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N
° 758

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 février 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE sur les orientations européennes de politique économique (n° 743)

PAR M. CHRISTOPHE CARESCHE,

Député

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 742.

INTRODUCTION 5

EXAMEN EN COMMISSION 11

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 23

INTRODUCTION

En vertu des articles 151-2 et suivants du règlement de l’Assemblée nationale, les propositions de résolution européenne sont instruites en deux temps avant d’être, le cas échéant, discutées en séance publique. Elles sont d’abord examinées par la commission des Affaires européennes, puis renvoyées devant la commission permanente compétente au fond.

Le présent rapport fait donc suite à la proposition de résolution européenne présentée devant la commission des Affaires européennes à l’occasion de la publication de l’examen annuel de la croissance (EAC) pour 2013 dans le cadre de la mise en œuvre du « semestre européen ». Étant du même auteur, il ne répète pas les différents points développés par la proposition mais il se penche de manière plus spéciale sur les engagements de la France en termes de réduction du déficit structurel.

Animés par la volonté d’assurer la viabilité budgétaire, la stabilité financière et de relancer la croissance économique de l’Union européenne, les États membres, lors du Conseil Ecofin du 7 septembre 2010, ont décidé d’instaurer un semestre européen, cycle annuel de coordination et d’évaluation des politiques économiques. Cette réforme s’inscrit plus globalement dans une démarche de gouvernance économique procédant à la définition de priorités et d'objectifs communs dans le cadre de la stratégie Europe 2020 (1).

Le semestre européen, mis en œuvre dès le premier semestre 2011, est constitué des étapes suivantes.

Fin novembre, la Commission européenne publie l’examen annuel de la croissance, fixant les priorités de l'Union européenne en matière de relance de la croissance et de création d'emplois pour l'année à venir.

Sur cette base, le Conseil européen identifie, en mars, les principaux défis économiques auxquels sont confrontées l’Union européenne et la zone euro et propose des orientations sur les réformes structurelles en matière budgétaire et macro-économique, ainsi que sur les secteurs porteurs de croissance.

En avril, les États membres présentent leurs programmes de stabilité ou de convergence, qui visent à garantir la viabilité de leurs finances publiques, ainsi que les réformes et les mesures destinées à progresser sur la voie d'une croissance intelligente, durable et inclusive (programmes nationaux de réforme).

En mai/juin, la Commission évalue ces programmes et, si nécessaire, adresse des recommandations propres à chaque pays. Le Conseil examine ces recommandations et le Conseil européen les approuve.

Enfin, fin juin ou début juillet, le Conseil adopte formellement les recommandations par pays.

L’année 2013 constitue la troisième édition de mise en œuvre du semestre européen dont la procédure a connu quelques aménagements récents.

Ainsi parmi ces nouvelles mesures, il est prévu que le « Parlement européen et les parlements nationaux des parties contractantes définissent ensemble l'organisation et la promotion d'une conférence réunissant les représentants des commissions concernées du Parlement européen et les représentants des commissions concernées des parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires » notamment, en vertu de l’article 13 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), signé le 2 mars 2012 par les États membres et ratifié par la loi n° 2012-1171 du 22 octobre 2012 (2). Ce traité est entré en vigueur le 1er janvier 2013.

À ce titre, le Rapporteur rappelle que l’implication des parlements nationaux à la procédure de semestre européen lui paraît indispensable et perfectible. C’est la raison pour laquelle il a appelé à la création rapide de cette conférence dans la proposition de résolution européenne sur l’ancrage démocratique du gouvernement économique européen, adoptée en séance le 27 novembre 2012.

Le semestre européen a été complété par les deux propositions de règlements communautaires renforçant la gouvernance économique dits « Two Pack » (3), adoptés en première lecture au Parlement européen le 13 juin 2012, qui ajoutent deux étapes à son calendrier : publication au plus tard le 15 octobre des « projets de lois budgétaires relatives aux administrations publiques » au sujet desquels la Commission européenne « adopte, si nécessaire, un avis (…) le 30 novembre au plus tard », cet avis étant ensuite examiné par l’Eurogroupe. Par ailleurs, ces textes fixent des procédures détaillées en vue de convaincre les États membres de modifier leurs budgets nationaux, conformément aux recommandations de la Commission. Enfin, est prévue l’institution d’un « conseil budgétaire indépendant », chargé d'évaluer la pertinence des prévisions macroéconomiques et du contenu du plan budgétaire.

L’Assemblée nationale a partiellement anticipé la mise en œuvre du « Two Pack ». En effet, la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques met en œuvre l’article 3 du TSCG qui instaure un Haut Conseil des finances publiques, organisme indépendant, chargé d’apprécier la pertinence des prévisions macroéconomiques sous-tendant les lois financières annuelles et pluriannuelles ainsi que la cohérence de ces lois par rapport à l’objectif de moyen terme de la France.

Un accord informel a été trouvé le 20 février 2013 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur le « Two Pack ». Il intègre notamment des modifications souhaitées par le Parlement visant à ce que les évaluations des budgets effectuées par la Commission soient plus globales, afin d'assurer que les coupes budgétaires ne soient pas réalisées au détriment des investissements dans le potentiel de croissance.

Le texte prévoit également que les États membres seraient tenus de détailler les investissements qui ont engendré un potentiel de croissance et d'emplois. Par ailleurs, le calendrier relatif à la réduction du déficit serait appliqué de manière plus souple en cas de circonstances exceptionnelles ou de grave récession économique.

