies numériques appliquées à l’élevage devraient permettre de répondre au double défi de la productivité et de la préservation de l’environnement.

Proposition : promouvoir l’élevage 2.0 en finançant un plan de soutien aux technologies numériques innovantes appliquées à l’agriculture

C. HARMONISER LA FISCALITÉ EUROPÉENNE

Se pose la question de l’harmonisation sociale et fiscale au niveau de l’Union européenne. Mais l’hétérogénéité des pays membres rend difficile cette harmonisation qui permettrait pourtant de réduire les distorsions de concurrence et d’accroître les minimas sociaux dans les autres pays, la France n’étant pas encline à remettre en question son modèle social. Toute différence fiscale entre états membres, notamment en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) conduit à des distorsions de concurrence. Pour cette raison, et parce que la TVA a des impacts sur la libre circulation des marchandises, le TFUE a posé le principe de la neutralité fiscale des échanges intracommunautaires : le traitement fiscal des produits importés doit être le même que celui des produits nationaux similaires.

Pour autant, les taux de TVA applicables dans les États membres diffèrent. Vos rapporteurs ont notamment eu connaissance du système de TVA forfaitaire allemand, conçu, comme en France, comme un système d’exception mais qui concernerait 71 % des exploitants. En n’étant ni plafonné ni limité à certaines entreprises, ce système pourrait constituer une distorsion de concurrence en permettant de garder une partie de la TVA facturée (89).

La Commission européenne a pris conscience du dumping social pratiqué par nos voisins européens et permis par la directive sur les travailleurs détachés. Elle a présenté, le 8 mars 2016, une révision de la directive de 1996 précitée. La révision porte sur trois points : la rémunération, y compris dans les contrats de sous-traitance, les travailleurs intérimaires et le détachement à long terme.

Propositions :

– engager l’harmonisation sociale et fiscale des exploitations agricoles européennes, notamment en matière de taxe sur la valeur ajoutée forfaitaire

– soutenir l’initiative de la Commission européenne de révision de la directive « travailleurs détachés » afin de garantir une rémunération égale à tout travail égal sur un même lieu de travail

D. SEGMENTER ET CRÉER DE LA VALEUR

1. Mettre en avant la traçabilité et les aménités positives de l’élevage

Les produits carnés français sont mondialement réputés pour les garanties de traçabilité et de qualité qui leur sont associées. On entend par traçabilité l’ensemble des moyens utilisés pour suivre chaque étape de la production et de la commercialisation, afin de s’assurer du respect des bonnes conditions d’hygiène tout au long de ces étapes.

La traçabilité ne doit pas être perçue comme une contrainte, mais doit être un argument commercial mis en avant par les producteurs eux-mêmes. Cette traçabilité est d’ailleurs déjà comprise derrière l’apposition du logo « Viande de France ».

Proposition : financer une campagne de communication réaffirmant le rôle de l’élevage en matière de sécurité alimentaire, d’aménagement de l’espace et de préservation de l’équilibre rural

2. Les signes de la qualité et de l’origine (SIQO) sont source de valeur ajoutée

L’article L. 640-1 du code rural et de la pêche maritime fixe les objectifs de la politique conduite dans le domaine de la qualité et de l’origine des produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer :

« – promouvoir la diversité des produits et l’identification de leurs caractéristiques, ainsi que leur mode de production ou leur origine, pour renforcer l’information des consommateurs et satisfaire leurs attentes ;

« – renforcer le développement des secteurs agricoles, halieutiques, forestiers et alimentaires et accroître la qualité des produits par une segmentation claire du marché ;

« – fixer sur le territoire la production agricole, forestière ou alimentaire et assurer le maintien de l’activité économique notamment en zones rurales défavorisées par une valorisation des savoir-faire et des bassins de production ;

« – répartir de façon équitable les fruits de la valorisation des produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer entre les producteurs, les transformateurs et les entreprises de commercialisation ».

Ces SIQO sont des instruments de valorisation de produits associés à une origine géographique, une tradition ou un mode de production. Ils participent de la bonne information du consommateur, de la mise en valeur des producteurs et sont créateurs de valeur ajoutée sur les productions concernées et souvent sur les territoires qui leur sont liés.

D’après l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), en 2014, le chiffre d’affaires à la première mise en marché des produits sous SIQO hors bio est estimé à environ 22 Mds €.

Toujours selon l’INAO, toutes les filières viandes et lait ne sont pas concernées par ces valorisations.

Seulement 2,5 % des produits laitiers sont sous SIQO mais entre 2013 et 2014 leur volume a augmenté de 5 %. On recense 52 dénominations reconnues en appellation d’origine contrôlée (AOC), 5 en indication géographique protégée (IGP), 6 en Labels Rouges. Quatre produits laitiers AOC représentent 47 % des volumes commercialisés sous SIQO : le Comté, le beurre Charentes-Poitou, le Roquefort et le Cantal. 72,1 % des fromages au lait cru sont produits sous SIQO.

Les viandes sous SIQO ne concernent que 2,7 % de la filière, mais le marché de la viande ovine montre que le développement des produits sous SIQO tire vers le haut les prix de l’ensemble de la production en valorisant l’image de l’agneau, y compris pour les productions qui ne sont pas sous SIQO (90). Toutes espèces confondues, les viandes sous Label Rouge représentent 90 % des viandes commercialisées sous SIQO.

Les charcuteries et salaisons sous SIQO (2,7 % de la filière) sont en forte progression en volume et en valeur (respectivement + 4 % et + 7 % par rapport à 2013). Les initiatives locales pour une reconnaissance d’une AOC ou d’une IGP sont le fruit de l’investissement d’organisations de producteurs ou d’associations soucieuses de faire reconnaître la qualité d’un produit et d’en protéger la commercialisation.

La procédure de reconnaissance des deux AOP (91) Noir de Bigorre

Le Porc Noir de Bigorre et le Jambon Noir de Bigorre ont été reconnus en 2015 AOP (appellation d’origine protégée).

Cette reconnaissance est le fruit de 30 ans de travail. La filière autour du Noir de Bigorre a d’abord été créée pour fonder le projet de préserver un patrimoine génétique sur un territoire.

En 1994 est créée l’association des éleveurs de Porc Noir de Bigorre qui organise la sauvegarde de la race porcine Gasconne (92). En 1996 est créée l’association interprofessionnelle du « consortium du Noir de Bigorre » qui regroupe éleveurs, artisans et représentants de la confrérie. En 2001 est créée la société commerciale « Le Porc Noir » de Bigorre (93), qui achète les porcs aux éleveurs et en assure la transformation et la commercialisation sous la marque « Padouen ».

Les coûts de production du Porc Noir sont beaucoup plus élevés que pour le porc blanc standard. Le rendement d’un élevage de porc blanc est de 63 kg par carcasse quand le rendement du Noir de Bigorre est de 42 kg. Son alimentation et son mode d’élevage sont également beaucoup plus coûteux. Les producteurs sont en conséquence payés 3,50 € le kg, près de trois fois plus que pour les porcs du MPB. Une fois transformé et affiné, il se vend en magasin, entier, à 45 € le kg et, tranché, de 90 € à 135 € le kg. La qualité du réseau de distribution de bouchers et charcutiers est primordiale pour la commercialisation de ce produit.

Les exploitants produisant des produits sous SIQO résistent mieux à la crise. Ainsi en est-il des viandes biologiques. D’après le rapport de Brigitte Allain sur la proposition de loi relative à l’ancrage territorial de l’alimentation (94), les produits biologiques se vendent à un prix supérieur de 15 à 20 % par rapport au conventionnel : « 3,5 € du kilogramme de porc en biologique contre 1,38 € en conventionnel ». En outre, « l’effondrement du prix du lait avec la fin des quotas européens depuis le 1er avril 2015 ne touche pas le secteur biologique : 420/450 € en biologique contre 300 € les 1 000 litres en conventionnel ».

Selon le rapport de Marie-Lou Marcel et Dino Cinieri sur « Les signes de la qualité en France : la profusion ne doit pas entraîner la confusion » (95) : « Avec 215 produits enregistrés au niveau européen (hors vins et spiritueux) au 1er juin 2014, la France occupe la deuxième position en termes de nombre de dénominations enregistrées, après l’Italie (264 produits) et avant l’Espagne (178 produits) ».

La part de marché des produits de qualité se développe. Vos rapporteurs incitent les producteurs et leurs organisations à développer ces types et modes de production, créateurs de valeur ajoutée tout au long de la chaîne alimentaire par la différenciation sur les marchés.

Vos rapporteurs regrettent cependant la lenteur de la procédure de reconnaissance des SIQO qui comprend une phase nationale d’une durée de sept ans en moyenne, puis une phase européenne d’une durée qui varie de 18 mois à sept ans également.

Il faut accompagner la montée en gamme des produits, notamment charcutiers et ne pas hésiter à multiplier les labels, y compris privés.

Propositions :

– inciter à développer les produits sous signes d’identification de la qualité et de l’origine, les labels de production et l’agriculture biologique

– diversifier les modes de production (agriculture conventionnelle, agriculture biologique, agro-industrie)

3. Développer l’étiquetage

Dans la même logique de segmentation et de valorisation des productions, l’article L. 112-11 du code de la consommation prévoit l’étiquetage obligatoire du pays d’origine des produits agricoles et alimentaires et des produits de la mer et renvoie à un décret en Conseil d’État la détermination des produits concernés, sous réserve de la compatibilité du dispositif avec le droit de l’Union européenne.

« Art. L. 112-11. – Sans préjudice des dispositions spécifiques relatives au mode d’indication de l’origine des denrées alimentaires, l’indication du pays d’origine est obligatoire pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l’état brut ou transformé.

« La liste des produits concernés et les modalités d’application de l’indication de l’origine mentionnée au premier alinéa sont fixées par décret en Conseil d’État après que la Commission européenne a déclaré compatible avec le droit de l’Union européenne l’obligation prévue au présent article. »

Concernant les viandes directement vendues au consommateur final, la législation européenne a évolué en deux temps.

L’étiquetage de l’origine géographique (l’État membre) pour les viandes fraîches de bœuf et les produits à base de viande bovine est obligatoire depuis 2000 et fait suite à la crise sanitaire de la vache folle. L’étiquetage de l’origine des viandes fraîches des autres espèces (porc, mouton, chèvre et volailles) est obligatoire depuis le 1er avril 2015 (date fixée par le règlement d’exécution 1337/2013, adopté en décembre 2013).

La viande d’un animal né, élevé et abattu dans un même État membre doit être étiquetée comme originaire du pays en question. Dans les autres cas, les lieux d’élevage et d’abattage doivent être mentionnés.

Concernant les viandes autres que bovines entrant dans la composition des plats transformés et le lait, il n’y a pas de disposition rendant obligatoire un tel étiquetage. Jusque-là, le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt avait favorisé l’étiquetage volontaire de l’origine des viandes via la création du logo « Viande de France ». Mais cette pratique n’était pas généralisée.

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Le ministre a présenté, le 15 mars 2016, un projet de décret étendant un tel étiquetage. Ce projet a été transmis au Conseil d’État et à la Commission européenne.

Compte tenu de la divergence d’avis entre États membres (matérialisée lors du débat au conseil des ministres de l’agriculture et de la pêche du 24 mars 2014), et des conclusions de son rapport publié le 17 décembre 2013 (96), la Commission européenne n’a avancé sur aucune proposition législative ou réglementaire. Elle a toutefois annoncé, le 14 mars 2016, qu’elle autoriserait la France prendre le décret précité à titre d’expérimentation. Cette autorisation doit encore être confirmée mais elle permettra d’évaluer le coût réel d’une telle mesure pour les entreprises agroalimentaires, largement surévalué par la Commission européenne.

En outre, la législation nationale doit être clarifiée pour ne pas tromper le consommateur. Ainsi l’étiquetage « transformé en France » ne garantit pas l’origine nationale des produits agricoles et d’élevage à partir desquels sont élaborés les produits transformés.

Propositions :

– obtenir l’accord de la Commission européenne pour la généralisation de l’étiquetage obligatoire de l’origine du lait et de l’origine des viandes dans les plats transformés, après l’expérimentation de ce dispositif en France

– interdire la mention « transformé en France »

E. N’ÉCARTER AUCUN MARCHÉ

1. Développer la proximité et les circuits courts

Il ressort des nombreuses auditions conduites par vos rapporteurs que les éleveurs engagés dans des démarches de commercialisation en circuits courts et de proximité ont des revenus plus élevés que ceux qui demeurent dans des modes de commercialisation traditionnels.

Les circuits courts sont définis par le ministère de l’agriculture comme le mode de commercialisation qui permet la vente directe entre un exploitant et un consommateur (vente à la ferme, marché, etc.) ou la vente indirecte mais avec un seul intermédiaire. Les circuits de proximité sont souvent liés aux circuits courts, mais pas toujours. La distance correspondant à la proximité dépend du type de production, et varie de 30 km à 80 km.

Brigitte Allain, dans son rapport d’information sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et alimentaires fait état des nombreux avantages, pour les consommateurs comme pour les producteurs, de ce mode de commercialisation. Outre le renforcement du lien social entre exploitants et consommateurs, « l’ancrage territorial de l’alimentation » (97) comporte des externalités positives en termes d’environnement, d’aménagement du territoire, d’emplois locaux et de revenus pour les exploitants.

Proposition : diversifier les circuits de commercialisation (circuits courts et de proximité)

2. Mieux pénétrer le marché de la restauration hors domicile

L’adoption à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale de la proposition de loi relative à l’ancrage territorial de l’alimentation témoigne du consensus sur la nécessité de développer les circuits courts et de proximité ainsi que l’approvisionnement des collectivités publiques en produits de qualité.

Le droit de la concurrence et le droit des marchés publics français et européen interdisent que les établissements publics soumis au code des marchés publics intègrent dans leurs appels publics à la concurrence des critères géographiques de proximité. Favoriser les produits français, voire locaux, contreviendrait aux principes de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats alors que cela répondrait à une demande des consommateurs, des exploitants et des collectivités publiques, notamment les collectivités territoriales.

Proposition : obtenir des institutions européennes l’adaptation du droit européen de la commande publique et modifier la législation nationale pour pouvoir favoriser les produits locaux pour l’approvisionnement des établissements publics

3. Conquérir de nouveaux marchés à l’export

a. Lever les embargos et conquérir de nouveaux marchés

La levée des embargos sur la viande bovine française en Malaisie, en Arabie Saoudite, à Singapour, au Vietnam et en Afrique du Sud a récemment été obtenue. Évidemment, cette démarche doit être poursuivie.

Proposition : obtenir, de toute urgence, la levée des embargos sanitaire et politique russes

La réaction de nos voisins européens à la mise en place des embargos russes est révélatrice de leur dynamisme. Lors de leurs entretiens, les rapporteurs ont relevé que l’embargo avait conduit nos voisins à rechercher de nouveaux marchés à travers le monde. Cette dynamique commerciale est surtout le fait des grandes industries de la viande mais elle peut également être accompagnée par les filières et les pouvoirs publics.

Ainsi la plateforme collective « France Viande export » a été créée par les filières sous l’impulsion du Gouvernement. Cette plateforme a pour ambition de regrouper des professionnels qui souhaitent se développer à l’international en regroupant l’offre commerciale et en étant mieux identifiés de nos interlocuteurs.

Proposition : poursuivre le développement de « France Viande export » et mettre en œuvre de réelles stratégies de prospective commerciale à l’export

C’est à l’échelle européenne que les débouchés à l’exportation doivent également être trouvés. Les contrats d’exportations doivent être soutenus, en particulier lorsqu’ils concernent des pays risqués susceptibles de retournement économique mais à potentiel de marché important. Au niveau communautaire, un système d’assurance-crédit de court terme pourrait être mis en place : il comprendrait une garantie publique couvrant des cautions bancaires.

Proposition : soutenir, auprès de la Commission européenne, la création d’un véritable dédié à l’export agricole et agroalimentaire

b. Préserver les intérêts de l’élevage français dans la négociation du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP)

Le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (Transatlantic Trade and Investment Partnership – TTIP) comporte un volet agricole qui risque d’affecter les produits issus de l’élevage.

Trois volets des négociations doivent retenir l’attention de la Commission européenne, mandatée par le Conseil pour mener les négociations : la négociation tarifaire des droits de douane, le niveau de réglementation (notamment sanitaire) et la protection des indications géographiques et des signes de qualité. La quasi-disparition des droits de douane pour les biens et services échangés entre les États-Unis (qui appliquent des droits de douane très élevés sur le lactosérum et certains fromages à pâte persillée) et l’Union européenne (qui applique des droits de douane élevés sur les viandes) est le premier objectif du TTIP.

Sur la question de la protection de l’origine géographique, Américains et Européens ont deux visions opposées de la protection : les Européens défendent un système d’enregistrement des dénominations établissant un lien entre un produit et un terroir liés à un territoire alors que les Américains protègent leurs produits par le droit des marques.

Compte tenu des écarts de compétitivité entre les deux zones géographiques, qui sont notamment liés à la réglementation européenne environnementale, sanitaire et relative au bien-être animal, les éleveurs européens seraient vulnérabilisés par la disparition pure et simple des droits de douane sur les produits de l’élevage. Le secteur de la viande bovine est particulièrement concerné dans la mesure où les Américains pourraient réserver leurs pièces « nobles » au marché européen, très demandeur et qui sont, à ce jour, les plus rémunératrices pour les éleveurs français.

Comme le souligne le rapport sénatorial de Philippe Bonnecarrère et Daniel Raoul sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire (98) : « Aux États-Unis, les deux tiers des bovins sont engraissés dans des "feedlots", soit des espaces artificiels de production pouvant contenir jusqu’à 200 000 bêtes, quand en France, les exploitations d’élevage "intensif" accueillent en moyenne entre 60 et 200 bovins ». Les modèles d’élevage bovin sont particulièrement opposés aux élevages français.