Les partenaires sociaux et les organisations de la société civile se verraient reconnaître le droit d'exprimer leurs points de vue concernant les recommandations de la Commission.

Enfin, l’exercice des pouvoirs de la Commission en matière de contrôle budgétaire serait surveillé plus étroitement par les États membres et le Parlement européen. Pour ce faire, ces pouvoirs seraient renouvelés tous les trois ans et le Parlement ou le Conseil aurait la possibilité de les révoquer.

L’accord doit désormais être approuvé par le Parlement européen dans son ensemble. Le vote devrait avoir lieu durant la deuxième semaine de mars et les règles devraient entrer en vigueur pour le budget 2014.

***

Le semestre européen pour l’année 2013 a donc débuté par l’adoption le 28 novembre 2012 de l’examen annuel de la croissance (EAC). La Commission européenne a estimé que les efforts budgétaires commençaient à porter leurs fruits et qu’il était nécessaire de poursuivre les réformes pour favoriser une croissance durable et créer des emplois.

Par ailleurs, la Commission considère que les cinq priorités définies dans l'EAC pour 2012 (assurer un assainissement budgétaire différencié propice à la croissance ; revenir à des pratiques normales en matière de prêts à l'économie ; promouvoir la croissance et la compétitivité ; lutter contre le chômage et les conséquences sociales de la crise ; moderniser l'administration publique) demeurent pertinentes pour 2013. Cette année également, l’EAC met l’accent sur la situation du marché de l’emploi qui s’avère particulièrement préoccupante, notamment chez les jeunes (25 millions de chômeurs dans l’Union européenne et un taux de chômage des jeunes atteignant 50 % dans de nombreux pays).

Le Rapporteur souligne que la France s’inscrit clairement dans cette démarche de lutte contre le chômage et ce, conformément aux recommandations de la Commission, via l’accord sur la flexibilité du travail qui a été conclu le 11 janvier dernier entre trois syndicats (CFDT, CFTC et CFE-CGC) et les trois organisations patronales (Medef, CGPME, UPA).

Cette première étape vient de s’achever par la publication le 22 février 2013 par la Commission européenne de l’examen annuel de la croissance pour 2013 actualisé. La croissance du PIB atteindrait 0,1 % en 2013, affectant le déficit nominal qui s’élèverait à 3,7 % du PIB. Toutefois, la Commission estime que le déficit structurel français devrait passer de 6 % de PIB en 2010 à 1,9 % en 2013 (soit 4,1 points de PIB), représentant une diminution de 1 point par an, voire de 2,5 points sur les seules années 2012 et 2013.

Au même moment, la Cour des comptes salue l’effort structurel (4) réalisé en 2012 qui représenterait au total 1,4 point de PIB (passant de 5,2 % à 4,5 % du PIB) et indique qu’« un effort d’une telle ampleur n’avait jamais été réalisé en France depuis les années 1994 et 1996 » (5).

C’est dans ce contexte qu’a été déposée par Michel Herbillon et votre Rapporteur, le 26 février 2012, la proposition de résolution européenne sur l’élaboration des orientations stratégiques de la politique économique de l’Union européenne dans le cadre du semestre européen.

Les Rapporteurs soulignent que la France dispose d’un niveau de croissance supérieur à celui de la zone euro pour 2013 (– 0,3 %), et nettement supérieur à celui de la Grèce (– 4,4 %), de l’Espagne (– 1,4 %), de l’Italie (– 1 %) ou du Portugal (– 1,9 %).

Par ailleurs, si les politiques en matière d’assainissement budgétaire doivent être poursuivies par les États membres (dans l’ensemble, les déficits nominaux devraient redescendre à 2,8 % du PIB dans l’Union et à 3,4 % du PIB dans la zone euro), les stratégies de redressement des finances publiques doivent être axées en priorité sur les progrès accomplis en termes structurels, plutôt qu’en termes purement nominaux.

Dans ce contexte, l’effort réalisé par la France en matière de déficit structurel atteindrait 1,9 % du PIB en 2013. À ce titre, le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Olli Rehn, se fonde sur le respect par la France de ses engagements en matière de déficit structurel (diminution de 1 % du PIB par an en moyenne sur la période 2010-2013) pour indiquer qu’il devrait permettre et ce, conformément au TSCG, de repousser à 2014 l'échéance pour ramener le déficit nominal en dessous de 3 % du PIB.

Dès lors, il n’existe aucun obstacle s’opposant à ce que le Gouvernement demande un délai supplémentaire (à l’horizon 2014) pour atteindre l’objectif de 3 % de déficit nominal.

Enfin, la proposition appuie le projet élaboré par la Commission européenne dans sa communication du 28 novembre 2012 dans la perspective d’une Union économique et monétaire véritable et approfondie, d’étudier toutes les pistes susceptibles de mieux prendre en considération les programmes d’investissement productif dans le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa séance du mercredi 27 février 2013, la commission des Finances, statuant en application de l’article 151–6 du Règlement, examine la proposition de résolution européenne de M. Christophe Caresche, rapporteur de la commission des Affaires européennes sur les orientations européennes de politique économique (n° 743).

M. Pierre-Alain Muet, président. L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de résolution européenne sur les orientations européennes de la politique économique.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Cette proposition de résolution, adoptée hier par la Commission des affaires européennes, s’inscrit dans le cadre du semestre européen.

Il est important que l’Assemblée nationale s’exprime sur ce sujet après la publication des perspectives de croissance par la Commission européenne, que ce soit dans le cadre de la Commission des affaires européennes ou de la Commission des finances.

Je rappelle que le semestre européen est un processus commencé il y a trois ans, qui s’est déroulé les deux premières années dans un contexte particulier – la première étant une année de démarrage et la seconde ayant été perturbée chez nous par l’élection présidentielle, empêchant ainsi le Parlement d’y être associé autant qu’il l’aurait pu. Au cours de cette troisième année, en revanche, il est mis en œuvre complètement.

Ce processus de fédéralisation, ou plutôt d’intégration budgétaire européenne, est assez poussé. Il comporte plusieurs étapes principales : la publication en novembre de l’examen annuel de croissance – EAC – qui comporte un cadrage macro-économique pour l’année à venir –, puis la définition, sur cette base, en mars, d’orientations fixées pays par pays par le Conseil européen à partir des recommandations de la Commission, sachant que celle-ci a publié vendredi dernier l’actualisation de ses perspectives de croissance.

Ensuite, les pays sont tenus de présenter, en fonction de ces orientations, deux documents importants : le programme de stabilité, dans lequel doit figurer la trajectoire budgétaire de chacun des pays, et le programme national de réforme – PNR –, à l’appui de ce dernier. Cette année, pour la première fois, le premier sera soumis pour avis au Haut Conseil des finances publiques.

Au vu de ces documents, la Commission européenne élaborera des propositions de recommandations pays par pays, qui seront examinées au Conseil européen de juin prochain.

Le second semestre est essentiellement national. Il sera marqué par la mise en place du Haut Conseil des finances publiques, qui se saisira de la programmation annuelle des finances publiques et du projet de loi de finances. Mais il y aura une nouveauté liée à l’adoption de deux propositions de règlement communautaire – dits « Two Pack », venant compléter le « Six Pack », premier ensemble de textes définissant le semestre européen –, qui vont faire l’objet d’un accord dans le cadre du trilogue entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil européen. La Commission européenne pourra ainsi donner un avis sur les projets de loi de finances, qui sera ensuite examiné par l’Eurogroupe.

Notre assemblée se saisit, au travers de cette proposition de résolution, des perspectives annuelles de croissance définies par la Commission. Par la suite, elle sera amenée à adopter le programme de stabilité et le PNR et à s’exprimer dans le cadre du semestre dit national.

Je rappelle qu’elle a adopté une résolution pour demander la création d’une conférence budgétaire associant le Parlement européen et les parlements nationaux dans le cadre du semestre européen. Le président Claude Bartolone défend ce texte au niveau européen et une décision devrait être prise au mois d’avril à ce sujet avec les présidents de ces instances.

J’ai voulu centrer la proposition de résolution sur les propositions de la Commission qui viennent d’être publiées, que l’on appelle les « prévisions annuelles hivernales ». Elle insiste sur quatre points principaux.

En premier lieu, ces propositions font état d’une perspective de croissance plus dégradée que celle prévue en novembre dans l’EAC. La France se situe à un niveau moyen à cet égard par rapport aux autres pays européens.

Deuxièmement, si les politiques d’assainissement budgétaire doivent être poursuivies par les États membres, les stratégies de redressement des finances publiques doivent être axées en priorité sur les progrès accomplis en termes structurels plutôt qu’en termes nominaux. La proposition de résolution rappelle à cet égard l’effort réalisé par la France en matière de déficit structurel, qui atteindrait 1,9 % du PIB en 2013 – un effort que la Cour des comptes a qualifié d’historique. L’indicateur de déficit structurel, qui figure à la fois dans le traité budgétaire et dans le « Six Pack », doit selon nous en effet être retenu. Or au vu de celui-ci, il paraît justifié de repousser à 2014 l’échéance pour respecter l’objectif de déficit nominal.

Troisièmement, il convient d’approfondir la réflexion, engagée par la Commission, sur les pistes susceptibles de mieux prendre en considération les programmes d’investissement productif dans le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance. La France a d’ailleurs eu sur ce point une position constante.

Enfin, il est demandé que la Commission européenne intègre les éléments de relance en matière de croissance existant au niveau européen – que ce soit au travers de la stratégie 2020, du Pacte pour la croissance et l’emploi décidé au Conseil européen de juin 2012, ou du budget européen – et qu’elle rende compte de leur impact dans le cadre de l’EAC.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je soutiens cette proposition de résolution. Le rapporteur a fort bien dit l’importance de la notion de déficit structurel : je vous proposerai un amendement permettant d’insister davantage sur ce point.

L’ensemble de notre Commission devrait d’ailleurs avoir la même position compte tenu de l’évolution de ce déficit au cours des dernières années : de 6 % en 2010, il est passé à 4,4 % en 2011, puis à 3,3 % en 2012 et à 1,9 % en 2013. Envoyer le message, au travers de ce texte, que la France respecte ses objectifs dans ce domaine peut aider le Gouvernement à poursuivre les orientations données aux finances publiques.

M. Hervé Mariton. Le groupe UMP n’est d’accord avec quasiment aucun des points de la proposition de résolution, ni même avec les visas. Pourquoi, en effet, ne vise-t-elle pas les prévisions annuelles hivernales, qui sont citées ensuite ?