Proposition : exclure certaines productions agricoles sensibles des négociations sur le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (PTCI), notamment dans le secteur de la viande. Prévoir également des clauses de sauvegarde ou des contingents tarifaires pour certains produits. Maintenir des normes de haute qualité, protéger les signes officiels d’identification de la qualité et des origines (AOP, AOC, IGP, labels) et lutter contre les barrières non tarifaires des marchés extra-communautaires (Brésil, Mexique, etc.).

CONCLUSION

Préserver nos exploitations d’élevage est le défi assigné aux pouvoirs publics. Nous devons tout mettre en œuvre pour assurer aux exploitants des revenus dignes en améliorant leur compétitivité mais surtout en renforçant ce qui distingue les produits français : la traçabilité et la qualité.

Mais les éleveurs et les interprofessions qui les accompagnent ont également leur propre devenir en mains à condition que l’ensemble des maillons de la chaîne alimentaire productrice de valeur agisse dans l’intérêt de la filière et lui permette de retrouver confiance :

– confiance en l’efficacité du modèle économique de l’exploitation familiale, non contradictoire avec l’augmentation de la compétitivité si la filière est organisée ;

– confiance en la pertinence de la segmentation de la production pour qu’aucun marché ne soit écarté et qu’un maximum de valeur soit créée ;

– confiance entre exploitants, abatteurs, entreprises agroalimentaires et distributeurs qui doivent en finir avec la guerre des prix et l’individualisme afin d’assainir leurs relations commerciales ;

– enfin et surtout, confiance en l’avenir : la résilience des exploitations doit être favorisée. La PAC aura tout son rôle dans la réorientation des soutiens publics vers des mécanismes assurantiels qui inciteront à anticiper les crises en pariant sur l’avenir.

EXAMEN DU RAPPORT EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 30 mars 2016, la Commission des affaires économiques a examiné le rapport d’information de Mme Annick Le Loch et M. Thierry Benoit sur l’avenir des filières d’élevage.

Mme la présidente Frédérique Massat. Notre commission a décidé, à la suite de la table ronde sur la crise des filières d’élevage qui s’est tenue le 22 juillet 2015 et à laquelle assistait le ministre de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt, M. Stéphane Le Foll, de créer une mission d’information sur l’avenir des filières d’élevage. Depuis cette date, notre commission a auditionné le ministre à deux reprises, le 15 décembre 2015 et le 16 février 2016. C’est au cours de cette dernière réunion qu’il nous a présenté le projet de décret sur l’étiquetage.

La mission d’information, présidée par M. Damien Abad, et dont les rapporteurs sont Mme Annick Le Loch et M. Thierry Benoit, a procédé à de nombreuses auditions et effectué plusieurs déplacements.

Votre rapport, chers collègues, tombe à point nommé. Vous y présentez pas moins de 60 propositions qui pourront être introduites dans les véhicules législatifs qui s’offrent à nous dans les semaines à venir, notamment le projet de loi sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin 2 », présenté ce matin en conseil des ministres et dont nous devrions nous saisir pour avis dans le courant du mois de mai, avant son examen dans l’hémicycle fin mai, début juin. Ce projet de loi comporte déjà des mesures relatives au secteur agricole. Au regard des travaux que vous avez menés, je suis sûre que nous pourrons et que vous pourrez enrichir ce texte grâce à des amendements.

Je remercie tous ceux qui se sont investis dans cette mission d’information : Mmes Brigitte Allain, Marie-Noëlle Battistel, MM. André Chassaigne, Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, MM. Philippe Le Ray, Jean-Pierre Le Roch, Yannick Moreau, Hervé Pellois et, bien sûr, Mme Annick Le Loch et MM. Thierry Benoit et Damien Abad.

M. Damien Abad, président de la mission d’information. J’ai eu l’honneur de présider cette mission d’information, avec, à mes côtés, Mme Annick Le Loch et M. Thierry Benoit, sur un sujet d’actualité marqué par une crise profonde de l’élevage en France mais aussi en Europe.

Nous nous sommes rendus en Allemagne et en Espagne, afin de faire une étude comparative et ainsi d’essayer de comprendre les forces et les faiblesses du modèle français.

Pour ma part, je vous présenterai quelques observations et constats, laissant à Mme Annick Le Loch et M. Thierry Benoit le soin de vous soumettre les propositions que nous avons faites pour agir aux niveaux européen, national et local.

Notre commission a décidé la création d’une mission d’information sur l’avenir de l’ensemble des filières d’élevage – bovin viande, bovin lait, porc, volaille, ovins – car le désarroi de nos éleveurs est profond et le ratio entre la valeur de leur exploitation, leur niveau d’endettement et la faiblesse des revenus qu’ils tirent de leur travail est préoccupant.

Quelques chiffres montrent l’ampleur de la crise. En 2014, le revenu courant avant impôt par actif non salarié était réparti de la façon suivante : 24 700 euros pour les éleveurs de bovins lait, 18 300 euros pour les éleveurs de bovins viande, 24 000 euros pour les éleveurs de volaille, 18 400 euros pour les éleveurs d’ovins et caprins, enfin à peine 12 000 euros pour les éleveurs de porcs, soit une baisse de 60 % par rapport à 2013.

Les chiffres de 2015 ne sont pas encore connus, mais on sait que ces revenus ont encore reculé par rapport à 2014. Les prix de vente des productions étant inférieurs aux coûts de production, ils ne permettent pas aux éleveurs endettés – et ils sont nombreux dans ce cas – de vivre décemment du fruit d’un travail par ailleurs de moins en moins attractif pour les jeunes agriculteurs.

Face à ce constat, nous avons tenté de dégager les forces et les faiblesses spécifiques à chaque filière, ainsi que les difficultés qui leur sont, pour une grande part, communes et qui vont bien au-delà de l’échelle de l’exploitation.

Les produits issus de l’élevage sont, comme tous les produits agricoles, transformés par des industriels et commercialisés par des grandes et moyennes surfaces, avec lesquels il faut négocier. Mais ces produits ne sont pas des produits comme les autres, ils sont soumis à une très forte volatilité de leurs coûts de production – par exemple la part de l’alimentation dans le coût de production du porc représente 60 % – et à une même variabilité des prix des productions qui subissent les fluctuations de l’offre et de la demande mondiale.

Ce constat est partagé par les autres pays européens qui sont devenus aujourd’hui, au gré de la modernisation des exploitations et de leur dynamisme entrepreneurial, nos principaux concurrents. C’est pour cela que la mission s’est déplacée en Allemagne et en Espagne où l’on a constaté que si certaines de nos difficultés sont communes, elles le sont certainement dans une moindre mesure qu’en France.

D’une manière générale, les élevages sont spécialisés et fortement exportateurs. Les éleveurs espagnols de porcs sont fortement intégrés à l’industrie de l’abattage qui contrôle l’ensemble du processus de production. Dans les deux pays, le mot d’ordre est la compétitivité par les économies d’échelle et la contraction des coûts de production, avec une acuité particulièrement forte en Allemagne sur la question du bien-être animal. La filière porcine française est aujourd’hui en déclin et nous avons cherché à en comprendre les causes.

Notre filière viande bovine est la première filière européenne en quantité. Elle se caractérise par des échanges commerciaux importants, notamment en ce qui concerne les bovins vivants. La France dispose d’un cheptel allaitant très important qui donne une viande de qualité très prisée des Français. Mais le prix de ces viandes est aujourd’hui tiré vers le bas du fait de plusieurs facteurs : l’alignement du prix des viandes des races allaitantes sur le prix des vaches laitières de réforme, l’insuffisante valorisation des pièces de qualité faute de segmentation dans la commercialisation et la dispersion de la valeur ajoutée des productions entre une multitude d’acteurs, avec des producteurs peu organisés face à un abatteur qui domine le marché et une grande distribution très concentrée.

La filière laitière est répartie de manière homogène sur l’ensemble du territoire, malgré un mouvement de concentration de la production parallèle à la disparition de nombreuses exploitations ces dernières années. La force de cette filière réside dans l’importance de l’industrie de transformation, qu’il s’agisse des coopératives ou des entreprises privées, qui valorise la production laitière en la transformant en produit à forte valeur ajoutée. Ce secteur a été soumis aux quotas de production européens pendant plus de trente ans, et la fin des quotas, le 1er avril 2015, a fragilisé les producteurs européens, et notamment les producteurs français qui vivent depuis plus d’un an une période de surproduction. Là encore, l’industrie et la grande distribution sont accusées d’accaparer la valeur ajoutée permise par la transformation du lait.

La filière porcine est aujourd’hui dépassée par le dynamisme des productions européennes, notamment allemandes, espagnoles et polonaises. Les exploitations porcines françaises sont bien moins compétitives que les exploitations européennes qui ont soit des structures intégrées à la transformation, soit bénéficient de relations commerciales plus pacifiées que chez nous. Cette filière connaît également une surproduction du fait notamment de l’embargo russe et de l’importance des importations européennes en France. Les producteurs souffrent d’un manque de modernisation de leurs exploitations et, là encore, d’un problème de relations commerciales avec l’aval de la filière.

Même si elle résiste mieux que les autres, la filière avicole souffre d’un manque de modernisation des bâtiments. Toutefois, elle a su s’adapter à la demande intérieure tout en faisant preuve d’un réel dynamisme à l’export, notamment vers les pays tiers.

La filière ovine prend son essor. Il s’agit d’une production à faible rendement et techniquement complexe, mais les produits sont de qualité et la demande est forte.

Certes, les embargos russes et la fin des quotas laitiers ont entraîné une surproduction de porc et de lait, mais ils interrogent à plus long terme sur la résilience des exploitations, c’est-à-dire leur capacité à résister aux crises qui ne cessent d’émailler le secteur et altèrent l’image des élevages – crises sanitaires, conséquences environnementales des exploitations, préoccupations sur le bien-être animal et autres. Le scandale des abattoirs et la résurgence des cas de vache folle en sont une illustration tout à fait récente.

Il ressort des 164 auditions auxquelles nous avons procédé que les filières d’élevage se heurtent à des difficultés structurelles qui touchent toutes nos exploitations. Les coûts de production sont très hétérogènes et difficiles à identifier par les éleveurs, alors qu’ils sont la condition sine qua non de la définition de leurs marges. Les charges fixes et le niveau d’endettement plombent clairement les exploitations en France. Seuls les éleveurs qui ont remboursé leurs emprunts s’en sortent, alors que les besoins d’investissement sont importants, y compris dans les abattoirs. Tous les agriculteurs nous disent qu’ils veulent vivre de leur production et de sa valorisation, mais que les prix ne suffisent pas à compenser des coûts de production élevés.

Les relations commerciales sont également très difficiles, avec un accaparement de la valeur ajoutée et du pouvoir de marché des industriels – les grands abatteurs, les laiteries – et surtout de la grande distribution concentrée face à des éleveurs encore insuffisamment organisés. Les organisations de producteurs, on le sait, sont en effet encore trop faibles et les éleveurs trop peu investis dans la coopération agricole. Les filières sont un outil important de définition stratégique des filières, mais elles ne fonctionnent pas nécessairement aussi bien qu’elles le devraient. Il y a parfois des mésententes, des absences de la distribution et autres difficultés.

Les rapporteurs vont maintenant vous présenter les 60 propositions qui vont dans un sens que chacun souhaite ici. Ces préconisations, qui concernent les niveaux européen et national, visent à assurer aux exploitants des revenus dignes en améliorant la compétitivité, mais également à renforcer la traçabilité et la qualité des produits français. Nous avons eu de nombreuses discussions, notamment en Allemagne et en Espagne, sur la question de l’étiquetage des produits et sur la capacité de la France à mettre en place un étiquetage sur l’origine, nonobstant les contraintes européennes.

Bien entendu, en tant que président de la mission d’information, je suis favorable à l’adoption de ce rapport, et j’indique que ces 60 propositions ont recueilli un accord unanime de notre part. L’une d’entre elles sera présentée ici même la semaine prochaine lors de l’examen de la proposition de loi de M. Bernard Accoyer, dont l’objet est de redéfinir l’abus de dépendance économique, notamment face aux quatre principales centrales d’achat françaises qui s’adjugent 90 % du marché. Cette situation de concentration contribue aux difficultés que connaissent de nombreux producteurs français.

Mme Annick Le Loch, co-rapporteure. Je suis ravie de vous présenter le fruit du long travail que nous avons mené ensemble. Nous espérons que les 60 propositions que nous formulons permettront d’apporter quelques réponses aux difficultés auxquelles les éleveurs sont confrontés. Et je ne doute pas qu’elles trouveront une traduction réglementaire ou législative.

Depuis deux ans, les éleveurs de ma circonscription m’interpellent sur la situation critique de l’élevage, et je pense qu’il en est de même pour vous, mes chers collègues. Ils sont tous très attachés à leurs exploitations et à leur cheptel et ne peuvent se résoudre à baisser les bras crise après crise.

Le constat de la mission d’information a été présenté à l’instant par le président. En découlent 60 propositions qui témoignent de notre volonté de définir une stratégie pour ces filières au cœur de l’agriculture française, de ses territoires, de ses paysages. Je vous rappelle que les filières d’élevage dégagent un chiffre d’affaires de 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit 37 % de la production agricole française.

Mais ce secteur évolue dans un cadre concurrentiel et normatif européen – droit européen de la concurrence, organisation commune des marchés (OCM), politique agricole commune – rappelons que le budget de la PAC s’élève à 9 milliards d’euros, soit le double du budget national de l’agriculture.

Le déplacement de la mission à Bruxelles s’est imposé à nous. Nous y avons rencontré les services de la Commission européenne, nos collègues parlementaires et des think tanks. Nous avons pris conscience que le problème devait être affronté à cette échelle européenne et que si les difficultés sont partagées par les autres États membres, la France devait faire entendre sa voix, comme l’a fait d’ailleurs récemment notre ministre de l’agriculture.

Nous préconisons d’intervenir à deux niveaux, en prenant d’une part des mesures d’urgence, d’autre part des dispositions qui s’inscrivent sur le moyen ou le long terme.

Dans l’immédiat, nous proposons d’activer les outils de régulation européens dérogeant à l’OCM ; cette intervention est nécessaire compte tenu de l’ampleur de la crise de surproduction actuelle. Nous pensons que le seuil de référence et les prix d’intervention doivent être adaptés aux États membres et à la faiblesse des prix des marchés. Je vous rappelle que ces prix d’intervention sont extrêmement bas. Nous reprenons la proposition de l’European Milk Board de mettre en œuvre un programme de responsabilisation face au marché, permettant d’actionner, en cas de chute des prix, des mesures volontaires, incitatives dans un premier temps, puis éventuellement obligatoires dans un second temps, de réduction de la production. Les observatoires européens du marché du lait et de la viande sont là pour alerter les pouvoirs publics en cas de déséquilibre sur les marchés.

Cette crise justifie aussi de relever le plafond de minimis sur les aides d’État permettant la mise en place d’aides d’urgence nationales plus importantes. De son côté, le Fonds européen d’aide aux plus démunis doit être provisionné de produits alimentaires directement issus des secteurs en crise.

En matière de simplification, il faut obtenir un moratoire des normes agricoles, notamment environnementales, et imposer un recours systématique aux études d’impact préalables à toute adoption de nouvelles normes affectant l’agriculture.

Les Français doivent pouvoir choisir de consommer des produits français. La généralisation de l’étiquetage des produits laitiers et de ceux transformés à base de viande est en bonne voie mais doit être confirmée. Les établissements publics doivent pouvoir choisir des produits locaux pour leur approvisionnement et, bien sûr, les mettre en avant.

L’harmonisation et l’adaptation des règles fiscales et sociales doivent être engagées au niveau européen, notamment celles qui s’appliquent aux travailleurs détachés et à la TVA forfaitaire.

Au niveau commercial, l’Europe doit agir collectivement dans ses rapports aux pays tiers et parler d’une seule voix forte pour lever les embargos russes et surtout exclure certaines productions agricoles sensibles des négociations sur le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement, le fameux PTCI, notamment pour la viande.

Le maintien de normes de haute qualité et des signes d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO), propres aux produits européens et dont la France a fait l’un de ses atouts, est une nécessité.

Un outil de crédit export doit être créé à l’échelle européenne. Le problème de la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne alimentaire est commun à plusieurs pays européens et a des conséquences bien au-delà des productions agricoles. Une solution européenne doit être trouvée pour stopper la concentration de la distribution et restaurer le pouvoir de négociation des producteurs, conformément aux propositions que nous faisons au niveau national et que va vous présenter M. Thierry Benoit dans un instant. En effet, nous avons constaté que, dans tous les pays, la distribution était concentrée, qu’elle était très puissante et détenait un pouvoir totalement déséquilibré face aux producteurs.

Enfin, dès l’examen, à mi-parcours de la PAC, en 2018, nous devrons réfléchir à sa réorientation vers la promotion de mécanismes assurantiels d’atténuation de la volatilité des prix agricoles. Un mécanisme de sécurisation des prix et des marges des agriculteurs doit être promu dans le cadre d’une action publique et privée à la fois, en s’inspirant du farm bill américain, et ce à budget constant. Il faut « des prix plutôt que des primes », comme aiment à le répéter nos agriculteurs.

Il faut prendre la mesure de la spécificité de ces filières, que ce soit dans leur contribution à l’économie de notre pays, à celle de nos territoires, à l’entretien des paysages mais aussi à notre souveraineté alimentaire.

Face au libéralisme sans limite souhaité par certains, réaffirmons le modèle français ou plutôt les modèles français, que ce soit avec nos champions internationaux ou avec le producteur local, et affirmons notre volonté politique et européenne de sécuriser les exploitations et les éleveurs qui en sont responsables.

M. Thierry Benoit, co-rapporteur. Comme l’ont dit avant moi Mme Annick Le Loch et M. Damien Abad, je me réjouis que nous ayons pu travailler dans un bon état d’esprit et que les préconisations qui figurent dans ce rapport fassent l’objet d’un large consensus. Bien sûr, cela n’empêche pas quelques divergences : pour sa part, le groupe UDI a souhaité insérer une contribution au rapport, en insistant sur la nécessité de réfléchir à la mise en œuvre d’une taxe sur la consommation, que nous appelons la TVA sociale. Nous pensons qu’il y a là un vrai levier et une connexion directe avec les productions agricoles.