M. le rapporteur. Il me semble que c’est le cas, à l’alinéa 10.

M. Hervé Mariton. Je ne crois pas.

Sur le fond, ce texte est assez surréaliste compte tenu du contexte économique et budgétaire dans lequel nous sommes. Il montre non seulement que le Gouvernement et la majorité sont assez inconscients de la situation budgétaire et fiscale présente, mais aussi que vous demandez au Parlement de couvrir une stratégie d’évitement.

Concernant le point 1, je ne pense pas qu’on puisse parler d’une dégradation « générale » des perspectives de croissance : les prévisions d’hiver de la Commission pour 2014 ont ceci de cruel qu’elles font apparaître des perspectives de reprise en Allemagne bien plus dynamiques qu’en France.

S’agissant de l’effort d’ajustement structurel, je prends acte de ce que le rapporteur général vient de dire, à savoir qu’il a été engagé depuis plusieurs années. Il n’en demeure pas moins insuffisant.

Quant aux réformes structurelles évoquées au point 3, elles ne sont pas à la hauteur, et la distinction entre le déficit nominal et le déficit structurel ne suffit pas à le justifier.

En ce qui concerne la prise en compte des investissements productifs mentionnés au point 4, il convient d’être prudent : on bute constamment sur la définition précise de ceux-ci, qui peuvent avoir un effet vertueux, mais aussi contribuer à l’aggravation de l’état des finances publiques. Il ne faut pas adopter l’approche trop générale qui est proposée, qui exonérerait les investissements productifs de l’effort d’assainissement budgétaire auquel nous sommes contraints.

Enfin, sur le point 5, si on peut être intéressé par un bilan sur la mise œuvre du Pacte pour la croissance et l’emploi – les engagements de l’exécutif semblant manquer de réalisme à cet égard –, les effets multiplicateurs et complémentaires du budget de l’Union par rapport aux politiques et investissements développés à l’échelon local, régional et national s’inscrivent dans une vision économique que nous ne partageons pas.

Quant à l’amendement proposé par le rapporteur général, il ne nous paraît pas plus convaincant.

M. Dominique Lefebvre. Le groupe SRC soutiendra cette résolution ainsi que l’amendement présenté par le rapporteur général, pour plusieurs raisons.

D’abord, nous nous situons dans une situation de dégradation économique générale dans l’Union européenne – qui est plus marquée au quatrième trimestre dans d’autres pays, notamment en Allemagne, qu’en France. Or si la situation relative de notre pays, notamment en termes de déficit public, est plus dégradée que celle de la plupart de nos partenaires européens, ce n’est pas de la responsabilité de l’actuelle majorité, mais de la précédente !

Deuxièmement, ce texte met bien en avant le point essentiel, qui figure dans le traité sur la stabilité, à savoir raisonner en termes de déficit structurel, c’est-à-dire permettre, dans une situation dégradée, de faire jouer les stabilisateurs économiques. L’ensemble des États européens et des institutions européennes doivent s’engager en ce sens.

Troisièmement, il faut, dans la conjoncture actuelle, une coordination plus importante des politiques économiques et mettre en œuvre le Pacte pour la croissance et l’emploi de juin 2012 tel qu’il a été négocié par le Président de la République.

M. Philippe Vigier. Il s’agit d’un sujet grave, au moment où la situation économique de la France et de l’Europe n’a jamais été aussi difficile. Monsieur Lefebvre, le déficit structurel aura diminué à la fin de 2013 de 4,1 points depuis 2010 ! La précédente majorité avait donc très largement entamé cette réduction.

En outre, je ne me satisfais pas, au nom du groupe UDI, qu’on ne parle pas du déficit nominal et que celui-ci passe à 3,6 ou 3,7 % cette année, au lieu de l’objectif de 3 % qui était prévu. L’année précédente, on avait d’ailleurs fait plutôt mieux par rapport à l’objectif affiché. N’oublions pas non plus à quel prix le déficit structurel a été diminué : en collectant 33 milliards d’impôts supplémentaires !

De plus, les critères d’appréciation du déficit structurel ne sont pas les mêmes entre la Commission européenne et le Gouvernement.

Enfin, nous avons toujours dit que le Pacte pour la croissance et l’emploi de 120 milliards d’euros était un habillage : seulement un peu plus de 2,1 milliards d’euros seront consacrés à la France. Il n’est donc pas à la hauteur des enjeux actuels et le manque de mesures prises par le Gouvernement en la matière ne peut que nous inquiéter.

M. Éric Alauzet. Nous sommes favorables, au groupe écologiste, à cette proposition de résolution, même si nous pensons qu’il faut faire preuve de beaucoup d’humilité sur les perspectives de croissance en France et en Europe.

Le chemin est étroit entre la nécessité de réduire la dette et le risque de l’austérité, les deux pouvant pénaliser notre économie. Si certains feignent de penser qu’on va tout régler en réduisant les dépenses, alors qu’ils ne l’ont pas fait – en tout cas, pas à la hauteur de ce qui était nécessaire – quand ils en avaient la possibilité, les marges d’action sont limitées en la matière de même qu’en termes d’augmentations d’impôts.

Ce texte aurait pu, dans ces conditions, être assorti d’orientations supplémentaires : une lutte résolue contre l’évasion fiscale – le travail est déjà engagé – et la fiscalité écologique comme recette complémentaire. On aurait pu aussi prévoir une préconisation en faveur de la nécessaire harmonisation fiscale en Europe et de la sélectivité des projets d’investissements aux niveaux français et européen, anticipant la montée en puissance de la fiscalité écologique.