Avant de me pencher sur le sujet, j’étais convaincu de la capacité de la France à redevenir un grand pays agricole, en Europe et dans le monde. Avec 28 millions d’hectares, la France est le pays d’Europe qui a la plus grande surface agricole utile (SAU) : c’est 40 % de plus que nos amis allemands. Par comparaison, les Pays-Bas qui sont le premier pays exportateur derrière les États-Unis, n’ont que de 1,9 million d’hectares de SAU. Je suis sûr que la France a vocation à redevenir le grand pays producteur et exportateur qu’elle était.

Certes, il faut assurer l’autosuffisance alimentaire de la France et donc nourrir 65 millions de Français ; mais on ne saurait pour autant déconnecter la production agricole de la notion d’exportation. Si la production agricole française atteignait le ratio des Pays-Bas – sans aller jusqu’à dire qu’il faille viser le même degré d’intensification – notre chiffre d’affaires ne serait pas de 65 milliards mais de 778 milliards d’euros… Imaginez quelle serait la croissance française avec un tel chiffre d’affaires ! La France a donc de vraies raisons d’espérer pour ses productions agricoles et ses producteurs.

Pour ma part, je concentrerai mon intervention sur les quatre grands chapitres qui regroupent les préconisations que nous faisons au niveau national.

Mme Annick Le Loch et M. Damien Abad ont évoqué, à juste titre, la question des relations commerciales. Tous ici, nous avions des doutes quant à la qualité des relations commerciales au sein de la filière, notamment entre les commerçants que sont les distributeurs au contact direct des consommateurs, et les industriels, c’est-à-dire les transformateurs. Si la loi de modernisation de l’économie (LME), la loi de modernisation de l’agriculture (LMA) et la loi relative à la consommation ont voulu pointer des anomalies et chercher à corriger un déséquilibre relationnel entre l’amont et l’aval, c’est bien parce qu’il y avait un réel problème. Ce rôle grandissant de l’organisation commerciale en France, et notamment celui des quatre grandes centrales d’achat, n’est pas sans m’interpeller. On peut aller très loin en matière de clarification, de rénovation des relations commerciales, jusqu’à dissiper – j’ose le dire – l’oligopole de ces quatre grandes centrales d’achat. J’ai cru comprendre, à travers les propos des élus qui sont proches du Gouvernement et en lisant la presse, que le Gouvernement souhaitait s’attaquer à ce sujet, notamment à travers la loi Sapin 2. C’est justice que de donner des moyens supplémentaires à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires et à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), car il y a matière à discussion, à clarification, matière aussi à revoir certaines pratiques qui sont des formes d’abus. Si nous proposons d’alourdir les sanctions, c’est bien parce que celles qui existent ne sont que symboliques pour de grands groupes industriels.

Reconquérir des marchés, c’est reconnaître que la France est un grand pays agricole et qu’il doit rester un grand pays exportateur. C’est pourquoi nous proposons d’exclure certaines productions agricoles des négociations sur le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement. Nous voulons bien négocier avec nos amis américains, mais sous prétexte que nous vendons de grands Champagne, Bordeaux et Bourgogne, nous ne pouvons pas accepter d’importer des produits agricoles et des denrées alimentaires qui ne respecteraient pas les exigences européennes et françaises dans le domaine sanitaire comme dans ceux du bien-être animal et de l’environnement.

Au-delà de la question de la rémunération des éleveurs, des prix, de la compétitivité et des coûts de production, il faut instaurer un climat de confiance entre l’État et les éleveurs en matière de contrôles et de simplification. Aujourd’hui, les agriculteurs sont systématiquement suspects aux yeux de la puissance publique. Quand un contrôleur débarque chez un agriculteur pour effectuer un contrôle sanitaire, environnemental ou administratif, on sent bien qu’il est là pour chercher la faille. Certes, le contrôle doit s’exercer – il est incontournable et obligatoire – mais il doit être coordonné. On ne peut pas en effet faire chez un même éleveur un contrôle sanitaire au mois de janvier, un contrôle environnemental au mois de mars et un contrôle administratif au mois de juin au motif que cet éleveur a bénéficié d’aides de l’Europe ou de la région. Nous proposons d’instaurer un document unique et un seul contrôle, pour lequel l’agriculteur aura le temps de se préparer et de rassembler ses pièces, en faisant appel au besoin à un médiateur ou à un tiers de confiance qui pourrait s’assurer du bon déroulement du contrôle et veillerait à ce que le but soit de tirer l’éleveur vers le haut, vers l’excellence et non de l’enfoncer et de le pointer du doigt. Il faut renverser la charge de la preuve et créer un lien de confiance entre celui qui exerce le contrôle pour le compte de l’État ou de l’Europe et l’éleveur.

À ce sujet, une proposition me tient tout particulièrement à cœur : celle qui consiste à désarmer les agents de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) lors des contrôles des exploitations agricoles. Vous me répondrez que cette mesure est symbolique, mais j’estime qu’elle est très importante. Imaginez ce que peut penser un éleveur qui voit arriver un contrôleur sur son exploitation avec un pistolet à la ceinture !

M. André Chassaigne. Il faut désarmer tout le monde, alors !

M. Thierry Benoit, co-rapporteur. Non, mais on peut exiger des agents de l’ONEMA qui se déplacent chez un éleveur pour effectuer un contrôle et signifier des anomalies qu’ils ne soient pas armés. Les éleveurs sont des gens honnêtes et des professionnels, et cela doit se traduire dans les actes.

M. André Chassaigne. Faites-en autant pour les polices municipales !

M. Thierry Benoit, co-rapporteur. Nous encourageons le ministre de l’agriculture dans sa volonté d’avancer sur la question de l’identification et de l’étiquetage. Les choses bougent au niveau européen puisque le ministre a proposé un décret pour défendre l’idée du né, élevé et abattu dans un pays d’origine clairement identifié, en l’occurrence, pour ce qui nous concerne, en France. Nous pensons que cette identification peut s’amplifier au niveau national. Nous souhaiterions que les informations relatives à l’identification soient écrites en mêmes caractères que le prix.

Comme nous sommes convaincus que nos éleveurs, nos industriels et nos transformateurs sont les meilleurs du monde, tout le travail de création de la valeur ajoutée ne doit pas être massacré en bout de chaîne par un distributeur qui n’aurait pour obsession que de vendre des prix. Il faut donc réapprendre au distributeur à vendre des produits. Dans un pays de haute gastronomie et de tradition culinaire comme le nôtre, on ne peut pas vendre une denrée alimentaire comme on vend un abonnement de téléphone portable, un CD-Rom ou du textile ! Nous allons donc poser des exigences dans ce domaine.

M. Jean-Pierre Le Roch. Je veux tout d’abord saluer le président de la mission d’information et nos deux rapporteurs pour la qualité de leur rapport. J’ai eu le plaisir de participer à ses travaux, et notamment lors de son déplacement en Allemagne. La délégation a ainsi pu s’y entretenir avec le président du Conseil scientifique pour la politique agricole qui formule de manière indépendante des recommandations au ministère fédéral de l’agriculture. Dans son rapport du mois de mars 2015, il propose des voies et moyens pour un élevage socialement accepté en Allemagne. L’un des principaux axes concerne le bien-être animal, qui est reconnu comme facteur déterminant d’acceptation du modèle allemand par sa population, préoccupation également relayée au Pays-Bas, au Danemark, en Suède et auprès des institutions européennes. Ce rapport estime les dépenses nécessaires dans ce domaine à hauteur de 3 à 5 milliards d’euros. Pour assurer ce financement, le Conseil scientifique a fait état de plusieurs propositions.

Alors que votre proposition n° 4 fait état de la nécessité de réorienter le premier pilier de la PAC vers la promotion de mécanismes assurantiels d’atténuation de la volatilité des prix agricoles, analyse que je partage, que pensez-vous de l’idée de ce Conseil scientifique d’un transfert massif du premier vers le deuxième pilier de la PAC pour assurer le financement partiel du bien-être animal, mesure qu’il souhaite d’ailleurs faire apparaître dans l’étiquetage ?

M. Philippe Le Ray. Je tiens également à remercier le président de la mission d’information et les rapporteurs pour la qualité de leur rapport qui comprend beaucoup de propositions de bon sens que le groupe Les Républicains partage très largement.

Reste que le silence actuel du monde agricole devrait nous inquiéter. Il a fallu attendre une crise très profonde pour faire ces propositions. On peut aussi se réjouir de voir bientôt arriver le véhicule législatif Sapin 2. Mais je ne sais pas si tout le monde pourra patienter encore quelques mois supplémentaires.

Nous partageons l’analyse qui a été présentée par M. Damien Abad. À mon avis, la situation est peut-être pire encore que ce que l’on veut bien nous dire. La ferme France est la seule ferme d’Europe qui recule depuis des années, et surtout la ferme élevage.

Il a fallu attendre trois, voire quatre ans pour parler enfin des quotas laitiers. Nous avions interpellé le ministre de l’agriculture sur l’après-quotas. On est quand même dans une improvisation totale.

Concernant la viande porcine, nous avions été nombreux il y a trois ans à demander d’aller beaucoup plus loin en matière d’étiquetage. On peut se réjouir que les choses bougent aujourd’hui.

L’ancienne opposition, devenue majoritaire depuis 2012, avait largement critiqué la LME. Mais nous n’avons pas vu grand-chose venir depuis…

Au-delà de ces 60 propositions que nous approuvons et qui concernent environ 80 % de l’agriculture de masse, je souhaite insister sur quelques points, et notamment sur la décapitalisation dans les élevages, sur l’intégration très discrète dans les élevages porcins de plus en plus de salariés déguisés.

Mme la présidente Frédérique Massat. Monsieur Philippe Le Ray, vos deux minutes sont écoulées. Ce n’est pas moi qui impose les formats : ils sont décidés en réunion de Bureau et sont les mêmes pour tous. Vous avez choisi de faire une longue introduction, et ce choix est tout à fait respectable. Mais du coup, vous n’avez plus de temps pour parler du rapport.

M. Philippe Le Ray. J’aurais également voulu parler de la fiscalité agricole, qui est aussi un sujet essentiel…

M. André Chassaigne. Je ne reviendrai pas sur le désarmement des agents de l’ONEMA lors des contrôles. Soyons attentifs à ne pas affaiblir ceux qui font respecter la loi. On ne peut pas demander, d’un côté, demander l’armement des polices municipales et, de l’autre, un désarmement, à géométrie variable, de personnes qui sont investies pour faire appliquer la loi, même s’il peut se produire des maladresses de temps en temps ? Je ne peux être très favorable à des propositions de ce genre, qui peuvent faire plaisir à certains, mais qui relèvent surtout du populisme.

Mais revenons-en à l’excellent travail qui nous est présenté. Il me paraît important maintenant de lister très précisément les mesures qui peuvent être considérées non eurocompatibles. Parfois, des blocages annoncés comme réels ne le sont finalement pas. Cela exige un travail très pointu. Qu’est-ce qui empêche de prendre certaines mesures au niveau européen, notamment en matière de garantie des prix payés au producteur ?

Les propositions nos 18, 19 et 22 sont extrêmement intéressantes. Elles exigeront une conférence annuelle nationale ou régionale par filière de production, au cours de laquelle sera défini le prix qui doit être payé aux producteurs afin qu’ils puissent vivre de leur travail, en prenant en compte au final les marges nécessaires à tous les niveaux de la filière.

Enfin, il faudra bien évidemment faite en sorte que toutes ces propositions trouvent leur traduction législative ou réglementaire.

Mme Brigitte Allain. Je vous remercie pour ce rapport très riche qui permet d’avoir une vue d’ensemble de l’élevage en France, surtout pour ce qui touche à l’organisation des filières longues, leurs forces, leurs faiblesses et les marges de progrès.

Si je suis favorable à vos préconisations sur la PAC, je les trouve un peu trop timides en ce qui concerne les nécessaires outils de régulation européenne par rapport aux productions européennes et à la demande. S’appliqueront-ils seulement en cas de crise ? Pourquoi ne pas dire clairement que la guerre des prix et des primes ne fera que s’amplifier sans réelle organisation en amont ? À défaut, la promotion de mécanismes assurantiels semble être la solution, mais on ne se demande pas pourquoi ils ont aussi peu de succès.

Bien sûr, on ne peut qu’être favorable à l’exclusion de quelques productions sensibles des négociations internationales, à une harmonisation sociale et fiscale des exploitations européennes, et, bien sûr, au soutien de l’initiative de la Commission européenne de révision de la directive « travailleurs détachés ». À défaut d’y parvenir rapidement puisque nous savons qu’il y a surtout des gouvernements de droite très capitalistes en Europe, nous proposons de fixer, par voie législative, des prix de référence et d’établir des formules de calcul de prix différenciées en fonction de l’orientation des productions, comme cela existe dans la filière viticole.

J’espère que la loi Sapin 2 nous permettra d’avancer pour parvenir à un meilleur équilibre entre les différents acteurs et faire cesser la guerre des prix et des enseignes de la grande distribution.

Je suis surprise de voir des propositions sans réelle orientation pour notre élevage au regard des enjeux écologiques, économiques et sociaux actuels, et qui s’apparentent de fait à des mesures de déréglementation : l’agro-écologie et les choix stratégiques sont laissés à la seule responsabilité des choix d’orientation politique des interprofessions et des régions.

Mme Jeanine Dubié. Je tiens à féliciter le président de la mission et les deux rapporteurs pour leur rapport qui résume parfaitement l’étendue des travaux que nous avons menés depuis maintenant près de six mois. Je veux saluer l’esprit constructif et positif qui a présidé tout au long de cette mission, sans parti pris et dans le respect mutuel.

Pour ma part, j’ai pris beaucoup de plaisir et d’intérêt à participer aux travaux de la mission d’information, qui a réalisé un diagnostic précis de nos filières d’élevage.

Lors des auditions, nous avons pu voir que si les situations des filières et des éleveurs peuvent être hétérogènes, elles rencontrent des difficultés similaires auxquelles il convient de trouver des réponses. J’espère que les propositions contenues dans le rapport y contribueront.

Nous avons pu mesurer, au fil des auditions, la détresse des éleveurs, leur incompréhension de ne pouvoir recevoir une juste rétribution au regard du travail fourni et des coûts de production. Nous avons rencontré des producteurs épuisés, mais qui ne baissent pas les bras et qui nous ont fait des propositions pour sortir de cette crise multifactorielle.

Cette crise n’est pas seulement franco-française : en Espagne, par exemple, pour le porc, le coût de production à 0,97 euro le kilo ne couvre pas les frais. En tout cas, ce qui est bien français, c’est le modèle de production assis sur un modèle d’exploitation familiale qui fait vivre nos zones rurales et qui contribue largement à y maintenir une ruralité vivante. Cette spécificité doit être prise en compte dans tous les niveaux de réponse que nous pouvons apporter, à l’échelle nationale ou européenne, mais aussi au niveau des interprofessions que nous devons inciter à dialoguer et collaborer entre elles.

Ce travail visait surtout à redonner aux éleveurs des raisons d’espérer et des perspectives d’avenir. C’est un point sur lequel il est important d’insister, car nous avons des raisons d’y croire. J’espère très sincèrement que les préconisations seront suivies d’effets et qu’elles permettront de répondre à la détresse de nombreux éleveurs.

Nous devons tout mettre en œuvre pour favoriser la compétitivité, en valorisant nos atouts que sont notamment la qualité et la traçabilité de nos produits. Sachez que le groupe des radicaux de gauche auquel j’appartiens soutiendra largement les initiatives qui seront mises en place pour que les propositions concrètes de ce rapport soient rapidement appliquées.

M. Hervé Pellois. Je remercie le président de la mission d’information et les deux rapporteurs pour avoir animé cette mission avec beaucoup d’énergie et essayé de répondre aux difficultés que rencontrent nos éleveurs. Nous avons toutefois rencontré aussi des éleveurs heureux, ceux qui sont dans un marché de niches de production, niches qui ne demandent peut-être qu’à grossir ou à se diversifier et qui leur assurent des revenus corrects. Le développement des groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE), que vous préconisez, tout comme la mise en place des projets alimentaires territoriaux, dont nous n’avons peut-être pas suffisamment parlé, sont des points importants qui peuvent nous permettre de progresser.

Nos filières souffrent de leur grande dispersion par rapport à leurs concurrentes européennes. Ne faudrait-il pas développer une taille critique pour un certain nombre de ces organisations de producteurs ?

Vous proposez de promouvoir l’élevage 2.0 en finançant un plan de soutien aux technologies numériques innovantes, mais peut-être n’insiste-t-on pas suffisamment sur l’effort de recherche qui serait peut-être nécessaire pour obtenir davantage de différentiation et de segmentation.

Concernant la diversification des activités, les actuels plafonds de 50 000 euros et 30 % du chiffre d’affaires d’une exploitation agricole sont-ils suffisants pour permettre le développement de l’agro-tourisme ?

M. Dino Cinieri. À mon tour, je tiens à féliciter Mme Annick Le Loch et MM. Damien Abad et Thierry Benoit pour cet excellent rapport d’information sur l’avenir des filières d’élevage.

Les très nombreuses auditions qu’ils ont menées montrent bien l’attente forte des professionnels qui sont légitimement très inquiets de la pérennité de leurs exploitations compte tenu de la crise.

Je salue votre proposition n° 13 qui va dans le sens d’une proposition de loi que j’ai déposée en 2014. Imposer un recours systématique aux études d’impact préalables pour toute adoption de nouvelle norme affectant l’agriculture est en effet indispensable.

Votre proposition n° 55 sur les signes de qualité va également dans le sens des conclusions du rapport de la mission que j’ai conduite avec notre collègue Marie-Lou Marcel sur les signes d’identification de la qualité et de l’origine.

À la page 23, vous évoquez l’embargo russe, en précisant qu’il faudrait apprendre à s’adapter, rebondir, identifier de nouveaux marchés, ce que la France n’a pas su faire jusqu’à maintenant.

Dans le contexte géopolitique actuel, on peut craindre que les embargos se multiplient ou s’installent dans le temps. Les personnes auditionnées ont-elles proposé des pistes précises pour diversifier les débouchés ?

Mme Michèle Bonneton. Je tiens à féliciter toutes les personnes qui ont travaillé sur ce rapport tout à fait remarquable, d’autant que les éleveurs vivent une crise terrible et qu’ils attendent beaucoup des législateurs que nous sommes.

On constate ces derniers temps que les coûts de production dans l’élevage sont très souvent supérieurs au prix de vente payé aux agriculteurs. Dans ce domaine, vous faites des propositions. Mais ne serait-il pas possible d’aller plus loin ? Certaines demandes reviennent fréquemment, comme la fixation d’un prix minimal garanti, mesure que je soutiens. Vous parlez de la mise en place d’un fonds de soutien à l’élevage abondé par la grande distribution. Ce fonds pourrait-il y contribuer ?

Autre demande que je soutiens : la mise en place d’un coefficient multiplicateur que la grande distribution ne pourrait pas dépasser – autrement dit, elle ne pourrait pas multiplier par plus de x le prix d’achat à l’agriculteur pour former son prix de vente.

Je propose également d’informer le consommateur du prix auquel le produit a été acheté au producteur en le faisant figurer sur l’étiquette dès lors qu’il ne s’agit pas de produits transformés.

Votre proposition n° 49 vise à diversifier les circuits de distribution avec des circuits courts ou de proximité. J’y souscris pleinement. Je tiens à relier cette proposition avec la proposition n° 39 relative à la surtransposition des directives européennes. Il me semble important de préciser qu’au-delà même de cette surtransposition, il se pose un problème d’adaptation des normes européennes aux spécificités des élevages fermiers par exemple. Ces élevages sont souvent de petite taille et engagés dans une démarche de vente directe ou de circuit de proximité. L’exemple des normes de dépistage des salmonelles dans les élevages de volaille est sur ce point éclairant : elles sont partout les mêmes, que l’on ait 30 000 volailles en élevage industriel qui ne sortent jamais ou 250 en élevage fermier, qui vont prendre l’air plusieurs fois par jour. Il est indispensable de prendre en compte les spécificités de ces petits élevages si l’on veut les encourager. Ne pensez-vous pas que des mesures seraient nécessaires ?

En ce qui concerne le bio qui est bon pour l’environnement et notre santé, quelles propositions supplémentaires pouvez-vous faire ?

Mme Corinne Erhel. Je tiens à vous féliciter pour le travail que vous avez effectué dans un contexte difficile.

Vous proposez d’accroître les aides d’urgence, en relevant le plafond de minimis sur les aides d’État, comme l’a indiqué le ministre de l’agriculture. Avez-vous des préconisations particulières en matière d’accélération du versement de ces aides ? En cas de crise, une aide d’urgence doit par définition être versée rapidement, ce qui signifie que le traitement des dossiers doit être amélioré.

Votre proposition n° 30 vise à faire cesser la guerre des prix entre enseignes de la grande distribution et changer les pratiques et les mentalités dans les relations commerciales. Quelle est votre position sur la publicité comparative ? Je considère que cet élément tend à faire baisser les prix. Il faudrait donc se pencher sur cette question qui, à mon avis, conduit également à une baisse généralisée des prix.

Votre proposition n° 58 tend à exiger des régions, en lien avec les autres collectivités territoriales, qu’elles mettent en œuvre des stratégies territoriales en faveur de la compétitivité des filières d’élevage. Est-ce ce qui se fait actuellement en Bretagne ? Nous l’avons annoncé pour la filière porcine. Le président de la région Bretagne, M. Jean-Yves Le Drian, a déclaré également qu’un travail équivalent serait réalisé sur la filière laitière, en matière d’investissement et d’accompagnement. Vos propositions sont-elles bien dans ce cadre-là ? Si ce n’est pas le cas, quelle est exactement leur nature ?

M. Antoine Herth. À mon tour, je tiens à féliciter nos collègues qui ont œuvré sur ce sujet et proposé des solutions pour sortir de la crise que connaît l’élevage.

Plus que des solutions, c’est le tour d’horizon très complet, très fouillé, et vos études comparatives avec deux pays européens qui me paraissent particulièrement intéressants. Je l’ai souvent dit pour le regretter : lorsque nous légiférons, nous travaillons trop souvent à l’aveugle et nous n’avons pas la possibilité de mesurer réellement les besoins ou les conséquences des dispositifs que nous votons. Ce rapport d’information est une sorte de Guide Michelin qui nous permettra d’alimenter notre travail parlementaire pour l’année qui nous reste à siéger ici.

Je lance une bouteille à la mer en émettant le souhait qu’à l’avenir les commissions de l’Assemblée nationale travaillent davantage sur le modèle qui nous est présenté aujourd’hui. Nous avons besoin en effet, en commission, d’accumuler d’abord de la connaissance, de l’expertise, des informations, de les recouper et de les échanger avant que les différentes formations politiques affichent leur posture.

Madame la présidente, je vous remercie d’avoir donné votre accord pour la création de cette mission d’information car c’est de cette manière qu’il faut travailler.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je suis tout à fait d’accord avec vous.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je tiens à féliciter le président de la mission d’information et les rapporteurs pour leur travail d’expertise très fouillé qui a conduit à la présentation d’un rapport de qualité. Il vise à sortir notre agriculture de la précarité et à l’aider à retrouver sa place de grand producteur agricole en Europe.

Après avoir posé un diagnostic précis et sans appel, vous proposez 60 orientations et préconisations très concrètes et intéressantes pour agir à la fois au niveau européen en passant par l’activation de l’outil de régulation, mais aussi par le relèvement du plafond de minimis sur les aides d’État, permettant la mise en place d’aides d’urgence nationales plus importantes, sur la généralisation de l’étiquetage, l’adaptation du droit pour la commande publique. Au niveau national, vous proposez de modifier la LME, la LMA et la loi relative à la consommation, pour permettre des relations commerciales plus transparentes et plus équilibrées. Au niveau réglementaire et administratif enfin, des adaptations et des simplifications s’imposent.

Reste aussi la question de l’endettement auquel sont confrontés certains agriculteurs qui ne trouvent pas de vraies solutions. Comment peut-on y travailler de manière plus précise ? Pour certaines exploitations, il est question de leur survie.

Membre de la mission, je partage bien évidemment les préconisations qui ont été formulées. Je compte bien, comme chacun ici, contribuer à vos côtés à leur mise en œuvre le plus rapidement possible, et notamment les traduire dans les prochains textes de loi qui seront examinés en séance publique et sur lesquels nous travaillerons collectivement.

M. Éric Straumann. Je remercie le président de la mission d’information et les deux rapporteurs pour leur travail.

L’abattage est une étape importante dans la filière de l’élevage. Les conditions choquantes d’abattage, dénoncées, à juste titre, par l’association L214, risquent d’affecter l’image de la viande française à l’étranger si de tels scandales se répètent. Le Gouvernement doit être sensibilisé sur cette question car ce scandale français peut devenir européen. Une commission d’enquête parlementaire vient d’être créée ; nous devons prendre ce problème à bras-le-corps.

Il faudrait revoir les plafonds des forfaits agricoles, qui ne semblent plus adaptés, et, plus largement, le régime de la TVA agricole, à l’image de ce qui se passe en Allemagne.

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous avons effectivement décidé, la semaine dernière, de créer une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français, ce qui permet d’aller plus loin qu’une mission d’information.

Mme Delphine Batho. À mon tour, je tiens à saluer nos collègues pour leur rapport.

Députée d’un département rural qui a perdu 30 % de ses exploitations en dix ans, je soutiens la proposition qui consiste à revenir à la régulation au niveau européen, et le fait que cela implique un changement de perspective de la PAC pour passer d’un système de primes à un système de régulation des prix.

Je vous prie de m’excuser des trois remarques que je vais faire après une lecture rapide, donc incomplète, de ce rapport.

S’agissant du désendettement, ne faut-il pas aller beaucoup plus loin et prévoir un vaste plan de désendettement des agriculteurs ?

Je n’ai pas vu de propositions sur la montée en gamme en termes de valeur ajoutée, sur le problème du non-versement des mesures agro-environnementales (MAE), ni sur les aides à la conversion à l’agriculture biologique alors que les filières de qualité font l’objet d’une sorte d’appel d’air lié à la question des revenus.

La maltraitance administrative et de la bureaucratie ne se limite pas aux normes environnementales. Les formulaires administratifs du ministère de l’agriculture sont sans doute les pires de toutes les administrations de France ; or on ne constate aucune évolution sur cette question.

En matière d’environnement, je ne suis pas favorable à un moratoire parce qu’il faut aller beaucoup plus loin et revoir tout le système. La logique européenne sur les questions environnementales est une logique d’obligation de moyens qui se traduit par une bureaucratie qui s’avère inefficace en termes d’objectifs écologiques. Il faut changer de système, c’est-à-dire passer à une obligation de résultat et faire confiance aux moyens utilisés pour parvenir à des résultats. Cela pose la question du conseil agronomique et du contrôle. Le rapport de Mme Frédérique Massat proposait des contrôles à blanc ; je ne sais ce qu’est devenue cette solution qui paraissait évidente et qui prévoyait une phase de conseil, d’accompagnement, de contrôles à blanc avant de passer à une logique administrative plus lourde.

M. Jean-Claude Mathis. Lors de la table ronde organisée par la mission d’information sur la filière laitière, qui s’est tenue le 4 novembre 2015, les élus membres de cette mission ont posé de nombreuses questions sur le fameux contrat sans prix. Il est fort étonnant et difficilement compréhensible que l’on puisse acheter un produit sans définir au préalable un prix d’achat.

Face à cette lacune et ce formidable vice de forme, la Fédération nationale des producteurs de lait a donné des explications pour le moins confuses. S’agissant de ces contrats sans prix, quelles étaient les positions et les revendications des différents représentants du secteur présents à cette table ronde ?

Depuis cette date, avez-vous réussi à avoir une meilleure vision quant aux responsabilités vis-à-vis de ces contrats sans prix ?

M. Marcel Bonnot. Je salue à mon tour le travail important et la finesse de l’analyse déployée par les rapporteurs et la commission.

Notre agriculture est en crise. Le problème est grave, têtu et destructeur. Les prix de vente sont inférieurs aux prix de production, l’organisation de la profession est insuffisante, la maîtrise de la production fait défaut et l’embargo russe est là. L’harmonisation sociale et fiscale au plan européen est souhaitée et la situation hégémonique et destructrice des distributeurs et industriels a été soulignée.

Le constat est sans appel. Mais s’arrêter à ce constat serait faire la preuve de son incapacité.

Nous relevons 60 propositions judicieuses. Il n’y a plus de place pour l’attente. Le SAMU est aux portes de notre agriculture…

Parmi ces 60 préconisations, quelles sont celles, rares peut-être sur le plan national et européen, qui peuvent être appréhendées rapidement ? Il ne faudrait pas que votre travail prenne le chemin de l’armoire confortable des rapports classés sans suite.

M. François André. Je vous remercie de m’accueillir ce matin dans votre commission. En tant que commissaire aux finances, j’ai conduit un travail l’année dernière, avec notre collègue Marc Le Fur, sur l’adaptation nécessaire de la fiscalité agricole. Je précise que nous sommes parvenus à faire aboutir un certain nombre de propositions, notamment celle d’une fiscalité qui prenne mieux en compte la volatilité de plus en plus forte des cours, donc des revenus.

Ma première question concerne la contractualisation tripartite qui garantirait des prix et des volumes, que beaucoup décrivent comme la porte de sortie des difficultés que connaissent nos éleveurs. Mais lorsque j’interroge les éleveurs sur ce point, je me rends compte qu’il y a dans leur esprit une certaine contradiction entre, d’un côté, la volonté de bénéficier de prix et de volumes garantis, et, de l’autre, le souci de ne pas devenir dépendants d’un, deux ou trois clients qui leur achèteraient la totalité de leur production. Comment peut-on, à votre avis, surmonter cette contradiction ?

Ma seconde question a trait aux relations commerciales. Il est courant dans le débat public d’incriminer la LME. La DGCCRF de mon département, que j’ai questionnée il y a quelques jours, m’a répondu que ce qui est en cause aujourd’hui ce ne sont pas les discussions annuelles qui sont encadrées et qui sont sous le contrôle des services de la concurrence, mais les éléments périphériques à ces contrats, autrement dit ce qui est hors contrat, et notamment le retour des marges arrière, pourtant interdites, qui imposent des conditions exorbitantes.

Quelles améliorations concrètes peut-on apporter à la LME pour que cessent ces pratiques déloyales ?

M. Thierry Lazaro. J’ai été très sensible aux propos du président de la mission d’information et de nos deux rapporteurs, notamment sur la grande distribution qui, à mes yeux, a un rôle particulièrement déstructurant pour notre modèle économique et social. Il faudra bien avancer un jour sur ce sujet dont on parle depuis de nombreuses années, et pas seulement dans le secteur agricole.

Je suis de ceux qui pensent que la grande distribution sont les seigneurs… et les saigneurs des temps modernes !

On ne peut qu’être sensible à votre proposition n° 13 qui vise à imposer un recours systématique aux études d’impact préalables pour toute adoption de nouvelles normes affectant l’agriculture. Je pense que beaucoup de ceux que vous avez rencontrés ont dû vous dire qu’outre la norme et la directive européenne que l’on transpose en droit français, il y a la surnormalisation française qui est un mal bien de chez nous. Moi qui suis frontalier avec la Belgique, j’ai coutume de dire que les Belges font les affaires d’abord et règlent les problèmes ensuite, alors que nous faisons exactement l’inverse… Et cela a de lourdes conséquences en termes de compétitivité et de concurrence.

M. François Sauvadet. Madame la présidente, qu’envisagez-vous de faire de ce rapport qui contient de nombreuses propositions ? Allez-vous le transmettre au Gouvernement ? Avec ce rapport, qui est le fruit d’un travail transpartisan effectué dans un contexte de crise extrêmement grave où des faillites d’entreprises risquent de se profiler en cascade, la représentation envoie un signal fort. Certaines propositions engagent directement l’action du Gouvernement. Je pense, par exemple, à la levée de l’embargo avec la Russie, qui est un élément de décompression dans le monde de l’élevage, notamment bovin allaitant. Mais ce n’est pas une décision que vous pouvez prendre, madame la présidente.

Mme la présidente Frédérique Massat. En effet !

M. François Sauvadet. Nos collègues concluent leur rapport en parlant de confiance. Mais la confiance suppose d’agir. L’action doit être au rendez-vous du rapport que vous venez de nous présenter.

Nous sommes face à une réalité économique dont nous ne pouvons pas nous abstraire. On parle de relation de confiance entre les opérateurs. Mais que faire quand un opérateur détient 50 % du marché de l’abattage et qu’il ne veut pas se mettre autour de la table ? Quels sont les moyens pour le contraindre ?

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République a placé les grandes régions au cœur de l’action économique. Comment vont-elles s’approprier les enjeux agricoles puisque ce sont elles qui seront chargées des crédits européens ?

Si l’on veut redonner de la crédibilité à l’action du Parlement, il faut procéder à une évaluation régulière des conditions de prise en compte d’un rapport d’information qui concerne un secteur important pour l’avenir de notre économie.

Mme Béatrice Santais. Je souhaite évoquer une forme d’élevage un peu particulière : le pastoralisme, pratique vieille de 10 000 ans, qui n’existe plus guère que dans nos zones de montagne et qui vit des moments très difficiles en raison de la présence de certains prédateurs, et notamment du loup. La coexistence du loup et de l’agneau a toujours été difficile… Au-delà de la passion qu’il permet aux éleveurs d’exercer, le pastoralisme nous permet localement de consommer une viande de qualité et de sauvegarder la montagne, ses paysages.

Je crois qu’il faut aller au-delà des tirs que la ministre a autorisés récemment. Les éleveurs souhaitent entamer des discussions avec l’Europe sur la convention de Berne, afin de savoir s’il faut ou non continuer à protéger le loup qui n’est plus aujourd’hui une espèce en voie de disparition.

M. Damien Abad, président de la mission d’information. Je tiens à remercier l’ensemble des intervenants pour leurs propos.

Plusieurs orateurs, dont M. François Sauvadet, se demandent quelle est l’étape suivante, après l’adoption de ce rapport qui comprend 60 propositions qui recueillent pratiquement l’unanimité.

Comme vous l’avez dit, madame la présidente, un véhicule législatif s’offre à nous avec la loi Sapin 2. Il convient donc que les législateurs que nous sommes l’utilisent au maximum. Je suis favorable au dépôt d’amendements transpartisans en séance si certaines des propositions que nous avons formulées au plan national ne sont pas reprises dans le projet de loi.

La question de la régulation par les prix a été posée par plusieurs intervenants. Nous avons fait le choix de mettre l’accent sur les outils de régulation conjoncturelle qui sont liés à des phénomènes de crise et qui peuvent être acceptés par nos partenaires européens, et en premier lieu l’Allemagne. Nous avons été frappés par le fossé qui existe entre la France et l’Allemagne sur la question agricole. M. Jean-Pierre Le Roch a rappelé que l’Allemagne était très attachée au bien-être animal, sujet qui n’est pas toujours mis en avant par la France. Nous souhaitons un étiquetage qui mentionne l’origine, tandis que les Allemands sont favorables à un étiquetage sur le bien-être animal en tant que tel. Il faut donc réfléchir à des stratégies communes et harmoniser au maximum nos positions. Comme M. André Chassaigne, je considère qu’il faut dresser la liste des mesures eurocompatibles et essayer de les présenter lors de l’examen de la loi Sapin 2.