M. Jean-François Lamour. Ce texte tient plus du tract politique que de la résolution ! Vous masquez par ce biais un certain nombre d’erreurs originelles du gouvernement Ayrault et des promesses non tenues du Président Hollande.

À partir du moment où vous commencez par engager 20 milliards d’euros de dépenses supplémentaires et que vous mésestimez la croissance en France et en Europe, je comprends que vous cherchiez à occulter votre incapacité à restructurer réellement la dépense publique dans notre pays et à atténuer auprès de nos partenaires européens la portée des erreurs commises depuis huit mois !

Quant à l’amendement du rapporteur général, il gomme le fait que vous ne teniez pas l’objectif de déficit de 3 %, ce qui est inacceptable.

Je ne pense donc pas que cette résolution fasse avancer le débat.

M. Laurent Baumel. Je soutiens la volonté du rapporteur de mettre l’accent sur le déficit structurel, qui n’est pas la voie de l’évitement, mais de la raison et de l’équilibre !

On peut, au travers de cette notion, faire converger trois idées simples : la reconnaissance de la nécessité de procéder à un assainissement de nos dépenses publiques, après une décennie où les dépenses fiscales ont été trop importantes et improductives et où on aurait pu faire davantage d’économies ; la nécessaire souplesse conjoncturelle – il ne faut pas que la politique budgétaire soit procyclique : on le sait depuis les années 1930 et ce qui se passe aujourd’hui en Italie doit nous faire réfléchir sur les conséquences des cures d’austérité trop rigoureuses –; enfin, la possibilité d’extraire les dépenses d’investissement et d’avenir du calcul du déficit, dans la mesure où elles permettent d’améliorer le taux de croissance potentielle et de réduire ainsi le déficit par d’autres biais que la recherche conjoncturelle d’économies ou de recettes supplémentaires.

M. Olivier Carré. Je remercie le rapporteur général d’avoir rappelé qu’entre 2010 et 2011, le déficit structurel avait diminué de 1,6 point, ce qui relativise le point 2 de la proposition de résolution, faisant état d’un effort d’1,4 point de réduction en 2012, n’ayant plus été réalisé en France depuis 1996.

Par ailleurs, je rappelle que notre rôle est de contrôler l’exécutif, non d’adopter des tracts de soutien ! J’aurais dit exactement la même chose sous la précédente législature. D’ailleurs, le gouvernement précédent n’a jamais demandé de résolution de cette nature lors des négociations difficiles qu’il a menées. En outre, l’engagement de réduire les déficits date de 2010 et ce travail nous engage tous.

Si, en Allemagne, la chancelière défend des dispositions adoptées par le Parlement, en France, l’exécutif négocie avec les autres pays et nous avons une mission, certes d’appui, mais aussi de contrôle, notamment au sein de notre commission. Se féliciter de points dont on ne pourra juger que lors de la clôture des comptes de 2013 revient à s’engager sur un terrain particulièrement délicat.

De plus, à partir du moment où l’on fait reposer la résorption du déficit budgétaire sur la fiscalité, on accroît structurellement le rôle de la conjoncture à cet effet. Or l’objectif reste la diminution du déficit nominal, qui permet de réduire la dette. Aujourd’hui, le Gouvernement a beau jeu de se réfugier derrière un déficit structurel alors qu’il fait essentiellement peser la résorption des déficits sur des aléas conjoncturels : si, pour l’instant, la France peut continuer à discuter sur ces bases au niveau européen, cela ne pourra tenir un an !

Mme Marie-Christine Dalloz. On vous avait suffisamment dit, à la fin de l’année dernière, que vos prévisions de croissance n’étaient pas plausibles et que la baisse des déficits prévue n’était pas réaliste. Vouloir dès lors adopter cette proposition de résolution est assez aberrant. Elle relève d’une posture politique. C’est inédit !

Monsieur le rapporteur, quelles sont les réformes structurelles importantes évoquées au point 3 que vous avez menées à bien en matière budgétaire au cours des huit derniers mois ?

M. Jérôme Lambert. Vous vous étonnez que nous puissions nous adresser ainsi aux institutions européennes, mais il s’agit d’un processus nouveau, que nous avons tous voulu, et qui permet aux parlements nationaux de prendre une place fondamentale dans les discussions européennes. L’Europe a beaucoup trop souffert de la distance qu’il peut y avoir entre les décisions prises dans certaines de ses institutions et les peuples. Nous sommes au contraire tout à fait dans notre rôle, même si l’on peut être en désaccord avec le Gouvernement !

Je soutiens donc pleinement cette proposition de résolution.

M. Laurent Grandguillaume. Je trouve assez décadent de comparer une proposition de résolution à un tract politique ! Il s’agit d’engager notre pays ! Vous ne pouvez à la fois faire preuve d’impuissance politique, comme ce fut le cas pendant dix ans, et venir ensuite nous donner des leçons quand nous engageons des dynamiques au plan européen pour faire évoluer la situation dans le bon sens. Il vous appartient d’exercer votre devoir d’inventaire et non seulement votre droit d’inventaire ! Ayons donc un vrai débat.

M. Claude Goasguen. Cette initiative, qui consiste à se servir du Parlement pour soutenir la position du Gouvernement, ne correspond pas du tout à l’objet des résolutions, qui ne sont pas des actes pétitionnaires. C’est un détournement de procédure !

Au fond, vous nous demandez de dire : il n’y a pas que le Gouvernement qui s’engage dans une voie sans issue auprès de l’Union européenne, le Parlement le soutient. Mieux vaudrait poser la question de confiance !

M. Olivier Faure. L’opposition se réfugie dans un rejet complet au prétexte de la nature juridique de la résolution. Il aurait été pourtant intéressant qu’elle nous dise plutôt – y compris par voie d’amendement – les réformes structurelles qu’elle souhaite, car entre celles qu’elle n’a pas mises en œuvre lorsqu’elle était aux affaires et celles qu’elle ne fait pas connaître aujourd’hui, on peut se demander si, au-delà de la pétition de principe, elle a quelque chose à apporter au débat.

Compte tenu du déficit nominal que vous nous avez laissé et des résultats que nous avons obtenus en neuf mois, vous ne pouvez nous donner des leçons !

M. Yves Censi. Cette proposition de résolution ressemble à une farce : c’est un exercice d’autosatisfaction inédit. La Commission des finances a pour mission de contrôler l’action du Gouvernement, non celle de l’opposition !

Vous essayez de convaincre ceux qui ne le seraient pas que la France est en train de mener une politique budgétaire qui, bien qu’incomprise en Europe, devrait être louée. Adopter un tel texte serait une honte !

M. Jean-Pierre Gorges. L’erreur de départ est d’avoir ajusté les perspectives de croissance à l’engagement d’un déficit à 3 % du PIB. Il aurait été pourtant facile d’expliquer que cet objectif ne pouvait être atteint tout de suite et de proposer une trajectoire de réduction plus graduelle. Cela fait des années que je condamne le procédé consistant à définir les perspectives de croissance en fonction du résultat que l’on souhaite.

Si nous adoptons une résolution, elle doit être constructive et s’appuyer sur les ressources dont notre pays pourrait tirer profit au travers de réformes structurelles. J’ai fait un certain nombre de propositions dans ce domaine. Le niveau élevé de nos dépenses publiques doit nous permettre de trouver des marges de manœuvre. Il explique d’ailleurs le fait que notre croissance chute moins que dans d’autres pays, sachant que ce phénomène d’inertie limite aussi les reprises.

Par ailleurs, les 40 milliards d’euros que nous consacrons au budget de la défense pourraient être retirés du calcul du déficit pour permettre une comparaison plus objective entre les pays européens.

Ce n’est pas avec des congratulations que l’on va réussir à convaincre nos partenaires européens !

M. Xavier Bertrand. La démarche sous-tendue par ce texte est aussi désinvolte que celle du Président de la République lorsqu’il dit qu’il ne tiendra pas l’engagement de réduction des déficits ou que la déclaration selon laquelle on revient sur l’objectif d’inverser la courbe du chômage.

Il faut admettre que nous sommes aujourd’hui dans un état d’isolement sans pareil. Alors qu’on nous avait proposé un pacte de relance et de croissance, le Président de la République a accepté un budget d’austérité lors du dernier sommet européen. Cela doit déplaire à certains sur les bancs de la gauche : il faut qu’ils l’acceptent et qu’ils le disent ou se convertissent, comme M. Emmanuelli, qui est maintenant pour l’augmentation de la durée de cotisation pour les retraites.

Par ailleurs, où sont les initiatives françaises en matière de convergence fiscale ou sociale alors qu’on va certainement nous faire prendre le chemin d’un nouveau traité dans les années qui viennent ?

Je ne suis pas pour que l’on transpose la politique d’austérité de M. Monti – que l’on règle les problèmes budgétaires au prix d’une mort économique et sociale. Mais où sont les engagements de réformes structurelles françaises qui nous permettraient de nous en sortir de façon juste après une étape de rigueur ? Je ne vois pas émerger la vision d’un modèle français conquérant pour les années à venir.

M. le rapporteur. Je suis favorable à l’amendement du rapporteur général qui complète utilement la proposition de résolution.

Monsieur Mariton, les perspectives de croissance établies par la Commission européenne en 2013 sont de – 0,3 % pour la zone euro, 0,1 % pour l’Union européenne et la France, et 0,5 % pour l’Allemagne – dont je regrette qu’elle n’ait pas une prévision plus favorable. Comment un pays enregistrant des excédents aussi importants peut-il avoir une croissance aussi faible ? Nous appelons donc, au travers de ce texte, à une coordination plus étroite des politiques économiques, dans laquelle les pays excédentaires tendent à accroître leur demande intérieure, permettant ainsi aux pays déficitaires d’agir sur leur compétitivité. Or nous n’en sommes pas là.

Monsieur Vigier, le débat sur la distinction entre déficit structurel et déficit nominal, qui est en train d’être mené au niveau européen, notamment au sein de la Commission, est tout à fait fondé. Le premier est un indicateur beaucoup plus pertinent que le second. Si l’on devait réduire encore le déficit nominal, on ajouterait de l’austérité à la récession. Nous n’en voulons pas : la proposition de résolution tend à dire que, dans le contexte de croissance de l’Europe, il n’est pas question d’amplifier des politiques ayant un effet récessif.

Monsieur Alauzet, le débat sur les politiques menées aura lieu au stade de l’adoption du programme de stabilité et des PNR : nous pourrons alors débattre des réformes structurelles.

Je considère que le semestre européen change assez profondément la manière dont les budgets nationaux sont réalisés. Il faut que nous en tirions les conclusions pour nous-mêmes. L’Assemblée nationale doit donc s’exprimer dans ce cadre, non seulement pour contrôler le Gouvernement, mais aussi pour donner son avis sur les orientations et les positions prises au niveau européen, notamment par la Commission européenne. Tel est l’objet de cette proposition de résolution : le Parlement est parfaitement dans son rôle ; nous ne le remplirions pas complètement si nous nous limitions à contrôler le Gouvernement - c’est aussi la raison pour laquelle j’ai proposé une conférence budgétaire. En outre, les commissaires européens tiennent compte de ce type d’expression.