Au-delà des aspects européens, plusieurs propositions concrètes ont été mises en avant, qu’il s’agisse de la promotion de l’agro-tourisme, l’institutionnalisation d’un fonds de soutien à l’élevage et des relations avec la grande distribution.

Un mot sur les relations avec la grande distribution et les pratiques commerciales. Des mesures ont été prises dans la loi relative à la croissance, dite « Hamon » sur les pratiques commerciales abusives et la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances, dite « Macron », a prévu des sanctions en matière de pratiques restrictives de concurrence. Malheureusement, force est de constater que la relation de dépendance que vous avez soulignée demeure.

La proposition n° 22 vise à redéfinir l’abus de dépendance économique et à rééquilibrer les relations difficiles entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs, et la proposition n° 31 prévoit de renforcer les pouvoirs de l’Observatoire des marges et des prix des produits alimentaires et à demander la publication d’un rapport semestriel sur l’évolution des prix qui ferait l’objet d’un véritable débat au Parlement : on constate parfois de réelles différences entre ce que l’on nous dit dans nos circonscriptions et les évaluations de l’Observatoire.

Mme Brigitte Allain est revenue sur l’harmonisation sociale et fiscale au niveau européen. Disons-le franchement : cela nous paraît impossible à vingt-huit, notamment quand on voit le fossé qu’il y a entre l’Allemagne et la France sur ce sujet. Il faut œuvrer pour des rapprochements, mais peut-être entre des pays de niveau équivalent. L’interprofession et la région sont des instances de dialogue et de décision. En Rhône-Alpes-Auvergne et en Bretagne notamment, il y a une vraie réflexion par filière. Les régions vont désormais contrôler l’ensemble des fonds européens, ce qui signifie qu’elles devront mener une vraie politique de filières et permettre de corriger certaines disparités.

Si nous avons choisi de mener une analyse comparative européenne, notre volonté n’était pas de faire un inventaire à la Prévert, mais plutôt de nous concentrer sur trois ou quatre grandes mesures qui pourraient être prises concomitamment avec d’autres pays pour essayer de créer un effet d’entraînement. Quelques dispositions peuvent être prises en matière de régulation. Plusieurs d’entre vous ont parlé de la montée en gamme et de la valorisation des produits. Effectivement, des éleveurs nous ont dit très clairement qu’il y avait là un moyen de regagner des parts de marché. M. Hervé Pellois a dit avoir rencontré des éleveurs heureux. Ils ne sont pas nombreux mais il en reste quelques-uns…

Enfin, nous proposons de stopper la surtransposition des normes européennes, d’obtenir des institutions européennes un moratoire sur les normes agricoles et d’imposer un recours systématique aux études d’impact préalables pour toute adoption de nouvelle norme affectant l’agriculture. De la même manière, il faut parvenir à un désarmement des agents de l’ONEMA. Si cette mesure est certes symbolique, il n’en demeure pas moins qu’il faut passer d’une logique de contrôle-sanction à une logique de contrôle-conseil – le conseil n’empêche pas le contrôle mais il facilite a priori le contrôle et la sanction a posteriori. C’est cette culture que l’on doit pouvoir faire évoluer. Pourquoi, comme l’a dit Mme Delphine Batho, ne pas reprendre la proposition de contrôles à blanc ?

Notre constat, vous l’avez vu, est très partagé. Il est très important que nous puissions mettre en œuvre au niveau national un certain nombre d’orientations qui ont été fixées dans le rapport. Certaines mesures sont complémentaires les unes des autres. Il conviendrait de les rassembler plutôt que de les détricoter, puis d’élaborer un message européen unique pour essayer de faire face à la crise de l’ensemble des filières d’élevage.

M. Thierry Benoit, co-rapporteur. Je considère que la France doit redevenir le premier pays producteur et exportateur d’Europe. Si l’on est d’accord avec cet objectif, je suis convaincu que les régions, qui ont été redécoupées, recalibrées et qui ont vu leur rôle économique renforcé, seront l’acteur majeur de la politique agricole et agroalimentaire. Quelqu’un a pris l’exemple de la Bretagne. C’est précisément ce cas qui m’a conduit à proposer la définition d’objectifs par région. Si j’étais mesquin, je ferais remarquer que la quasi-totalité des régions de France, à l’exception de l’Alsace, a été gérée pendant plus de dix ans par la même sensibilité politique… Moi qui suis un Breton averti et attentif, madame Corinne Erhel, j’observe que l’exécutif régional assiste impassible, depuis dix ans, à la disparition de la production agricole, à la déstructuration de la filière agroalimentaire. Il faut poser clairement le débat des potentiels de production des régions de France. Les filières ne sont pas les mêmes en Bourgogne, en Franche-Comté, en Bretagne ou en Aquitaine. Ainsi, la filière laitière bretonne est très importante et il y a encore quelques années, la Bretagne produisait 50 % de la production porcine française. Mais comme il se posait un problème environnemental en Bretagne, on a considéré qu’il allait se régler de lui-même avec la baisse de la production, puisque les exploitations fermaient les unes après les autres. Mais c’était oublier que derrière se pose la question de toute la filière agroalimentaire, des outils d’abattage et des outils de transformation. L’État doit définir, avec les régions, des objectifs précis afin que la France retrouve son rang de premier pays producteur et exportateur européen.

S’agissant de l’organisation des filières, nous avons constaté que les interprofessions se parlaient peu, et nous avons même vu certains des acteurs quitter une table ronde que nous avions organisée. Nous proposons dans notre rapport de travailler à des interprofessions « longues » en étendant les organisations interprofessionnelles à la distribution et à l’industrie de la transformation.

Cela m’amène au problème des quotas. Je pense que la France a mal anticipé la fin des quotas laitiers. Les pouvoirs publics, c’est-à-dire les politiques, les services de l’État et l’interprofession, s’y sont mal préparés. En 2007-2008, la contractualisation était vue comme la tarte à la crème. Mais on oubliait d’expliquer aux éleveurs laitiers français que pour avoir une contractualisation efficace, encore fallait-il des parties prenantes structurées et organisées. Depuis cinquante ans, la grande distribution et les centrales d’achat se sont structurées et organisées, de même que les coopératives et les entreprises privées. Par contre, les éleveurs sont plutôt d’obédience entrepreneuriale, libérale et individuelle, hormis celles et ceux qui étaient déjà organisés en coopératives. Certains éleveurs n’étaient donc pas du tout préparés à intégrer une organisation de producteurs. Les représentants des associations d’organisations de producteurs que nous avons rencontrés nous ont demandé une réelle reconnaissance. Nous devons, à travers les textes et les règlements, reconnaître en France les associations d’organisations de producteurs et les aider à se structurer, à s’organiser et à discuter avec les partenaires de la filière, les industriels et les distributeurs pour élaborer à terme des contractualisations tripartites qui prennent en compte la question de la construction des prix des produits agricoles dans les prix de vente.

L’été dernier, M. Stéphane Le Foll a réuni les acteurs de la filière porcine et leur a dit qu’un prix du porc au-dessous de 1,40 euro le kilo ne permettait pas à nos éleveurs de vivre : c’est un peu cela la prise en compte de la construction du prix dans le prix de vente.

Mme Corinne Erhel a évoqué la publicité comparative et le site quiestlemoinscher.com. En fait, on y apprend au consommateur français qui n’a pas un fort pouvoir d’achat comment vivre sans dépenser beaucoup d’argent. Alors, on met sur le marché des produits qui ne sont pas chers. Il faudrait plutôt intégrer dans les relations commerciales une dose d’éthique et de loyauté et proposer des sites tels que « quiestlepluséthique.com » ou « quiestleplusloyal.com ».

Je suis conscient de la qualité de ce rapport, que vous avez tous reconnue – d’autant que je l’ai co-écrit avec Annick Le Loch (sourires), mais comme tous les autres, ce rapport n’est qu’une étape ; les choses ne s’arrêtent pas aujourd’hui. Alors que je vous parle, il fallait bien boucler notre travail, mais j’ai encore des propositions plein la tête, notamment en ce qui concerne la montée en gamme dont a parlé à juste titre Mme Delphine Batho. Pour partager de la richesse, il faut créer de la valeur ajoutée. Elle a parlé, à juste titre, de maltraitance administrative – j’ai apprécié cette expression – et des excès d’une bureaucratie qui ne se résume pas à l’environnement.

J’ai parlé des contrôles sanitaires, environnementaux et administratifs. En fait, dans ce pays on complique la vie de nos éleveurs, de nos artisans et de nos PME-PMI. Bref, on complique la vie de celles et ceux qui entreprennent. Il faut les laisser respirer et leur faire confiance car nous sommes entourés de gens honnêtes, sérieux, professionnels. Si l’on change de postulat, on peut contribuer à réduire les problèmes de prix à défaut de la régler totalement.

Notre rapport fait référence au rapport déposé par MM. François André et Marc Le Fur sur la fiscalité agricole. J’aimerais qu’on ait une fiscalité incitative, ou du moins que l’on encourage, que l’on réfléchisse à exonérer du foncier non bâti toutes les surfaces dédiées aux prairies, à l’autonomie fourragère, et tout ce qui encourage les protéines d’origine végétale ou les oméga 3. Moi qui viens de subir un double pontage, j’ai pris conscience de l’importance des oméga 3 qui sont sains pour les maladies cardiovasculaires.

M. Antoine Herth. Et comme le bon vin !

M. Thierry Benoit, co-rapporteur. Tout à fait !

Dans ma circonscription de Fougères sont implantées l’association Bleu-Blanc-Cœur et l’entreprise Valorex qui travaille sur des produits à base de lin.

On pourrait exonérer totalement de foncier non bâti les éleveurs qui augmenteraient leurs surfaces de prairies ou développeraient la culture de légumineuses, par exemple de trèfle, de luzerne, de lupin ou de lin.

Monsieur Hervé Pellois, comme vous, nous avons rencontré des agriculteurs qui s’en sortent bien car ils sont dans des filières structurées, organisées. Ce sont souvent des circuits courts, là où il y a de l’éthique et de la loyauté, là où le producteur est en contact avec le consommateur et où il n’y a pas trop d’intermédiaires.

Dans notre pays, la profession agricole s’est bien structurée. C’est le cas notamment du secteur coopératif. Nous souhaiterions que les coopératives soient éligibles au crédit d’impôt recherche, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. On pourrait peut-être ajouter cette proposition qui ne figure pas dans le rapport dans ma contribution annexe. Il y a là un vecteur possible de création de valeur ajoutée, de produits nouveaux à mettre sur le marché.

Mme Annick Le Loch, co-rapporteure. Les contributions des uns et des autres enrichissent les propositions sur lesquelles nous avons travaillé depuis des mois.

Effectivement, il convient de trouver un prolongement au rapport que nous avons effectué, car on ne peut pas admettre qu’un travail aussi conséquent et enrichissant et qui recueille un large consensus s’arrête là. Mais je ne sais pas comment il pourrait être prolongé. Peut-être pourrions-nous le faire par le biais d’un comité de suivi. Les choses n’ont pas été faciles pour nous car la crise est profonde et elle perdure. Il s’est passé des choses entre le mois d’octobre, au moment où nous avons commencé nos travaux, et aujourd’hui, puisque des décisions fortes ont été prises par le Gouvernement en matière de baisse des charges, d’aides d’urgence, même si M. Philippe Le Ray n’est pas d’accord sur ce point.

M. Philippe Le Ray. Je n’ai pas dit que c’était mal !

Mme Annick Le Loch, co-rapporteure. Vous avez dit que c’était insuffisant.

Nous souhaitons prolonger les initiatives qui ont été prises par le Gouvernement. Plusieurs intervenants souhaitent la régulation, qui n’est plus considérée aujourd’hui comme un gros mot. Quand une filière est en surproduction, il faut parler régulation ; car les prix sont mondiaux, ils dégringolent et nos producteurs ne s’en sortent pas.

J’ai découvert qu’il existait, dans le cadre de l’OCM, des outils de régulation qu’il suffisait d’activer. S’agissant du lait, le ministre français a été le premier à aller discuter avec ses homologues européens et à demander l’activation des outils de régulation de la production existants – il s’agit des articles 219, 221 et 222 de l’OCM. Il existe différents niveaux d’intervention par l’intermédiaire de ces articles.

La filière laitière, par exemple, est favorable à la réduction de la production, qui n’a augmenté que de 1,5 point en 2015, alors que l’Allemagne et les Pays-Bas, qui sont de gros producteurs de lait, ont augmenté la leur dans des proportions beaucoup plus importantes. On le voit, c’est par le dialogue et les échanges divers au niveau européen que les choses se passent. Nous pouvons faire confiance à la détermination et à la volonté du ministre de l’agriculture pour faire en sorte que ses homologues l’entendent. Nous préconisons d’agir plus en profondeur afin de permettre à nos producteurs d’anticiper les crises. Il ne s’agit pas seulement d’être confronté aux crises de surproduction, encore faut-il pouvoir les anticiper pour que nos producteurs s’en sortent économiquement et que leur activité perdure.

Il se passe tout de même quelque chose dans ce pays. Nous ne sommes pas encore totalement déclassés, cher collègue rapporteur : nous restons le premier pays producteur de viande bovine et de volaille, et nous pouvons retrouver des marges de manœuvre. La grande distribution accepte enfin de s’asseoir autour de la table. Elle s’est rendu compte que s’il n’y a plus de production, il n’y aura plus de produits agroalimentaires, donc plus de produits. La France a une industrie laitière et une industrie agroalimentaire de très haut niveau avec des produits de qualité présents dans les rayons des supermarchés. La guerre des prix doit cesser car elle est destructrice de valeur et d’emplois sur le territoire. J’espère que l’on pourra y mettre fin prochainement. Je ne sais pas si on y parviendra par la loi, car la loi ne règle pas tout. On l’a bien vu avec la loi relative à la consommation : on a voulu formaliser les choses de manière que les distributeurs respectent la loi ; or aujourd’hui ils ne la respectent pas.

Certaines organisations de producteurs ont signé des contrats tripartites tandis que d’autres n’en ont pas du tout. Le fonctionnement est très variable d’un secteur à l’autre, d’une région à l’autre. Tout cela nécessite d’être examiné de près. Mais il ne faut pas critiquer l’un pour encenser l’autre. Les négociations commerciales durent de décembre à février. C’est un moment compliqué pour les chefs d’entreprise, les fournisseurs et les PME, mais un moment important. Il faut regarder ce qui se passe en France. La réalité est la même à l’échelle de l’Europe, c’est-à-dire que partout les distributeurs sont très puissants et très concentrés. Il faut en effet les interpeller à nouveau, leur expliquer qu’ils sont en train de détruire notre économie nationale et que cela ne peut pas durer.

Enfin, n’oublions pas que nous faisons des propositions en direction des professionnels. Tout à l’heure on a dit que les interprofessions ne fonctionnaient pas bien dans les secteurs du lait et la viande bovine. Les professionnels doivent eux aussi se prendre en main, s’organiser pour peser davantage. Les organisations de producteurs doivent être renforcées.

Mme la présidente Frédérique Massat. Des pistes ont été évoquées par les rapporteurs et par le président de la mission d’information sur les suites à donner à ce rapport. Il est évident que le véhicule législatif qu’est la loi Sapin 2 sera l’occasion de porter des amendements. Si ce n’est pas suffisant, nous pouvons éventuellement travailler sur une proposition de loi, mais le temps législatif qui nous reste jusqu’à la prochaine législature est fort court.

Je proposerai l’organisation d’une table ronde avec les régions…

Mme Jeanine Dubié. Très bien !

Mme la présidente Frédérique Massat. … afin d’évoquer l’ensemble de ces problématiques et voir comment, avec les nouvelles compétences qui sont dévolues aux régions, faire le lien entre le travail du territoire et le travail national. Je proposerai donc l’organisation de cette table ronde au bureau dès la semaine prochaine, afin qu’elle soit mise sur pied rapidement.

Je considère que ce rapport est une étape. Si vous le souhaitez, je peux le transmettre de façon officielle aux différents acteurs que vous avez cités, aux niveaux européen et national, et instaurer des relations de travail à travers le groupe que vous avez formé avec le Gouvernement afin de faire avancer certains sujets. Comme vous l’avez dit tout à l’heure, toutes les mesures ne sont pas d’ordre législatif ; un certain nombre relève du domaine réglementaire. Il faut voir comment on peut travailler avec la profession, comment on peut structurer un travail de fond qui puisse prendre en compte toutes nos propositions et peut-être en ajouter d’autres car ce rapport doit continuer à vivre jusqu’à la fin de notre mandat. Nous trouverons toujours un moyen, sous une forme administrative ou une autre, pour vous accompagner afin que vous puissiez poursuivre votre travail. Pour peu naturellement que notre Commission en autorise la publication…

La Commission autorise, à l’unanimité, la publication du rapport d’information.

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS

Propositions pour agir au niveau européen

1. Activer, par les États membres et en cas de crise, les outils de régulation de la production existants (articles 8 à 21 et 219, 221 et 222 de l’OCM).

2. Mettre en œuvre, dans les plus brefs délais, un véritable « Programme de responsabilisation face au marché », permettant d’actionner en fonction de l’importance de la chute des prix, des mesures volontaires incitatives et des mesures obligatoires de réduction de la production.

3. Doter l’observatoire européen du marché du lait et l’observatoire du marché de la viande de moyens opérationnels d’alerte, notamment pour actionner le programme de responsabilisation face au marché.

4. Profiter de l’examen à mi-parcours de la programmation budgétaire 2014-2020 pour mettre en avant la nécessité de réorienter la PAC vers la promotion de mécanismes assurantiels d’atténuation de la volatilité des prix agricoles. Proposer l’adoption d’un mécanisme de sécurisation des marges et des revenus agricoles, dans le cadre du premier pilier, sur le modèle du Farm Bill américain. S’assurer, également, de la pérennisation du budget de la PAC.

5. Relever le plafond de minimis sur les aides d’État permettant la mise en place d’aides d’urgence nationales plus importantes.