Monsieur Censi, il n’y a pas d’autosatisfaction : nous nous sommes bornés à rappeler ce que dit la Cour des comptes. Cette proposition de résolution tend à poser un certain nombre de problèmes et à leur trouver des solutions dans un esprit constructif.

Monsieur Bertrand, il n’y a pas non plus de désinvolture ou d’isolement de la France, car au niveau européen, les choses sont en train de changer. La question de la soutenabilité des ajustements budgétaires est posée, de même que celle de la croissance. J’interprète de façon tout à fait favorable les premières déclarations du commissaire européen aux affaires économiques et financières, M. Olli Rehn, qui vont dans ce sens.

La Commission en vient à l’examen de l’article unique.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement CF 2 de M. Pierre-Alain Muet et CF 1 du rapporteur général.

M. Pierre-Alain Muet. La meilleure façon de coordonner les politiques économiques en Europe de façon à éviter d’entrer dans un cercle récessif est de se conformer aux objectifs de déficit structurel. Ceux-ci ont un double avantage : respecter les choix politiques qui ont été faits – on incorpore en effet des mesures structurelles dans les budgets que l’on vote, qu’il s’agisse de l’objectif de dépenses ou des impôts – et laisser jouer les stabilisateurs automatiques, pour éviter la récession. Si l’Europe a peu l’habitude de coordinations délibérées – au contraire de celles encadrées par des règles –, celle-ci est une des plus faciles à mettre en œuvre.

Mon amendement tend donc à ajouter à la fin de l’alinéa 15 les mots « notamment en privilégiant le respect d’objectifs de soldes structurels. », ceux-ci constituant une avancée des traités européens.

M. le rapporteur général. En juin 2011, la majorité d’alors a adopté une motion sur le programme de stabilité : comment dire dès lors que l’Assemblée nationale n’est pas dans son rôle aujourd’hui ?

S’agissant des déficits structurels, il est peut-être plus facile de passer de 6,1 % à 6 %, comme vous l’avez fait, mesdames et messieurs de l’opposition, que de 3,3 % à 1,9 % : on sait bien que les premiers kilos sont les plus aisés à perdre ! Un mouvement a été amorcé, certes trop tardivement, mais il a été nettement amplifié : vous pourriez avoir une position plus consensuelle.

Quant aux réformes de structures, madame Dalloz, je vous rappelle que nous avons mis en place la Banque publique d’investissement – BPI –, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE –, qu’a été passé un accord national interprofessionnel et que nous avons adopté une loi sur la séparation des activités bancaires !

Mon amendement consiste à insister sur l’importance que revêtent les objectifs de solde structurel dans le cadre des procédures de coordination budgétaire au sein de la zone euro, lesquels figurent dans le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance - TSCG – et la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, que nous avons adoptée à une large majorité.

Monsieur Lamour, je vous rassure : il ne propose une nouvelle rédaction que de la première phrase de l’alinéa 17 ; la deuxième partie de celui-ci, qui fait référence à l’objectif de 3 %, ne disparaît pas.

M. Hervé Mariton. Les objectifs structurels font en effet partie des traités, mais je ne sais pas s’il faut à ce point chercher à s’y raccrocher, en les privilégiant de manière quasiment exclusive. S’agissant de la partie non structurelle du solde, il faudra bien à un moment payer la dette qui lui correspond !

M. le rapporteur général. Vous n’avez pas à nous donner de leçons dans ce domaine !

M. Hervé Mariton. Je ne fais que constater une situation.

Vous nous dites que le mouvement amorcé a été insuffisant : je suis d’accord avec vous, mais ce n’est pas parce qu’il l’était hier qu’il faut s’interdire d’affirmer qu’il l’est encore aujourd’hui !

Par ailleurs, l’effet que peut avoir une politique exclusivement destinée au déficit structurel, signalé par Olivier Carré, doit être pris en compte.

Le malaise que certains ont ici à adopter une proposition de résolution de cette nature est probablement lié à l’imprécision caractérisant la gouvernance actuelle. La notion de fédéralisation évoquée avec des précautions oratoires par le rapporteur l’atteste. Nous sommes dans un processus en construction. Au-delà de l’appréciation politique sur cette proposition de résolution qui nous paraît particulièrement malvenue, nous sommes dans un entre-deux qui n’est pas heureux. Si l’on s’engage dans une fédéralisation, il faut l’assumer explicitement et prévoir les procédures de contrôle démocratique et parlementaire nécessaires, ce qui n’est pas le cas. Si je ne condamne pas le fait d’essayer de trouver un palliatif, il n’en demeure pas moins une difficulté sur le fond.

Compte tenu de l’importance du sujet, le groupe UMP demandera que ce texte soit inscrit à l’ordre du jour de la séance publique.

Mme Eva Sas. Je suis très favorable à l’alinéa 15, qui introduit une dimension importante : la coordination et les interactions des politiques budgétaires et la nécessité de soutenir la demande intérieure en Europe. Or l’amendement CF 2 semble en affaiblir la portée en rappelant la nécessité de respecter les objectifs de soldes structurels.