6. Réviser de façon pérenne les seuils de référence et les prix d’intervention en tenant compte des parités de pouvoir d’achat entre États membres.

7. Provisionner le Fonds européen d’aide aux plus démunis de produits alimentaires directement issus des secteurs en crise.

8. Exclure certaines productions agricoles sensibles des négociations sur le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (PTCI), notamment dans le secteur de la viande. Prévoir également des clauses de sauvegarde ou des contingents tarifaires pour certains produits. Maintenir des normes de haute qualité, protéger les signes officiels d’identification de la qualité et des origines (AOP, AOC, IGP, labels) et lutter contre les barrières non tarifaires des marchés extra-communautaires (Brésil, Mexique, etc.).

9. Soutenir l’initiative de la Commission européenne de révision de la directive « travailleurs détachés » afin de garantir une rémunération égale à tout travail égal sur un même lieu de travail.

10. Obtenir l’accord de la Commission européenne pour la généralisation de l’étiquetage obligatoire de l’origine du lait et de l’origine des viandes dans les plats transformés, après l’expérimentation de ce dispositif en France.

11. Engager l’harmonisation sociale et fiscale des exploitations agricoles européennes, notamment en matière de taxe sur la valeur ajoutée forfaitaire.

12. Obtenir des institutions européennes un moratoire sur les normes agricoles, notamment environnementales dans le cadre de la directive cadre envisagée par la Commission européenne (réécriture et regroupement des directives sur l’eau, oiseaux, habitats).

13. Imposer un recours systématique aux études d’impact préalables pour toute adoption de nouvelle norme affectant l’agriculture.

14. Agir pour qu’une solution européenne à la répartition équilibrée de la valeur ajoutée dans la chaîne alimentaire soit trouvée.

15. Obtenir des institutions européennes l’adaptation du droit européen de la commande publique pour pouvoir favoriser les produits locaux pour l’approvisionnement des établissements publics.

16. Obtenir, de toute urgence, la levée des embargos sanitaire et politique russe.

17. Soutenir auprès de la Commission européenne la création d’un véritable outil de crédit export européen.

Propositions pour agir au niveau national

• Au niveau législatif

18. Rendre obligatoire la mention d’un prix de référence pouvant être payé à l’exploitant agricole dans les conditions générales de vente des contrats passés entre entreprise agroalimentaire et distributeur.

19. En matière laitière, établir des formules indicatives de calcul du prix des productions prenant en considération la valorisation finale et les coûts de production de référence du produit de grande consommation.

20. Interdire la cessibilité, à titre onéreux, des contrats laitiers.

21. Modifier les lois de modernisation de l’économie (LME), de modernisation de l’agriculture (LMA) et consommation, pour permettre des relations commerciales plus transparentes et plus équilibrées. Redéfinir les notions de pratiques restrictives de concurrence, notamment le déséquilibre significatif.

22. Redéfinir l’abus de dépendance économique.

23. Renforcer les sanctions à l’encontre des entreprises agroalimentaires qui ne déposent pas leurs comptes au tribunal de commerce.

24. Rendre obligatoire la publication des sanctions contre les pratiques commerciales déloyales.

25. Interdire la mention « transformé en France ».

26. Adapter la législation régissant la commande publique, notamment pour l’approvisionnement de la restauration hors foyer

27. Maintenir, voire augmenter, après 2016, les fonds du Programme d’Investissements d’Avenir dédiés à la modernisation des abattoirs et ateliers de découpe.

• Au niveau réglementaire et administratif

28. Officialiser et institutionnaliser un Fonds de soutien à l’élevage notamment abondé par la grande distribution.

29. Conformément aux propositions du rapport d’application de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, renforcer les moyens et les effectifs de la DGCCRF et de l’Autorité de la concurrence afin de mieux déceler les pratiques commerciales abusives et déloyales et de faire appliquer pleinement la loi. Faire appliquer la loi également sur les clauses de renégociations.

30. Faire cesser la guerre des prix entre enseignes de la grande distribution et changer les pratiques et les mentalités dans les relations commerciales.

31. Réformer les statuts de l’Observatoire des marges et des prix et demander la publication d’un rapport semestriel sur l’évolution des prix au Parlement.

32. Mieux organiser et coordonner les contrôles des exploitations agricoles.

33. Permettre aux agriculteurs d’être accompagnés d’un tiers de confiance lors des opérations de contrôles.

34. Obtenir le désarmement des agents publics de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques lors des contrôles des exploitations agricoles (ONEMA).

35. Créer un formulaire de déclaration unique et un guichet unique pour l’ensemble des démarches administratives (PAC, cahiers de fertilisations, ICPE, etc.).

36. Atténuer et mieux proportionner la sanction de remboursement de la dotation jeunes agriculteurs (DJA).

37. Poursuivre impérativement le relèvement des seuils des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) pour les gros bovins et les bovins lait et supprimer le système coûteux de déclaration avec contrôle périodique.

38. Associer les agriculteurs à l’élaboration des nouvelles normes agricoles et environnementales.

39. Stopper la sur-transposition des directives européennes, notamment en matière environnementale.

40. Poursuivre le développement de « France Viande export » et mettre en œuvre de réelles stratégies de prospective commerciale à l’export.

41. Financer une campagne de communication réaffirmant le rôle de l’élevage en matière de sécurité alimentaire, d’aménagement de l’espace et de préservation de l’équilibre rural.

• Au niveau des interprofessions, inciter à ce que chacune des filières prenne son destin en main

42. Rétablir le dialogue au sein des organisations interprofessionnelles.

43. Travailler à des interprofessions « longues », c’est-à-dire, lorsque ce n’est pas déjà le cas, étendre les organisations interprofessionnelles à la distribution et à l’industrie de la transformation.

44. Poursuivre le renforcement du rôle des organisations de producteurs et favoriser le développement des associations d’organisations de producteurs.

45. Favoriser la création, par les organisations de producteurs, de plateformes de commercialisation communes.

46. Favoriser le regroupement, par les interprofessions, des offres commerciales à l’export et faire en sorte qu’elles créent une stratégie commerciale structurée et pérenne.

47. Soutenir le développement des revenus complémentaires des éleveurs (promotion de l’agro-tourisme, plan pour le développement des protéines végétales, de la méthanisation, de l’autonomie fourragère, industrie du cuir, etc.).

48. Promouvoir l’élevage 2.0 en finançant un plan de soutien aux technologies numériques innovantes appliquées à l’agriculture.

49. Diversifier les circuits de commercialisation (circuits courts et de proximité).

50. Diversifier les modes de production (agriculture conventionnelle, agriculture biologique, agro-industrie).

51. Encourager les éleveurs à s’investir dans la définition des orientations stratégiques des coopératives dont ils sont membres.

52. Créer une filière territorialisée d’autonomie fourragère.

53. Là où il existe, maintenir le modèle de la polyculture-élevage et le pastoralisme.

54. Promouvoir les services de remplacement, les travailleurs occasionnels et partagés et étendre le crédit d’impôt dédié.

55. Inciter à développer les produits sous signes d’identification de la qualité et de l’origine, les labels de production et l’agriculture biologique.

56. Développer les GIEE, notamment en renforçant les liens entre céréaliers et éleveurs.

57. Faire connaître et mettre en relation les acteurs du financement participatif et les éleveurs.

• Au niveau régional

58. Exiger des régions, en lien avec les autres collectivités territoriales, qu’elles mettent en œuvre des stratégies territoriales en faveur de la compétitivité des filières d’élevage.

59. Définir des objectifs de production et une politique de filière par région.

60. Orienter et accompagner les associations de producteurs pour les aider à répondre aux appels d’offres régissant l’approvisionnement de la restauration hors foyer.

CONTRIBUTION DE MM. THIERRY BENOIT, PHILIPPE VIGIER ET CHARLES DE COURSON

Pour retrouver sa compétitivité et conquérir de nouvelles parts de marché à l’export, l’élevage français doit se moderniser et regagner sa souveraineté dans le cadre de négociations commerciales souvent déséquilibrées. Pour autant, ces mesures ne suffiront pas, à elles seules, à sortir les filières d’élevage de la crise profonde qu’elles subissent depuis plusieurs années.

En effet, dans un environnement concurrentiel toujours plus complexe, les agriculteurs de France, mais aussi plus largement l’ensemble des Très Petites Entreprises et Petites et Moyennes Entreprises, doivent pouvoir compter sur une fiscalité plus adaptée, plus simple et plus lisible. Or, que ce soit au sein du marché unique ou dans le jeu de la compétition mondiale, ils sont aujourd’hui désarmés.

Malgré quelques timides avancées, le choc de compétitivité attendu n’a toujours pas eu lieu dans notre pays.

– Une situation d’autant plus regrettable que l’immense majorité des États membres de l’Union européenne sont parvenus, quant à eux, à réformer efficacement leur marché du travail.

– Une situation injuste, car elle fait payer le financement de notre modèle social aux seuls acteurs économiques ; un prix trop lourd à assumer et qui entrave toute reprise durable de la croissance et de l’emploi.

– Une situation coupable, enfin, car sans compétitivité, c’est l’ensemble des filières d’élevage qui seront amenées à disparaître.

Il faut le dire clairement : sauf à abdiquer face à l’effort, la France ne pourra s’exonérer des réformes structurelles consenties par d’autres. Comme l’a rappelé M. Charles de Courson lors d’une audition du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la pêche, Stéphane Le Foll : « dans un monde ouvert, malheur à celui qui ne change pas ».

L’introduction, en Allemagne, d’un salaire minimum dans le secteur agricole de 7,75 euros de l’heure depuis le 1er juillet 2014 (qui atteindra 8,75 euros en 2016) permettra en partie de rééquilibrer le coût du travail de part et d’autre du Rhin (99).

L’Union européenne devrait aussi s’engager progressivement vers une harmonisation des normes sociales, fiscales et environnementales afin de lutter contre des distorsions de concurrence et les tentations de dumping social.

Pour autant, la France doit aussi prendre ses responsabilités. Agir, aujourd’hui, pour permettre à l’ensemble des acteurs économiques de reprendre leur destin en main.

Nous formulons ainsi six propositions pour libérer la compétitivité et le potentiel de production des exploitations agricoles :

1° Adopter une taxe sur la valeur ajoutée sociale dite « TVA sociale » pour baisser massivement les cotisations patronales et salariales ;

2° Simplifier la déduction pour aléas (DPA) pour en faire un véritable outil d’épargne professionnelle ;

3° Réformer l’à-valoir de la mutualité sociale agricole (MSA), pour une gestion effective de la volatilité des revenus ;

4° Exonérer de taxe sur le foncier non bâti les surfaces en prairie ainsi que les surfaces où sont cultivés les protéines végétales et les omégas 3 ;

5° Étendre le crédit d’impôt recherche (CIR) aux coopératives agricoles ;

6° Créer une incitation fiscale pour l’embauche d’un salarié agricole.

1. Baisser les cotisations sociales et patronales grâce à une TVA sociale

L’Union des Démocrates et Indépendants (UDI) a toujours défendu l’idée de ne plus faire peser sur la seule fiche de paie des travailleurs et des employeurs la totalité des cotisations sociales qui financent notre modèle de sécurité sociale. Ce système confiscatoire nuit autant à l’emploi qu’à la croissance et s’avère surtout contre-productif.

C’est pourquoi nous proposons de mettre en place, dans les plus brefs délais, une TVA sociale et d’y combiner une suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), recyclé en véritable baisse de charges, afin d’aboutir à une mesure simple, lisible et efficace qui permettra à nos agriculteurs de regagner très rapidement leur compétitivité.

La TVA présente plusieurs avantages importants :

– Elle profite à l’ensemble des acteurs économiques, contrairement au CICE ;

– Elle finance une baisse générale des cotisations sociales, patronales et salariales ;

– Elle offre un avantage comparatif aux entreprises françaises en taxant les importations ;

– Elle a déjà été expérimentée, avec succès, dans la majorité des États membres de l’Union européenne ;

– Elle n’affectera pas outre mesure le pouvoir d’achat des Français.

a) Une mesure qui s’adresse à tous les acteurs économiques, sans effet de niche

Lors de la présentation de son plan d’urgence pour l’emploi, le 18 janvier 2016, le Président de la République François Hollande a de lui-même reconnu qu’il était préférable de « transformer aussi vite que possible le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse définitive des cotisations sociales (100». Un aveu, à demi-mot, de l’imperfectibilité de cet outil, pourtant présenté comme la mesure emblématique de l’action du Gouvernement pour l’emploi.

Il faut dire, en effet, que le CICE a très vite prouvé ses limites. Il ne concerne que les salariés agricoles, soit un tiers des agriculteurs. Il laisse donc sur le bord du chemin les deux tiers des agriculteurs, qui sont indépendants. En outre, les bénéfices agricoles forfaitaires ne peuvent en bénéficier car il faut pouvoir être imposé sur ses bénéfices selon un régime réel (101).

La TVA sociale, en revanche, présente l’avantage de pouvoir bénéficier à l’ensemble des acteurs économiques, quel que soit leur statut (sociétés à responsabilité limitée, coopératives agricoles, etc.)

C’est pourquoi nous proposons de recycler les 20 Mds d’euros consacrés en année pleine au CICE en une véritable baisse de charges, qui se combinerait à la TVA sociale afin de créer un choc de compétitivité massif.

b) Un effort sans précédent pour réduire les charges sociales

Il existe, en France, quatre taux de TVA actuellement en vigueur (102:

– Le taux normal, de 20 % depuis le 1er janvier 2014, qui s’applique à l’ensemble des produits qui ne bénéficient pas de régimes dérogatoires ;

– Le taux intermédiaire, de 10 % depuis le 1er janvier 2014, applicable, notamment, aux produits agricoles non transformés ;

– Le taux réduit de 5,5 % concerne, notamment, les produits alimentaires ;

– Le taux particulier de 2,1 %, réservé, parmi d’autres produits, aux ventes d’animaux vivants de boucherie et de charcuterie à des non assujettis à la TVA.

Une augmentation d’un point du taux normal de TVA représente 6,5 Mds d’euros. Une augmentation d’un point du taux intermédiaire représente 1,25 Mds d’euros.

Nous proposons d’augmenter ces deux taux de quatre points, ce qui permettrait de disposer d’un total de 31 Mds d’euros par an pour financer les baisses de charges qui pèsent sur le coût du travail.

Cette enveloppe s’additionnerait aux 20 Mds d’euros qui sont consacrés au CICE en année pleine, permettant une baisse de charges totale de 51 Mds d’euros par an.

Cette baisse des charges serait répartie comme suit :

● deux tiers, soit 34 Mds d’euros, pour la baisse des cotisations patronales : la baisse des charges serait ciblée [1 à 2,4 SMIC de manière dégressive] pour donner un avantage aux très petites entreprises et aux petites et moyennes entreprises, pour protéger les secteurs les plus exposés à la concurrence, notamment l’agriculture ;

● un tiers, soit 17 Mds d’euros, pour la baisse des cotisations salariales : cette baisse des charges permettra de valoriser les salaires. L’allégement devra également être dégressif de 1 à 2,4 salaires minimum de croissance afin de protéger les salariés les plus précaires ou les plus exposés aux dérives de la mondialisation.

Cette baisse des charges, qui s’appliquerait chaque année, représenterait au total un soutien de 255 Mds d’euros à l’emploi et au pouvoir d’achat sur le quinquennat, quand le CICE ne prévoit que 64 Mds sur quatre ans. C’est dire toute la différence entre les deux dispositifs.

c) Un avantage comparatif évident : soutenir l’économie française et taxer les importations

Deuxième avantage, la TVA sociale permettrait aux entreprises françaises de bénéficier d’un avantage compétitif par rapport aux produits importés.

● En effet, ce sont principalement les produits importés qui seraient concernés par une hausse du taux normal de TVA. Notre conviction, c’est qu’il est préférable de financer notre modèle de protection sociale par la taxation de produits importés plutôt que par les salariés Français et les entreprises françaises.

● Cette solution présente aussi l’avantage de contribuer à réduire les distorsions de concurrence permanentes entre les entreprises françaises et leurs concurrentes étrangères. Ces dernières, cela est particulièrement vrai dans le secteur agricole, produisent à bas coût, parfois en raison d’exigences sociales moins ambitieuses. Cette situation ne peut plus durer !

d) Une mesure expérimentée avec succès en Europe

La TVA sociale a déjà été expérimentée avec succès par de nombreux États membres de l’Union européenne avec des résultats probants, notamment en Allemagne.

L’analyse des différents taux appliqués dans les États membres de l’UE (cf. le tableau ci-dessous) démontre que la France dispose encore de marges de manœuvre, en particulier en jouant sur le taux intermédiaire, en deçà de la moyenne européenne.

LISTE DES TAUX DE TVA APPLIQUÉS DANS LES ÉTATS MEMBRES

(en %)

États membres

Taux super réduit

Taux réduit

Taux normal

Taux parking

Belgique

-

6/12

21

12

Bulgarie

-

9

20

-

République tchèque

-

10/15

21

-

Danemark

-

-

25

-

Allemagne

-

7

19

-

Estonie

-

9

20

-

Irlande

4,8

9/13,5

23

13,5

Grèce

-

6/13

23

-

Espagne

4

10

21

-

France

2,1

5,5/10

20

-

Croatie

-

5/13

25

-

Italie

4

5/10

22

-

Chypre

-

5/9

19

-

Lettonie

-

12

21

-

Lituanie

-

5/9

21

-

Luxembourg

3

8

17

14

Hongrie

-

5/18

27

-

Malte

-

5/7

18

-

Pays-Bas

-

6

21

-

Autriche

-

10/13

20

13

Pologne

-

5/8

23

-

Portugal

-

6/13

23

-

Roumanie

-

5/9

20

-

Slovénie

-

9,5

22

-

République slovaque

-

10

20

-

Finlande

-

10/14

24

-

Suède

-

6/12

25

-

Royaume-Uni

-

-

-

-

N.B. : les cas d’exonération avec droit à remboursement (taux 0) ne sont pas repris ci-dessus

Source : Commission européenne - Taux de TVA appliqué dans les États membres de l’Union européenne – Situation au 1er janvier 2016 -http://ec.europa.eu/taxation_customs/resources/documents/taxation/vat/how_vat_works/rates/vat_rates_fr.pdf

e) Un impact limité sur le pouvoir d’achat des Français

Il ne s’agit pas de nier que la TVA sociale puisse avoir un effet sur les prix. Pour autant, cette mesure ne peut en aucun cas être considérée comme une atteinte au pouvoir d’achat, contrairement aux mesures prises par le Gouvernement depuis son arrivée au pouvoir.

En effet :

● 60 % de la consommation des Français se fait à taux de TVA nul ou à taux réduit et n’est donc pas impactée par cette mesure. Concrètement, le « panier de la ménagère » et les produits de première nécessité ne seront pas concernés par l’augmentation proposée du taux normal et du taux intermédiaire de TVA ;

● Les biens et services relevant du taux normal représentent 40 % seulement de la consommation des ménages. La mesure annoncée par Nicolas Sarkozy, qui prévoyait un relèvement de 1,6 point du taux normal de TVA aurait eu une incidence maximale de 0,6 % sur les prix. Dans un contexte de croissance ralentie, de faible inflation et de concurrence forte, les entreprises privilégient une répercussion immédiate de la baisse des charges sur les prix afin de gagner des parts de marché, ce qui permettrait de ramener cette incidence à 0,4 % seulement ;

● Nous allons redonner du pouvoir d’achat aux salariés en allégeant les cotisations salariales à hauteur 17 Mds d’euros par an ;

● Les plus fragiles seront protégés puisque les revenus des retraités et le SMIC sont indexés sur l’inflation.

La TVA sociale, contrairement à l’analyse caricaturale qui en a été faite, n’est pas une mesure « anti-sociale ». Bien au contraire, elle apparaît comme un moyen permettant de renforcer la compétitivité des entreprises françaises et, ainsi, d’œuvrer en faveur de la croissance et de l’emploi. Dans le secteur agricole en particulier, il est urgent de doter les exploitations de moyens suffisamment forts pour exercer leur métier efficacement et dignement, sans subir les effets d’une politique concurrentielle que l’ensemble de nos partenaires utilisent sans scrupule.

2. Simplifier la déduction pour aléas (DPA)

Depuis plusieurs années, les agriculteurs sont confrontés à une extrême volatilité des cours de leurs produits et de leurs charges, dont l’ampleur s’accentue.

La DPA permet aux exploitations soumises à un régime d’imposition de pouvoir déduire une certaine somme de leurs recettes d’exploitation afin de se prémunir contre les risques d’aléas économiques, climatiques ou sanitaires.

L’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2015 a déjà permis d’assouplir en partie l’utilisation de cet instrument, en laissant davantage de liberté d’appréciation aux exploitants. Ainsi, le montant de l’épargne bloquée sur le compte affecté peut être porté à 100 % de la DPA, alors qu’il était jusqu’à présent plafonné à 50 % (103).

Malgré l’ensemble des améliorations apportées, le dispositif contient toujours des rigidités structurelles et reste trop complexe à appréhender par les exploitants agricoles.

C’est pourquoi, nous proposons de libéraliser davantage encore la DPA afin d’en faire un outil d’épargne professionnelle de précaution. Ainsi, le plafond de réintégration doit être supprimé et remplacé par la faculté, pour l’exploitant, de réintégrer un montant libre dès que l’aléa est constaté.

De plus la DPA serait utilisable au titre de l’exercice de survenance de l’aléa et au titre de l’exercice suivant, quelle que soit la nature de l’aléa. À l’heure du choc de simplification, et afin de lever les freins à la constitution d’une auto-assurance, il convient d’alléger les conditions de réintégration et de laisser à l’agriculteur la liberté d’appréciation de l’opportunité du niveau de réintégration, en cas de survenance d’un aléa économique.

3. Réformer l’à-valoir MSA, pour une gestion effective de la volatilité des revenus

L’à-valoir est un système de lissage permettant aux agriculteurs d’adapter le décalage de revenu d’une année sur l’autre afin de pouvoir maîtriser leur trésorerie (104).

Actuellement, les cotisations MSA sont payées sur l’année N – 1. Or, la fluctuation importante des revenus fait que la disponibilité de trésorerie peut être limitée à l’année N. Le régime de l’assiette annuelle, par le décalage existant entre l’année d’assiette et l’année de couverture entraîne, en cas de variation de résultats, une imputation fiscale à contresens très pénalisante : les cotisations calculées sur un résultat élevé s’imputent fiscalement sur le résultat faible de l’année suivante, et vice-versa. Une telle mesure affecte la trésorerie des agriculteurs alors que leurs revenus ont déjà fortement diminué. En l’espèce, la MSA n’accepte ni un report de cotisations, ni un paiement en année N. Seul un à-valoir à hauteur de 50 % de la cotisation précédente est possible (augmenté à 75 % dans la loi de finances pour 2016).

Afin de répondre à ce problème, nous proposons deux solutions :

– Rétablir, en option, la possibilité donnée aux agriculteurs de se référer à l’année N. L’intérêt de leur laisser le choix de leur année de référencement a pour objet de permettre à l’agriculteur de ne pas avoir à supporter des cotisations sociales excessives par rapport à son revenu réel en cas de difficulté grave, individuelle ou collective dans le cadre de crises agricoles sectorielles. Pour autant, ce mécanisme n’est évidemment efficace qu’à la condition de viser l’année N et non l’année N – 1 (105). Le régime de l’année N a été abandonné à partir de 2001 pour un motif allégué de complexité. Nous proposons de le rétablir ;

– À défaut, déplafonner l’à-valoir MSA pour en faire un outil de gestion de la volatilité. L’agriculteur pourrait ainsi lisser son revenu grâce à cet outil, car en provisionnant davantage les années à haut revenu.

4. Exonérer de taxe foncière sur les propriétés non bâties les surfaces en prairie ainsi que les surfaces où sont cultivés les protéines végétales et les omégas 3

La taxe foncière sur le non bâti est appliquée, chaque année, aux propriétés non bâties de toute nature situées en France, et notamment les terrains. Elle concerne principalement les pâturages, pour un tiers de la taxe, qui sont donc davantage taxés que les terres.

La législation prévoit actuellement trois types d’exonérations de taxe foncière sur les propriétés non bâties : les exonérations totales (elles concernent par exemple les propriétés non bâties agricoles situées en Corse), les exonérations partielles (les propriétés agricoles sont exonérées à concurrence de 20 % sur les parts communale, y compris syndicale, et intercommunale en France et hors Corse) et les exonérations temporaires (106).

Parmi cette dernière catégorie, la loi prévoit que les conseils municipaux et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent, sur délibération, exonérer de taxe foncière sur les propriétés non bâties, pendant une durée de cinq ans, les propriétés exploitées selon le mode de production biologique prévu au règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 27 juin 2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) n° 2092/91.

Nous proposons d’étendre cette exonération temporaire à toutes les surfaces où sont cultivés des protéines végétales (luzernes, trèfles, lupins) et des omégas 3 (lin). L’objectif d’un tel dispositif serait de valoriser les cultures qui permettent le développement de l’agro-écologie sur l’ensemble du territoire.

5. Étendre le crédit d’impôt recherche (CIR) aux coopératives agricoles

Mentionné à l’article 244 quater B du code général des impôts (CGI), le crédit d’impôt recherche est un dispositif créé en faveur des entreprises industrielles, commerciales et agricoles imposées d’après leur bénéfice réel, de droit ou sur option. La Cour administrative d’appel de Nantes avait jugé, dans un arrêt du 9 janvier 2014, que les coopératives pouvaient être éligibles à ce dispositif dès lors qu’elles étaient imposées d’après leur bénéfice réel.

Malheureusement, cet arrêt (09/01/2014 N° 12NT02191) a été annulé par le Conseil d’État (CE 18-9-2015 n° 376154), qui a estimé qu’une entreprise qui bénéficie d’une exonération non visée expressément par l’article 244 quater B du CGI ne peut bénéficier du crédit d’impôt recherche à raison des dépenses se rattachant à ses activités exonérées. A contrario, elle ne pourrait bénéficier du CIR qu’à raison, le cas échéant, des dépenses de recherche se rattachant à ses activités non exonérées.

Nous proposons d’adapter la législation en vigueur pour permettre aux coopératives d’être pleinement éligibles au CIR.

6. Créer une incitation fiscale pour l’embauche d’un salarié agricole

Le coût réel du travail d’un employé au SMIC déclaré en France (base 35 heures) s’élève à un total de 1 661 euros. En effet, depuis le 1er janvier 2016, le SMIC mensuel brut s’élève à 1 467 euros, soit un SMIC mensuel net de 1 128 euros. Les charges patronales après abattement (Réduction Fillon) s’élèvent à 13 %, soit 194 euros. De ce total peuvent être déduit 88 euros au titre CICE qui représente 6 % du salaire brut.

Nous proposons de créer une incitation fiscale pour l’embauche d’un salarié agricole, afin de lever certains freins à l’embauche dans ce secteur.

Dans ce cadre, nous proposons de mettre en place une subvention pouvant représenter la moitié du montant des salaires et charges sociales de la première année d’embauche.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mercredi 14 octobre 2015

– M. Jean-Christophe Bureau, professeur d’économie à AgroParisTech et chercheur au CEPII

– M. Philippe Chotteau, chef du département économie de l’Institut de l’élevage, ingénieur agronome spécialisé en économie et développement rural

– M. Thierry Pouch, économiste, chef du service des études économiques de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) et chercheur associé au laboratoire Regards de l’Université de Reims-Champagne-Ardenne.

Mercredi 4 novembre 2015

Table ronde sur la filière laitière :

Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL)

– Mme Florence Loyer, directrice adjointe

– M. André Bonnard, secrétaire général

Organisation des producteurs de lait (OPL)

– Mme Véronique Le Floc’h, présidente

– M. François Lucas, premier vice-président de la Coordination rurale

Association des producteurs de lait indépendants (APLI)

– M. Boris Gondouin, président

– M. Sylvain Louis, membre du conseil d’administration

Fédération nationale de l’industrie laitière (FNIL)

– M. Olivier Picot, président,

– M. Jehan Moreau, directeur

Fédération Nationale des Coopératives Laitières (FNCL)

– M. Laurent Vial, secrétaire général

– Mme Mélodie Deneuve, responsable des affaires publiques et institutionnelles

Groupe LACTALIS

– M. Michel Nalet, directeur de la communication et des relations extérieures

Confédération paysanne

– M. Josian Palach, paysan, secrétaire national référent pôle élevage, membre du conseil d’administration du CNIEL

– M. Victor Pereira, coordinateur du pôle élevage

Mercredi 18 novembre 2015

MODEF national

– M. Jean Mouzat, président

– M. Alain Gaignerot, directeur

Table ronde sur la filière porcine :

Fédération nationale porcine (FNP)

– M. Paul Auffray, président

Interprofession nationale porcine (INAPORC)

– M. Guillaume Roué, président

– M. Thierry Meyer, premier vice-président et représentant les entreprises de l’abattage-découpe (syndicat SNIV-SNCP)

Institut du porc (IFIP)

– M. Jeff Trebaol, vice-président

Fédération des industriels charcutiers traiteurs (FICT)

– M. Robert Volut, président

Mardi 24 novembre 2015

Fleury Michon

– M. Régis Lebrun, directeur général du groupe Fleury Michon

– M. Alex Joannis, directeur général Fleury Michon charcuterie

– M. David Garbous, directeur marketing stratégique du groupe Fleury Michon

– M. Roman Abreu, directeur du département affaires publiques chez Publicis Consultants *

– Mme Claire Guilhot, consultante chez Publicis Consultants *

Mercredi 25 novembre 2015

Table ronde sur la restauration collective :

Syndicat national de la restauration collective (SNRC)

– M. Jacques Roux, Elior, président

– M. Dominique-Ph. Bénézet, délégué général

Compass group France

– M. Frédéric Bourdeau, directeur des ressources humaines

Sodexo *

– Mme Nadine Stutter-Prevot, directrice des relations institutionnelles

– Mme France de Sambucy, directrice des achats France

Restau’co

– M. Éric Lepêcheur, directeur

Mercredi 25 novembre 2015

Table ronde sur la distribution :

Auchan France *

– M. Olivier Pageau, directeur des achats artisans et responsable des relations avec le monde agricole

– M. Paul Hugo, responsable des relations institutionnelles

Carrefour *

– M. Bruno Lebon, directeur des produits frais, Carrefour France

– M. Éric Adam, responsable des affaires publiques, Groupe Carrefour

E. Leclerc

– M. Bertrand Eon, responsable de la filière bovine

– M. Alexandre Tuaillon, chargé de mission auprès du président

Groupement Système U

– M. Guy Emeriau, responsable activité boucherie volaille au sein de la centrale régionale Ouest

Groupe Casino

– M. Claude Risac, directeur des relations extérieures

Lidl

– M. Michel Biero, gérant achats

– M. Jean-Christophe Monnez, directeur des achats

Cora

– M. Stéphane de Rango, directeur Cora Reims Cormontreuil

Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) *

– M. Jacques Creyssel, délégué général

– M. Antoine Sauvagnargues, responsable des affaires publiques

Jeudi 3 décembre 2015

Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) – Chambre d’agriculture France *

– M. Daniel Roguet, président de la chambre d’agriculture de la Somme, vice-président des chambres d’agriculture France et président de la commission élevage de l’APCA

– M. Justin Lallouet, chargé d’études relations publiques

– Mme Christine Marlin, cheffe du service élevage et agroéquipements

Fédération nationale des coopératives laitières (FNCL)

– M. Dominique Chargé, président

– Mme Mélodie Deneuve, responsable des affaires publiques et institutionnelles

Mardi 8 décembre 2015

Confédération française de l’aviculture (CFA) – Aviculteurs de France

– M. Jean-Michel Schaeffer, président

– M. Christian Marinov, directeur

Institut technique de l’aviculture (ITAVI)

– Mme Anne Richard, directrice

Mercredi 9 décembre 2015

Association nationale inter-professionnelle du bétail et des viandes (INTERBEV) *

– M. Guy Hermouet, éleveur bovin, président d’INTERBEV Bovins

– M. Maurice Huet, éleveur ovin, président d’INTERBEV Ovins

– Mme Marine Colli, chargée des relations avec le Parlement

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)

– M. Henri Brichart, vice-président

– M. Antoine Suau, directeur département économie et développement durable

– Mme Nadine Normand, attachée parlementaire

Culture Viande (syndicat national des industriels de la viande, ex-SNIV)

– M. Pierre Halliez, directeur général

– M. Jean-Marie Joutel, administrateur

Jeudi 10 décembre 2015

Table ronde sur la filière bovine :

Institut de l’élevage

– M. Joël Merceron, directeur général

Fédération nationale bovine (FNB)

– M. Dominique Daul, vice-président

– M. Roger Lanfroy, trésorier

– M. Éric Chapelle, directeur-adjoint

Coop de France *

– M. Jacques Poulet, directeur du pôle animal

– M. Bruno Colin, président de la filière bovine

– M. Jean-Luc Cade, président de la filière nutrition animale

– Mme Irène de Bretteville, responsable des relations parlementaires

Mercredi 13 janvier 2016

ABERA

– M. Francis Chapelle, directeur général

– M. Éric Philippe, directeur général adjoint du groupe Avril

Fédération des centres de gestion agréés agricoles (FCGAA)

– M. Jean-Luc Theuret, président

– M. Bernard Nonciaux, président de l’Union nationale des experts-comptables agricoles (UNECA)

– Mme Françoise Albouy, vice-présidente de l’UNECA

Médiation des relations commerciales agricoles

– M. Francis Amand, médiateur des relations commerciales agricoles

– M. Pierre Debrock, médiateur délégué

– M. Robert Deville, inspecteur général de l’agriculture, médiateur délégué

Jeudi 14 janvier 2016

Bleu Blanc Cœur

– M. Pierre Weill, co-président

Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires

– M. Philippe Chalmin, président

Coordination rurale

– M. François Lucas, premier vice-président

– Mme Véronique Le Floc’h, présidente de l’OPL

– M. Pascal Aubry, membre de l’Onep

– M. Yves Gigon, membre de la Coordination rurale

Syndicat national Jeunes Agriculteurs (JA) *

– M. Thomas Diemer, président

– Mme Claire Cannesson, responsable du service communication et affaires publiques

Mercredi 20 janvier 2016

Centre d’économie rurale (CERFRANCE)

– M. Christophe Lambert, président du réseau Cerfrance

– M. Pierre-Gérard Pouteau, directeur général du Cerfrance Maine-et-Loire

– M. Philippe Boullet, directeur performance et prospectives du Conseil national Cerfrance

Fédération nationale ovine (FNO)

– Mme Michèle Boudoin, présidente

– M. Patrick Soury, secrétaire général

Interprofession de l’œuf

– M. Philippe Juven, président du Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO)

– M. Francis Damay, président de l’observatoire de l’œuf

– M. Pascale Magdelaine, directrice du service économique de l’institut technique de l’aviculture (ITAVI)

– Mme Cécile Riffard, secrétaire générale du CNPO

– M. Alban de La Selle, consultant pour l’observatoire de l’œuf

Mercredi 27 janvier 2016

Groupement d’éleveurs

– M. Thierry Le Villoux, agriculteur, président de Bio Direct, gérant des sociétés de charcuteries Bio Valeur et Charcuterie artisanale du Pays gallo

Service de remplacement de Bretagne

– M. Stéphane Charron, directeur Finistère remplacement

– M. Marc Sparfel, agriculteur, vice-président Finistère remplacement

– M. Franck Laur, directeur service de remplacement

SODIAAL Union

– M. Damien Lacombe, président

– M. Jean-Paul Prigent, membre du bureau et président du conseil de région Bretagne Ouest

– M. Maxime Jouannin, chargé de mission auprès de la direction du développement coopératif,

Coop de France *

– Mme Rachel Blumel, directrice de Coop de France Agroalimentaire

– M. Arnaud Degoulet, président d’Agrial et trésorier de Coop de France

Mardi 15 mars 2016

Cabinet du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la pêche

– Mme Claire Brennetot, conseillère chargée des relations avec le Parlement et les élus

– M. Arnaud Millemann, conseiller chargé de l’agroalimentaire et de l’alimentation

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

DÉPLACEMENTS

DÉPLACEMENT À LAMBALLE (22, CÔTES D’ARMOR)

(27 novembre 2015)

– M. Patrice Drillet, président de la Cooperl

– M. Emmanuel Commault, directeur général de la Cooperl

DÉPLACEMENT À BRUXELLES (BELGIQUE)

(2 décembre 2015)

– M. Pierre Marie, délégué adjoint aux affaires agricoles, représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne ;

– M. Josst Korte, directeur général adjoint, direction générale chargée de l’agriculture et du développement rural de la Commission européenne ;

– M. Luis Carazo Jimenez, chef de l’unité produits animaux à la direction générale chargée de l’agriculture et du développement rural de la Commission européenne

– M. Michel Dantin, membre de la commission de l’agriculture et du développement rural de la Commission européenne ;

– M. Paolo de Castro, membre de la commission de l’agriculture et du développement rural de la Commission européenne ;

– M. Philippe Musquar, chef du secrétariat de la commission de l’agriculture et du développement rural de la Commission européenne ;

– M. Yves Madre, co-fondateur de Farm-Europe, ancien conseiller du Commissaire européen à l’agriculture ;

– M. Maurizio Reale, vice-président de la commission agriculture, développement rural et environnement du Comité économique et social européen (CESE) ;

– M. Arturo Iniguez Yuste, administrateur agriculture, pêche et aquaculture au CESE ;

– M. Paolo Magraggia, représentant de l’association italienne d’agriculture biologique, Coldiretti ;

– M. Erwin Schöpges, membre du comité directeur de European Milk Board ;

– Mme Elisabetta Siracusa, chef de cabinet adjoint du Commissaire chargé de l’agriculture et du développement rural au sein de la Commission européenne, M. Phil Hogan.