M. Claude Goasguen. Monsieur le rapporteur, les soldes structurels dont vous avez parlé sont très hypothétiques, car vous avez mélangé des éléments qui ne sont pas encore votés à d’autres qui l’ont été mais qui ne sont pas encore en application. En outre, la notion de solde structurel élaborée par le Gouvernement relève plutôt du domaine littéraire…

Par ailleurs, je rappelle que nous nous sommes exprimés sur ce sujet par le biais de motions, non de résolutions, et avant que le Gouvernement ne prenne position, ce qui est dans le rôle d’initiative et de contrôle du Parlement. Mais demander à celui-ci de cautionner par un vote cette position excède l’objet de la résolution, qui doit être une incitation adressée au Gouvernement pour aller dans un sens déterminé. Je ne serais pas contre inventer une nouvelle procédure juridique nous permettant d’intervenir dans un cadre fédéral, comme le suggère Hervé Mariton, mais la méthode employée ici est à la fois juridiquement contestable et dangereuse, car elle réduit le Parlement à un rôle de pétitionnaire. La Commission des finances n’a pas à être le pétitionnaire d’un gouvernement en difficulté !

M. Jean-Christophe Lagarde. Lors de la réforme constitutionnelle de 2008, que les membres de l’actuelle majorité n’avaient pas approuvée, la question juridique du recours à la résolution s’est posée dans ces termes. Le but de celle-ci, tel qu’il avait été pensé et difficilement accepté par l’exécutif, était d’encadrer ce dernier ou de l’inciter à agir, non de commenter ses actes a posteriori.

Monsieur le rapporteur, je vous invite à davantage de modestie s’agissant de l’Allemagne : la France aimerait sans doute avoir la situation budgétaire et commerciale de ce pays. Vouloir faire peser la responsabilité des déficits de croissance français sur ce dernier, après l’avoir fait sur le gouvernement précédent, me paraît peu crédible.

Sur les déficits structurel et nominal, je me réjouis que vous changiez votre fusil d’épaule, car lorsqu’il s’est agi en 2009 de ne pas contenir le déficit pour des raisons conjoncturelles, on ne vous entendait pas faire la distinction entre les deux – laquelle me paraît d’ailleurs légitime.

Le budget européen accepté par la France par la voie du Président Hollande, très isolé sur ce point, est davantage celui de M. Cameron : s’il peut être amélioré, je ne suis pas sûr que l’on soit en mesure de changer les choses sur cette base. Le Parlement européen sera peut-être plus efficient pour ce faire.

S’agissant enfin de l’amendement CF 1, je conteste le fait d’estimer que la France mène des réformes structurelles importantes pour atteindre les objectifs d’amélioration du solde structurel : la pseudo-loi de séparation des activités bancaires, qui touchera 1 ou 2 % de celles-ci, ne changera rien au déficit structurel de la France, pas plus que le CICE, la BPI ou l’accord national interprofessionnel. Les réformes structurelles devraient viser à modifier le fonctionnement de l’État, son périmètre et la façon dont nous utilisons l’argent public, ce que vous n’avez pas commencé à faire.

M. Pierre-Alain Muet. Madame Sas, je dis que ne pas ajouter de l’austérité à la récession aujourd’hui, c’est respecter l’objectif de déficit structurel que nous avons voté. Parler de déficit structurel plutôt que de déficit excessif consiste en fait à mettre un peu de keynésianisme dans la politique européenne.

M. le rapporteur. Je suis favorable aux deux amendements.

La Commission adopte les amendements CF 2 et CF 1, puis l’article unique de la proposition de résolution européenne modifiée.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION (6)

Amendement n° CF-1 présenté par M. Christian Eckert :

Article unique

À l’alinéa 17, rédiger ainsi la première phrase :

« Estime que la France mène des réformes structurelles importantes et respecte ses objectifs d’amélioration du solde structurel, qui constitue la référence, prévue par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, au regard de laquelle doit s’apprécier le respect des engagements budgétaires ; »

Amendement n° CF-2 présenté par M. Pierre-Alain Muet :

Article unique

Compléter ainsi l’alinéa 15 :

« , notamment en privilégiant le respect d’objectifs de soldes structurels. »

© Assemblée nationale

1 () Europe 2020 est la stratégie de croissance sur dix ans de l'Union européenne. Elle vise à résoudre la crise et mettre en place les conditions d'une croissance durable et intelligente inclusive. Pour ce faire, l'Union européenne s'est fixé cinq objectifs clés, à atteindre d'ici la fin de la décennie. Ils concernent l'emploi, l'éducation, la recherche et l'innovation, l'inclusion sociale et la réduction de la pauvreté, ainsi que le changement climatique et l'énergie. La stratégie comporte également sept «initiatives phare» qui soutiennent les priorités d'Europe 2020, dans des domaines tels que l'innovation, l'économie numérique, l'emploi, la jeunesse…

2 () autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire.

3 () Proposition de règlement relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière au sein de la zone euro (COM (2011) 819 final) et proposition de règlement établissant des dispositions communes pour le suivi et l'évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro (COM (2011) 821 final).

4 () qui mesure la contribution de la hausse des prélèvements obligatoires et de la maîtrise des dépenses publiques à la réduction du déficit.

5 () Cour des comptes, Rapport public annuel pour 2013.

6 () La présente rubrique ne comporte pas les amendements déclarés irrecevables ni les amendements non soutenus en commission. De ce fait, la numérotation des amendements examinés par la commission peut être discontinue.