DÉPLACEMENT À ALHAMA DE MURCIA ET MADRID (ESPAGNE)

(8, 9 et 10 février 2016)

– S.E. M. Yves Saint-Géours, ambassadeur de France en Espagne

Service économique régional de l’Ambassade de France en Espagne

– M. Jean-François Collin, ministre conseiller pour les affaires économiques

– M. Jérôme Frouté, conseiller pour les affaires agricoles

Visite du site de Alhama de Murcia « El Pozo Alimentación » Groupe Fuertes

– M. Tomás Fuertes, président, ainsi que ses collègues

Ministère de l’agriculture, de l’alimentation et de l’environnement

– M. Fernando Miranda Sotillos, directeur général de la production et des marchés agricoles

– Mme María Josefa Lueso Sordo, sous-directrice générale des productions de l’élevage

Unión de pequeños agricultores y ganaderos

– Mme Mari Luz de Santos Martín, président

Asociacion agraria – Jovenes agricultores

– Mme Adoracion Llorente Alonso, responsable du département élevage

Cooperativas agro-alimentarias de España

– M. Agustín Herrero, directeur général

– M. Gabriel Trenzado, cabinet technique et affaires UE et internationales

– M. Fernando de Antonio, directeur du département de l’élevage

Interprofession du secteur laitier INLAC

– Mme Agueda García-Agullo, directrice-gérante

– M. Luis Calabozo Moran, directeur général de la FENIL (fédération nationale des industries laitières)

M. José Cruz Pérez Lapazarán, sénateur de Navarre (Partido popular), ex-porte-parole du PP à la commission de l’environnement, de l’agriculture et de la pêche du Sénat, ex-président de la commission de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche au Congrès des députés

M. Alejandro Alonso Nuñez, directeur général de la coordination et de la planification du Gouvernement de Castille-La Manche, ex-porte-parole du Partido socialista y obrero español à la commission de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche au Congrès des députés

Interprofession du secteur porcin (INTERPORC)

– M. Alberto Herranz Herranz, directeur

ANPROGAPOR

– M. Miguel Angel Higuera Pascual, directeur

Asociación nacional de industrias de la carne de España (ANICE)

– M. Miguel Huerta, secrétaire

– Mme Mercedes Camara Vicario, secrétaire adjointe

Federación española de industrias de la alimentación y bebidas (FIAB)

– M. Jorge Jordana Butticaz de Pozas, conseiller du président

Confederación española de fabricantes de alimentos compuestos para animales (CESFAC)

– M. Jorge de Saja, directeur

– M. Miguel Angel Diaz Yubero, professeur titulaire à la faculté de sciences vétérinaires de Madrid, ex-directeur général de Leche Pascual et de COVAP

Haras de la Cartuja

– M. Carlos Escribano Mora, président-administrateur délégué du Haras, ex-directeur général des ressources agricoles et de l’élevage au ministère de l’agriculture

Campofrío Food Group

– M. Pedro Ballvé, président

CNRS espagnol

– M. Tomás García Azcárate, chercheur en politique agricole et alimentaire, ex-conseiller économique responsable de l’Observatoire européen des prix et marchés agricoles

DÉPLACEMENT À BERLIN (ALLEMAGNE)

(15 et 16 février 2016)

– S.E. M. Philippe Etienne, Ambassadeur de France en Allemagne

Ambassade de France en Allemagne – service économique régional

– M. Arnaud Brizay, conseiller agricole

– Mme Catherine Perinetti, conseillère fiscale

Conseil scientifique pour la politique agricole auprès du ministère fédéral de l’alimentation et de l’agriculture

– Dr. Harald Grete, président du Conseil, professeur à la faculté d’agronomie de l’université de Hohenheim

Ministère fédéral de l’alimentation et de l’agriculture :

– Dr. Schmied, bureau de la planification et de la stratégie

– Mme Catherine Roller, bureau de la protection des animaux

– Dr. Schnieder, bureau de la production animale et de la technique

– Mme Sigrun Neuwerth, bureau de coordination internationale

Ministère fédéral de l’environnement, de la protection de la nature, de la construction et de la sécurité des réacteurs nucléaires

– Dr. Christof Sangenstedt, coordination du droit de l’environnement, de la construction et de l’urbanisme

– Mme Josephine Betensted, droit relatif à la lutte contre les pollutions et nuisances

Commission agriculture et alimentation du Bundestag

– M. Alois Gerig (CDU/CSU), président

– Mme Katharina Landgraf (CDU/CSU, porte-parole agricole)

– M. Hermann Färber (CDU/CSU)

– M. Wilhelm Priesmeier (SPD, porte-parole agricole)

– M. Karin Thissen (SPD)

– Dr. Kirsten Tackmann (Die Linke, porte-parole agricole)

– M. Friedrich Ostendorff (Les Verts, porte-parole agricole adjoint)

Fédération des syndicats agricoles (DBV)

– M. Udo Hmmerling, secrétaire général adjoint

1 () INRA – Quels modèles d’exploitation d’élevage demain en France, Jean-Louis Peyraud, SPACE 2015

2 () Unité créée à partir de coefficients permettant de comparer entre eux les différents animaux et de les additionner. Elle est basée sur leurs besoins alimentaires selon une grille d'équivalence qui permet de juger de l'importance économique et du caractère plus ou moins intensif de l'élevage. 1 unité = 1 vache laitière, 0,85 vache allaitante, 0,31 truie, 0,26 porc d’engraissement, 0,15 brebis ou 0,0096 poule pondeuse d’œufs de consommation. Source : Institut de l’élevage et tables du SCEES (bureau des statistiques animales).

3 () Salaire minimum interprofessionnel de croissance

4 () Source : SSP – RICA- Commission des comptes de l’agriculture de la Nation – 15 décembre 2015

5 () « L’innovation au secours de l’agriculture, et après ? », émission radiophonique de France culture, le 28 février 2016

6 () Agreste, recensement agricole de 2010, traité par M. Marie, Atlas de l’élevage herbivore en France.

7 () Source : Institut de l’élevage, Chiffres clés 2015

8 () Source : Institut de l’élevage, Chiffres clés 2015.

9 () Idem

10 () Le « paquet lait » regroupe divers règlements et une communication : Règlement (UE) n° 261/2012 du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2012 portant modification du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les relations contractuelles dans le secteur du lait et des produits laitiers ; Règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil ; Règlement d'exécution (UE) n° 511/2012 de la Commission du 15 juin 2012 relatif aux notifications concernant les organisations de producteurs et interprofessionnelles ainsi que les négociations et les relations contractuelles prévues dans le règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil dans le secteur du lait et des produits laitiers ; Règlement délégué (UE) n° 880/2012 de la Commission du 28 juin 2012 complétant le règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la coopération transnationale et les négociations contractuelles des organisations de producteurs dans le secteur du lait et des produits laitiers ; Communication relative à la publication des volumes de production de lait cru conformément à l'article 149 paragraphe 5 du règlement (CE) n° 1308/2013.

11 () Ces quotas ont d’ailleurs augmenté de 1 % par an de 2009 à 2014.

12 () Source : Agreste primeur – Numéro 329 – Novembre 2015

13 () Source : FranceAgriMer d’après Eurostat

14 () « C’est une technique de stérilisation bien particulière : le lait est porté instantanément à une température très élevée (entre 140 et 150°) pendant un temps très court (2 à 5 secondes seulement). La brièveté du traitement permet au lait de conserver son bon goût – bien plus qu’avec la pasteurisation, bien plus longue – tandis que tous les micro-organismes sont détruits de façon efficace, permettant une longue conservation du lait (environ 3 mois). » : www.produits-laitiers.com

15 () Source : interprofession nationale porcine (INAPORC)

16 () Anciennement Bongrain

17 () Ils réalisent à la fois la production de porcelets et leur engraissement pour les commercialiser comme porcs charcutiers.

18 () Source : Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), juin 2011

19 () Source : www.marche-porc-breton.com

20 () Source : Christine Roguet et Michel Rieu, « Les groupements de producteurs de porcs en France ; une organisation originale », 2011, 11e journée productions porcines et avicoles

21 () L’Allemagne est le premier pays importateur d’animaux vivants dans l’Union européenne (voir infra).

22 () Source : IFIP : « Allemagne, Espagne : main-d’œuvre à coût faible, un avantage comparatif », baromètre porc n° 418 mars 2012

23 () Source : Interprofession nationale porcine (INAPORC)

24 () Source : Agreste

25 () Source : Association pour la promotion de la volaille française

26 () Rapport annuel ANDI 2008

27 () Agrapresse hebdo n° 3513, 25 septembre 2015

28 () « Marché mondial de la viande ovine : un commerce en mutation », Les synthèses de FranceAgriMer, n° 22, septembre 2015

29 () Source : « De l’agneau à l’assiette », Chiffres clés 2015 de l’Institut de l’élevage, productions ovines lait et viande

30 () Source : Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

31 () Chez les mammifères, nombre moyen de petits par portée.

32 () FAO stat par Viandeinfo, cité par le rapport du conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux sur la contractualisation dans le secteur bovin – rapport n° 14099 de septembre 2015

33 () Cartographie des initiatives d’influence en matière d’élevage au niveau internationale du conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux – n° 14098 de juin 2015

34 () Sources : Panel consommateurs Kantar Worldpanel - Achats de viande de boucherie (bœuf, veau, agneau, cheval, porc et leurs produits tripiers) par les ménages en 2012 – et Credoc, Enquête comportements et consommations alimentaires en France (CCAF) 2010

35 () Source : Synthèse de FranceAgriMer n° 21, juin 2015

36 () Cf. travaux de la cohorte EPIC (European prospective investigation into cancer and nutrition)

37 () http://www.who.int/features/qa/cancer-red-meat/fr/

38 () JP Pradère – Organisation mondiale de la santé animale, 2014 – Revue scientifique et technique

39 () Rapport d’information de l’Assemblée nationale n° 2722 de M. François André – Avril 2015

40 () Rapport d’information de l’Assemblée nationale n° 2942

41 () Codes sanitaires pour les animaux terrestres et aquatiques de l’OIE

42 () Article 13 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

43 () Code rural et de la pêche maritime, code civil et code pénal

44 () http://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2015/2015_24_travailleurs_detaches.pdf

45 () Source : Rapport précité du CGAAER n° 11056 « Quel avenir pour la filière porcine française », janvier 2012

46 () Note du Conseil d’analyse économique – L’agriculture française à l’heure des choix – Jean-Christophe Bureau, Lionel Fontagné et Sébastien Jean

47 () Source : Comext, Eurostat

48 () Article paru dans Le Monde du 5 mars 2016 « Les coopératives restent la meilleure réponse à la crise agricole », Maryline Filippi

49 () Intermarché

50 () Étude Kantar Worldpanel données 2014

51 () Remis au ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique et au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt le 22 juillet 2015

52 () Site internet SVA Jean Rozé

53 () Groupement d'achats des centres E. LECLERC

54 () Agrapressse. L'agriculture laisse des plumes à l’aval. 27 avril 2015

55 () Déclaration du 23 octobre 2015 à Dublin

56 () Centre national interprofessionnel de l’économie laitière

57 () Source : http://www.europarl.europa.eu

58 () Source : Rapport d’information du Sénat n° 214 du 10 décembre 2013

59 () Règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil

60 () En application de l’article 17 de l’OCM : « beurre produit à partir de crème obtenue directement et exclusivement à partir de lait de vache » et « lait écrémé en poudre obtenu à partir de lait de vache ».

61 () Rapport d’information de l’Assemblée nationale n° 2722 de M. François André – Avril 2015

62 () Source : Institut de l’élevage, octobre 2009 – La filière laitière en Espagne, une production intensive et dépendante

63 () L’Espagne compte 17 communautés autonomes

64 () Source : La boucherie française, p. 10 – Janvier 2016

65 () Source : https://www.3tres3.com/cotizaciones-de-porcino/

66 () Source : SG Estadística, AEAT, INE

67 () Source : Institut français du porc – Espagne porcine : cap à l’export, janvier 2015

68 () Source : La boucherie française, p. 10, janvier 2016

69 () Source : Institut français du porc, Espagne porcine : cap à l’export, janvier 2015

70 () Source : Institut français du porc, Espagne porcine : cap à l’export, janvier 2015

71 () Source : Idem

72 () Accord signé par près de 61 signataires dont des producteurs, des transformateurs et des distributeurs.

73 () Source : Caracterización del sector vacuno de carne en España – Año 2014 – Ministerio de agricultura, alimentación y medio ambiente

74 () Source : L’Allemagne et sa mutation agricole – Thierry Pouch, Bulletin économique du CIRAC – Regards sur l’économie allemande – 116-117 (2015)

75 () Source : Baromètre porc de l’IFIP – septembre 2015

76 () Source : Porc par les chiffres – La filière porcine en France, Édition 2015-2016 – IFIP

77 () Source : idem

78 () Source : idem

79 () http://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2015/2015_24_travailleurs_detaches.pdf

80 () Les cahiers de l’IFIP – Revue R&D de la filière porcine française – Vol 1 n° 1 – 2014

81 () L’AOP compte 4200 exploitations, 6 OP et produit 1,72 Md de litres de lait.

82 () Règlement (UE) n ° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis

83 () Source : FNPL

84 () Source : SSP – Agreste –Recensement agricole 2010

85 () Paysans et société, n° 355, janvier- février 2016

86 () Prévue à l’article 72 D bis du code général des impôts, la DPA permet de réduire du revenu imposable des exploitations agricoles soumises à un régime réel d’imposition une somme pour faire face à un aléa climatique, économique ou sanitaire.

87 () Document de Farm Europe du 18 janvier 2016 - Comment gérer la volatilité des prix et des revenus des agriculteurs ? Tour d’horizon des politiques et instruments mis en œuvre au plan international

88 () Document de Farm Europe du 15 janvier 2016

89 () Le système forfaitaire consiste, en Allemagne, à facturer la TVA à un taux de 10,7 % mais à ne reverser à l’État que 7 %.

90 () Audition de Michèle Boudoin, présidente de la fédération nationale ovine

91 () L’AOP est l’équivalent de l’AOC au niveau européen

92 () La race est reconnue officiellement par le ministère de l’agriculture depuis 1995

93 () Elle compte 56 éleveurs et 2 salaisonniers

94 () Source : Rapport législatif de l’Assemblée nationale n° 3355 (décembre 2015)

95 () Source : Rapport d’information de l’Assemblée nationale n° 2503 (janvier 2015)

96 () Source : Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil concernant l’indication obligatoire du pays d’origine ou du lieu de provenance pour la viande utilisée comme ingrédient

97 () Du nom de la proposition de loi relative à l’ancrage territorial de l’alimentation, n° 3280, adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale en première lecture le 14 janvier 2016.

98 () Source : Rapport d’information du Sénat n° 201 fait au nom de la commission des affaires européennes (26 novembre 2015)

99 () http://www.liberation.fr/futurs/2014/01/24/l-allemagne-seme-la-france-meme-dans-l-agriculture_975389

100 () http://www.lesechos.fr/economie-france/social/021627644622-plan-emploi-suivez-en-direct-les-annonces-de-francois-hollande-1193192.php

101 () http://www.economie.gouv.fr/pacte-responsabilite/cice/faq/qui-a-droit-au-cice

102 () http://www.economie.gouv.fr/cedef/taux-tva-france-et-union-europeenne

103 () http://agriculture.gouv.fr/la-dpa-dotation-pour-aleas-ce-qui-change

104 () http://www.fdsea80.fr/toutes-les-thematiques/votre-exploitation/fiscalite/articles/l-a-valoir-pour-reduire-ses-impots-et-ses-charges-sociales/

105 ()http://www.assemblee-nationale.fr/budget/plf2001/b2624-42.asp

106 ()http://www.impots.gouv.fr/portal/dgi/public/particuliers.impot?pageId=part_impot_foncier_non_bati&espId=1&impot=TFNB&sfid=50


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